• PICO-RUIVO
    CARTE-PICO-ARIEIRO-RUIVO
    CARTE-MADERE

    Une fois n’est pas coutume, je vais faire un bond en arrière de plusieurs mois et de quelques centaines de kilomètres pour vous amener vers ce qui a été et restera sans doute comme une des plus belles et des plus marquantes randonnées qui nous ait été donnée d’accomplir. En tous cas, si ce n’est pas la plus belle, elle a été une des plus surprenantes et des plus sensationnelles.  Ça s’est passé en juin 2012 à l’Île de Madère et cette randonnée, c’est une traversée entre le troisième plus sommet de l’île et le premier. Une classique là-bas ! J’ai hésité longuement avant de la mettre dans mon blog car je me disais qu’elle n’intéresserait pas grand monde puis une petite vidéo de notre voyage que j’avais mise sur Dailymotion presque essentiellement pour la famille et quelques amis a eu pas mal de succès et plus de 250 visites en quelques mois, alors j’ai changé d’avis.

    Nous étions à Madère depuis 6 jours pour fêter nos quarante ans de mariage et les 60 ans de Dany et ce jour-là, c’était notre dernier jour car le lendemain nous reprenions l’avion. Nous avions déjà fait quelques petites randonnées mais il était hors de question de quitter Madère sans avoir fait la « Cruzamento », ce qui signifie la « traversée » ou « carrefour ». Là-bas, on l’appelle très souvent ainsi mais en réalité, il s’agit plus simplement de rejoindre deux sommets centraux de l’île que sont le Pico do Arieiro (1.818 m) et le Pico Ruivo (1.862 m) espacés de quelques kilomètres seulement. Je précise que la véritable traversée de l’île de Madère est réalisable elle aussi, mais en une dizaine de jours.  Pour rien au monde, nous ne voulions louper cette « Traversée » entre le Pico do Arieiro et le Pico Ruivo car nombreux étaient les  gens qui nous en avaient parlé avec des étoiles dans les yeux et tout le monde nous avait garanti des beautés incroyablement sauvages, des panoramas à couper le souffle et même quelques frissons.

    Comme nous avions choisi l’option « autotour » avec une voiture de location, ce matin-là, nous étions au village de Sao Jorge à l’hôtel les Cabanas, au nord de le l’île et pas très loin des deux pics tant convoités. Pas très loin à vol d’oiseau bien sûr car là-bas, les routes sont souvent très sinueuses, pour ne pas dire tourmentées et atteindre le Pico do Arieiro situé en plein centre de l’île était loin d’être évident. Nous sommes donc partis des Cabanas assez tôt et plutôt inquiets car une brume venant de la mer commençait à envelopper les paysages alentours. Ici, c’est très souvent le cas et parmi les nombreuses personnes qui nous avaient parlé de cette randonnée, la plupart nous avait précisé qu’elle serait d’autant plus extraordinaire que le beau temps serait de la partie. Vers 8h30, nous avons donc quitté Sao Jorge un peu angoissés et à juste raison, car au fur et à mesure que nous roulions et nous élevions en altitude, les nuages s’amoncelaient et formaient un épais matelas gris. Par bonheur, et après avoir roulé quelques kilomètres dans le brouillard le plus complet, peu après Santana, nous crevâmes presque définitivement cette ouate nuageuse. La brume se faisait plus éparse et finit même par disparaître dans l’ascension du Pico do Arieiro que nous apercevions au loin grâce au globe blanc de sa station radar de l’Otan. 10h15, nous garons la voiture sur l’immense parking. Côté Funchal, et en dessous de nous, la couche nuageuse est toujours là, épaisse et compacte mais au dessus de nos têtes, le ciel est incroyablement bleu. Nous avions rêvé d’une telle météo et notre rêve est entrain de se réaliser. Nous voilà donc partis en grimpant les quelques mètres qui nous séparent de Centre d’accueil et du belvédère du Pico do Arieiro. Là, un incroyable spectacle s’entrouvre. Une succession de montagnes rougeâtres et pelées complètement morcelées mais sur les flancs de certaines d’entre-elles, on imagine un peu de végétation avec quelques taches  bien verdoyantes. Sous certains aspects, ça me rappelle étrangement La Réunion mais un peu comme si le Cirque de Cilaos, le Piton des Neiges et le Piton de la Fournaise s’étaient soudain réunis pour ne former qu’un seul décor. Alors que nous sommes carrément scotchés devant ces ahurissants panoramas, les seules questions et interrogations qui viennent à l’esprit c’est : « On y marche là-dedans ? » « Il y a un chemin ? » « Non, il ne peut pas y avoir de randonnées ici ! ». Pourtant, il suffit de regarder au pied de ce mirador pour constater que quelques personnes filent droit devant sur un étroit sentier dallé. Oh, bien sûr, de cette foule déjà compacte qui se presse devant les balustrades du belvédère, ils ne sont qu’une poignée de gens à emprunter ce sentier mais nous décidons tout de même de leur emboîter le pas. Un panonceau de randonnée est bien là au pied des rambardes : « PR1- Pico Ruivo (E) 7 km – Pico Ruivo (O) 5,6 km. ». Nous voilà donc partis sans eau et sans casse-croûtes car pour nous, habitués aux longues randonnées pyrénéennes, 5 ou 7 kilomètres, il faut avouer que ça ne représente pas grand-chose. Bien sûr, on s’est grandement trompés car arrêts inclus, nous allons rester 6h30 sur ces sentiers et si je ne vous raconte pas la suite en détail, ce n’est pas parce que nous n’avons pas réussi à la terminer ou qu’elle est inintéressante bien au contraire. Non, nous l’avons bien terminée, fatigués certes malgré les privations d’eau. Non, j’ai espoir que vous préférerez regarder mon diaporama car la randonnée, elle,  est d’une grande simplicité. Simple mais attention pas facile du tout, et j’en veux pour preuve le temps que nous avons mis pour faire cet aller-retour de moins de 13 kms. Il n’y a que deux chemins parfaitement balisés pour atteindre le Pico Ruivo comme indiqué sur le panonceau au départ. Nous avons choisi le plus court à l’aller et le plus long au retour. Le plus court chemin que nous avons pris à l’aller est très sécurisé avec de nombreux garde-fous dans les passages les plus périlleux exposés au vide. Il faut savoir que ce sentier est très souvent en balcon à flanc même de la montagne. Un travail colossal de dallage a été accompli et je crois que l’on peut globalement rendre hommage à ces maçons de l’impossible qui ont façonné ce sentier comportant notamment un nombre incalculable d’escaliers taillés à même la roche sans parler des nombreux tunnels qu’ils ont perforé à travers les montagnes. En effet, le sentier emprunte de nombreux escaliers assez fatigants, notamment au retour et de nombreux petits tunnels dont celui du Pico da Gato où peu après se trouve la bifurcation des deux itinéraires. Le plus court chemin est celui dit « des tunnels ». Il passe sous le Pico das Torres en empruntant un long tunnel avant d’arriver au refuge du Pico Ruivo. Le sommet tant désiré n’est plus qu’à quelques encablures mais tout en élévation. Le sentier du retour est un peu plus long pour la simple et bonne raison qu’au lieu de prendre le tunnel du Pico das Torres, il contourne cette montagne. Il est plus sauvage aussi avec de nombreux passages taillés à même la terre du sentier ou la roche mais les endroits les plus risqués restent néanmoins sécurisés. On retrouve bien sûr le sentier unique à la bifurcation déjà citée plus haut. De toute manière, les deux itinéraires restent néanmoins très spectaculaires.  Bien que très sécurisée, cette randonnée peut être très compliquée pour les personnes sujettes au vertige car il y a de nombreux passages très étroits avec le vide immédiat même si les garde-fous sont là la plupart du temps. Nous avons néanmoins été confrontés à deux garde-fous qui avaient foutu le camp suite à des éboulements. Enfin, il est conseillé de faire ce parcours par beau temps et par temps sec de préférence. En effet, par temps de pluie, le sentier même très souvent dallé peut s’avérer très glissant et donc dangereux, quant à la neige, je n’en parle même pas ! Enfin, il ne faut pas se fier aux altitudes très proches de ces deux pics (1.818 et 1.862 mètres), car même si je ne dispose pas de moyens me permettant de calculer le dénivelé cumulé de cette randonnée, je l’estime sans doute à environ 1.000 mètres lors de l’aller-retour tel que nous l’avons accompli. En effet, le sentier descend d’abord pas mal, se stabilise puis remonte également pas mal à l’approche du Pico Ruivo. Il est donc conseillé de bien connaître les forces dont on dispose, de savoir les gérer de telle manière à en garder pour le retour car la fin de la balade se termine par l’ascension très pénible des nombreux escaliers descendus à l’aller. Sachez enfin que contrairement à ce que l’on peut penser au départ depuis le belvédère, ces montagnes sont loin d’être arides. Il y a une flore véritablement extraordinaire qui a comblé, au delà de mes espérances, le passionné de fleurs que je suis. Quand à la faune, même si je n’ai pu photographier que quelques lézards et des oiseaux, je suppose que selon les saisons, elle doit être aussi très riche avec de nombreux papillons et insectes et sans doute aussi quelques petits mammifères de type rongeurs ou porcins. Les flancs de ces montagnes sont les repaires des Pétrels endémiques de Madère qui viennent y nicher. Derniers conseils : Bien qu’il existe un refuge au Pico Ruivo où l’on peut boire et se restaurer, n’oubliez pas d’emporter de l’eau et un éventuel en-cas. Enfin, n’oubliez pas d’emporter une lampe de poche pour les nombreux passages en tunnels. Ici comme dans presque toutes les randonnées de l’île c’est un ustensile incontournable…..Mon crâne se souvient encore des coups de tête donnés dans la roche volcanique….et là-bas la roche, elle est presque aussi dure que ma tête ! C’est dire si elle est dure ! Enfin pour en terminer et pour ceux qui comme moi ne parles pas le portugais mais que la toponymie intéresse, je précise que le « Pico Ruivo » se traduit assez simplement en « Pic Rouge » ou pour être tout à fait exact en « Pic Roux » eu égard bien sûr à la couleur de ses roches volcaniques. En effet, l’île toute entière ne doit son existence qu’à des séries d’éruptions successives dont les plus vieilles ont 35 millions d’années, éruptions qui finalement ont abouti à son immersion, il y a environ 8 millions d’années seulement. C’est donc sur le plan géologique, une île plutôt jeune et tous ses hauts sommets que l’on chevauche sont la coalescence d’un certain nombre de ces éruptions. Enfin, il semble que même au Portugal la signification du mot « Arieiro » que l’on écrit également « Areeiro » pour définir ce pic soit plus problématique et pourtant d’autres lieux portent ce nom-là même à Lisbonne. Alors, en cherchant, j’ai trouvé deux traductions possibles pouvant offrir un début d’explication, la première est une traduction du mot « Areeiro » que le dictionnaire Systran définit comme étant une « sablière » ou  des « bacs à sable » quand le mot est mis au pluriel et on reste là très logiquement dans la minéralogie de l’île. Enfin une traduction latine et scientifique de ce mot « Areeiro » est « Lepidorhombus whiffiagonis »qui en anglais se traduit en « Megrim » qui n’est ni plus ni moins qu’un poisson plat très proche du turbot et que l’on appelle en français la « Cardine franche ». Alors les anciens, ont-ils appelé ce sommet le « Pic de la Sablière » au regard des minuscules pouzzolanes volcaniques parfois très granuleuses ressemblant à du sable ou le « Pic de la Cardine » à cause du sommet un peu plat pouvant rappeler ce poisson ? La question reste posée et le mystère restera entier comme enfoui dans un bois….Pourquoi un bois me direz-vous ? Et bien tout simplement parce qu’en portugais le mot « bois » se traduit en « madeira » comme le nom de l’île que les premiers navigateurs avaient trouvé si boisée et donc si belle….Nous aussi, nous l’avons trouvé très belle même si aujourd’hui, il paraît qu’elle est un peu moins boisée qu’en 1420 quand un certain João Gonçalves Zarco avait posé son pied pour la première fois. Carte de Madère (source www.quid.fr ) et carte randonnée (source www.rother.de).

    Pour avoir une meilleure idée de notre voyage dans sa globalité, voilà ci-dessous un diaporama de ce dernier :


    VOYAGE A MADERE par jullie68


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