• La Tourèze Mystérieuse depuis Latour-de-France



    Ce diaporama est agrémenté de 3 chansons interprétées par Pascal Obispo. Elles ont pour titre : "Ce Qu'On Voit Allée Rimbaud""Lucie" et "Millésime" 
     la-toureze-mysterieuse

    Après quelques belles randonnées hors des sentiers battus, je reviens avec cette « Tourèze Mystérieuse » à des chemins bien plus empruntés par les marcheurs de notre belle région. En effet, je qualifierais presque d’incontournable, cette jolie et énigmatique balade qui part de l’historique et charmant village de Latour-de-France et qui figure d’ailleurs en très bonne place dans le guide « Les Pyrénées-Orientales ….à pied » édité par la Fédération Française de Randonnée Pédestre. Si vous démarrez cette excursion dans la Tourèze sans savoir pourquoi on y a adjoint l’adjectif « mystérieux », la réponse à cette interrogation vous sautera aux yeux comme une évidence dès lors que vous aurez mis un pied dans cette étendue de garrigues. C’est en tous cas, ce que j’ai vécu la première fois où je m’y suis rendu. Bon, comprendre la présence de l’adjectif « mystérieux » dans le titre de cette jolie balade, ne vous donnera pas pour autant les réponses à toutes les questions que vous vous poserez tout au long du parcours et il est fort probable que le mystère restera presque entier une fois la ligne d’arrivée franchie. Située au nord de Latour-de-France et dominant une courte portion de la Vallée de l’Agly, dans cette modeste colline, dont l’altitude de 424 mètres atteint son apogée à la Sarrat del Coude, le mystère se fera jour sous la forme d’une multitude d’amoncèlements de pierres sèches qui jalonnent le sentier et qu’on découvre au fil des 13 kilomètres que composent le parcours. Ce qui est un peu dommage, c’est que tout au long de cette boucle qui est pourtant un P.R (randonnée de pays), aucun panonceau ludique ne vient éclairer notre lanterne sur l’origine de ces innombrables et colossaux tas de pierres et sur la quarantaine (paraît-il !) de capitelles que l’on peut découvrir dans cet étrange paysage plutôt aride. Cette boucle démarre devant la cave coopérative vinicole où un panneau annonce la direction et la couleur jaune du balisage : « 13 km-4h-dénivelé 250 m ». A hauteur du Monument aux Morts, on délaisse la rue du Général de Gaulle pour emprunter la rue de la Capeillette, petite ruelle qui nous amène directement au bord de l’Agly que l’on enjambe par un large radier. La Tourèze est cette longue colline qui ondule et s’élève depuis la gauche où l’on distingue de grands piliers électriques à haute tension. Si la Tourèze est à gauche et devant soi, l’itinéraire, lui, file à droite et parallèle au fleuve par une large piste d’abord bitumée puis terreuse qui traverse quelques vignes et terrains en friches. Elle passe devant un ranch, espèce de blockhaus essentiellement fait de moellons de ciment où plusieurs chiens montent ardemment la garde puis le chemin débouche rapidement sur la départementale 9 au pied de ce qui ressemble à un immense hangar désaffecté. Le balisage jaune nous demande de tourner à gauche et de poursuivre la D.9 sur environ 350 mètres puis un petit panonceau nous recommande de grimper à droite dans la colline par un large chemin immédiatement rocailleux qui file plein nord puis tourne vers le nord-ouest tout en continuant à s’élever au milieu d’ultimes vignobles. Ce qui étonne le randonneur, ce sont bien sûr, ces premiers amas de blocs rocheux qui bordent le chemin sur la gauche. Comment sont-ils arrivés là ? Rien ne le dit ou ne le laisse deviner mais ici, compte tenu de leurs masses, on imagine mal qu’ils aient pu être manipulés par l’homme sans l’aide d’une machine robuste et moderne. Là, les panoramas se dévoilent déjà sur le vallon de l’Agly et à l’horizon vers le sud et l’est, vers Montner et Força Réal, au dessus vers le Canigou, vers Estagel et ses carrières blanches toutes proches et plus loin vers le mamelon pointu de la Tour del Far. Le vignoble disparait rapidement et laisse la place à une garrigue typiquement méditerranéenne : buis, cistes, romarins, genévriers, nerpruns, baguenaudiers, chênes kermès et verts, camélées, etc.… Quelques mètres plus loin, avec des pierres devenues soudain plus petites et sur la droite une première capitelle, dans nos têtes les premières interpellations apparaissent. A l’ombre d’une agréable mais trop courte pinède de pins parasols, le sentier se rétrécie et file désormais sous un cagnard brûlant dans un incroyable décor austère où les rochers, les cailloux, les pavés deviennent les « pierres angulaires » d'incalculables et monumentaux édifices soulevant quatre principales interrogations : « Qui, quand, pourquoi, comment ? »  Si l’on connaît plus ou moins, l’usage d’une capitelle : cabane à encorbellements de pierres sèches mais parfois de marbre comme ici dans la Tourèze où l’agriculteur rangeait ses outils et s’abritait en cas d’intempéries, par contre pour ces longues masses parfois difformes de pierres de plusieurs mètres de largeur et parfois, de hauteurs, pour le randonneur lambda, le mystère reste entier. Est-ce des clôtures, des coupe-vents, des terrasses, des enceintes délimitant des parcelles, des accotements, des murs de protection ou de défense, des passages ou tout ça en même temps ? On peut laisser aller son imagination en raison de la diversité de ces empilements. Un dénominateur commun néanmoins : l’ordonnancement de ces pierres dont on voit parfaitement qu’elles ne sont pas arrivées là de manière désordonnée. Au gré de notre pérégrination, on pense trouver quelques pistes : au sol, quelques poteaux rongés par le temps finissent de pourrir à côté d’un ancien transformateur électrique, un poste de chasse apparait au sein d’un énorme amas de pierres, une longue cabane de parpaings envahie par les ronces et les nids de guêpes domine une « coume », un muret avec une chicane ressemble à une muraille fortifiée, des stries dans des roches calcaires dues aux frottements de roches plus dures peuvent laisser supposer qu’on marche ici sur le site d’un ancien glacier ce qui pourrait expliquer ces amoncellements de pierres comme étant le dépôt final d’anciennes moraines, un panneau de bois de l’Association du Massif de la Tourèze nous demande de respecter le site, une date 1842 a été taillée au fronton d’une capitelle mais indique-t-elle l'époque de sa construction,  etc.… Non décidemment, tous ces éléments bien différents n’apportent aucune réponse concrète et ne représentent même pas le début d’un soupçon d’indices. Plus on avance et moins on a de réponses aux questions que l’on se pose. Alors, en désespoir de cause, on finit par penser que ces gigantesques tas de pierres sont comme tombés de ciel. Alors, la « Tourèze Mystérieuse », ancien résidence d’extra-terrestres ou site divin ? Comme on finit par se lasser de tous ces mystères et qu’on en deviendrait presque stupide ou « parano », on préfère passer son temps à observer les superbes panoramas qui se dévoilent un peu de tous côtés. Après tout, une randonnée c’est surtout fait pour ça, non ? On aperçoit le Canigou et le début des Pyrénées, les Fenouillèdes et les Corbières mais le plus beau reste incontestablement cette vue somptueuse et aérienne que l’on a de Latour-de-France depuis le bord de la colline. Les capitelles de plus en plus belles ou insolites continuent à nous faire sortir du sentier puis sans y prêter garde, on se retrouve tout à coup au pied d’une « Tour Eiffel » miniature qui n’est autre que l’immense pylône électrique à haute tension que l’on avait aperçu depuis le radier sur l’Agly. Ici, à 394 mètres d’altitude, on délaisse pour un temps les tas de pierres pour des amas de poutres métalliques moins occultes et on atteint le point culminant de notre balade avant de redescendre au fond d’un thalweg tout en filant plein nord. On coupe le fond de la « coume » au milieu des buplèvres où les papillons sont légions, attirés qu’ils sont par les fleurs jaunes de ses superbes arbustes ligneux mais aussi par un peu d’humidité dans ce monde d’une extrême sécheresse. Le sentier remonte jusqu’au prochain pylône électrique et là, il tourne à droite et contourne la Sarrat del Coude pour redescendre dans la Coume d’En Mouche. Là, en descendant cette ravine, plusieurs murettes en ruines et quelques tas de pierres rouges au sein d’un inextricable maquis finissent de remettre une dernière couche aux mystères de la Tourèze. Le sentier atterrit au Col del Loup (199 m) au milieu d'un vignoble soigné et rectiligne. Alors que Latour-de-France apparaît magnifiquement vers l’est, un petit panonceau jaune indique l’évidente direction et la distance de 2 kilomètres restant à parcourir. Pour finir, on prête attention aux derniers coups de peinture jaune sur les pierres du chemin et on rejoint très facilement Latour-de-France près de l’aire de pique-nique qui jouxte les rives de l’Agly que l’on entend chanter en se rapprochant du village.  On enjambe le fleuve par le pont qui rejoint le bourg au pied des vieux remparts. Le balisage se poursuit vers le château et l’église et permet de découvrir quelques facettes du vieux village que l’on peut aisément compléter en flânant dans les jolies et ancestrales ruelles. On rejoint la cave coopérative et notre véhicule avec sans doute un peu d’amertume de n’avoir pas pu élucider, au moins en partie, « les mystères de la Tourèze ». Alors en arrivant chez moi, je me suis empressé d’aller voir sur Internet tous ce que l’on avait pu écrire sur cette contrée et il faut avouer qu’il n’y a pas pléthores d’articles. J’y ai, malgré tout, trouvé une étude très intéressante qui présente l’avantage de s’adosser à des recherches locales et historiques menées très sérieusement par l’archéologue Jean-Pierre Comps. En résumé, mais je vous conseille d’aller voir le site :

    http://www.aapo-66.com/administration/pdf_upload/bulletins-000013.pdf

    il dit que la Tourèze aurait été défrichée et dépierrée par les paysans les plus pauvres de la vallée de l’Agly que l’on appelait déjà journaliers. C'est-à-dire que ces hommes vendaient leur travail à des propriétaires que ces terres incultes n’intéressaient pas vraiment.  Ces paysans, à la fois bergers pastoraux et agriculteurs travaillaient cette étendue de garrigues pour en faire des terres arables et des lieux de pâturages avec l’immense espoir d’en acquérir quelques fragments de parcelles. Et comme pour ces pauvres gens, les surfaces cultivables avaient une valeur inestimable car c’était leur unique moyen de subsistance, ils ont pris soin de ranger méthodiquement toutes ces pierres extraites manuellement de leurs terrains pour en faire des parements, des murets, des amoncellements, des clôtures, des cabanes, des abris, des terrasses, etc.…. A partir de là, on peut penser que le mystère de la Tourèze a été ainsi résolu puisque cette petite colline aurait été au fil des siècles une incroyable région pastorale où le défrichage et le dépierrage faisaient partie intégrante du quotidien de nos admirables ancêtres. Mais ne reste-t-il pas un dernier vrai mystère qui, celui-ci, ne sera jamais élucidé ? Celui de savoir où ces paysans puisaient cet invraisemblable courage et cette prodigieuse force pour arriver à vivre de cette terre excessivement pénible et escarpée ? Cette théorie paraît la plus plausible mais comme ce n’est pas la seule ceci explique sans doute l’absence de panonceaux tout au long de cette belle balade. Si vous vous intéressez à ce thème, je vous conseille d’aller visiter les sites Internet suivant :

    http://www.pierreseche.com/terminologie_Roussillon.html 

    http://jeantosti.com/musee/cabanes.html 

    Cette randonnée est réalisable toute l’année mais en période estivale, il faut s’assurer que la massif est praticable et il est fortement conseillé de ne pas oublier en sus de l’équipement usuel, de bonnes chaussures de marche, de l’eau à profusion, des lunettes de soleil et une crème solaire. Carte IGN 2448 OT Thuir – Ille-sur-Têt – Top 25.

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