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Quand cette idée m’est venue d’aller marcher vers Padern pour visiter son château puis le prieuré de Molhet, mon intention était de faire une randonnée bien plus longue que celle que je vous présente ici. En effet, à cet instant, rien ne me laissait présager que mes deux genoux commenceraient à me faire souffrir simultanément. Malgré les douleurs certaines mais encore supportables, l’envie de partir marcher était bien là et finalement de cette balade que j’ai intitulée « Le Château de Padern et le prieuré de Molhet depuis Padern », je fus pleinement satisfait des kilomètres accomplis plutôt convenablement. Je le fus moins quelques jours plus tard quand les douleurs au genou gauche s’amplifièrent au point de ne plus supporter ni garder la station debout. A cet instant, j’ignorais que ces douleurs m’immobiliseraient presque 2 mois et se termineraient seulement grâce à des infiltrations d’acide hyaluronique sous forme de gel dans les deux genoux. Un vrai parcours « médical » du combattant pour finalement retrouver tous mes moyens physiques antérieurs. Voilà une des raisons qui me font garder en mémoire cette agréable balade. Par bonheur, il y a eu bien d’autres raisons, et notamment la faune et la flore très présentes ce jour-là, auxquelles on peut rajouter les merveilleuses couleurs chaudes de l’automne. La faune, avec notamment un nombre étonnant d’oiseaux d’espèces différentes comme je n’en avais plus vu depuis très longtemps. Tous ces oiseaux me mirent du baume au cœur, tant je sais pour le constater moi-même que de nombreuses espèces sont en forte régression. Certes, ceux qui s’intéressent à l’avifaune savent que les Corbières sont un axe migratoire majeur entre l’Europe occidentale et l’Afrique, mais sans doute ai-je eu la chance de tomber ce jour-là dans la période la plus propice à des passages, avec notamment des rassemblements de passereaux donc certains parfois très impressionnants. Quant à la flore, elle m’étonna elle aussi par le nombre de clichés pris en ce 13 novembre 2023. A part ce préambule, il faut tout de même préciser que les Histoires avec un grand « H » du château de Padern (*) et du prieuré de Molhet (**), aussi réduites soient-elles, sont bien plus intéressantes que la seule vision que l’on a aujourd’hui des 2 édifices. En effet, de ces deux objectifs de la journée, il ne reste plus grand-chose hormis quelques pans de murs amplement ruinés. On a donc un mal fou à se faire une idée précise de ces 2 édifices moyenâgeux et seule la lecture préalable de leurs Histoires respectives vient combler cette difficulté. C’est donc avec plusieurs lectures historiques trouvées sur le Net que j’arrive à Padern en ce 13 novembre. Pour être franc, je ne connais rien de Padern hormis le fait que j’y suis venu deux fois pour gravir deux fois la Montagne de Tauch et plus spécialement ce sommet qui a pour nom « Pech de Fraysse ». La première fois, c’était il y a très longtemps et en couple, et si je m’en souviens encore très bien, c’est parce que nous étions partis en randonnée « la fleur au fusil » au point que pris par la nuit tombante, nous étions revenus à Padern en courant pendant une longue partie de la descente. Par bonheur, à cette époque, les sentiers avaient été très praticables et nous avions la jeunesse pour nous. Cette course est toujours restée dans nos mémoires car unique lors d’une randonnée. La deuxième fois, c’est tout seul et en octobre 2009 pour une nouvelle montée vers « La Tour des Géographes et le Pech de Fraysse », mais avec une longue galère à cause d’une végétation expansive et agressive qui avait envahi très longuement tous les sentiers, et notamment ceux du départ. A l’époque, le GR36A n’existait pas encore et j’ai failli faire demi-tour à diverses reprises avant de me raviser et de tomber sur des chemins enfin praticables. Aujourd’hui, plus rien de tout ça et seulement une « gentille » petite ruelle qui s’élève d’abord vers une chapelle dédiée à Saint-Roch (***) puis vers le château. Elle est si gentille que je peux prendre tout mon temps à photographier des fleurs sauvages ou pas. La chapelle est fermée mais un peu de lecture dans une vitrine permet d’en apprendre l’essentiel. Quant au château, l’accès aux ruines est interdit à cause des risques de chute de pierres, mais je passe outre le temps d’une visite la plus rapide possible, et ce, afin que cet objectif du jour ne puisse pas être absent de mon reportage photos . C’est donc avec une grande attention que je reste le plus loin possible des différents murs que je pressens les plus incertains. Pas d’oiseaux au début, hormis quelques moineaux dans la montée mais dès l’arrivée à hauteur du château, ça s’envole dans tous les sens. Fauvettes, rougequeues, pinsons, serins, chardonnerets, verdiers, tariers, linottes, étourneaux et bruants sont les plus observés tout au long du parcours, même si les immortaliser sur photos reste un défi constant peu évident à satisfaire. Pour cela et parce que la randonnée est courte, je décide de me « mettre en planque » une bonne dizaine de fois, de préférence sous des arbres desséchés, usant le plus souvent de mes divers appeaux. Bien qu’aidé par le nombre impressionnant de volatiles et la chance étant quelquefois avec moi, ces stratagèmes s’avèrent finalement satisfaisants avec diverses espèces magnifiquement photographiées. Quant au circuit pédestre lui-même, s’il est assez simple et balisée, j’ai tout de même utilisé mon GPS pendant un bon bout de temps avant qu’il ne me lâche à cause d’une chute malencontreuse qui a « mis en rade » son capteur de satellites. La fin est donc un peu plus difficile et ce d’autant qu’une partie du chemin emprunté peu avant a été défoncée par un bulldozer. La perte préoccupante de mon GPS me faisant oublier que mon appareil-photo fonctionne encore très bien, il y a peu de photos de cette fin presque totalement réalisée au sein d’une vaste pinède. Les pinsons y sont pourtant nombreux. La délivrance arrive quand le château est de nouveau visible. Ne connaissant toujours pas le village de Padern, je décide de le découvrir en le traversant d’ouest en est dans sa partie haute puis dans le sens inverse dans sa partie la plus basse, c’est-à-dire tout au long de la route principale D.14. Je pourrais presque dire « une route fleurie », tant j’ai recensé encore un bon nombre de fleurs dans cette dernière portion de mon parcours. Finalement, je constate qu’une partie, la plus active, de la commune est traversée par cette route. On y trouve la mairie, un gite d’étape communal, un café des sports ainsi qu’un bistrot « la P’tite Ardoise » faisant aussi épicerie et restaurant. Ainsi se termina cette balade où pour mon plus grand bonheur la Nature fut agréablement présente et bien visible. Telle que réalisée et expliquée ici et selon mon tracé sur carte IGN, je l’estime à environ 7,9km environ. Je n’ai pris aucune mesure mais ce chiffre m’est donné par mon vieux logiciel CartoExploreur. Il me donne également les montées cumulées qui seraient de 532m. Quant au dénivelé, il est de 250m entre le point le plus haut à 447 m à l’intersection non loin du Roc de Mouillet et le plus bas à 197m au village. Carte IGN 2447OT Tuchan – Massif des Corbières top 25.
(*) Le château de Padern : Si en l’an 899, le roi Charles le Simple fait don de Padern à l'Abbaye de Lagrasse , l’Histoire nous dit assez peu de choses du château lui-même. Le lieu aurait déjà été occupé par les Romains et de ce fait Padern aurait peut-être pour origine le mot latin « Paternus », signifiant « paternel ». En réalité, la véritable origine du nom serait « Paterni ». La plus ancienne mention de ce nom connue jusqu’à présent est Padernum en 805. (source http://belcaire.over-blog.com/ ). Bien que de nos jours, le château soit situé sur le Sentier Cathare, lors de la fameuse « Croisade contre les Albigeois » ; qui a duré 20 ans, de 1209 à 1229 ; il n’a pas eu pour les intéressés la même attraction que les autres châteaux dits « cathares » du secteur comme Peyrepertuse, Quéribus ou de Termes, même si harcelés certains comme Chabert de Barbaira ou Guillaume de Peyrepertuse sont venus s’y réfugier. Perché sur un promontoire rocheux et escarpé dominant la commune, on ne connaît pas la date exacte de son édification. On sait simplement qu’il servait à surveiller les vallées du Verdouble et du Torgan. La première mention d’une fortification en ce lieu date de 1026. Puis il faut attendre le 12eme siècle où il est fait état d’une « forcia », dont les textes moyenâgeux nous disent qu’il s’agit d’une fortification de second plan car plus réduite qu’un vrai château-fort. A cette époque, Padern est sous le contrôle de l’abbaye de Lagrasse. Dans un texte, un contentieux entre le seigneur des Termes et l'abbaye de Lagrasse est évoqué. A cette époque, ce seigneur serait le chevalier croisé Alain de Roucy (1172-1221), lieutenant de Simon de Montfort, et seigneur du château des Termes depuis 1215. Ce dernier aurait détourné les revenus de certaines possessions au détriment de l’abbaye dont ceux du château de Padern, d’où le contentieux évoqué. En 1219, Padern est cité lors du troisième siège de Toulouse dans « la Chanson de la Croisade Albigeoise ». Quand en 1242, le chevalier Chabert de Barbaira met la main sur le château de Quéribus, en réalité c’est toute la région qui passe sous son contrôle y compris Padern et son château. Quand en 1255, le célèbre chevalier faydit perd Quéribus assiégé par Olivier de Termes, en réalité il perd tout lors de cette reddition sauf la vie. Il est donc contraint de restituer tous les biens et territoires au roi Louis IX dit Saint-Louis. Padern revient logiquement dans le giron de l’abbaye de Lagrasse, qui devient carrément propriétaire du château de 1283 à 1579 suite à une transaction avec le procureur du roi Philippe III de France dit le Hardi, 2eme fils de Saint-Louis. En 1579, un certain Pierre de Vic, seigneur originaire de Catalogne, achète le fortin féodal et lui apporte d’importantes améliorations afin de le rendre plus confortable. En 1706, Blaise II de Vic recède l’édifice à l’abbaye de Lagrasse, mais avec la révolution de 1789 les temps deviennent difficiles pour tous les religieux. Tous les biens de l’église sont confisqués et déclarés « biens nationaux », et ce changement entraîne un désintérêt pour le château de Padern, dont le sort est définitivement voué à l’abandon. A partir de 1939, la commune de Padern demande la démolition du château, dont la présence délabrée en surplomb du village est jugée très dangereuse pour certaines habitations. Mais d’importants désaccords se font jour : « qui doit le démolir ? » « Le génie militaire ? », « l’Etat ? » ou « une entreprise privée spécialisée ? ». Des études sont faites mais le projet de démolition végète. En 1944, le château est inscrit par arrêté ministériel du 3 février sur l'inventaire des sites dont la conservation présente un intérêt général, y compris ses abords. Un nouveau décret du 14 février 2017, plus général, car englobant tous les édifices historiques et patrimoniaux des communes d’une immense zone intitulée « le Pech de Bugarach et la crête nord du synclinal du Fenouillèdes » permet au château de Padern de conserver son inscription et ainsi son statut d’édifice protégé. De nos jours, une pancarte en interdit l’accès pour risques de chute de pierres selon un arrêté municipal du 19 avril 2004. Si vous bravez cette interdiction, c’est à vos risques et périls et seule votre responsabilité est engagée, tout ceci n’excluant pas la prudence si vous passez outre cette interdiction. Evitez les jours de grands vents, observez les murs et tenez-vous le plus loin possible de ceux qui vous paraissent incertains en terme de solidité. Hormis tout ça, les descriptions complètes du château sont rares alors j’ai tenté de faire un condensé de ce que j’ai trouvé : une cour, une entrée, une haute enceinte polygonale crénelée ; en petit appareil irrégulier ; un donjon très remanié, un brin de tour ronde avec des restes d’escaliers, une meurtrière ou deux, des logis, les vestiges de latrines, un niche voutée creusée dans un mur et agrémentée d’un orifice donnant sur l’extérieur laissant pensé à l’évacuation d’une petite pile évier et enfin au fond d’une pièce, un machicoulis rectangulaire donnant sur le vide, système de protection permettant d’ébouillanter les ennemis pour certains, vide-ordures pour d’autres mais moi je pense qu’il a pu servir aux deux. Pour plus de détails encore à propos de Padern et de son château, je vous propose la lecture du remarquable site Internet : http://belcaire.over-blog.com/article-padern-village-des-corbieres-120427888.html
(**) Prieuré de Molhet : Depuis Padern et en direction du château de Quéribus, on accède aux ruines du prieuré de Molhet (ou Mouillet) par le Sentier Cathare. Il est dédié à Saint-Martin et situé sur un escarpement rocheux. La partie la plus visible est le prieuré ruiné lui-même mais un hameau aux maisons très arrasées est également perceptible. Je vous propose de cliquer sur le lien suivant https://chateauruine.fr/11-prieure-fortifie-molhet-padern.html où force détails vous sont très bien donnés tant sur son Histoire que sur sa présentation sur le terrain.
(***) La chapelle Saint-Roch de Padern : L'église de Padern, autrefois paroisse de l'ancien diocèse de Narbonne, à la collation de l'abbé de Lagrasse, passera ensuite à la succursale du diocèse de Carcassonne, doyenné de Tuchan. En 1321, un bref du pape Jean XXII unit à la manse abbatiale du monastère de Lagrasse, le prieuré de Saint-Pierre de Padern (source Facebook). Pour l’atteindre, il faut grimper à pied à travers les ruelles du village, passer devant une maisonnette qui aurait servi jadis de poste de douane et juste après parmi les amandiers et les cyprès, se dresse cette modeste chapelle romane. Selon Jean Gouzy, elle a été bâtie entre 1348 et 1375. Sur le plan architectural, la chapelle présente une abside semi-circulaire romane et une petite fenêtre à ébrasement intérieur. Les autres ouvertures datent du XIXe siècle. Dans le chœur une table d’autel gothique en marbre. Le bénitier est roman. L’édifice a connu de nombreuses périodes de restauration (1991, 2000, 2022). La chapelle dédiée à Saint-Roch de Montpellier a été construite à une période durant laquelle sévissait la peste dans la région. La grande peste noire qui a ravagé l’Europe au milieu du XIVe siècle était fort redoutée et le culte de Saint-Roch s’est développé à cette époque. La légende rapporte que Saint-Roch, natif d’une riche famille de Montpellier où il apprit la médecine, s’est consacré aux soins des malades. De retour de pèlerinage à Rome, il soigne les pestiférés et contracte lui-même la peste. Il se cache dans une grotte où il est assisté par un chien qui lui apporte chaque jour du pain et le soigne. A partir de cette histoire, sans doute légendaire, Saint-Roch est représenté avec son bâton et son chapeau de pèlerin, une plaie à sa jambe en compagnie de son chien. Le 16 août, Padern fête traditionnellement la Saint-Roch. Une messe a été célébrée comme à l’accoutumée dans la petite chapelle érigée en haut du village. Le prêtre rappelle la légende de Saint-Roch, en désignant le vitrail coloré qui figure dans la chapelle : le saint est représenté avec son bâton demarche et sa coquille Saint Jacques attribut des pèlerins dont il est le saint patron. (Source l’Indépendant).
Ce diaporama est agrémenté de plusieurs versions instrumentales et de 2 versions chantées de la célèbre chanson de Stevie Wonder"Isn't She Lovely ?". Voici les interprètes dans l'ordre de leur passage : Jokko Peña (musicien et arrangeur synthétiseur électronique), Alexandra Ilieva (saxophone), Pat Levett (harmonica chromatique), Lorenza Pozza (chant), Vinai T (guitare électrique) et enfin Stevie Wonder lui-même, auteur de cette chanson.
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Avant d’effectuer ce circuit que j’ai intitulé « La Tour del Far et la carrière de marbre del Comador depuis Tautavel », je tiens à préciser qu’à cette célèbre tour à signaux, j’y étais déjà monté deux fois. C’était il y a quelques années maintenant. La première fois, nous y étions montés avec Dany au départ de Cases-de-Pène et je garde en mémoire l’aspect caillouteux à l’extrême de ce parcours. C’était en mai 2008 et c’est le petit reportage figurant toujours sur mon blog. L’année suivante, j’y étais retourné toujours avec Dany mais accompagné cette fois-là de ma belle-sœur Jeannie. Si je me souviens parfaitement d’elle, c’est grâce à une anecdote qui est restée dans un coin de ma tête. Alors que nous étions partis tous les trois pour un aller et retour depuis Tautavel, ma belle-sœur n’avait pas voulu monter jusqu’à la tour, préférant s’arrêter en bas au petit collet qui précède l’édifice. Alors bien sûr, Dany et moi trouvions dommage qu’elle soit montée jusque-là pour s’arrêter en si bon chemin alors que l’objectif était quasiment atteint. Nous lui avions demandé pourquoi elle s’arrêtait là, pensant sur l’instant à un gros coup de fatigue. Que nenni ! Et là, ma belle-sœur toujours très spirituelle, mystique et mystérieuse, comme à son habitude, commença à nous dire qu’il était inutile qu’elle monte plus haut car de là où elle se trouvait elle entendait des voix qui lui disaient de ne pas aller plus loin, sentait des forces qui la tiraillaient, nous disant qu’elle était en contact avec des êtres qui avaient eu un destin très fort en ce lieu, etc…etc… Dany et moi montâmes jusqu’à la tour et Jeannie qui n’avait plus bougée d’un pouce nous attendît gentiment assise sur son séant. N’ayant jamais vécu nous-mêmes ce type d’expériences, que nous qualifions la plupart du temps de « sornettes », nous en restâmes là. En ce 23 octobre 2022, c’est donc avec ces plaisants souvenirs et sous un ciel malheureusement blafard que je me lance à nouveau sur ce parcours, espérant qu’aucun fantôme du passé ne viendra freiner mon envie de marcher. Le temps de trouver sur la D.9 un emplacement convenable pour ma voiture et la bonne direction de cette longue balade et me voilà déjà en marche. D9 ou avenue Louis Baixas, direction le Musée de la Préhistoire où peu après un premier panonceau « Torre del Far 6km A/R 2h30 » se présente. Je continue vers l’amphithéâtre en plein air dit du Millénaire, puis c’est l’allée Victor Badia et me voilà déjà sur l’étroit sentier filant vers le vieux château. Or mis quelques fleurs et des oiseaux retenant l’objectif de mon appareil-photo et les premières ruines de l’édifice médiéval cher à la famille Taillefer sont vite là. Le château étant plus loin sur la crête, j’abandonne l’idée d’y aller me contentant de plusieurs photos. Dans un décor de garrigue, le sentier continue et devient caillouteux à l’extrême. Malgré les caillasses et la saison déjà bien tardive, quelques fleurs arrivent à y pousser. Je les recense. Or mis les paysages qui s’offrent au regard constituant 90% de mes photos, les fleurs représentent quasiment les 10% restant. Oiseaux, papillons, criquets, libellules et un petit coléoptère au doux nom de « Crache-sang », il me faudra attendre un peu ces autres photos naturalistes pour bouleverser quelque peu ces premiers chiffres. Quand à la Tour del Far dont j’ai lu le peu d’Histoire que l’on sait d’elle, je l’atteins après 1h45 de marche. Grandement déçu par cette météo opalescente ; alors que Météo France avait une fois encore annoncé un grand ciel bleu ; force est de constater que cette dernière lessive, rabote et réduit les panoramas à leur portion la plus congrue. Alors que je pense être tout seul, c’est donc empli de cette déception que je me hisse à l’intérieur de la « Torre » pour la toute première fois. Mais là aussi je suis plutôt désenchanté car or mis un gros tube de pierres percé d’une petite ouverture et de la porte par laquelle je viens d’entrer il n’y a vraiment rien. Alors que je m’apprête à ressortir de le tour, quelle n’est pas ma surprise de constater qu’un groupe de 5 ou 6 autres personnes veulent y entrer. L’homme qui semble être l’accompagnateur me dit « on vous a vu entrer alors on veut faire pareil pour voir l’intérieur ! ». J’ai beau lui répondre « Il n’y a rien à voir », les voilà déjà partis à se hisser et à se faire la courte-échelle pour atteindre puis franchir la porte d’entrée. Je les regarde faire avec désormais un sentiment de culpabilité espérant que l’entre eux ne se casse pas la figure. Par bonheur, tout se passe bien. J’aide les dames à redescendre et rassuré je poursuis mon chemin. Dans une zone d’éboulis, ce dernier descend rudement vers le Puig d’en Paillat (ou Pallars selon les cartes). Il demande attention et donc lenteur. Bien que très rocailleuse et parfois carrément rocheuse, la suite du sentier est plutôt simple et surtout bien indiquée car soit balisée en jaune soit agrémentée de cairns. A l’approche de l’ancienne carrière de marbre, il suffit de penser à quitter ce chemin qui n’est autre qu’une variante du Tour des Fenouillèdes filant vers Estagel et passant de ce fait non loin du circuit que j’avais intitulé « Le Cimetière des Maures », nom pris à ce lieu dont le toponyme catalan « El Cementiri dels Moros » continue d’être un mystère. Après le pique-nique longuement égayé par une Fauvette « inphotographiable » correctement , je repars contrarié que ce merveilleux petit oiseau ait constamment voulu préserver son « droit à l’image ». Grâce à 3 charmantes jeunes filles marchant quelques décamètres avec moi , j’oublie vite l’oiseau. Elles s’envolent elles aussi me laissant seul mais libre de marcher à ma guise et d'apprécier cette Nature que j'aime tant. La carrière est là, blanche comme tout ce qui l’entoure car le marbre une fois réduit en poudre est un polluant pour la Nature et sans doute pour les hommes qui sont amener à l’avaler trop longtemps. On l’appelle aussi « Carbonate de calcium » et comme ses utilisations sont aussi nombreuses que ses inconvénients à l’extraire puis à le fabriquer, c’est dans le monde entier la guerre entre les industriels du secteur et les écolos. Ici, l’exploitation de celle d’El Comador est arrêtée depuis quelques années et c’est donc des bâtiments vides que je visite. Rien de folichon et seulement quelques tags retiennent mon attention. Je repars en direction des carrières essayant d’oublier cette défiguration de la Nature pour me consacrer seulement à elle ou du moins à ce qu’il en reste, c’est-à-dire à de rares fleurs, insectes et oiseaux, ce morne trio d’inséparables étant sans doute dans ce secteur bien plus en perdition qu’il ne l’est déjà partout ailleurs. La balade tire à sa fin. Par bonheur, ni près de la tour ni ailleurs, je n’ai pas entendu de voix venant d’outre-tombe et seules mes chaussures de marche aux semelles complétement trouées par les innombrables caillasses ont eu à la fin le privilège de funérailles. Ainsi se termine cette balade, laquelle entre plaisirs et déceptions aura été mi-figue mi-raisin. Sa distance est de 10,2km pour des montées cumulées de 592m et un dénivelé de 398m entre le point le plus haut en altitude à la Tour del Far (498m) et le plus bas à Tautavel (100m), ces chiffres n'étant pas les miens mais étant issus d'un tracé enregistable que j'avais trouvé sur le Net. Carte IGN 2448 OT Thuir- Ille-sur-Têt Top 25.
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23 janvier 2018. Première vraie randonnée de l’année, avec ce « Cimetière des Maures (*) » à partir d’Estagel. Voilà presque deux mois que je n’ai pas réellement marché. Il est vrai qu’une terrible « gastroentérite » m’a mis « hors service » entre Noël et le Jour de l’An. Depuis je me traîne. Etait-ce une vraie « gastro » ? Etait-ce un empoisonnement à des huîtres pas suffisamment fraîches que j’ai mangées dans un resto ? Je n’ai jamais su. Toujours est-il que je me remets à peine, et encore, avec beaucoup de difficultés. Enfoui au fond de mon lit pendant 10 jours et incapable de me lever, je n’ai jamais trouvé la force suffisante pour me rendre à la Maison Médicale de l’hôpital de Perpignan, seule solution que me préconisait le coordinateur des urgences. Les urgences étaient débordées et mon cas n’était pas considéré comme suffisamment gravissime pour déplacer le SAMU, ce que je peux comprendre. Et comme en cette période de fêtes, je n’ai jamais trouvé le moindre docteur acceptant de venir à mon domicile, y compris celui de SOS Médecins, j’ai été contraint d’attendre que ça passe ? Franchement, je trouve affligeant, que dans un pays qui se prétend « moderne » et « développé », un malade au fond de son lit soit contraint de se déplacer s’il veut bénéficier de soins et au minimum d’un diagnostic ! J’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises dans Mon Journal Mensuel, en France, la médecine devient de plus en plus « malade » et le Serment d’Hippocrate se métamorphose de plus en plus souvent en un serment des hypocrites ! Médecine d’urgence très souvent débordée, médecins absents les week-end, déserts médicaux en période de fêtes, sites Internet essentiellement là pour faire du fric, spécialistes quasi inaccessibles avec des rendez-vous « à perte de vue », budgets des hôpitaux publics toujours revus à la baisse alors que les besoins ne cessent d’augmenter et enfin, des gouvernants incapables de réformer un secteur devenu presque essentiellement lobbyiste, il serait bien trop long de faire la liste de tout ce qui ne fonctionne pas et puis ce n’est pas vraiment le sujet de ce récit. En tous cas, ne voyez aucune corrélation entre ce rétablissement difficile et le désir d’aller randonner dans un cimetière. Non, le « Cimetière des Maures » est une petite colline près d’Estagel. Allez là-bas correspondait à ce que je voulais faire, c'est-à-dire ne pas trop m’éloigner de mon domicile, faire une balade pas trop longue et au dénivelé modeste mais qu’elle est néanmoins des aspects ludiques et surtout qu’elle soit inédite pour moi. Après quelques analyses et lectures à son propos, j’ai eu le sentiment que cette colline était à même de remplir tous ces critères. Cette modeste « serre » domine la confluence du fleuve Agly avec le Verdouble, rivière si chère à Nougaro au point qu’il en avait fait une très jolie chanson sous le titre « Une rivière des Corbières ». Voilà déjà pas mal de temps que ce « Cimetière des Maures » m’intéresse et m’intrigue. Il m’intrigue, car si un cimetière wisigoth a bien été découvert à Estagel, il n’y a pas de cimetière à cet endroit-là et personne n’a jamais été capable de fournir le début d’un éclaircissement quant à son nom. Son nom de « cimetière » tout d’abord soulève de nombreuses interrogations et presque bien plus que le fait qu’on y rajoute qu’il soit « Maures ». Concernant cette peuplade envahissante, et le plus souvent décrite par les historiens comme violente et mortifère, j’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer en détail lors d’une randonnée au Pic des Mauroux (Pic dels Moros). Enfin, le lieu lui-même ainsi que la Serre de la Girouneille qui est sa continuation collinaire recèlent un nombre incroyable de murets et d’amoncellements de pierres sèches sur lesquels les historiens ne sont jamais trop d’accord quand à leurs origines et à leurs fonctions exactes. Enfin, le grand spécialiste de l’archéologie roussillonnaise Jean Abélanet s’est également intéressé à ce lieu mais sans jamais émettre la moindre des certitudes, reliant sa toponymie à certaines légendes et notamment à celles de Roland de Roncevaux, grand pourfendeur des Maures (Lieux et légendes du Roussillon et des Pyrénées Catalanes). Plus globalement, toutes les personnes qui se sont penchées sur ce « Cimetière des Maures » n’ont toujours émis que des suppositions. J’ai bien tenté de lire un maximum de choses à son propos mais force est d’avouer que le mot « maximum » n’est pas le plus adapté. Les textes concernant ce « Cimetière des Maures » sont rares et le plus souvent on ne trouve que quelques mentions récurrentes liées aux écrits de Jean Abélanet. Enfin, le fait qu’il y ait plusieurs « Cimetière des Maures » en Catalogne française et en Espagne ne fait que compliquer les choses car il y en a comme supposés vrais et d’autres comme celui-ci qui ne sont qu’improbables ou légendaires. De plus, les sépultures mauresques restent un mystère et les recherches à leur propos ne font que compliquer les choses. Alors comme j’ai envie de découvrir ce coin par moi-même mais que cette balade n’est pas inventoriée, le 18 janvier, je pars déjà en repérage. 2 raisons principales à ce repérage. La première raison est qu’il faut traverser un gué sur le Verdouble et je ne sais pas s’il est franchissable en permanence ou seulement lorsque la rivière est asséchée ? La deuxième raison est que les vues aériennes sur Géoportail laissent entrevoir un étroit sentier longeant la crête de la colline mais j’ignore comment y accéder et quelle est la manière la plus simple pour ce faire ? A Estagel, je démarre de l’avenue de la Coopérative. En passant devant la coop en voiture, j’ai le sentiment que ce nom n’a plus trop de raison d’être car l’ancienne cave vinicole semble en cours de démantèlement. Je l’ai bien connue au temps où je bossais dans une société de services en informatique car nous établissions des décomptes pour les coopérateurs et la voir désormais ainsi m’attriste. Je ne peux m’empêcher de penser que beaucoup trop de choses se perdent y compris quand elles faisaient partie d’un fleuron économique local. Sur ma droite, l’Agly est complètement asséchée, et, vision étrange, je ne distingue aucune trace d’eau et seulement un lit de terre et de galets. Je me dis que le barrage de Caramany qui règle son débit en est probablement la cause. Je poursuis le bitume en direction de la confluence. Je passe sous la ligne de chemin de fer et grâce à un talus que je peux escalader, je pars jeter un coup d’œil au pont métallique qui enjambe la rivière. C’est la ligne Rivesaltes – Gare de St Martin-Lys du fameux petit train rouge du Pays Cathare et du Fenouillèdes que j’ai découvert avec bonheur il y a quelques années. Depuis, nous l’avons fait découvrir à nos petits-enfants en période de Noël où chaque année des festivités ludiques sont programmées pour les plus petits. Un peu plus loin, la route amorce un virage et la jonction des deux rivières est là. Enfin « jonction des deux rivières » est en la circonstance une expression peu judicieuse car ici tout n’est que minéralité et végétation. Sous le pont matérialisant la confluence, il n’y a pas la moindre goutte d’eau et quand je pense que plus des 3/4 de la France subissent des pluies diluviennes depuis décembre avec des crues très angoissantes et des inondations très ennuyeuses dans de très nombreux endroits, je ne peux m’empêcher de penser que l’eau est une richesse précieuse mais injustement répartie, dans le temps et l’espace. Un peu comme l’argent, il y en a parfois trop pour certains et trop peu pour d’autres. Ici s’arrête la comparaison car force est de reconnaître que si l’eau ne coule pas à flot, le vin continue à être emblématique du secteur avec le château de Jau tout proche. Très bel ensemble que ce Domaine de Jau, avec des bâtiments aux couleurs chatoyantes et au sein d'une belle pinède ou le vin et l’art sont mis à l’honneur, surtout en été. Je délaisse le pont car le passage à gué que je dois traverser sur le Verdouble est un peu plus en amont de cette rivière. Très asséché lui aussi, je n’ai aucun mal à le traverser. Je continue sur l’autre rive le chemin qui se poursuit puis se termine près d’un petit casot. Tout au long du chemin, j’y note parallèlement les vestiges effondrés d’un ancien canal en pierres sèches. A côté du casot, une mention indique « Stop danger » et j’imagine que cet avertissement est uniquement là quand le débit de la rivière est normal. Aujourd’hui ce n’est pas le cas et cet étiage maximum me paraît même très inquiétant. J’ai donc le choix entre poursuivre mon chemin dans un vignoble aux dimensions limitées ou bien dans la rivière asséchée. Je choisis la rivière car elle me paraît plus insolite et en plus, des oiseaux semblent y être présents. J’ai bon espoir de parvenir à en photographier mais j’espère aussi trouver un sentier rejoignant la crête tant escomptée. Je descends ainsi deux ou trois méandres mais sans trouver le sentier espéré. Il y a bien de longs éboulis qui se dressent vers le sommet mais ils ne débouchent que sur une végétation dense et bien trop agressive. Je suis contraint de redescendre et la colline continue de me dominer cent mètres plus haut. Outre que je ne trouve pas l’accès escompté, je ne suis pas seul dans le Verdouble asséché. J’y rencontre deux chasseurs et leurs chiens, puis peu après, c’est au tour de deux motos trial de faire le « show ». Un show si pétaradant et donc si bruyant que je trouve préférable de faire demi-tour car la rivière est très loin d’avoir la tranquillité convoitée. Pour les oiseaux, c’est définitivement râpé ! Je retrouve la terminaison du chemin qui m’a emmené jusqu’ici et le petit casot. Je découvre aussi une ancienne carrière à ciel ouvert, amplement envahie par la garrigue mais dont l’exploitation passée ne fait aucun doute. Des marques de barres à mines y sont encore bien visibles dans certains rochers. Je suppose qu’il s’agit d’une ancienne carrière de marbre car j’ai lu pas mal de choses à ce propos et pour ce secteur en particulier que les anciens appelaient le « Pas de Roland ». Près du petit casot, un couple profite de la rivière asséchée pour promener leur chien et le faire courir en lui lançant un bâton. Assis sur un moellon, j’observe cette divertissante scène tout en réfléchissant à la suite de ma présence ici. A force de tourner la tête dans tous les sens, je m’aperçois qu’en regardant vers la colline, il y aurait peut-être l’opportunité d’un passage vers la crête, sauf que les innombrables édifices en pierres sèches semblent autant d’obstacles à franchir. Je me lance dans ce steeple-chase pédestre. Ici, les pierres, il n’y a que ça, et une végétation de maquis suffisamment clairsemée permettant d’avancer. Pierriers, éboulis, amoncellements plus ou moins anarchiques et imposants, anciennes terrasses, murettes plus ou moins hautes et massives, j’arrive assez aisément à m’élever vers la crête dans cette première partie. Le Verdouble s’éloigne derrière moi et le couple qui promenait leur chien dans son lit ressemble désormais à deux fourmis perdues dans un désert minéral. Devant moi, les amoncellements sont parfois si désordonnés et si invraisemblables dans leur utilité que j’en suis à me demander s’il s’agit des résultats d’épierrements colossaux ou bien d’anciennes sépultures titanesques. Après tout, les pyramides ne sont-elles pas des tombeaux en pierre largement à la démesure des petits êtres humains qu’elles ont accueillis en leur sein ? Ici, et toute proportion gardée, ne peut-on pas imaginer que quelques corps « maures » soient enfouis sous les pierres, depuis 8 siècles et pour l’éternité ? Je ne serais pas le seul à le penser puisque l’écrivain et poète catalan Georges-Dominique Bo i Montégut a écrit à propos de ce « Cimetière des Maures » qu’il s’agissent peut-être d’une « Nécropole inconnue des préhistoriens ». Allez savoir ? Un peu plus haut, la végétation se densifie et il me faut zigzaguer pour continuer à m’élever. Finalement, j’atteins le petit sentier recherché après 45 minutes de marche mais j’avoue avoir beaucoup flâné à la recherche d’une faune rare mais néanmoins présente. Quelques rares fauvettes, très difficiles à photographier, des criquets et quelques papillons résistant à l’hiver m’ont fait lambiner. Les vues s’entrouvrent de tous côtés. Vues lointaines vers le Canigou ou les Corbières ou plus proches et plus plongeantes vers les lits de l’Agly et du Verdouble. Dans cette dernière rivière, l’eau est présente au loin, sous forme de grandes flaques miroitantes dans un lieu où la rivière se rétrécit, serrée qu’elle est par deux hautes falaises. Est-ce là la fameuse cluse « Pas de Roland » qu’évoque Jean Abelanet dans un de son livre « Lieux et légendes du Roussillon et des Pyrénées Catalanes » ? Le sentier, lui, est étroit mais bien marqué car sans doute régulièrement défriché et emprunté par les chasseurs. Bien marqué ne signifie pas qu’il est balisé et facile mais bien visible car bien débroussaillé. La prudence est néanmoins de tous les instants car ici le calcaire est roi. Désormais, je poursuis ma balade en direction de la Serre de Girouneille. Le sentier continue de s’élever et domine une grande sinuosité du Verdouble en l’épousant. Plus j’avance et plus j’acquiers la certitude que la balade en boucle que j’envisage est parfaitement réalisable. A l’endroit même où les murets en pierres sèches sont les plus nombreux, j’estime que mon repérage est terminé. Le sentier de toute évidence se poursuit tel que visible sur Géoportail. Je me décide à redescendre en traversant les parcelles encadrées de hauts murets. Très étrangement, ces parcelles sont le plus souvent closes sur trois côtés seulement. D’autres sont clairement aménagées en anciennes terrasses. Ce constat, je le vérifierais plus tard en observant une vue aérienne plus précisément. Par contre, de manière étonnante, aucun orri n’est visible dans ce secteur alors qu’il y en a tant, non loin d’ici, du côté de la Tourèze. Ma descente est très compliquée car ici aucun sentier n’est vraiment présent. Il me faut constamment éviter les broussailles. Le plus souvent, j’utilise les larges murets comme l’itinéraire le plus praticable. Praticables certes car dépourvus de toute végétation mais des plus instables et finalement plutôt courts. Au travers de ces tumulus géants et de cette garrigue agressive, il va me falloir plus d’une heure pour rejoindre la route du Mas de Jau. Il est vrai qu’un très gros sanglier que j’ai dérangé dans son sommeil est venu agrémenter ce parcours du combattant. Je sors de ce maquis très légèrement égratigné aux deux bras mais grandement sanguinolent à cause des fluidifiants sanguins que j’absorbe chaque matin. A l’instant même où je dépose mon petit sac à dos avec l’intention de m’éponger, quelle n’est pas ma surprise de constater que la poche principale est complètement vide. La fermeture-éclair s’est ouverte et j’ai tout perdu sans m’en rendre compte ! Gourde d’eau, polaire, reste de sandwichs-triangles, deux bananes et une demi tablette de chocolat au lait et aux noisettes. Je peste mais je ne me vois pas refaire en sens inverse le dédale emprunté car je serais bien incapable d’en retrouver le tracé exact. Par bonheur, mon G.P.S est encore dans ma poche et mon portefeuille et les clés de ma voiture dans une poche annexe du sac dont la fermeture-éclair, elle, est restée bien fermée. Ce n’est qu’en arrivant à la voiture que je constate que j’ai également perdu mes lunettes de vue, ayant sur le nez celles de soleil. Je me dis que je vais être contraint de revenir bien plus vite que je ne l’avais envisagé et j’ose espérer que le contenu de mon sac sera sur le sentier. 5 jours plus tard, le 23 janvier, me revoilà à pied d’œuvre. Il est 10h et il fait beau. Les deux rivières paraissent toujours aussi asséchées et seule une vision aérienne depuis la crête me laisse entrevoir un mince filet d’eau qui s’écoule dans le Verdouble venant de Tautavel. L’Agly, elle, est inchangée et toujours aussi sèche. Enfin, c’est ce que je crois en la regardant depuis le pont de la confluence. Entre mes deux venues, j’ai réussi à apprendre que ce secteur est propice aux disparitions d’eaux et ce, à cause des avens calcaires dont les deux rivières sont littéralement truffées sous leurs lits. L’eau s’écoule puis disparaît comme par enchantement pour réapparaître plus en aval, vers Cases-de-Pène. Chemin sur la rive gauche, passage à gué, chemin sur la rive droite, casot, éboulis, terrasses et murets, j’emprunte sensiblement le même chemin que lors du repérage, toujours en diagonale direction nord-est et avec comme but, le petit sentier sommital. Pour mon plus grand bonheur, je retrouve le sentier assez aisément et un peu plus haut, non loin du point culminant de cette colline, à 203 m d’altitude, l’essentiel du contenu de mon sac à dos. Etui à lunettes, gourde et polaire sont là, bien groupés au centre du chemin comme si personne n’avait jamais touché à rien, pourtant, manquent à l’appel tous les produits comestibles, à savoir reste de sandwichs, tablette de chocolat et les deux bananes. Le plus curieux, c’est que je ne trouve aucune trace des emballages, ni à proximité, ni dans un rayon d’une vingtaine de mètres aux alentours. Je me dis que des sangliers sont passés par là et qu’ils ont tout emporté. J’espère qu’ils n’ont pas mangé les emballages ? L’itinéraire se poursuit, parfois plus difficilement, car les traces d’animaux se confondent parfois avec le sentier principal. L’infranchissable végétation est souvent le meilleur moyen de comprendre que je fais fausse route. Je rebrousse chemin en m’aidant de mon tracé G.P.S. Je suis plutôt satisfait de l’avoir enregistré car même s’il n’est pas d’une précision millimétrée, il me permet de garder une certaine proximité avec le sentier principal. Marqué parfois de quelques cairns, il s’éloigne peu à peu des gorges profondes du Verdouble. Au loin, la Tour del Far est un point de mire très joli mais bien inutile. Le sentier s’agrandit quelque peu puis descend dans une pinède. Sur la gauche, j’aperçois une cabane en pierres sèches et d’autres amoncellements pierreux et tente de m’y rendre mais en vain. La végétation est très dense et donc infranchissable car trop cuisante. Outre cette difficulté, il règne une odeur pestilentielle au milieu de ces bruyères arborescentes et si je ne vois rien, je suppose qu’il s’agit d’un animal mort et dans un état de décomposition certain. Cette végétation impraticable plus l’odeur de putréfaction qui règne ici sont des freins évidents pour ne pas aller plus loin. Je reviens sur le sentier. Peu après, ce dernier laisse la place à une piste plus large qui s’élève et se termine sur la route D.59 reliant Cases-de-Pène à Tautavel. Je n’ai guère d’autres choix que d’emprunter le bitume. La route passe devant une citerne verte DFCI et l’entrée des carrières de marbre blanc et de calcaire. Ici, de grands panneaux célèbrent les vins de Tautavel et du château de Jau. Jau, voilà ma destination puis la boucle envisagée se refermera. Dans l’immédiat, j’en suis encore loin mais il est vrai qu’il est encore très tôt. Si j’ai bien flâné, je suis plutôt satisfait du temps que j’ai mis pour arriver ici. Je me dis que j’ai encore toute l’après-midi devant moi pour continuer à vadrouiller. Après tout, cette randonnée de reprise ne doit pas devenir une marche forcée. Je m’arrête pour déjeuner à l’ombre de grands chênes verts mais bien en face d’un Canigou enneigé resplendissant sous le soleil. Dans un ciel azur, seuls de gros et magnifiques nuages lenticulaires blancs jouent de temps à autres les trublions météo. Quand ils font obstacle aux chauds rayons du soleil, la fraîcheur resurgit et me rappelle que nous sommes en hiver. Ces ovnis cotonneux semblent en suspension mais par bonheur ils ne sont pas complètement immobiles. Je repars sous un bon soleil et même si nous sommes en janvier, je sens la chaleur monter de l’asphalte ou de cette terre aride où pousse la garrigue. La route amorce une descente et à hauteur d’un autre panneau vantant les mérites du miel de la « garigue » tautavelloise, je quitte le bitume au profit d’un chemin qui descend dans la garrigue. Moi, qui est toujours cru que le mot « garrigue » s’écrivait avec deux « R », je n’en note qu’un seul sur la pancarte. Après vérification, il ne s’agit pas d’une erreur mais bien de la forme préconisée par l’Académie Française. Morale de l’histoire ? : La randonnée pédestre peut être parfois une source éducative et culturelle. Le chemin descend, remonte puis zigzague. De nombreux rassemblements d’oiseaux que je voudrais bien photographier m’entraînent à le quitter. C’est ainsi que je me retrouve très loin de l’itinéraire imaginé et toujours dans un maquis de plus en plus rabougri même si autour de moi, quelques pinèdes verdoyantes sont bien présentes. Après le lieu-dit « Pilou de les Faves », je découvre un cortal perdu au milieu des vignes. A la fois demeure, étable et casot, d’ici une vue splendide s’entrouvre sur la Plaine du Roussillon. En regardant la carte I.G.N, je me dis qu’il est temps de revenir sur le chemin principal et ce d’autant que les oiseaux ne sont pas toujours faciles à figer dans mon numérique. La plupart se posent à terre ou dans les vignes et les approcher est une tâche des plus compliquées. Quand ils s’envolent, ils partent parfois se reposer si loin que les suivre ne serait pas raisonnable. Je réussis néanmoins à ajouter quelques volatiles à mon tableau de chasse numérique. Si mon sens de l’orientation est plutôt bon, mon tracé G.P.S reste un précieux allié dans ce retour obligé. Je choisis de revenir par la route D.59 car c’est l’itinéraire qui me paraît le plus simple, même si ce n’est pas, loin s’en faut, le plus court. Par des pistes et la route, il me faut néanmoins plus d’une heure pour retrouver l’itinéraire initialement perdu. La suite en direction du Domaine de Jau est beaucoup plus simple car un large chemin y descend très directement. Bien évidemment, l’arrivée est marquée du sceau de la viticulture, car une fois passé les pinèdes, les vignes règnent en maître sur les deux rives de l’Agly. Il faut prêter attention pour remarquer les vestiges d’un canal ancestral qui permettait d’irriguer le secteur. La carte I.G.N le mentionne encore et on peut constater que la captation s’effectuait dans le Verdouble pour se terminer dans l’Agly non loin de la cave actuelle de Jau. La présence de ce canal s’explique-t-elle par la disparition souterraine des eaux au niveau de la confluence ? C’est possible ! Comme sur le plateau de garrigues et les « coumes » où j’ai erré plus haut, les vignes sont favorables à de grands rassemblements d’oiseaux. Chardonnerets, bruants, pinsons, serins, traquets et verdiers s’élèvent dans les airs dès lors que je tente de les approcher. Tous se réfugient dans les grands arbres, pins, cyprès et feuillus dégarnis qui encadrent les vignes ou la rivière. De ce fait, et en me cachant un peu, il est désormais plus simple de les photographier. C’est là qu’ils deviennent reconnaissables. Après quelques photos du magnifique château de Jau, les oiseaux me font choisir de retourner vers ma voiture en marchant dans l’Agly asséchée plutôt que sur la route asphaltée. Régulée par le barrage de Caramany, je me dis que le risque est vraiment mineur qu’il y est un lâcher d’eau à l’instant même où j’emprunte son lit. Si ce raisonnement s’avère bon, l’idée en elle-même est une erreur. En effet, remonter la rivière est beaucoup moins commode que de marcher sur un bitume bien plat et donc bien plus praticable. En effet, dans cette rivière sont présentes toutes les configurations et formes de terrains. Cela va du limon très fin au sable plus grossier en passant par des graviers ou des galets de toutes sortes et de toutes dimensions, sans compter les défilés, les dalles et autres tables rocheuses, ces dernières étant encore très souvent occupées par des cuvettes d’eau stagnantes de toutes tailles. Si les rives sont favorables à une avifaune présente, ce n’est pas la panacée car les oiseaux ont tendance à les quitter dès lors que ma présence les dérange et les déloge. Or, marcher au milieu de la rivière asséchée me rend extrêmement visible. Je réussis malgré tout à photographier une bergeronnette, un rouge-queue noir peu craintif et un étourneau très occupé à un bain de siège. Quant aux cuvettes, je n’y décèle aucune vie. Pas le moindre têtard et pas le moindre petit poisson. Je n’y découvre qu’une écrevisse, que sur l’instant je crois bien vivante. Mais non, l’absence de toute eau vive a eu raison de sa résistance et de sa solide carapace. Est-ce la « détestable » écrevisse de Louisiane ? Sa carapace encore bien rouge le laisse supposer. Outre ce crustacé mort, je découvre avec horreur la carcasse d’un sanglier presque à moitié dévorée et dans un état de décomposition bien avancé. Ce « Cimetière des Maures » devient pour moi le « Cimetière des animaux morts ». Pourquoi ? Est-ce des sangliers blessés par des chasseurs et qui ont survécu un certain temps ou bien sont-ils les victimes d’actes de braconnage ? En tous cas, celui-ci, n’est pas suffisamment corpulent pour être mort de vieillesse. Finalement, je réussis sans encombres à remonter cette partie de l’Agly après trois quart d'heures de marche. Le pont de la confluence des deux rivières est là devant moi. Il me suffit de remonter le talus pour retrouver ma voiture, que cette fois j’ai laissé ici à proximité. Cette balade au « Cimetière des Maures » se termine sans m’avoir apporté ce petit supplément d’informations que, sans trop d’illusions, j’avais espéré au départ. Sous un ciel encore bleu, j’observe une dernière fois cette colline. Elle va garder tous ses mystères. Mystères quand à son nom. Pourquoi « cimetière » et pourquoi « des Maures » ? Mystères quand à tous ces amoncellements en pierres sèches et à tous ces édifices, mystères de la disparition des eaux des deux rivières qui les ont tout de même façonnées et creusées. Cette balade (tracé en rouge), errements absolument intentionnels non compris et déconseillés, est longue d’environ 10 km à 11 km. Les montées cumulées sont de 360 m environ, quand au dénivelé il est de 150 m entre le point le plus bas à 59 m au Mas de Jau et le plus haut à 209 m sur la route D.59 à hauteur de l’entrée des carrières. Carte I.G.N 2448 OT Thuir – Ille-sur-Têt Top 25.
(*) Le Cimetière des Maures près d’Estagel : Parler précisément et concrètement du « Cimetière des Maures » situé près d’Estagel et tenter de résoudre ses mystères n’est pas une mince affaire car les textes sont rares. Ils ne se résument qu’à quelques citations pleines d’équivoques. A son propos, on peut néanmoins citer quelques mentions écrites, parler de sa toponymie et enfin évoquer ces amoncellements en pierres sèches qui emplissent son décor. On peut bien évidemment faire des suppositions et je m’y suis essayé.
A) Mentions écrites : Dans son livre « Légendes populaires des villages du Roussillon », et son chapitre « Dire » l’écrivain et poète catalan Georges-Dominique BO i MONTEGUT écrit ceci « A vrai dire, que dire Cher Lecteur que vous ne sachiez déjà sur l’immensité d’événements dont notre Roussillon fut le théâtre, depuis que le destin l’a placé au carrefour de deux mondes sur l’éternel chemin des invasions. Sur son sol se sont affrontés divers antagonistes, souvent de races différentes et de civilisations contraires. Cependant, nous ne saurons sans doute jamais ce qui s’est passé ici, dans ce réduit que les Primitifs considéraient comme inexpugnable, dans ce sillon creusé par la nature entre deux montagnes Pyrénées, et par elles protégé, depuis l’apparition de l’homme de Tautavel, il y a des millions d’années et dont une récente découverte fossile peut confirmer l’antique existence.Par contre, au lieu-dit « le Cimetière des Maures », non loin d’Estagel, existe une véritable nécropole paraissant ne pas être connue des préhistoriens. En y pensant, on croit rêver ce qu’était la vie de nos Pères dans une nature débordante d’hostilité. Par ces légendes populaires, le Roussillon en entier vous livrera son passé ainsi que son âme. De ce passé lointain, il ne reste que peu de traces, mais quelles traces ! Malgré l’incertitude de l’heure et les craintes pour l’avenir, il est important de reporter nos regards en arrière, afin d’y puiser du courage pour affronter l’avenir ». Un peu plus loin dans son livre, il évoque un autre « Cimetière des Maures », celui situé au col des Arques au dessus du Prieuré de Serrabonne, entre les villages de Boule d’Amont et de Glorianes et il écrit ceci : « qui pourra identifier les squelettes des géants (légende des Maures) qui dorment à une demi-heure de marche de ce couvent au lieu-dit : le « Cimetière des Maures » ? Puis évoquant les mines de mispickel aurifère du secteur et les nombreux ouvriers ayant participé à cette longue prospection, il rajoute : « le cimetière des Maures, non loin de là, pourrait être une indication sur l’importance du personnel qu’elles (les mines) occupaient. Mais pour certains, il s’agirait des restes de Roland et de ses Preux que Charlemagne aurait laissé reposer dans les terres des Marches qu’il avait délivrée des Sarrazins ». Ici, l’écrivain catalan rejoint un autre catalan, l’archéologue Jean Abelanet qui dans son livre « Lieux et légendes du Roussillon et des Pyrénées Catalanes » écrit ceci page 71: « …d’autres lieux-dits rappellent le souvenir de Roland et de ses adversaires. A la limite sud-ouest du territoire de Talteüll (Tautavel), près d’Estagell, le Verdouble dessine un grand méandre avant de venir en confluence avec l’Agli par une gorge étroite. Cette cluse creusée dans les calcaires porterait le nom de Porta de Rottlan (Roland) (Bulletin de Société Agricole Scientifique et Littéraire des P.O, 49, 1908, p 168 et 176). Un habitant d’Estagell m’a assuré qu’il existait à cet endroit une empreinte du pied de Roland (marmite d’érosion ?). Or, un autre auteur (M.Fauvelle, dans une « Notice sur les marbres d’Estagel », Bulletin Philomatique de Perpignan, n°1, 1834) donne à ce lieu de nom de Pota d’en Rolland. Il semble bien qu’il y ait eu confusion entre le toponyme Pota de Rottlan (empreinte du pied de Roland) et celui de Porta de Rottlan, qui paraît étranger à la toponymie catalane. En tous cas, le caractère légendaire des lieux est renforcé par un autre lieu-dit, qui nous renvoie aux exploits de Roland : le chaînon calcaire que contourne ce méandre du Verdouble porte, sur le cadastre, le nom de Cementeri dels Moros. De telles appellations font soupçonner l’existence de vieilles légendes, mais personne, tant à Talteüll qu'à Estagell ne semble en avoir conservé le souvenir ». Plus loin page 76 « J’ai cité plus haut, dans une boucle du Verdouble, un autre Cementiri dels Moros (cf, carte I.G.N) qui fait la limite entre les deux communes de Talteüll et d’Estagell : il semble bien en rapport avec l’histoire fabuleuse de Roland et de ses adversaires et il ne serait pas impossible qu’il y ait eu en ces lieux quelque vestige préhistorique (tombes ou nécropole) qui aurait donné support à cette légende ». Enfin notons que Louis Companyo, le célèbre naturaliste, dans son « Histoire naturelle du département des Pyrénées-Orientales » évoque la Vallée de l’Agly et écrit ceci : « C’est sur le territoire de Tautavel qu’on a découvert des carrières de marbre très estimées, parmi lesquelles nous signalerons le marbre jaune, imitant le jaune de Sienne, métairie Alzine, le bariolé austracite, nankin foncé, à idem, brèche Montoriol, près Tautavel, brèche Héricart, jaune et blanc, idem, brèche de Tautavel ou petit antique, idem, brèche mauresque, au cimetière des Maures, idem. M.Philippot, marbrier très habile, exploite ces carrières ». Voilà en résumé les textes que j’ai pu recenser de ce lieu. Notons au passage que dans le seul livre de Jean Abelanet cité plus haut, il y a deux orthographes différentes : « Cementeri » page 71 et « Cementiri » page 76. Apparemment, il ne s’agit pas d’une erreur topographique mais bien de deux variantes orthographiques, l’une occitane, l’autre catalane.
B) Toponymie : Bien des choses ont été écrites sur les toponymies arabes, et d’ailleurs, on trouve sur Internet, un remarquable résumé de tout ce que l’on doit savoir à ce propos dans le livre « Roches ornées, roches dressées », ouvrage collectif, sous la direction Michel Martzluff, en hommage à l’archéologue Jean Abelanet. Un chapitre signé Aymat Catafau intitulé « Toponymies « arabes » des Pyrénées catalanes : histoire ou légende ? » fait un inventaire exhaustif et illustratif de tous les toponymes rencontrées dans les Pyrénées catalanes. En voici le lien : https://books.openedition.org/pupvd/4272#resume. Que faut-il retenir de ce texte par rapport au cas particulier qui nous intéresse, à savoir ce « Cimetière des Maures » à Estagel ? Tout d’abord que s’agissant d’un hommage à Jean Abelanet, ce sont d’abord ses écrits qui sont mis en exergue et servent de base de travail. Notons néanmoins que dans la plupart des lieux cités, trois à quatre critères reviennent presque sans cesse : a) des observations archéologiques très proches y ont très souvent été recensées (dolmens, menhirs, roches gravées ou ornées, etc…). b) Les toponymes « arabes » seraient presque toujours expliqués par une légende locale, ici c’est celle de Roland. c) la mention « maures » fait toujours référence à des souvenirs douloureux et à ce propos, voici ce qu’a écrit Jean Abelanet « Quoi qu’il en soit, nous constatons que la toponymie catalane a été fortement marquée par les événements malheureux du VIIIe siècle. [...] la mémoire collective gardera un souvenir tellement terrible de ces années sombres que le nom des Maures restera associé à tout lieu, tour, fortification, grotte, tombeau, d’origine inexpliquée ou inquiétante. ». Il n’est pas le seul chercheur, loin s’en faut, à émettre cet avis. d) Enfin, il a été très souvent observé que les toponymes en question étaient des lieux de passage, des lieux élevés, voire carrément perchés, où la vue portait loin, où l’embuscade restait possible. Ici, à Estagel, si les trois derniers critères s’avèrent justes et présents, aucun vestige archéologique pouvant accréditer la toponymie en question n’a été formellement identifié dans ce secteur. Ce qui fait dire à Jean Abelanet, qu’il y en aurait peut-être le long du Verdouble, mais dans l’immédiat, aucune trouvaille archéologique n’est venue soutenir cette appréciation. Comme l’admet Aymat Catafau, ces quelques éléments pour expliquer une toponymie sont de nature à rendre l’historien plutôt sceptique. Les historiens ont donc cherché et se sont aperçus que la plupart de ces noms de lieux étaient plutôt récents et que dans de très rares cas seulement, ils étaient de « l’époque héroïque contre les Maures », c'est-à-dire d’une période allant du VIIe au IXe siècle, période plus souvent intitulée de présence sarrasine. Alors ne faut-il pas chercher ailleurs les explications à ce nom ? Comme je l’ai noté plus avant, cette colline a été exploitée pour ses mines de marbre mauresque (Louis Companyo), idem pour celle de Glorianes, où là-bas c’était l’or qui était recherché, or en catalan un cimetière s’écrit « cementiri », en espagnol, « cementirio », en occitan « cementèri» et en latin « coemeterium ». Un lieu où l’on concasse des pierres est une « cimentière » ou une « cimenterie », ayant pour origine le latin « caementum » dont la définition en français est « pierre à bâtir », « moellon » ou « pierre concassée ». Alors bien sûr, une « cimentière » ou une « cimenterie » était la plupart du temps, un lieu où l’on concassait des pierres pour en faire du ciment. Le ciment tel qu’on l’entendait autrefois et qui n’est pas celui que l’on trouve en sac de nos jours. Ici, au « Cimetière des Maures », les pierres à concasser ou à bâtir, ce n’est pas ce qu’il manque ! Il n’ y a d’ailleurs que ça : des pierres ! Pierres sous forme de minerais que l’on exploite depuis très longtemps (depuis quand exactement ?), pierres amoncelées anarchiquement et pierres élevées en édifices divers et variés. Comme on le voit, les mots sont proches les uns des autres, tant dans la manière de les écrire que dans leur phonétique, alors les scribes du passé n’auraient-ils pas commis une erreur de transcription ? Ne se sont-ils pas mélangé les crayons entre l’occitan et le catalan, dont un secteur où la frontière n’a eu de cesse de bouger au fil des siècles, des envahisseurs et des occupants. Il paraît que l’Histoire est bourrée d’erreurs de ce type ? D’ailleurs, quand dans « Google recherche », on s’amuse à taper « cimentière », les résultats continuent d’être orientés en priorité vers « cimetière ». N’est-ce pas un signe ? Le « cimetière » ne serait-il pas en réalité « une cimentière » ou une « cimenterie » et les Maures ne seraient-ils pas là seulement à cause de la qualité du marbre que l’on y a découvert au fil du temps, c'est-à-dire du « marbre dit mauresque » ou « marbre des Maures » ? Le « Cimetière des Maures » serait en réalité la « Cimentière ou la Cimenterie des Maures ». Roland et la légende des Maures prennent un sacré coup de Durandal derrière la tête mais cette idée d’erreur topographique n’est-elle pas une piste à creuser ? Cette thèse pourrait même être avalisée par une référence donnée par Jean Abelanet lui-même quand il cite « une « Notice sur les marbres d’Estagel », Bulletin Philomatique de Perpignan, n°1, 1834 ». En effet, en parlant d’Estagel et du lieu-dit « Pota d’en Rolland » évoqué, M.Fauvelle écrit ceci « C’est dans cette dernière localité que je crois la plus convenable pour l’exploitation en grand, d’abord parce que la rivière Verdouble au lieu appelé Pota d’en Rolland vient couper à pic les roches de marbre dans une profondeur de plus de 100 mètres l’on peut donc, dans ce lit de la rivière voir les marbres et juger de leur qualité avec plus d’avantages que si l’on avait pratiqué une excavation, ensuite, si jamais une exploitation a lieu sur ce point, la rivière qui ne tarit jamais servira de moteur pour les scieries, et les blocs, quelque énormes qu’on les suppose, pourront être débités en table dans la carrière même ». Notons que cet écrit date de 1834 et que « l’Histoire naturelle du département des Pyrénées-Orientales » de Louis Companyo date des années 1861 à 1864 et qu’entre ces deux périodes, des carrières ont vu le jour sur ce secteur du Verdouble. En tous cas, les vieilles cartes des Cassini du 18eme siècle, pas plus que les cartes d’Etat major de 1820-1866 ne mentionnent ce « Cimetière des Maures », n’est-ce pas là un signe qu’il faut chercher une réalité toponymique bien plus proche de nous et en rapport avec une activité qui aurait vu le jour entre 1834 et 1864 ? Alors rapport à Roland et aux Maures certes, mais le mot « cimetière » continue d’être un mystère à éclaircir.
C) Edifices en pierres sèches : Si il y a une certitude, c’est que tous les édifices que l’on aperçoit au « cimetière des Maures » et à la Serre de la Girouneille, qui est sa continuité collinaire, sont les résultats soit d’épierrements colossaux soit de pierres provenant des pierriers naturels. Je note d’ailleurs qu’il y a quasiment les mêmes, en face, sur l’autre versant de la vallée de l’Agly et sur les Monts d’Estagel, de l’autre côté du Verdouble. Plus globalement, et même si tout le midi de la France est concerné, il faut noter que cette partie de la Vallée de l’Agly est très exceptionnellement truffée d’édifices en pierres sèches. Je l’avais déjà noté lors de ma balade à « La Tourèze mystérieuse » depuis Latour-de-France, encore que la comparaison soit osée, puisque les cabanes ; « capitelles » et « orris » ; très nombreuses là-bas, sont quasiment inexistantes ici. Il y a sans doute une raison à cela et comme les capitelles ou les orris sont des habitats, je me dis que seule la très proche proximité de l’Agly et d’Estagel est peut-être la cause de cette quasi absence ici. Ajoutons que le « Cimetière des Maures » est bien plus accidenté et pentu que la Tourèze, et voilà certainement le motif de ces habitats moins nombreux. En réalité, concernant ces édifices de pierres, il y a, selon les historiens qui se sont penchés sur le sujet, deux thèses en présence. La première est que les enclos qui clôturent les parcelles seraient d’un usage uniquement local (Elie Malé). Ici, à Estagel et selon la tradition orale, ces parcelles étaient apparemment plantées de vignes. La deuxième thèse, est, qu’au Moyen-âge, Estagel étant sous la dépendance de l’Abbaye de Lagrasse (Aude), ces parcelles clôturées étaient « des lieux de concentration des transhumants », c'est-à-dire qu’elles étaient là pour accueillir temporairement les immenses troupeaux en route pour des pacages bien plus hauts et donc bien plus verts (Anny de Pous). Cette dernière thèse est difficilement admissible, d’abord parce l’organisation d’une telle transhumance de passages sur ces parcelles n’est étayée par aucun écrit et qu’ensuite, on voit mal des gens du cru s’engageaient dans des épierrement colossaux et dans des élévations titanesques, qui ont sans doute pris des années et des années, pour une activité dans laquelle ils ne sont pas pleinement intéressés, sauf à être payés pour le faire, ce qui, bien évidemment, reste toujours possible. Les deux thèses s’affrontent donc avec leurs avantages et leurs inconvénients. Quand on part jeter un coup d’œil aux parcelles clôturées du « Cimetière des Maures » et de la Serre de la Girouneille, on a beaucoup de mal à croire que l’on ait cru bon de planter de la vigne dans des lieux aussi ingrats et pentus et ce d’autant que la Vallée de l’Agly est là, à leurs pieds, bien plus fertile. Si cette théorie d’éventuelles cultures peut être aisément acceptée aux endroits où l’on aperçoit des terrasses, quel était l’intérêt d’y élever des clôtures aussi gigantesques tout autour ? L’instinct de propriété ? A quel prix ! Il faut donc chercher ailleurs, que dans la seule culture de la vigne, la réalité de ces ensembles architecturaux en pierres sèches. Il parait plus logique de penser que ces collines recelaient un grand nombre d’activités différentes : les cabanes étaient des abris pour se protéger des intempéries et ranger du matériel, les terrasses étaient plantées de différentes cultures, vignes sans doute mais aussi vergers, oliveraies, amanderaies, céréales, légumineuses selon la qualité des terres et leur hydrographie mais étaient à même d’accueillir des ruchers, les enclos étaient probablement là pour regrouper les troupeaux d’ovins ou de caprins et les sécuriser d’éventuels prédateurs nocturnes, les murs de soutènement permettaient de régulariser les pentes et de protéger les cultures en question des éventuels agresseurs naturels, tels que les sangliers ou autres cervidés, etc……En tous cas, rien dans ces activités agraires et pastorales ; or mis celle de l’exploitation minière ; ne permettent d’expliquer cette appellation de « Cimetière des Maures ». Une ou plusieurs de ces parcelles étaient-elles destinées à y ensevelir des morts ? C’est une hypothèse bien peu crédible et surtout qui n’a été étayée par une aucune découverte allant dans ce sens. Le mystère demeure et le charme de la découverte reste entier. N’est-ce pas mieux ainsi ?
C’est grâce à un blog ami que m’est venue l’idée de cette balade en boucle dont l’objectif principal est le « Château de Peyrepertuse ». Et comme il est ami, pourquoi ne pas dire qu’il s’agit d’ « A pied dans le 66 », site Internet remarquable car truffé de randonnées très souvent originales. On peut simplement regretter que les tracés n’y soient jamais mentionnés mais il faut être tolérant en la matière car ce n’est jamais simple de tenir un blog et de le faire perdurer. Chacun fait comme il l’entend et je suis bien placé pour savoir qu’il n’est jamais facile de plaire à tout le monde. Un blog, il faut être honnête, c’est d’abord un plaisir personnel dans le but de conserver d’heureux souvenirs. Si en plus on réussit à faire plaisir à d’autres personnes voire à les intéresser tant mieux. Toujours à propos des tracés, il est bon de s’y pencher personnellement dessus et ne pas tomber dans trop de facilités. En général, avec quelques explications plus une carte IGN sous les yeux on arrive le plus souvent à se débrouiller et si on ne se débrouille pas, il existe désormais pléthore de sites où les tracés sont le plus souvent présents et enregistrables dans un GPS. Enfin, on peut toujours contacter Patricia car la gentille webmestre d’ « A pied dans le 66 » répond toujours aux demandes avec beaucoup de complaisance. C’est ainsi qu’en analysant cette boucle en pays Peyrepertuses, j’en ai fait une version plus personnelle. J’ai démarré de Duilhac plutôt que de Rouffiac puis je l’ai quelque peu aménagée en évitant par exemple le Moulin de Ribaute que j’avais déjà eu l’occasion de découvrir et de décrire lors d’un autre circuit. Enfin, je l’ai accompli dans le sens inverse de celui proposé dans « A pied dans le 66 ». C’est donc une boucle de ma composition mais pour les itinéraires ils sont ressemblants à 85%. Notons toutefois un changement majeur par rapport aux anciens tracés, à savoir que l’on ne peut plus redescendre directement sur Rouffiac à partir du château de Peyrepertuse et que désormais on est contraint de faire le tour du Roc Rouge, cette décision ayant été prise par les gestionnaires du château par mesure de sécurité. Il semblerait que dans cette descente plutôt abrupte plusieurs visiteurs aient chuté. Cette information m’a été donnée à l’accueil du château alors même que je disposais de l’ancien tracé dans mon GPS et que je m’apprêtais à descendre par là. Je n’ai eu qu’à m’en réjouir, car à quoi bon prendre des risques inutiles, même si le parcours se rallonge ainsi d’un kilomètre ou deux. Voilà en préambule quelques mises au point qui me paraissent indispensables. Le château de Peyrepertuse, je l’avais déjà visité à 2 ou 3 reprises mais autant l’avouer, je n’y avais toujours vu qu’un tas de pierres, certes impressionnant, mais sans grand intérêt pour ma propre gouverne. J’avais vécu la déambulation au milieu de tous ces vestiges plus comme un jeu labyrinthique que comme une plongée dans l’Histoire régionale. Il est vrai qu’à l’époque, j’avais 30 à 40 ans de moins, je n’avais guère le temps de m’intéresser à l’Histoire car mon esprit était bien trop occupé à d’autres centres d’intérêts plus en rapport avec mon âge. J’étais insouciant et pas du tout en quête d’une quelconque vérité historique. Aujourd’hui tout a changé, je pense que l’Histoire peut aider à comprendre le présent, à plus ou moins bien l’assumer et puis surtout j’ai envie d’apprendre et de découvrir. C’est donc avec cet état d’esprit que je me suis mis à lire pas mal de choses à propos de Peyrepertuse et qu’en ce 12 octobre je démarre cette randonnée sous un soleil radieux. Une fois encore, je suis mon propre guide car venant de terminer la lecture de « La Seigneurie de Peyrepertuse » de René Quehen plus « Peyrepertuse, forteresse royale » de Lucien Bayrou, lisible sur le Net sur le site de Persée, autant dire que j’en connais un bon rayon quand à l’Histoire (*) de cet édifice, ou plutôt de ces édifices au pluriel. Le départ s’effectue de Duilhac où je laisse ma voiture sur un parking. Elle est un peu perdue au milieu de nombreux camping-cars mais je ne gêne personne à en croire une gentille dame qui d’emblée semble s’intéresser à ma présence. Nous blaguons un peu, de tout et de rien, mais la randonnée est longue et j’ai bien l’intention de prendre le temps de visiter le château alors je ne veux pas trop m’éterniser. Je lui souhaite une bonne journée et remonte la route bitumée dite du Château jusqu’à trouver les traces blanches et rouges d’un G.R. Ici, se côtoient le G.R.36 et le Sentier Cathare G.R.367. De toute manière, un panonceau directionnel ne tarde pas à m’indiquer la direction du château et j’emprunte un étroit sentier caillouteux entrant aussitôt dans le maquis. Le sentier s’élève dans un sous-bois de chênes verts. Quand il en ressort, une longue arête blanche apparaît droit devant au dessus de la végétation. Seuls les esprits profanes et les yeux inexpérimentés n’y verront pas les différentes murailles qui la dominent et s’y confondent dans la blancheur du calcaire. Je doute que de nos jours, on trouve encore des personnes venant visiter Peyrepertuse ignorant cet assemblage « défensif » volontaire. En tous cas, si confusion il y a, le randonneur montant par ce sentier, même s’il est novice, finira par apercevoir les différents remparts du château. Il faut dire qu’aujourd’hui avec un ciel bleu éclatant et pur, la longue crête blanche se détachant dans ce lavis a un effet quasi magnétique sur le regard. On ne voit que ça et il faut s’appeler « Jullien Gilbert » pour tenter de vouloir procéder à d’autres observations. Ici, il y a cette crête blanchâtre et un maquis méditerranéen et c’est à peu près tout. Si je dis « à peu près », c’est parce que je suis sans cesse aux aguets à chercher un oiseau, une fleur, un papillon ou tout autre chose d’atypique. Et bien évidemment, je finis par en voir ! Les photographier est encore plus compliqué mais comme j’y parviens parfois ça m’encourage à persévérer. A l’instant même où le sentier retrouve la route et que j’analyse mon GPS et mon bout de carte, deux sympathiques randonneurs me rassurent dans la direction à prendre. Nous avons quasiment le même âge, les mêmes atomes crochus pour la marche à pied et de ce fait, la discussion s’en trouve facilitée. Après quelques échanges sur nos balades respectives, je les remercie, traverse la route et monte en face. Quelques érables de Montpellier en plus grand nombre viennent colorer cette épaisse et olivâtre végétation. Rouges, oranges, jaunes ou bruns, les teintes sont si bigarrées que j’en suis même à me demander si dans le lot, il n’y aurait pas des érables champêtres, des chênes rouvres et quelques merisiers ? La haute falaise blanche et la forteresse sont déjà là, juste au dessus de ma tête, et quand je débouche de nouveau sur la route à proximité de l’accueil du château, quelle n’est pas ma surprise de voir le ciel s’assombrir pendant une fraction de secondes. Cet ombrage soudain et furtif, je le dois à un vautour fauve, lequel les ailes déployées, vient de passer en planant à seulement quelques mètres au dessus de ma tête. Ombre d’autant plus inquiétante que ce vautour insiste à passer au dessus de moi et qu’il a de nombreux alter ego, volant il est vrai à des altitudes bien différentes. Ça me rassure un peu de les voir voler un peu plus haut le plus souvent. Plus rassurantes encore sont les innombrables hirondelles des rochers qui occupent la falaise et planent sans discontinuer. Ce n’est qu’un va-et-vient incessant mais les photographier reste compliqué, d’abord parce que je ne parviens pas à me diriger exactement sous la falaise où elles sont en plus grand nombre et ensuite parce qu’elles ne tiennent pas en place. Là encore, il me faut faire preuve de patience pour parvenir à mes fins et réussir quelques photos à peu près correctes. L’accueil du château est là. Je constate avec bonheur qu’une longue passerelle a été installée au dessus du vide offrant des vues grandioses sur Duilhac et sur le double vallon que composent le Verdouble et les autres ruisseaux du secteur. Au loin, le castell cathare de Cucugnan ressemble à un chicot sur une gencive de collines bleutées. Il y a beaucoup de monde sur la passerelle alors j’attends que tout le monde la libère pour prendre quelques photos. A l’instant même où je me retrouve seul, j’ai droit à un double spectacle, celui immobile qu’offrent les époustouflants panoramas plongeants et celui carrément incroyable de deux ou trois vautours fauves interprétant un virevoltant ballet aérien. Ils semblent s’être donner le mot pour venir à mon encontre comme si un invisible dresseur leur avait dit « allez-y, n’ayez aucune crainte, il va vous prendre en photos ! ». La crainte, c’est plutôt moi qui l’ait, tant certains vautours passent parfois très près de mon objectif. Ces scènes improvisées me rappellent certains spectacles de rapaces ou de fauconnerie auxquels j’ai eu le plaisir d’assister. Les hautes murailles semblent leur servir de chapiteau scénique naturel. Ils disparaissent à l’instant même où d’autres visiteurs me rejoignent sur la passerelle. Il est temps pour moi de rejoindre l’accueil pour une visite du château mais là aussi il y a du monde devant la caisse, alors j’attends en visitant la boutique, jetant un œil intéressé sur les livres et un peu moins sur les bibelots divers et variés. Tout le monde a disparu et la caissière est seule, alors il est d’aller prendre un billet. J’en profite pour lui poser quelques questions. Bien m’en prend car elle m’indique que le sentier redescendant sur Rouffiac est fermé et elle a même la gentillesse de m’indiquer sur un plan l’itinéraire à emprunter désormais. Il me faudra contourner le Roc Rouge. Je prends mon billet mais sans l’audio pass. Je sais que si je le prends, je vais y passer l’après-midi. Ce n’est pas le but et la randonnée est encore longue et d’autant plus longue que le contournement du Roc Rouge n’était pas prévu au programme. Je passe plus de 2 heures à l’intérieur de la forteresse à la visiter bien sûr, à la photographier sous toutes les coutures, à pique-niquer mais également à photographier quelques oiseaux qui semblent y avoir élu domicile, sinon de manière sédentaire au moins lors de passages durables. Dans les murailles, j'y découvre les habituels rouges-queues noirs mais aussi un bruant fou et dans les contreforts, il y a des groupes de chardonnerets et de pinsons et d’autres passereaux un peu jaunes mais que je n’arrive pas à déterminer. Sans doute des serins ou des verdiers. Alors que les hirondelles résident sur les falaises sud, tous ceux-là fréquentent les versants nord et parmi eux, il y a surtout un inhabituel rouge-queue noir à front blanc que je réussis à surprendre dès la première photo. Il faut dire qu’il est peu craintif. Enfin, quand on est là-haut à presque 800 mètres d’altitude, il faut profiter pleinement comme j’ai pu le faire des grandioses panoramas. Force est de reconnaître que le site mérite bien son appellation de « Citadelle du vertige » ou de « Carcassonne céleste ». Du Pech du Bugarach jusqu’à la Montagne de Tauch en passant par la Quille, Quéribus et le superbe synclinal de Soulatgé, c’est une bien belle partie des Corbières qui s’offre au regard. Je viens de sortir de l’enceinte du château et il est 14 h tapantes quand je trouve le panonceau « Rouffiac-G.R.36 » dans un lacet de la route en contrebas de l’accueil. J’ai jeté un coup d’œil sur la carte IGN et j’estime à 1,5 km à 2 km la distance supplémentaire à parcourir. Me voilà donc partis pour ce long contournement du Roc Rouge sur un sentier aux difficultés plutôt inégales Les vues sur Duilhac continuent d’être belles mais il vaut mieux s’arrêter pour les regarder. Ne faites pas comme moi car ici les verbes « marcher » et « observer » ne sont pas accordables. A vouloir le faire quand même, je me suis retrouvé le cul dans un ajonc très piquant et mes fesses ont eu droit à une séance d’acupuncture gratuite. Quand à mes mains, elles n’ont pas trop apprécié de jouer au fakir. Elles s’en souviennent encore et apparemment le supplice des clous ce n’est pas trop leur truc ! Ce sentier, tantôt terreux, tantôt pierreux car traversant des éboulis, nécessite une certaine attention et seule sa terminaison en sous-bois puis sur un chemin agréablement herbeux est relativement facile. Au préalable et avant de rejoindre Rouffiac, un panonceau « Fontaine de la Jacquette (**) » m’a proposé une courte mais « dificile » entorse au circuit proposé. Difficile avec un seul « F », c’est le message qu’un autre randonneur a cru bon de rajouter au panonceau rencontré. Force de reconnaître que c’est aussi difficile d’atteindre la fontaine avec un seul « F » qu’avec deux. Moi, avant de venir ici, cette « Fontaine de la Jacquette » et cette histoire de gobelet en argent ayant appartenu à Blanche de Castille ont tellement intrigué mes lectures que je ne peux que me lancer dans cet aller-retour dédaléen, boisé, caillouteux et rocheux. J’ai redoublé de prudence et fais en sorte de ne pas retomber. J’avoue qu’au regard des difficultés rencontrées, j’ai du mal à croire qu’une reine ait pu venir se désaltérer à cette fontaine, même perchée sur une chaise à porteurs, ou alors elle était à l’agonie entrain de mourir de soif ! Quand au gobelet gravé aux armoiries de la reine qui aurait soi-disant roulé depuis le château, situé 600 mètres au dessus, jusqu’à la fontaine, puis retrouvé bien plus tard par un berger, je veux bien croire aux légendes mais là ce n’est plus un simple gobelet qui roule mais une timbale « téléguidée » tel un drone ! J’ai trouvé la fontaine en pierre du XIIIeme siècle. Il s’agit d’une voûte en demi-cercle enchâssée dans un talus de la colline, remplie d’une eau de source limpide et juste à côté, il y a un panneau indiquant que Blanche de Castille s’y était désaltérée. Or mis cette jolie légende que je connais désormais dans le moindre de ses détails (**), je ne trouve rien d’étonnant à cette fontaine d’eau claire. Le secteur n’est pas spécialement aride et en plus on sait depuis quelques temps déjà que les Corbières constituent une réserve d’eau douce quasi inépuisable. Cette Serre de Sagnes et ce Roc Rouge en font partie. A part ça, rien d’autres de vraiment folichon sauf il vrai trois étonnants locataires que sont des têtards déjà bien développés. Ils ont leurs quatre membres parfaitement en place et à les regarder avec leur corps cuivré et déjà tacheté, j’ai aussitôt pensé, non pas à des soldats castillans en armures, mais à des larves de salamandres. Après cette découverte, il ne me reste plus qu’à filer en direction de Rouffiac-des-Corbières. Je traverse la D.14 à hauteur du col de Grès et poursuis sur le G.R.36. Seul un faucon ralentit mon allure mais il est bien loin pour une photo que je voudrais parfaite. Je la tente néanmoins. Je poursuis, délaisse le G.R.36 et pars inspecter le village. Il est désert alors je déambule sans trop m’arrêter. Seule une enseigne où il écrit « Atelier – Boutik - Créagitateurs » ralentit cette visite mais comme j’entends de puissants fous rires à l’intérieur, je n’ose pas y entrer me disant que je vais probablement arriver là mal à propos et en tous cas comme un chien dans un jeu de quilles. Je continue vers l’église Saint Félix. Fermée. La mairie. Fermée. Finalement, je m’arrête près d’une jolie et imposante fontaine pour finir mon casse-croûte. Elle date de 1906 et est surmontée d’une très jolie statuette avec un enfant soulevant un gobelet. Sur l’instant, j’ai pensé qu’elle représentait le fameux berger ayant retrouvé le gobelet de Blanche de Castille mais après cette balade j’ai cherché sur le Net et j’ai finalement trouvé la bonne explication sur le site « Fontaines de France ». Il s’agit en réalité d’une figurine allégorique représentant l’automne parmi les quatre saisons. Ici, c’est un jeune vigneron, symbolisant sans doute Bacchus, accoudé à sa hotte pleine de raisins et soulevant probablement un verre de vin, le breuvage ayant été pendant fort longtemps la principale ressource agricole du village. La deuxième activité étant sans doute l’élevage d’ovins et de caprins, si j’en crois le nombre de bergeries en ruines qu’il y a dans les environs. Après cette courte pause, je continue désormais avec le GPS allumé car je sais qu’il va me falloir délaisser le G.R.36. Alors que je traverse le village toujours aussi désert par la rue de la Liberté, deux voitures arrivant face à face se débrouillent pour se télescoper gentiment. Aucun mal et seulement un peu de tôle froissée pour ces deux véhicules, lesquels apparemment n’en sont pas à leurs premiers accrocs. Les deux conductrices se chamaillent à peine et ne trouvent même pas utile de descendre pour constater les menus dégâts. Je me dis qu’ici, loin de la vie stressante, les gens sont plus cools, qu’ils relativisent les incidents et probablement un peu tout le reste. J’aime bien. La « rue de Liberté » guidant mes pas, je passe devant un imposant lavoir, puis devant un calvaire et me retrouve presque aussitôt dans la campagne. Posées sur des fils, de nombreuses hirondelles s’épucent en plantant leurs becs dans leur plumage. Les photographier dans une position stable devient une gageure. Non moins remuant mais sans puce, un rougequeue noir vient jouer les indiscrets. Tout au loin, dans le ciel du château de Peyrepertuse et du Roc Rouge, plusieurs parapentistes se sont lancés dans de « spacieuses » circonvolutions faisant ainsi une belle concurrence aux vautours fauves, lesquels semblent disparaître peu à peu. Le large chemin sortant du village est bon et plat et de ce fait, je n’ai aucun mal à accélérer mon rythme de marche. Seuls quelques passereaux, plutôt nombreux dans les prés, que je veux photographier, réussissent à le ralentir. Le chemin atteint un sous-bois, entre dans la forêt puis longe désormais la rivière Verdouble se trouvant sur ma gauche. La rivière, on la devine seulement mais je fais toujours très attention à rester sur le chemin le plus à droite car d’autres descendent parfois vers elle. La rivière reste constamment invisible et sur l’autre versant de son vallon, seule une colline boisée balafrée d’une étrange barre rocheuse apparaît. Les vautours semblent là et en tous cas, il y en a quelques uns qui tournoient autour d’étranges rochers ressemblant à de colossales cheminées de fées. Un étroit sentier prend le relais du large chemin et le sous-bois devient permanent. Ce sentier file sur les contreforts des modestes sommets très boisés que sont le Sigle de la Rabazole et la Serre de Grès. Le Verdouble reste toujours invisible. Il en est ainsi tout au long du lieu-dit Carbonnières et jusqu’à un pont menant à une bergerie. Le Verdouble est enfin là et je vais m’évertuer mais en vain à vouloir photographier une mésange charbonnière et une bergeronnette occupant son lit. Une demi-heure de perdue pour un piètre résultat mais ce court repos est arrivé à bon escient. Je laisse le pont et continue la voie bitumée montant à droite. Quelques raccourcis m’entraînent très vite vers le col de la Croix Dessus. Seul le haut d’un bikini accroché à un buisson m’amuse quelque peu et je me dis que décidément le secteur est propice à ce que les femmes y perdent quelque chose. Après la légende du gobelet, aurons-nous droit à celle du soutien-gorge ? Je connais bien ce col de la Croix Dessus et le chemin qui descend vers Duilhac pour y être passé lors d’une randonnée au Moulin de Ribaute. Duilhac est là avec de jolis potagers. J’y découvre d’étranges légumes mauves que je n’avais vus jusqu’ici qu’en photos dans des catalogues spécialisés. Il s’agit d’amarantes têtes d’éléphant. Elles me font penser au chapeau d’un bouffon voire à la coiffe de certaines « showgirls ». Je traverse le village et par bonheur j’y découvre son église Saint Michel ouverte. J’en profite pour la visiter. Il y a deux jolis autels, de bien beaux vitraux, de charmantes statuettes et un mobilier plutôt sobre. Mes lectures m’ont appris qu’au 12eme siècle cette église tout comme la forteresse de Peyrepertuse avaient été données au prieuré de Serrabonne par l’archevêque de Narbonne Richard de Millau. En réalité, à cette époque, il y avait trois églises à Peyrepertuse. Celle du château dédiée à Sainte-Marie, celle dédiée à Saint-Etienne qui a été localisée avec son cimetière sur une terrasse à l’est du château et enfin Saint-Michel où je me trouve. Je note sur son porche d’entrée différentes décorations : une croix, plusieurs rosaces, une frise avec des écus et une autre avec des anges. Il y a également une inscription qui serait gothique mais elle n’est pas perceptible. Ma balade à la « Citadelle du vertige » et tout autour se termine par cette découverte de l’église. Je serais bien parti rendre hommage Henri-Paul Eydoux, résistant, archéologue et écrivain de renom et un de premiers historien contemporain à s’être intéressé au château de Peyrepertuse mais également à de très nombreux autres châteaux médiévaux et cathares mais il est déjà bien tard et en plus j’ignore où se trouve le cimetière du village. De toute manière, je suis bien décidé à revenir car je veux faire découvrir Peyrepertuse à mes petits-enfants un jour prochain. Telle qu’expliquée ici et enregistrée dans mon GPS, cette balade a été longue de 14,20 km pour des montées cumulées de 1.407 mètres. Je n’ai pas noté les altitudes mais il semble que le point le plus haut soit le château à 796 m d’altitude à proximité de la chapelle San Jordi et le plus bas à 300 m sur le pont enjambant le Verdouble soit un dénivelé de 496 mètres peu significatif. J’ai démarré à 9h50 et ai terminé à 18h30 mais comme très souvent ce temps ne doit pas être pris comme une référence. Carte IGN 2447 OT Tuchan – Massif des Corbières Top 25.
(*) Histoire de Peyrepertuse et de sa forteresse : Résumer l’Histoire de Peyrepertuse n’est pas une mince affaire car le site a traversé les siècles avec une activité presque incessante du 1er siècle avant J.-C. jusqu’à nos jours. Par activité, il faut entendre « attrait » ou « attractivité », c'est-à-dire l’intérêt que les hommes ont pu lui porter pour des raisons multiples et diverses et pas seulement pour l’ Histoire guerrière ou défensive des fortifications que le site supporte. Bien évidemment, de très nombreux historiens et chercheurs très compétents se sont penchés sur son Histoire, sur ses architectures, sur sa situation géologique, ont effectué des fouilles et que sais-je encore et je comprends qu’ils aient cru bon et nécessaire d’inscrire l’Histoire de Peyrepertuse dans le contexte historique de l’instant et des lieux. Le condensé que je présente ci-dessous n’a pas autant de prétention pas plus que celle de retracer la généalogie des seigneurs ayant portés le nom de Peyrepertuse, bien d’autres personnes l’on fait magnifiquement. Plusieurs sites Internet retracent l’Histoire de cette généalogie. Non, cet abrégé n’est que le reflet le plus raccourci possible des livres que ces historiens et chercheurs ont écrit et que j’ai lu. Si je le présente ainsi, c’est parce qu’il m’a fallu beaucoup lire et qu’en conclusion, je n’ai trouvé aucun condensé ou résumé satisfaisants retraçant l’essentiel de l’Histoire de Peyrepertuse. Je me suis dit que d’autres lecteurs intéressés par le sujet auraient peut être envie d’un condensé de ce type. Le voici donc avec les principaux éléments que j’en ai retenus mais sans prétention aucune, avec probablement des maladresses, peut-être des oublis mais avec le souci constant d’essayer, autant que faire se peut, de m’en tenir au site de Peyrepertuse essentiellement :
1- Antiquité : Plusieurs fouilles et quelques découvertes de briques, tessons, débris d’amphores ou de tuiles, de pièces de monnaie dans divers endroits laissent à penser que le site de Peyrepertuse ait été occupé lors de l’époque de la Gaule narbonnaise puis de la Gaule romaine soit entre le Ie siècle av. J.-C et le Ve siècle ap. J.-C. Un petit oppidum voire un fort y ont-ils été érigés à un moment donné ? Certains historiens sont enclins à le penser mais aucun vestige formel d’une construction de cette époque n’a été retrouvé sur le site actuel. Dans son livre René Quehen indique que Peyrepertuse s’écrivait autrefois « Petrapertusa » dans les textes rédigés en latin signifiant la pierre ou la roche percée. Il imagine que ce lieu naturellement stratégique, puisqu’il permet de voir loin, ait pu être « sacré », puisque chez certaines peuplades, les pierres percées avaient à la fois un caractère symbolique préservant des malédictions et des vertus fécondantes, l’acte de percer étant à rapprocher de l’acte sexuel et un orifice dans un objet de celui d’une matrice féminine. Ici, il n’est pas exclu que le « percement » soit une grotte, une cavité ou un boyau dans la colline de Peyrepertuse, passage secret ou pas, voire un simple aven. Il y en a.
2- Du Ve au VIIIe siècle : Du Ve au VIIIe siècle, il semble qu’aucune mention écrite ne fasse référence ni à Petrapertusa ni à Peyrepertuse pendant ces siècles-là et on sait seulement que la région est soumise à diverses invasions que l’on dit « barbares » puis à des périodes de paix. On connaît les Huns, les Vandales, les Goths et les Francs et un peu moins les Alains, les Suèves, mais tous ces gens-là traversent la Gaule, la pillent, s’installent et la plupart d’entre-eux poursuivent leur route jusqu’en Espagne voire en Afrique. En face, les musulmans ne sont pas en reste. En 410, les Wisigoths s’implantent en Gaule méridionale après la mise à sac de Rome par Alaric 1er. En 507, malgré leur défaite de Vouillé face aux Francs, les Wisigoths restent en Septimanie aidés qu’ils sont par les Ostrogoths. Grâce à Grégoire de Tours (538-594) et à ses manuscrits, on connaît bien l’Histoire de cette période et « l’Histoire des Francs » en particulier. On sait par exemple que de nombreuses forteresses sont érigées, améliorées et agrandies et notamment la plus connue d’entre-elles qui est Carcassonne. On peut imaginer que le premier fort de « Roquepertuse », peut être un simple poste militaire, ait été construit au cours de cette période et qu’il y eut un intérêt à le faire tant les tensions se multiplient entre les différents envahisseurs et les Sarrasins. En 711, les armées musulmanes envahissent la quasi-totalité de la péninsule ibérique et parviennent jusqu’à Narbonne en 719, puis à Carcassonne en 725. Ils essayent de s’emparer du royaume franc mais en 732 Charles Martel les arrête à Poitiers. En 759, son fils Pépin le Bref reprend Narbonne et la Septimanie. Sous Charlemagne, couronné empereur en l’an 800, la région est englobée dans l’Empire carolingien. La Marche d’Espagne constitue la frontière politico-militaire avec l’Hispanie musulmane et la région est organisée en districts, comtés, vigueries et autres circonscriptions.
3- Du IXe au XIIe siècles : C’est ainsi qu’apparaissent un certain nombre de noms que nous retrouvons de notre jour : Cerdagne, Roussillon, Urgell, Empuries, Besalu, Capcir, Conflent, Fenouillèdes, Razès, Carcassès après qu’en 801, Charlemagne se soit emparé de Barcelone. Il semble que ce soit en 806 que la dénomination « Perapertusès » entre dans l’Histoire pour la première fois. Perapertusès, c’est le petit « pagus » de la « pierre percée » qui fait partie intégrante du comté du Razès tout comme le Fenouillèdes. En 842, on retrouve le Peyrepertusès (Pagus Petrepertuse) lorsque Charles le Chauve accorde à l’un de ses vassaux nommé Milon, la propriété de fiefs situé en comté Fenouillèdes. Les comtés se font et se défont au rythme des affrontements que se livrent Francs et Sarrasins auxquels viennent se mêler d’autres hordes comme les Normands qui dévastent le pays de 855 à 862 et mêmes les Hongrois qui ravagent la Septimanie en 924. Le destin de Peyrepertuse est lié à celui du Razès et l’on sait qu’en 863 et 864, ce dernier est octroyé au comté de Carcassonne. On retrouve le nom de « Peyrepertusès » dans divers actes en 875, 876 (Territorium Petra Pertusense) et 888 dont certains sont liés à des donations. De 920 à 928 puis de 928 à 967, le comté des Fenouillèdes et le Peyrepertusès appartiennent respectivement aux comtes Miron et à Sunifred, son fils, au sein du comté de Barcelone. En 980 et 981, le Razès et Peyrepertuse sont convoités par Oliba 1er dit Cabreta, comte de Besalu mais le comte Roger 1er de Carcassonne les conserve en lui infligeant une défaite. Ce n’est qu’en 1010 et par le jeu des héritages, qu’Oliba 1er, également comte de Cerdagne, hérite de plusieurs comtés catalans et de celui des Fenouillèdes, de ce fait la seigneurie de Peyrepertuse passe entre ses mains. Quand Oliba Cabreta se retire à l’abbaye du Mont Cassin, c’est son fils Bernard Taillefer qui hérite du Peyrepertusès. Il est comte de Besalu puis de Ripoll jusqu’en 1020. C’est à cette date-là qu’apparaît un « castrum » de Perapertusa dans un texte puis en 1050 un autre texte mentionne « Castellum quem dicunt Petrapertusa ». A sa mort, c’est son fils aîné Guillaume dit le Gras qui hérite d’une partie des possessions et de certaines dépendances parmi lesquelles le château et le pays de Peyrepertuse et ce jusqu’en 1052. Les héritages se succèdent de pères en fils au sein du comté de Besalu désormais uni à la Maison de Barcelone et ce jusqu’en 1111 quand Bernard III décède sans aucune postérité, laissant au travers de son testament toutes ses possessions, dont Peyrepertuse, en héritage au très jeune Raimond Béranger III, comte de Barcelone de 1096 à 1131. Bernard Guillaume, comte de Cerdagne descendant lui aussi de la branche d’Oliba Cabreta conteste ce testament. Un arrangement est trouvé mais le comté de Fenouillèdes et Peyrepertuse reste néanmoins la possession du comté de Barcelone. En 1117, à la mort de Bernard Guillaume, la Cerdagne et le Conflent viennent s’ajouter au comté de Barcelone formant ainsi un ensemble politique considérable composé des maisons comtales de Barcelone, Besalu, Cerdagne et Provence. Ensemble considérable qui fait des envieux et se délite par les convoitises qu’il engendre et surtout car le nouveau comte de Barcelone Raimond Béranger III est très jeune. Certains profitent de cette immaturité, comme le vicomte de Carcassonne Bernard Aton Trencavel qui veut étendre sa puissance personnelle. Les comtés de Barcelone, de Carcassonne et de Toulouse se livrent des luttes sans merci et des lignes de défense sont édifiées formant ainsi une frontière entre les différents belligérants. En 1112, un traité est conclu mais Peyrepertuse n’est pas cité dans les concessions de chacun. En 1137, Raimond Béranger IV de Barcelone épouse la reine Pétronille d’Aragon et en 1162, le comté de Fenouillèdes tombe dans l’escarcelle d’Alphonse II, roi d’Aragon. Aux environs de 1150, un serment mentionne que la seigneurie de Peyrepertuse est inféodée à Pierre et Arnaud de Fenouillet. Avec d’autres forteresses appartenant au royaume d’Aragon, celle de Peyrepertuse située sur la frontière devient un élément de défense face au royaume de France. Le vicomté de Narbonne détient le comté du Fenouillèdes et Peyrepertuse en fief.
4- XIIIe siècles à nous jours : Fin du XIIe et début du XIIIe, le royaume d’Aragon est devenu trop vaste et doit faire face à divers fronts. A l’ouest, la Navarre et la Castille, au sud les Musulmans et au nord le royaume de France. Les rois de France profitent de cette situation et de la Croisade contre les Albigeois (1209-1229) pour annexer le Fenouillèdes et Peyrepertuse dès 1220. Trop compliqué à administrer, la France donne le pays en fief à Nunyo Sanche, comte de Cerdagne et du Roussillon, prince de la maison royale d’Aragon et de Barcelone. Le nouveau vicomte n’arrive pas à faire valoir ses droits car entre temps le Fenouillèdes et le Peyrepertusès sont devenus le refuge des cathares, cathares pourchassés par Simon IV de Montfort, duc proclamé de Narbonne, du pays Fenouillèdes et du Peyrepertusès. Aidés de certains croisés, ce dernier n’a de cesse de vouloir anéantir les cathares auxquels pourtant de nombreux seigneurs ont fait allégeance pour des raisons plus politiques que religieuses, c’est le cas de Guillaume de Peyrepertuse qui occupe le château éponyme ainsi que celui de Puilaurens. Pourtant dès l’an 1217, Guillaume de Peyrepertuse s’était rallié à Simon de Montfort, auquel il avait promis fidélité. Cet acte l’avait contraint à « tenir la frontière contre ses ennemis » à partir du château mais ne respectant pas ces engagements, il est excommunié en 1224. C’est une période trouble où les chevaliers sont également enclins à partir en Terre Sainte lors des Croisades. L’année 1226 voit se durcir les luttes contre l’hérésie cathare et le nouveau roi de France Louis VIII le Lion se lance dans une deuxième « croisade contre les Albigeois ». Il meurt cette même année et c’est Louis IX dit Saint Louis qui lui succède. Les brutalités demeurent. En 1229, le Traité de Meaux présente Guillaume comme étant le « seigneur de Peyrepertuse ». La suite n’est qu’un long imbroglio car en 1239, Nunyo Sanche vend Peyrepertuse et sa seigneurie au roi de France Saint-Louis, dont le château est toujours occupé par Guillaume de Peyrepertuse. Malgré une résistance, Jehan de Belmont, le chambellan du roi, s’empare du château en 1240. Guillaume de Peyrepertuse est contraint à une reddition et à une soumission. Cette même année et après l'échec de la tentative de reconquête de Carcassonne par le vicomte Raimond II Trencavel, les armées de Saint Louis s’installe dans la cité de Carcassonne créant ainsi une ville bicéphale puisque dans le même temps, les Carcassonnais déjà en place sont autorisés à s’installer sur l’autre rive de la Garonne. Cette prise de Peyrepertuse ajoutée aux autres forteresses déjà possédées que sont Puilaurens, Quéribus, Termes et Aguilar, toutes situées au sommet de pitons rocheux également « imprenables » engendre un ensemble protecteur plus connu sous le nom des « Cinq fils de Carcassonne ». Mais il semble que Peyrepertuse comme d’autres châteaux continuent d’attirer les convoitises ou à servir de refuge à des « faydits » ou à des cathares et très souvent, ils sont les deux en même temps. D’autres seigneurs ayant adhérés à cette cause dont ceux de Niort en Pays de Sault que l’on appelle les « Loups du Rebenty » sont défaits par le connétable du roi Humbert de Beaujeu et contraints eux aussi à une reddition en 1242. Les seigneurs cathares du Midi sont pratiquement tous hors d’état de nuire et nombreux sont ceux qui changent de camp trouvant un intérêt certain à rejoindre le parti des vainqueurs. En 1242, le roi Saint-Louis prend la décision d’agrandir le château. Il fait construire le donjon Sant Jordi et des murailles au plus haut de la crête donnant ainsi son nom au long escalier creusé à même la roche menant à ce nouvel ensemble de fortifications. Plusieurs années sont nécessaires pour terminer ce chantier qui va durer jusqu’en 1258. Le Traité de Corbeil de 1258 signé entre le roi d’Aragon Jacques 1er le Conquérant et le roi de France Saint-Louis fixe la frontière au sud des Corbières mais à propos du Fenouillèdes et le Peyrepertusès, il ne fait qu’entériner l’annexion de 1220 et la cession de 1239. Les deux petites régions deviennent définitivement françaises. C’est ainsi que Quéribus, Puilaurens, Fenouillet, Castel Fizel, Puivert, Montségur, Peyrepertuse deviennent des bastions royaux français chargés de garder la nouvelle frontière face au royaume d’Aragon. Des garnisons de soldats de métiers restent sur place mais n’auront plus guère l’occasion de batailler. En 1285, lors de la guerre entre Philippe le Hardi et les Catalans, Peyrepertuse sert de résidence forcée à de nombreuses et riches familles de Perpignan. Entre 1263 et 1366, on retrouve le nom de Peyrepertuse dans de nombreux actes qui n’ont trait qu’à des faits assez banaux concernant la seigneurie ou la lignée des seigneurs portant encore le nom. La plupart d’entre-eux restent fidèles et loyaux aux différents rois de France et restent en place au plus près de leurs anciennes possessions. Il en sera souvent ainsi au cours de l’Histoire. En 1355, le château est remis en état de défense probablement en raison des menaces que font peser les Anglais sur la France en général et notamment Edouard de Woodstock plus connu sous le nom de Prince Noir qui vient menacer le Languedoc. Mais les Anglais ne sont pas les seuls ennemis à redouter car de l’autre côté des Pyrénées, le roi Pierre IV d’Aragon a toujours des intentions expansionnistes et belliqueuses. En 1356 et 1357, il y a aussi les Compagnies de Routiers, fameux mercenaires qui font régner le terreur, pillent, demandent des rançons et détruisent de nombreux châteaux et villages et notamment dans le Rhedesium, qui n’est ni plus ni moins le nom latin de la région audoise autour de Rennes-le-Château qu'on appelle Razès. On ignore si le château de Peyrepertuse est concerné mais l’histoire mentionne une période de relative tranquillité. Il faut attendre 1367 et l’arrivée d’Henri de Trastamare, roi de Castille et de son épouse qui viennent se réfugier au château pour retrouver un semblant d’agitation (**). En 1393, le roi Charles V ordonne au sénéchal de Carcassonne de pourvoir à la réparation des châteaux de la frontière et « le chastel de Pierre Pertuse » en fait partie. Par la suite et en l’absence d’utilité militaire, comme bien d’autres châteaux, celui de Peyrepertuse est laissé à l’abandon. En 1404, il y a une visite épiscopale de l'église et de la chapelle du château. De 1483 à 1527, certains documents font état du château mais pour des faits assez mineurs ou bien pour mettre en exergue son état de délabrement. En 1573 en raison des troubles qu’occasionne la guerre des Religions, les Espagnols passent la frontière et essaient quelques incursions mais ils sont refoulés par Guillaume de Joyeuse, gouverneur du Languedoc. En 1580, Jean de Graves, seigneur de Sérignan, s'empare du château au nom de la Réforme des Protestants, mais il est rapidement pris et exécuté. Ce n’est qu’en 1597 que les Etats du Languedoc, région gouvernée par le duc Henri de Joyeuse, enjoignent au roi Henri IV de faire réparer les châteaux de Peyrepertuse, Quéribus et Termes situés sur la frontière avec l’Espagne car ils tombent en ruines. En 1659, le Traité des Pyrénées, signé entre le roi de France Louis XIV et le roi d’Espagne Philippe IV met fin à des guerres incessantes qui ravagent l’Europe entière. Avec l’annexion du Vallespir, du Roussillon, du Capcir et du Conflent, la frontière s’éloigne encore un peu plus de Peyrepertuse. Le château est déclassé car il ne présente plus aucun intérêt stratégique, toutefois, comme il demeure une propriété royale, une toute petite garnison royale y est maintenue jusqu’à 1781. Lors de la Révolution de 1789, le château est à l’abandon. En 1793, lors de l’invasion des armées espagnoles, Peyrepertuse semble retrouvé un peu d’importance dans la protection du district de Lagrasse et on analyse l’intérêt qu’il y aurait à le remettre « en état de défense » avec les forteresses de Quéribus et de Viala. C’est un certain Champagne, ingénieur de son état qui est chargé de cette analyse mais le 17 septembre de la même année, les Espagnols sont défaits à la Bataille de Peyrestortes et le projet de restauration devient inutile. En janvier 1820 et au titre de Bien National, un géomètre du nom de Lacroix est chargé d’estimer le château, lequel est finalement acheté 690 francs en juillet par deux habitants de Duilhac-sous-Peyrepertuse : Joseph Séguy et Jean-Paul Burgade. Il devient ensuite bien communal rattaché à la commune de Duilhac. Le 19 mars 1908, il est classé aux Monuments Historiques. Dans les années 30, le site retrouve un intérêt aux yeux de quelques chercheurs. En 1950, commence la première campagne de restauration et de consolidation. Il faut dire que la « Citadelle du vertige » est depuis quelques temps déjà sous la fascination de certains historiens, archéologues et autres chroniqueurs médiévaux. C’est le cas d’Annie de Pous qui s’intéresse au château dès 1939 et retrace son histoire dans « un Bulletin monumental » sous le titre de « le Perapertusès et ses châteaux ». Il y aura ensuite René Quehen, Lucien Bayrou, Madeleine et François Burjade, Henri-Paul Eydoux, Jean-Louis Gomez-Guilloux pour ne citer que les plus prestigieux ou ceux qui ont œuvré à laisser quelques ouvrages plus qu’intéressants. En 1970, une route est tracée facilitant l’accès à l’édifice. Enfin et pour conclure et comme indiqué dans l’encyclopédie Wikipédia à l’article consacré aux « Châteaux du Pays cathare », « on désigne sous le vocable de « châteaux cathares » un ensemble de châteaux situés dans une région où le catharisme s'est développé, cependant la plupart des châteaux appelés « cathares » n'ont pas de rapport (voire si peu) avec l'histoire de l'hérésie dualiste du XIIe siècle en Occitanie ». Certains cathares sont venus se réfugier à Peyrepertuse et dans d’autres châteaux de la région, mais cela n’a rien de surprenant. En effet, il est assez facile d’imaginer que de tout temps, cette crête rocheuse a été un refuge naturel à la fois pour les habitants du secteur quand ils se sentaient en danger, qu’ils soient de Duilhac, de Rouffiac ou bien d’un peu plus loin mais également pour tous ceux qui étaient pourchassés pour diverses raisons. Les invasions barbares, les razzias arabo-musulmanes, les luttes intestines entre comtés, les guerres diverses et variées ont été autant d’occasion de venir se percher à Peyrepertuse pour se mettre à l’abri, mais également pour guetter et deviner de quel côté arrivaient les ennemis.
Nota : Pour ce condensé, la plupart des mentions historiques citées ont été extraites du livre « La Seigneurie de Peyrepertuse » de René Quehen édité par l’auteur et du livre « Peyrepertuse. Forteresse royale », document d’un groupe de chercheurs sous la direction de Lucien Bayrou, édité dans Archéologie du Midi Médiéval supplément N°3 à l’Edition du Centre d’Archéologie Médiévale du Languedoc avec le concours des entreprises Py et Bodet. Ce document est accessible sur le site Persée.fr. D’autres informations, le plus souvent vérifiées, ont été pêchées deci delà dans divers sites Internet et livres historiques.
(**) Blanche de Castille et la légende du gobelet de la Font de la Jacquette : Autant l’avouer cette légende du gobelet de la Font de la Jacquette ayant appartenu à une reine de Castille m’a très intéressée et par instant elle m’a carrément intriguée. Plusieurs raisons à cela. La première est qu’elle s’inscrit dans une histoire vraie et j’aurais même du écrire « Histoire » avec un grand « H ». La seconde est qu’en approfondissant le sujet, j’ai appris qu’il y avait eu plusieurs Blanche de Castille dans l’Histoire et que celle de la légende n’est pas la plus connue, loin s’en faut. Troisièmement, plusieurs historiens semblent en désaccord quand il s’agit de préciser de quelle reine de Castille il s’agit et si je dis « reine » et non plus « Blanche », c’est parce qu’il y a une bonne raison à cela et enfin quatrièmement la légende est belle mais là aussi, les recherches historiques aboutissent à de nombreuses incertitudes. Je me suis donc lancé dans une espèce d’enquête policière pour connaître sinon la vérité au moins l’authenticité la plus proche. J’en ai tiré des conclusions mais elles ne sont que personnelles et le fruit de mes seules réflexions. Comme toujours, je me suis aidé d’Internet et de la lecture de deux livres principaux où la légende est la plus évoquée : l’ouvrage le plus ancien est « le Comté de Razès et le diocèse d’Alet » de Louis Fédié paru en 1880 et le second est « la Seigneurie de Peyrepertuse » de René Quehen paru en 1975. Il y a donc presque un siècle entre les deux livres, siècle pouvant expliquer les réelles contradictions. J’ai lu bien d’autres livres et sites Internet afin de tenter d’en savoir un maximum à propos des deux reines de Castille susceptibles d’être à l’origine de cette légende. Comme très souvent quand il s’agit de remonter le temps, les histoires se croisent, les personnages affluent en nombre et tout se complique. Rappelons la légende : « Une reine de Castille ; dont la légende prétend qu’elle s’appelait Blanche, avait trouvé refuge au château de Peyrepertuse. Elle avait pris pour habitude de venir près d’une source d’eau claire qui se trouvait au pied de la forteresse. La fameuse « Fount del Jacquetta ». Elle venait là pour pleurer sur son sort d’épouse délaissée et de reine déchue. Elle s’y désaltérait aussi à l’aide d’un gobelet en argent. Un jour, distraite, elle laissa échapper le gobelet sur lequel il y avait les armoiries du royaume de Castille. Ce dernier roula et lui échappa à jamais. Bien plus tard, un berger le retrouva et le vendit au seigneur de Rouffiac. Il semble qu’avant la Révolution de 1789, ce gobelet était entre les mains du Trésorier royal du Pays Fenouillèdes résidant à Caudiès et que ce dernier y veillait dessus comme la plus précieuse des reliques. On ignore ce qu’il est advenu depuis mais la légende est restée en l’état ». Voilà maintenant les résultats de mon enquête : D’emblée, il faut ôter toute ambiguïté quand à la plus connue des Blanche de Castille (1188-1252), à savoir la reine de France ayant épousé en 1200 le roi Louis VIII dit le Lion (1187-1226). Elle est la mère du roi Louis IX dit Saint-Louis (1214-1270). Louis VIII meurt rapidement et Louis IX étant trop jeune pour gouverner, c’est elle qui assure la régence. On note qu’elle s’est mariée à 12 ans, qu’elle a eu 12 enfants et on voit mal pourquoi elle aurait eu en mains un gobelet aux armes de la Castille plutôt que celui aux armoiries du royaume de France. On sait qu’elle est venue en Languedoc mais le seul lien hypothétique le plus proche de Peyrepertuse est une éventuelle venue à Rennes-le-Château où elle aurait cacher le « fameux » trésor retrouvé par l’abbé Saunière. Une autre légende qui n’a jamais été dénouée ! Vouloir résoudre une légende avec une autre légende ne me semblait pas très sérieux et j’ai cru préférable de m’en tenir au maximum à ce que l’on sait de l’Histoire. On peut donc raisonnablement écarter cette Blanche de Castille là et ce d’autant que rien n’indique qu’elle soit venue à Peyrepertuse. D’ailleurs, c’est ce que font aussi bien Louis Fédié que René Quehen. Par contre, l’Histoire suivante est plus avérée car elle a été relatée par des historiens contemporains de l’époque et notamment Pero López de Ayala puis relayée par divers chroniqueurs au cours des siècles suivants. La voilà : L’Histoire d’Espagne nous apprend qu’en 1350, Pierre le Cruel (1334-1369) qui a 16 ans succède à son père Alphonse XI sur le trône de Castille. En 1352, une alliance avec le roi de France Charles V le Sage est signée. Cette alliance prévoit un mariage avec Blanche de Bourbon (1339-1361) et le versement d’une dote de 300.000 florins. Le 3 juin 1353, cet accord est entériné par le mariage. Pierre le Cruel épouse Blanche de Bourbon, fille de Pierre 1er de Bourbon, arrière petit-fils de Saint-Louis. Blanche est alors âgée de 14 ans. (Ici j’ouvre des parenthèses car Louis Fédié dans son livre « Le comté de Razès et le diocèse d'Alet » évoque une Blanche de Bourgogne, ce qui semble faux car si l’histoire retient bien une Blanche de Bourgogne, reine de France et de Navarre et épouse de Charles IV le Bel, elle est déjà morte depuis 1326 et puis surtout elle ne bénéficie d’aucun titre sur le royaume de Castille). Pierre le Cruel a donc épousé Blanche de Bourbon moyennant une dot de 300.000 florins qui ne sera jamais versés selon l'échéancier prévu. Prenant comme prétexte ce non versement de la dot et quelques autres allégations, Pierre le Cruel l’abandonne deux jours plus tard et part vivre avec sa favorite Maria Padilla. L’écrivain contemporain Pero López de Ayala nous apprend que Blanche est d’abord reléguée à Arévalo (16 août 1353) puis à Tolède (août 1354) puis emprisonnée à Siguënza (22 mai 1355), à Jerez (mars et avril 1359) et enfin à Medina-Sidonia où le roi l’a fait assassiner en juin ou juillet 1361. Il faut noter que Pero López de Ayala n’indique aucun séjour à Peyrepertuse pendant ce laps de temps. Rappelons qu’il est pourtant Grand chancelier de Castille et au fait des moindres détails des déplacements de la reine. Le roi avait bien tenté de faire annuler ce mariage de raison mais en vain et il ne faut pas chercher ailleurs le mobile de cet assassinat. Notons que certains historiens et notamment Prosper Mérimée ont voulu remettre en cause cet assassinat orchestré par Pierre le Cruel. Nous verrons plus loin que cette période d’emprisonnement a engendré certaines confusions à la fois dans les reines et les lieux. Les historiens français (Fédié et Quehen) évoquent la forteresse d’Illueca qui est dans l’Aragon et donc plutôt au nord de l’Espagne et les espagnols un château situé plutôt au sud surveillant la baie de Cadix et dont Blanche donnera son nom : le château de Dona Blanca. Mais poursuivons l’Histoire en revenant en 1353. Ne supportant pas cette mise à l’écart immédiate de Blanche, la mère et les frères de Pierre le Cruel prennent partie pour elle. Plusieurs seigneurs de la cour les rejoignent car eux aussi ne supportent pas la cruauté incessante de Pierre 1er. En effet, ce dernier se livre à un nombre incalculable d’assassinats au sein même de sa propre famille et de sa propre cour. Avec l’appui du roi de France et du pape, ils se révoltent. Parmi eux, le demi-frère de Pierre le Cruel, Henri de Trastamare. Il s’ensuit une guerre civile et fratricide qui va durer pratiquement 19 ans (1350-1369) dite Guerre civile de Castille. Tantôt vaincus, tantôt vainqueurs, les batailles se succèdent sans résultat permettant de changer le cours de l’Histoire et ce, jusqu’en mars 1366. Cette année-là, Henri de Trastamare, entre en Castille et réussit à contrôler la quasi-totalité du Royaume. Il est proclamé roi de Castille en lieu et place de son demi-frère le 23 mars à Burgos. Le peuple de Castille le soutient et le roi de France aussi. Il devient Henri II de Castille. Mais la victoire est de courte durée car aidé par Charles le Mauvais, roi de Navarre et Edouard de Woodstock Plantegenet, le fameux Prince Noir britannique, Pierre le Cruel revient à la charge et le 3 avril 1367, il gagne la bataille de Nàjera (Navarette). Pour Henri II, c’est la déconfiture totale. Bertrand Du Guesclin que le roi de France avait envoyé pour l’aider est fait prisonnier. Lâché par le reste de son armée, Henri II de Trastamare est contraint de se sauver à cheval vers l’Aragon puis il rejoint le château d’Illueca où apparemment il délivre son épouse avec l’aide du gouverneur de la prison qui a pour nom Pierre de Lune. (René Quehen, dans son livre « La seigneurie de Peyrepertuse » ne cite jamais le prénom « Blanche » n’évoquant qu’une reine de Castille et il indique que « le roi d’Aragon permit à la reine de Castille d’aller rejoindre son mari, très bien reçu par le duc d’Anjou et le roi de France qui lui donnèrent le château de Peyrepertuse pour y demeurer avec la reine et leurs enfants aussi longtemps qu’ils le désireraient »). On ignore pourquoi l'épouse d'Henri II était en prison. Etait-elle vraiment en prison ou était-ce une façon de la protéger ? On l'ignore aussi. Toujours est-il que Quehen a raison de ne pas l'appeler Blanche car l’épouse d’Henri de Trastamare ne s’est jamais appelée Blanche mais Jeanne. Jeanne Manuel de Villena qu’il a épousé en 1350 et avec laquelle il a eu trois enfants. Alors effectivement, cette Jeanne a été reine de Castille pendant la même période que son époux c'est-à-dire dans l’immédiat du 13 mars 1366 au 3 avril 1367. Comme son époux, elle retrouvera le trône en mars 1369 mais c’est une autre Histoire au cours de laquelle les deux frères vont se battre dans un duel meurtrier. C'est Henri qui en sortira vainqueur. Concernant Jeanne, l'Histoire nous a laissé peu de choses d'elle et mes recherches m’ont entraîné vers son père Don Juan Manuel dont Wikipédia nous dit qu’il tint plusieurs postes importants au sein du royaume de Castille étant tour à tour majordome puis gouverneur général mais qu’il s’opposa sans cesse à l’autorité monarchique d’Alphonse XI qu’il jugeait trop tyrannique. Alphonse XI étant je vous le rappelle le père de Pierre 1er le Cruel. Il y a donc une certaine logique entre le père Don Juan Manuel de Villena et le beau-fils Henri de Trastamare car les deux s’opposent à leur manière aux rois de Castille en place à cause de leur cruauté et de leur tyrannie. Concernant sa fille, Jeanne Manuel, on apprend qu’elle est la plus jeune des filles officielles et la dernière représentante de la Maison de Bourgogne-Ivrée. La fameuse « Bourgogne » de Louis Fédié revient en première ligne mais à propos de Jeanne et non pas d’une Blanche. De cette Maison d'Ivrée, appelée aussi Maison des comtes palatins de Bourgogne sont issus depuis plusieurs siècles les comtes de Bourgogne et les rois de Castille. La boucle est bouclée. Mais revenons à 1367 et à ce Pierre de Lune. Il aide Henri de Trastamare en le conduisant en cachette jusqu'au château de Peyrepertuse, puis ce dernier se rend à Toulouse par le comté de Foix. Là, on revient à l’épisode où le roi d’Aragon autorise la reine à rejoindre son époux à Peyrepertuse (On note donc quelques invraisemblances car certains historiens évoquent une délivrance en secret et d'autres une autorisation du roi d'Aragon). Mais je dirais peu importe car en conclusion et quelque soit les versions, ce n’est pas une « Blanche de Castille » qui aurait vécu au château de Peyrepertuse et aurait laissé choir son gobelet mais une « Jeanne de Castille ». Louis Fédié, lui, raconte la légende de le reine Blanche telle qu’elle est arrivée à nous par la tradition locale mais il semble qu’il y ait une confusion dans la prisonnière d’Illueca, entre Blanche et Jeanne. Pour lui, c’est bien la femme de Pierre le Cruel, exilée à Peyrepertuse puis le jour où elle se rend en Castille c'est-à-dire en 1353 (Fédié écrit 1361 !), elle est d’abord immédiatement écartée puis emprisonnée puis enfin assassinée en 1361 sur ordre de son époux. Louis Fédié rajoute qu’elle serait partie en Castille avec l’assurance d’y être en sécurité car Henri de Trastamare, aidé de Duguesclin, avait remporté plusieurs victoires sur son époux. Il y aurait donc peut-être confusion dans les dates aussi car l'Histoire mentionne qu'Henri de Trastamare serait venu par deux fois à Peyrepertuse, une fois en juillet 1361 et une autre fois en 1367. Rappelons-nous que juin ou juillet 1361, c'est la date où Blanche de Bourbon/Castille est assassinée. Fédié explique aussi que le reine Blanche aurait séjourné à Peyrepertuse pendant 5 à 6 ans, venant régulièrement faire de longues cures aux Sources thermales de Rennes-les-Bains où elle était fort appréciée des habitants et même considérée comme une sainte. Si appréciée, que la fameuse résurgence est devenue « Source de la Reine » et que de nos jours encore, on trouve une magnifique demeure de caractère faisant office d’hôtel du nom de « La Résidence de la Reine ». Pour la reine, les cures auraient été si efficaces qu’elle aurait guéri de la lèpre (ou peut-être de la tuberculose), voilà ce que l’on peut lire sur le site de l’hôtel. Notons que si tout cela reste possible, on ne comprend pas comment on peut l’affubler du titre de reine, de Castille de surcroît, alors qu’à cette période elle n’est qu’une simple princesse de Bourbon ? Enfin, il se dit aussi que la dot n’ayant pas été versée dans son intégralité et selon l’échéancier prévu, Blanche de Bourbon n’aurait pas rejoint immédiatement son époux Pierre le Cruel lors de l’alliance en 1352. A-t-elle mis à profit cette période pour venir faire un séjour supplémentaire à Rennes-les-Bains puis à Peyrepertuse où elle avait l’assurance d’une bonne protection ? C’est fort possible. On sait qu’elle a séjourné aussi au château de Puilaurens où une tour porte encore son nom. Il se dit aussi qu’elle aurait quitté la France entre novembre 1352 et février 1353 et que c’est le demi-frère du roi Don Fadrique qui serait venu en personne la chercher à Narbonne. Ce Don Fadrique pour lequel elle aurait eu un coup de foudre et peut-être une aventure ? Rappelons tout de même qu’elle n’a que 13 ou 14 ans tout au plus, ce n’est donc qu’une enfant. Reste à comprendre pourquoi, elle aurait eu entre les mains un gobelet avec l’écusson aux armes de Castille, sans jamais encore avoir mis les pieds dans ce royaume ? A-t-elle fait un aller-retour La Castille – Peyrepertuse avant d’être emprisonnée par son époux comme j’ai pu le lire sur certains sites ? Cela paraît peu probable car Pero López de Ayala n’a jamais évoqué un tel séjour et si on se fie à une certaine chronologie et aux cruautés suivantes que lui a infligées son époux, on comprend mal pourquoi ce dernier l’aurait laissé partir à Peyrepertuse pour un séjour aussi court soit-il. Il est vrai que c’est la solution la plus plausible pour que le gobelet trouve une raison d’être entre ses mains. Le gobelet appartenait-il à un soldat castillan chargé de sa sécurité ? Difficile de répondre à toutes ses questions en l’absence de textes historiques formels relatant la période et la présence de Blanche de Bourbon à Peyrepertuse. Toujours est-il qu’on a la certitude de l’année de sa mort qui est 1361, mais la manière dont elle a été assassinée, reste confuse. Certains comme Duguesclin disent qu’on a voulu faire croire à un accident, qu’on connaît les meurtriers présumés Daniot et Turquant alors que Pero López de Ayala dit qu’elle aurait été tuée par un arbalétrier du nom de Juan Pérez de Rebelledo. La seule quasi certitude est que son époux a probablement été le vrai commanditaire. Tout cela est assez connu dans les textes et seule la partie à Peyrepertuse reste à dénouer complètement. Le légende reste donc floue.
Alors comme on le voit, il y a de nombreuses incertitudes, confusions et invraisemblances à propos de cette légende. Confusions dans les reines ayant séjournées à Peyrepertuse. Confusions dans les dates. Confusions entre la version de Louis Fédié ou celle de René Quehen.
Dans « Peyrepertuse, forteresse royale », Lucien Bayrou ne se prononce pas mettant un point d’interrogation à la fin de la phrase « à la présence temporaire du prétendant à la couronne de Castille en 1367 ? » et ce, à propos d’objets militaires retrouvés lors de fouilles à Sant Jordi. Il parle bien sûr d’Henri de Trastamare et de son épouse Jeanne.
Jean-Baptiste Renard de Saint-Malo dans « le Château de Pierrepertuse » paru dans le Publicateur en 1833, écrit « vers juillet 1361, les rochers de nos monts accueillirent aussi l’infortune de Henri de Trastamare et de Sanche son frère, fuyant avec leurs champions fidèles, les poursuites de Pierre le Cruel » puis plus loin, il rajoute qu’il serait revenu à Peyrepertuse en 1367 après la défaite de , Navarette, « Henri parvint en effet, incognito, à travers l’Aragon, au château de Pierrepertuse, dans les Corbières » ayant apparemment extrait ces informations de « l’Histoire générale du Languedoc » de Dom Joseph Vaissette.
Conclusion : Comme on le voit, le mystère reste donc entier autour de cette légende de la Fontaine de La Jacquette. La question qui se pose est de savoir s'il est justifié de prétendre que le fameux gobelet retrouvé appartient bien à Blanche de Bourbon, future reine de Castille pour son plus grand malheur ? Au regard des faits historiques, j'aurais tendance à répondre "non". Toutefois et concernant l'Histoire elle-même on peut imaginer que toutes les versions sont les bonnes à savoir que Blanche de Bourbon, future reine de Castille, serait venue à Peyrepertuse et à Rennes-les-Bains dans les années 1347 à 1352, c'est-à-dire avant son mariage officiel avec Pierre 1er le Cruel. A la fois pour se soigner et avec l’assurance d’être en sécurité à Peyrepertuse. La dernière année, en 1352, l’alliance signée l’autorisait à affirmer auprès de la population qu’elle était devenue reine de Castille, ce qui expliquerait qu’elle ait laissé son nom à une source de Rennes-les-Bains où elle avait ses habitudes. Ensuite et à leur tour, Henri de Trastamare serait venu à Peyrepertuse une première fois en juillet 1361 contraint de fuir les velléités assassines de Pierre le Cruel, puis une seconde fois avec son épouse Jeanne en 1367 après sa défaite à Navarette. Tout se tient parfaitement car cela donne une logique à l’ensemble de la légende. Blanche de Bourbon n’ayant encore jamais mis les pieds en Castille, elle serait venue à Peyrepertuse mais n’aurait jamais perdu de gobelet d’argent gravé du blason royal castillan mais ce même gobelet aurait été perdu par Jeanne (ou son époux Henri) qui, eux, avaient la légitimité et toutes les raisons pour en posséder un. Ce gobelet castillan aurait été retrouvé par le berger. Parce que la reine la plus célèbre de Castille s’appelait Blanche et qu’une autre Blanche de Castille avait laissé son nom à une source de Rennes-les-Bains, située non loin de Peyrepertuse, la tradition aurait par erreur attribué ce gobelet à une Blanche au lieu d’une Jeanne. La suite, on la connaît. Reste à savoir ce qu’est devenu ce gobelet de la Fontaine de la Jacquette car de nos jours, il doit valoir une véritable fortune…..J’en ai trouvé un aux enchères, aux armes de Castille, mais en verre et de la 2eme moitié du 18eme siècle et il vaut déjà de 400 à 600 euros…alors imaginez un gobelet en argent si vieux et ayant au moins plus de 650 ans et surtout si légendaire ! ….
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C’est en effectuant le « Chemin des Bacs » depuis Tautavel, randonnée décrite dans ce blog il y a peu de temps, que j’ai découvert la balade, objet de cet article, intitulée « Du Moulin aux Gouleyrous ». Autant l’avouer, si je connaissais bien les grandioses Gorges de Gouleyrous pour être venu m’y baigner à quelques reprises, le titre de cette randonnée aperçue sur un panonceau indicatif, son itinéraire et le « moulin » restaient pour moi de véritables mystères. Au départ, j’ai pensé qu’il s’agissait du moulin à eau de Gouleyrous lui-même mais dans ce cas précis, le titre aurait été complètement illogique d’autant que le panonceau aperçu évoquait le village de Vingrau distant de quelques kilomètres. Les seules choses que j’en connaissais c’était donc la description du panonceau qui indiquait la distance, le temps pour la parcourir et le dénivelé : « 6,3 km -2h35 –déniv.70 m ». Autant le dire, la question fut vite éclaircie tant cette balade est courte et correspondait très bien à cette agréable petite après-midi que nous voulions lui consacrer. Une charmante après-midi printanière magnifiquement ensoleillée comme il y en a eu bien trop peu au cours de ce printemps 2013 plutôt changeant et surtout incertain pour prendre le risque de partir vers de longues randonnées montagnardes. Mais comme le dit le proverbe « à quelque chose, malheur est bon » et peut-être n’aurions jamais effectué cette courte balade si la météo n’avait pas été si capricieuse. Si la question de cette balade trouva réponse en marchant, on peut une fois encore regretter l’absence de toutes explications historiques concernant la présence des moulins, celui des Gouleyrous et celui de Vingrau. Cette balade aurait été bien plus intéressante et plus ludique si l’histoire de ces moulins nous avait été contée. Nous l’avons donc réalisée à l’envers en partant des Gouleyrous où se trouvent les hautes gorges du Verdouble appréciées des escaladeurs et l’ancien moulin appelé depuis peu « Moulin Arago » et destiné aux fouilles du Centre Européen de recherches préhistoriques. C’est d’ailleurs dans la direction du parking de la célèbre grotte du Caune de l’Arago que nous avons véritablement démarré. La grotte est sur la gauche à flanc de falaise là où on aperçoit un baraquement amplement grillagé. Ayant eu l’occasion d’y monter lors du Chemin des Bacs, je n’ai pas trouvé utile d’y retourner d’autant que Dany avait plutôt envie d’une randonnée courte et plane. Le balisage est jaune comme tout sentier de petite randonnée (P.R). Au printemps, une petite route bitumée se faufile au milieu des hauts genêts aux grappes de fleurs dorées et flamboyantes dont les senteurs embaument les lieux. Les marques de peinture jaunes sont bien présentes et indiquent quelques raccourcis coupant des vignes. Ici le vignoble est omniprésent mais pour qui sait observer la nature, il n’y a pas que ça. Au printemps, la végétation et une « petite » faune y sont exceptionnelles : arbustes fleuris ou déjà en fruits, fleurs des champs, des sentiers ou de la garrigue, lézards, papillons et insectes en tous genres, oiseaux des vignes, des ruisseaux, du maquis et des falaises. Ces falaises blanches qu’ici on appelle « serres » et qui ceinturent les paysages et la combe verdoyante. Quelques vestiges du passé sont à voir aussi comme des terrasses en pierres sèches, des puits ou bien des recs, ces petites rigoles qui irriguaient les champs de céréales et les vergers au temps jadis. Plus loin, l’itinéraire retrouve l’asphalte et ainsi de suite jusqu’au joli village de Vingrau. Ici, la promeneur hésite entre visiter le village en errant dans les ruelles aux maisons colorées et aux balcons fleuris ou bien s’asseoir à l’ombre des grands platanes ou bien encore profiter de la fraîcheur du préau recouvrant sa fontaine et son vieux lavoir. Comme pour nous, cette valse-hésitation vous fera sans doute perdre le balisage et donc le fil conducteur de cette charmante balade et il suffira de partir vers le centre du village où se trouve la mairie. Là, on retrouve un panonceau concernant notre randonnée. Un panonceau que le regard oublie très vite tant il reste conquis et parfois songeur par de magnifiques fresques décorant les façades de la placette. Le balisage nous entraîne vers la sortie est de Vingrau, la D.9 et la ruine de son vieux moulin à vent perché sur un promontoire désormais entourée d’une sombre et belle pinède. Bien sûr, de nos jours, dans ces lieux essentiellement viticoles ou occupés par la garrigue, il est difficile d’imaginer que la roue d’un moulin à vent ait pu broyer les grains de céréales du coin pour subvenir aux besoins alimentaires des habitants. Et pourtant, il en était encore ainsi, il y a moins d’un siècle. Après la découverte de ce vieux moulin dont on peut regretter l’absence de précisions historiques concernant ses origines, nous avons définitivement perdu le fils du parcours. En l’absence de tout autre balisage hors mis celui retournant vers Vingrau, nous avons pensé sur l’instant qu’il s’agissait d’un simple aller-retour et nous avions vu juste car il fallait revenir jusqu’au panonceau aperçu devant le stade puis emprunter la rue de la Millere. Mais ça, nous ne l’avons su qu’une fois rentrés à la maison en consultant un guide que nous possédions pourtant et qui s’intitule « 34 randonnées en Agly-Verdouble ». C’est bête mais c’est ainsi, je ne pense pas toujours à compulser les nombreux topo-guides de randonnées dormant dans ma bibliothèque. Alors, nous sommes revenus vers les Gorges de Gouleyrous et vers notre voiture en empruntant tout simplement la D.9 qui va vers Tautavel. Un peu plus de 2 kilomètres pas vraiment d’asphalte car les bas-côtés sont herbeux et longent de rafraîchissants « correcs » où je me suis régalé à photographier quelques oiseaux. Dany, elle, ne m’avait pas attendu et était déjà partie devant, histoire d’aller tremper dans les eaux fraîches du Verdouble ses pieds échauffés par les 2h30 de marche de cette très chaude après-midi. Bien que nous ayons effectué cette balade à l’envers et que n’ayons pas exactement suivi l’itinéraire décrit sur les panonceaux et dans les topo-guides, j’ai préféré conserver le même titre afin de ne pas troubler les lecteurs. Je précise que vous pourrez trouver des renseignements historiques sur les moulins dans le livre de Francis Noëll intitulé "Les moulins à vent des Pyrénées-Orientales" paru chez TDO Editions. Carte IGN 2547 OT Durban – Corbières – Leucate – Plages du Roussillon Top 25
Toujours à la recherche de nouvelles randonnées, c’est par hasard que j’ai découvert sur Internet ce « Chemin des Bacs (1) » au départ de Tautavel. Je pourrais presque m’exclamer « J’ai réussi aux Bacs ! » tant c’est un peu au petit bonheur la chance, beaucoup par persévérance et surtout sans rien « pomper » que je suis parvenu à faire ce circuit dont je n’avais découvert que le nom et quelques photos sur Internet. En effet, en cette belle après-midi de mars où je suis parti à Tautavel avec l’idée d’accomplir cette balade, je n’en connaissais pas le tracé mais j’espérais trouver là-bas un panonceau de départ au centre du village voire un quelconque renseignement à la magnifique Mairie ou au non moins superbe Palais des Congrès. Non, je n’ai pas eu de chance, au Palais des Congrès, l’Office du Tourisme était encore fermé quand au secrétaire de Mairie, il m’envoya vers la présidente du club local de randonnées en me communiquant son adresse personnelle. Bien évidemment, je n’ai pas osé déranger cette dame me disant que si tous les randonneurs ou pèlerins de passage venaient l’importuner chez elle, elle revêtirait très rapidement un habit de concierge qu’elle ne souhaitait peut être pas endosser. C’est donc la « fleur au fusil » et mon GPS allumé avec la fonction « tracback (2) » activée que j’ai suivi une marque de peinture jaune que j’avais aperçu sur le parking où j’avais garé ma voiture, à proximité du Palais des Congrès. Ce trait de peinture jaune m’entraîna vers le gué enjambant le Verdouble et là, de l’autre côté de la rive, sans doute distrait par quelques jolis oiseaux que je m’évertuais à tenter de photographier convenablement, j’ai finalement perdu le balisage. Sans trop savoir pourquoi, j’entrepris de poursuivre un chemin qui filait au milieu de champs en jachère, traversait quelques vignes et finalement au bout de 20 minutes de cette errance, j’atterris sur une piste bitumée DFCI F100BIS. Quelques minutes plus tard, alors que j’avais décidé de poursuivre cette piste, j’aperçus à nouveau une marque de peinture jaune. Pour être honnête, j’ignorais si j’étais sur le tracé du « Chemin des Bacs » mais en tous cas, j’avais la certitude d’être sur un chemin de randonnée pédestre. Ces petits chemins que l’on appelle localement « P.R ». J’ai donc persévéré sur cette voie carrossable et si je savais où j’allais grâce à ma carte IGN, j’ignorais totalement ce que j’allais découvrir. En fait, je ne fus pas déçu loin s’en faut car sur ce chemin rectiligne qui m’entraîna vers les jolies gorges de Gouleyrous et vers la Caune de l’Arago, j’eus le bonheur de découvrir d’abord une petite citerne puis deux « casots » qu’un artiste peintre local du nom de Nergal avait pris soin d’embellir avec de belles fresques aux couleurs chatoyantes. En sus de ce côté ravissant, ces allégories colorées avaient été enrichies de citations d’écrivains célèbres que l’on prend plaisir à lire et qu’on essaie même de retenir par cœur tant elles sont pleines de justesse et de bon sens. Au moment d’arriver à un nouveau passage à gué, deux gros chiens à l’air féroce sortis d’un van se ruèrent sur moi me laissant pétrifié de peur. Alors que les deux molosses toutes canines dehors tournaient autour de moi en vociférant, je restais là, complètement tétanisé, mon bâton de marche dans une main et le GPS dans l’autre, ne sachant que faire. Tandis que j’avais le sentiment que cette scène se prolongeait dans le temps, un homme sortît à son tour du van en hurlant après ses chiens qui aussitôt s’arrêtèrent d’aboyer et retournèrent vers lui. Qu’en partie rassuré, je repris ma marche en avant, regardant néanmoins derrière moi, si les « bêtes » ne revenaient pas à la charge. Finalement soulagé, c’est heureux d’être « entier » que j’ai pu enjamber le Verdouble où sur l’autre rive quelques panonceaux de randonnées me rassurèrent quand à l’itinéraire que j’avais emprunté jusqu’ici. En effet, parmi ces panonceaux au nombre de trois, il y en avait un qui très concrètement me confirmait que j’étais bien sur l’itinéraire du « Chemin des Bacs ». Seul petit souci, mais ce n’était pas vraiment un problème, j’étais entrain de l’effectuer dans le sens contraire de celui préconisé. Un deuxième panonceau indiquait une autre balade donc je l’avoue, je ne comprenais pas vraiment l’intitulé « Du moulin aux Gouleyrous – 6,3 km – 2h35 ». Seule, la mention complémentaire des découvertes qu’il y avait à faire « au village de Vingrau – 6,3 km » me laissait supposer que cette balade menait à ce village. Il y avait enfin un troisième panonceau plus explicite indiquant la « Caune de l’Arago – 1 km – 40 mn – déniv.160 m ». Depuis le gué, j’apercevais la grotte, tout en haut de la falaise, recouverte d’un auvent et ceinte de hautes clôtures grillagées. Je fis le choix de partir dans cette direction avant de me raviser et d’aller visiter l’agréable site de Gouleyrous avec son joli moulin (3) parfaitement restauré, son plan d’eau et le début de ses gorges aux hautes falaises verticales très prisées des grimpeurs si j’en crois certaines pancartes. Ce n’est qu’une fois cette visite réalisée que je repris le sentier de la Caune de l’Arago où de nouvelles surprises jalonnaient l’itinéraire : sentier botanique, bel orri, vues superbes sur la vallée et ses versants et enfin la grotte elle-même, bien entendu fermée au public en cette saison (4). On y monte donc essentiellement pour contempler les merveilleux panoramas mais tout en les observant, on peut aussi penser que l’on est assis sur un berceau sinon de l’humanité tout du moins de nos plus lointains ancêtres. On peut se prendre à rêver un instant d’être « l’Homme de Tautavel » et imaginer aussi que cette magnifique vallée a été fréquentée par d’incroyables animaux tels que des bisons, des bœufs musqués, des rennes, des ours bruns, des loups ou bien encore des rhinocéros,des panthères et des lions. Ça fait du bien de rêver un peu mais après il faut redescendre, à la fois sur Terre mais ici surtout vers Gouleyrous en effectuant un boucle qui se termine derrière le bâtiment de la station de pompage. Là, je suis reparti vers le gué et le panonceau du « Chemin des Bacs » sachant désormais qu’il me suffisait de suivre les marques de peinture jaunes pour parvenir à mes fins. Le balisage m'emmena de l’autre côté de la D.9 en direction des « serrats » calcaires au pied desquels une longue et belle pinède a pris possession des lieux. A travers le vignoble souvent cerné de murets en pierres sèches mais aussi de quelques déprises agricoles, j’ai finalement atteint cette pinède surprenant au passage deux jolis écureuils roux s’amusant sans doute au jeu de l’Amour. Après un bon dénivelé, environ 150 mètres selon moi, j’ai atteint une piste forestière laissant entrevoir d’autres visions de la Vallée du Verdouble. Des visions bien différentes d’autant que le ciel était devenu très laiteux sur l’autre versant et du côté de Tautavel que j’avais du mal à distinguer. La piste alternant très souvent l’asphalte et la terre, quitta les bois et redescendit vers les vignes et les vergers. Ici, or mis quelques « casots » et quelques cabanons planqués dans des bosquets, les découvertes sont moins nombreuses et comme l’itinéraire est très « roulant », on arrive très vite à la Ribe del Bac en surplomb de Tautavel. Cette Ribe del Bac (ou Rive de l’Ubac) qui a sans doute donné son nom à cette bien jolie balade. Le village est déjà là avec de nombreux restaurants et pas mal de choses à visiter dans ce secteur sud-est de la cité : caves particulières et coopérative vinicole, musée de la préhistoire et écomusée de l’abeille et du miel, théâtre de verdure, château ruiné, randonnée vers la Tour del Far, etc… En arrivant sur la place de la République, j’aperçus sur la façade du Crédit Agricole d’autres panneaux de randonnées. J’ai donc traversé le boulevard et là, ô surprise, il y avait notre balade d’aujourd’hui ! Le départ que j’avais cherché était là : « Chemin des Bacs – 8,5 km – 3 h – Déniv.150 m ». Je pris conscience que j’avais réussi à faire ce circuit avec persévérance, en suivant un balisage incertain, mais sans itinéraire cartographié, sans GPS et également un peu par chance il faut bien l’avouer. J’avais réussi aux Bacs mais chez moi c’est une habitude, j’adore les coins bien ombragés….pour roupiller un peu après une bonne rando ! Enfin pour tout vous dire, il semble que cette randonnée soit présente sur un guide qui s’intitule « Rando-découvertes - Pays cathare, citadelles et paysages sauvages », guide que l’on peut se procurer sur le site de la Communauté des communes de la Contrée de Durban-Corbières. Enfin, pour ceux qui comme moi ne disposent pas de ce guide, sachez que le parcours est visible sur la carte IGN du site Géoportail et ça, malheureusement, je ne le savais pas au moment de démarrer cette randonnée. Carte IGN 2448 OT Thuir – Ille-sur-Têt Top 25.
(1) En catalan un « bac » est l’équivalent de l’ubac en français, c'est-à-dire le versant d’une montagne la plus exposée à l’ombre. (2) La fonction « tracback » d’un GPS permet d’enregistrer un tracé au fur et à mesure que l’on marche. (3) Le moulin de Gouleyrous est un ancien moulin à eau sur le Verdouble. Il est désormais utilisé par les scientifiques du CERPT (Centre Européen de Recherches Préhistoriques de Tautavel ) qui en ont fait un lieu d’intendance pour leurs fouilles. (4) La Caune de l’Arago se visite à des dates précises parfois même gratuitement. Vous trouverez les prochaines dates sur le site de la commune de Tautavel en cliquant ici.