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    LES LAC D'OO ET D'ESPINGO depuis les Granges d... par jullie68

    Pour Dany et moi, comme pour de nombreuses personnes sans doute, avant d’être un objectif de randonnée, le lac d’Oô était essentiellement un nom en deux lettres à trouver dans les mots croisés ou fléchés. C’est donc par le plus pur des hasards que les cruciverbistes que nous sommes se sont soudain métamorphosés pour l’occasion en des randonneurs éclairés. Eclairés car soudain, nous allions prendre conscience que ces deux voyelles accolées l’une à l’autre étaient aussi un merveilleux lieu de balades pédestres. Voilà comment ça s’est passé. Toujours en vacances à Loudenvielle dans les Hautes-Pyrénées, c’est en revenant de Bagnères-de-Luchon, après cette « fameuse » balade « rêvée » à la Cabane d’Ourtiga que nous avons aperçu le panneau « Lac d’Oô » sur le bord de la route départementale 618. Comme pour un flipper que l’on remue un peu trop, ce panneau signalétique a fait « tilt » dans nos têtes et après la seule vision de ce célèbre patronyme, il était hors de question que nous passions à côté sans en savoir un peu plus. Nous avons donc pris illico presto la direction du « lac d’Oô » car notre curiosité était bien trop aiguisée et l’envie de transformer nos connaissances mots-croisistes en un lac authentique bien réelle. En réalité, ce jour-là, nous ne sommes allés qu’au village d’Oô et à la vue de deux autres panneaux signalétiques très explicites, nous avons immédiatement compris que le lac d’Oô ne serait qu’atteignable à pieds et depuis le lieu-dit les Granges d’Astau se trouvant 4 km plus loin et plus haut sur la petite route D.76. Cette unique solution nous convenait d’autant mieux que nous étions en quête de balades pédestres dans le secteur et qu’enfin, nous en tenions une sans trop nous casser la tête.  Nous avons donc programmé cette longue balade aux lacs d’Oô pour le surlendemain, si le temps venait à s’y prêter, ce qui n’était pas le cas au moment où nous l’envisagions. Le temps était maussade voire par instant menaçant et de ce fait, nous n’avons pas traîné à Oô. Nous sommes rentrés à Loudenvielle sans prendre plus de détails sur cette randonnée. De toute manière, ce n’était pas bien grave car au studio, j’avais mon ordinateur, une connexion à Internet et le site Géoportail et sa carte I.G.N m’en diraient sans doute bien plus que toutes les pancartes signalétiques du monde. Le matin du surlendemain, la météo n’étant pas très bonne, nous remettons notre sortie au lendemain et partons en voiture vers le Pic du Midi. Bien, nous en a pris car le lendemain, le 25 juin au matin, c’est un magnifique ciel bleu purgé de tout nuage qui nous ravît au saut du lit. En effet, comment s’attendre à un tel revirement alors qu’hier soir le temps était encore très orageux, ténébreux même et avec de gros éclairs sur la Vallée du Louron. A la télé, Météo France annonce une journée radieuse alors nous déjeunons « rapidos » et partons immédiatement vers Oô. Il est 9h15 quand nous arrivons aux Granges d’Astau et garons la voiture sur le parking à quelques mètres de la ligne de départ. Selon les quelques renseignements que j’ai notés sur Internet et sur le site de Géoportail, le lac d’Oô est situé à 1.504 mètres d’altitude et comme les Granges d’Astau sont à 1.130 mètres environ, c’est donc un dénivelé plutôt modeste de 374 mètres qui nous attend. Dany ne se plaignant plus de ses articulations depuis quelques temps déjà, je pense sincèrement que cette randonnée est réellement dans ses cordes. Le seul point qui m’interpelle est qu’il y a aussi un autre lac, également très beau à découvrir mais bien plus haut celui-ci car situé à 1.950 mètres d’altitude. C’est le lac d’Espingo dont le col éponyme pour l’atteindre est à 1.967 mètres. C’est donc une déclivité de 837 mètres qui est à gravir si l’on veut réaliser les deux lacs et là, la petite balade plutôt facile devient une randonnée bien plus sévère et dans ce cas, j’ignore si Dany sera à même de l’accomplir. De ce fait, nous décidons d’un commun accord  de se fixer comme objectif le lac d’Oô puis une fois là-haut, on décidera ou non de poursuivre. Dès le départ, une large piste forestière sert de fil conducteur. On ne peut guère faire plus simple car une fois encore il s’agit d’un petit bout du célèbre G.R.10 traversant les Pyrénées d’Hendaye à Banyuls-sur-Mer. Nous, qui n’avons jamais trouvé ni le temps ni peut être le courage de l’accomplir complètement, nous satisfaisant des 7 jours passés en  2001 entre Mérens et Mantet  et de petites balades d’une journée dans les Pyrénées-Orientales, voilà que depuis que nous sommes ici, nous sommes entrain d’en découvrir d’autres agréables tronçons. La piste s’élève doucement en suivant la verdoyante vallée où s’écoule la Neste d’Oô. En réalité, ici, tout est verdoyant, la vallée et ses vastes prairies mais aussi les montagnes environnantes et les belles forêts qui s’y sont implantées. Toutes les nuances de verts sont présentes et les seuls contrastes dans ces paysages de jade sont le ciel bleu cristallin, la superbe cascade blanche de la Chevelure de la Madeleine, quelques falaises dénudés et une longue ligne de névés dans le Cirque d’Espingo qui nous fait face quand on lève la tête. La piste monte désormais à l’ombre du Sarrat Crémat, entre en forêt  et devient un peu plus caillouteuse. Enfin, c’est Dany qui me le fait remarquer car moi je suis bien trop occupé à photographier une flore incroyablement belle, dense et variée dans ses formes et ses coloris. La faune, elle, semble bizarrement absente ou alors étrangement silencieuse. Peu d’insectes, peu de papillons et pratiquement aucun oiseau contrairement à tous ceux que j’avais pu découvrir lors de notre balade à la Cabane d’Ourtiga, également sur le G.R.10. Pourtant, une seule ligne de crête et quelques kilomètres seulement séparent les deux vallées. De temps à temps, j’entends le chant d’un pinson mais c’est à peu près tout et comme je ne les vois pratiquement jamais et que je ne peux pas le photographier, je suis déçu de ce vide faunistique. Si cette marche s’effectue dans un quasi désert faunique, ce n’est pas le cas des randonneurs qui se font de plus en plus nombreux au fur et à mesure de l’élévation.  Moi, qui croyez que le lac d’Oô était bien plus connu des cruciverbistes que des randonneurs pédestres, je suis bien obligé de revoir mon jugement. Au fil de la marche, force est de constater que de nombreux randonneurs, clubs et associations de toutes les régions de France font de cette balade, une « incontournable » des Pyrénées. Nous n’avons pas encore atteint le lac d’Oô et pourtant ce titre « d’incontournable » est déjà bien  mérité car lorsque quelques fenêtres s’entrouvrent dans l’épaisse forêt, des vues sublimes sur la vallée se font jour. La piste se rétrécie et s’élève soudain en quelques lacets plus concis. J’en profite pour emprunter quelques raccourcis alors que Dany a pris un peu d’avance,  bien occupé que je suis avec mes photos de fleurs. Je tombe sur les rails d’une bien étrange voie ferrée. En suivant les rails, je me laisse entraîner sur un chemin verdoyant mais je prends soudain conscience que je m’éloigne de l’itinéraire du G.R.10 et je fais demi tour, ravalant mon «affreuse » curiosité et préférant garder la visite de ce lieu lors du retour. J’ai réussi à rattraper Dany car à l’approche du lac et de son tablier du barrage, la piste s’est transformée en un sentier dont la déclivité a faibli puis s‘est stabilisée. Nous en profitons pour prendre quelques photos d’abord sur un petit pont qui enjambe le ruisseau puis avec une vue grandiose sur le lac et son immense cascade dont la hauteur de sa chute impétueuse et écumeuse n’a d’égal que sa beauté : 275 mètres ! Sur le petit pont, j’ai noté la présence d’une stèle  à la mémoire d’un certain Emile Dupront et une date : 1920. On peut donc imaginer que cet ancien élève de l’école Polytechnique serait mort dans un accident de travail lors de la construction du barrage puisque ce dernier a été terminé un an plus tard, en 1921. Dany est ravie d’être arrivée jusque là et semble en pleine forme pour poursuivre vers le lac d’Espingo. J’en suis ravi moi aussi. Ici, le G.R.10 devient un étroit sentier s’élevant régulièrement dans un décor bien plus ouvert que précédemment mais également bien plus pentu. Du fait de cette ouverture, la flore est également un peu différente et des fleurs nouvelles apparaissent et j’en suis d’autant plus satisfait qu’en permanence des vues aériennes sur le lac d’Oô et son refuge se dévoilent aussi. Mon appareil photo numérique crépite à tout berzingue. Clou du spectacle : dans l’immense cirque glaciaire, un hélicoptère se lance dans un joli ballet aérien. La faune, avec quelques oiseaux et papillons, est également un peu plus présente mais ce n’est pas la panacée et en tous cas, rien à voir avec notre balade à la Cabane d’Ourtiga où les seules ressemblances sont ces petits torrents qui s’écoulent en cascade de toutes parts. Il faut dire que là-bas nous marchions seuls et qu’ici une ribambelle de randonneurs s’étire en file indienne sur tout le flanc de la montagne. Si oiseaux et animaux il y a eus, ils ont du rejoindre des lieux bien plus sereins et silencieux. Moi, avec ma flânerie « photographique » et mes redémarrages aussi soudains que véloces, je suis parfois englué dans ces pelotons bien trop placides à mon goût et  à chaque fois que je le peux, je dépasse un grand nombre de randonneurs, faisant en sorte qu’ils ne me rattrapent plus. Dany, elle, marche à son rythme mais ne se laisse pas distancer pour autant. De toute manière, tout ce petit monde s’effiloche et quand le col d’Espingo est en vue, nous nous retrouvons quasiment les seuls. Pourtant, il n’est que 12h30 et les 3h15 que nous avons mis pour arriver jusqu’ici, arrêts inclus, nous satisfont pleinement. Après tout, aux Granges d’Astau, un vieux panonceau du G.R.10 n’annonçait-il pas 2h45 d’ascension pour arriver jusqu’ici ? L’heure du déjeuner ayant sonnée, on s’empresse de quitter le col, ses groupes de randonneurs bruyants, pour un magnifique promontoire herbeux dominant le lac d’Espingo et son imposant refuge. Nous avons fait l’effort de quelques mètres supplémentaires de déclivité mais nous en sommes pleinement satisfaits. Personnellement, je suis d’autant plus ravi de cet endroit que j’y découvre de magnifiques Narcisses des poètes encore jamais vus jusqu’ici et qu’une Niverolle alpine, oiseau peu farouche mais plutôt rare à photographier vient étrangement se gaver de mes croûtes de fromage et de quelques morceaux de pain. Ce spectacle insolite va durer tout le temps où je l’alimente avec mon casse-croûte et quand je n’ai plus rien à lui donner, elle s’envole et disparaît sans doute un peu moins affamée. Moi, qui était un peu frustré que la faune soit si rare tout au long de l’itinéraire, me voilà enfin comblé et ce n’est pas fini. Dany décide de se reposer un peu sur l’herbe pendant que je descends vers le refuge, les rives du lac d’Espingo puis en remontant le fougueux torrent qui l’alimente vers le lac Saussat. Un petit périple magnifique où je vais avoir la chance de photographier beaucoup de nouvelles fleurs, de nouveaux oiseaux dont un Traquet oreillard, une jolie bergeronnette et quelques rares papillons d’altitude, tout ça dans des décors somptueux et époustouflants. Au moment où j’entame la remontée, un Vautour fauve vient tourner quelques minutes au dessus du cirque et pendant un instant, j’ai bien cru que l’incroyable spectacle aperçu non loin de la cabane d’Ourtiga allait recommencer. Mais non, le vautour est solitaire et il disparaît dans le ciel se laissant emporter par les courants ascendants ! Après toutes ces merveilleuses découvertes, il est temps de rejoindre Dany que j’aperçois au sommet du col d’Espingo. Elle semble m’attendre et plus raisonnable que moi, elle pense que le moment de redescendre vers les Granges d’Astau est arrivé. Cette descente va être ponctuée de quelques arrêts, avec notamment une étonnante pause où des centaines de têtards regroupés dans le ruisseau au pied du tablier du barrage d’Oô vont se régaler à me suçoter les orteils que j’ai cru bon de rafraîchir. Je connaissais la « fish pédicure » et voilà que soudain, je viens d’inventer le concept de « têtard pédicure ». J’apprendrais plus tard qu’il s’agit certainement de l’Alyte ou Crapaud Accoucheur et qu’en raison de l’altitude, cet animal peut rester à l’état de têtard parfois pendant 10 ans voire plus. Un peu plus bas et comme je l’avais imaginé à l’aller, j’ai suivi les rails de la voie ferrée et j’ai découvert la « station ». Enfin c’est comme ça qu’elle s’appelle sur la carte IGN et il faut y ajouter un câble transporteur aujourd’hui disparu. J’ai cherché sur Internet à quoi avait pu servir ce lieu car sur place aucune indication n’est fournie et les quelques bâtiments encore en très bon état sont d’une troublante virginité. J’ai finalement appris que cette « station » avait servi dans les années 20 à faire le lien entre la vallée et le barrage pour y acheminer les matériaux de construction nécessaires à son édification. Franchement, je trouve les bâtiments en bien trop bon état pour qu’ils n’aient servis qu’à ça et depuis si longtemps et ce d’autant que rien n’ai fait pour inciter le touriste à aller visiter ce lieu isolé. Ce n’est donc pas un lieu touristique en soit. Aujourd’hui, en tous cas, les liens entre la vallée et le refuge d’Oô s’effectuent presque essentiellement en hélicoptère et j’en ai eu la preuve alors que je me trouvais à la « station ». Un joli spectacle où il faut bien reconnaître que le pilote est un sacré virtuose des manches de commandes. Dans toutes mes pérégrinations et rêveries,  Dany ne m’a pas attendu, alors dans la descente, j’ai pressé le pas et j’ai même parfois un peu couru pour tenter de la rejoindre. Seules quelques fleurs oubliées à l’aller ont freiné mon élan et quand je l’ai rattrapé, nous étions à quelques décamètres des Granges d’Astau. Nous avions accompli une splendide randonnée et une fois encore, nous étions satisfaits de cette merveilleuse journée passée au grand air. Histoire de ne pas la terminer trop brutalement et avant de rejoindre Loudenvielle, nous avons fait une longue pause et profité des chaises longues et d’une boisson bien fraîche sur la terrasse du bar-restaurant le Mailh d’Astau. Nous étions heureux, heureux d’avoir marché, heureux que Dany ait réussi cette belle performance d’arriver jusqu’au col d’Espingo et même un peu plus haut, heureux d’avoir découvert ces deux magnifiques lacs que nous ne connaissions pas, heureux de toutes les photos que j’avais prises et dont vous découvrirez de nombreux exemplaires dans un copieux diaporama joint à cet article. En son temps, Victor Hugo avait écrit « le lac, œil du paysage » et aujourd’hui j’ai le sentiment d’avoir vu deux yeux, deux yeux superbes mais avec des lunettes, un peu comme on se représente des binocles sans branche quand on regarde le nom « Oô ». Cette balade aller et retour a été longue d’une douzaine de kilomètres environ. Pour moi, qui suis allé au bord du lac d’Espingo puis sur les rives du lac Saussat et enfin à la « station », ajoutez-y trois ou quatre kilomètres environ et quelques dizaines de mètres de dénivelés supplémentaires. Un conseil pour avoir vu plusieurs personnes marcher avec des tennis : de bonnes chaussures de marche à tiges hautes sont nettement préférables sur ce type de terrain car à presque 2.000 mètres d’altitude c’est déjà de la haute montagne ! Enfin, pour les personnes que la toponymie intéresse, il faut savoir que le nom "Oô" est un doublon toponymique signifiant le "lac du lac" (source Wikipédia) quand au nom "Espingo", il signifie "espagnol" (source CNRTL) avec une petite allusion ironique voire péjorative puisque chez nous elle désigne le plus souvent un immigré ibérique. Cette ironie, on la retrouve d'ailleurs dans le mot "espingoin" combinaison des mots "espingo" et "pingouin" que certains auteurs de polars ont utilisé pour désigner des Espagnols.  Enfin, tout ça est d'autant plus étonnant que dans un espagnol plus ancien, le mot "espingo" signifie "sphinx". Les immigrés espagnols seraient-ils des sphinx ? Carte I.G.N 1848 OT Bagnères-de-Luchon  - Lac d’Oô - Top 25.


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