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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.4eme étape : Jeudi 20 août 2009.

Prats-de-Mollo (753 m) - Notre-Dame de Coral (1.091m)

9 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

"Un doux crépuscule d'avril descendait sur le Vallespir encore embrasé des rougeurs ardentes du couchant. C'était l'heure où le rose et l'orangé se disputent, en tons dégradés, les lisières du ciel et se fondent en cette teinte merveilleuse et indéfinissable qui incendie la crête des hautes montagnes". Extrait du roman " Domenica ou la vallée âpre ". Marie Vallespir.

 

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.SANS MIR, J'AI FAIT LE MINIMUM :

A l'hôtel-restaurant Ausseil, on soigne les clients. Hier soir, le patron a mis tout en œuvre pour que je puisse manger en terrasse. Il est allé chercher un petit guéridon où il m'installa comme un nabab. Seul le service pouvait être critiquable car il a été un peu long mais il faut dire que les tables étaient nombreuses et les clients aussi. Pourtant, en prenant le menu du jour fait d'une escalivade, d'un pavé de morue à la catalane et d'une crème catalane, je pensais pouvoir expédier ce souper typiquement catalan pour partir me coucher tôt. Il n'en a rien été, mais je n'ai pas eu à le regretter. Cette cuisine du terroir était excellente et en plus, tout seul dans mon coin, je me suis bien marré. Il y avait juste derrière moi un groupe de huit personnes, pour moitié catalanes et, pour l'autre moitié parisiennes et le contraste étonnant de ces deux accents antinomiques avait quelque chose de sympathiquement cocasse. Les gens d'ici parlaient ce sympathique français du terroir avec des mots mâchouillés aux intonations catalanes et chez les parigots, les hommes avaient cet accent argotique du titi parisien et les femmes, cet accent pointu à vous crever un œil. Dans le brouhaha général, je ne comprenais pas tout des conversations mais ces échanges et surtout ces sons, que tout opposait, étaient un régal pour mes oreilles et pour mon moral. Aussi, quand le groupe finit par quitter le restaurant, mon intérêt de rester à table disparut avec lui. Il est 23 heures et temps d'aller dormir. Mais du sommeil, il n'y en eut point cette nuit-là. Les orties que j'avais piétinées cet après-midi se rappelaient à mon bon souvenir et les inflammations avaient redoublées d'intensité et étaient devenues insoutenables. A aucun moment, je ne réussis à dormir, à peine somnoler parfois, car dans cette bataille du sommeil et du réveil que se livrait la lassitude et les brûlures, ces dernières gagnaient sans cesse. J'ai essayé une pommade anti-inflammatoire et une à l'arnica, mais sans succès et, seules les douches d'eaux chaudes, que je prenais régulièrement, arrivaient à calmer temporairement ces douleurs.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

En jaune, c'est l'hôtel Ausseil où j'ai été parfaitement reçu. Mais les piqûres d'orties m'ont empêché de dormir. A droite, le porche de la ville fortifiée

Cette nuit sans dormir a été un vrai calvaire, mais elle présenta l'avantage de me laisser un temps infini pour réfléchir. Mais de toutes ces réflexions, deux revenaient sans cesse et se résumaient ainsi :

1- Pourquoi hier m'étais-je obstiné si longtemps dans ce guêpier avant de faire demi-tour ?

2- Que faire aujourd'hui pour ne pas renouveler cette triste et périlleuse expérience, si elle vient à survenir ?

Je répondais à la première interrogation, en reconnaissant mon entêtement à vouloir coûte que coûte cheminer le Tour du Vallespir. Mais est-ce si important de passer par ce chemin ou bien par un autre ? Et le but n'est-il pas de découvrir le Vallespir et d'arriver à l'endroit désiré ? A la première question ma réponse fut " NON " et à la deuxième ce fut " OUI ". Mais au fond de moi, je savais qu'il y avait eu autre chose aussi, quelque chose d'inconscient, comme une espèce de fascination à vouloir me mesurer à des forces et à des éléments que la nature, elle-même, avait vaincus. Après coup, j'avais le sentiment que mon entêtement à vouloir avancer dans cette forêt massacrée avait été un peu comme aller à la rencontre d'un mystère que je me devais d'élucider.

Mais désormais, il fallait que je me penche sur l'essentiel. De la solution à la première réflexion découla la résolution de la seconde et je me mis à compulser immédiatement mes cartes. Car la solution se trouvait automatiquement là. Fallait-il que je continue l'itinéraire du Tour du Vallespir, alors que dans ce secteur de Prats-de-Mollo, nombres de chemins ravagés par la tempête Klaus étaient peut-être encore barrés et impraticables ? Pour atteindre Notre-Dame de Coral, objectif de cette quatrième étape, il y avait le GRP Tour du Vallespir avec 21 kilomètres à parcourir, une rude ascension à la Tour de Mir, que je connaissais bien, par le boisé Bassin du Canidell, puis la rectiligne et aplanie crête boisée du Pic des Miquelets (1.632 m) et pour terminer, la descente boisée du Col d'Ares (1.513 m) jusqu'à l'ermitage. Cet itinéraire qui était enregistré dans mon GPS avait un dénominateur commun : " Boisé ". Le mot qui enfante une grosse boule dans mon estomac que je n'arrive plus à expulser. Mais pour se rendre à Notre-Dame de Coral, il y avait aussi un P.R. (Promenades et randonnées) sur la carte, un itinéraire parfaitement dessiné et surligné en rouge. Je l'avais déjà remarqué en étudiant le Tour du Vallespir. Moins long de 10 à 11 kilomètres que le GRP, je l'avais jugé comme une alternative très intéressante en cas de gros pépins physiques. Or, les pépins physiques étaient là ! Alors que faire ? Ce chemin circulait lui aussi en forêt, mais il présentait l'avantage de couper et de longer de manière quasi parallèle la D.115 qui descend du poste frontière du Col d'Ares. Et je me disais que si des arbres étaient tombés, c'est bien dans ce secteur où se trouve la départementale qu'on avait du certainement les dégager en priorité.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Prats-de-Mollo a un riche patrimoine historique et culturel. Ici une jolie cour de chapelle fleurie et ornée de fresques où l'on distingue les deux saintes. Mais pas le temps de m'attarder. Dommage !

A 5 heures du matin, quand j'éteins la lumière pour tenter de trouver une dernière fois un sommeil réparateur, j'ai pris quelques bonnes résolutions et pour ne pas en oublier, je les ai écrites dans mon petit calepin :

a) Me rendre demain matin à l'Office du Tourisme et demander des informations sur le GRP Tour du Vallespir qui passe par la Tour de Mir et sur le P.R., l'autre chemin qui va à Notre-Dame de Coral.

b) Si le GRP Tour du Vallespir est dans son intégralité praticable, je l'emprunterai.

c) Si je n'ai pas d'informations suffisamment précises et fiables, j'éviterai le GRP Tour du Vallespir au profit de l'autre chemin.

d) Si ce chemin est lui aussi impraticable, je prendrais la D.115 jusqu'au col de la Guilla puis la piste qui va à Can Moulins et enfin le sentier qui rejoint Notre-Dame de Coral.

e) Informer les responsables de l'Office du Tourisme quant à la galère que j'ai connu hier entre le Puig des Lloses et le Col du Miracle pour que d'autres randonneurs ne tombent pas dans le même piège.

f) Passer à la pharmacie pour acheter un calmant qui soulagera mes brûlures.

g) Penser à passer dans une épicerie car l'hôtel Ausseil ne prépare pas de panier pique-nique.

Dans ce combat de titans que se livrèrent toute la nuit le sommeil et l'éveil, ce dernier finit par jeter l'éponge vers 6 heures du matin et je m'endormis. Mais vers 7 heures, le bruit de quelques véhicules de livraison dans les ruelles avoisinantes arbitrèrent et mirent fin définitivement à cette bagarre dont je sortis comme le seul vaincu, terrassé et fourbu.

Depuis mon départ d'Amélie, c'est le premier jour où je suis réellement fatigué et courbaturé. Mon genou gauche est meurtri, me fait mal et la plaie pourtant peu profonde n'est pas jolie à voir car elle suppure abondamment. La douche chaude me réveille un peu mais n'a pas sur mon organisme cet effet habituel de stimulation. La fatigue est là et si je ne fais rien, elle ne s'arrangera pas au fil de la journée. Je mets sur mon genou une compresse de mercurochrome que je scotche avec un gros bout de sparadrap. Pour calmer les douleurs et les inflammations, je prends dans ma pharmacie deux Propofan et un Cycladol que j'avalerai avec le petit déjeuner.

La terrasse de l'hôtel Ausseil est quasi déserte et hormis un couple de touristes et la charmante serveuse qui vient me servir, il n'y a personne. Je prends seul ce copieux petit déjeuner sous l'œil prévenant et souriant de l'agréable serveuse. Cette dernière m'indique où se trouvent la pharmacie, l'Office du Tourisme et une superette. Par bonheur, tous ces commerces sont situés sur la place du Foirail, mais par contre, elle ne sait pas me dire quels sont les horaires d'ouverture. Les brûlures aux jambes étant toujours virulentes, il m'importe de me soigner dans un premier temps. Par les ruelles désertes, je pars aussitôt en direction de la Place du Foirail. Mais il n'est pas encore 8 heures et tout est fermé sauf la superette qui est ouverte, mais son unique employée est occupée à recevoir un camion de livraison. Au moment où je m'apprête à entrer, la commerçante d'un air ironique et caustique me dit en ricanant : Nous ouvrons à neuf heures ! Je repars vers les ruelles de la ville fortifiée où sans problème, je peux, grâce à une épicerie et à une boulangerie ouvertes, constituer un panier repas pour midi. Je reprends le chemin de l'hôtel, paye ma note par chèque car l'agréable serveuse m'assure que la carte bleue validée à la réservation ne sera pas encaissée et je remonte dans ma chambre. Mon sac à dos est prêt et il ne me reste plus qu'à ranger le pique-nique du midi et partir. Je sors de l'hôtel en remerciant la patronne de l'excellent accueil que j'ai eu et me dirige une nouvelle fois vers la place du Foirail. L'officine est ouverte et la pharmacienne me conseille un gel apaisant " Urticium " et ajoute un petit tube de granules homéopathiques " Urtica Urens ". Assis sur une murette, je badigeonne mes bras et mes jambes de ce gel froid et avale trois granules. Je suis agréablement surpris car les douleurs semblent s'atténuer presque immédiatement.

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Sous un beau soleil, je quitte Prats-de-Mollo par un pont qui enjambe le Tech. C'est décidé, je délaisse Mir, sa tour et je fais ma première entorse volontaire à ce Tour du Vallespir. J'emprunte un PR.12 qui est en partie commun avec le fameux " Cami de la Retirada ". Il va me mener sans problème à Notre-Dame de Coral. Je traverse le torrent Canidell et tombe sur ce petit panneau qui vante les mérites de l'Ortie. Moi qui souffre le martyre et qui n'ait pas dormi de la nuit à cause de cette plante urticante, je suis sidéré d'apprendre qu'elle a des vertus anti-inflammatoires !

La tour de Mir

Indécis et confus, je pars dans la verdure.

Prats se réveille alors sous un ciel éclatant.

Le cœur encore intact d'un esprit d'aventure,

La Tour de Mir domine le vallon flamboyant.

 

Hésitant à grimper vers la haute muraille,

Le maximum à faire est encore important.

Ma tête grande ouverte tel un bel éventail.

La Tour de Mir me nargue idem à un géant.

 

Je balance, j'hésite, tel l'oiseau qui émigre,

Vers un court minimum où un chemin cuisant.

Mes jambes sont en feu mais ne sont pas de givre.

La Tour de Mir fascine les plus agonisants.

 

Ma décision est prise, je rejoins Notre-Dame,

Par le libre sentier de tous les résistants,

Mais l'esprit torturé comme une vieille femme,

La Tour de Mir m'invite de son pic arrogant.

 

Sombres sont les sous-bois, la paresse de mise.

Saint-Antoine est joli et son parc reposant.

L'horizon est bleuté, ma pensée cristallise.

La Tour de Mir m'attire de son feu si luisant.

 

J'escalade, je m'élève vers le col de la Guille,

Car Notre-Dame est belle dans le soleil couchant,

Et mon bras appuyant un bâton si futile,

La Tour de Mir s'enfuit, avec elle mon tourment.

 

La belle du Coral dévoile ses reliques,

Ses trésors que l'ermite a veillés pieusement.

Mes yeux émerveillés par ce pays de biques,

Le feu, la Tour de Mir s'éteint finalement.

 

L'Office du Tourisme est toujours fermé et j'ai maintenant un choix à faire : soit j'attends l'heure de l'ouverture en prenant le risque que l'employée ne puisse pas répondre à mes interrogations quant à la praticabilité des chemins soit je me décide tout de suite et opte pour le P.R pour respecter la résolution prise cette nuit.

En raison de mon état de lassitude avancée et de l'importante différence de distance à parcourir, pratiquement deux fois moins par le P.R., j'opte presque sans réfléchir pour cette solution qui me semble, aujourd'hui, la plus raisonnable. Il y a quelques années, une célèbre publicité annonçait " Mini Mir, il en fait un maximum " mais moi, c'est décidé " je ne vais pas prendre Mir (la tour) et je vais en faire un minimum (de kilomètres) ". Le jeu de mots est un peu lourdaud mais il a le mérite d'être un peu distrayant et de me venir à l'esprit à cet instant où je démarre cette nouvelle journée de marche avec une certaine appréhension.

Je traverse la place du Foirail et me dirige vers le pont qui traverse le Tech. Ici, il n'y a pas de colombes comme à Amélie mais un cadre de verdure exceptionnel et je retrouve le fleuve pour la deuxième fois depuis mon départ. Pas encore alimenté par ses nombreux affluents, il n'est ici qu'un petit torrent de montagne tranquille au débit relativement modeste en été. Mais cette discrétion du fleuve est très relative au regard de la documentation que j'ai pu lire sur l'Aiguat de 1940. Au carrefour adjacent, je trouve quelques panneaux de randonnées dont celui qui monte à la Tour de Mir. Je traverse la D.115 et cette fois, je suis devant le bon panneau avec un P.R.1, un P.R.3, un P.R.19 et surtout celui que je recherche, le P.R.12 indiquant " Notre Dame du Coral - La Coulometa ". Le balisage est blanc et rouge comme les G.R. Il y a dessous celui-ci, un autre panonceau dont l'itinéraire est vraiment chargé d'Histoire c'est le " Cami de la Retidara ", insolite chemin de l'exil que plus de 100.000 réfugiés espagnols empruntèrent en janvier 1939 pour fuir le régime tyrannique du général Franco. Cet exode massif eut une portée considérable sur la petite cité de Prats-de-Mollo et la région du Vallespir tout entière car il fut très difficile d'accueillir correctement toutes ces familles dans cet hiver très rigoureux qui était déjà là. Après la guerre, un grand nombre de famille s'installèrent dans le Vallespir. Ils eurent des enfants, qui ont grandi et sont devenus français. 70 ans ont passés et aujourd'hui c'est par bonheur que je vais emprunter une portion de ce " chemin du malheur " qui monte au Col d'Ares. J'enjambe le pont qui traverse le torrent du Canidell. Au bout du pont, un petit panneau éducatif sur l'ortie a été installé. Il décrit la plante, ses utilisations et vante ses bienfaits. Et là, chose surprenante, moi dont le lit était un véritable bûcher et qui ai " flambé " toute la nuit à cause de cette maudite plante, j'apprends qu'elle a des qualités d'anti-inflammatoire et qu'on peut même en faire des soupes. Non, je me suis endormi et je rêve, je ne suis pas devant ce panneau, je suis encore dans mon lit à l'hôtel Ausseil. Pincez-moi car je ne peux pas croire ça ! Je repars, la sente monte rudement dans un bois de feuillus où dominent les frênes et les grands châtaigniers. Je marche le plus souvent sous une sombre canopée mais parfois, j'arrive, au détour du chemin ou au travers des branches, à apercevoir Prats, juste en dessous qui s'éloigne, ou bien la Tour de Mir sur ma gauche, petite tétine brune dépassant d'un dodu mamelon verdâtre.

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Le PR.12 grimpe dans la forêt. Malgré tout, j'aperçois de temps à autre la Tour de Mir ou les lieux où j'ai cheminé hier. Puis il coupe la D.115 et arrive à la ferme des Casals. Quand il devient un agréable sentier tout en sous-bois, je vais flâner comme jamais je ne l'ai fait depuis mon départ, récupérant ainsi de mon exténuante étape d'hier. 

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Ce chemin tout en sous-bois où je vais paresser, m'amène au col de la Guilla puis sur une piste qui descend vers Can Moulins. Je quitte cette piste par une étroite sente balisée avec des lettres en vieil anglais qui m'entraîne dans le ravin de Coral entre prés fleuris et bois où virevoltent de beaux papillons. Au loin, j'aperçois mon objectif du jour : la chapelle Notre-Dame de Coral.

Je m'arrête souvent pour calmer ma respiration qui a tendance à s'emballer. Si les anti-inflammatoires ont eu pour effet de calmer mes contractures musculaires, je reste néanmoins marqué par ma terrible journée d'hier et ma nuit agitée. Et je me réjouis d'avoir pris ce chemin déjà suffisamment difficile compte tenu de ma fatigue. Après maints zigzags, j'atteins Saint-Antoine, petit ermitage avec une fontaine et une aire de pique-nique. Je profite de ce lieu calme pour souffler un peu et manger le pain au chocolat que j'ai acheté ce matin. Je repars. Le balisage est formidablement distinct. Je traverse la D.115 pour entrer dans un autre bois où le chemin s'est élargi. Ici la forêt ne semble pas avoir souffert du déchaînement de Klaus. La forêt se termine et le chemin débouche dans un immense pré lumineux où tout à coup les beaux panoramas se dévoilent vers le nord. Le chemin traverse le pré et pénètre dans la grande ferme des Casals. Il est 10h30. Je passe au milieu de la ferme que je quitte par une piste terreuse qui continue vers la D.115. Très vite, je délaisse cette piste au profit d'une autre qui aboutit à un portail. Le balisage du P.R.12 est bien là. Je pousse le portail que je prends soin de refermer derrière moi. C'est un large chemin herbeux tout en sous-bois de petits noisetiers qui démarre ici et longe parallèlement la D.115. Après les rudes montées que j'ai eues jusqu'ici, j'apprécie à sa juste valeur ce sentier fleuri au doux dénivelé. Il est si agréable à cheminer et il fait si beau aujourd'hui, que je flâne, m'arrête, repars, m'arrête à nouveau pour observer une fleur, un oiseau ou un papillon. Tout devient prétexte à un rythme de marche nonchalant et placide. Je vais même jusqu'à m'arrêter plusieurs fois pour déjeuner. Un coup c'est un morceau de quiche acheté à la boulangerie ce matin, une autre fois une salade que je trimballe depuis le départ, une autre fois, un morceau de pizza, un gâteau de riz ou bien une orange. C'est simple, quand je retrouve la D.115 au col de la Guilla (1.194 m), je me suis arrêté trois fois, j'ai mangé tout mon déjeuner, il n'est pas encore midi et j'ai mis plus d'une heure depuis la ferme des Casals pour parcourir deux kilomètres. C'est dire la lenteur avec laquelle j'ai marché, mais cette lenteur est aujourd'hui en parfait synchronisme avec mon état de paresse. Un petit panonceau en direction de Notre-Dame du Coral est planté là au bord de la D.115. Il m'expédie de l'autre côté de la route où un grand portail s'ouvre sur une large piste qui descend vers Can Moulins. Les décors changent, ce n'est plus tout à fait la même végétation. Ici, les grands châtaigniers, les frênes et les hêtres ont quasiment disparus au profit des pins, des chênes verts et des chênes lièges. Sous un soleil de plomb et sur cette large piste terreuse qui descend allègrement, je retrouve machinalement mon rythme de marche régulier et habituel. Seul un abreuvoir dans lequel s'écoule une source arrête mon élan. J'y trempe mon bob déjà bien mouillé de sueur que j'enfonce tout dégoulinant sur ma tête. Frais comme un gardon, je repars sous ce cagnard brûlant mais juste avant Can Moulins, je suis à nouveau arrêté dans ma course par un petit panonceau aux lettres écrites en vieil anglais " N + D + du Coral ". De cet endroit, on aperçoit d'ailleurs les toits de l'ermitage. Au sein d'une dense forêt, la chapelle n'est plus qu'à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau. Une étroite sente raide descend dans une ravine, se stabilise et passe sous les maisons du hameau isolé de Can Moulins. Puis il descend à nouveau dans le bois d'un autre vallon où coule le Coral. Lors de l'analyse du parcours, j'avais prévu de m'y baigner en cas de fortes chaleurs. Mais si les fortes chaleurs sont là, le ruisseau, lui, n'est qu'un petit filet d'eau où il est très difficile de s'y mouiller ne serait-ce que les pieds.

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Après avoir traîné comme jamais, je finis par arriver très tôt à Notre-Dame de Coral. Comme à Saint-Guillem, la jolie chapelle est un lieu de pèlerinage et d'ermitage depuis des siècles mais ici elle fait aussi hôtellerie et restaurant. Je suis accueilli par deux énormes Saint-Bernard très gentils mais un peu trop baveux à mon goût. Un panonceau m'indique Lamanère, direction que j'aurais à prendre demain.

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Après une sieste bienfaitrice dans ma chambre, balades, visite et photos du site sont au programme. Son calme et son cadre de verdure unique se prête bien à ces activités. D'ici, j'aperçois tout au loin les Tours de Cabrens que je dois approcher demain. Je vais garder de Notre-Dame de Coral un souvenir impérissable et l'envie constante d'y amener un jour toute ma famille. 

Toujours dans les bois, le chemin remonte en zigzaguant jusqu'à l'intersection de deux chemins. Je connais bien cette jonction pour être venu à diverses reprises à Notre-Dame du Coral : il y a le chemin qui descend vers Lamanère et qu'il me faudra prendre demain et celui qui monte en direction de l'ermitage. Il est 13h15 quand j'aperçois les bâtiments et la chapelle. Je suis accueilli aux sons des grognements de deux énormes " Saint-Bernard " qui sont affalés de tout leur long sur le carrelage, certainement frais, du narthex de la chapelle. Ils doivent avoir si chaud qu'ils ne bronchent pas, mais néanmoins, ils m'observent du coin de l'oeil comme pour me dire " ne bouge plus, on te surveille ". Mais, je les connais pour les avoir rencontrés, il y a quelques mois, lors d'une randonnée. Ils sont plus impressionnants que réellement menaçants. Un jeune homme arrive d'un espace privé qui me semble être la cuisine. Je me présente, et il est parfaitement au courant de ma réservation en demi-pension pour une nuit. Force est de constater qu'ici ça fonctionne mieux qu'au Refuge de Batère. Pendant que le jeune homme me parle, les deux molosses se sont levés et sont venus me renifler les mains. Non, renifler n'est pas vraiment le mot. De leurs bajoues humides, ils m'enduisent les mains d'une bave gluante et quand je veux les repousser pour arrêter ce badigeonnage visqueux, le jeune homme me dit : " ils ont peur de votre bâton de marche " ! Je plie mon bâton télescopique et suit le jeune homme qui se dirige à l'étage pour me montrer ma chambre. Ce n'est pas vraiment une chambre mais plutôt un petit dortoir avec trois lits gigognes mais où, en principe, je devrais être seul car peu de randonneurs sont attendus aujourd'hui. Avant de retourner à ses occupations, le jeune homme me demande si je souhaite une boisson fraîche et quand je lui réponds une bière, il m'annonce avec jubilation, et comme si c'était une prouesse, qu'il a même une excellente bière pression. Je ne sais pas si chez lui, cet accueil courtois est habituel mais avec mon tee-shirt détrempé et mon bob avachi, il en a certainement conclu que j'avais dû avoir très chaud toute la matinée et que je devais avoir très soif. Gagné ! Je dépose mes affaires, retourne chercher ma bière et remonte avec dans le dortoir. Maintenant, je n'aspire qu'à une seule chose : " dormir ! ". Je me délecte de cette bière glacée, sors mes effets de toilettes, me déshabille et me précipite en slip sous la première douche venue qui se trouve au fond du couloir. Quand je reviens dans la chambre, et bien que les brûlures se soient formidablement estompées, je m'enduis les bras et les jambes d'Urticium et mets sous ma langue 5 granules d'Urtica Urens que je laisse fondre. Je finis ma bière et me jette sous une couverture et en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, je me vois m'endormir comme un bébé rassasié. Il est 16h30 quand je me réveille au doux bruit d'un aspirateur qui ronfle. Celui-ci arrive de l'extérieur et entre par la fenêtre que j'ai laissée grande ouverte. Quand je m'y penche c'est pour constater que la gérante et sa fille sont entrain de nettoyer leur voiture. M'apercevant à la fenêtre, elle semble confuse de m'avoir réveillé mais je la rassure car en réalité, il n'en est rien, je me suis éveillé tout seul après tout de même plus de deux heures d'un sommeil profond et réparateur. Je pars faire quelques photos de Notre-Dame du Coral qui est vraiment un site magique dans un cadre de verdure remarquable. D'ici, j'arrive à voir et à photographier les fameuses " Tours de Cabrens ", au pied desquelles, j'ai prévu de passer demain.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

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Quelques images de ma soirée à Notre-Dame de Coral : la jolie chapelle avec ma chambre dont la première fenêtre est ouverte. Devant la fenêtre de ma chambre où, le soir, je vais assister impuissant à la mise à mort d'un pauvre mulot ballotté par trois horribles matous. La marmotte empaillée de l'excellent restaurant " La Bergerie " qui de ses yeux fixes me regarde manger et enfin le beau coucher de soleil vers le Mont Falgas. Ce soir-là, plusieurs randonneurs m'indiquent l'impossibilité qu'ils ont eu de se rendre à la Tour de Mir à cause des arbres couchés par la tempête Klaus et cela me conforte dans la décision d'avoir préféré le PR.12 plutôt que l'itinéraire du Tour du Vallespir. Cela effacera en partie cette entorse non prévue. 

Assis devant l'entrée de la chapelle, je fais la connaissance d'une randonneuse. Elle marche avec deux amis et font des randonnées en étoiles depuis l'ermitage. Elle vient d'arriver du secteur de la Tour de Mir où ils sont allés randonner aujourd'hui. Au fil de la discussion, elle finit par m'apprendre que, par là-bas, beaucoup d'arbres gisent encore à terre au milieu des pistes et des chemins. Ils ont pas mal galéré et n'ont pas pu respecter la boucle qu'ils avaient initialement envisagée de faire. Puis au moment de faire demi-tour, ils ont éprouvé beaucoup de difficultés pour revenir à l'ermitage depuis la Tour de Mir par un autre chemin. Cette information que je n'ai pas spécialement recherchée arrive à mes oreilles comme un pur soulagement. En effet, après cette difficile journée d'hier et malgré mon désir de faire preuve de prudence, j'avoue que faire le Tour du Vallespir et ne pas respecter son parcours originel me chagrine pas mal. Mais avec cette information, plus aucun regret, j'ai la certitude maintenant d'avoir pris ce matin la bonne décision en choisissant le P.R.12 ! La jeune femme part rejoindre ses amis dans le dortoir. Une petite chatte noire vient se faire câliner, elle ressemble à s'y méprendre à ma petite Milie, mais quand un des deux Saint-Bernard aperçoit ce manège, il est jaloux et veut lui aussi sa part de caresses. Je veux bien le cajoler mais lui ne conçoit pas de recevoir de la tendresse sans en rendre à son tour à grands coups de langue. Et voilà qu'en moins de trois heures, il se met à me passer une deuxième couche de salive collante sur les mains. J'adore les animaux et particulièrement les chiens mais cette écume blanche qui dégouline de ses bajoues a un côté ragoûtant et désagréable et, là c'en est trop. Je remonte vers les toilettes pour me laver les mains puis je me remets au lit pour un peu de lecture. Vers 19h30, je redescends pour m'installer dans la Bergerie. C'est ainsi que s'appelle la jolie salle de restaurant au décor campagnard typiquement catalan. Je suis seul dans la salle, et ce repas, que je mange sous l'œil inerte d'une grosse marmotte empaillée, est vraiment savoureux avec une salade de tomates à la mozzarella, un coquelet rôti avec un excellent petit assortiment de légumes, de riz et d'un délicieux gratin. Et pour clore le tout, on m'apporte une grosse tranche d'un succulent gâteau à la crème pâtissière. Je n'ai vraiment que des louanges à faire de cet accueil de qualité. La chambre est parfaite pour le randonneur que je suis, la cuisine est excellente et raffinée, le tout dans un décor unique et calme et pour couronner le tout avec un rapport qualité/prix des plus raisonnables. Que demander de plus ! Quand je remonte dans la chambre, le soir est entrain de tomber mais le soleil est loin d'être couché. Par la fenêtre, je le regarde décliner peu à peu, grosse boule rouge qui disparaît derrière le Mont Falgas. A cet instant, et en regardant vers ces belles montagnes, je repense à ce " Cami de la Retirada ". Ces chemins de la liberté, ils ont dû en voir passer des contingents de malheureux et de chancelants avec tous ces réfugiés politiques qui étaient obligés de fuir leur pays. Mais dans l'autre sens, cette frontière, elle a dû en voir défiler des bienheureux et des chanceux avec ces résistants et ces combattants de tous bords qui fuyaient le nazisme pour des vies et des destinées nouvelles. Trois chats noirs qui jouent sous ma fenêtre sur la pelouse du parc m'extirpent de cette rêverie et de ces réflexions. Ils jouent à un jeu très cruel, c'est celui du chat et de la souris, comme une parodie d'un " Tom et Jerry " grandeur nature où il y aurait trois " Tom " et dans lequel, le rôle de " Jerry " est tenu par un minuscule mulot dont le sort est scellé d'avance. Les trois " ignobles " matous se renvoient, d'un à l'autre, le petit mulot comme une balle de caoutchouc et quand parfois celui-ci retombe dans l'herbe, j'ai toujours espoir qu'il finisse par arriver à s'échapper. Mais malheureusement, il finit tôt ou tard par se faire rattraper pour un des trois " greffiers ". Décidément la nature est trop cruelle et devant cet impitoyable spectacle, je préfère partir me coucher. Voilà un aspect de l'âpreté du Vallespir que je n'avais pas imaginé au départ de cette randonnée. Comme quoi, on est loin de tout envisager quand on veut se hisser sur " les hauteurs d'une vallée âpre ".

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

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L'après-midi, ce gentil chat était venu se faire câliner. A la nuit tombante, sur la pelouse de l'ermitage, accompagnés de ses deux compères, il est soudain devenu un " ignoble assassin " suppliciant un pauvre petit mulot qu'ils se renvoyaient de l'un à l'autre comme un simple balle de caoutchouc. Une nouvelle fable était déjà dans ma tête.

 

Trois petits " Tom " et un pauvre Jerry

 

Trois petits " Tom " jouaient dans le parc ombragé.

Noirs étaient leurs pelages, leurs esprits, leurs pensées.

Et ce pauvre " Jerry ", que le diable tirait

Par une fine queue, était désespéré.

 

Un homme à la fenêtre regardant ce spectacle,

Espérait du hasard, une étoile, un miracle.

Mais la dure nature le fit pleurer soudain,

Les petits " Toms " noirs étaient des assassins.

 

Il partit se coucher, sensible à sa faiblesse.

Les petits " Toms " noirs avaient tant de rudesse.

Croquer une souris tels étaient leurs destins,

Un " Jerry ", un mulot ce n'est pas un festin

 

Puis l'homme s'endormit, mais les rêves l'éveillèrent

Sur son lit, un p'tit " Tom " dormait tel un pépère

Sans cauchemar aucun, sur ce qu'il avait fait

Le " Jerry " dans son ventre avait ressuscité.

 

Dans leurs songes, ils sautèrent dans le parc ténébreux

Le P'tit " Tom " et " Jerry " avaient l'air si heureux.

Toute la nuit, ils jouèrent jusqu'au petit matin,

Comme de bons copains, de gentils diablotins.

 

Puis le jour se leva et son lot de tracas,

Les petits " Toms " noirs cherchaient comme un en-cas.

Point de pauvre mulot pour leur combler la faim,

Mais un " Jerry " ailé tel un beau séraphin.

 

Les Petits " Toms " noirs scrutaient en vain le ciel,

En quête d'un oiseau, de leurs airs criminels.

Mais le frêle " Jerry " s'était changé en aigle,

Sur les chats il tomba emportant le plus faible.

 

Il faut vivre la vie comme un chat, un mulot,

Caresser les p'tits " Toms ", ignorer les salauds,

Et si la vie est dure, croque-là doublement

Comme une petit " Jerry " si tendre et si fondant.

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Cliquez sur la tour de Mir pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo 15 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.3eme étape : Mercredi 19 août 2009.

Saint-Guillem (1.287 m)-Prats-de-Mollo (753 m) 15 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

Nous nous aventurâmes jusqu'au village de Prats-de-Mollo. J'avoue que je préférai les bocages de la plaine à ces grandes montagnes couvertes de chênes verts et qui semblent plus faites pour abriter des bandits, que pour assurer le couvert à des honnêtes gens. Extrait de l'essai " Voyage en France en 1787, 1788, 1789 ". Arthur Young (1741-1820) agriculteur, agronome et écrivain britannique.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.LA FAUTE A KLAUS :

Malgré cette anxiété que j'ai eu hier soir, j'ai fini par m'assoupir. Quand j'y repense, je constate que c'était plutôt une appréhension momentanée qu'une vraie obsession. Puis vers minuit, j'ai été réveillé par un bruit. C'était comme le bruit d'un grattement. Mais une fois éveillé, je me suis aperçu qu'un autre bruit venait du volet d'un petit vasistas qui était resté ouvert et qui grinçait sous une légère brise nocturne. A la faible clarté de ma lampe frontale, je n'ai rien observé qui correspondait au grattement qui m'avait réveillé. Par contre, le rayon plus large que ma lampe projetait contre le mur du refuge me fit remarquer qu'il manquait une grosse pierre à 15 centimètres de ma paillasse. Au fond de ce trou ainsi constitué, il y avait un nid de souris fait d'une bourre blanche, de poils et de fibres diverses. Mais de souris, il n'y en avait point ! Est-ce elle qui grattait avant que je ne me réveille ? Avait-elle eu le temps de décamper avant que je n'éclaire la lampe ? Pour ne plus être embêté par ce grincement lugubre et ces grattements désagréables, je pris les sages résolutions de fermer le vasistas et de déménager ma litière à l'autre bout du bat-flanc. Puis, j'ai profité de ce réveil fortuit pour partir uriner dehors. Le ciel tout entier était étoilé et une belle voie lactée blanchissait le firmament au dessus de la chapelle de l'ermitage. La nuit était douce et quasi silencieuse. Seule une petite brise, frissonnant les feuilles, tentait sans succès de rompre cette quiétude. Comme j'appréciais pleinement l'instant présent, cette sérénité, cette paix secrète et intime, loin du monde bruyant et trop insociable que j'avais quitté, je suis resté de longues minutes sur le pas de la porte, les yeux levés vers le ciel et l'ermitage qui se découpait, à écouter ce silence avant de partir me recoucher. Une fois encore, cette nuit-là fut bénéfique et, à mon grand étonnement, je n'ai ressenti à mon réveil aucune contracture musculaire, ni aucune douleur, malgré les deux longues étapes déjà accomplies et la rusticité du couchage qui ne m'avait pas empêché de dormir profondément.

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Quand je quitte Saint-Guillem, vers le sud, le jour est déjà levé mais le hameau est encore dans la pénombre. Ici les panneaux sont on ne peut plus clairs mais mal placés et je vais me tromper avant de me raviser et de reprendre le bon chemin.

Il est 7 heures. Vers le sud, le jour est déjà levé mais Saint-Guillem de Combret, blotti au fond du vallon de Coumelade, est encore dans une obscure nébulosité. Bloqués par les hauts monts environnants, les rayons du soleil mettront encore plus d'une heure avant d'éclairer complètement le minuscule hameau. Je déjeune de deux gâteaux de riz vite expédiés et d'une grande gorgée d'eau et range tranquillement mes affaires et mon sac à dos en prêtant attention à ne rien oublier dans le refuge. Il est 8 heures quand je démarre avec ma trousse de toilettes, mon gant et ma serviette à la main. Je sais qu'il y a dans le hameau, non loin d'ici, une auge ou plutôt un vieux lavoir dans lequel, par un tuyau de PVC, s'écoule une eau de source cristalline. J'ai bien l'intention de me raser et de faire un brin de toilettes car j'ai la désagréable sensation de me sentir sale et poussiéreux. Je mets un quart d'heure pour me laver et tenter de parfaire ma présentation. Mais j'ai le sentiment que l'eau glacée a eu un seul effet non négligeable sur mon organisme, celui de lui assener un " claquant " coup de fouet qui me permet de démarrer cette étape dans d'excellentes conditions. Je profite pour remplir mes deux gourdes et mon camelback d'une eau fraîche et renouvelée.

La large piste s'élève rapidement au dessus de l'ermitage. Sur ma droite, là même où hier après-midi j'ai galéré, la tempête Klaus a laissé un immense chantier de désolation dans cette forêt qui était pourtant magnifique. Par contre, en face de moi, les flancs du Puig dels Sarraïs (1.830 m) et du col de Serre-Vernet (1.808m) que je dois cheminer semblent moins meurtris. Il y a bien deci delà, quelques cicatrices, quelques sillons d'immenses résineux couchés, mais rien de bien inquiétant, en tous cas vu d'ici.

Quelques minutes plus tard, et alors que je m'apprête à poursuivre la piste, je remarque inopinément sur ma droite un panonceau qui semble m'indiquer Prats-de-Mollo et le col de Serre-Vernet par un autre chemin qui s'enfonce dans la forêt. Et je commets là une nouvelle erreur en ne sortant pas immédiatement mon GPS. Quand je le sors, c'est bien trop tard, car mon GPS ne capte plus aucun satellite masqué qu'il est au fond de ce sous-bois touffu. Deuxième erreur, je ne sors pas ma carte non plus, tranquillisé, il est vrai, par ce rassurant panneau. Et quand je sors ma carte, c'est encore beaucoup trop tard car j'ai marché ainsi une " bonne " demi-heure jusqu'à m'inquiéter de ne plus rencontrer le balisage jaune et rouge qui était pourtant bien visible jusqu'à présent. Au regard de la carte, je me rends à l'évidence, je me suis trompé, une fois de plus. Quitte à avoir perdu une heure, je décide de faire demi-tour car ce chemin qui zigzague toujours en forêt sans aucun balisage apparent me trouble et ne m'amènera nulle part et en tous cas pas où je dois aller.

Quand je retrouve la piste et le panonceau, selon moi, très mal placé à cet endroit, j'ai effectivement perdu une heure. Je m'avance sur la piste et quelques dizaines de mètres plus loin, j'aperçois effectivement les marques de peinture jaune et rouge propres au GRP du Vallespir. Je poursuis la piste et enjambe le fougueux torrent de Coumelade par un large pont bétonné. Peu après, la piste se sépare en deux, mais le balisage est ici parfait et m'oriente vers la droite. Plutôt plane au début, maintenant la piste monte allégrement, effectue deux larges courbes, avant d'atteindre le col Baxo à 1.473 mètres. Au fond de ce petit col herbeux, un nouveau panneau sollicite un départ à gauche. Ici une minuscule sente, encadrée d'une clôture, est barrée d'un petit portail qui est là pour empêcher les bovins de passer mais pas les randonneurs. Sans trop m'en apercevoir, et malgré l'heure perdue, j'ai déjà fait 190 mètres de dénivelé sur les 521 que je dois accomplir pour atteindre les 1.808 mètres du Col de Serre-Vernet. C'est bien sûr encourageant, mais j'évite de trop penser aux 331 mètres restant sur les trois kilomètres d'ascension qui doivent m'amener au pinacle de ce tour du Vallespir.

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J'ai quitté Saint-Guillem par un chemin qui enjambe la rivière Coumelade. Parfaitement balisé, il s'élève rapidement par le col Baxo, file à travers des bois touffus où coulent quelques petits ruisseaux. Mais parfois le chemin se transforme en balcon et j'ai le bonheur d'être en surplomb de superbes paysages. Saint-Guillem est déjà très loin.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Ce chemin parfois en balcon me laisse entrevoir Saint-Guillem que j'ai quitté ce matin. On aperçoit les bois saccagés par la tempête Klaus. Celui au dessus du hameau où j'ai galéré hier lors de mon arrivée et celui en dessous du refuge où se trouve un bel arboretum avec notamment quelques séquioas.

 Malgré le dénivelé, le petit chemin est changeant et agréable. Cheminant le plus souvent en sous-bois et recouvert d'un épais tapis de feuilles mortes, il coupe quelques ruisseaux, affluents de la Coumelade et monte rectiligne offrant quelquefois de magnifiques vues vers le sud mais surtout sur Saint-Guillem et tout le Bassin de Coumelade. Puis soudain, il bifurque dans le sens opposé en direction du Col de Serre-Vernet dans un bois de petits pins chétifs. Il n'est pas tout à fait midi quand j'arrive au col, point culminant de ce périple avec ses 1.808 mètres

Vaste pré herbeux entouré de pins et de sapins, il semble être le paradis pour nombre de génisses et de vaches blanches indolentes. La plupart sont affalées sur la verte prairie et même mon passage laisse indifférent tous ces bovins, qui repus, ne tournent même pas la tête quand je m'approche d'eux. Ici, les panoramas à 360° sont splendides de tous côtés. De nombreux hauts sommets et de nouveaux pics apparaissent, de nombreuses crêtes composent l'horizon : la Crête des Sept Hommes (2.651m), le Pla Guillem (2.301m), les Roques Blanches (2.252m), les Esquerdes de Rotja (2.316m), le Roc Colom (2.507m) et le Pic de Costabonne (2.465m) pour ne citer que les crêtes les plus connues et les plus attractives. Mais il y aussi de profonds ravins et surtout cette immense et épaisse forêt domaniale qui n'en finit plus de s'étendre sur ce magnifique Haut-Vallespir. Ici, il y a aussi un panneau, mais il ne sert plus à rien car il gît à terre et n'indique plus aucune direction. Je le redresse et essaie en vain de retrouver son emplacement originel. De dépit, je le pose contre un petit pin dans la position qui me semble la plus appropriée avec St Guillem dans la direction d'où je viens. A l'aide d'un bout de ficelle que j'ai trouvé sur la pelouse, j'ai beau l'attacher avec bons sens à une branche du pin, je ne suis guère plus avancé quand à la direction à prendre pour me rendre à Prats-de-Mollo.

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J'arrive au col de Serre Vernet. A 1.808 mètres, c'est le point culminant de mon périple. Les paysages sur le très Haut-Vallespir sont superbes de tous côtés. Ce col est aussi le paradis de vaches et des génisses. Le panonceau indicatif gît à terre, je le redresse et l'attache à un pin mais je ne suis pas plus avançé quant à la direction à prendre pour aller à Prats. Heureusement j'ai mon GPS !

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J'effraie un petit veau puis je m'arrête pour déjeuner dans cet éboulis qui descend très raide du Puig dels Sarraïs vers la vallée de la Parcigoule. Je ne peux trouver plus beau spectacle ! Mais la descente est loin d'être finie, je dois encore atteindre deux cols, celui de la Collade d'En Mandoulé et le col de Coumeille, petit pré verdâtre que j'aperçois tout en bas.

Mais heureusement, ma carte IGN est là et mon GPS aussi et à force d'avancer dans différentes directions vers le sud, je finis par trouver le bon itinéraire qui file sur le pré puis contourne quelques rochers. Il est midi et j'ai faim, mais comme la suite de l'étape est essentiellement faite de descentes, je prends la décision de continuer un peu pour m'offrir comme hors d'oeuvre un splendide panorama dégagé. Cette sente allie pelouses, petits bois de pins et de feuillus mais aussi rocailles et rochers plus ou moins gros. Mais il y aussi de nombreux et bas genévriers derrière lesquels quelques veaux ruminent leur fourrage. L'un d'entre eux peut se vanter de m'avoir fait une belle frayeur et tressaillir quand il a débouché devant moi alors que je marchai dans un silence de cathédrale. Mais je suppose que lui aussi, il a du avoir une peur " bleue " ! En contournant maintenant le rocailleux Puig dels Sarraïs, le chemin n'est désormais plus qu'amoncellement de blocs déchiquetés et gros pierriers escarpés. Je redouble de vigilance pour éviter toute chute qui, ici, serait catastrophique pour de pas dire fatale. Il est temps que je m'arrête pour déjeuner car je ne trouverai pas meilleur belvédère que ces éboulis, bien exposés au soleil, qui descendent raides vers le vallon de la Parcigoule. Il n'y a plus aucun obstacle devant moi et je déguste à la fois ma salade et ce magnifique spectacle. Assis sur une grosse pierre plate bien chaude et adossé à une autre, j'ai trouvé, dans de ce fauteuil improvisé mais un peu dur il est vrai, une terrasse peu confortable pour mes fesses mais idéale pour mes yeux.

D'ici, je jouis d'un panorama exceptionnel sur le Bassin de la Parcigoule mais aussi sur une immense partie de ce Haut-Vallespir que je suis venu découvrir. C'est d'ailleurs en mangeant dans ce gros pierrier que j'ai imaginé le titre de mon voyage et de ce récit : " Sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

Après trois jours de marche, et à cet instant précis, il me semblait qu'aucun autre endroit traversé ne méritait plus ce terme de " âpre " que cet immense magma rocheux. Dans cet éboulis, les aspérités ne manquent pas et l'âpreté, je la touche à chaque instant. Le déroulement imminent de ce Tour du Vallespir me montra malheureusement et très vite que je n'avais pas encore tout connu de cette légendaire âpreté. Quand je repars, la sente, où du moins ce que j'en devine grâce à un balisage abondant et précis, se complique sacrément en étant toujours très rocheuse mais en devenant encore plus abrupte. Pour éviter toute chute, je m'applique à poser mes pieds sur des pierres stables et quand les marches sont trop hautes à descendre, je m'aide autant de mes mains que de mes pieds.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

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J'en ai fini avec la longue descente le long du flanc pierreux du Puig dels Sarraïs. Au col de Coumeille, une étrange croix gravée dans la pierre et le pic de Granarols que le chemin contourne au milieu d'une jolie pelouse jonchée de carlines blanches pour se diriger vers un autre puig , celui des Lloses. Ce puig, je vais m'en souvenir très longtemps !

Après un premier petit col herbeux, la Collade d'En Mandoulé sur la carte, la descente abrupte continue mais la sente moins rocailleuse mais plus terreuse devient plus facile jusqu'au Col de Coumeille (1.566m). Ce collet, petite prairie vert clair, encadrée par le Puig dels Sarraïs et le Pic de Granarols (1.690m) je l'ai entrevu dès le début de la descente du col de Serre-Vernet et depuis je languis de l'atteindre tant mon appréhension d'une mauvaise chute dans ce champ de pierres est ancrée dans ma tête. Aussi, je suis si soulagé en l'atteignant que la première chose est de déposer mon sac à dos et de m'allonger les bras en croix sur ce vert herbage. Mais, à cet endroit, je ne suis pas le seul à avoir fait une croix, un autre chemineau a cru utile d'en graver une dans la pierre, moins éphémère que la mienne. Au regard de son usure générale, des vieilles mousses et de l'érosion de petits conglomérats dans son cadre, cette croix me paraît très ancienne. Depuis quand était-elle là ? Je ne suis pas un spécialiste ni de l'archéologie ni de la géologie mais pour l'avoir lu, je sais que le Vallespir a été occupé bien avant le néolithique, époque où l'homme a vraiment commencé à maîtriser le polissage et la sculpture de la pierre. Alors cette croix, est-ce vraiment une croix ancienne ou une cupule comme celles que les hommes préhistoriques ont laissés gravés un peu partout dans le département ? Quelle âge a-t-elle cette gravure ? 5000 ans, 8000 ans, 10000 ans ? Est-elle plus récente et liée au christianisme ? Ou bien a-t-elle été sculpté par un preux et inventif chevalier en partance pour une croisade ? Comme toujours en pareil cas, j'en prends une photo avec l'idée de l'exposer dans mon futur récit à la fois pour l'agrémenter mais aussi avec le secret espoir que cette photo pourra être vue par de vrais spécialistes qui pourront ainsi et sans doute répondre à nombre de mes interrogations.

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L'étrange croix photographiée au col de Coumeille. Je suis preneur, si quelqu'un a des réponses aux questions que je me pose au sujet de cette croix ?

Au col de Coumeille, le chemin contourne le Pic de Granarols pour arriver au Puig des Lloses (1.413m). Ici, le sentier tout en pente douce et très praticable est un réel plaisir. Atteindre ce nouvel objectif n'est cette fois qu'une simple formalité. Il est 14 heures tapantes quand j'arrive au Puig des Lloses. Les panneaux directionnels y sont au nombre de trois : " 1- Le Tour du Vallespir vers Saint-Guillem, à savoir l'itinéraire que je viens de parcourir, 2-Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles, col situé à 30 minutes et bien sûr, 3 Prats-de-Mollo par le GRP Tour du Vallespir que je dois suivre pour respecter le tracé de mon GPS et celui de topo-guide de Georges Véron. Le Puig des Lloses ressemble plutôt à un petit collet avec un replat d'où l'on a une vue plongeante sur Prats-de-Mollo. Ici, je retrouve une flore que j'avais perdue de vue depuis le col de Formentere, faite de sorbiers des oiseleurs, de maigres genêts, de rachitiques genévriers et toujours ces bas massifs de bruyères roses que je côtoie depuis mon départ. Mais une chose me surprend sans trop m'inquiéter sur l'instant, ce sont ces petits amoncellements de branchages cassés dont on voit très bien qu'ils ont été laissés là en l'état depuis la tempête Klaus. Quand à Prats-de-Mollo, d'ici, la cité n'est visible que parce qu'une multitude de grands sapins ont été étêtés ou fracassés sur un vaste périmètre. Mais quand je poursuis la sente du Tour du Vallespir en direction du Col du Miracle, je ne suis pas vraiment inquiet. Il y a bien, dés le départ, un pin en travers du sentier mais je l'enjambe très facilement. 50 mètres plus loin, il y en a deux autres mais ceux-là je ne peux pas les enjamber et suis obligé de les contourner, assez facilement il est vrai. Puis, les pins et les sapins renversés en travers se succèdent. J'enjambe, contourne, passe parfois en dessous et quand je ne peux pas, par dessus. Je commence vraiment à galérer et mes membres sont déjà bien égratignés. Mais en y prêtant attention, je remarque que je ne suis pas le seul à être passer par là. Je vois parfaitement que les bas-côtés du sentier ont été piétinés car la terre est meuble aux endroits où un contournement était la seule alternative. Randonneurs, chasseurs, animaux ? Puis, d'un coup plus rien, plus d'arbres couchés sur plusieurs centaines de mètres. J'arrive au ravin du Pas des Vaques qui n'est ici qu'un petit ru où coule un mince filet d'eau sur un fond boueux. Avec un mouchoir en papier que je mouille au préalable, j'éponge toutes mes égratignures. Je traverse le ruisseau sans problème et poursuis mon chemin dans un sombre sous-bois, ce qui me convient très bien, car ça signifie que tous les arbres sont encore debout. Mais ça ne dure malheureusement pas et là, un peu plus loin, ça se complique car il n'y a pas de réel passage, et en tous cas aucune trace d'un franchissement antérieur. Quand je le peux, j'enjambe, mais quand les troncs sont trop hauts, je tente de passer dessous, mais parfois en vain car le problème avec les sapins, c'est qu'ils sont parfois partiellement déracinés et ont encore toutes leurs épaisses ramures. Et quand ils n'ont plus leurs ramilles, c'est encore pire car leurs branches sèches sont autant de poignards qu'il me faut éviter. Alors, je contourne, je descends, je monte tout en essayant de ne pas trop m'éloigner du chemin. Souvent, je suis contraint d'ôter mon sac à dos, qui, dans ce dédale, est un terrible handicap. Ouf ! J'ai réussi à franchir ce nouvel obstacle mais voilà que 150 mètres plus loin, il en apparaît une autre, aussi difficile que le précédent sinon plus.

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Au Puig des Lloses, les panonceaux sont nombreux et j'aperçois Prats-de-Mollo tout en bas, pourtant je vais me fourvoyer pendant plus de quatre heures dans cette forêt du Miracle ravagée par la terrible tempête Klaus. En vain. De cette forêt, je vais en ressortir meurtri, égratigné, ensanglanté et surtout brûlé des épaules aux chevilles pour être tombé dans de hautes orties ! De surcroît, je vais perdre mon appareil-photo, ce qui va m'obliger à retourner dans ce fatras pour le retrouver. 

Je suis fatigué et sanguinolent mais dans ma tête, je me dis que si j'en ai passé un, je peux en franchir d'autres. Je me dis aussi que les forestiers du coin doivent bien être conscients que le Tour du Vallespir est barré par tous ces arbres abattus et je suppose qu'ils ont commencé à déboiser en partant de Prats-de-Mollo et en remontant le sentier. Ce n'est pas possible, ce traquenard va bien finir par s'arrêter ! Je passe plus facilement ce nouveau barrage et arrive à un endroit où le sentier fait un angle droit près d'un piton rocheux en surplomb de Prats-de-Mollo. Ici, je prends conscience des dégâts considérables que la tempête Klaus a provoqué dans ce secteur mais j'arrive néanmoins à parcourir encore 500 mètres sans trop de difficultés avant de tomber sur une autre empreinte d'une forêt complètement ravagée. J'enjambe, je contourne, remonte et redescend sans trop me préoccuper du chemin qui a définitivement disparu dans cet amas incommensurable d'arbres brisés, de troncs fracassés, de branches amoncelées et de branchages empilés. Dans ma tête, j'espère surtout que ce nouveau sillon dévasté ne sera pas trop large et qu'une nouvelle fois, je pourrai le franchir. Par moment, j'arrive dans des impasses. Il m'est impossible de contourner, de passer dessous et malgré la hauteur où se trouvent les troncs, souvent à plus d'un mètre du sol, la seule solution reste de les enjamber. Je n'en suis pas à ma première enjambée mais cette fois, le tronc est-il un peu plus haut où est-ce la fatigue, toujours est-il, que droit sur le rondin, je me sens partir en arrière entraîné par le poids de mon sac. Un coup de reins pour me rétablir, mais ce coup de reins est bien trop puissant et voilà que je pars en avant ! J'ai beau mouliner l'espace avec mes bras pour tenter de tenir en équilibre mais c'est trop tard, mes mains ne rencontrent que le vide et en tous cas, rien où s'accrocher. Je pars en avant, je vais tomber et me rompre le cou dans ce monstrueux chaos, mais une dernière inspiration me donne l'intuition et le sursaut que plutôt que de tomber n'importe où et n'importe comment, il faut mieux que je me jette à un endroit choisi. Voilà, j'ai réussi, si je puis dire ! Je me retrouve planté au milieu d'un gros massif de ronces et de hautes orties. Mon genou gauche a malgré tout cogné fortement une grosse branche et je saigne abondamment. Mais ce n'est pas ça le plus douloureux, mais toutes ces petites brûlures d'orties qui, peu à peu, en partant des chevilles, semblent monter tout le long de mon corps, enflammant surtout mes jambes mais également mes bras. J'ai l'impression de flamber debout et malgré la douleur, je reste planté là au milieu de cette désolation, de ce néant. Je suis tout à coup comme tétanisé par l'angoisse. Mais je perçois que cette angoisse est arrivée de manière soudaine car jusqu'à présent, j'étais trop occupé à m'en sortir. Une fraction de quelques secondes, il me vient à l'esprit de sortir mon portable et d'appeler des secours. Mais en me retournant, et malgré cette complète désolation, je constate que ce n'est pas le néant absolu : à vol d'oiseau, je ne suis pas très loin d'une piste blanche et sableuse que je distingue en contrebas à quatre ou cinq cent mètres. Je discerne des voitures qui y circulent et aussi un mas. Et même si à cet instant précis, je voudrais être un oiseau, je n'en suis pas un ! Je me suis foutu tout seul dans cette " mouise " et il faut que j'en sorte tout seul aussi ! Mais faire cinq cent mètres dans cette dévastation, je sais à l'avance que c'est une impossible gageure.

La faute à Klaus Schümann

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je suis tombé par terre c'est la faute à Voltaire.

Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes exactement, j'ai hurlé :

Je suis tombé sur un os, c'est bien la faute à Klaus.

Le nez dans les gentianes, c'est la faute à Schümann.

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je ne suis pas notaire, c'est la faute à Voltaire.

Je suis petit oiseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes, j'ai crié :

J'ai chuté sur les lloses, c'est bien la faute à Klaus

J'ai brisé mes organes, c'est la faute à Schümann

 

Je voudrais faire un saut et atterrir à Prats-de-Mollo,

Je ne suis pas petit oiseau, c'est la faute à mon père !

Alors il me faut être costaud et que j'ai un sursaut !

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le 24 janvier 2009, la tempête Klaus a provoqué de considérables dégâts dans le Haut-Vallespir. En août, les plaies sont loin d'être toutes cicatrisées.

C'est donc décidé, je vais rebrousser chemin jusqu'au Puig des Lloses et descendre à Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles. La première chose à faire, c'est retrouver le sentier mais où peut-il bien être dans ce " labyrinthe " végétal trop urticant à mon goût. Seul mon GPS peut me le dire et il faut d'abord que je sorte de ce roncier qui m'enveloppe comme une toile d'araignée. D'ailleurs des araignées, il y en a pas mal ici et comme elles n'apprécient pas trop mon intrusion dans leur domaine réservé, elles me piquent elles aussi. Mais bon, je n'en suis plus à une piqûre près ! Seule solution, sortir par là où je suis arrivé, c'est-à-dire par le haut. Cette fois, j'ôte mon sac à dos, dont je vérifie au préalable toutes les fermetures et je l'envoie valdinguer par-dessus le tronc dont je viens de choir. Je me hisse sur le tronc et me mets carrément à cheval sur lui. Un point GPS me situe à une cinquantaine de mètres du chemin qui est vers le nord et pour moi vers le haut. Je récupère mon sac et poursuit ainsi mes divagations. Je jette mon sac, me hisse à nouveau, le récupère et ainsi de suite. Parfois, je jette mon sac un peu plus loin car j'arrive à jouer les équilibristes sur plusieurs troncs couchés de concert et ma progression s'accélère. Je vais mettre un gros quart d'heures pour retrouver le sentier et encore plus d'une heure pour rejoindre le Puig des Lloses. Quand je regarde ma montre, j'ai du mal à le croire : il est déjà 17 heures et voilà trois heures que je me fourvoie dans cette forêt du Miracle, la mal nommée. Il faut absolument que j'appelle l'hôtelier pour le prévenir que j'aurai du retard. De ce côté-là au moins je serais tranquille et quand je l'ai au bout du fil, effectivement il me rassure. J'ai réservé, j'ai payé et la chambre à l'hôtel Ausseil m'est complètement allouée quoi qu'il m'arrive. Mais s'il savait ce brave homme ce qu'il vient de m'arriver ! Mais n'en parlons plus, j'en suis sorti, même si c'est fourbu, écorché, entaillé, égratigné, brûlé et ensanglanté de la tête aux chevilles. Maintenant, le sentier qui descend vers le Col de Cavanelles au milieu des genêts et des hautes fougères est plutôt agréable et les panoramas sont suffisamment beaux pour que je me remette à prendre des photos. Mais où est mon appareil ? Il n'est pas dans une de mes poches et je ne me souviens pas l'avoir rangé dans mon sac ! Non, il était dans sa housse accrochée à ma ceinture et à ma ceinture, je n'ai plus rien désormais ! Le bouton-pression a dû s'ouvrir et je l'ai perdu ! Je suis désespéré car perdre mon appareil photo c'est comme si j'avais perdu la mémoire de ces trois premiers jours depuis Amélie-les-Bains. Pour moi, c'est inimaginable et il faut que je le retrouve. Sans trop réfléchir, je sors ma dernière gourde d'eau de mon sac à dos et je jette ce dernier dans les hauts genêts en m'assurant qu'on ne le voit pas depuis le chemin. Deux petites branches en forme de croix que je place au bord du sentier pour retrouver cet endroit et me voilà entrain de remonter le sentier, presque en courant, vers cet " enfer vert " où j'ai sans aucun doute perdu mon appareil. Où se trouvera-t-il ? Loin, près ? L'ai-je perdu quand je suis tombé de ce tronc plus haut que les autres ? S'est-il décroché dans le roncier ? Ou bien sous un tronc que j'ai franchi comme un tunnel ? Voilà les questions et bien d'autres qui grouillent dans ma tête alors que je me jette dans cette " impossible " quête. Vu l'heure et le temps que j'ai mis la première fois, il faut à la fois que je fasse vite mais sans pour autant négliger mes recherches. Ce serait idiot de passer à côté sans voir l'appareil par précipitation. L'absence du sac à dos m'aide considérablement mais au fond de moi, je sais que selon l'endroit où la housse est tombée de ma ceinture, c'est comme rechercher une minuscule aiguille dans une énorme botte de foin. Sans le sac mais avec une gourde à la main, je passe néanmoins tous les petits obstacles plus aisément, je traverse le ru du Pas des Vaques, je franchis le premier couloir de sapins anéantis avant que le sentier fasse un angle droit. Rien ! Il me reste encore un barrage à franchir avant ce virage et comme pour le précèdent, j'essaie de me souvenir par où je suis passé à l'aller mais aussi au retour. Et là, au moment où je me baisse pour passer sous les branches encore vertes d'un immense sapin déraciné, le miracle survient ! La petite housse avec mon numérique à l'intérieur est là au milieu du sentier sous la verte ramure. Ouf ! Ouf ! Ouf ! Je respire à pleins poumons. Quel soulagement. Je vérifie mon appareil que j'enfonce au plus profond de la poche de mon short et par sécurité supplémentaire, je referme celle-ci avec le Velcro consacré. Une fois encore, il ne me reste plus qu'à rebrousser chemin. Ce ne sera que la quatrième fois que j'emprunte cet itinéraire et si ça continue, je vais finir par en connaître le moindre recoin par coeur ! D'ailleurs, c'est le cas, car dans ma précipitation et alors que je me suis arrêté pour boire un coup, j'ai posé machinalement mon bob sur un rocher et je l'ai oublié. Mais je ne suis pas inquiet car je sais parfaitement où il se trouve.

Il est 18 heures quand je passe une nouvelle fois devant la panonceau " Puig des Lloses - 1.413 m - PR6B - Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles - 30 mn ".

A cet instant précis, je ne sais pas pourquoi, il me vient une abominable anxiété : Et si ce chemin, lui aussi, était impraticable, barré par une forêt saccagée ? Après tout, il n'y a pas d'autre chemin et le peu que j'en ai parcouru avant de retourner chercher mon appareil photo ne me laisse aucune certitude et ne me permet pas d'être rassuré. Après tout, Prats-de-Mollo que j'aperçois en bas est au moins à trois kilomètres à vol d'oiseau et il faut au bas mot compter au minimum le double par le chemin. Tout est encore possible ! Cette terrible angoisse, elle va soudain se transformer en une grosse boule au creux de mon estomac et elle va rester là, encore blotti pendant une heure et demie. Autant, j'ai été longtemps serein cet après-midi même au plus fort de mes élucubrations, autant maintenant je prends conscience que je peux ne pas arriver au bout de cette étape, en tous cas aujourd'hui. Mais je sais aussi que je n'ai pas le choix dans la direction à prendre et je continue. Je récupère mon sac. Les photos que j'avais voulu prendre tout à l'heure, je les prends maintenant. Mais j'avoue que je n'ai plus le cœur à ça ! J'ai toujours cette appréhension et ces questions qui fourmillent dans ma tête et je ne pense plus qu'à une chose : descendre, descendre, et descendre encore au plus vite vers Prats-de-Mollo. Comme prévu et sans problème, j'arrive au bout de 30 minutes à ce que je crois être le col de Cavanelles. A gauche, un grand champ en pente avec un large chemin qui le contourne, un autre chemin qui part droit devant moi et un autre qui part complètement à gauche. Je n'ai plus de tracé sur mon GPS et je ne vois plus le balisage jaune que j'ai entr'aperçu dans la descente. Je suis contraint de stopper pour regarder ma carte IGN. J'en profite pour manger et absorber un peu d'énergisant car je suis exténué. Le chemin qui part droit devant moi n'existe pas sur la carte. Ça m'étonne mais je l'oublie. Celui qui part à droite se termine dans un cul de sac. Je l'oublie aussi. Reste celui qui part à gauche et qui semble être le bon à la lecture de la carte. Je redémarre, c'est bon, j'aperçois un coup de peinture jaune sur le piquet d'une clôture. Je contourne ce lopin de terre que je voyais d'en haut. Le chemin continue de tourner, puis à mon étonnement, il se remet à nouveau à monter. Je suis éreinté et je n'en crois pas yeux quand je retrouve le petit pin sous lequel je viens de manger, il y a un instant. Je n'ai fait que tourner en rond autour de cette parcelle en friches. Mon téléphone sonne. C'est Dany. Elle demande de mes nouvelles. Je ne peux que lui dire bof ! Mais elle veut en savoir plus. Alors sans trop l'inquiéter, je lui raconte très brièvement mes mésaventures et lui explique que je ne suis plus sur le Tour du Vallespir, que je galère pour descendre sur Prats-de-Mollo et qu'il est primordial que je regarde très attentivement ma carte IGN. Je coupe en lui promettant de la rappeler dès que j'arrive à l'hôtel. Je redéploie ma carte et essaie de me situer par rapport au paysage que j'ai en face de moi. Je comprends que je ne suis pas au Col de Cavanelles mais près d'un endroit qui sur la carte s'appelle " La Segnora ". Il y a légèrement sur ma gauche le Puig Fabre (1.147 m), petit monticule débonnaire qui me rappelle étrangement ces petits volcans arrondis que l'on rencontre en Auvergne dans la chaîne des Puys.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.OSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

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Avec une chance inouie, j'ai retrouvé mon appareil-photo, le plus gros de ma galère est terminé, mais je descends très anxieux vers Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles car je ne suis pas certain du chemin. Finalement, de ce col, j'aperçois le bourg et un chemin désormais très praticable y descend. Ma grosse boule au creux de l'estomac disparaît.

C'est par là qu'il me faut aller, car le chemin passe au pied de ce Puig, et là je comprends qu'en bas du champ en friches, il me faut partir complètement à gauche par une piste qui est parfaitement indiquée sur la carte. Je redescends, contourne à nouveau le petit lopin de terre jusqu'à un portail que je n'avais pas aperçu la première fois. Il y a bien une trace jaune sur ce portail et une piste qui démarre derrière. Je l'emprunte. Un peu plus loin, il y a un raccourci toujours balisé en jaune qui part à droite dans de hauts genêts, mais je le néglige car même si mon itinéraire est plus long, la piste me semble très empruntée par des véhicules, car il y a de nombreuses empreintes de pneus sur le sable. Et surtout, je sais que cette piste va me mener là où je veux. J'ai trop erré aujourd'hui pour prendre le moindre risque de me retrouver une nouvelle fois face à des arbres morts et couchés. Toujours cette boule à l'estomac ! La piste fait maintenant une grande boucle et descend j'en suis certain vers le Col de Cavanelles. Dans cette descente, j'ai le bonheur de tomber sur une baignoire qui sert d'abreuvoir aux animaux et de mare improvisée aux têtards. D'un gros tuyau en PVC, il y coule une eau fraîche et claire et je peux ainsi me rafraîchir et surtout nettoyer toutes ces plaies et égratignures d'où des écoulements de sang ont ruisselé mais ont séché depuis. Au fond de moi, je me dis que sans toutes ces traces d'hémoglobine sur la peau, je serais un peu plus présentable pour arriver à l'hôtel ! Mais si après ce nettoyage, j'ai retrouvé un peu de mon " prestige ", cette eau glacée a l'effet désastreux de réveiller toutes ces brûlures d'orties. Elles n'étaient pas tout à fait endormies mais elles sommeillaient et les douleurs s'étaient bien atténuées. D'ailleurs, quand je regarde mes bras et mes jambes, mais mes jambes surtout, elles sont recouvertes presque intégralement de petites boursouflures rouges. Je sais que dans ma pharmacie, je n'ai aucun médicament, aucune pommade, pour tempérer cet urticaire. Je repars et cinq minutes plus tard, j'arrive au Col de Cavanelles. Il est 19h15. Ici la piste continue mais un panonceau indique une sente qui part à droite : " Col de Cavanelles - 1.050 m- PR6- Prats-de-Mollo par le Fort Lagarde 40mn ". Je compulse à nouveau ma carte car je me méfie désormais de tous les raccourcis. Mais celui-là est bon quand je constate qu'il ne descend que dans un environnement rocheux. Je sais que c'est gagné et la boule au creux de mon estomac disparaît comme par enchantement.

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.OSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Du col de Cavanelles, je distingue la Tour de Mir, une autre difficulté de ce Tour du Vallespir, le Pic de Costabonne, le Roc Colom où le Tech prend sa source et le château Lagarde que je rejoins 40 minutes plus tard. Du château, j'ai une belle vue sur la vallée du Tech, sur Prats-de-Mollo et son riche patrimoine historique. 

Dans cette descente rocailleuse, je me remets à faire quelques photos : de Prats-de-Mollo bien sûr, la cité est encore loin mais je sais qu'elle se rapproche à chacun de mes pas, de la citadelle du Fort Lagarde construite par Vauban en surplomb de la ville et de la Tour de Mir juchée sur un piton rocheux au milieu d'une ténébreuse forêt qui me fait face. Cette tour, je la connais pour y être monter à de multiples reprises. Je la prends en photo, mais à vrai dire je ne veux pas trop la regarder car il va me falloir la gravir demain. Et pourquoi le cacher, j'appréhende déjà car la forêt constituera l'essentiel de cette étape. J'ai mis 30 minutes pour arriver au Fort Lagarde au lieu des 40 qu'annonçait le dernier panneau indicatif. Je prends des photos du fort et de la ville dont le clocher carré qui domine l'église Sainte-Juste et Sainte-Ruffine perfore le panorama. Mais ce ne sont que de simples clichés, juste des souvenirs. Il est 20 heures 15 quand j'entre dans la cité. Voilà 12 heures que je suis sur les chemins. Pour combien de kilomètres parcourus ? Je suis incapable de le dire ! Alors faut-il que je l'avoue, sur la fin, la vigueur m'a manqué pour apprécier tout ce patrimoine historique à sa juste valeur ! Cette étape qui était la plus  courte est en fin de compte devenue la plus difficile depuis mon départ. 

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13 heures sur les chemins, quand j'entre dans Prats-de-Mollo, je suis fatigué et meurtri par cette très longue journée de marche éprouvante et mémorable. C'est au pas de course que j'ai traversé le fort Lagarde construit par Vauban. Je n'en ai pris simplement que quelques photos sans aucune conviction mais pour le simple plaisir de les inscrire dans mon souvenir et surtout pour le réel bonheur d'avoir retrouvé mon appareil photo dans la forêt du Miracle. Cette forêt porte-t-elle bien son nom ? Moi, en tout cas, je reste indécis entre la galère que j'ai vécue pendant 4 heures et le fait d'en être sorti à peu près indemne et pour terminer avec mon appareil photo dans la poche ! Un rescapé lui aussi !

Alors, ce qui m'importe maintenant, c'est de me retrouver au plus vite à l'hôtel. Aussi quand j'arrive sur la place du Foirail, je m'empresse de demander à une dame la direction de l'hôtel Ausseil et gentiment elle m'indique du doigt une grande porte fortifiée au milieu des remparts et me précise que l'hôtel est situé juste une rue après. Je passe sous le porche, arrive sur une autre place et comme je me souviens du nom de cette place " Josep de la Trinxeria ", je sais que l'hôtel est là. Mais la place est bondée de touristes et occupée par les deux restaurants qui y ont largement installés leurs tables et leurs chaises. La place Josep de la Trinxeria est en réalité une immense terrasse pour les deux restaurants mitoyens et quand je demande l'hôtel Ausseil à un garçon de table, il me réponds simplement : vous y êtes ! Au milieu des tables et devant des clients certainement interloqués par mon " look " de randonneur anéanti, je tente en vain de m'expliquer dans un brouhaha inextricable. On ne s'entend pas ici me dit-il. Suivez-moi ! La salle intérieure du restaurant est vide et je peux enfin m'exprimer :

- Je suis Monsieur Jullien, j'ai réservé une chambre. Montrez-la moi que je puisse au plus vite prendre une douche.

- Oui, je crois que vous en avez besoin, me réponds-il avec un petit sourire narquois et en me tendant une clé et en rajoutant : c'est la chambre 7 au deuxième étage.

- Puis-je manger après ? lui dis-je.

- Oui, mais ça ne sera peut-être pas en terrasse car tout est plein me réponds-il.

- Peu m'importe !

Malgré les escaliers qu'il me faut encore escalader, je m'empresse de monter dans la chambre. Avant toute chose, je me déshabille et me jette sous une douche chaude. J'ai bien essayé d'abord l'eau froide mais ce fut un supplice insupportable. Je n'ai pas insisté car à nouveau les brûlures se sont réveillées de manière presque insoutenable. J'ai appelé Dany pour la rassurer et l'embrasser mais sans trop m'étendre sur tous les déboires que j'avais endurés au court de cette mémorable journée. Les hauteurs du Vallespir ont été sacrément âpres aujourd'hui. Encore plus âpres que je ne l'avais imaginé ! C'est sûr maintenant, le titre de mon aventure " Sur les hauteurs d'une vallée âpre " ne sera pas galvaudé.

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Une ruelle à Prats-de-Mollo et le clocher de l'église Saintes Juste et Ruffine.

ÂPRE EST CE VALLESPIR…… 

 

Âpre est ce Vallespir que je veux cheminer.

Dure est la Tour de Mir quand il faut y grimper.

Je ne fais que grandir sur ces crêtes boisées,

Les sources ont à jaillir pour combler les fossés.

 

Âpre est ce Vallespir que je veux affronter.

Dur est le déplaisir lorsque l'on veut marcher.

Et si mes pas délirent, rien ne peut m'arrêter,

Sauf les pins, ces martyrs que le vent a couché.

 

Âpre est ce Vallespir, je veux le proclamer.

Dur mon sang à tarir, je ne suis que touché.

Et ce pourpre élixir, il ne fait que couler,

Mon corps prêt à bondir sur les chemins dallés.

 

Âpre est ce Vallespir que j'ai pourtant aimé.

Dures ces lloses, ces porphyres où j'ai pourtant chuté.

Et si ma tête chavire, je n'vais pas m'écrouler,

Sur ces frêles sentiers, dans ces prés parfumés.

 

Âpre est ce Vallespir où il faut s'arrêter.

Dur est le point de mire où il faut arriver.

Et si mon cœur soupire alors qu'il est blessé,

Mon amour viens vers moi , toi seul peut l'apaiser.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le lendemain matin, la Tour de Mir me nargue de ces 1.540 mètres d'altitude. Elle se trouve sur le tracé du Tour du Vallespir. Vais-je l'affronter ?

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Cliquez sur la forêt ravagée par la tempête Klaus pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo 15 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.3eme étape : Mercredi 19 août 2009.

Saint-Guillem (1.287 m)-Prats-de-Mollo (753 m) 15 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

Nous nous aventurâmes jusqu'au village de Prats-de-Mollo. J'avoue que je préférai les bocages de la plaine à ces grandes montagnes couvertes de chênes verts et qui semblent plus faites pour abriter des bandits, que pour assurer le couvert à des honnêtes gens. Extrait de l'essai " Voyage en France en 1787, 1788, 1789 ". Arthur Young (1741-1820) agriculteur, agronome et écrivain britannique.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.LA FAUTE A KLAUS :

Malgré cette anxiété que j'ai eu hier soir, j'ai fini par m'assoupir. Quand j'y repense, je constate que c'était plutôt une appréhension momentanée qu'une vraie obsession. Puis vers minuit, j'ai été réveillé par un bruit. C'était comme le bruit d'un grattement. Mais une fois éveillé, je me suis aperçu qu'un autre bruit venait du volet d'un petit vasistas qui était resté ouvert et qui grinçait sous une légère brise nocturne. A la faible clarté de ma lampe frontale, je n'ai rien observé qui correspondait au grattement qui m'avait réveillé. Par contre, le rayon plus large que ma lampe projetait contre le mur du refuge me fit remarquer qu'il manquait une grosse pierre à 15 centimètres de ma paillasse. Au fond de ce trou ainsi constitué, il y avait un nid de souris fait d'une bourre blanche, de poils et de fibres diverses. Mais de souris, il n'y en avait point ! Est-ce elle qui grattait avant que je ne me réveille ? Avait-elle eu le temps de décamper avant que je n'éclaire la lampe ? Pour ne plus être embêté par ce grincement lugubre et ces grattements désagréables, je pris les sages résolutions de fermer le vasistas et de déménager ma litière à l'autre bout du bat-flanc. Puis, j'ai profité de ce réveil fortuit pour partir uriner dehors. Le ciel tout entier était étoilé et une belle voie lactée blanchissait le firmament au dessus de la chapelle de l'ermitage. La nuit était douce et quasi silencieuse. Seule une petite brise, frissonnant les feuilles, tentait sans succès de rompre cette quiétude. Comme j'appréciais pleinement l'instant présent, cette sérénité, cette paix secrète et intime, loin du monde bruyant et trop insociable que j'avais quitté, je suis resté de longues minutes sur le pas de la porte, les yeux levés vers le ciel et l'ermitage qui se découpait, à écouter ce silence avant de partir me recoucher. Une fois encore, cette nuit-là fut bénéfique et, à mon grand étonnement, je n'ai ressenti à mon réveil aucune contracture musculaire, ni aucune douleur, malgré les deux longues étapes déjà accomplies et la rusticité du couchage qui ne m'avait pas empêché de dormir profondément.

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Quand je quitte Saint-Guillem, vers le sud, le jour est déjà levé mais le hameau est encore dans la pénombre. Ici les panneaux sont on ne peut plus clairs mais mal placés et je vais me tromper avant de me raviser et de reprendre le bon chemin.

Il est 7 heures. Vers le sud, le jour est déjà levé mais Saint-Guillem de Combret, blotti au fond du vallon de Coumelade, est encore dans une obscure nébulosité. Bloqués par les hauts monts environnants, les rayons du soleil mettront encore plus d'une heure avant d'éclairer complètement le minuscule hameau. Je déjeune de deux gâteaux de riz vite expédiés et d'une grande gorgée d'eau et range tranquillement mes affaires et mon sac à dos en prêtant attention à ne rien oublier dans le refuge. Il est 8 heures quand je démarre avec ma trousse de toilettes, mon gant et ma serviette à la main. Je sais qu'il y a dans le hameau, non loin d'ici, une auge ou plutôt un vieux lavoir dans lequel, par un tuyau de PVC, s'écoule une eau de source cristalline. J'ai bien l'intention de me raser et de faire un brin de toilettes car j'ai la désagréable sensation de me sentir sale et poussiéreux. Je mets un quart d'heure pour me laver et tenter de parfaire ma présentation. Mais j'ai le sentiment que l'eau glacée a eu un seul effet non négligeable sur mon organisme, celui de lui assener un " claquant " coup de fouet qui me permet de démarrer cette étape dans d'excellentes conditions. Je profite pour remplir mes deux gourdes et mon camelback d'une eau fraîche et renouvelée.

La large piste s'élève rapidement au dessus de l'ermitage. Sur ma droite, là même où hier après-midi j'ai galéré, la tempête Klaus a laissé un immense chantier de désolation dans cette forêt qui était pourtant magnifique. Par contre, en face de moi, les flancs du Puig dels Sarraïs (1.830 m) et du col de Serre-Vernet (1.808m) que je dois cheminer semblent moins meurtris. Il y a bien deci delà, quelques cicatrices, quelques sillons d'immenses résineux couchés, mais rien de bien inquiétant, en tous cas vu d'ici.

Quelques minutes plus tard, et alors que je m'apprête à poursuivre la piste, je remarque inopinément sur ma droite un panonceau qui semble m'indiquer Prats-de-Mollo et le col de Serre-Vernet par un autre chemin qui s'enfonce dans la forêt. Et je commets là une nouvelle erreur en ne sortant pas immédiatement mon GPS. Quand je le sors, c'est bien trop tard, car mon GPS ne capte plus aucun satellite masqué qu'il est au fond de ce sous-bois touffu. Deuxième erreur, je ne sors pas ma carte non plus, tranquillisé, il est vrai, par ce rassurant panneau. Et quand je sors ma carte, c'est encore beaucoup trop tard car j'ai marché ainsi une " bonne " demi-heure jusqu'à m'inquiéter de ne plus rencontrer le balisage jaune et rouge qui était pourtant bien visible jusqu'à présent. Au regard de la carte, je me rends à l'évidence, je me suis trompé, une fois de plus. Quitte à avoir perdu une heure, je décide de faire demi-tour car ce chemin qui zigzague toujours en forêt sans aucun balisage apparent me trouble et ne m'amènera nulle part et en tous cas pas où je dois aller.

Quand je retrouve la piste et le panonceau, selon moi, très mal placé à cet endroit, j'ai effectivement perdu une heure. Je m'avance sur la piste et quelques dizaines de mètres plus loin, j'aperçois effectivement les marques de peinture jaune et rouge propres au GRP du Vallespir. Je poursuis la piste et enjambe le fougueux torrent de Coumelade par un large pont bétonné. Peu après, la piste se sépare en deux, mais le balisage est ici parfait et m'oriente vers la droite. Plutôt plane au début, maintenant la piste monte allégrement, effectue deux larges courbes, avant d'atteindre le col Baxo à 1.473 mètres. Au fond de ce petit col herbeux, un nouveau panneau sollicite un départ à gauche. Ici une minuscule sente, encadrée d'une clôture, est barrée d'un petit portail qui est là pour empêcher les bovins de passer mais pas les randonneurs. Sans trop m'en apercevoir, et malgré l'heure perdue, j'ai déjà fait 190 mètres de dénivelé sur les 521 que je dois accomplir pour atteindre les 1.808 mètres du Col de Serre-Vernet. C'est bien sûr encourageant, mais j'évite de trop penser aux 331 mètres restant sur les trois kilomètres d'ascension qui doivent m'amener au pinacle de ce tour du Vallespir.

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J'ai quitté Saint-Guillem par un chemin qui enjambe la rivière Coumelade. Parfaitement balisé, il s'élève rapidement par le col Baxo, file à travers des bois touffus où coulent quelques petits ruisseaux. Mais parfois le chemin se transforme en balcon et j'ai le bonheur d'être en surplomb de superbes paysages. Saint-Guillem est déjà très loin.

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Ce chemin parfois en balcon me laisse entrevoir Saint-Guillem que j'ai quitté ce matin. On aperçoit les bois saccagés par la tempête Klaus. Celui au dessus du hameau où j'ai galéré hier lors de mon arrivée et celui en dessous du refuge où se trouve un bel arboretum avec notamment quelques séquioas.

 Malgré le dénivelé, le petit chemin est changeant et agréable. Cheminant le plus souvent en sous-bois et recouvert d'un épais tapis de feuilles mortes, il coupe quelques ruisseaux, affluents de la Coumelade et monte rectiligne offrant quelquefois de magnifiques vues vers le sud mais surtout sur Saint-Guillem et tout le Bassin de Coumelade. Puis soudain, il bifurque dans le sens opposé en direction du Col de Serre-Vernet dans un bois de petits pins chétifs. Il n'est pas tout à fait midi quand j'arrive au col, point culminant de ce périple avec ses 1.808 mètres

Vaste pré herbeux entouré de pins et de sapins, il semble être le paradis pour nombre de génisses et de vaches blanches indolentes. La plupart sont affalées sur la verte prairie et même mon passage laisse indifférent tous ces bovins, qui repus, ne tournent même pas la tête quand je m'approche d'eux. Ici, les panoramas à 360° sont splendides de tous côtés. De nombreux hauts sommets et de nouveaux pics apparaissent, de nombreuses crêtes composent l'horizon : la Crête des Sept Hommes (2.651m), le Pla Guillem (2.301m), les Roques Blanches (2.252m), les Esquerdes de Rotja (2.316m), le Roc Colom (2.507m) et le Pic de Costabonne (2.465m) pour ne citer que les crêtes les plus connues et les plus attractives. Mais il y aussi de profonds ravins et surtout cette immense et épaisse forêt domaniale qui n'en finit plus de s'étendre sur ce magnifique Haut-Vallespir. Ici, il y a aussi un panneau, mais il ne sert plus à rien car il gît à terre et n'indique plus aucune direction. Je le redresse et essaie en vain de retrouver son emplacement originel. De dépit, je le pose contre un petit pin dans la position qui me semble la plus appropriée avec St Guillem dans la direction d'où je viens. A l'aide d'un bout de ficelle que j'ai trouvé sur la pelouse, j'ai beau l'attacher avec bons sens à une branche du pin, je ne suis guère plus avancé quand à la direction à prendre pour me rendre à Prats-de-Mollo.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

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J'arrive au col de Serre Vernet. A 1.808 mètres, c'est le point culminant de mon périple. Les paysages sur le très Haut-Vallespir sont superbes de tous côtés. Ce col est aussi le paradis de vaches et des génisses. Le panonceau indicatif gît à terre, je le redresse et l'attache à un pin mais je ne suis pas plus avançé quant à la direction à prendre pour aller à Prats. Heureusement j'ai mon GPS !

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J'effraie un petit veau puis je m'arrête pour déjeuner dans cet éboulis qui descend très raide du Puig dels Sarraïs vers la vallée de la Parcigoule. Je ne peux trouver plus beau spectacle ! Mais la descente est loin d'être finie, je dois encore atteindre deux cols, celui de la Collade d'En Mandoulé et le col de Coumeille, petit pré verdâtre que j'aperçois tout en bas.

Mais heureusement, ma carte IGN est là et mon GPS aussi et à force d'avancer dans différentes directions vers le sud, je finis par trouver le bon itinéraire qui file sur le pré puis contourne quelques rochers. Il est midi et j'ai faim, mais comme la suite de l'étape est essentiellement faite de descentes, je prends la décision de continuer un peu pour m'offrir comme hors d'oeuvre un splendide panorama dégagé. Cette sente allie pelouses, petits bois de pins et de feuillus mais aussi rocailles et rochers plus ou moins gros. Mais il y aussi de nombreux et bas genévriers derrière lesquels quelques veaux ruminent leur fourrage. L'un d'entre eux peut se vanter de m'avoir fait une belle frayeur et tressaillir quand il a débouché devant moi alors que je marchai dans un silence de cathédrale. Mais je suppose que lui aussi, il a du avoir une peur " bleue " ! En contournant maintenant le rocailleux Puig dels Sarraïs, le chemin n'est désormais plus qu'amoncellement de blocs déchiquetés et gros pierriers escarpés. Je redouble de vigilance pour éviter toute chute qui, ici, serait catastrophique pour de pas dire fatale. Il est temps que je m'arrête pour déjeuner car je ne trouverai pas meilleur belvédère que ces éboulis, bien exposés au soleil, qui descendent raides vers le vallon de la Parcigoule. Il n'y a plus aucun obstacle devant moi et je déguste à la fois ma salade et ce magnifique spectacle. Assis sur une grosse pierre plate bien chaude et adossé à une autre, j'ai trouvé, dans de ce fauteuil improvisé mais un peu dur il est vrai, une terrasse peu confortable pour mes fesses mais idéale pour mes yeux.

D'ici, je jouis d'un panorama exceptionnel sur le Bassin de la Parcigoule mais aussi sur une immense partie de ce Haut-Vallespir que je suis venu découvrir. C'est d'ailleurs en mangeant dans ce gros pierrier que j'ai imaginé le titre de mon voyage et de ce récit : " Sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

Après trois jours de marche, et à cet instant précis, il me semblait qu'aucun autre endroit traversé ne méritait plus ce terme de " âpre " que cet immense magma rocheux. Dans cet éboulis, les aspérités ne manquent pas et l'âpreté, je la touche à chaque instant. Le déroulement imminent de ce Tour du Vallespir me montra malheureusement et très vite que je n'avais pas encore tout connu de cette légendaire âpreté. Quand je repars, la sente, où du moins ce que j'en devine grâce à un balisage abondant et précis, se complique sacrément en étant toujours très rocheuse mais en devenant encore plus abrupte. Pour éviter toute chute, je m'applique à poser mes pieds sur des pierres stables et quand les marches sont trop hautes à descendre, je m'aide autant de mes mains que de mes pieds.

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J'en ai fini avec la longue descente le long du flanc pierreux du Puig dels Sarraïs. Au col de Coumeille, une étrange croix gravée dans la pierre et le pic de Granarols que le chemin contourne au milieu d'une jolie pelouse jonchée de carlines blanches pour se diriger vers un autre puig , celui des Lloses. Ce puig, je vais m'en souvenir très longtemps !

Après un premier petit col herbeux, la Collade d'En Mandoulé sur la carte, la descente abrupte continue mais la sente moins rocailleuse mais plus terreuse devient plus facile jusqu'au Col de Coumeille (1.566m). Ce collet, petite prairie vert clair, encadrée par le Puig dels Sarraïs et le Pic de Granarols (1.690m) je l'ai entrevu dès le début de la descente du col de Serre-Vernet et depuis je languis de l'atteindre tant mon appréhension d'une mauvaise chute dans ce champ de pierres est ancrée dans ma tête. Aussi, je suis si soulagé en l'atteignant que la première chose est de déposer mon sac à dos et de m'allonger les bras en croix sur ce vert herbage. Mais, à cet endroit, je ne suis pas le seul à avoir fait une croix, un autre chemineau a cru utile d'en graver une dans la pierre, moins éphémère que la mienne. Au regard de son usure générale, des vieilles mousses et de l'érosion de petits conglomérats dans son cadre, cette croix me paraît très ancienne. Depuis quand était-elle là ? Je ne suis pas un spécialiste ni de l'archéologie ni de la géologie mais pour l'avoir lu, je sais que le Vallespir a été occupé bien avant le néolithique, époque où l'homme a vraiment commencé à maîtriser le polissage et la sculpture de la pierre. Alors cette croix, est-ce vraiment une croix ancienne ou une cupule comme celles que les hommes préhistoriques ont laissés gravés un peu partout dans le département ? Quelle âge a-t-elle cette gravure ? 5000 ans, 8000 ans, 10000 ans ? Est-elle plus récente et liée au christianisme ? Ou bien a-t-elle été sculpté par un preux et inventif chevalier en partance pour une croisade ? Comme toujours en pareil cas, j'en prends une photo avec l'idée de l'exposer dans mon futur récit à la fois pour l'agrémenter mais aussi avec le secret espoir que cette photo pourra être vue par de vrais spécialistes qui pourront ainsi et sans doute répondre à nombre de mes interrogations.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

L'étrange croix photographiée au col de Coumeille. Je suis preneur, si quelqu'un a des réponses aux questions que je me pose au sujet de cette croix ?

Au col de Coumeille, le chemin contourne le Pic de Granarols pour arriver au Puig des Lloses (1.413m). Ici, le sentier tout en pente douce et très praticable est un réel plaisir. Atteindre ce nouvel objectif n'est cette fois qu'une simple formalité. Il est 14 heures tapantes quand j'arrive au Puig des Lloses. Les panneaux directionnels y sont au nombre de trois : " 1- Le Tour du Vallespir vers Saint-Guillem, à savoir l'itinéraire que je viens de parcourir, 2-Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles, col situé à 30 minutes et bien sûr, 3 Prats-de-Mollo par le GRP Tour du Vallespir que je dois suivre pour respecter le tracé de mon GPS et celui de topo-guide de Georges Véron. Le Puig des Lloses ressemble plutôt à un petit collet avec un replat d'où l'on a une vue plongeante sur Prats-de-Mollo. Ici, je retrouve une flore que j'avais perdue de vue depuis le col de Formentere, faite de sorbiers des oiseleurs, de maigres genêts, de rachitiques genévriers et toujours ces bas massifs de bruyères roses que je côtoie depuis mon départ. Mais une chose me surprend sans trop m'inquiéter sur l'instant, ce sont ces petits amoncellements de branchages cassés dont on voit très bien qu'ils ont été laissés là en l'état depuis la tempête Klaus. Quand à Prats-de-Mollo, d'ici, la cité n'est visible que parce qu'une multitude de grands sapins ont été étêtés ou fracassés sur un vaste périmètre. Mais quand je poursuis la sente du Tour du Vallespir en direction du Col du Miracle, je ne suis pas vraiment inquiet. Il y a bien, dés le départ, un pin en travers du sentier mais je l'enjambe très facilement. 50 mètres plus loin, il y en a deux autres mais ceux-là je ne peux pas les enjamber et suis obligé de les contourner, assez facilement il est vrai. Puis, les pins et les sapins renversés en travers se succèdent. J'enjambe, contourne, passe parfois en dessous et quand je ne peux pas, par dessus. Je commence vraiment à galérer et mes membres sont déjà bien égratignés. Mais en y prêtant attention, je remarque que je ne suis pas le seul à être passer par là. Je vois parfaitement que les bas-côtés du sentier ont été piétinés car la terre est meuble aux endroits où un contournement était la seule alternative. Randonneurs, chasseurs, animaux ? Puis, d'un coup plus rien, plus d'arbres couchés sur plusieurs centaines de mètres. J'arrive au ravin du Pas des Vaques qui n'est ici qu'un petit ru où coule un mince filet d'eau sur un fond boueux. Avec un mouchoir en papier que je mouille au préalable, j'éponge toutes mes égratignures. Je traverse le ruisseau sans problème et poursuis mon chemin dans un sombre sous-bois, ce qui me convient très bien, car ça signifie que tous les arbres sont encore debout. Mais ça ne dure malheureusement pas et là, un peu plus loin, ça se complique car il n'y a pas de réel passage, et en tous cas aucune trace d'un franchissement antérieur. Quand je le peux, j'enjambe, mais quand les troncs sont trop hauts, je tente de passer dessous, mais parfois en vain car le problème avec les sapins, c'est qu'ils sont parfois partiellement déracinés et ont encore toutes leurs épaisses ramures. Et quand ils n'ont plus leurs ramilles, c'est encore pire car leurs branches sèches sont autant de poignards qu'il me faut éviter. Alors, je contourne, je descends, je monte tout en essayant de ne pas trop m'éloigner du chemin. Souvent, je suis contraint d'ôter mon sac à dos, qui, dans ce dédale, est un terrible handicap. Ouf ! J'ai réussi à franchir ce nouvel obstacle mais voilà que 150 mètres plus loin, il en apparaît une autre, aussi difficile que le précédent sinon plus.

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Au Puig des Lloses, les panonceaux sont nombreux et j'aperçois Prats-de-Mollo tout en bas, pourtant je vais me fourvoyer pendant plus de quatre heures dans cette forêt du Miracle ravagée par la terrible tempête Klaus. En vain. De cette forêt, je vais en ressortir meurtri, égratigné, ensanglanté et surtout brûlé des épaules aux chevilles pour être tombé dans de hautes orties ! De surcroît, je vais perdre mon appareil-photo, ce qui va m'obliger à retourner dans ce fatras pour le retrouver. 

Je suis fatigué et sanguinolent mais dans ma tête, je me dis que si j'en ai passé un, je peux en franchir d'autres. Je me dis aussi que les forestiers du coin doivent bien être conscients que le Tour du Vallespir est barré par tous ces arbres abattus et je suppose qu'ils ont commencé à déboiser en partant de Prats-de-Mollo et en remontant le sentier. Ce n'est pas possible, ce traquenard va bien finir par s'arrêter ! Je passe plus facilement ce nouveau barrage et arrive à un endroit où le sentier fait un angle droit près d'un piton rocheux en surplomb de Prats-de-Mollo. Ici, je prends conscience des dégâts considérables que la tempête Klaus a provoqué dans ce secteur mais j'arrive néanmoins à parcourir encore 500 mètres sans trop de difficultés avant de tomber sur une autre empreinte d'une forêt complètement ravagée. J'enjambe, je contourne, remonte et redescend sans trop me préoccuper du chemin qui a définitivement disparu dans cet amas incommensurable d'arbres brisés, de troncs fracassés, de branches amoncelées et de branchages empilés. Dans ma tête, j'espère surtout que ce nouveau sillon dévasté ne sera pas trop large et qu'une nouvelle fois, je pourrai le franchir. Par moment, j'arrive dans des impasses. Il m'est impossible de contourner, de passer dessous et malgré la hauteur où se trouvent les troncs, souvent à plus d'un mètre du sol, la seule solution reste de les enjamber. Je n'en suis pas à ma première enjambée mais cette fois, le tronc est-il un peu plus haut où est-ce la fatigue, toujours est-il, que droit sur le rondin, je me sens partir en arrière entraîné par le poids de mon sac. Un coup de reins pour me rétablir, mais ce coup de reins est bien trop puissant et voilà que je pars en avant ! J'ai beau mouliner l'espace avec mes bras pour tenter de tenir en équilibre mais c'est trop tard, mes mains ne rencontrent que le vide et en tous cas, rien où s'accrocher. Je pars en avant, je vais tomber et me rompre le cou dans ce monstrueux chaos, mais une dernière inspiration me donne l'intuition et le sursaut que plutôt que de tomber n'importe où et n'importe comment, il faut mieux que je me jette à un endroit choisi. Voilà, j'ai réussi, si je puis dire ! Je me retrouve planté au milieu d'un gros massif de ronces et de hautes orties. Mon genou gauche a malgré tout cogné fortement une grosse branche et je saigne abondamment. Mais ce n'est pas ça le plus douloureux, mais toutes ces petites brûlures d'orties qui, peu à peu, en partant des chevilles, semblent monter tout le long de mon corps, enflammant surtout mes jambes mais également mes bras. J'ai l'impression de flamber debout et malgré la douleur, je reste planté là au milieu de cette désolation, de ce néant. Je suis tout à coup comme tétanisé par l'angoisse. Mais je perçois que cette angoisse est arrivée de manière soudaine car jusqu'à présent, j'étais trop occupé à m'en sortir. Une fraction de quelques secondes, il me vient à l'esprit de sortir mon portable et d'appeler des secours. Mais en me retournant, et malgré cette complète désolation, je constate que ce n'est pas le néant absolu : à vol d'oiseau, je ne suis pas très loin d'une piste blanche et sableuse que je distingue en contrebas à quatre ou cinq cent mètres. Je discerne des voitures qui y circulent et aussi un mas. Et même si à cet instant précis, je voudrais être un oiseau, je n'en suis pas un ! Je me suis foutu tout seul dans cette " mouise " et il faut que j'en sorte tout seul aussi ! Mais faire cinq cent mètres dans cette dévastation, je sais à l'avance que c'est une impossible gageure.

La faute à Klaus Schümann

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je suis tombé par terre c'est la faute à Voltaire.

Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes exactement, j'ai hurlé :

Je suis tombé sur un os, c'est bien la faute à Klaus.

Le nez dans les gentianes, c'est la faute à Schümann.

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je ne suis pas notaire, c'est la faute à Voltaire.

Je suis petit oiseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes, j'ai crié :

J'ai chuté sur les lloses, c'est bien la faute à Klaus

J'ai brisé mes organes, c'est la faute à Schümann

 

Je voudrais faire un saut et atterrir à Prats-de-Mollo,

Je ne suis pas petit oiseau, c'est la faute à mon père !

Alors il me faut être costaud et que j'ai un sursaut !

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le 24 janvier 2009, la tempête Klaus a provoqué de considérables dégâts dans le Haut-Vallespir. En août, les plaies sont loin d'être toutes cicatrisées.

C'est donc décidé, je vais rebrousser chemin jusqu'au Puig des Lloses et descendre à Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles. La première chose à faire, c'est retrouver le sentier mais où peut-il bien être dans ce " labyrinthe " végétal trop urticant à mon goût. Seul mon GPS peut me le dire et il faut d'abord que je sorte de ce roncier qui m'enveloppe comme une toile d'araignée. D'ailleurs des araignées, il y en a pas mal ici et comme elles n'apprécient pas trop mon intrusion dans leur domaine réservé, elles me piquent elles aussi. Mais bon, je n'en suis plus à une piqûre près ! Seule solution, sortir par là où je suis arrivé, c'est-à-dire par le haut. Cette fois, j'ôte mon sac à dos, dont je vérifie au préalable toutes les fermetures et je l'envoie valdinguer par-dessus le tronc dont je viens de choir. Je me hisse sur le tronc et me mets carrément à cheval sur lui. Un point GPS me situe à une cinquantaine de mètres du chemin qui est vers le nord et pour moi vers le haut. Je récupère mon sac et poursuit ainsi mes divagations. Je jette mon sac, me hisse à nouveau, le récupère et ainsi de suite. Parfois, je jette mon sac un peu plus loin car j'arrive à jouer les équilibristes sur plusieurs troncs couchés de concert et ma progression s'accélère. Je vais mettre un gros quart d'heures pour retrouver le sentier et encore plus d'une heure pour rejoindre le Puig des Lloses. Quand je regarde ma montre, j'ai du mal à le croire : il est déjà 17 heures et voilà trois heures que je me fourvoie dans cette forêt du Miracle, la mal nommée. Il faut absolument que j'appelle l'hôtelier pour le prévenir que j'aurai du retard. De ce côté-là au moins je serais tranquille et quand je l'ai au bout du fil, effectivement il me rassure. J'ai réservé, j'ai payé et la chambre à l'hôtel Ausseil m'est complètement allouée quoi qu'il m'arrive. Mais s'il savait ce brave homme ce qu'il vient de m'arriver ! Mais n'en parlons plus, j'en suis sorti, même si c'est fourbu, écorché, entaillé, égratigné, brûlé et ensanglanté de la tête aux chevilles. Maintenant, le sentier qui descend vers le Col de Cavanelles au milieu des genêts et des hautes fougères est plutôt agréable et les panoramas sont suffisamment beaux pour que je me remette à prendre des photos. Mais où est mon appareil ? Il n'est pas dans une de mes poches et je ne me souviens pas l'avoir rangé dans mon sac ! Non, il était dans sa housse accrochée à ma ceinture et à ma ceinture, je n'ai plus rien désormais ! Le bouton-pression a dû s'ouvrir et je l'ai perdu ! Je suis désespéré car perdre mon appareil photo c'est comme si j'avais perdu la mémoire de ces trois premiers jours depuis Amélie-les-Bains. Pour moi, c'est inimaginable et il faut que je le retrouve. Sans trop réfléchir, je sors ma dernière gourde d'eau de mon sac à dos et je jette ce dernier dans les hauts genêts en m'assurant qu'on ne le voit pas depuis le chemin. Deux petites branches en forme de croix que je place au bord du sentier pour retrouver cet endroit et me voilà entrain de remonter le sentier, presque en courant, vers cet " enfer vert " où j'ai sans aucun doute perdu mon appareil. Où se trouvera-t-il ? Loin, près ? L'ai-je perdu quand je suis tombé de ce tronc plus haut que les autres ? S'est-il décroché dans le roncier ? Ou bien sous un tronc que j'ai franchi comme un tunnel ? Voilà les questions et bien d'autres qui grouillent dans ma tête alors que je me jette dans cette " impossible " quête. Vu l'heure et le temps que j'ai mis la première fois, il faut à la fois que je fasse vite mais sans pour autant négliger mes recherches. Ce serait idiot de passer à côté sans voir l'appareil par précipitation. L'absence du sac à dos m'aide considérablement mais au fond de moi, je sais que selon l'endroit où la housse est tombée de ma ceinture, c'est comme rechercher une minuscule aiguille dans une énorme botte de foin. Sans le sac mais avec une gourde à la main, je passe néanmoins tous les petits obstacles plus aisément, je traverse le ru du Pas des Vaques, je franchis le premier couloir de sapins anéantis avant que le sentier fasse un angle droit. Rien ! Il me reste encore un barrage à franchir avant ce virage et comme pour le précèdent, j'essaie de me souvenir par où je suis passé à l'aller mais aussi au retour. Et là, au moment où je me baisse pour passer sous les branches encore vertes d'un immense sapin déraciné, le miracle survient ! La petite housse avec mon numérique à l'intérieur est là au milieu du sentier sous la verte ramure. Ouf ! Ouf ! Ouf ! Je respire à pleins poumons. Quel soulagement. Je vérifie mon appareil que j'enfonce au plus profond de la poche de mon short et par sécurité supplémentaire, je referme celle-ci avec le Velcro consacré. Une fois encore, il ne me reste plus qu'à rebrousser chemin. Ce ne sera que la quatrième fois que j'emprunte cet itinéraire et si ça continue, je vais finir par en connaître le moindre recoin par coeur ! D'ailleurs, c'est le cas, car dans ma précipitation et alors que je me suis arrêté pour boire un coup, j'ai posé machinalement mon bob sur un rocher et je l'ai oublié. Mais je ne suis pas inquiet car je sais parfaitement où il se trouve.

Il est 18 heures quand je passe une nouvelle fois devant la panonceau " Puig des Lloses - 1.413 m - PR6B - Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles - 30 mn ".

A cet instant précis, je ne sais pas pourquoi, il me vient une abominable anxiété : Et si ce chemin, lui aussi, était impraticable, barré par une forêt saccagée ? Après tout, il n'y a pas d'autre chemin et le peu que j'en ai parcouru avant de retourner chercher mon appareil photo ne me laisse aucune certitude et ne me permet pas d'être rassuré. Après tout, Prats-de-Mollo que j'aperçois en bas est au moins à trois kilomètres à vol d'oiseau et il faut au bas mot compter au minimum le double par le chemin. Tout est encore possible ! Cette terrible angoisse, elle va soudain se transformer en une grosse boule au creux de mon estomac et elle va rester là, encore blotti pendant une heure et demie. Autant, j'ai été longtemps serein cet après-midi même au plus fort de mes élucubrations, autant maintenant je prends conscience que je peux ne pas arriver au bout de cette étape, en tous cas aujourd'hui. Mais je sais aussi que je n'ai pas le choix dans la direction à prendre et je continue. Je récupère mon sac. Les photos que j'avais voulu prendre tout à l'heure, je les prends maintenant. Mais j'avoue que je n'ai plus le cœur à ça ! J'ai toujours cette appréhension et ces questions qui fourmillent dans ma tête et je ne pense plus qu'à une chose : descendre, descendre, et descendre encore au plus vite vers Prats-de-Mollo. Comme prévu et sans problème, j'arrive au bout de 30 minutes à ce que je crois être le col de Cavanelles. A gauche, un grand champ en pente avec un large chemin qui le contourne, un autre chemin qui part droit devant moi et un autre qui part complètement à gauche. Je n'ai plus de tracé sur mon GPS et je ne vois plus le balisage jaune que j'ai entr'aperçu dans la descente. Je suis contraint de stopper pour regarder ma carte IGN. J'en profite pour manger et absorber un peu d'énergisant car je suis exténué. Le chemin qui part droit devant moi n'existe pas sur la carte. Ça m'étonne mais je l'oublie. Celui qui part à droite se termine dans un cul de sac. Je l'oublie aussi. Reste celui qui part à gauche et qui semble être le bon à la lecture de la carte. Je redémarre, c'est bon, j'aperçois un coup de peinture jaune sur le piquet d'une clôture. Je contourne ce lopin de terre que je voyais d'en haut. Le chemin continue de tourner, puis à mon étonnement, il se remet à nouveau à monter. Je suis éreinté et je n'en crois pas yeux quand je retrouve le petit pin sous lequel je viens de manger, il y a un instant. Je n'ai fait que tourner en rond autour de cette parcelle en friches. Mon téléphone sonne. C'est Dany. Elle demande de mes nouvelles. Je ne peux que lui dire bof ! Mais elle veut en savoir plus. Alors sans trop l'inquiéter, je lui raconte très brièvement mes mésaventures et lui explique que je ne suis plus sur le Tour du Vallespir, que je galère pour descendre sur Prats-de-Mollo et qu'il est primordial que je regarde très attentivement ma carte IGN. Je coupe en lui promettant de la rappeler dès que j'arrive à l'hôtel. Je redéploie ma carte et essaie de me situer par rapport au paysage que j'ai en face de moi. Je comprends que je ne suis pas au Col de Cavanelles mais près d'un endroit qui sur la carte s'appelle " La Segnora ". Il y a légèrement sur ma gauche le Puig Fabre (1.147 m), petit monticule débonnaire qui me rappelle étrangement ces petits volcans arrondis que l'on rencontre en Auvergne dans la chaîne des Puys.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.OSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

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Avec une chance inouie, j'ai retrouvé mon appareil-photo, le plus gros de ma galère est terminé, mais je descends très anxieux vers Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles car je ne suis pas certain du chemin. Finalement, de ce col, j'aperçois le bourg et un chemin désormais très praticable y descend. Ma grosse boule au creux de l'estomac disparaît.

C'est par là qu'il me faut aller, car le chemin passe au pied de ce Puig, et là je comprends qu'en bas du champ en friches, il me faut partir complètement à gauche par une piste qui est parfaitement indiquée sur la carte. Je redescends, contourne à nouveau le petit lopin de terre jusqu'à un portail que je n'avais pas aperçu la première fois. Il y a bien une trace jaune sur ce portail et une piste qui démarre derrière. Je l'emprunte. Un peu plus loin, il y a un raccourci toujours balisé en jaune qui part à droite dans de hauts genêts, mais je le néglige car même si mon itinéraire est plus long, la piste me semble très empruntée par des véhicules, car il y a de nombreuses empreintes de pneus sur le sable. Et surtout, je sais que cette piste va me mener là où je veux. J'ai trop erré aujourd'hui pour prendre le moindre risque de me retrouver une nouvelle fois face à des arbres morts et couchés. Toujours cette boule à l'estomac ! La piste fait maintenant une grande boucle et descend j'en suis certain vers le Col de Cavanelles. Dans cette descente, j'ai le bonheur de tomber sur une baignoire qui sert d'abreuvoir aux animaux et de mare improvisée aux têtards. D'un gros tuyau en PVC, il y coule une eau fraîche et claire et je peux ainsi me rafraîchir et surtout nettoyer toutes ces plaies et égratignures d'où des écoulements de sang ont ruisselé mais ont séché depuis. Au fond de moi, je me dis que sans toutes ces traces d'hémoglobine sur la peau, je serais un peu plus présentable pour arriver à l'hôtel ! Mais si après ce nettoyage, j'ai retrouvé un peu de mon " prestige ", cette eau glacée a l'effet désastreux de réveiller toutes ces brûlures d'orties. Elles n'étaient pas tout à fait endormies mais elles sommeillaient et les douleurs s'étaient bien atténuées. D'ailleurs, quand je regarde mes bras et mes jambes, mais mes jambes surtout, elles sont recouvertes presque intégralement de petites boursouflures rouges. Je sais que dans ma pharmacie, je n'ai aucun médicament, aucune pommade, pour tempérer cet urticaire. Je repars et cinq minutes plus tard, j'arrive au Col de Cavanelles. Il est 19h15. Ici la piste continue mais un panonceau indique une sente qui part à droite : " Col de Cavanelles - 1.050 m- PR6- Prats-de-Mollo par le Fort Lagarde 40mn ". Je compulse à nouveau ma carte car je me méfie désormais de tous les raccourcis. Mais celui-là est bon quand je constate qu'il ne descend que dans un environnement rocheux. Je sais que c'est gagné et la boule au creux de mon estomac disparaît comme par enchantement.

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Du col de Cavanelles, je distingue la Tour de Mir, une autre difficulté de ce Tour du Vallespir, le Pic de Costabonne, le Roc Colom où le Tech prend sa source et le château Lagarde que je rejoins 40 minutes plus tard. Du château, j'ai une belle vue sur la vallée du Tech, sur Prats-de-Mollo et son riche patrimoine historique. 

Dans cette descente rocailleuse, je me remets à faire quelques photos : de Prats-de-Mollo bien sûr, la cité est encore loin mais je sais qu'elle se rapproche à chacun de mes pas, de la citadelle du Fort Lagarde construite par Vauban en surplomb de la ville et de la Tour de Mir juchée sur un piton rocheux au milieu d'une ténébreuse forêt qui me fait face. Cette tour, je la connais pour y être monter à de multiples reprises. Je la prends en photo, mais à vrai dire je ne veux pas trop la regarder car il va me falloir la gravir demain. Et pourquoi le cacher, j'appréhende déjà car la forêt constituera l'essentiel de cette étape. J'ai mis 30 minutes pour arriver au Fort Lagarde au lieu des 40 qu'annonçait le dernier panneau indicatif. Je prends des photos du fort et de la ville dont le clocher carré qui domine l'église Sainte-Juste et Sainte-Ruffine perfore le panorama. Mais ce ne sont que de simples clichés, juste des souvenirs. Il est 20 heures 15 quand j'entre dans la cité. Voilà 12 heures que je suis sur les chemins. Pour combien de kilomètres parcourus ? Je suis incapable de le dire ! Alors faut-il que je l'avoue, sur la fin, la vigueur m'a manqué pour apprécier tout ce patrimoine historique à sa juste valeur ! Cette étape qui était la plus  courte est en fin de compte devenue la plus difficile depuis mon départ. 

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13 heures sur les chemins, quand j'entre dans Prats-de-Mollo, je suis fatigué et meurtri par cette très longue journée de marche éprouvante et mémorable. C'est au pas de course que j'ai traversé le fort Lagarde construit par Vauban. Je n'en ai pris simplement que quelques photos sans aucune conviction mais pour le simple plaisir de les inscrire dans mon souvenir et surtout pour le réel bonheur d'avoir retrouvé mon appareil photo dans la forêt du Miracle. Cette forêt porte-t-elle bien son nom ? Moi, en tout cas, je reste indécis entre la galère que j'ai vécue pendant 4 heures et le fait d'en être sorti à peu près indemne et pour terminer avec mon appareil photo dans la poche ! Un rescapé lui aussi !

Alors, ce qui m'importe maintenant, c'est de me retrouver au plus vite à l'hôtel. Aussi quand j'arrive sur la place du Foirail, je m'empresse de demander à une dame la direction de l'hôtel Ausseil et gentiment elle m'indique du doigt une grande porte fortifiée au milieu des remparts et me précise que l'hôtel est situé juste une rue après. Je passe sous le porche, arrive sur une autre place et comme je me souviens du nom de cette place " Josep de la Trinxeria ", je sais que l'hôtel est là. Mais la place est bondée de touristes et occupée par les deux restaurants qui y ont largement installés leurs tables et leurs chaises. La place Josep de la Trinxeria est en réalité une immense terrasse pour les deux restaurants mitoyens et quand je demande l'hôtel Ausseil à un garçon de table, il me réponds simplement : vous y êtes ! Au milieu des tables et devant des clients certainement interloqués par mon " look " de randonneur anéanti, je tente en vain de m'expliquer dans un brouhaha inextricable. On ne s'entend pas ici me dit-il. Suivez-moi ! La salle intérieure du restaurant est vide et je peux enfin m'exprimer :

- Je suis Monsieur Jullien, j'ai réservé une chambre. Montrez-la moi que je puisse au plus vite prendre une douche.

- Oui, je crois que vous en avez besoin, me réponds-il avec un petit sourire narquois et en me tendant une clé et en rajoutant : c'est la chambre 7 au deuxième étage.

- Puis-je manger après ? lui dis-je.

- Oui, mais ça ne sera peut-être pas en terrasse car tout est plein me réponds-il.

- Peu m'importe !

Malgré les escaliers qu'il me faut encore escalader, je m'empresse de monter dans la chambre. Avant toute chose, je me déshabille et me jette sous une douche chaude. J'ai bien essayé d'abord l'eau froide mais ce fut un supplice insupportable. Je n'ai pas insisté car à nouveau les brûlures se sont réveillées de manière presque insoutenable. J'ai appelé Dany pour la rassurer et l'embrasser mais sans trop m'étendre sur tous les déboires que j'avais endurés au court de cette mémorable journée. Les hauteurs du Vallespir ont été sacrément âpres aujourd'hui. Encore plus âpres que je ne l'avais imaginé ! C'est sûr maintenant, le titre de mon aventure " Sur les hauteurs d'une vallée âpre " ne sera pas galvaudé.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Une ruelle à Prats-de-Mollo et le clocher de l'église Saintes Juste et Ruffine.

ÂPRE EST CE VALLESPIR…… 

 

Âpre est ce Vallespir que je veux cheminer.

Dure est la Tour de Mir quand il faut y grimper.

Je ne fais que grandir sur ces crêtes boisées,

Les sources ont à jaillir pour combler les fossés.

 

Âpre est ce Vallespir que je veux affronter.

Dur est le déplaisir lorsque l'on veut marcher.

Et si mes pas délirent, rien ne peut m'arrêter,

Sauf les pins, ces martyrs que le vent a couché.

 

Âpre est ce Vallespir, je veux le proclamer.

Dur mon sang à tarir, je ne suis que touché.

Et ce pourpre élixir, il ne fait que couler,

Mon corps prêt à bondir sur les chemins dallés.

 

Âpre est ce Vallespir que j'ai pourtant aimé.

Dures ces lloses, ces porphyres où j'ai pourtant chuté.

Et si ma tête chavire, je n'vais pas m'écrouler,

Sur ces frêles sentiers, dans ces prés parfumés.

 

Âpre est ce Vallespir où il faut s'arrêter.

Dur est le point de mire où il faut arriver.

Et si mon cœur soupire alors qu'il est blessé,

Mon amour viens vers moi , toi seul peut l'apaiser.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le lendemain matin, la Tour de Mir me nargue de ces 1.540 mètres d'altitude. Elle se trouve sur le tracé du Tour du Vallespir. Vais-je l'affronter ?

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la forêt ravagée par la tempête Klaus pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo 15 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.3eme étape : Mercredi 19 août 2009.

Saint-Guillem (1.287 m)-Prats-de-Mollo (753 m) 15 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

Nous nous aventurâmes jusqu'au village de Prats-de-Mollo. J'avoue que je préférai les bocages de la plaine à ces grandes montagnes couvertes de chênes verts et qui semblent plus faites pour abriter des bandits, que pour assurer le couvert à des honnêtes gens. Extrait de l'essai " Voyage en France en 1787, 1788, 1789 ". Arthur Young (1741-1820) agriculteur, agronome et écrivain britannique.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.LA FAUTE A KLAUS :

Malgré cette anxiété que j'ai eu hier soir, j'ai fini par m'assoupir. Quand j'y repense, je constate que c'était plutôt une appréhension momentanée qu'une vraie obsession. Puis vers minuit, j'ai été réveillé par un bruit. C'était comme le bruit d'un grattement. Mais une fois éveillé, je me suis aperçu qu'un autre bruit venait du volet d'un petit vasistas qui était resté ouvert et qui grinçait sous une légère brise nocturne. A la faible clarté de ma lampe frontale, je n'ai rien observé qui correspondait au grattement qui m'avait réveillé. Par contre, le rayon plus large que ma lampe projetait contre le mur du refuge me fit remarquer qu'il manquait une grosse pierre à 15 centimètres de ma paillasse. Au fond de ce trou ainsi constitué, il y avait un nid de souris fait d'une bourre blanche, de poils et de fibres diverses. Mais de souris, il n'y en avait point ! Est-ce elle qui grattait avant que je ne me réveille ? Avait-elle eu le temps de décamper avant que je n'éclaire la lampe ? Pour ne plus être embêté par ce grincement lugubre et ces grattements désagréables, je pris les sages résolutions de fermer le vasistas et de déménager ma litière à l'autre bout du bat-flanc. Puis, j'ai profité de ce réveil fortuit pour partir uriner dehors. Le ciel tout entier était étoilé et une belle voie lactée blanchissait le firmament au dessus de la chapelle de l'ermitage. La nuit était douce et quasi silencieuse. Seule une petite brise, frissonnant les feuilles, tentait sans succès de rompre cette quiétude. Comme j'appréciais pleinement l'instant présent, cette sérénité, cette paix secrète et intime, loin du monde bruyant et trop insociable que j'avais quitté, je suis resté de longues minutes sur le pas de la porte, les yeux levés vers le ciel et l'ermitage qui se découpait, à écouter ce silence avant de partir me recoucher. Une fois encore, cette nuit-là fut bénéfique et, à mon grand étonnement, je n'ai ressenti à mon réveil aucune contracture musculaire, ni aucune douleur, malgré les deux longues étapes déjà accomplies et la rusticité du couchage qui ne m'avait pas empêché de dormir profondément.

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Quand je quitte Saint-Guillem, vers le sud, le jour est déjà levé mais le hameau est encore dans la pénombre. Ici les panneaux sont on ne peut plus clairs mais mal placés et je vais me tromper avant de me raviser et de reprendre le bon chemin.

Il est 7 heures. Vers le sud, le jour est déjà levé mais Saint-Guillem de Combret, blotti au fond du vallon de Coumelade, est encore dans une obscure nébulosité. Bloqués par les hauts monts environnants, les rayons du soleil mettront encore plus d'une heure avant d'éclairer complètement le minuscule hameau. Je déjeune de deux gâteaux de riz vite expédiés et d'une grande gorgée d'eau et range tranquillement mes affaires et mon sac à dos en prêtant attention à ne rien oublier dans le refuge. Il est 8 heures quand je démarre avec ma trousse de toilettes, mon gant et ma serviette à la main. Je sais qu'il y a dans le hameau, non loin d'ici, une auge ou plutôt un vieux lavoir dans lequel, par un tuyau de PVC, s'écoule une eau de source cristalline. J'ai bien l'intention de me raser et de faire un brin de toilettes car j'ai la désagréable sensation de me sentir sale et poussiéreux. Je mets un quart d'heure pour me laver et tenter de parfaire ma présentation. Mais j'ai le sentiment que l'eau glacée a eu un seul effet non négligeable sur mon organisme, celui de lui assener un " claquant " coup de fouet qui me permet de démarrer cette étape dans d'excellentes conditions. Je profite pour remplir mes deux gourdes et mon camelback d'une eau fraîche et renouvelée.

La large piste s'élève rapidement au dessus de l'ermitage. Sur ma droite, là même où hier après-midi j'ai galéré, la tempête Klaus a laissé un immense chantier de désolation dans cette forêt qui était pourtant magnifique. Par contre, en face de moi, les flancs du Puig dels Sarraïs (1.830 m) et du col de Serre-Vernet (1.808m) que je dois cheminer semblent moins meurtris. Il y a bien deci delà, quelques cicatrices, quelques sillons d'immenses résineux couchés, mais rien de bien inquiétant, en tous cas vu d'ici.

Quelques minutes plus tard, et alors que je m'apprête à poursuivre la piste, je remarque inopinément sur ma droite un panonceau qui semble m'indiquer Prats-de-Mollo et le col de Serre-Vernet par un autre chemin qui s'enfonce dans la forêt. Et je commets là une nouvelle erreur en ne sortant pas immédiatement mon GPS. Quand je le sors, c'est bien trop tard, car mon GPS ne capte plus aucun satellite masqué qu'il est au fond de ce sous-bois touffu. Deuxième erreur, je ne sors pas ma carte non plus, tranquillisé, il est vrai, par ce rassurant panneau. Et quand je sors ma carte, c'est encore beaucoup trop tard car j'ai marché ainsi une " bonne " demi-heure jusqu'à m'inquiéter de ne plus rencontrer le balisage jaune et rouge qui était pourtant bien visible jusqu'à présent. Au regard de la carte, je me rends à l'évidence, je me suis trompé, une fois de plus. Quitte à avoir perdu une heure, je décide de faire demi-tour car ce chemin qui zigzague toujours en forêt sans aucun balisage apparent me trouble et ne m'amènera nulle part et en tous cas pas où je dois aller.

Quand je retrouve la piste et le panonceau, selon moi, très mal placé à cet endroit, j'ai effectivement perdu une heure. Je m'avance sur la piste et quelques dizaines de mètres plus loin, j'aperçois effectivement les marques de peinture jaune et rouge propres au GRP du Vallespir. Je poursuis la piste et enjambe le fougueux torrent de Coumelade par un large pont bétonné. Peu après, la piste se sépare en deux, mais le balisage est ici parfait et m'oriente vers la droite. Plutôt plane au début, maintenant la piste monte allégrement, effectue deux larges courbes, avant d'atteindre le col Baxo à 1.473 mètres. Au fond de ce petit col herbeux, un nouveau panneau sollicite un départ à gauche. Ici une minuscule sente, encadrée d'une clôture, est barrée d'un petit portail qui est là pour empêcher les bovins de passer mais pas les randonneurs. Sans trop m'en apercevoir, et malgré l'heure perdue, j'ai déjà fait 190 mètres de dénivelé sur les 521 que je dois accomplir pour atteindre les 1.808 mètres du Col de Serre-Vernet. C'est bien sûr encourageant, mais j'évite de trop penser aux 331 mètres restant sur les trois kilomètres d'ascension qui doivent m'amener au pinacle de ce tour du Vallespir.

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J'ai quitté Saint-Guillem par un chemin qui enjambe la rivière Coumelade. Parfaitement balisé, il s'élève rapidement par le col Baxo, file à travers des bois touffus où coulent quelques petits ruisseaux. Mais parfois le chemin se transforme en balcon et j'ai le bonheur d'être en surplomb de superbes paysages. Saint-Guillem est déjà très loin.

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Ce chemin parfois en balcon me laisse entrevoir Saint-Guillem que j'ai quitté ce matin. On aperçoit les bois saccagés par la tempête Klaus. Celui au dessus du hameau où j'ai galéré hier lors de mon arrivée et celui en dessous du refuge où se trouve un bel arboretum avec notamment quelques séquioas.

 Malgré le dénivelé, le petit chemin est changeant et agréable. Cheminant le plus souvent en sous-bois et recouvert d'un épais tapis de feuilles mortes, il coupe quelques ruisseaux, affluents de la Coumelade et monte rectiligne offrant quelquefois de magnifiques vues vers le sud mais surtout sur Saint-Guillem et tout le Bassin de Coumelade. Puis soudain, il bifurque dans le sens opposé en direction du Col de Serre-Vernet dans un bois de petits pins chétifs. Il n'est pas tout à fait midi quand j'arrive au col, point culminant de ce périple avec ses 1.808 mètres

Vaste pré herbeux entouré de pins et de sapins, il semble être le paradis pour nombre de génisses et de vaches blanches indolentes. La plupart sont affalées sur la verte prairie et même mon passage laisse indifférent tous ces bovins, qui repus, ne tournent même pas la tête quand je m'approche d'eux. Ici, les panoramas à 360° sont splendides de tous côtés. De nombreux hauts sommets et de nouveaux pics apparaissent, de nombreuses crêtes composent l'horizon : la Crête des Sept Hommes (2.651m), le Pla Guillem (2.301m), les Roques Blanches (2.252m), les Esquerdes de Rotja (2.316m), le Roc Colom (2.507m) et le Pic de Costabonne (2.465m) pour ne citer que les crêtes les plus connues et les plus attractives. Mais il y aussi de profonds ravins et surtout cette immense et épaisse forêt domaniale qui n'en finit plus de s'étendre sur ce magnifique Haut-Vallespir. Ici, il y a aussi un panneau, mais il ne sert plus à rien car il gît à terre et n'indique plus aucune direction. Je le redresse et essaie en vain de retrouver son emplacement originel. De dépit, je le pose contre un petit pin dans la position qui me semble la plus appropriée avec St Guillem dans la direction d'où je viens. A l'aide d'un bout de ficelle que j'ai trouvé sur la pelouse, j'ai beau l'attacher avec bons sens à une branche du pin, je ne suis guère plus avancé quand à la direction à prendre pour me rendre à Prats-de-Mollo.

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J'arrive au col de Serre Vernet. A 1.808 mètres, c'est le point culminant de mon périple. Les paysages sur le très Haut-Vallespir sont superbes de tous côtés. Ce col est aussi le paradis de vaches et des génisses. Le panonceau indicatif gît à terre, je le redresse et l'attache à un pin mais je ne suis pas plus avançé quant à la direction à prendre pour aller à Prats. Heureusement j'ai mon GPS !

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J'effraie un petit veau puis je m'arrête pour déjeuner dans cet éboulis qui descend très raide du Puig dels Sarraïs vers la vallée de la Parcigoule. Je ne peux trouver plus beau spectacle ! Mais la descente est loin d'être finie, je dois encore atteindre deux cols, celui de la Collade d'En Mandoulé et le col de Coumeille, petit pré verdâtre que j'aperçois tout en bas.

Mais heureusement, ma carte IGN est là et mon GPS aussi et à force d'avancer dans différentes directions vers le sud, je finis par trouver le bon itinéraire qui file sur le pré puis contourne quelques rochers. Il est midi et j'ai faim, mais comme la suite de l'étape est essentiellement faite de descentes, je prends la décision de continuer un peu pour m'offrir comme hors d'oeuvre un splendide panorama dégagé. Cette sente allie pelouses, petits bois de pins et de feuillus mais aussi rocailles et rochers plus ou moins gros. Mais il y aussi de nombreux et bas genévriers derrière lesquels quelques veaux ruminent leur fourrage. L'un d'entre eux peut se vanter de m'avoir fait une belle frayeur et tressaillir quand il a débouché devant moi alors que je marchai dans un silence de cathédrale. Mais je suppose que lui aussi, il a du avoir une peur " bleue " ! En contournant maintenant le rocailleux Puig dels Sarraïs, le chemin n'est désormais plus qu'amoncellement de blocs déchiquetés et gros pierriers escarpés. Je redouble de vigilance pour éviter toute chute qui, ici, serait catastrophique pour de pas dire fatale. Il est temps que je m'arrête pour déjeuner car je ne trouverai pas meilleur belvédère que ces éboulis, bien exposés au soleil, qui descendent raides vers le vallon de la Parcigoule. Il n'y a plus aucun obstacle devant moi et je déguste à la fois ma salade et ce magnifique spectacle. Assis sur une grosse pierre plate bien chaude et adossé à une autre, j'ai trouvé, dans de ce fauteuil improvisé mais un peu dur il est vrai, une terrasse peu confortable pour mes fesses mais idéale pour mes yeux.

D'ici, je jouis d'un panorama exceptionnel sur le Bassin de la Parcigoule mais aussi sur une immense partie de ce Haut-Vallespir que je suis venu découvrir. C'est d'ailleurs en mangeant dans ce gros pierrier que j'ai imaginé le titre de mon voyage et de ce récit : " Sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

Après trois jours de marche, et à cet instant précis, il me semblait qu'aucun autre endroit traversé ne méritait plus ce terme de " âpre " que cet immense magma rocheux. Dans cet éboulis, les aspérités ne manquent pas et l'âpreté, je la touche à chaque instant. Le déroulement imminent de ce Tour du Vallespir me montra malheureusement et très vite que je n'avais pas encore tout connu de cette légendaire âpreté. Quand je repars, la sente, où du moins ce que j'en devine grâce à un balisage abondant et précis, se complique sacrément en étant toujours très rocheuse mais en devenant encore plus abrupte. Pour éviter toute chute, je m'applique à poser mes pieds sur des pierres stables et quand les marches sont trop hautes à descendre, je m'aide autant de mes mains que de mes pieds.

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J'en ai fini avec la longue descente le long du flanc pierreux du Puig dels Sarraïs. Au col de Coumeille, une étrange croix gravée dans la pierre et le pic de Granarols que le chemin contourne au milieu d'une jolie pelouse jonchée de carlines blanches pour se diriger vers un autre puig , celui des Lloses. Ce puig, je vais m'en souvenir très longtemps !

Après un premier petit col herbeux, la Collade d'En Mandoulé sur la carte, la descente abrupte continue mais la sente moins rocailleuse mais plus terreuse devient plus facile jusqu'au Col de Coumeille (1.566m). Ce collet, petite prairie vert clair, encadrée par le Puig dels Sarraïs et le Pic de Granarols (1.690m) je l'ai entrevu dès le début de la descente du col de Serre-Vernet et depuis je languis de l'atteindre tant mon appréhension d'une mauvaise chute dans ce champ de pierres est ancrée dans ma tête. Aussi, je suis si soulagé en l'atteignant que la première chose est de déposer mon sac à dos et de m'allonger les bras en croix sur ce vert herbage. Mais, à cet endroit, je ne suis pas le seul à avoir fait une croix, un autre chemineau a cru utile d'en graver une dans la pierre, moins éphémère que la mienne. Au regard de son usure générale, des vieilles mousses et de l'érosion de petits conglomérats dans son cadre, cette croix me paraît très ancienne. Depuis quand était-elle là ? Je ne suis pas un spécialiste ni de l'archéologie ni de la géologie mais pour l'avoir lu, je sais que le Vallespir a été occupé bien avant le néolithique, époque où l'homme a vraiment commencé à maîtriser le polissage et la sculpture de la pierre. Alors cette croix, est-ce vraiment une croix ancienne ou une cupule comme celles que les hommes préhistoriques ont laissés gravés un peu partout dans le département ? Quelle âge a-t-elle cette gravure ? 5000 ans, 8000 ans, 10000 ans ? Est-elle plus récente et liée au christianisme ? Ou bien a-t-elle été sculpté par un preux et inventif chevalier en partance pour une croisade ? Comme toujours en pareil cas, j'en prends une photo avec l'idée de l'exposer dans mon futur récit à la fois pour l'agrémenter mais aussi avec le secret espoir que cette photo pourra être vue par de vrais spécialistes qui pourront ainsi et sans doute répondre à nombre de mes interrogations.

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L'étrange croix photographiée au col de Coumeille. Je suis preneur, si quelqu'un a des réponses aux questions que je me pose au sujet de cette croix ?

Au col de Coumeille, le chemin contourne le Pic de Granarols pour arriver au Puig des Lloses (1.413m). Ici, le sentier tout en pente douce et très praticable est un réel plaisir. Atteindre ce nouvel objectif n'est cette fois qu'une simple formalité. Il est 14 heures tapantes quand j'arrive au Puig des Lloses. Les panneaux directionnels y sont au nombre de trois : " 1- Le Tour du Vallespir vers Saint-Guillem, à savoir l'itinéraire que je viens de parcourir, 2-Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles, col situé à 30 minutes et bien sûr, 3 Prats-de-Mollo par le GRP Tour du Vallespir que je dois suivre pour respecter le tracé de mon GPS et celui de topo-guide de Georges Véron. Le Puig des Lloses ressemble plutôt à un petit collet avec un replat d'où l'on a une vue plongeante sur Prats-de-Mollo. Ici, je retrouve une flore que j'avais perdue de vue depuis le col de Formentere, faite de sorbiers des oiseleurs, de maigres genêts, de rachitiques genévriers et toujours ces bas massifs de bruyères roses que je côtoie depuis mon départ. Mais une chose me surprend sans trop m'inquiéter sur l'instant, ce sont ces petits amoncellements de branchages cassés dont on voit très bien qu'ils ont été laissés là en l'état depuis la tempête Klaus. Quand à Prats-de-Mollo, d'ici, la cité n'est visible que parce qu'une multitude de grands sapins ont été étêtés ou fracassés sur un vaste périmètre. Mais quand je poursuis la sente du Tour du Vallespir en direction du Col du Miracle, je ne suis pas vraiment inquiet. Il y a bien, dés le départ, un pin en travers du sentier mais je l'enjambe très facilement. 50 mètres plus loin, il y en a deux autres mais ceux-là je ne peux pas les enjamber et suis obligé de les contourner, assez facilement il est vrai. Puis, les pins et les sapins renversés en travers se succèdent. J'enjambe, contourne, passe parfois en dessous et quand je ne peux pas, par dessus. Je commence vraiment à galérer et mes membres sont déjà bien égratignés. Mais en y prêtant attention, je remarque que je ne suis pas le seul à être passer par là. Je vois parfaitement que les bas-côtés du sentier ont été piétinés car la terre est meuble aux endroits où un contournement était la seule alternative. Randonneurs, chasseurs, animaux ? Puis, d'un coup plus rien, plus d'arbres couchés sur plusieurs centaines de mètres. J'arrive au ravin du Pas des Vaques qui n'est ici qu'un petit ru où coule un mince filet d'eau sur un fond boueux. Avec un mouchoir en papier que je mouille au préalable, j'éponge toutes mes égratignures. Je traverse le ruisseau sans problème et poursuis mon chemin dans un sombre sous-bois, ce qui me convient très bien, car ça signifie que tous les arbres sont encore debout. Mais ça ne dure malheureusement pas et là, un peu plus loin, ça se complique car il n'y a pas de réel passage, et en tous cas aucune trace d'un franchissement antérieur. Quand je le peux, j'enjambe, mais quand les troncs sont trop hauts, je tente de passer dessous, mais parfois en vain car le problème avec les sapins, c'est qu'ils sont parfois partiellement déracinés et ont encore toutes leurs épaisses ramures. Et quand ils n'ont plus leurs ramilles, c'est encore pire car leurs branches sèches sont autant de poignards qu'il me faut éviter. Alors, je contourne, je descends, je monte tout en essayant de ne pas trop m'éloigner du chemin. Souvent, je suis contraint d'ôter mon sac à dos, qui, dans ce dédale, est un terrible handicap. Ouf ! J'ai réussi à franchir ce nouvel obstacle mais voilà que 150 mètres plus loin, il en apparaît une autre, aussi difficile que le précédent sinon plus.

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Au Puig des Lloses, les panonceaux sont nombreux et j'aperçois Prats-de-Mollo tout en bas, pourtant je vais me fourvoyer pendant plus de quatre heures dans cette forêt du Miracle ravagée par la terrible tempête Klaus. En vain. De cette forêt, je vais en ressortir meurtri, égratigné, ensanglanté et surtout brûlé des épaules aux chevilles pour être tombé dans de hautes orties ! De surcroît, je vais perdre mon appareil-photo, ce qui va m'obliger à retourner dans ce fatras pour le retrouver. 

Je suis fatigué et sanguinolent mais dans ma tête, je me dis que si j'en ai passé un, je peux en franchir d'autres. Je me dis aussi que les forestiers du coin doivent bien être conscients que le Tour du Vallespir est barré par tous ces arbres abattus et je suppose qu'ils ont commencé à déboiser en partant de Prats-de-Mollo et en remontant le sentier. Ce n'est pas possible, ce traquenard va bien finir par s'arrêter ! Je passe plus facilement ce nouveau barrage et arrive à un endroit où le sentier fait un angle droit près d'un piton rocheux en surplomb de Prats-de-Mollo. Ici, je prends conscience des dégâts considérables que la tempête Klaus a provoqué dans ce secteur mais j'arrive néanmoins à parcourir encore 500 mètres sans trop de difficultés avant de tomber sur une autre empreinte d'une forêt complètement ravagée. J'enjambe, je contourne, remonte et redescend sans trop me préoccuper du chemin qui a définitivement disparu dans cet amas incommensurable d'arbres brisés, de troncs fracassés, de branches amoncelées et de branchages empilés. Dans ma tête, j'espère surtout que ce nouveau sillon dévasté ne sera pas trop large et qu'une nouvelle fois, je pourrai le franchir. Par moment, j'arrive dans des impasses. Il m'est impossible de contourner, de passer dessous et malgré la hauteur où se trouvent les troncs, souvent à plus d'un mètre du sol, la seule solution reste de les enjamber. Je n'en suis pas à ma première enjambée mais cette fois, le tronc est-il un peu plus haut où est-ce la fatigue, toujours est-il, que droit sur le rondin, je me sens partir en arrière entraîné par le poids de mon sac. Un coup de reins pour me rétablir, mais ce coup de reins est bien trop puissant et voilà que je pars en avant ! J'ai beau mouliner l'espace avec mes bras pour tenter de tenir en équilibre mais c'est trop tard, mes mains ne rencontrent que le vide et en tous cas, rien où s'accrocher. Je pars en avant, je vais tomber et me rompre le cou dans ce monstrueux chaos, mais une dernière inspiration me donne l'intuition et le sursaut que plutôt que de tomber n'importe où et n'importe comment, il faut mieux que je me jette à un endroit choisi. Voilà, j'ai réussi, si je puis dire ! Je me retrouve planté au milieu d'un gros massif de ronces et de hautes orties. Mon genou gauche a malgré tout cogné fortement une grosse branche et je saigne abondamment. Mais ce n'est pas ça le plus douloureux, mais toutes ces petites brûlures d'orties qui, peu à peu, en partant des chevilles, semblent monter tout le long de mon corps, enflammant surtout mes jambes mais également mes bras. J'ai l'impression de flamber debout et malgré la douleur, je reste planté là au milieu de cette désolation, de ce néant. Je suis tout à coup comme tétanisé par l'angoisse. Mais je perçois que cette angoisse est arrivée de manière soudaine car jusqu'à présent, j'étais trop occupé à m'en sortir. Une fraction de quelques secondes, il me vient à l'esprit de sortir mon portable et d'appeler des secours. Mais en me retournant, et malgré cette complète désolation, je constate que ce n'est pas le néant absolu : à vol d'oiseau, je ne suis pas très loin d'une piste blanche et sableuse que je distingue en contrebas à quatre ou cinq cent mètres. Je discerne des voitures qui y circulent et aussi un mas. Et même si à cet instant précis, je voudrais être un oiseau, je n'en suis pas un ! Je me suis foutu tout seul dans cette " mouise " et il faut que j'en sorte tout seul aussi ! Mais faire cinq cent mètres dans cette dévastation, je sais à l'avance que c'est une impossible gageure.

La faute à Klaus Schümann

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je suis tombé par terre c'est la faute à Voltaire.

Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes exactement, j'ai hurlé :

Je suis tombé sur un os, c'est bien la faute à Klaus.

Le nez dans les gentianes, c'est la faute à Schümann.

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je ne suis pas notaire, c'est la faute à Voltaire.

Je suis petit oiseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes, j'ai crié :

J'ai chuté sur les lloses, c'est bien la faute à Klaus

J'ai brisé mes organes, c'est la faute à Schümann

 

Je voudrais faire un saut et atterrir à Prats-de-Mollo,

Je ne suis pas petit oiseau, c'est la faute à mon père !

Alors il me faut être costaud et que j'ai un sursaut !

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le 24 janvier 2009, la tempête Klaus a provoqué de considérables dégâts dans le Haut-Vallespir. En août, les plaies sont loin d'être toutes cicatrisées.

C'est donc décidé, je vais rebrousser chemin jusqu'au Puig des Lloses et descendre à Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles. La première chose à faire, c'est retrouver le sentier mais où peut-il bien être dans ce " labyrinthe " végétal trop urticant à mon goût. Seul mon GPS peut me le dire et il faut d'abord que je sorte de ce roncier qui m'enveloppe comme une toile d'araignée. D'ailleurs des araignées, il y en a pas mal ici et comme elles n'apprécient pas trop mon intrusion dans leur domaine réservé, elles me piquent elles aussi. Mais bon, je n'en suis plus à une piqûre près ! Seule solution, sortir par là où je suis arrivé, c'est-à-dire par le haut. Cette fois, j'ôte mon sac à dos, dont je vérifie au préalable toutes les fermetures et je l'envoie valdinguer par-dessus le tronc dont je viens de choir. Je me hisse sur le tronc et me mets carrément à cheval sur lui. Un point GPS me situe à une cinquantaine de mètres du chemin qui est vers le nord et pour moi vers le haut. Je récupère mon sac et poursuit ainsi mes divagations. Je jette mon sac, me hisse à nouveau, le récupère et ainsi de suite. Parfois, je jette mon sac un peu plus loin car j'arrive à jouer les équilibristes sur plusieurs troncs couchés de concert et ma progression s'accélère. Je vais mettre un gros quart d'heures pour retrouver le sentier et encore plus d'une heure pour rejoindre le Puig des Lloses. Quand je regarde ma montre, j'ai du mal à le croire : il est déjà 17 heures et voilà trois heures que je me fourvoie dans cette forêt du Miracle, la mal nommée. Il faut absolument que j'appelle l'hôtelier pour le prévenir que j'aurai du retard. De ce côté-là au moins je serais tranquille et quand je l'ai au bout du fil, effectivement il me rassure. J'ai réservé, j'ai payé et la chambre à l'hôtel Ausseil m'est complètement allouée quoi qu'il m'arrive. Mais s'il savait ce brave homme ce qu'il vient de m'arriver ! Mais n'en parlons plus, j'en suis sorti, même si c'est fourbu, écorché, entaillé, égratigné, brûlé et ensanglanté de la tête aux chevilles. Maintenant, le sentier qui descend vers le Col de Cavanelles au milieu des genêts et des hautes fougères est plutôt agréable et les panoramas sont suffisamment beaux pour que je me remette à prendre des photos. Mais où est mon appareil ? Il n'est pas dans une de mes poches et je ne me souviens pas l'avoir rangé dans mon sac ! Non, il était dans sa housse accrochée à ma ceinture et à ma ceinture, je n'ai plus rien désormais ! Le bouton-pression a dû s'ouvrir et je l'ai perdu ! Je suis désespéré car perdre mon appareil photo c'est comme si j'avais perdu la mémoire de ces trois premiers jours depuis Amélie-les-Bains. Pour moi, c'est inimaginable et il faut que je le retrouve. Sans trop réfléchir, je sors ma dernière gourde d'eau de mon sac à dos et je jette ce dernier dans les hauts genêts en m'assurant qu'on ne le voit pas depuis le chemin. Deux petites branches en forme de croix que je place au bord du sentier pour retrouver cet endroit et me voilà entrain de remonter le sentier, presque en courant, vers cet " enfer vert " où j'ai sans aucun doute perdu mon appareil. Où se trouvera-t-il ? Loin, près ? L'ai-je perdu quand je suis tombé de ce tronc plus haut que les autres ? S'est-il décroché dans le roncier ? Ou bien sous un tronc que j'ai franchi comme un tunnel ? Voilà les questions et bien d'autres qui grouillent dans ma tête alors que je me jette dans cette " impossible " quête. Vu l'heure et le temps que j'ai mis la première fois, il faut à la fois que je fasse vite mais sans pour autant négliger mes recherches. Ce serait idiot de passer à côté sans voir l'appareil par précipitation. L'absence du sac à dos m'aide considérablement mais au fond de moi, je sais que selon l'endroit où la housse est tombée de ma ceinture, c'est comme rechercher une minuscule aiguille dans une énorme botte de foin. Sans le sac mais avec une gourde à la main, je passe néanmoins tous les petits obstacles plus aisément, je traverse le ru du Pas des Vaques, je franchis le premier couloir de sapins anéantis avant que le sentier fasse un angle droit. Rien ! Il me reste encore un barrage à franchir avant ce virage et comme pour le précèdent, j'essaie de me souvenir par où je suis passé à l'aller mais aussi au retour. Et là, au moment où je me baisse pour passer sous les branches encore vertes d'un immense sapin déraciné, le miracle survient ! La petite housse avec mon numérique à l'intérieur est là au milieu du sentier sous la verte ramure. Ouf ! Ouf ! Ouf ! Je respire à pleins poumons. Quel soulagement. Je vérifie mon appareil que j'enfonce au plus profond de la poche de mon short et par sécurité supplémentaire, je referme celle-ci avec le Velcro consacré. Une fois encore, il ne me reste plus qu'à rebrousser chemin. Ce ne sera que la quatrième fois que j'emprunte cet itinéraire et si ça continue, je vais finir par en connaître le moindre recoin par coeur ! D'ailleurs, c'est le cas, car dans ma précipitation et alors que je me suis arrêté pour boire un coup, j'ai posé machinalement mon bob sur un rocher et je l'ai oublié. Mais je ne suis pas inquiet car je sais parfaitement où il se trouve.

Il est 18 heures quand je passe une nouvelle fois devant la panonceau " Puig des Lloses - 1.413 m - PR6B - Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles - 30 mn ".

A cet instant précis, je ne sais pas pourquoi, il me vient une abominable anxiété : Et si ce chemin, lui aussi, était impraticable, barré par une forêt saccagée ? Après tout, il n'y a pas d'autre chemin et le peu que j'en ai parcouru avant de retourner chercher mon appareil photo ne me laisse aucune certitude et ne me permet pas d'être rassuré. Après tout, Prats-de-Mollo que j'aperçois en bas est au moins à trois kilomètres à vol d'oiseau et il faut au bas mot compter au minimum le double par le chemin. Tout est encore possible ! Cette terrible angoisse, elle va soudain se transformer en une grosse boule au creux de mon estomac et elle va rester là, encore blotti pendant une heure et demie. Autant, j'ai été longtemps serein cet après-midi même au plus fort de mes élucubrations, autant maintenant je prends conscience que je peux ne pas arriver au bout de cette étape, en tous cas aujourd'hui. Mais je sais aussi que je n'ai pas le choix dans la direction à prendre et je continue. Je récupère mon sac. Les photos que j'avais voulu prendre tout à l'heure, je les prends maintenant. Mais j'avoue que je n'ai plus le cœur à ça ! J'ai toujours cette appréhension et ces questions qui fourmillent dans ma tête et je ne pense plus qu'à une chose : descendre, descendre, et descendre encore au plus vite vers Prats-de-Mollo. Comme prévu et sans problème, j'arrive au bout de 30 minutes à ce que je crois être le col de Cavanelles. A gauche, un grand champ en pente avec un large chemin qui le contourne, un autre chemin qui part droit devant moi et un autre qui part complètement à gauche. Je n'ai plus de tracé sur mon GPS et je ne vois plus le balisage jaune que j'ai entr'aperçu dans la descente. Je suis contraint de stopper pour regarder ma carte IGN. J'en profite pour manger et absorber un peu d'énergisant car je suis exténué. Le chemin qui part droit devant moi n'existe pas sur la carte. Ça m'étonne mais je l'oublie. Celui qui part à droite se termine dans un cul de sac. Je l'oublie aussi. Reste celui qui part à gauche et qui semble être le bon à la lecture de la carte. Je redémarre, c'est bon, j'aperçois un coup de peinture jaune sur le piquet d'une clôture. Je contourne ce lopin de terre que je voyais d'en haut. Le chemin continue de tourner, puis à mon étonnement, il se remet à nouveau à monter. Je suis éreinté et je n'en crois pas yeux quand je retrouve le petit pin sous lequel je viens de manger, il y a un instant. Je n'ai fait que tourner en rond autour de cette parcelle en friches. Mon téléphone sonne. C'est Dany. Elle demande de mes nouvelles. Je ne peux que lui dire bof ! Mais elle veut en savoir plus. Alors sans trop l'inquiéter, je lui raconte très brièvement mes mésaventures et lui explique que je ne suis plus sur le Tour du Vallespir, que je galère pour descendre sur Prats-de-Mollo et qu'il est primordial que je regarde très attentivement ma carte IGN. Je coupe en lui promettant de la rappeler dès que j'arrive à l'hôtel. Je redéploie ma carte et essaie de me situer par rapport au paysage que j'ai en face de moi. Je comprends que je ne suis pas au Col de Cavanelles mais près d'un endroit qui sur la carte s'appelle " La Segnora ". Il y a légèrement sur ma gauche le Puig Fabre (1.147 m), petit monticule débonnaire qui me rappelle étrangement ces petits volcans arrondis que l'on rencontre en Auvergne dans la chaîne des Puys.

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Avec une chance inouie, j'ai retrouvé mon appareil-photo, le plus gros de ma galère est terminé, mais je descends très anxieux vers Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles car je ne suis pas certain du chemin. Finalement, de ce col, j'aperçois le bourg et un chemin désormais très praticable y descend. Ma grosse boule au creux de l'estomac disparaît.

C'est par là qu'il me faut aller, car le chemin passe au pied de ce Puig, et là je comprends qu'en bas du champ en friches, il me faut partir complètement à gauche par une piste qui est parfaitement indiquée sur la carte. Je redescends, contourne à nouveau le petit lopin de terre jusqu'à un portail que je n'avais pas aperçu la première fois. Il y a bien une trace jaune sur ce portail et une piste qui démarre derrière. Je l'emprunte. Un peu plus loin, il y a un raccourci toujours balisé en jaune qui part à droite dans de hauts genêts, mais je le néglige car même si mon itinéraire est plus long, la piste me semble très empruntée par des véhicules, car il y a de nombreuses empreintes de pneus sur le sable. Et surtout, je sais que cette piste va me mener là où je veux. J'ai trop erré aujourd'hui pour prendre le moindre risque de me retrouver une nouvelle fois face à des arbres morts et couchés. Toujours cette boule à l'estomac ! La piste fait maintenant une grande boucle et descend j'en suis certain vers le Col de Cavanelles. Dans cette descente, j'ai le bonheur de tomber sur une baignoire qui sert d'abreuvoir aux animaux et de mare improvisée aux têtards. D'un gros tuyau en PVC, il y coule une eau fraîche et claire et je peux ainsi me rafraîchir et surtout nettoyer toutes ces plaies et égratignures d'où des écoulements de sang ont ruisselé mais ont séché depuis. Au fond de moi, je me dis que sans toutes ces traces d'hémoglobine sur la peau, je serais un peu plus présentable pour arriver à l'hôtel ! Mais si après ce nettoyage, j'ai retrouvé un peu de mon " prestige ", cette eau glacée a l'effet désastreux de réveiller toutes ces brûlures d'orties. Elles n'étaient pas tout à fait endormies mais elles sommeillaient et les douleurs s'étaient bien atténuées. D'ailleurs, quand je regarde mes bras et mes jambes, mais mes jambes surtout, elles sont recouvertes presque intégralement de petites boursouflures rouges. Je sais que dans ma pharmacie, je n'ai aucun médicament, aucune pommade, pour tempérer cet urticaire. Je repars et cinq minutes plus tard, j'arrive au Col de Cavanelles. Il est 19h15. Ici la piste continue mais un panonceau indique une sente qui part à droite : " Col de Cavanelles - 1.050 m- PR6- Prats-de-Mollo par le Fort Lagarde 40mn ". Je compulse à nouveau ma carte car je me méfie désormais de tous les raccourcis. Mais celui-là est bon quand je constate qu'il ne descend que dans un environnement rocheux. Je sais que c'est gagné et la boule au creux de mon estomac disparaît comme par enchantement.

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Du col de Cavanelles, je distingue la Tour de Mir, une autre difficulté de ce Tour du Vallespir, le Pic de Costabonne, le Roc Colom où le Tech prend sa source et le château Lagarde que je rejoins 40 minutes plus tard. Du château, j'ai une belle vue sur la vallée du Tech, sur Prats-de-Mollo et son riche patrimoine historique. 

Dans cette descente rocailleuse, je me remets à faire quelques photos : de Prats-de-Mollo bien sûr, la cité est encore loin mais je sais qu'elle se rapproche à chacun de mes pas, de la citadelle du Fort Lagarde construite par Vauban en surplomb de la ville et de la Tour de Mir juchée sur un piton rocheux au milieu d'une ténébreuse forêt qui me fait face. Cette tour, je la connais pour y être monter à de multiples reprises. Je la prends en photo, mais à vrai dire je ne veux pas trop la regarder car il va me falloir la gravir demain. Et pourquoi le cacher, j'appréhende déjà car la forêt constituera l'essentiel de cette étape. J'ai mis 30 minutes pour arriver au Fort Lagarde au lieu des 40 qu'annonçait le dernier panneau indicatif. Je prends des photos du fort et de la ville dont le clocher carré qui domine l'église Sainte-Juste et Sainte-Ruffine perfore le panorama. Mais ce ne sont que de simples clichés, juste des souvenirs. Il est 20 heures 15 quand j'entre dans la cité. Voilà 12 heures que je suis sur les chemins. Pour combien de kilomètres parcourus ? Je suis incapable de le dire ! Alors faut-il que je l'avoue, sur la fin, la vigueur m'a manqué pour apprécier tout ce patrimoine historique à sa juste valeur ! Cette étape qui était la plus  courte est en fin de compte devenue la plus difficile depuis mon départ. 

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13 heures sur les chemins, quand j'entre dans Prats-de-Mollo, je suis fatigué et meurtri par cette très longue journée de marche éprouvante et mémorable. C'est au pas de course que j'ai traversé le fort Lagarde construit par Vauban. Je n'en ai pris simplement que quelques photos sans aucune conviction mais pour le simple plaisir de les inscrire dans mon souvenir et surtout pour le réel bonheur d'avoir retrouvé mon appareil photo dans la forêt du Miracle. Cette forêt porte-t-elle bien son nom ? Moi, en tout cas, je reste indécis entre la galère que j'ai vécue pendant 4 heures et le fait d'en être sorti à peu près indemne et pour terminer avec mon appareil photo dans la poche ! Un rescapé lui aussi !

Alors, ce qui m'importe maintenant, c'est de me retrouver au plus vite à l'hôtel. Aussi quand j'arrive sur la place du Foirail, je m'empresse de demander à une dame la direction de l'hôtel Ausseil et gentiment elle m'indique du doigt une grande porte fortifiée au milieu des remparts et me précise que l'hôtel est situé juste une rue après. Je passe sous le porche, arrive sur une autre place et comme je me souviens du nom de cette place " Josep de la Trinxeria ", je sais que l'hôtel est là. Mais la place est bondée de touristes et occupée par les deux restaurants qui y ont largement installés leurs tables et leurs chaises. La place Josep de la Trinxeria est en réalité une immense terrasse pour les deux restaurants mitoyens et quand je demande l'hôtel Ausseil à un garçon de table, il me réponds simplement : vous y êtes ! Au milieu des tables et devant des clients certainement interloqués par mon " look " de randonneur anéanti, je tente en vain de m'expliquer dans un brouhaha inextricable. On ne s'entend pas ici me dit-il. Suivez-moi ! La salle intérieure du restaurant est vide et je peux enfin m'exprimer :

- Je suis Monsieur Jullien, j'ai réservé une chambre. Montrez-la moi que je puisse au plus vite prendre une douche.

- Oui, je crois que vous en avez besoin, me réponds-il avec un petit sourire narquois et en me tendant une clé et en rajoutant : c'est la chambre 7 au deuxième étage.

- Puis-je manger après ? lui dis-je.

- Oui, mais ça ne sera peut-être pas en terrasse car tout est plein me réponds-il.

- Peu m'importe !

Malgré les escaliers qu'il me faut encore escalader, je m'empresse de monter dans la chambre. Avant toute chose, je me déshabille et me jette sous une douche chaude. J'ai bien essayé d'abord l'eau froide mais ce fut un supplice insupportable. Je n'ai pas insisté car à nouveau les brûlures se sont réveillées de manière presque insoutenable. J'ai appelé Dany pour la rassurer et l'embrasser mais sans trop m'étendre sur tous les déboires que j'avais endurés au court de cette mémorable journée. Les hauteurs du Vallespir ont été sacrément âpres aujourd'hui. Encore plus âpres que je ne l'avais imaginé ! C'est sûr maintenant, le titre de mon aventure " Sur les hauteurs d'une vallée âpre " ne sera pas galvaudé.

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Une ruelle à Prats-de-Mollo et le clocher de l'église Saintes Juste et Ruffine.

ÂPRE EST CE VALLESPIR…… 

 

Âpre est ce Vallespir que je veux cheminer.

Dure est la Tour de Mir quand il faut y grimper.

Je ne fais que grandir sur ces crêtes boisées,

Les sources ont à jaillir pour combler les fossés.

 

Âpre est ce Vallespir que je veux affronter.

Dur est le déplaisir lorsque l'on veut marcher.

Et si mes pas délirent, rien ne peut m'arrêter,

Sauf les pins, ces martyrs que le vent a couché.

 

Âpre est ce Vallespir, je veux le proclamer.

Dur mon sang à tarir, je ne suis que touché.

Et ce pourpre élixir, il ne fait que couler,

Mon corps prêt à bondir sur les chemins dallés.

 

Âpre est ce Vallespir que j'ai pourtant aimé.

Dures ces lloses, ces porphyres où j'ai pourtant chuté.

Et si ma tête chavire, je n'vais pas m'écrouler,

Sur ces frêles sentiers, dans ces prés parfumés.

 

Âpre est ce Vallespir où il faut s'arrêter.

Dur est le point de mire où il faut arriver.

Et si mon cœur soupire alors qu'il est blessé,

Mon amour viens vers moi , toi seul peut l'apaiser.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le lendemain matin, la Tour de Mir me nargue de ces 1.540 mètres d'altitude. Elle se trouve sur le tracé du Tour du Vallespir. Vais-je l'affronter ?

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la forêt ravagée par la tempête Klaus pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms2eme étape : Mardi 18 août 2009.

Batère (1.460 m)-Saint-Guillem (1.287 m) 21 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

Ils franchirent le col, balayé de vents froids, trouvèrent l'ombre tiède des sentiers perdus sous les charmilles, bordés de fleurettes et de clairs ruisseaux, qui cheminent en palier ou en montées insensibles jusqu'au mamelon rocheux qui domine Sant-Guillem. Extrait du roman " Domenica ou la vallée âpre ". Marie Vallespir. Romancière française.

 

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsUN ECUREUIL JUSTE AU BOUT DE MON NEZ :

J'ai dû m'endormir vers minuit. Comme souvent, je me suis, au préalable, repassé la pellicule de cette première journée. En plus, dans ce magnifique film, j'avais l'image et la musique. Le refrain de " Mes jeunes années " venait sans cesse enjoliver cette étape pourtant très belle en elle-même. Mais ensuite, la nuit a quand même été très bonne car à ma grande surprise, hier soir, je me suis retrouvé tout seul dans cette immense salle. Tout le monde est parti rejoindre les lits gigognes du dortoir adjacent et aucun compagnon de chambrée n'est venu, par ses ronflements, perturber ma rêverie puis mon sommeil qui, ainsi, a été doux et récupérateur.

Décidemment, j'ai beau tenter de me convaincre d'arrêter de regarder ma montre, j'ai beau me dire que quand on veut flâner c'est idiot d'avoir toujours l'œil rivé sur le cadran, j'ai beau me dire que personne ne m'attends avant 5 jours, j'ai beau savoir que la journée sera largement suffisante pour atteindre l'arrivée, force est de constater, qu'en randonnée la montre reste un objet utile et essentiel. J'en veux pour preuve ce réveil programmé à 6h30 pour un petit déjeuner prévu à 7h30. Oh, bien sûr, rien ni personne ne m'oblige à me lever si tôt mais ces horaires me conviennent tout simplement. Sur des randonnées comme celle là, j'aime démarrer avec le lever du jour. Je ne suis pas le seul d'ailleurs. Or mis le jeune couple, on prend les mêmes que hier soir et on recommence. Mais autour de la table et devant les bols, si j'ai devant moi les mêmes personnes, les visages, les mines et les regards, eux, sont très dissemblables. Certains somnolent encore et ne semblent pas disposés à beurrer leur tartine. D'autres discutent comme s'il n'y avait jamais eu de G.R.10 à parcourir aujourd'hui, d'autres sont déjà d'attaque et pensent qu'ils perdent leur temps à rester attablés. De mon côté, je suis assez étonné de ma forme physique. Aucune douleur musculaire, ni aux jambes ni ailleurs et surtout pas de courbatures, mais il est tout de même hors de question de négliger ce petit déjeuner. Je prends tout mon temps car personne ne m'attend ce soir à Saint-Guillem de Combret. J'ai bien l'intention de traîner, de regarder ma montre le moins possible et je viens de décider que ça commencerait ici devant mon café au lait.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

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Je quitte Batère, son refuge, mes amis d'un jour, ses poules, ses vestiges miniers par des sentiers parfaitement balisés en jaune et rouge. Le sentier descend et je m'enfonce pour une paire d'heures dans une épaisse forêt.

Au bout d'une demi-heure, il me faut tout de même partir, je règle l'addition, pars au dortoir récupérer mon sac à dos qui est fin prêt et que j'ajuste aussitôt sur mes épaules. Tous mes amis d'un jour, d'Epinal et d'Allemagne sont là devant le refuge prêts à partir eux aussi. Quelques mots d'adieu aux plus sympas d'entre eux. Je serre des mains, fait la bise aux dames et salue d'un signe d'autres personnes qui se sont déjà éloignées. Nos routes se séparent ici. Eux partent vers le col de la Descarga et le G.R.10 et moi à l'opposé toujours dans cette magnifique forêt domaniale du Haut-Vallespir. Mais, en raison des couleurs surprenantes de ce matin vaporeux, je ne peux m'empêcher de partir sans jeter un dernier coup d'œil sur tous ces beaux paysages qu'il y a devant le refuge. Je sais pertinemment qu'il va y en avoir bien d'autres, mais ceux-là me retiennent encore comme un aimant : les panoramas sur la Vallée du Tech, Corsavy, Leca et la Souque sont déjà merveilleux dans cette aube nouvelle où s'élève quelques fumerolles de brumes dans un ciel limpide. Je me décide à partir, deux poules aux crêtes rouges semblent vouloir m'accompagner. Il faut dire qu'en leur donnant les restes d'un quignon de pain, je les aide dans cette démarche. En passant devant une voiture, je finis par comprendre l'absence du jeune couple ce matin au petit déjeuner : ils dorment à poings fermés allongés sur leurs sièges. Ils ne sont pas les seuls à dormir encore, d'autres ont dressé leur tente sur un pré, qui un peu plus loin, sert accessoirement de parking mais présente l'avantage d'être en bordure d'une vue grandiose et exceptionnelle. D'ici, on a une superbe et vaste vision du Vallespir vers l'est et comme le soleil tarde à se lever, l'horizon hésite entre la fin d'une nuit bleutée et le prélude à une belle journée orangée. C'est dans cette quiétude ambiante que je quitte définitivement Batère et ses derniers vestiges miniers. Le silence est de mise et je n'entends plus que le bruit de mes lourds godillots qui écrasent l'herbe humide d'une fraîche rosée matinale.

A partir d'ici et sur un long tronçon, le sentier que j'emprunte est commun au Tour du Vallespir et à celui du Canigou. Le balisage jaune et rouge est enfin bien présent et je n'éprouve aucun mal à le suivre sur ce sentier qui est soudain devenu très caillouteux en descendant de manière abrupte dans le Bois du Roc des Cabres. Mais des chèvres ou des cabris, je n'en verrai point dans cette dense forêt. Juste avant le Roc, le seul mammifère que j'aperçois, c'est un petit écureuil roux. A cinq mètres de moi, je le surprends sur la branche d'un petit pin. J'avance encore un peu car il me tourne le dos puis je m'arrête. Il ne m'a pas vu et j'essaie de ne plus bouger pour qu'il me laisse le temps de récupérer mon appareil photo enfouit dans une housse que je porte à la ceinture. Un caillou roule sous mon pied. Il se retourne et m'aperçoit. Il ne bouge pas car il paraît très surpris de me voir là à trois mètres de lui ! Au lieu de fuir, il saute sur la branche d'un grand pin encore plus proche de moi. Mais j'ai compris son manège car le grand pin est plus propice que le petit pour s'esquiver. Il est là maintenant juste au bout de mon nez. J'hésite entre récupérer mon appareil photo que j'ai un mal fou à sortir de sa housse ou le perdre de vue. L'occasion est trop belle, il faut que je le prenne en photo ! J'essaie de ralentir mes mouvements. Il m'observe. Un geste de trop. Le voilà qui saute et change de branche. Si j'attends encore pour le photographier, à coup sûr, je le loupe. Il se met à grimper, s'arrête de nouveau mais je l'ai dans le viseur et j'appuie sur le déclencheur. Je n'ai pas le temps de réaliser, qu'il est déjà à la cime du grand pin. Il détale maintenant à une vitesse inouïe, sautant de branche en branche. Je l'ai perdu ! Sur l'écran de mon numérique, j'essaie de voir si l'écureuil est sur le cliché que j'ai pris mais sur le moment, je ne l'aperçois pas. Il est vrai que je n'ai eu ni le temps de zoomer ni celui de faire une parfaite mise au point. Je me dis que je verrai sans doute mieux sur l'écran de mon ordinateur et peut-être aurais-je une belle surprise !

 Saute petit écureuil sur le bout de mon nez

 

Saute petit écureuil sur le bout de mon nez,

N'ait pas peur, viens vers moi et ne soit pas gêné.

Tu n'auras aucun mal, si tu te laisses faire,

Et ce que je propose, c'est loin d'être l'enfer.

 

C'est une belle photo que j'aurai pour la vie,

Et que je montrerai que si j'en ai envie.

Alors saute écureuil sur le bout de mon nez,

Arrête d'avoir peur et ne soit pas borné.

 

Ce n'est qu'un souvenir pour mes petits-enfants,

Que t'avoir en image et pas en triomphant.

Saute petit écureuil sur le bout de mon nez,

Si tu ne sautes pas, tu me gâches la journée.

 

Je n'ai pas d'écureuils dans mon joli bestiaire,

Approche, n'ait pas peur ou ne soit pas si fier.

Saute petit écureuil, mon nez c'est du velours,

Une photo, un portrait c'est parfois de l'amour

 

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Un petit écureuil roux qui ne veut pas se laisser photographier mais je réussis néanmoins à l'avoir et en grossissant la photo, il n'est pas mal du tout !

De temps à autre, les paysages se dévoilent. Parfois vers l'est où le jour s'est enfin levé mais où les teintes bleutées et orangées de l'aube ont malheureusement laissé la place à une brume poisseuse et grisâtre. Parfois, vers le nord où par dessus les grands sapins, j'arrive de temps à autre à percevoir la grande façade blanche du refuge de Batère. J'arrive devant une grande barrière rocheuse au milieu d'un océan végétal. De là, je suis en surplomb et la vue donne enfin vers l'ouest et le sud. Mais cette vision est restreinte et ce ne sont que de magnifiques forêts à perte de vue. Dans cette verte immensité, seules quelques tristes saignées apparaissent et me rappellent que le 24 janvier dernier, il y a eu dans le département une terrible tempête.

C'était Klaus, tempête mal nommée par un institut de météorologie allemand puisqu'elle a soufflée avec une fantastique violence essentiellement dans le sud de l'Europe (Portugal, Espagne, Andorre, France, Italie) pour faiblir en Grèce puis terminer sa course en Turquie près de la Mer Noire. Mais, il faut savoir aussi que c'est une allemande Karla Wege, qui la première, eut l'idée en 1954, de donner des noms aux dépressions et anticyclones d'Europe afin que les cartes météos soient plus simples à lire. Aujourd'hui, cet institut de météo monnaye ces noms, et chacun peut se placer sur une liste d'attente pour devenir parrain ou sponsor et donner plus tard son nom ou son prénom à une tempête. Ainsi, difficile de dire qui était ce Klaus Schümann, en l'honneur duquel cette tempête a été ainsi nommée. Les homonymes étant nombreux car ce prénom et ce nom sont fort répandus en Allemagne, le plus connu d'entre tous étant néanmoins l'ancien Directeur Général des Affaires Politiques du Conseil de l'Europe. Mais est-ce bien lui ? Rien n'est moins sûr !

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J'ai quitté le refuge de Batère, dont j'aperçois la toiture depuis la descente dans la forêt. Un piton rocheux se dresse devant moi. Je descends dans le Bois du Roc des Cabres, puis dans une immense forêt légèrement chahutée par la tempête Klaus où pullulent les grosses coulemelles.

Je repars. La falaise blanche me paraissait infranchissable, mais la petite sente très étroite bifurque juste avant et tourne à droite dans une descente toujours plus raide. Les sombres pins et les grands résineux ont laissé la place à une immense et lumineuse hêtraie où les grosses coulemelles poussent à profusion. Il y a maintenant une heure que j'ai démarré, j'atteins un petit torrent. Sur ma carte, c'est le ruisseau du ravin de la Riverette. Je le traverse et le longe quelques temps. La sente s'aplanie et file sud-ouest. Un quart d'heure plus tard, je croise les premiers panonceaux : Col d'En Cé (veut dire feu, encens) et la Baraque del Faig (hêtre). Je marche dans la bonne direction. Je ne suis pas inquiet mais pourtant ça me rassure car cela fait un bon moment que je serpente dans la forêt et que mon GPS n'arrive pas à faire un point précis sous cette forêt trop dense. Quand au balisage, il est présent, mais parfois trop effacé pour être évident à percevoir. De temps à temps, les cicatrices de Klaus se font plus apparentes mais les forestiers ont fait leur travail et je n'éprouve aucune difficulté à suivre l'itinéraire qui est désormais rectiligne. Je traverse un deuxième ruisseau, c'est le Correc des Cabres. A travers quelques grands pins, je finis par apercevoir le Pic de la Souque. Il semble beaucoup plus proche maintenant, pas de doute, j'arrive au Col d'En Cé.

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Photos prises dans le Bois du Roc des Cabres puis en arrivant au Col d'En Cé

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Au col d'En Cé, joli pré planté de ruches avec le Pic de la Souque pour horizon. Je vais m'y arrêter pour prendre un en-cas mais les abeilles ne l'entendent pas ainsi !

Dans ma tête et pour plusieurs raisons, ce col est dans cette longue journée de marche, une première étape de franchie : d'abord parce que ce col est le carrefour de deux chemins, dont je ne sais trop lequel des deux emprunte vraiment le Tour du Vallespir. Sur les cartes, c'est une étroite sente qui, par la droite, remonte dans la forêt, longe les Canals de Leca dans un décor rocheux et dont le dénivelé est paraît-il plutôt difficile. De l'autre, c'est une large piste qui monte du hameau de Leca et qui file parallèle au Riuferrer, la rivière du fer. Jadis, cette route a été goudronnée mais il n'en reste plus rien. Georges Véron dans son guide conseille cette piste et écrit : " les sages la suivront vers la droite et l'ouest sans s'occuper du balisage qui emprunte, très en contre-haut, un parcours nettement plus pénible ".

Je ne connais pas cette piste pas plus que le sentier pénible d'ailleurs. Est-elle plus facile ? Sans doute, si je compare les deux itinéraires que par sécurité, j'ai enregistré dans mon GPS. Ici, ce ne sont pas les difficultés qui m'effraient, ni le poids du sac qui me pèse, mais je veux avant tout être sage et je ne me pose donc aucune question. Je délaisse la petite sente balisée en jaune et rouge qui grimpe dans la forêt, et qui, selon les panonceaux, file à la Baraque del Faig en empruntant, et le Tour du Canigou et celui du Vallespir. Malgré ces indications on ne peut plus claires, je n'ai pas le sentiment de faire une entorse au Tour du Vallespir puisque Véron lui-même préconise le parcours que je vais prendre.

J'ai mis deux heures pour arriver au Col d'En Cé et j'estime qu'il est temps de faire une pause. Le cadre s'y prête avec une jolie pelouse verte et rase comme je les aime. Cette halte me semble indispensable, ne serait-ce que pour reposer mes genoux légèrement endoloris ; douleurs aux articulations engendrées par les multiples torsions de cette longue descente. Je m'arrête, dépose mon sac et commence à sortir quelques friandises. Mais les abeilles, de plusieurs ruches blotties non loin de là dans les fougères, ne l'entendent pas de cette oreille. Oh non, elles ne me piquent pas mais les nombreuses escadrilles qui tournent autour de moi sont suffisamment dissuasives pour me faire comprendre que je me suis ingéré dans un territoire qui n'était pas le mien. Je remballe tout mon attirail et file un peu plus loin vers un endroit plus accue

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Je quitte le col d'En Cé par l'agréable et large chemin conseillé par Georges Véron dans son guide et non pas par le sentier du Tour du Vallespir qui, beaucoup plus haut, longe les Canals de Leca. Pourtant, je n'ai pas le sentiment de faire une entorse au véritable parcours !

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Après le Col d'En Cé, de merveilleux panoramas de tous côtés, vers de hauts sommets, vers le cirque d'En Faig, la Souque et la vallée du Riuferrer, rivière du fer alimentée par d'agréables et mélodieux petits rus.

Bien que clôturée sur ma gauche, sans doute par sécurité pour les troupeaux, car elle est carrément en surplomb de 300 ou 400 mètres au dessus du torrent du Riuferrer, la piste est plaisante à cheminer. Ici aussi quelques arbres ont été étêtés par la tempête Klaus. La déclivité est modeste et quand les arbres ont été épargnés, le chemin se faufile à travers une flore resplendissante où les courts feuillus se mélangent aux petits sapins et aux frêles épicéas. Cette basse végétation présente un avantage non négligeable, celui de pouvoir marcher sans avoir à trop lever la tête pour découvrir cet immense cirque du Faig qui s'ouvre devant moi. Ce cirque, couronné de très hauts sommets qui se détachent sur un ciel bleu cristallin est vraiment splendide : Pic du Roc Nègre (2.714 m) Pic des Très Vents (2.731 m), Pic Roja (2.724 m), Pic de Bassibes (2.637 m), Pic des Sept Hommes (2.651 m). Les crêtes et les flancs de toutes ces hautes cimes où alternent les immenses pierriers blancs et les vertes pelouses sont des invitations à randonner toujours plus haut, même si je sais par avance que je n'aurais pas à monter à ces altitudes sur ce Tour du Vallespir.

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Au pied du splendide cirque d'En Faig, une rafraîchissante baignade dans le Riuferrer un peu perturbée par les sifflements d'une marmotte que je n'arrive pas à apercevoir.Mais en me baignant, j'ai réalisé une rêve, celui de prendre un bain dans une rivière lors de ce Tour du Vallespir.

Depuis le Col d'En Cé, arrêt compris, j'ai mis exactement une heure pour parcourir les 4 kilomètres de cette piste qui se termine comme elle avait commencé, c'est-à-dire dans une verte prairie plantée de nombreuses ruches. Mais, j'ai retenu la leçon, je laisse les abeilles tranquilles et je préfère filer vers le torrent dont j'entends désormais le clapotis tout proche. J'enjambe quelques rochers car, malgré ce que dit Véron dans son guide, il n'y a ici aucune passerelle. Elle a sans doute été emportée, un jour d'orage, par les flots impétueux du torrent. Je suis déjà sur une autre rive du Riuferrer mais ici, des rives, il y en a plusieurs car la rivière prend sa source à proximité et cherche encore son cours principal dans le début de ce long vallon qui finit sa course 17 kilomètres plus loin, à Arles-sur-Tech. Il fait très chaud et j'ai très chaud, et toutes ses vasques limpides sont des provocations à un bain que je sais presque inévitable. A des lieux de toute habitation, j'ai la quasi certitude d'être seul et éloigné de tout au fond de ce magnifique cirque, j'ôte tous mes vêtements et me dirige vers la rivière. Mais à l'instant précis où j'entre dans l'eau, j'entends un sifflement strident. Serait-ce quelqu'un qui me reluque et qui me trouve beau dans le " plus simple appareil " ? J'ai de l'imagination mais il m'est impossible de croire à ce raisonnement. Je reste néanmoins surpris d'entendre siffler et je regarde autour de moi avec insistance et un peu d'appréhension aussi, je dois l'avouer. Quelqu'un m'aurait-il surpris dans cette tenue d'Adam sans feuille de vigne ? Non, je ne vois personne mais les sifflements aigus se répètent et viennent clairement d'une zone de gros éboulis qui se trouve derrière moi où déboule un autre petit torrent. Je suis pudique et malgré une eau glacée, je plonge plus vite que prévu dans la première marmite venue. J'observe mais je ne vois rien. J'avoue que ce sifflement persistant continue de me troubler. Je sors du torrent, me sèche et j'enfile mon slip. Mais les sifflements irréguliers se poursuivent et je comprends qu'il ne peut s'agir que d'une marmotte qui siffle pour prévenir ses congénères de ma présence. Je retourne au bord du torrent pour figer sur une photo, cet instant ridicule et désopilant dont je rigole encore quand j'y pense. Enfin, malgré l'aspect ridicule de ce moment, j'ai réalisé un rêve celui de me baigner dans une rivière lors de ce Tour du Vallespir. Depuis que je suis enfant, l'eau m'a toujours fortement attirée. 

Paysages aperçus après avoir enjambé le Riuferrer et quitté le cirque d'En Faig. Le sentier alterne éboulis et jolis passages en sous-bois. De l'autre côté du torrent, j'aperçois la piste empruntée après le col d'En Cé. Le balisage est bon même si ici le panonceau indique seulement le Tour du Canigou. 

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Paysages aperçus après avoir enjambé le Riuferrer et quitté le cirque d'En Faig. Le sentier alterne éboulis et jolis passages en sous-bois. De l'autre côté du torrent, j'aperçois la piste empruntée après le col d'En Cé. Le balisage est bon même si ici le panonceau indique seulement le Tour du Canigou.

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J'ai quitté le cirque d'En Faig (au fond), la sente s'élève au dessus du vallon du Riuferrer dans lequel je viens de me baigner nu. Mais des sifflements aigus, ceux d'une marmotte sans doute, sont venus troubler ce plaisir. En reprenant ma marche, j'en rigole tout seul car je trouve cela désopilant quand j'y repense !

Après avoir traversé le Riuferrer, c'est une petite sente qui le longe désormais sur la rive opposée. Mais, si le sentier est parallèle à la piste que j'ai suivie depuis le Col d'En Cé, avec ses montées et ses descentes successives dans les cailloux et les éboulis, il est beaucoup moins agréable et facile à arpenter que ne l'était la piste. Seuls les paysages restent plaisants à regarder avec désormais une vue circulaire de tous les pics qui dominent le cirque d'En Faig. Il y a toujours les mêmes auxquels s'ajoutent désormais ceux en face de moi à savoir les pics Gallinasse (2.461 m), Cincreus ou Cinq croix (2.266 m) et Pel de Ca ou Peau du chien (2.112 m). Dans le pierrier du Gallinasse, j'aperçois un isard qui grimpe la pente avec une facilité déconcertante. Il s'arrête et m'observe. Compte tenu de la distance qui nous sépare, il est peu inquiet et continue tranquille son ascension vers le sommet. Bien qu'estimant la distance trop importante, je tente néanmoins une photo en mode rapproché. Le chemin se fait plus doux au sein du bois de la Bac de la Cova dels Porcs (bac signifiant ubac, cova signifiant grotte, on peut traduite textuellement par ubac de la grotte des cochons), je décide de stopper là pour déjeuner car il est 12h30 et je n'ai pas envie de " speeder " inutilement. Je mange en priorité le panier repas confectionné ce matin par le cuistot du Refuge de Batère, constitué d'un gros sandwich omelette au jambon, d'un " bon " morceau de fromage, de 2 tranches de pains d'épices et d'une orange. Je conserve et continue de trimbaler mes salades et mes gâteaux de riz que je garde précieusement en prévision des repas de ce soir et de demain midi. Quand je repars, le ciel s'est quelque peu assombri. Mais cette obscurcissement est sporadique car une " bonne " tramontane pousse vers le sud tous ces gros cumulus le plus souvent très blancs mais quelquefois gris aussi.

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J'ai définitivement quitté En Faig. Une rampe d'éboulis s'élève hardiment et m'oblige à prendre un peu d'énergisant. Un étrange papillon tente de faire du mimétisme sur une feuille, mais pas de bol, le feuille est verte et lui est marron tacheté de bleu. C'est la première fois que j'en vois un comme ça et je ne connais pas son nom. La sente file vers une belle hêtraie où poussent de jolis champignons jaunes, direction la cabane de la Devesa que j'aperçois au loin.

La sente s'élève maintenant par une sévère rampe qui se fraye un chemin au milieu d'un gros pierrier. La sente ne fait que monter depuis que j'ai redémarré et elle s'accentue encore. L'estomac alourdi par le déjeuner, j'ai un mal fou à retrouver mon ardeur de ce matin. Aussi, je trouve opportun d'ouvrir, pour la première fois de la journée, une nouvelle compote gélifiée énergisante dont j'absorbe, en pressant le tube, une copieuse lichette. L'effet du glucose sur mon organisme est quasiment immédiat et alors que je grimpe en direction de la cabane forestière de La Devesa, un quart d'heures plus tard, j'ai retrouvé une " forme olympique ". J'entre dans une étrange hêtraie où les arbres avec leurs multiples branches tentaculaires qui sortent du sol ressemblent plus à des pieuvres géantes qu'à des végétaux. Les abords du chemin sont parsemés d'une multitude de jolis petits champignons jaunâtres. Au sortir de la hêtraie, j'aperçois enfin au dessus de moi la cabane qui sert régulièrement d'abri aux bergers et de refuge aux randonneurs.

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La cabane de Devesa apparaît et les panoramas se révèlent de tous côtés et jusqu'à la Méditerranée. Dommage une longe chape brumeuse bouche l'essentiel de l'horizon. Mais je réussis néanmoins à apercevoir Amélie-les-Bains d'où je suis parti hier matin, Montbolo et la piste qui monte vers Formentere.

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Je grave dans ce grand hêtre, mais sans talent, la mémoire de mon passage ici.

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Des chevaux et surtout un gentil et sympathique trio de randonneurs: voilà, quelques bons souvenirs de mon passage près de la cabane de la Devesa.

Sur ma gauche, je reconnais la verte prairie du Col de l'Estagnol que je connais bien et que je dois rejoindre. Mais pour l'instant rien ne presse, il n'est que 14 heures et je m'arrête pour manger une orange à l'ombre d'un immense hêtre. Machinalement, je me mets à en creuser l'écorce, à l'aide de mon " Laguiole ", pour tenter d'y graver à jamais mes initiales et la date du jour marquant ainsi mon " glorieux " passage sur ce Tour du Vallespir. Mais il faut que je l'avoue, je ne suis pas un artiste en la matière et je resterai sans doute le seul à savoir que je suis passé par là ! Au moment où je m'apprête à repartir, un homme arrive vers moi et, dans un élan très amical, il me salue en me serrant la main avec chaleur. Il semble radieux de rencontrer quelqu'un à qui parler. Il est suivi d'une jeune femme et d'une jeune fille. La jeune femme vient également vers moi me dire bonjour. La jeune fille, elle, poursuit son chemin, et me salue, de loin, d'un sourire timide. Pendant que ses parents m'expliquent leur randonnée, je la vois partir en courant à la rencontre de trois chevaux qu'elle vient d'apercevoir non loin de la cabane. Son père, qui ne la quitte pas des yeux, se met à crier. Il s'étrangle à lui rappeler les règles de prudence les plus élémentaires à adopter avant de se rapprocher des chevaux. Mais la jeune fille les a déjà atteints et les caresse sans aucune retenue ni appréhension. Heureusement, ces chevaux qui vivent le plus souvent à l'état sauvage semblent dociles et de bonne composition. Le père, qui n'était pas entendu, est, par crainte, parti en courant rejoindre sa fille, ce qui a eu pour effet de couper court à notre conversation qui, apparemment, s'orientait sur la manière dont ils devaient poursuivre leur parcours pour rejoindre Leca. Une fois rassuré le père revient vers moi, déplie sa carte IGN et me demande de lui indiquer s'ils peuvent faire une boucle pour rejoindre leur point de départ et retrouver leur véhicule qu'ils ont laissé à Leca. Le doigt pointé vers un proche horizon, je lui désigne d'abord le Col de l'Estagnol, grand pré vert clair que l'on aperçoit au milieu d'un océan de grands conifères au vert plus sombre puis, tout en décrivant le parcours à prendre, mon index descend dans le ravin qui nous fait face. C'est celui de la Font de l'Estagnol. Puis, pointant toujours mon index, je retranscris sur la carte la même description, tout en suivant l'itinéraire en rouge qu'il auront à emprunter.

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Avant de repartir de la Devesa vers le col de l'Estagnol, j'ai un large aperçu du chemin parcouru hier, d'Amélie-les-Bains à Batère dont j'aperçois la tour à l'horizon sur ma gauche.

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Je laisse la Devesa, sa cabane, ses chevaux, son cadre bucolique et ses beaux panoramas, direction le col de l'Estagnol et son pré verdoyant que j'aperçois au loin.

L'homme me remercie et le trio repart en direction de la large piste qui démarre au pied de la cabane de la Devesa. Ils me distancent rapidement et disparaissent dans la sombre forêt qui descend le long des flancs du Puig dels Pastors. De mon côté, je continue de flâner, prenant photos sur photos, du site de la Devesa et des alentours mais aussi de tous ces splendides panoramas que je domine et que j'aperçois presque à perte de vue en direction de la mer. Je discerne avec bonheur mais étonnement la quasi totalité du chemin parcouru hier : Mes yeux partent d'Amélie-les-Bains, grande empreinte blanchâtre au fond de la vallée du Tech puis peu à peu, ils montent vers Montbolo que je devine à peine, puis ils cheminent sur cette longue piste qui louvoie telle une couleuvre vers le col de Formentere pour s'arrêter au pied de la tour de Batère parfaitement visible. Absorbé par tous ces beaux paysages et ces magnifiques forêts, quand je sors du Bois dels Pastors pour déboucher sur le vaste et verdoyant pré du Col de L'Estagnol, c'est sous quelques gouttelettes de pluie. Elles tombent d'un modeste nuage noir qui a, sans doute lui aussi, décidé de s'arrêter là pour profiter de ce remarquable spectacle. Pour la deuxième fois en deux jours, me voilà contraint de recouvrir mon sac à dos et de sortir mon poncho dans la précipitation. Sur le grand pré, je retrouve " mon " trio de randonneurs. Ils viennent de nouveau vers moi car ils n'ont pas trouvé la sente qui redescend vers Leca. Je dépose mon sac à dos sur le pré et leur demande de me suivre jusqu'à un petit piquet et à une petite trace jaune, peu visible il est vrai, car peinte à même le sol sur une pierre à la limite de la forêt et de la pelouse.Là, je leur dis de ne plus quitter ce balisage jusqu'à retrouver le panneau Leca qu'ils ont inévitablement rencontré en montant vers le Faig. Je quitte cette charmante famille, non sans leur avoir montré au préalable, et une nouvelle fois, le tracé sur la carte IGN et décrit au père la sente qui devrait les ramener sans problème jusqu'à leur véhicule. Je les mets surtout en garde de délaisser les chemins et les pistes qu'ils vont couper et qui partent vers la droite.

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Quand, j'arrive au col de l'Estagnol, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour Jérôme car il y a trois semaines, nous avions déjeuné là avant de monter au Pic de la Souque. D'ailleurs, le pic apparaît au loin en forme de volcan aplati à son sommet. Mais il y a aussi toutes ces montagnes que j'aurai à gravir dans les jours prochains de l'autre côté du versant du Vallespir.

Un dernier signe de la main et le sympathique " trio " disparaît définitivement dans le bois. J'ôte et replie mon poncho car le petit nuage noir a fichu le camp lui aussi et la pluie fine a cessé. Le petit nuage noir a laissé la place à un magnifique ciel bleu où quelques éphémères et gros cumulus blancs très épars continuent de courir poussés par un vent modéré du nord. Quand je me retrouve sur cet immense pré vert clair, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour Jérôme, il y a trois semaines nous avions déjeuné là avant de grimper au Pic de la Souque. De ce vaste plateau herbeux, la vision bascule sur l'autre Vallespir, celui de la vallée du Tech. Ces paysages sur le Tech et plus loin vers l'Espagne ne sont que successions de petites collines, de profondes ravines et de montagnes beaucoup moins hautes que celles auxquelles je tourne désormais le dos. Est-ce la distance qui me sépare encore de ces paysages, mais j'éprouve pas mal de difficultés à imaginer, que pour finir convenablement cette boucle, il me faudra chevaucher toutes ces " montagnes russes " lors des trois derniers jours. Je rejoins un panneau indicateur qui m'oriente dans la direction à poursuivre : " Volta del Vallespir/Tour du Vallespir - St Guillem ". Malgré mon GPS, j'avoue que ce panneau m'est précieux car hormis le site de Saint-Guillem lui-même, je ne connais plus les chemins qui m'attendent à partir d'ici et pendant encore deux jours jusqu'à Notre-Dame du Coral et Lamanère. Assis bien en face ces jolis panoramas, je grignote quelques fruits secs en observant sur ma carte IGN, les sentiers à prendre pour arriver au refuge de Saint-Guillem ce soir. Je repars par une large piste dont la déclivité s'accentue à chacun de mes pas. Par sécurité, du moins je le pense, je garde à la main et pendant quelques temps mon GPS allumé. Le dénivelé progresse : 1.650 mètres, 1.670, 1.680, 1.700, 1.720, 1.730 mètres, puis, toujours allumé, je finis par le glisser dans la poche de mon short car ce dernier me situe parfaitement sur le tracé. Et là, je commet une erreur grossière car quand je le ressors de ma poche, bien, que n'ayant pas quitté la piste, je m'aperçois que je ne suis plus du tout sur la tracé mais l'altitude a encore augmenté de quelques mètres puisque je suis désormais à 1.765 mètres. Selon la connaissance que j'ai du parcours, je sais que je suis beaucoup trop haut car le point culminant du Tour du Vallespir se situe à 1.808 mètres et ce sera demain au Col de Serre Vernet. Je comprends que je me suis beaucoup trop rapproché de cette altitude pour être sur le bon chemin ! Je ressors la carte de mon sac et remarque qu'effectivement j'ai dû louper la sente qui descend à gauche vers un petit col inscrit sur la carte : la Collada del Réart. Mais je remarque aussi que si je continue la piste, je ne suis plus très loin d'une autre sente qui rejoint la première, peu avant le Roc del Réart. Je choisis cette option et continue de monter sur quelques dizaines de mètres. Et là, surprise et soulagement, juste derrière un virage, j'aperçois un nouveau panneau indiquant clairement : " Volta del Canigo/Volta del Vallespir - St Guillem ". A mes pieds, une étroite sente descend à gauche.

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Après le col de l'Estagnol, je me trompe de chemin et la sente grimpe vers des sommets plus élevés que prévus, mais les panoramas sont si merveilleux !

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Je me suis trompé de chemin mais par bonheur celui-là aussi à une variante qui va à hameau de Saint-Guillem de Combret !

Le GPS me situe à 1.771 mètres d'altitude et de là encore, les panoramas sont grandioses sur le Bas et le Moyen Vallespir et la vallée du Tech bien sûr, mais aussi sur le vallon et le bassin de Coumelade et les pics et les crêtes qui l'entourent. Pic de Gallinas (2.029 m), crêtes de Serre-Vernet (1.970 m), Montagne Rase (2.439 m), à vol d'oiseau, je ne suis plus très loin de la haute montagne mais maintenant il me faut descendre dans cette terrible sente qui zigzague des contreforts très rocailleux du Roc Coucoulère jusqu'aux flancs boisés de la Sola du Rossignol. J'ai beau me méfier à outrance de cette étroite sente abrupte, peu empruntée, mal débroussaillée et par endroit ravinée, je ne peux éviter une chute dans les bruyères rases. Heureusement sans gravité, sauf pour une malheureuse petite abeille qui se retrouve plantée par le dard dans la paume de ma main. Malgré la vive douleur momentanée, j'essaie de dégager cette pauvre abeille de cette situation inconfortable, surtout pour elle, car je sais qu'en tirant, une partie de l'abdomen restera planté dans ma peau retenu qu'il est par un petit crochet qui se trouve à la pointe du dard. L'abdomen et le dard étant étroitement relié par un muscle infime et fragile, l'abeille meurt en général de cette intervention. Malgré toute la délicatesse que je peux mettre à cette opération, tout se passe comme prévu : je suis malheureusement obligé de m'y reprendre par deux fois, une première, car le dard et les entrailles toutes entières sont restées plantées dans ma paume et une seconde, pour retirer le dard dont j'ai le vague sentiment que le crochet est resté enfoncé dans mon derme. L'abeille, elle, n'a pas survécu à cette " pitoyable chirurgie " ! Malgré une douleur assez superficielle désormais, je sors, par sécurité, ma trousse à pharmacie et mon " Aspivenin " pour aspirer le reste des toxines injectées par cette pauvre abeille qui, tranquille à butiner, a eu la malchance de croiser ma route.

Pauvre petite abeille que le rose attirait

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Sur le rose sentier, voilà que j'ai chuté

Sur une frêle abeille que le rose attirait.

Tombé dans les bruyères où est la gravité,

Pour une abeille gracile que le rose attirait.

 

Dans la paume de ma main, elle resta plantée,

Cette jolie abeille que le rose attirait.

Autant le dire de suite, il faut avoir pitié,

Pour une abeille fragile que le rose attirait.

 

Petit corps dans mes mains, j'avais la faculté,

Pour cette fine abeille que le rose attirait,

De la tirer de là, avec habileté,

Cette petite abeille que le rose attirait.

 

Tirant son abdomen avec dextérité,

La délicate abeille que le rose attirait,

S'endormit dans ma main et pour l'éternité.

Et rose fût sa mort où elle fût attirée

 

Mais ce triste spectacle m'avait déconcerté.

Je priais cette abeille que le rose attirait

De s'envoler vers Dieu qui m'avait écouté.

Au rose paradis, l'abeille fût attirée.

 

Et comme cette histoire a une moralité.

La mort quitta l'abeille que le rose attirait.

Le matin, elle revint toute ressuscitée,

Butiner les bruyères encore fraîches de rosée.

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Mon GPS affiche 1.771 m d'altitude, j'aperçois Saint-Guillem 500 mètres plus bas, les crêtes à gravir demain et le splendide vallon de la Coumelade. 

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Il va me falloir 1h40 pour arriver au hameau de Saint-Guillem, écrasant au passage une pauvre petite abeille et galérant dans le dernier bois, couché par la tempête Klaus.

Je repars contrit en redoublant de vigilance pour ne plus tomber et écraser d'autres innocentes abeilles qui sont très nombreuses sur ce sentier. A chaque détour du chemin, à chaque bout du zig ou parfois du zag, j'aperçois désormais le hameau de Saint-Guillem de Combret. Avec sa chapelle, son refuge et ses quelques maisons, le hameau se rapproche trop lentement à mon goût. Oh non, je ne suis pas pressé car ce soir personne ne m'attends ! Mais je languis d'arriver car cette descente est usante tant pour les muscles et les articulations que par la tension nerveuse que je mets à ne pas trébucher. La pente est très raide par endroits et l'orage d'hier soir a rendu certaines portions du sentier très glissantes. Depuis le dernier panonceau situé à 1.771 mètres d'altitude, et montre en mains, j'ai mis exactement 1h40 pour parcourir un peu plus de quatre kilomètres et arriver au refuge, situé à 1.287 mètres. Et pour couronner le tout, cette descente se termine dans un fatras invraisemblable de bois cassés et d'arbres abattus par la tempête Klaus. A cet instant précis, et après être sorti difficilement, avec quelques égratignures très superficielles mais sans aucun bobo sérieux de ce ramassis d'arbres morts, il me paraît impossible de trouver pires conditions de marche. Le hameau paraît désert. Je passe sous la jolie chapelle. Il est 17 heures tapantes quand j'entre dans le refuge dont la porte est grande ouverte mais où un caleçon a été mis à sécher sous le auvent. Mais le refuge est vide lui aussi. Je m'y installe le plus confortablement possible. Ici le mot " confort " est franchement très exagéré.

De la paillasse à la cheminée en passant par une grande table et deux bancs en bois, tout y est plutôt spartiate pour ne pas dire austère. Je sors de mon sac à dos tout le nécessaire dont je vais avoir besoin pour vivre c'est à dire pour manger et pour dormir. Sans trop m'étaler car il est fort possible que d'autres randonneurs arrivent encore, j'essaie de m'aménager deux petits coins à moi. Un sur la table, l'autre sur le dortoir. Si d'autres locataires arrivent, seule la couchette posera vraiment un problème car s'il y a une grande estrade en bois pouvant accueillir plusieurs personnes, il y a un seul matelas en mousse et deux gros coussins, type sièges de voiture. Mais en la circonstance, le premier arrivant ayant toujours raison, je m'accapare le matelas et un gros coussin dont je veux montrer l'occupation en y posant mon sac à dos bien en évidence. Par contre, je n'occupe qu'un petit coin de la grande table où j'ai déjà disposé les mets pour ce soir et le " p'tit déj " pour demain matin.

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La chapelle Saint-Guillem de Combret, lieu de passage depuis des siècles

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En arrivant à Saint-Guillem de Combret, le refuge non gardé est un lieu austère aux conditions spartiates mais ô combien pratiques sur ce Tour du Vallespir !

Je partage le reste de l'après-midi et la fin de la soirée entre la visite du site de Saint-Guillem de Combret que je connais déjà pas mal, quelques photos et un peu de lecture. La chapelle semble la seule habitation occupée aujourd'hui, aussi j'écourte ma visite et part faire quelques photos des panoramas alentours. De retour au refuge, je feuillette quelques vieilles pages de L'Indépendant de Perpignan qui ont sans doute été laissées ici pour allumer la cheminée puis je reprends la lecture de " Dalva ". Quand le soir se met à tomber, aucun autre locataire n'est arrivé. Le caleçon est toujours là, suspendu sous le auvent de la porte d'entrée et personne n'est venu le décrocher. Certainement quelqu'un qui l'aura oublié ! Je prends mes aises car je sais que plus personne ne viendra maintenant. Tout en lisant " Dalva ", je mange deux salades, un gâteau de riz et quelques fruits secs. Mais après ce frugal repas, la lassitude aidant, mes paupières tombent seules sur mes yeux sans vigueur. Assis à la grande table, je tente de lire à la faible lueur de cinq ou six bougies et seul un petit lézard, qui entre et sort par un fenestron resté entrebâillé, me tient un peu éveillé. Indécis, il cherche sans doute un orifice où se coucher mais hésite entre l'obscurité extérieure et la demi pénombre du refuge. Quand il disparaît définitivement, je n'essaie plus de lutter contre le sommeil et moi aussi, je pars me coucher.

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A Saint-Guillem, je termine la soirée à un peu de lecture et à quelques photos. Mais je suis anxieux car le bois sous le refuge, où se trouve l'arboretum, a été, lui aussi, fracassé par la tempête Klaus. Alors, je me dis : " Comment vont être les chemins lors des jours à venir ? "

Je repense à cette journée plutôt agréable et sympathique à 99%. Journée à la fois comique sous certains aspects mais aussi angoissante quand je me souviens de la galère dans laquelle j'ai bataillé dans ce dernier bois pour rejoindre le hameau. Mes pensées s'emmêlent entre instants d'angoisse et de bonheur. Mais dans ce jeu du souvenir, l'angoisse et l'anxiété finissent par l'emporter malgré la domination incontestable des instants de plaisir et de bonheur. Je revois parfaitement ce petit écureuil roux qui était tout près de moi mais que je n'ai pas vraiment réussi à photographier convenablement. Je me revois nu dans le Riuferrer, dans cette attitude ridicule et burlesque, à écouter ces sifflements aigus dont je cherchais stupidement la provenance. Je me souviens de ce couple de randonneurs qui sont venus vers moi chaleureusement et le sourire en " banane " pour que je les rassure quant à la direction à prendre. Là aussi, cette rencontre avait un aspect un peu cocasse et dérisoire car ce couple et leur fille semblaient compter sur moi comme les disciples attendaient de Jésus qu'il leur montre le droit chemin. J'exagère un peu, mais s'ils avaient su combien de fois, moi aussi, je me suis transformé en " brebis égarée ", ils auraient passé leur chemin en m'ignorant totalement ! D'ailleurs ne me suis-je pas fourvoyé au cours de cette journée : après le Col de l'Estagnol puis surtout dans ce fouillis de branchages et cet amoncellement d'arbres fracassés ou déracinés. C'est en partie de la faute à Klaus me direz-vous ! Mais même vu sous cet angle, cet égarement m'inquiète. Et si dans les jours prochains, nombres de chemins étaient autant impraticables ? Je suis d'autant plus inquiet, que cet après-midi, je suis parti vainement avec l'idée de visiter l'arboretum qui se trouve juste en dessous, à seulement quelques mètres du refuge. Pourtant c'est un des rares endroits du département où l'on peut apercevoir de grands séquoias ! Mais cet arboretum était lui aussi inapprochable car la tempête avait fait dans ce petit bois d'incommensurables ravages. En général, je suis plutôt fataliste pour ne pas me laisser angoisser inutilement et tomber dans la paranoïa. J'ai beau me dire ; je verrai bien, demain sera un autre jour, c'était bien jusqu'à présent, il n'y a pas de raison que ça change ; les images de ces grands arbres couchés, déracinés, fracassés en deux comme de simples allumettes reviennent sans cesse et m'empêchent de trouver le sommeil. Tout à l'heure, je m'endormais à table et maintenant je n'arrive plus à sortir de ma tête la vision de tous les dégâts de cette tempête Klaus. J'essaie, mais en vain, de me convaincre que les longues randonnées pédestres oscillent souvent entre moments de plaisirs et instants de souffrance et de douleurs. Pourtant et par expérience, je sais que ces revirements de situation sont souvent inévitables, surtout quand on veut se hisser sur " les hauteurs d'une vallée âpre " ?

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.1ere étape : Lundi 17 août 2009.

Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir et 2 fois pour un plein écran.

"Vous ne connaissez pas la dernière bergère Qui règne encore ici sur ces antiques lieux Où les Romains, en conquérants industrieux Fondaient le fer avant le premier millénaire ; En menant son troupeau vers la Tour de Batera A ses pieds, chaque jour, surgit devant ses yeux Ce grand pays de bois et de vallons herbeux Qui va de Saint-Marsal au col de Palomera." Extrait du recueil de poèmes " Ballades catalanes ". André Taurinya (1914-2004) poète français.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.LA MONTRE ET LE PAPILLON :

 

7h30, me voilà sur le parking des Thermes d'Amélie. J'ignore pourquoi je regarde ma montre, après tout, je ne pars pas sur ce Tour du Vallespir avec l'idée de faire une course contre la montre. Une ridicule habitude sans doute ! Ou alors la crainte d'avoir un ennui et d'arriver au gite à une heure déraisonnable ? Bien au contraire, je démarre plutôt avec l'idée de flâner autant que je le pourrais car dans la marche pédestre, c'est bien ce rythme-là que me plaît. Je viens de passer sans problème devant le vigile, lequel enfermé dans sa guérite, m'a regardé béat et m'a fait signe d'avancer. Il a du me prendre pour un curiste mais, de peur qu'il ne m'arrête, j'ai machinalement accéléré dans la rampe qui accède à la toiture du centre de cure où se trouve le parking. Il y a peu de voitures. Je gare la mienne. Je n'ai pas grand-chose à faire pour être prêt à démarrer : changer mes tennis par mes chaussures de marche, prendre mon bâton et mon bob et harnacher mon sac à dos. Une fois encore avec ses 21 kilos, ce maudit sac est bien trop lourd à mon goût. J'ai eu beau le remplir, le vider, le remplir à nouveau, le revider, le trier, faire la part des choses utiles ou inutiles, indispensables ou superflues, tous les objets qu'il contient ont été mûrement réfléchis et ont pour ambition de me servir au moins une fois. Outre, le poids élevé du sac à dos, l'arrêt total du tabac m'a fait prendre quelques kilos plus que superflus, kilos que j'ai toujours eu un mal fou à éliminer. C'est donc avec deux surcharges pondérales que je m'apprête à démarrer : le sac à dos et mon "bedon". Malgré ça, je suis confiant car je prépare ce Tour du Vallespir depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois et j'ai parfaitement ordonnancé ce départ.  De tous ces objets que contient mon sac à dos, j'en ai fait 4 grandes catégories :

a) Les aliments tout d'abord, avec il est vrai un gros surplus en prévision d'un jour et demi sans aucune possibilité de ravitaillement à Saint-Guillem de Combret. Je dispose pour cela de 4 coupelles de salades diverses achetées toutes prêtes, 4 boites de gâteaux de riz et un gros taboulé. A ces repas prévisionnels quotidiens, il faut ajouter le repas de ce midi et l'encas de l'après-midi avec une grosse salade composée, 3 sandwichs, 2 oranges, 1 banane, 1 compote et les 4 litres d'eau que j'ai cru utile d'emporter dans 2 gourdes d'un litre et une poche à eau de 2 litres, style Camelback. A tous ces aliments s'ajoutent une grosse boîte de fruits secs, 6 barres de céréales et des compléments énergétiques avec pour l'endurance une boite de poudre à diluer dans l'eau et pour l'énergie six compotes gélifiées, une par jour, pour palier aux " coups de mou " qui ne manqueront pas de survenir.

b) Viennent ensuite les vêtements que j'ai tenté de réduire au minimum avec un short et un tee-shirt de rechange, 2 paires de chaussettes, un slip, un coupe-vent et un poncho. A cette panoplie du randonneur du dimanche s'ajoute une paire de tongs pour reposer des pieds qui pourraient être endoloris par les longues distances qui m'attendent. J'ai également un sac de couchage de 900 grammes (je n'ai pas trouvé plus léger !) qui, si tout se passe bien, devrait me servir demain soir et pour une seule nuit au refuge non gardé de Saint-Guillem de Combret.

c) Ce modeste ensemble vestimentaire est complété par une petite mais indispensable boite à pharmacie et par une trousse de toilettes avec gant, serviette, savonnette, rasoir, bombe de rasage, eau de toilette, crème solaire, enfin tout ce qu'il faut pour éviter de ressembler trop vite à un vagabond.

d) Enfin, il y a tous les autres objets indispensables à une randonnée de 6 jours en solitaire : GPS, deux cartes IGN, descriptifs et certaines copies du topo-guide, téléphone portable, appareil photo, piles de rechange, boussole, sifflet, jumelles, couteau suisse, petite cuillère, lampe frontale, stylo, bouts de ficelle, carnet pour prendre des notes et numéros de téléphone utiles, etc.….

Voilà les 70 litres de mon sac à dos sont parfaitement remplis et difficile d'y glisser une épingle ou des choses inutiles. Ah oui, j'oubliais ! J'emporte aussi deux objets pas vraiment indispensables : un minuscule lecteur MP3 que mes enfants m'ont offert pour mon anniversaire, très agréable pour écouter un peu de musique et surtout très utile pour oublier que l'on souffre dans les gros dénivelés et un petit livre de poche " Dalva de Jim Harrison " que je vais essayer de lire, si je trouve le temps où, si le soir harassé de fatigue, Morphée ne m'engloutit pas trop vite dans ses bras. 

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.

Amélie-les-Bains est encore endormie. Vue depuis le parking des Thermes où je viens de ranger ma voiture.

Avant de quitter le parking des Thermes, la première chose qui me vient à l'esprit, c'est de prendre une photo de la ville d'Amélie encore un peu endormie avec à mes pieds la rivière Mondony. Il faut savoir que ce petit ruisseau insignifiant et tranquille est sans doute à l'origine de la création de cette jolie ville thermale qui doit son nom au roi Louis-Philippe qui, en 1840, ne trouva rien de mieux que de donner à la cité, le prénom de son épouse, la reine Marie Amélie de Bourbon. Antérieurement, ce sont les romains, qui les premiers, surent exploiter les résurgences de ses nombreuses sources d'eaux chaudes, " Aquae Calidae ", qui surgissent de ses jolies et très étroites gorges, dont la fin du défilé se trouve juste derrière moi. Mais comme il faut bien que je démarre, la deuxième chose à laquelle je pense, c'est d'éviter le vigile qui m'a vu passé en voiture et qui ne comprendrait pas comment j'ai pu aussi rapidement me métamorphoser de banal curiste en un authentique randonneur. Heureusement, grâce aux cures de Dany, je connais bien les lieux et pour contourner le vigile, j'emprunte l'ascenseur qui aboutit en bas à l'accueil des Thermes du Soleil. Je traverse le hall et sort du centre de cure sous le regard interloqué des curistes. Ils se demandent sans doute ce que je fais ici dans cet accoutrement du " parfait " randonneur avec mon énorme sac à dos, mon bob biscornu vissé sur la tête et mon bâton de marche. Je salue tout ce joli monde, sort du centre en prenant un air le plus naturel possible, et descend la rue des Thermes. A la hauteur du square de l'Espoir avec sa jolie mairie au style colonial et ses palmiers, je m'arrête un instant pour prendre une photo. Il faut dire qu'au moment de partir la vision de ce mot " espoir " sur cette plaque commémorative suscite en moi quelques réflexions. Pour moi, ce mot est bourré de symboles. En effet, j'ai placé beaucoup d'espoirs dans ce Tour du Vallespir, mais avec ses 6 étapes, ses 120 kilomètres à parcourir et ses 11 kilomètres de dénivelés positifs, il n'en demeure pas moins de nombreuses inconnues. Par expérience, je sais qu'il ne peut pas en être autrement mais j'ai bon espoir de terminer ce périple et surtout de le terminer dans les meilleures conditions possibles. Je place aussi de grands espoirs dans tout ce que je vais découvrir : en bout de course, serais-je déçu ou satisfait ? Espoir de réussir à faire un point sur moi-même car je vis mal ma retraite. Je l'avais sans doute trop idéalisée et je suis déçu et, par mon attitude, je déçois, par là même occasion, mon entourage. J'ai l'indicible espoir que la solitude pourra aussi m'aider à ça !

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Le square de l'Espoir, un mot plein de symboles, comme ces pigeons qui dorment paisiblement.

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Le Tech. Sans lui le Vallespir n'existerait pas et je ne serais pas là ! me dis-je.

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Je suis prêt à démarrer ce nouveau périple, mais sur mon visage, ne lit-on pas une certaine appréhension ?

J'arrive sur le pont qui traverse le Tech, un autre symbole que je m'apprête à prendre en photo. Sans ce fleuve, je ne serais pas là et il n'y aurait pas de Tour du Vallespir car c'est bien lui qui a façonné toute cette magnifique région. A cet instant précis, mon regard est attiré par des centaines de pigeons qui dorment la tête enfouie dans leur plumage sur un grand arbre dénudé. Un autre symbole que tous ces pigeons, souvent synonymes de paix et de longs voyages. Pourquoi ne prennent-ils pas leur envol ? Sont-ils lassés de voyager ? Le serais-je un jour moi aussi ? Est-il plus fatiguant de voler que de marcher ? Je les regarde en réfléchissant à tout ça. En tout cas, eux ils dorment encore et moi je suis bien éveillé et à pied d'oeuvre pour un long voyage que j'espère paisible mais dont je ne doute déjà pas qu'il sera certainement difficile.

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Le vrai tour commence avec ce petit panneau Montbolo où la sente s'élève vite.

Il est temps de me mettre en route si je ne veux pas arriver trop tardivement au Refuge de Batère, terme de cette première et très longue étape de 21 kilomètres et de plus de 1.200 mètres de dénivelé. Je remonte et longe le Tech en direction de la place de la Sardane que je traverse pour retrouver sans difficulté la rue Héliopolis et la vraie ligne de départ que Georges Véron décrit dans son guide. J'avoue une certaine surprise à la vision d'un unique vieux panonceau indiquant " Montbolo " et d'une seule trace jaune car je m'attendais à trouver un panneau mentionnant le Tour du Vallespir et comme il devrait être un balisage jaune et rouge propre à tous les G.R. de pays. Mais bon, je sais aussi qu'Amélie constitue une possibilité de départ mais que selon le topo-guide, elle n'est pas la seule et qu'il en existe une autre à Arles-sur-Tech. De toute manière, Montbolo est la bonne direction à prendre et je me lance dans cette étroite allée cimentée de lauzes et bordée de vignes vierges qui monte au travers de quelques belles villas jusqu'à l'orée d'une forêt.

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Ce chemin que j'emprunte en direction de Montbolo est-il le bon ?

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 Mais les panoramas sont déjà beaux, vers Amélie et le Pilon de Belmatx notamment !

Premier dénivelé et premiers essoufflements. J'atteins le bois péniblement. Mon sac à dos semble peser une tonne. Les traces jaunes ont disparu où en tous cas je ne les vois plus ! Je prends logiquement à droite car à gauche le chemin redescend. Je monte sur quelques mètres et tourne maintenant à gauche toujours en montant. Je fais un premier point sur mon GPS et refais lecture de la page du topo-guide que j'ai photocopiée : il n'y a pas de problème ! Le chemin se fait plus large, parfois plus plane et semble suivre de grands pylônes électriques. Au début, je garde mon GPS allumé qui me situe parfaitement sur le tracé enregistré. Ce tracé, je l'ai réalisé sur mon ordinateur à l'aide du très efficace logiciel de cartographie " CartoExploreur ". Le large chemin me paraît si évident et comme je n'en observe pas d'autres, je finis par éteindre le GPS pour économiser ses piles. Je continue. Amélie s'éloigne petit à petit et je surplombe désormais la ville dont j'ai une magnifique vue d'ensemble. Je suis déjà étonné de l'altitude que j'ai gravie après ces premières foulées. Mon coeur bat moins vite, j'ai retrouvé un souffle à peu près normal et je marche d'un pas plutôt régulier. Je progresse toujours sous les câbles électriques sur ce large chemin qui me paraît emprunté. Aussi me voilà très étonné quand au bout d'une vingtaine de minutes celui-ci débouche dans un cul de sac.

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Après un court égarement, je retrouve avec satisfaction un cairn et un panneau Montbolo. La vallée du Tech apparaît ainsi qu'Arles-dur-Tech.

Il y a bien un chemin qui redescend abrupt vers la vallée mais je connais suffisamment le tracé cartographique pour savoir qu'il faut continuer à grimper. Un nouveau point GPS me situe bien entendu hors du tracé. Le véritable chemin semble plus haut, et sur la carte IGN les pylônes sont légèrement en dessous du chemin que j'aurais dû emprunter. J'ai beau analysé ma carte IGN, je ne vois pas avec suffisamment de précision où j'ai pu me tromper. Il y a bien sur la carte quelques petits pointillés mais sur le terrain, je n'ai pas observé d'autre sentier, ni remarqué d'autre balisage, trace de peinture ou cairn par exemple. J'avoue que ça m'ennuie un peu de rebrousser chemin car cela m'obligerait à redescendre puis à remonter, aussi je prends de suite la décision de couper au jugé à travers un petit bois de chênes verts qui, par bonheur, est suffisamment clairsemé et débroussaillé pour être praticable. Le dénivelé plus accentué et le poids terrible du sac à dos mettent de nouveau mon cœur "dans tous ses états ". Je garde mon GPS allumé et le point que je représente se rapprochant peu à peu du tracé me conforte dans l'idée que je marche dans la bonne direction. Les ruines d'une ancienne bergerie au sommet d'un enrochement constituent un élément réconfortant et supplémentaire que le sentier de Montbolo n'est plus très loin. Après 15 minutes d'efforts et de montées incessantes, je coupe enfin la sente de Montbolo et retrouve le balisage jaune aperçu au départ. Au dessus de moi, je reconnais avec soulagement la grande antenne du relais T.V. qui domine Montbolo et que j'avais croisé cet hiver lors d'une sortie en raquettes au hameau oublié de Formentere. Elle est à 712 mètres d'altitude. Un homme et son chien qui font du footing me dépassent mais nous arrivons quasiment ensemble sur un replat à la croisée de plusieurs chemins. L'homme file vers Montbolo que j'aperçois légèrement en contrebas sur ma droite, mais comme le chien vient vers moi pour se faire caresser, l'homme s'arrête et me demande ma destination. Je lui indique le refuge de Batère, mais compte tenu des nombreux kilomètres restant à parcourir, je vois à sa mine qu'il semble très étonné. Du doigt, il me fait néanmoins remarqué un raccourci pentu qui entre dans un bois. Il m'explique que ce sentier coupe le bois et rejoint plus haut la route goudronnée.

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Voilà la bonne sente qui monte et m'amène au dessus de Montbolo

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J'ai déjà accompli un gros dénivelé, en galérant un peu il est vrai,  et j'atterris dans cette belle clairière ombragée

Je le remercie et je pars dans cet étroit sentier toujours balisé en jaune qui, à mon étonnement, débouche rapidement dans une vaste clairière ombragée où les panoramas sur Montbolo, Amélie et la vallée du Tech vers Céret sont superbes. J'aperçois la route asphaltée juste au dessus. Au fond de la clairière, une jolie maison en pierres semble inhabitée et je profite de cette cache tranquille et fraîche pour me reposer et me restaurer un peu. Une demi-heure plus tard avec une barre de céréales, quelques fruits secs et une énorme lampée d'eau dans l'estomac, je suis fin prêt à reprendre mon itinéraire. Ici mon GPS m'indique 700 mètres d'altitude et c'est avec satisfaction que je prends note de la dénivellation déjà accomplie. C'est d'autant plus encourageant que je connais désormais, par cœur, l'itinéraire à suivre, en tout cas jusqu'à Formentere : Une portion de route goudronnée, puis une longue piste forestière à la déclivité régulière, mais somme toute modeste, où je vais pouvoir marcher d'un bon pas et avec un rythme soutenu au moins jusque là. Quand à la suite, je ne la connais pas, mais le tracé sur ma carte IGN me laisse à penser que même en flânant, je devrais atteindre Batère sans problème vers le milieu de l'après-midi. En effet, après le hameau de Formentere, la piste continue sans aucune complication, et même si après le col de Formentere et jusqu'à la Tour de Batère, l'inclinaison se fait plus sévère, je connais mes possibilités et seule la chaleur torride qui règne aujourd'hui combinée à la longue distance pourraient, le cas échéant, me poser des difficultés. Mais je n'ai pas vraiment d'inquiétude et de toute manière, mon bob, les litres d'eau emportés, les aliments en nombre et les compléments énergisants seront là pour pallier à toute défaillance !

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Dans cette jolie clairière près d'un beau mas, je vais m'alimenter un peu, faire une courte pause et prendre quelques photos car les vues vers la Vallée du Tech sont superbes !

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Les chemins sont fleuris de nombreuses chicorées sauvages.

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Les beaux panoramas se dévoilent : Pilon de Belmatx, pics Canigou et de La Souque, j'entre dans la forêt du Haut-Vallespir et arrive au Col de la Réducta. Un panneau "Formantere" m'indique la direction à suivre.

Et effectivement ma journée va se dérouler comme je l'ai imaginé :

-10h20, je quitte le bitume pour la magnifique forêt domaniale du Haut-Vallespir non sans avoir jeté au préalable un regard et quelques photos sur le majestueux massif du Canigou et sur la verte vallée du Tech vers Arles. Seuls les Tabacs d'Espagne, ces magnifiques papillons oranges et une fouine qui traverse la piste devant moi me ralentissent dans ma progression.

-10h50, j'arrive au col de la Réducta avec son extraordinaire panorama sur tout le Roussillon, des Albères jusqu'à la Méditerranée. Je suis accueilli par un troupeau de vaches nonchalantes trop occupées à ruminer à l'ombre des grands sapins pour faire cas du randonneur solitaire que je suis. Un peu plus haut, je fais quelques photos près d'une stèle en hommage à un certain Jean-Marie et d'une belle croix blanche évocatrice d'un débarquement en Norvège en avril 1940 à Namsos et Narvik. J'ai entendu parlé de la bataille de Narvik ou bien j'ai du voir un film de guerre mais j'avoue qu'il m'est difficile de donner une juste signification à tous ces messages. Assis devant ces épitaphes, je suis néanmoins attendri car ces témoignages prouvent que des hommes aimaient d'autres hommes qui, comme moi, aimaient cette belle montagne du Vallespir. Et l'aimer, au point de vouloir laisser à cet endroit-là, leurs souvenirs éternels, il n'y a guère plus belle preuve d'amour ! Et dieu sait, si en cette magnifique journée d'été, moi aussi, je l'apprécie à sa juste valeur cette belle montagne avec ses superbes forêts, ses plaines et ses vallons, ses bruyères empourprées et ses chemins fleuris. Avec raison, Trenet revient à mes oreilles …….

Mes jeunes années

Courent dans la montagne

Courent dans les sentiers

Pleins d'oiseaux et de fleurs

Et les Pyrénées

Chantent au vent d'Espagne…

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Après le col, j'arrive au milieu des bruyères roses près d'une croix en souvenir du débarquement de Narvik et d'une jolie stèle en hommage à un certain Jean-Marie.

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 Croix en " souvenir d'une promesse - Débarquement en Norvège NAMSOS-NARVIK Avril 1940 FORCA Eugène-Mas Canes "

Si je ne peux pas donner une juste signification au message de cette croix et à celui de la stèle en hommage à Jean-Marie, je sais seulement que d'autres hommes ont, tout comme moi, aimé intensément cette belle montagne du Vallespir.

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Que de chemins parcourus, des beaux chemins en balcon fleuris de bruyères roses et bordés de sapinières. Dans la montée, j'aperçois Formentere et le Pic du Canigou.

-11h30, je flâne peut-être exagérément et je n'ai pas encore atteint Formentere. Mais comme j'ai faim, je suis déjà en quête d'un joli endroit ombragé pour déjeuner, et si possible avec vue sur tous ces beaux paysages du Vallespir qui jalonnent la piste. En face, la longue crête transfrontalière avec l'Espagne et le Pilon du Belmatx (1.280 m) dominent le panorama. Je sais que j'aurais à le gravir le dernier jour. Aïe ! Aïe ! Aïe ! Je le redoute déjà. Tout en bas au fin fond de la vallée, j'aperçois Arles sur Tech, cité toute blanche d'ici. Puis en remontant le ravin du Riuferrer, je devine Corsavy et Montferrer puis c'est le Pic de la Souque. Puis encore au dessus, défilent quelques hauts sommets qui composent le versant sud du Canigou. Tout en observant ces splendides paysages, je ne peux m'empêcher de me dire : si tout se passe bien, demain c'est par là-bas que je marcherai ! Le chemin fleuri de hautes bruyères roses et bordé de petites sapinettes est agréable mais à cette heure de la journée, il présente un gros inconvénient, celui d'être sans ombre et investi par un cagnard brûlant. J'avoue que cette chaleur caniculaire m'inquiète un peu car je suis encore très loin de l'arrivée, je n'ai pas encore déjeuné mais j'ai déjà consommé trois litres d'eau sur les quatre que j'avais au départ. Comme je me refuse à manger en plein soleil et sous cette forte canicule, je prends la sage décision de poursuivre et heureusement dans les premiers lacets avant Formentere, j'entre enfin dans une zone ombragée et fraîche, propice à un pique-nique.

-12h, même si j'ai la vue bouchée par d'immenses sapins, je profite de cette fraîcheur et d'un tapis de ramilles pour m'allonger et souffler un peu. J'ôte mon tee-shirt et mon bob trempés de sueur que j'expose sur un rocher à un seul rayon de soleil qui, non loin de moi, réussit à transpercer l'espace. Les efforts accomplis depuis 7h30 ce matin ont décuplé mon appétit. Presque tout y passe ! La grosse salade préparée par Dany, deux sandwichs sur trois, la compote et la banane. J'ai encore faim, mais je me dis qu'il faut que je me raisonne car je n'en ai pas fini avec les montées, et un estomac trop lourd, ce n'est pas bien bon pour avancer ! Je reste une heure à me reposer, à écouter un peu de musique et à bailler aux corneilles au sens propre comme au figuré. Car même si je ne les vois pas, j'entends les croassements de quelques-unes d'entre-elles qui semblent venir des ruines du hameau abandonné de Formentere. Ces cris détonnent dans le silence ambiant qui n'est ici qu'entrecoupé par le gentil gazouillis de petits passereaux.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

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Après le déjeuner, je finis par arriver à Formentere, ancien hameau minier. D'ici j'aperçois Amélie-les-Bains, déjà très loin et une grande partie du Bas-Vallespir.

-13h, je reprends ma marche en avant. Après quelques derniers lacets, je finis par atteindre le hameau oublié. Comme je l'avais déjà fait cet hiver dans le feutre de la neige, au milieu de ces ruines silencieuses et devant ce panorama à couper le souffle sur tout le Vallespir, j'essaie de m'imaginer le tumulte que cette gare minière devait connaître au temps de sa splendeur. C'était au temps où tout autour du Canigou, de Batère à Formentera et de La Pinouse à Rapaloum en passant par les Manerots, on exploitait les mines de fer : bruits métalliques des câbles et des chariots sur les rails, souffles bruissants des fours et des chaudières, cris des hommes, hennissements des mulets et des ânes que l'on forçait à tirer de lourdes charges, bruits sourds des cognées et bruits stridents des scies sur les troncs des arbres que l'on abattait pour alimenter les fourneaux, etc.….Aujourd'hui, il ne reste plus rien de tout cela et si le silence prédomine, il n'est plus absolu comme il pouvait l'être cet hiver. Au printemps et en été, la nature reprend quelques droits et si je prête bien l'oreille, je peux entendre le bourdonnement des abeilles butinant les bruyères, le crissement soutenu de quelques grillons champêtres et toujours le croassement de ces deux corneilles que j'aperçois maintenant tournoyant dans un ciel bleu immaculé. J'avais longuement visité les ruines cet hiver et j'y avais trouvé un certain attrait pour tenter d'y discerner cette vie minière antérieure. Aujourd'hui, sans la neige, le hameau ressemble plutôt à ces " pueblos " désertés du Far-West saccagés par les Indiens, que l'on voit dans les westerns. Il faut dire que le hameau n'est plus, comme il l'était cet hiver, l'objectif privilégié et, après deux ou trois photos, je le quitte, cette fois, très rapidement en continuant la piste rectiligne et ombragée qui se faufile dans une forêt de sapins. Malheureusement pour moi, cette ombre n'est qu'éphémère et soudain les sapins laissent la place à un maquis plus ras, clairsemé de quelques jeunes pins et de petits feuillus. Sur cette large piste, ancienne voie ferrée minière qui file jusqu'aux mines de fer de La Pinouse, je marche à nouveau sous une canicule étouffante commençant à économiser l'eau dont je sais avec certitude que je n'en trouverai pas de sitôt. Il faut dire que ce versant du Vallespir, ensoleillé du matin au soir, ici on l'appelle " solana " et ce n'est pas pour rien ! Pour l'instant, le moindre arbre jetant une ombre sur le chemin est un prétexte à un arrêt ponctué d'une petite gorgée d'eau et parfois d'une noisette de gel survitaminé. Est-ce le soleil qui les attire ? Où est-ce moi, qui, moins distrait par d'autres pôles d'intérêts, y prête plus d'attention ? Toujours est-il que les petites sauterelles et les papillons multicolores me semblent désormais plus nombreux et je dirais même grouillant par endroit. Tous ces insectes sautillent, bondissent, planent, volètent, virevoltent, à un point tel que ça en devient presque étourdissant ! Ils semblent m'accompagner sur ce chemin de croix, qui heureusement doit se terminer avec mon arrivée au Col de Formentere. Mais pour l'instant, ils sont là et il faut que je fasse avec. Quand je marche, ils ne me dérangent pas trop mais dès que je m'arrête, il y a toujours quelques papillons qui se posent sur moi. J'ignore si je pense juste mais j'ai le vague sentiment qu'ils viennent s'abreuver à ma transpiration. Et si je m'arrête vraiment pour faire une pause plus longue, c'est une véritable nuée de papillons chamarrés qui tourne autour de moi ! J'en profite bien sûr pour les prendre en photos et c'est à cette occasion qu'intervient cette image magnifique et inoubliable de ce joli papillon qui est venu se poser sur ma montre et dont j'ai tiré une petite affabulation et le titre de cette première étape : " La montre et le papillon ".

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 La montre et le papillon 

Moi : Que fais-tu sur ma montre, joli papillon ?

Le papillon : Je regarde le temps qu'il me reste à vivre.

Et toi homme, sous ces brûlants rayons ?

Moi : Je marche et j'ai l'impression de revivre.

Vole, vole, ne te pose pas de questions.

Le papillon : Mais homme, ne vois-tu pas que j'expire !

Mais à toi, à quoi te sert cette excursion ?

Moi : Moi, je me promène seul autour du Vallespir.

Vole, profite de tes ailes et de ta situation.

Le papillon : Mais la vie me fuit car elle n'est que guivre.

A toi, l'existence ne te fuit pas compagnon ?

Moi : Si, et je marche au point d'en être ivre,

Car la vie, c'est la plus belle des missions.

Le papillon : Je crois que tu mens comme tu respires,

Et tout ce que tu dis n'est que pure invention.

Moi : Il faut me croire, vole et arrête de maudire.

Il sera vite trop tard si tu ne fais pas attention.

Le papillon : Ce que tu dis est plus difficile à faire qu'à dire,

Car la mort est proche et c'est une vraie obsession

Moi : Alors si tu dis vrai, vole, ne regarde plus l'avenir,

Oublie la mort et jouis de la vie avec passion.

Le papillon s'envola et partit butiner la grosse fleur mauve d'un chardon. Je l'observais. Il butinait, butinait, butinait. Au point d'en être ivre ? Je ne sais pas. Mais quant il s'envola de nouveau au dessus de la vallée, ce fut en zigzaguant. M'avait-il entendu ? Je me remis en marche vers d'autres horizons. Lui aussi, me semblait-il.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

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Le moindre arbre jetant une ombre sur le chemin est un prétexte à un arrêt mais les papillons viennent me butiner. Dans ma tête, les mots "montre et papillon" deviennent déjà le titre d'une fable qu'il me faudra imaginer. Les beaux panoramas vers le Haut-Vallespir et sur des lieux à voir les jours prochains se dévoilent.

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Quand j'arrive au col de Formentere, la vision bascule de l'autre côté de la montagne vers les Aspres et la plaine du Roussillon

-13h40, Au Col de Formentere, le regard bascule sur un nouveau versant. C'est celui des Aspres. Les paysages changent. Ils sont un peu plus arides et avec tout au loin, les Corbières, la plaine du Roussillon et la Méditerranée. L'horizon est soudain plus distant qu'il ne l'était jusqu'à présent. D'ici, la terre et la mer se confondent. L'horizon est imprécis, voilé par une longue barre de brume grisâtre. Plus près, un minuscule village blanc aux tuiles rouges se dresse sur un mamelon au dessus de larges ravins. Ces couleurs contrastent au milieu de cette dense et rase végétation, parfois rousse et parfois olivâtre : je reconnais La Bastide. Le col, croisée de multiples chemins est très fréquenté par d'autres randonneurs. Certains profitent d'un grand pré bien vert pour pique-niquer, d'autres se sont installés en plein soleil devant ces beaux et vastes panoramas pour faire un peu de " bronzette ", d'autres ont choisi l'orée ombragée du bois pour se prélasser, d'autres, comme moi, ne font que passer mais eux redescendent déjà vers les vallons et moi je dois continuer à monter. Ce col est vraiment une invitation à un arrêt systématique. Grillé par le soleil, je fais moi aussi le choix d'une ombre bienfaitrice et file vers la lisière du bois pour un arrêt salutaire. Allongé sur l'herbe, je mange quelques fruits secs mais un gros bourdon et une jolie araignée aux pattes zébrées ne l'entendent de cette oreille. Pour le bourdon, je suis sans doute bien trop près du gros chardon mauve sur lequel il a jeté son dévolu de butineur. Quant à l'araignée, elle vient vers moi et semble mécontente que j'aie rompu le fil qu'elle avait tendu entre deux petits églantiers. De dépit et devant cette nature indocile, je remballe mes affaires et poursuit tout droit la piste qui s'élève maintenant plus hardiment vers Batère. Comme je le fais souvent quand la fatigue se fait sentir, je photographie tout et rien : des fleurs, des papillons, des insectes, des paysages….Tout devient prétexte à une photo, et les photos, prétexte à un bref arrêt profitable.

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Au col de Formentere, je veux me reposer, mais si la nature est souvent jolie avec d'innombrables papillons et de très jolies fleurs, elle est parfois hostile et en la circonstance, je suis contraint de continuer. La chaleur a eu raison de mes forces et comme je suis fatigué, je m'arrête souvent et tout devient prétexte à faire des photos.

J'ai aussi l'exécrable impression de m'éloigner de cette magnifique nature que je suis venu chercher. Heureusement quand le tintamarre des pots d'échappement cesse, il suffit de lever la tête pour observer la magnificence de cette généreuse nature. Forêts, montagnes, ravins, prairies, ici tout est beau et grandiose.

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Ici dans le bois de la Fajosa, j'entrevois mes premières carlines mais, avec ces amoncellements d'arbres coupés, les premiers signes de la tempête Klaus aussi. La vision porte loin sur tout le Roussillon jusqu'à la Méditerranée. Les Tabacs d'Espagne butinent les origans. Le col de Formentere avec son pylône électrique qui le domine est déjà dans le lointain.Je grimpe vers la tour de Batère.

-15h, après une très longue montée à travers le bois de la Fajosa et la forêt domaniale de Saint-Marsal, j'arrive en vue de la Tour de Batère. Ici pour y avoir également fait des raquettes cet hiver, je connais bien ces chemins et je sais que je n'en ai pas encore fini avec les virages. D'ailleurs, de ce premier grand virage, la tour paraît bien petite et encore bien loin, mais l'important pour moi c'est qu'elle soit là ! Car même si ça peut paraître idiot, dans " Tour de Batère " il y a Batère, dans " Batère " il y a refuge de Batère, et le " refuge de Batère " pour moi ça signifie " arrivée " !

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Après maints virages, j'aperçois enfin la Tour de Batère et pour moi, c'est le symbole d'une proche fin d'étape. Un dernier coup d'œil vers chez moi et cette jolie plaine du Roussillon que je vais quitter pour quelques jours.

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Photos prises à la Tour de Batère et sur le chemin en direction du Col de la Descarga. Sur la dernière photo, on aperçoit un terril, relique de l'exploitation des mines de fer.

-15h20, je suis au pied de la tour et suis très surpris du nombre de voitures qui sont garées là. D'ailleurs d'autres viennent à ma rencontre et sillonnent bruyamment la piste soulevant un gros nuage de poussière. Bien au-delà de cette pollution, j'avoue qu'ici tous ces touristes qui circulent me dérangent bougrement. J'ai le vilain désagréable sentiment de retrouver plus rapidement que je l'avais imaginé cette civilisation du progrès que j'ai voulu quitter en faisant cette randonnée.

J'ai aussi l'exécrable impression de m'éloigner de cette magnifique nature que je suis venu chercher. Heureusement quand le tintamarre des pots d'échappement cesse, il suffit de lever la tête pour observer la magnificence de cette généreuse nature. Forêts, montagnes, ravins, prairies, ici tout est beau et grandiose.

Mais en levant souvent la tête, je m'aperçois aussi que vers le Canigou la couleur du ciel a bien changé. Depuis ce matin que je marche, ce changement de couleur a été progressif et je l'ai surtout remarqué depuis le début de l'après-midi : le ciel est passé d'un bleu outremer à un bleu ciel puis à un bleu très pâle presque blanc, puis ce blanc est devenu gris clair et il est maintenant carrément gris foncé au dessus de ma tête. Par contre, je n'avais pas encore observé ces gros nuages noirs qui semblent stagner sur les hauts pics environnants. Mais stagnent-ils vraiment ?

Comme au dessus de moi, le ciel n'est encore vraiment menaçant, je décide de faire une pause pour finir mon dernier sandwich et manger une orange devant ce merveilleux Vallespir que je suis venu découvrir. Deux randonneurs descendent du Puig de l'Estelle en courant et me saluent en me voyant. Ont-ils peur de l'orage ? Sans doute !

-15h50, je me remets en route en direction du Col de la Descarga. J'ai fait quelques centaines de mètres quand une voiture arrive et s'arrête à ma hauteur. Ce sont les deux randonneurs qui couraient et qui me proposent de monter. Je refuse gentiment et ils repartent avec un air désappointé. Je sais que cette invitation partait d'un bon sentiment mais il est hors de question pour moi de faire le moindre mètre autrement qu'à pied sur ce Tour du Vallespir ! Dans la descente vers le col, je coupe mon premier vrai ruisseau de la journée. C'est le Correc de l'Abeurador, c'est-à-dire le ruisseau de l'Abreuvoir. Il porte très bien son nom car il coule vraiment à flots et comme je n'ai plus d'eau depuis plus d'une heure, je remplis une gourde de cette eau glacée qui descend de la montagne. J'y ajoute néanmoins une pastille purificatrice, non sans avoir au préalable, étanchée ma soif en prenant le risque d'en avaler une énorme rasade.

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Le ciel s'assombrit alors que je me dirige vers la Col de la Descarga. Au col, la pluie fait son apparition, la tour de Batère s'éloigne mais le refuge de Batère, ancien vestige minier est bientôt là.

-16h05, c'est sous quelques grosses gouttes de pluie très éparses que j'atteins le Col de la Descarga où je retrouve l'asphalte. Dans ce virage, un petit panonceau m'indique le refuge de Batère à un quart d'heure de marche. Je sors avec empressement mon poncho et recouvre mon sac à dos de son revêtement imperméable. Mais le temps de réharnacher mon sac à dos, la pluie a cessé et je garde le poncho à la main. Le ciel s'est terriblement assombri et je presse désormais le pas pour arriver au refuge au plus vite. Le bitume m'aidant dans cette course contre l'orage qui s'annonce, j'aperçois déjà le refuge qui est là à droite au bout de la route. En arrivant sur la terrasse du refuge, j'ai la fâcheuse conviction qu'ici je suis le seul à " speeder ". En effet, les nombreux clients sont attablés, ils sirotent leurs boissons respectives en papotant et semblent " tranquilles comme Baptiste " et en tous cas, indifférents au ciel noir qui est au dessus de leur tête. Moi, je rentre dans le refuge en me précipitant vers le comptoir.

-16h15, il n'y a personne, ni dans la salle, ni ailleurs et j'attends sagement devant le comptoir. Au moment où une charmante jeune femme arrive et s'approche de moi, un éclair aveuglant zèbre le ciel d'ébène et illumine la sombre salle du restaurant. Cet éclair est aussitôt suivi d'un énorme coup de tonnerre qui fait vibrer tout le refuge dans un tintamarre métallique. Tout ce petit monde qui était agréablement installé dehors sur la terrasse se précipite comme un seul homme à l'intérieur du refuge. Au bas mot, ce sont une vingtaine de personnes qui, d'un seul coup, envahisse l'intérieur du refuge surpris par une pluie aussi soudaine que battante. Les grosses gouttes qui tombent bruyamment sur la toiture en zinc sont accompagnées de quelques beaux grêlons. Ouf ! Je me dis que j'ai eu beaucoup de chance et que je suis vraiment arrivé à temps. A cinq minutes près, je prenais sur la tête cette terrible saucée.

J'essaie de me présenter à la souriante barmaid mais il y a un tel brouhaha que j'ai un mal fou à me faire entendre. J'arrive néanmoins à comprendre qu'elle ne me retrouve pas inscrit sur son registre malgré la réservation téléphonique que j'ai faite la semaine dernière. Je lui rappelle avoir réservé, auprès d'une dame, une chambre en demi-pension pour ce soir et un panier-repas à emporter pour demain midi. Comme je viens sans doute de changer de tête, et avant même que je me mette en rogne, elle me dit : " Ne vous énervez pas Monsieur, il n'y a pas de problème, j'ai encore des places dans un dortoir et pour les repas ce n'est pas vraiment un souci ! ". Elle me voit rassuré et me demande de la suivre. Nous ressortons du refuge sous quelques gouttes de pluie mais le plus gros de l'orage semble passé. Elle me présente trois dortoirs, me quitte et me laisse ainsi choisir le lit que je souhaite occuper pour la nuit. La plus grande pièce, celle qui semble partiellement inoccupée, sert en réalité de gîte car il y a une immense table et un coin cuisine plutôt bien agencé avec évier, frigo, réchaud et micro-ondes. De chaque côté, il y a deux autres pièces, plus petites mais essentiellement équipées de lits gigognes. La première chambre semble entièrement occupée par des enfants qui jouent tapageusement aux cartes et dans la deuxième, les lits sont soit défaits ou bien, comme signe d'une occupation certaine, des sacs à dos y sont posés dessus bien en évidence. Je me rabats donc sur la grande salle où il y a encore trois lits. En m'approchant, je constate qu'un seul près du frigo semble vraiment libre puisque aux pieds des deux autres il y a aussi des sacs à dos. Je m'installe et commence à déballer mes affaires avec comme idée première de trouver au fond du sac ma trousse et mes effets de toilettes pour une douche opportune et réconfortante car j'ai l'impression d'être aussi poussiéreux que poisseux. A cet instant précis, deux femmes et deux hommes que j'avais aperçu sur la terrasse rentrent dans le dortoir. Ils mettent à sécher quelques vêtements et des chaussures sur le rebord de la fenêtre qu'ils laissent grande ouverte. De mon côté, et comme je n'ai pas l'intention de dévoiler mon anatomie devant cette gente féminine, je mets à profit cette présence, pour ranger mon sac à dos que j'ai largement mis en désordre et " sans dessus dessous " tout au long de la journée.

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Après avoir parcouru plus de 21 kms et 1.200 m de dénivelé sous un soleil torride et avec une charge de 21kg, j'apprécie le rudimentaire confort du refuge de Batère.

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J'occupe la soirée à discuter avec d'autres randonneurs et à quelques photos. Avec cette vue du Pic de la Souque, quelques très bons souvenirs reviennent, ceux d'une récente randonnée à ce sommet avec mon fiston Jérôme.

-17h15, mes colocataires repartent et je me déshabille prestement et me précipite sous la douche. Avant même de me frotter et de me savonner, je