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Le Cimetière des Maures depuis Estagel

Publié le par gibirando

 

Ce diaporama est agrémenté de trois jolies musiques empruntées au répertoire du duo Secret Garden qui sont successivement :

Children Of The River, Lotus et Awakening.

Le Cimetière des Maures depuis Estagel

Le Cimetière des Maures depuis Estagel

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23 janvier 2018. Première vraie randonnée de l’année, avec ce « Cimetière des Maures (*) » à partir d’Estagel. Voilà presque deux mois que je n’ai pas réellement marché. Il est vrai qu’une terrible « gastroentérite » m’a mis « hors service » entre Noël et le Jour de l’An. Depuis je me traîne. Etait-ce une vraie « gastro » ? Etait-ce un empoisonnement à des huîtres pas suffisamment fraîches que j’ai mangées dans un resto ? Je n’ai jamais su. Toujours est-il que je me remets à peine, et encore, avec beaucoup de difficultés.  Enfoui au fond de mon lit pendant 10 jours et incapable de me lever, je n’ai jamais trouvé la force suffisante pour me rendre à la Maison Médicale de l’hôpital de Perpignan, seule solution que me préconisait le coordinateur des urgences. Les urgences étaient débordées et mon cas n’était pas considéré comme suffisamment gravissime pour déplacer le SAMU, ce que je peux comprendre. Et comme en cette période de fêtes, je n’ai jamais trouvé le moindre docteur acceptant de venir à mon domicile, y compris celui de SOS Médecins, j’ai été contraint d’attendre que ça passe ?  Franchement, je trouve affligeant, que dans un pays qui se prétend  « moderne » et « développé », un malade au fond de son lit soit contraint de se déplacer s’il veut bénéficier de soins et au minimum d’un diagnostic ! J’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises dans Mon Journal Mensuel, en France, la médecine devient de plus en plus « malade » et le Serment d’Hippocrate se métamorphose de plus en plus souvent en un serment des hypocrites ! Médecine d’urgence très souvent débordée, médecins absents les week-end, déserts médicaux en période de fêtes, sites Internet essentiellement là pour faire du fric, spécialistes quasi inaccessibles avec des rendez-vous « à perte de vue », budgets des hôpitaux publics toujours revus à la baisse alors que les besoins ne cessent d’augmenter et enfin, des gouvernants incapables de réformer un secteur devenu presque essentiellement lobbyiste, il serait bien trop long de faire la liste de tout ce qui ne fonctionne pas et puis ce n’est pas vraiment le sujet de ce récit. En tous cas, ne voyez aucune corrélation entre ce rétablissement difficile et le désir d’aller randonner dans un cimetière. Non, le « Cimetière des Maures » est une petite colline près d’Estagel. Allez là-bas correspondait à ce que je voulais faire, c'est-à-dire ne pas trop m’éloigner de mon domicile, faire une balade pas trop longue et au dénivelé modeste mais qu’elle est néanmoins des aspects ludiques et surtout qu’elle soit inédite pour moi. Après quelques analyses et lectures à son propos, j’ai eu le sentiment que cette colline était à même de remplir tous ces critères. Cette modeste « serre » domine la confluence du fleuve Agly avec le Verdouble, rivière si chère à Nougaro au point qu’il en avait fait une très jolie chanson sous le titre « Une rivière des Corbières ». Voilà déjà pas mal de temps que ce « Cimetière des Maures »  m’intéresse et m’intrigue. Il m’intrigue, car si un cimetière wisigoth a bien été découvert à Estagel, il n’y a pas de cimetière à cet endroit-là et personne n’a jamais été capable de fournir le début d’un éclaircissement quant à son nom. Son nom  de « cimetière » tout d’abord soulève de nombreuses interrogations et presque bien plus que le fait qu’on y rajoute qu’il soit « Maures ». Concernant cette peuplade envahissante, et le plus souvent décrite par les historiens comme violente et mortifère, j’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer en détail lors d’une randonnée au Pic des Mauroux (Pic dels Moros). Enfin, le lieu lui-même ainsi que la Serre de la Girouneille qui est sa continuation collinaire recèlent un nombre incroyable de murets et d’amoncellements de pierres sèches sur lesquels les historiens ne sont jamais trop d’accord quand à leurs origines et à leurs fonctions exactes. Enfin, le grand spécialiste de l’archéologie roussillonnaise Jean Abélanet s’est également intéressé à ce lieu mais sans jamais émettre la moindre des certitudes, reliant sa toponymie à certaines légendes et notamment à celles de Roland de Roncevaux, grand pourfendeur des Maures (Lieux et légendes du Roussillon et des Pyrénées Catalanes). Plus globalement, toutes les personnes qui se sont penchées sur ce « Cimetière des Maures » n’ont toujours émis que des suppositions. J’ai bien tenté de lire un maximum de choses à son propos mais force est d’avouer que le mot « maximum » n’est pas le plus adapté. Les textes concernant ce « Cimetière des Maures » sont rares et le plus souvent on ne trouve que quelques mentions récurrentes liées aux écrits de Jean Abélanet. Enfin, le fait qu’il y ait plusieurs « Cimetière des Maures » en Catalogne française et en Espagne ne fait que compliquer les choses car il y en a comme supposés vrais et d’autres comme celui-ci qui ne sont qu’improbables ou légendaires. De plus, les sépultures mauresques restent un mystère et les recherches à leur propos ne font que compliquer les choses. Alors comme j’ai envie de découvrir ce coin par moi-même mais que cette balade n’est pas inventoriée, le 18 janvier, je pars déjà en repérage. 2 raisons principales à ce repérage. La première raison est qu’il faut traverser un gué sur le Verdouble et je ne sais pas s’il est franchissable en permanence ou seulement lorsque la rivière est asséchée ? La deuxième raison est que les vues aériennes sur Géoportail laissent entrevoir un étroit sentier longeant la crête de la colline mais j’ignore comment y accéder et quelle est la manière la plus simple pour ce faire ? A Estagel, je démarre de l’avenue de la Coopérative. En passant devant la coop en voiture, j’ai le sentiment que ce nom n’a plus trop de raison d’être car l’ancienne cave vinicole semble en cours de démantèlement. Je l’ai bien connue au temps où je bossais dans une société de services en informatique car nous établissions des décomptes pour les coopérateurs et la voir désormais ainsi m’attriste. Je ne peux m’empêcher de penser que beaucoup trop de choses se perdent y compris quand elles faisaient partie d’un fleuron économique local. Sur ma droite, l’Agly est complètement asséchée, et, vision étrange, je ne distingue aucune trace d’eau et seulement un lit de terre et de galets. Je me dis que le barrage de Caramany qui règle son débit en est probablement la cause. Je poursuis le bitume en direction de la confluence. Je passe sous la ligne de chemin de fer et grâce à un talus que je peux escalader, je pars jeter un coup d’œil au pont métallique qui enjambe la rivière. C’est la ligne Rivesaltes – Gare de St Martin-Lys du fameux petit train rouge du Pays Cathare et du Fenouillèdes que j’ai découvert avec bonheur il y a quelques années. Depuis, nous l’avons fait découvrir à nos petits-enfants en période de Noël où chaque année des festivités ludiques sont programmées pour les plus petits. Un peu plus loin, la route amorce un virage et la jonction des deux rivières est là.  Enfin « jonction des deux rivières » est en la circonstance une expression peu judicieuse car ici tout n’est que minéralité et végétation. Sous le pont matérialisant la confluence, il n’y a pas la moindre goutte d’eau et quand je pense que plus des 3/4 de la France subissent des pluies diluviennes depuis décembre avec des crues très angoissantes et des inondations très ennuyeuses dans de très nombreux endroits, je ne peux m’empêcher de penser que l’eau est une richesse précieuse mais injustement répartie, dans le temps et l’espace.  Un peu comme l’argent, il y en a parfois trop pour certains et trop peu pour d’autres. Ici s’arrête la comparaison car force est de reconnaître que si l’eau ne coule pas à flot, le vin continue à être emblématique du secteur avec le château de Jau tout proche. Très bel ensemble que ce Domaine de Jau, avec des bâtiments aux couleurs chatoyantes et au sein d'une belle pinède ou le vin et l’art sont mis à l’honneur, surtout en été.  Je délaisse le pont car le passage à gué que je dois traverser sur le Verdouble est un peu plus en amont de cette rivière.  Très asséché lui aussi, je n’ai aucun mal à le traverser. Je continue sur l’autre rive le chemin qui se poursuit puis se termine près d’un petit casot. Tout au long du chemin, j’y note parallèlement les vestiges effondrés d’un ancien canal en pierres sèches. A côté du casot, une mention indique « Stop danger » et j’imagine que cet avertissement est uniquement là quand le débit de la rivière est normal. Aujourd’hui ce n’est pas le cas et cet étiage maximum me paraît même très inquiétant. J’ai donc le choix entre poursuivre mon chemin dans un vignoble aux dimensions limitées ou bien dans la rivière asséchée. Je choisis la rivière car elle me paraît plus insolite et en plus, des oiseaux semblent y être présents. J’ai bon espoir de parvenir à en photographier mais j’espère aussi trouver un sentier rejoignant la crête tant escomptée. Je descends ainsi deux ou trois méandres mais sans trouver le sentier espéré. Il y a bien de longs éboulis qui se dressent vers le sommet mais ils ne débouchent que sur une végétation dense et bien trop agressive. Je suis contraint de redescendre et la colline continue de me dominer cent mètres plus haut. Outre que je ne trouve pas l’accès escompté, je ne suis pas seul dans le Verdouble asséché. J’y rencontre deux chasseurs et leurs chiens, puis peu après, c’est au tour de deux motos trial de faire le « show ». Un show si pétaradant et donc si bruyant que je trouve préférable de faire demi-tour car la rivière est très loin d’avoir la tranquillité convoitée. Pour les oiseaux, c’est définitivement râpé ! Je retrouve la terminaison du chemin qui m’a emmené jusqu’ici et le petit casot.  Je découvre aussi une ancienne carrière à ciel ouvert, amplement envahie par la garrigue mais dont l’exploitation passée ne fait aucun doute. Des marques de barres à mines y sont encore bien visibles dans certains rochers. Je suppose qu’il s’agit d’une ancienne carrière de marbre car j’ai lu pas mal de choses à ce propos et pour ce secteur en particulier que les anciens appelaient le « Pas de Roland ». Près du petit casot, un couple profite de la rivière asséchée pour promener leur chien et le faire courir en lui lançant un bâton. Assis sur un moellon, j’observe cette divertissante scène tout en réfléchissant à la suite de ma présence ici.  A force de tourner la tête dans tous les sens, je m’aperçois qu’en regardant vers la colline, il y aurait peut-être l’opportunité d’un passage vers la crête, sauf que les innombrables édifices en pierres sèches semblent autant d’obstacles à franchir. Je me lance dans ce steeple-chase pédestre. Ici, les pierres, il n’y a que ça, et une végétation de maquis suffisamment clairsemée permettant d’avancer. Pierriers, éboulis, amoncellements plus ou moins anarchiques et imposants, anciennes terrasses, murettes plus ou moins hautes et massives, j’arrive assez aisément à m’élever vers la crête dans cette première partie. Le Verdouble s’éloigne derrière moi et le couple qui promenait leur chien dans son lit ressemble désormais à deux fourmis perdues dans un désert minéral. Devant moi, les amoncellements sont parfois si désordonnés et si invraisemblables dans leur utilité que j’en suis à me demander s’il s’agit des résultats d’épierrements colossaux ou bien d’anciennes sépultures titanesques. Après tout, les pyramides ne sont-elles pas des tombeaux en pierre largement à la démesure des petits êtres humains qu’elles ont accueillis en leur sein ? Ici, et toute proportion gardée, ne peut-on pas imaginer que quelques corps « maures » soient enfouis sous les pierres, depuis 8 siècles et pour l’éternité ? Je ne serais pas le seul à le penser puisque l’écrivain et poète catalan Georges-Dominique Bo i Montégut a écrit à propos de ce « Cimetière des Maures » qu’il s’agissent peut-être d’une « Nécropole inconnue des préhistoriens ». Allez savoir ? Un peu plus haut, la végétation se densifie et il me faut zigzaguer pour continuer à m’élever. Finalement, j’atteins le petit sentier recherché après 45 minutes de marche mais j’avoue avoir beaucoup flâné à la recherche d’une faune rare mais néanmoins présente. Quelques rares fauvettes, très difficiles à photographier, des criquets et quelques papillons résistant à l’hiver m’ont fait lambiner. Les vues s’entrouvrent de tous côtés. Vues lointaines vers le Canigou ou les Corbières ou plus proches et plus plongeantes vers les lits de l’Agly et du Verdouble. Dans cette dernière rivière, l’eau est présente au loin, sous forme de grandes flaques miroitantes dans un lieu où la rivière se rétrécit, serrée qu’elle est par deux hautes falaises. Est-ce là la fameuse cluse « Pas de Roland » qu’évoque Jean Abelanet dans un de son livre « Lieux et légendes du Roussillon et des Pyrénées Catalanes » ? Le sentier, lui, est étroit mais bien marqué car sans doute régulièrement défriché et emprunté par les chasseurs. Bien marqué ne signifie pas qu’il est balisé et facile mais bien visible car bien débroussaillé. La prudence est néanmoins de tous les instants car ici le calcaire est roi. Désormais, je poursuis ma balade en direction de la Serre de  Girouneille. Le sentier continue de s’élever et domine une grande sinuosité du Verdouble en l’épousant. Plus j’avance et plus j’acquiers la certitude que la balade en boucle que j’envisage est parfaitement réalisable. A l’endroit même où les murets en pierres sèches sont les plus nombreux, j’estime que mon repérage est terminé. Le sentier de toute évidence se poursuit tel que visible sur Géoportail. Je me décide à redescendre en traversant les parcelles encadrées de hauts murets. Très étrangement, ces parcelles sont le plus souvent closes sur trois côtés seulement. D’autres sont clairement aménagées en anciennes terrasses. Ce constat, je le vérifierais plus tard en observant une vue aérienne plus précisément. Par contre, de manière étonnante, aucun orri n’est visible dans ce secteur alors qu’il y en a tant, non loin d’ici, du côté de la Tourèze.  Ma descente est très compliquée car ici aucun sentier n’est vraiment présent. Il me faut constamment éviter les broussailles. Le plus souvent, j’utilise les larges murets comme l’itinéraire le plus praticable. Praticables certes car dépourvus de toute végétation mais des plus instables et finalement plutôt courts. Au travers de ces tumulus géants et de cette garrigue agressive, il va me falloir plus d’une heure pour rejoindre la route du Mas de Jau. Il est vrai qu’un très gros sanglier que j’ai dérangé dans son sommeil est venu agrémenter ce parcours du combattant. Je sors de ce maquis très légèrement égratigné aux deux bras mais grandement sanguinolent à cause des fluidifiants sanguins que j’absorbe chaque matin. A l’instant même où je dépose mon petit sac à dos avec l’intention de m’éponger, quelle n’est pas ma surprise de constater que la poche principale est complètement vide. La fermeture-éclair s’est ouverte et j’ai tout perdu sans m’en rendre compte ! Gourde d’eau, polaire, reste de sandwichs-triangles, deux bananes et une demi tablette de chocolat au lait et aux noisettes. Je peste mais je ne me vois pas refaire en sens inverse le dédale emprunté car je serais bien incapable d’en retrouver le tracé exact. Par bonheur, mon G.P.S est encore dans ma poche et mon portefeuille et les clés de ma voiture dans une poche annexe du sac dont la fermeture-éclair, elle, est restée bien fermée. Ce n’est qu’en arrivant à la voiture que je constate que j’ai également perdu mes lunettes de vue, ayant sur le nez celles de soleil. Je me dis que je vais être contraint de revenir bien plus vite que je ne l’avais envisagé et j’ose espérer que le contenu de mon sac sera sur le sentier. 5 jours plus tard, le 23 janvier, me revoilà à pied d’œuvre. Il est 10h et il fait beau. Les deux rivières paraissent toujours aussi asséchées et seule une vision aérienne depuis la crête me laisse entrevoir un mince filet d’eau qui s’écoule dans le Verdouble venant de Tautavel. L’Agly, elle, est inchangée et toujours aussi sèche. Enfin, c’est ce que je crois en la regardant depuis le pont de la confluence. Entre mes deux venues, j’ai réussi à apprendre que ce secteur est propice aux disparitions d’eaux et ce, à cause des avens calcaires dont les deux rivières sont littéralement truffées sous leurs lits. L’eau s’écoule puis disparaît comme par enchantement pour réapparaître plus en aval, vers Cases-de-Pène. Chemin sur la rive gauche, passage à gué, chemin sur la rive droite, casot, éboulis, terrasses et murets, j’emprunte sensiblement le même chemin que lors du repérage, toujours en diagonale direction nord-est et avec comme but, le petit sentier sommital.  Pour mon plus grand bonheur, je retrouve le sentier assez aisément et un peu plus haut, non loin du point culminant de cette colline, à 203 m d’altitude, l’essentiel du contenu de mon sac à dos. Etui à lunettes, gourde et polaire sont là, bien groupés au centre du chemin comme si personne n’avait jamais touché à rien, pourtant, manquent à l’appel tous les produits comestibles, à savoir reste de sandwichs, tablette de chocolat et les deux bananes. Le plus curieux, c’est que je ne trouve aucune trace des emballages, ni à proximité, ni dans un rayon d’une vingtaine de mètres aux alentours. Je me dis que des sangliers sont passés par là et qu’ils ont tout emporté. J’espère qu’ils n’ont pas mangé les emballages ? L’itinéraire se poursuit, parfois plus difficilement, car les traces d’animaux se confondent parfois avec le sentier principal. L’infranchissable végétation est souvent le meilleur moyen de comprendre que je fais fausse route. Je rebrousse chemin en m’aidant de mon tracé G.P.S. Je suis plutôt satisfait de l’avoir enregistré car même s’il n’est pas d’une précision millimétrée, il me permet de garder une certaine proximité avec le sentier principal. Marqué parfois de quelques cairns, il s’éloigne peu à peu des gorges profondes du Verdouble. Au loin, la Tour del Far est un point de mire très joli mais bien inutile. Le sentier s’agrandit quelque peu puis descend dans une pinède. Sur la gauche, j’aperçois une cabane en pierres sèches et d’autres amoncellements pierreux et tente de m’y rendre mais en vain. La végétation est très dense et donc infranchissable car trop cuisante. Outre cette difficulté, il règne une odeur pestilentielle au milieu de ces bruyères arborescentes et si je ne vois rien, je suppose qu’il s’agit d’un animal mort et dans un état de décomposition certain. Cette végétation impraticable plus l’odeur de putréfaction qui règne ici sont des freins évidents pour ne pas aller plus loin. Je reviens sur le sentier. Peu après, ce dernier laisse la place à une piste plus large qui s’élève et se termine sur la route D.59 reliant Cases-de-Pène à Tautavel. Je n’ai guère d’autres choix que d’emprunter le bitume. La route passe devant une citerne verte DFCI et l’entrée des carrières de marbre blanc et de calcaire. Ici, de grands panneaux célèbrent les vins de Tautavel et du château de Jau. Jau, voilà ma destination puis la boucle envisagée se refermera. Dans l’immédiat, j’en suis encore loin mais il est vrai qu’il est encore très tôt. Si j’ai bien flâné, je suis plutôt satisfait du temps que j’ai mis pour arriver ici. Je me dis que j’ai encore toute l’après-midi devant moi pour continuer à vadrouiller. Après tout, cette randonnée de reprise ne doit pas devenir une marche forcée. Je m’arrête pour déjeuner à l’ombre de grands chênes verts mais bien en face d’un Canigou enneigé resplendissant sous le soleil. Dans un ciel azur, seuls de gros et magnifiques nuages lenticulaires blancs jouent de temps à autres les trublions météo. Quand ils font obstacle aux chauds rayons du soleil, la fraîcheur resurgit et me rappelle que nous sommes en hiver.  Ces ovnis cotonneux semblent en suspension mais par bonheur ils ne sont pas complètement immobiles. Je repars sous un bon soleil et même si nous sommes en janvier, je sens la chaleur monter de l’asphalte ou de cette terre aride où pousse la garrigue. La route amorce une descente et à hauteur d’un autre panneau vantant les mérites du miel de la « garigue » tautavelloise, je quitte le bitume au profit d’un chemin qui descend dans la garrigue. Moi, qui est toujours cru que le mot « garrigue » s’écrivait avec deux « R », je n’en note qu’un seul sur la pancarte. Après vérification, il ne s’agit pas d’une erreur mais bien de la forme préconisée par l’Académie Française. Morale de l’histoire ? : La randonnée pédestre peut être parfois une source éducative et culturelle. Le chemin descend, remonte puis zigzague. De nombreux rassemblements d’oiseaux que je voudrais bien photographier m’entraînent à le quitter. C’est ainsi que je me retrouve très loin de l’itinéraire imaginé et toujours dans un maquis de plus en plus rabougri même si autour de moi, quelques pinèdes verdoyantes sont bien présentes. Après le lieu-dit « Pilou de les Faves », je découvre un cortal perdu au milieu des vignes. A la fois demeure, étable et casot, d’ici une vue splendide s’entrouvre sur la Plaine du Roussillon. En regardant la carte I.G.N, je me dis qu’il est temps de revenir sur le chemin principal et ce d’autant que les oiseaux ne sont pas toujours faciles à figer dans mon numérique. La plupart se posent à terre ou dans les vignes et les approcher est une tâche des plus compliquées. Quand ils s’envolent, ils partent parfois se reposer si loin que les suivre ne serait pas raisonnable. Je réussis néanmoins à ajouter quelques volatiles à mon tableau de chasse numérique. Si mon sens de l’orientation est plutôt bon, mon tracé G.P.S reste un précieux allié dans ce retour obligé. Je choisis de revenir par la route D.59 car c’est l’itinéraire qui me paraît le plus simple, même si ce n’est pas, loin s’en faut, le plus court. Par des pistes et la route, il me faut néanmoins plus d’une heure pour retrouver l’itinéraire initialement perdu. La suite en direction du Domaine de Jau est beaucoup plus simple car un large chemin y descend très directement. Bien évidemment, l’arrivée est marquée du sceau de la viticulture, car une fois passé les pinèdes, les vignes règnent en maître sur les deux rives de l’Agly. Il faut prêter attention pour remarquer les vestiges d’un canal ancestral qui permettait d’irriguer le secteur. La carte I.G.N le mentionne encore et on peut constater que la captation s’effectuait dans le Verdouble pour se terminer dans l’Agly non loin de la cave actuelle de Jau. La présence de ce canal s’explique-t-elle par la disparition souterraine des eaux au niveau de la confluence ? C’est possible ! Comme sur le plateau de garrigues et les « coumes » où j’ai erré plus haut, les vignes sont favorables à de grands rassemblements d’oiseaux. Chardonnerets, bruants, pinsons, serins, traquets et verdiers s’élèvent dans les airs dès lors que je tente de les approcher. Tous se réfugient dans les grands arbres, pins, cyprès et feuillus dégarnis qui encadrent les vignes ou la rivière. De ce fait, et en me cachant un peu, il est désormais plus simple de les photographier. C’est là qu’ils deviennent reconnaissables. Après quelques photos du magnifique château de Jau, les oiseaux me font choisir de retourner vers ma voiture en marchant dans l’Agly asséchée plutôt que sur la route asphaltée. Régulée par le barrage de Caramany, je me dis que le risque est vraiment mineur qu’il y est un lâcher d’eau à l’instant même où j’emprunte son lit. Si ce raisonnement s’avère bon, l’idée en elle-même est une erreur. En effet, remonter la rivière est beaucoup moins commode que de marcher sur un bitume bien plat et donc bien plus praticable. En effet, dans cette rivière sont présentes toutes les configurations et formes de terrains. Cela va du limon très fin au sable plus grossier en passant par des graviers ou des galets de toutes sortes et de toutes dimensions, sans compter les défilés, les dalles et autres tables rocheuses, ces dernières étant encore très souvent occupées par des cuvettes d’eau stagnantes de toutes tailles. Si les rives sont favorables à une avifaune présente, ce n’est pas la panacée car les oiseaux ont tendance à les quitter dès lors que ma présence les dérange et les déloge. Or, marcher au milieu de la rivière asséchée me rend extrêmement visible. Je réussis malgré tout à photographier une bergeronnette, un  rouge-queue noir peu craintif et un étourneau très occupé à un bain de siège. Quant aux cuvettes, je n’y décèle aucune vie. Pas le moindre têtard et pas le moindre petit poisson. Je n’y découvre qu’une écrevisse, que sur l’instant je crois bien vivante. Mais non, l’absence de toute eau vive a eu raison de sa résistance et de sa solide carapace. Est-ce la « détestable » écrevisse de Louisiane ?  Sa carapace encore bien rouge le laisse supposer.  Outre ce crustacé mort, je découvre avec horreur la carcasse d’un sanglier presque à moitié dévorée et dans un état de décomposition bien avancé. Ce « Cimetière des Maures » devient pour moi le « Cimetière des animaux morts ». Pourquoi ? Est-ce des sangliers blessés par des chasseurs et qui ont survécu un certain temps ou bien sont-ils les victimes d’actes de braconnage ? En tous cas, celui-ci, n’est pas suffisamment corpulent pour être mort de vieillesse. Finalement, je réussis sans encombres à remonter cette partie de l’Agly après trois quart d'heures de marche. Le pont de la confluence des deux rivières est là devant moi.  Il me suffit de remonter le talus pour retrouver ma voiture, que cette fois j’ai laissé ici à proximité. Cette balade au « Cimetière des Maures » se termine sans m’avoir apporté ce petit supplément d’informations que, sans trop d’illusions, j’avais espéré au départ. Sous un ciel encore bleu, j’observe une dernière fois cette colline. Elle va garder tous ses mystères. Mystères quand à son nom. Pourquoi « cimetière » et pourquoi « des Maures » ? Mystères quand à tous ces amoncellements en pierres sèches et à tous ces édifices, mystères de la disparition des eaux des deux rivières qui les ont tout de même façonnées et creusées. Cette balade (tracé en rouge), errements absolument intentionnels non compris et déconseillés, est longue d’environ 10 km à 11 km. Les montées cumulées sont de 360 m environ, quand au dénivelé il est de 150 m entre le point le plus bas à 59 m au Mas de Jau et le plus haut à 209 m sur la route D.59 à hauteur de l’entrée des carrières. Carte I.G.N 2448 OT Thuir – Ille-sur-Têt Top 25.

 (*) Le Cimetière des Maures près d’Estagel : Parler précisément et concrètement du « Cimetière des Maures » situé près d’Estagel et tenter de résoudre ses mystères n’est pas une mince affaire car les textes sont rares. Ils ne se résument qu’à quelques citations pleines d’équivoques. A son propos, on peut néanmoins citer quelques mentions écrites, parler de sa toponymie et enfin évoquer ces amoncellements en pierres sèches qui emplissent son décor. On peut bien évidemment faire des suppositions et je m’y suis essayé.

 

A) Mentions écrites : Dans son livre « Légendes populaires des villages du Roussillon », et son chapitre « Dire » l’écrivain et poète catalan Georges-Dominique BO i MONTEGUT écrit ceci « A vrai dire, que dire Cher Lecteur que vous ne sachiez déjà sur l’immensité d’événements dont notre Roussillon fut le théâtre, depuis que le destin l’a placé au carrefour de deux mondes sur l’éternel chemin des invasions. Sur son sol se sont affrontés divers antagonistes, souvent de races différentes et de civilisations contraires. Cependant, nous ne saurons sans doute jamais ce qui s’est passé ici, dans ce réduit que les Primitifs considéraient comme inexpugnable, dans ce sillon creusé par la nature entre deux montagnes Pyrénées, et par elles protégé, depuis l’apparition de l’homme de Tautavel, il y a des millions d’années et dont une récente découverte fossile peut confirmer l’antique existence. Par contre, au lieu-dit « le Cimetière des Maures », non loin d’Estagel, existe une véritable nécropole paraissant ne pas être connue des préhistoriens. En y pensant, on croit rêver ce qu’était la vie de nos Pères dans une nature débordante d’hostilité. Par ces légendes populaires, le Roussillon en entier vous livrera son passé ainsi que son âme. De ce passé lointain, il ne reste que peu de traces, mais quelles traces ! Malgré l’incertitude de l’heure et les craintes pour l’avenir, il est important de reporter nos regards en arrière, afin d’y puiser du courage pour affronter l’avenir ». Un peu plus loin dans son livre, il évoque un autre « Cimetière des Maures », celui situé au col des Arques au dessus du Prieuré de Serrabonne, entre les villages de Boule d’Amont et de Glorianes et il écrit ceci : « qui pourra identifier les squelettes des géants (légende des Maures) qui dorment à une demi-heure de marche de ce couvent au lieu-dit : le « Cimetière des Maures » ? Puis évoquant les mines de mispickel aurifère du secteur et les nombreux ouvriers ayant participé à cette longue prospection, il rajoute : « le cimetière des Maures, non loin de là, pourrait être une indication sur l’importance du personnel qu’elles (les mines) occupaient. Mais pour certains, il s’agirait des restes de Roland et de ses Preux que Charlemagne aurait laissé reposer dans les terres des Marches qu’il avait délivrée des Sarrazins ». Ici, l’écrivain catalan rejoint un autre catalan, l’archéologue Jean Abelanet qui dans son livre « Lieux et légendes du Roussillon et des Pyrénées Catalanes » écrit ceci page 71: « …d’autres lieux-dits rappellent le souvenir de Roland et de ses adversaires. A la limite sud-ouest du territoire de Talteüll (Tautavel), près d’Estagell, le Verdouble dessine un grand méandre avant de venir en confluence avec l’Agli par une gorge étroite. Cette cluse creusée dans les calcaires porterait le nom de Porta de Rottlan (Roland) (Bulletin de Société Agricole Scientifique et Littéraire des P.O, 49, 1908, p 168 et 176). Un habitant d’Estagell m’a assuré qu’il existait à cet endroit une empreinte du pied de Roland (marmite d’érosion ?). Or, un autre auteur (M.Fauvelle, dans une « Notice sur les marbres d’Estagel », Bulletin Philomatique de Perpignan, n°1, 1834) donne à ce lieu de nom de Pota d’en Rolland. Il semble bien qu’il y ait eu confusion entre le toponyme Pota de Rottlan (empreinte du pied de Roland) et celui de Porta de Rottlan, qui paraît étranger à la toponymie catalane. En tous cas, le caractère légendaire des lieux est renforcé par un autre lieu-dit, qui nous renvoie aux exploits de Roland : le chaînon calcaire que contourne ce méandre du Verdouble porte, sur le cadastre, le nom de Cementeri dels Moros. De telles appellations font soupçonner l’existence de vieilles légendes, mais personne, tant à Talteüll qu'à Estagell ne semble en avoir conservé le souvenir ». Plus loin page 76 « J’ai cité plus haut, dans une boucle du Verdouble, un autre Cementiri dels Moros (cf, carte I.G.N) qui fait la limite entre les deux communes de Talteüll et d’Estagell : il semble bien en rapport avec l’histoire fabuleuse de Roland et de ses adversaires et il ne serait pas impossible qu’il y ait eu en ces lieux quelque vestige préhistorique (tombes ou nécropole) qui aurait donné support à cette légende ». Enfin notons que Louis Companyo, le célèbre naturaliste, dans son « Histoire naturelle du département des Pyrénées-Orientales » évoque la Vallée de l’Agly et écrit ceci : « C’est sur le territoire de Tautavel qu’on a découvert des carrières de marbre très estimées, parmi lesquelles nous signalerons le marbre jaune, imitant le jaune de Sienne, métairie Alzine, le bariolé austracite, nankin foncé, à idem, brèche Montoriol, près Tautavel, brèche Héricart, jaune et blanc, idem, brèche de Tautavel ou petit antique, idem, brèche mauresque, au cimetière des Maures, idem. M.Philippot, marbrier très habile, exploite ces carrières ». Voilà en résumé les textes que j’ai pu recenser de ce lieu. Notons au passage que dans le seul livre de Jean Abelanet cité plus haut, il y a deux orthographes différentes : « Cementeri » page 71 et « Cementiri » page 76. Apparemment, il ne s’agit pas d’une erreur topographique mais bien de deux variantes orthographiques, l’une occitane, l’autre catalane.

 B) Toponymie : Bien des choses ont été écrites sur les toponymies arabes, et d’ailleurs, on trouve sur Internet, un remarquable résumé de tout ce que l’on doit savoir à ce propos dans le livre « Roches ornées, roches dressées », ouvrage collectif, sous la direction Michel Martzluff, en hommage à l’archéologue Jean Abelanet. Un chapitre signé Aymat Catafau intitulé « Toponymies « arabes » des Pyrénées catalanes : histoire ou légende ? » fait un inventaire exhaustif et illustratif de tous les toponymes rencontrées dans les Pyrénées catalanes. En voici le lien : https://books.openedition.org/pupvd/4272#resume. Que faut-il retenir de ce texte par rapport au cas particulier qui nous intéresse, à savoir ce « Cimetière des Maures » à Estagel ? Tout d’abord que s’agissant d’un hommage à Jean Abelanet, ce sont d’abord ses écrits qui sont mis en exergue et servent de base de travail. Notons néanmoins que dans la plupart des lieux cités, trois à quatre critères reviennent presque sans cesse : a) des observations archéologiques très proches y ont très souvent été recensées (dolmens, menhirs, roches gravées ou ornées, etc…). b)  Les toponymes « arabes » seraient presque toujours expliqués par une légende locale, ici c’est celle de Roland. c) la mention « maures » fait toujours référence à des souvenirs douloureux et à ce propos, voici ce qu’a écrit Jean Abelanet « Quoi qu’il en soit, nous constatons que la toponymie catalane a été fortement marquée par les événements malheureux du VIIIe siècle. [...] la mémoire collective gardera un souvenir tellement terrible de ces années sombres que le nom des Maures restera associé à tout lieu, tour, fortification, grotte, tombeau, d’origine inexpliquée ou inquiétante. ». Il n’est pas le seul chercheur, loin s’en faut, à émettre cet avis. d) Enfin, il a été très souvent observé que les toponymes en question étaient des lieux de passage, des lieux élevés, voire carrément perchés, où la vue portait loin, où l’embuscade restait possible. Ici, à Estagel, si les trois derniers critères s’avèrent justes et présents, aucun vestige archéologique pouvant accréditer la toponymie en question n’a été formellement identifié dans ce secteur. Ce qui fait dire à Jean Abelanet, qu’il y en aurait peut-être le long du Verdouble, mais dans l’immédiat, aucune trouvaille archéologique n’est venue soutenir cette appréciation. Comme l’admet Aymat Catafau, ces quelques éléments pour expliquer une toponymie sont de nature à rendre l’historien plutôt sceptique. Les historiens ont donc cherché et se sont aperçus que la plupart de ces noms de lieux étaient plutôt récents et que dans de très rares cas seulement, ils étaient de « l’époque héroïque contre les Maures », c'est-à-dire d’une période allant du VIIe au IXe siècle, période plus souvent intitulée de présence sarrasine. Alors ne faut-il pas chercher ailleurs les explications à ce nom ? Comme je l’ai noté plus avant, cette colline a été exploitée pour ses mines de marbre mauresque (Louis Companyo), idem pour celle de Glorianes, où là-bas c’était l’or qui était recherché, or en catalan un cimetière s’écrit « cementiri », en espagnol, « cementirio », en occitan « cementèri » et en latin « coemeterium ».  Un lieu où l’on concasse des pierres est une « cimentière » ou une « cimenterie », ayant pour origine le latin « caementum » dont la définition en français est « pierre à bâtir », « moellon » ou « pierre concassée ». Alors bien sûr, une « cimentière » ou une « cimenterie » était la plupart du temps, un lieu où l’on concassait des pierres pour en faire du ciment. Le ciment tel qu’on l’entendait autrefois et qui n’est pas celui que l’on trouve en sac de nos jours. Ici, au « Cimetière des Maures », les pierres à concasser ou à bâtir, ce n’est pas ce qu’il manque ! Il n’ y a d’ailleurs que ça : des pierres ! Pierres sous forme de minerais que l’on exploite depuis très longtemps (depuis quand exactement ?), pierres amoncelées anarchiquement et pierres élevées en édifices divers et variés. Comme on le voit, les mots sont proches les uns des autres, tant dans la manière de les écrire que dans leur phonétique, alors les scribes du passé n’auraient-ils pas commis une erreur de transcription ? Ne se sont-ils  pas mélangé les crayons entre l’occitan et le catalan, dont un secteur où la frontière n’a eu de cesse de bouger au fil des siècles, des envahisseurs et des occupants. Il paraît que l’Histoire est bourrée d’erreurs de ce type ? D’ailleurs, quand dans « Google recherche », on s’amuse à taper « cimentière », les résultats continuent d’être orientés en priorité vers « cimetière ». N’est-ce pas un signe ? Le «  cimetière » ne serait-il pas en réalité « une cimentière » ou une « cimenterie » et les Maures ne seraient-ils pas là seulement à cause de la qualité du marbre que l’on y a découvert au fil du temps, c'est-à-dire du « marbre dit mauresque » ou « marbre des Maures » ? Le « Cimetière des Maures » serait en réalité la « Cimentière ou la Cimenterie des Maures ». Roland et la légende des Maures prennent un sacré coup de Durandal derrière la tête mais cette idée d’erreur topographique n’est-elle pas une piste à creuser ? Cette thèse pourrait même être avalisée par une référence donnée par Jean Abelanet lui-même quand il cite «  une « Notice sur les marbres d’Estagel », Bulletin Philomatique de Perpignan, n°1, 1834 ». En effet, en parlant d’Estagel et du lieu-dit « Pota d’en Rolland » évoqué, M.Fauvelle écrit ceci « C’est dans cette dernière localité que je crois la plus convenable pour l’exploitation en grand, d’abord parce que la rivière Verdouble au lieu appelé Pota d’en Rolland vient couper à pic les roches de marbre dans une profondeur de plus de 100 mètres l’on peut donc, dans ce lit de la rivière voir les marbres et juger de leur qualité avec plus d’avantages que si l’on avait pratiqué une excavation, ensuite, si jamais une exploitation a lieu sur ce point, la rivière qui ne tarit jamais servira de moteur pour les scieries, et les blocs, quelque énormes qu’on les suppose, pourront être débités en table dans la carrière même ». Notons que cet écrit date de 1834 et que « l’Histoire naturelle du département des Pyrénées-Orientales » de Louis Companyo date des années 1861 à 1864 et qu’entre ces deux périodes, des carrières ont vu le jour sur ce secteur du Verdouble. En tous cas, les vieilles cartes des Cassini du 18eme siècle, pas plus que les cartes d’Etat major de 1820-1866 ne mentionnent ce « Cimetière des Maures », n’est-ce pas là un signe qu’il faut chercher une réalité toponymique bien plus proche de nous et en rapport avec une activité qui aurait vu le jour entre 1834 et 1864 ? Alors rapport à Roland et aux Maures certes, mais le mot « cimetière » continue d’être un mystère à  éclaircir.

C) Edifices en pierres sèches : Si il y a une certitude, c’est que tous les édifices que l’on aperçoit au « cimetière des Maures » et à la Serre de la Girouneille, qui est sa continuité collinaire, sont les résultats soit d’épierrements colossaux soit de pierres provenant des pierriers naturels. Je note d’ailleurs qu’il y a quasiment les mêmes, en face, sur l’autre versant de la vallée de l’Agly et sur les Monts d’Estagel, de l’autre côté du Verdouble. Plus globalement, et même si tout le midi de la France est concerné, il faut noter que cette partie de la Vallée de l’Agly est très exceptionnellement truffée d’édifices en pierres sèches. Je l’avais déjà noté lors de ma balade à « La Tourèze mystérieuse » depuis Latour-de-France, encore que la comparaison soit osée, puisque les cabanes ; « capitelles » et « orris » ; très nombreuses là-bas, sont quasiment inexistantes ici. Il y a sans doute une raison à cela et comme les capitelles ou les orris sont des habitats, je me dis que seule la très proche proximité de l’Agly et d’Estagel est peut-être la cause de cette quasi absence ici. Ajoutons que le « Cimetière des Maures » est bien plus accidenté et pentu que la Tourèze, et voilà certainement le motif de ces habitats moins nombreux. En réalité, concernant ces édifices de pierres, il y a, selon les historiens qui se sont penchés sur le sujet, deux thèses en présence. La première est que les enclos qui clôturent les parcelles seraient d’un usage uniquement local (Elie Malé). Ici, à Estagel et selon la tradition orale, ces parcelles étaient apparemment plantées de vignes. La deuxième thèse, est, qu’au Moyen-âge, Estagel étant sous la dépendance de l’Abbaye de Lagrasse (Aude), ces parcelles clôturées étaient « des lieux de concentration des transhumants », c'est-à-dire qu’elles étaient là pour accueillir temporairement les immenses troupeaux en route pour des pacages bien plus hauts et donc bien plus verts (Anny de Pous). Cette dernière thèse est difficilement admissible, d’abord parce l’organisation d’une telle transhumance de passages sur ces parcelles n’est étayée par aucun écrit et qu’ensuite, on voit mal des gens du cru s’engageaient dans des épierrement colossaux et dans des élévations titanesques, qui ont sans doute pris des années et des années, pour une activité dans laquelle ils ne sont pas pleinement intéressés, sauf à être payés pour le faire, ce qui, bien évidemment, reste toujours possible. Les deux thèses s’affrontent donc avec leurs avantages et leurs inconvénients. Quand on part jeter un coup d’œil aux parcelles clôturées du « Cimetière des Maures » et de la Serre de la Girouneille, on a beaucoup de mal à croire que l’on ait cru bon de planter de la vigne dans des lieux aussi ingrats et pentus et ce d’autant que la Vallée de l’Agly est là, à leurs pieds, bien plus fertile. Si cette théorie d’éventuelles cultures peut être aisément acceptée aux endroits où l’on aperçoit des terrasses, quel était l’intérêt d’y élever des clôtures aussi gigantesques tout autour ? L’instinct de propriété ? A quel prix ! Il faut donc chercher ailleurs, que dans la seule culture de la vigne, la réalité de ces ensembles architecturaux en pierres sèches. Il parait plus logique de penser que ces collines recelaient un grand nombre d’activités différentes : les cabanes étaient des abris pour se protéger des intempéries et ranger du matériel, les terrasses étaient plantées de différentes cultures, vignes sans doute mais aussi vergers, oliveraies, amanderaies, céréales, légumineuses selon la qualité des terres et leur hydrographie mais étaient à même d’accueillir des ruchers, les enclos étaient probablement là pour regrouper les troupeaux d’ovins ou de caprins et les sécuriser d’éventuels prédateurs nocturnes, les murs de soutènement permettaient de régulariser les pentes et de protéger les cultures en question des éventuels agresseurs naturels, tels que les sangliers ou autres cervidés, etc……En tous cas, rien dans ces activités agraires et pastorales ; or mis celle de l’exploitation minière ; ne permettent d’expliquer cette appellation de « Cimetière des Maures ». Une ou plusieurs de ces parcelles étaient-elles destinées à y ensevelir des morts ? C’est une hypothèse bien peu crédible et surtout qui n’a été étayée par une aucune découverte allant dans ce sens. Le mystère demeure et le charme de la découverte reste entier. N’est-ce pas mieux ainsi ?

 

 

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Le Circuit des Coumes et Sur les pas des bergers depuis Calce

Publié le par gibirando

Diaporama agrémenté de la musique de Giacomo Puccini "O mio babbino caro", extrait de l'opéra Gianni Schicchi, successivement jouée ici par divers artistes dont Samuel Katz (violon), Nadine Artuhanava (violon), Joshua Bell (violon), Christopher Rude (guitare classique), The Capella String Quartet et pour terminer l'incroyable voix de Ameria Willighagen accompagnée par André Rieu et son Johann Strauss Orchestra.

Le Circuit des Coumes et Sur les pas des bergers depuis Calce

Le Circuit des Coumes et Sur les pas des bergers depuis Calce

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Calce, 16 octobre 2017, 9h15. Grand ciel bleu et soleil radieux pour cette nouvelle randonnée sur des sentiers s’intitulant « Sur les pas des bergers ». Il s’agit d’une balade de 7 km faisant la liaison entre les villages de Calce et d’Estagel, soit 14 km si l’on décide de faire l’aller puis le retour par le même itinéraire. Je n’aime pas trop les allers-retours, même quand ils sont parfaitement balisés, alors j’ai transformé la balade du jour en un circuit de ma composition moyennant quelques centaines de mètres sur le bitume puis dans le lit d’un ruisseau asséché. J’ai intitulé ma balade « le Circuit des Coumes et sur les pas des bergers » à la fois pour garder l’intitulé initial, mais « coumes » parce que pour l’essentiel, les sentiers déambulent au sein de ces petites « combes », soit dans leur fond soit à leurs sommets voire entre les deux quand l’itinéraire nécessite de passer de l’une à l’autre : Coume d’En Soucail, Coume de la Yère, Coume Majou, Coume d’En Garrigou, Coume d’En Carman, Coume d’En Ville, Coume des Boucs, Coumeilles d’En Barrencs, voilà toutes celles que l’on trouve sur la carte IGN. Si elles justifient amplement la dénomination, il y en a bien d’autres même si le mot « coume » ne figure pas toujours dans leurs désignations. Vous l’avez bien compris, ces petites dépressions représentent les principaux décors arpentés et que l’oronymie les aient affublé du mot « coume », « ravin », « rec » ou bien encore « torrent », elles ne sont ni plus ni moins que des petites vallées le plus souvent desséchées et donc arides, en tous cas dans ce secteur des Pyrénées-Orientales. Quand aux objectifs, il faut aller les chercher dans les deux villages que sont Calce et Estagel (voir leur toponymie **). Les deux cités ont un patrimoine plutôt riche et parfois même illustre,  patrimoine le plus souvent lié à leur Histoire séculaire. En tous cas, et même si l’Histoire et les édifices patrimoniaux ne vous intéressent pas au plus haut point, les deux communes ne manquent pas d’originalité et une visite au sein de leurs ruelles reste bien agréable, surtout quand il fait beau. Une fois encore, j’ai lu pas mal de choses à propos des deux cités et du secteur en général et c’est avec ce « bagage documentaire » que je démarre ma balade. Autant l’avouer, ce fardeau est beaucoup moins lourd que mon sac à dos, car contrairement aux « coumes », moi je transporte de l’eau..... et un copieux casse-croûte. Pour le reste et comme toujours je fais mienne la citation d’Henri de Monfreid « N'ayez jamais peur de la vie, n'ayez jamais peur de l'aventure, faites confiance au hasard, à la chance, à la destinée. Partez, allez conquérir d'autres espaces, d'autres espérances. Le reste vous sera donné de surcroît ». Même si force est d’admettre que mon aventure est moins flamboyante et moins exotique que celle de Monfreid, lui c’était la Mer Rouge et la Corne de l’Afrique, moi c’est le maquis du Ribéral, je compte sur le hasard, la chance ou la destinée pour m’apporter ce surcroît et remplir le plus agréablement possible les quelques kilomètres qu’il va me falloir cheminer au sein de cette garrigue typiquement méditerranéenne. Ce surcroît, je l’imagine déjà sous les traits d’une découverte inattendue, d’un oiseau, d’un papillon ou d’une fleur. A Calce, je viens de garer ma voiture non loin de la mairie. Une étrange plaque signalétique m’interpelle : « La mendicité est interdite dans les Pyrénées-Orientales ».  Je ne sais pas si la plaque a encore sa raison d’être mais aujourd’hui j’ai bien l’intention de « tendre une main » vers ma part de « bonnes choses ». Bien-être, satisfactions, bonheurs, plaisirs, détente, ravissement, contemplation…..je n’imagine pas une seule seconde que tous ces « bons mots » ne viennent pas vers moi gracieusement. Je démarre, traverse le beau village et file directement vers le nord et les « Coumos », même si je sais déjà que ce n’est pas le plus court chemin pour rejoindre « Sur les pas des bergers ». En tous cas, connaissant un peu le secteur pour avoir accompli la balade « le Roc Redoun et les Coumos de la Quirro », je sais déjà que les vues seront belles et surtout que je ne reviendrais pas par là. C’est là l’essentiel. Faire une vraie boucle, ne pas faire deux fois le même parcours et être en contemplation. Et même si la distance est un peu plus longue je m’en fiche. Bien vu si j’ose dire car d'emblée je peux me livrer à ma passion pour la photo. Oiseaux, papillons et beaux paysages sont rapidement au rendez-vous. Au sud, la Plaine du Roussillon, Força Réal, le Canigou et les Albères et au nord, la Tour del Far, la Montagne de Tauch et les Corbières maritimes. La météo merveilleuse et sans vent m’aide à cet enchantement. Quand j’aperçois des oiseaux, je me mets en planque et utilise mes appeaux si nécessaire. Je flâne sans souci sur de larges pistes et à cause de leur multiplication, ma seule petite contrainte est de surveiller le tracé que j’ai enregistré dans mon GPS. Ce dernier rejoint ma poche quand le panonceau « Sur les pas des bergers » se présente. Voilà enfin le balisage jaune qu’il me faut suivre. La large piste continue, s’élève dans la maquis jusqu’au lieu-dit Bente Farine, toponymie plutôt répandue dans le midi. Cette toponymie, j’ai déjà eu l’occasion de la développer à quelques reprises et notamment lors de deux autres balades à la Couillade de Ventefarine du côté de Fosse puis au Moulin de Ribaute du côté de Duilhac.  Sur la droite, cette modeste apogée offre de jolies vues vers la Tour del Far et le domaine de Jau, où le château couleurs brique et ocre contraste au sein d’une verdoyante pinède.  Ici, et droit devant commence une succession de collines arrondies et de ravins et quand je regarde au loin, elle semble se perdre en pays Fenouillèdes. Les fameuses coumes sont là, bien visibles, comme des tranchées creusées sans aucune cohérence. Le chemin redescend jusqu’au pied du Serrat d’En Bouguadé, petit mamelon que l’itinéraire évite. Un petit pré constitue un collet entre cette colline et Bente Farine mais également entre deux coumes à gauche et à droite : la Coume de la Yère et le Ravin del Capounat. A l’instant même où j’y parviens, une compagnie de perdrix rouges décolle telle une escadrille. Les volatiles planent et atterrissent comme un seul homme au fond de la Coume de la Yère. Au bout du pré et sur un petit fronton de roches concassées, une quantité incroyable de tarentes de Maurétanie se chauffent au soleil. Sur la gauche, deux lézards des murailles font bande à part. Alors que je m’approche doucement pour photographier tous ces « sauriens », qu’elle n’est pas ma surprise de constater que ces roches où les tarentes se reposent sont d’une incroyable originalité. Certaines sont joliment cannelées en relief telles des représentations graphiques mais la plus grande partie sont comme poinçonnées, burinées et tailladées de milliers de trous et de traits avec un canevas d’une telle régularité qu’il ne parait pas très naturel. Pourtant c’est bien la nature, et elle seule, qui a créé ces sculptures abstraites faites de petits trous et de stries comme si un pointeau invariablement résistant était passé par là. En ramassant une pierre gisant à terre, je constate que ces signes sont peu profonds et donc très superficiels. Il y en a parfois à l’intérieur même d’une coupe longitudinale. J’ y aperçois aussi de minuscules cristaux brillants, probablement du calcite ou du quartz. D’autres présentent de fines rayures comme on peut en voir dans une pomme vermoulue.  Est-ce les traces fossiles de microorganismes marins ? Je ne saurais le dire mais j’en ai bien l’impression et seul l’aspect plutôt saillant de ces signes me laisse perplexe. C’est bien la première fois que j’aperçois une telle géologie à laquelle je suis dans l’incapacité de donner un nom. En tous cas, tous ces signes anguleux ne ressemblent pas à des nids d’abeilles alvéolaires créés par une érosion éolienne ou hydraulique comme on en voit parfois. Si c’est l’érosion qui a stylisé ce chef d’œuvre minéral, force est de reconnaître qu’elle a du talent. J’en prend plusieurs photos avec le désir d’en savoir un peu plus et de voir si je trouve une équivalence sur Internet en effectuant des recherches (*). Est-ce à cause de cette géologie particulière et dans l’espoir d’en trouver d’autres mais je décide sans trop réfléchir de grimper au modeste sommet du Serrat d’En Bouguadé, situé à 346 mètres d’altitude ? Il est vrai aussi qu’avant d’accomplir cette balade, je viens de finir la lecture des « Capbreus du roi Jacques II de Majorque (1292-1294) » et notamment le « capbreu d’Estagel » où l’on évoque ce sommet. Double raison pour y monter ? Cette gentille ascension me permet de découvrir quelques fleurs nouvelles parmi lesquelles l’Erodium fétide qu’on appelle aussi Bec de grue des pierriers. Cette plante protégée a des noms disgracieux mais ses fleurs sont belles avec de jolis pétales roses striés de minuscules veinules rouge sang. Des papillons ne s’y trompent pas et leur tournent autour, mais sans jamais s’y poser. La fétidité de la plante les ferait-elle fuir ? Au sommet du serrat, un pylône à haute tension déploie ces câbles en direction de la plaine. Assis sur le support en béton d’un de ses pieds, j’observe ces grandioses panoramas qui s’étirent devant moi jusqu’à la mer. Quel beau spectacle ! En suivant des yeux ces filins métalliques, luisant sous les rayons du soleil, je ne peux m’empêcher de les comparer aux fils en nylon de cannes à pêche géantes qu’un pêcheur titanesque aurait calées. Je quitte le pylône et pars quelques instants pour cheminer la crête dans l’espoir d’y trouver un vestige quelconque, pastoral, médiéval ou autre. Non, il n’y a rien d’autres que de la caillasse et de merveilleux panoramas à 360 degrés. J’ai bien vu une capitelle mais en contrebas. Je me souviens de la traduction du « capbreu d’Estagel » où à propos du Serrat d’En Bouguadé, il était écrit « tout autour, se déploie un paysage vallonné de coteaux, de bois et de garrigues, qui a favorisé la culture de la vigne et le développement des activités pastorales » et même si les activités pastorales ne sont pas visibles aujourd’hui, j’imagine assez aisément que des troupeaux d’ovins et de caprins aient pu fréquenter tous ces vallons. Les bergers de Calce quittaient ces coumes arides pour se rendre à Estagel et dans la Vallée de l’Agly où ils avaient l’assurance que leurs bêtes trouveraient des herbages plus verts et de quoi s’abreuver. Voilà l’explication quand au nom de ce parcours que j’accompli aujourd’hui. Pour le reste et sept siècles plus tard tout est encore là : coteaux, bois, garrigues et vignobles constituent les principaux décors. Quand aux vues sur le vallée de l’Agly depuis le Serrat d’En Bouguadé, elles sont telles qu’on peut aisément concevoir que ces crêtes que je chemine aient servi de mirador naturel pour des garnisons royales ou seigneuriales au temps jadis. Elles étaient probablement la réciprocité de la Tour del Far que j’aperçois en face, tour chère aux rois de Majorque qui ont été en Roussillon des lanceurs d’alerte bien avant l’heure. Le temps d’une photo-souvenir et je redescends tout schuss et sans trop de prudence au milieu de la garrigue car le sentier que j’avais délaissé est désormais encore plus bas. J’y retrouve le balisage jaune dans une courte descente complètement défoncée car amplement ravinée. De violentes eaux pluviales sont passées par là et quand le sentier se remet à être bon, la végétation a grandi et s’est épaissie comme par miracle. L’eau a fait son œuvre, bienfaisante pour les plantes mais érosive pour la terre. Le sentier se fraye un chemin dans un labyrinthe végétal où les oiseaux semblent se complaire : vignes oubliées et presque enfouies sous des genêts démesurés, ronciers, clématites des haies et salsepareilles aux tiges échevelées, cette végétation détonne avec la garrigue ligneuse cheminée jusqu’à présent. A l’instant même où le chemin s’élargit de nouveau, quelques grenadiers aux fruits rouges se présentent. Je cueille un beau fruit et tente d’en manger quelques graines mais elles manquent de jus et de douceur, alors j’abandonne. Un large chemin prend le relais du sentier et longe la Coume Major, combe asséchée mais plutôt ample comme son nom l’indique. Ici les pins se font plus présent. Pris par ma passion de la photo ornithologique, car ici les passereaux sont encore très nombreux, je perds mon bout de carte IGN, oublie de regarder les panonceaux et finalement quand je m’aperçois de tous ces déboires, ils me contraignent à rebrousser chemin et à quelques décamètres supplémentaires. Finalement, après avoir pesté, je ressors de tout ça plutôt satisfait. J’ai retrouvé le bon itinéraire traversant la combe, mon bout de carte qui était tombé de ma poche et en sus quelques petits oiseaux sont entrés dans mon appareil photo, parfois attirés il est vrai par mes appeaux. J’ai perdu un peu de temps mais je suis ravi et pourrais presque dire « Souris ! Le p’tit oiseau est entré ! ». Si je me fie au dernier panonceau, Estagel n’est plus très loin à seulement 1,4 km et à 25 minutes. Au lieu-dit Los Cassaneils, le sentier file désormais en balcon au dessus de la ravine. Au sein d’un décor de pinèdes et de maquis, de jolies vues s’entrouvrent, au loin vers Latour-de-France et bien plus près sur les premières toitures rouges d’Estagel. Finalement le sentier retrouve le lit graveleux du ruisseau asséché. C’est le Torrent de la Grave. Ce dernier entre directement dans la ville en se transformant en un canal bétonné. Grâce à un escalier métallique, j’en rejoins aisément sa berge droite. La suite m’entraîne vers la chapelle Saint Vincent que je ne connais pas et que j’ai bien envie de découvrir. Dans les ruelles et par manque de précision, mon GPS se perd un peu, mais finalement l’itinéraire est assez simple et bien indiqué. La jolie chapelle de style très « majorquin » est là, mais close malheureusement. Désormais, j’en ai pris l’habitude car par peur des vols ou des vandales, elles le sont presque toutes dans le département. Alors j’en fais simplement le tour en prenant quelques photos. Chapelle préromane amplement remaniée au fil des siècles, elle a été un ermitage au 17eme siècle avais-je lu à son propos. Briques rouges, galets de rivière et pierres du terroir en constituent son ossature. Son clocher-mur baroque en forme de poire avec ses clochetons blottis dans une arcade est assez typique de nombreuses églises catalanes. Son préau avec ses arcades est beaucoup plus original et lui donne l’aspect d’un petit cloître. Avec son théâtre en plein air, l’endroit constitue une agréable aire de pique-nique. Il y a même un barbecue. J’y déjeune sous la curiosité d’un rouge-queue noir et de quelques moineaux que mes tranches de pain de mie intéressent au plus haut point. Comme aurait dit une amie catalane : « Eh ben Rosette ! »  Elle n’aurait pas eu tort, car au rythme où ils mangent les bouts de pain que je leur offre, de mes sandwichs-triangles il ne va plus que me rester la rosette. Après cette pause déjeuner amplement consacrée à observer des oiseaux, je file vers le centre-ville et comme j’ai tout mon temps, je m’assieds à la terrasse d’un café. François Arago, l’enfant et héraut d’Estagel me tourne le dos mais si je me fie à ce que je viens de lire sur la stèle de sa statue, je ne vais pas lui en tenir rigueur. Les seules mentions  « suffrage universel » et « abolition de l’esclavage » engendrent mon respect. Je trouve qu’il y a foule pour la saison mais sans doute que le beau temps n’est pas étranger à cette affluence dans les rues, les bistrots et les restaurants. Je file visiter la vieille ville et entre par le porche de la tour de l’horloge. Ici, je retrouve une « cellera » médiévale telle qu’on en rencontre beaucoup en Catalogne et Roussillon. Lieu de protection pour les biens et les personnes et d’entreposages pour les denrées, les fameux celliers, il est le noyau central et la partie la plus ancienne du village. Ses vieilles maisons le plus souvent très hautes sont en cercle de chaque côté de venelles étroites et l’ensemble est presque toujours encadré de fortifications. Parfois pour passer d’une maison à l’autre, il y a une passerelle aérienne cloisonnée ou pas. L’église avec une placette où se réunissaient les villageois est généralement l’épicentre. Ici à Estagel, l’église est dédiée à Saint-Vincent et Saint-Étienne et comme j’ai la chance qu’elle soit ouverte, j’y entre. L’église est vraiment superbe avec plusieurs retables. Le plus monumental est celui du maître-autel, mais d’autres chapelles sont magnifiquement ornées également. Il y a de jolies fresques de divers styles, de beaux vitraux et un petit buffet d’orgue admirablement décoré. L’édification de l’église aurait commencé en 1319 affirme une pierre gravée mais or mis une cuve baptismale, il ne reste plus rien d’autre de cette époque. Apparemment deux jeunes filles effectuent un reportage. Une prend des notes et l’autre des photos, alors je visite l’église et prends des photos tout en essayant de ne pas trop les déranger dans leurs tâches. En sortant de l’église, je pars me renseigner à l’office de tourisme à propos du cimetière wisigothique mais force est de reconnaître que les renseignements que l’on me donne n’incitent pas à une visite : « site sur la route de Montner mais envahi par les herbes folles et donc difficile à trouver quand on ne connaît pas l’endroit ». Voilà les renseignements que je recueille. Je ne connais pas l’endroit, je ne possède pas ses coordonnées GPS alors je laisse tomber la visite de la nécropole du vieux peuple germanique. Il est donc temps de me remettre en route vers Calce. Selon mon tracé, je souhaite éviter au maximum la route bitumée même si je sais qu’une bonne partie sera inévitable un peu plus tard. Je fais le choix de la rue Dugommier puis de la rue Fournalau. Les deux m’entraînent dans les hauteurs vers un lotissement de villas nouvelles. Je suis très vite hors de la ville mais la départementale D.1 est très vite là elle aussi. Je retrouve les paysages de vignobles, de jachères, de maquis et de pinèdes tels que je les ai traversés ce matin. La D.1 longe le torrent de la Grave et à la première occasion qui m’est offerte, j’abandonne son asphalte au profit des sédiments secs du ruisseau. J’ai bon espoir que le lit du ravin soit propice à une faune plus présente. Une fois encore la chance est avec moi, et même si les oiseaux sont bien présents mais difficiles à photographier, j’y découvre un énorme et superbe lézard ocellé. Je dis « chance » mais en réalité, le fait d’être constamment aux aguets pour photographier les oiseaux entraîne ce type de situation. Des lézards ocellés, j’en ai déjà croisé quatre ou cinq fois au cours de balades mais celui-ci est de très loin le plus phénoménal de tous. Très large, avec de grosses ocelles bleues sur sa robe verte,  il mesure au moins 50 cm de long. Il est posé sur des galets, au milieu même du ruisseau, et seules ses mâchoires bougent comme s’il mâchouillait un trop copieux festin. En réalité, ses yeux bougent aussi mais ça je ne le vois que sur le gros plan de la photo que je suis entrain de prendre. Je suis à sept ou huit mètres de lui, mais avec il est vrai un amoncellement de branchages qui nous séparent l’un de l’autre. En tous cas, soit il ne me voit pas, soit la distance lui paraît suffisante pour qu’il ne s’en inquiète pas. Pourtant le roulement perpétuel de ses yeux m’indique qu’il est sans cesse sur ses gardes. J’évite de bouger car je suppose que sa taille est directement proportionnelle à la faculté qu’il a à réagir au moindre mouvement qui pourrait l’alerter d’un danger. Après quelques photos, je me décide néanmoins à avancer et là, avec un bond prodigieux et à une vitesse incroyable, il se retourne et détale dans les enrochements gauches de la rivière. Voilà où se trouve sa tanière mais inutile d’attendre qu’il en ressorte car j’ai déjà quelques photos bien enregistrées. Je continue dans le ruisseau sans trop de difficultés mais sur un sol présentant pourtant des alluvions disparates : sables, graviers, galets, et roches. Le plus ennuyeux n’est pas cette disparité minérale mais surtout la quantité de bois et de branchages de toutes sortes qu’il me faut parfois enjamber. Mais j’y parviens malgré tout. Finalement un pont se présente devant moi et il est temps que je quitte le lit du ruisseau. Je le fais d’autant plus volontiers que c’est le seul endroit où il y a encore de l’eau. Très peu il est vrai et qui ne m’empêcherait pas d’avancer mais surtout verdâtre et envahie par une multitude d’insectes redoutables. Moustiques, guêpes et surtout un gros frelon, tous se servent de cette minuscule mare comme d’un abreuvoir. Ma venue semble les contrarier alors je grimpe le talus sans trop réfléchir et me retrouve sur le pont. Ce pont constitue l’intersection où il me faut définitivement quitter la D.1. Je quitte le torrent de la Grave pour le Rec d’en Cruels qui est son affluent, asséché lui aussi bien sûr. « Grave », « Cruels », le novice en toponymie qui verrait ces noms-là sur mon bout de carte pourrait avoir un peu d’appréhension, pourtant, ici le nom « Grave » fait référence au sol graveleux du torrent, c'est-à-dire à du sable, à du gravier et en français, on retrouve une homologie dans le mot « grève ».  Quand au nom « Cruels », j’ai cherché quelle pouvait être sa vraie signification. Venant du catalan, il y a d’abord diverses traductions qui pourraient l’expliquer : « cruel », « acerbe », « dur », « âpre », « clos », « fermé ». Plusieurs toponymistes s’accordent à penser que s’agissant d’un nom de lieu, le mot « cruels » peut être lié à un instant de cruauté s’étant déroulé à cet endroit comme une bataille par exemple. Mais ici même, aucune bataille n’est restée dans l’Histoire. Enfin, je n’ai rien trouvé de tel sur le Net. Par contre concernant ce lieu même, des linguistes catalans pensent que le nom aurait pour origine le mot occitan « clausel » signifiant un « clos » c'est-à-dire un petit lopin de terre cultivé entouré d’un muret ou d’une haie et que le vrai nom catalan du rec serait « Rec d’En Crauel » (extrait de l’ouvrage : Actes del Quinzè Col-loqui Internacional de Llengua et Literatura Catalanes –Lleida 2009 – Publicacions de l’Abada de Montserrat). Le nom « Crauels » aurait donc été mal rédigé par les cartographes pour finalement devenir « cruels ». Rappelons qu’ici un rec peut avoir lui aussi plusieurs significations : canal d’irrigation construit par l’homme, rigole naturelle ou pas, voire ravin. Ici, le problème c’est qu’il y a tout cela en même temps : une rigole devenant petit ravin et se terminant par un profond fossé aménagé de pierres sèches par l’homme.  En tous cas, les petits lopins de terre sont bien là et le vignoble occupe une bonne partie de cette intersection puis tout autour la garrigue reprend ses droits. Il faut ignorer le chemin qui monte à droite d’une ruine et continuer tout droit. L’asphalte devient d’abord mauvais bitume puis il est ensuite remplacé par un large chemin terreux. Il grimpe en suivant les courbes du rec se trouvant à main gauche. Le rec coupe les collines en deux. Sur la gauche, il y en a une où apparaissent plusieurs postes de chasse sur pilotis, et sur la droite, l’autre colline a pour nom la « Grava ». Cette dernière, il faut la gravir. Je prête donc attention à trouver un étroit sentier qui va me le permettre. Il est situé finalement à la côte de 167 mètres. Dès qu’il se présente, je n’hésite pas à quitter le large chemin au profit de cet étroit sentier. Il est parfois bien raviné mais je sais qu’il est le seul moyen commode de réaliser la boucle programmée. Il monte hardiment jusqu’à une crête, avec 60 mètres de dénivelé environ mais sur une courte distance qui n’excède pas 400 mètres. Cette crête offre de nouvelles vues admirables à 360 degrés. Il faut dire que la rase végétation ne fait aucunement obstacle à l’émerveillement. Derniers témoins d’un vieil incendie, les branches les plus hautes sont celles de squelettes noircis émergeant d’une végétation olivâtre plutôt rabougrie. Ici, plus qu’ailleurs, les « coumes » trouvent une réelle justification au nom de cette balade car elles sont visibles en grand nombre et de tous côtés. Quand la crête se termine, le sentier se termine aussi. Je retrouve une intersection et un chemin plus large. Il faut partir vers celui de gauche et poursuivre. Quelques vieux murets, abris et orris en pierres sèches attestent de l’activité pastorale passée. Ici, je ne suis déjà plus « Sur les pas de bergers » mais c’est tout comme. Finalement, au lieu-dit Camp de les Feixes, cet itinéraire atterrit sur la D.18 et pour rejoindre Calce, je ne peux plus guère éviter l’asphalte. Je ne peux le faire qu’à proximité la plus limitrophe du village quand sur la gauche de nouveaux chemins permettent de quitter la route. Avec cette arrivée-là, je bénéficie de belles vues aériennes sur le village. Est-ce cette imminence citadine mais les passereaux de la garrigue se font soudain plus nombreux ? Plutôt isolés jusqu’à présent, ici les oiseaux sont visibles en de grands rassemblements. Les approcher n’est pas moins facile. Le village est là alors j’en fais une visite autour de son vieux château du XIIeme siècle. Il est fermé mais un panonceau en relate son Histoire de manière très résumée. Je retrouve néanmoins des noms déjà entrevus et cités dans maintes et maintes balades : les rois de Majorque, les chevaliers du Temple, les seigneurs du Vivier, la famille de So. Ainsi se termine cette studieuse mais jolie randonnée. Avant de rejoindre ma voiture, je jette un dernier coup d’œil à cette plaque mentionnant que « La mendicité est interdite dans les Pyrénées-Orientales ». Force est de reconnaître que la main que j’ai tendue aujourd’hui, je n’ai eu aucun mal à la remplir de bonnes fortunes. Fortunes peu nourrissantes pour l’estomac certes mais fortunes pour ma bobine. Je me dis que la mendicité c’est aussi la charité. « Charité bien ordonnée commence par soi-même » dit un célèbre proverbe. Ce proverbe est juste aussi et je me dis que si j’ai bien profité de ma journée, c’est peut-être parce que j’avais fait en sorte de bien l’ordonner ! Telle qu’expliquée ici, cette balade est longue de 17 km environ. J’en exclus mes égarements, montée vers le Serrat d’En Bouguadé, perte de carte et errements dans Estagel car au total et selon mon GPS, j’ai parcouru 19,3 km pour des montées cumulées de 895 mètres. Le modeste dénivelé de 274 m est peu significatif, le point le plus bas étant Estagel à 72 m et le plus haut au sommet du Serrat d’En Bouguadé à 346 m. Carte IGN 2448 OT Thuir- Ille-sur-Têt Top 25.

 

(*) Roches trouées et striées au pied du Serrat d’en Bouguadé : Autant l’avouer, j’ai pas mal galéré dans mes recherches sur le Net pour trouver une équivalence aux roches rencontrées au pied du Serrat d’en Bouguadé. J’ai trouvé seulement 2 photos (voir ci-dessous) à peu près ressemblantes provenant d’un site de recherche en langue anglaise (Discover The World's Research). La publication jointe aux photos est extraite du « Journal of the Linnean Society (The Linnean Society of London) ». Elle a été écrite collectivement par divers chercheurs. Photos et textes m’ont néanmoins confortés dans l’idée qui était la mienne à savoir que ces trous et stries ont bien été créé par des micro-organismes aquatiques. Ces chercheurs indiquent qu’il s’agirait de Serpulidés ou Serpules qui sont des vers annélides vivant dans un tube calcaire. Ils précisent même qu’il s’agit de Polychètes. A propos de la photo la plus proche des roches rencontrées, ils évoquent « Semivermilia crenata » ce qui confirme, si besoin, qu’il s’agit bien de vers marins, puisque cette espèce vit le plus souvent dans des grottes sous-marines. Sur le site « Cosmovisions.com », il est mentionné que « les Serpules sont fréquentes à l'état fossile. La forme de leurs tubes est très variable, ronde, anguleuse, aplatie; ils sont courbés ou enroulés de façons diverses », cette précision pouvant expliquer cette fossilisation originale et l’aspect anguleux des orifices observés.  J’ai également appris qu’en pédologie, science qui étudie la formation et l’évolution des sols, l’aspect saillant des signes sur la roche que je soulevais est appelé « structure prismatique ». Les chercheurs du site « Discover The World's Research » les évoquent aussi. Il semblerait que les petits cristaux brillants que l’on aperçoit dans la roche soit du calcite ou de l’aragonite, leurs couleurs étant très variables comme j’ai pu le constater moi-même. On peut donc raisonnablement imaginer que ces roches soient d’anciens dépôts sédimentaires marins et que la mer et une faune occupaient amplement les lieux, il y a plusieurs milliers d’années. Voilà ce que je peux dire à propos de ces roches mais bien évidemment n’étant qu’un néophyte en géologie, tout ce que j’écris reste à vérifier et à démontrer. Si des spécialistes lisent ce texte et veulent apporter leur contribution, je suis preneur.

Le Circuit des Coumes et Sur les pas des bergers depuis Calce

Le Circuit des Coumes et Sur les pas des bergers depuis Calce

Les 2 premières photos sont celles que j'ai trouvées sur le Net et la 3eme est la mienne.

** Toponymies de Calce et Estagel : Concernant Calce la première mention retrouvé date de 843 sous les formes « Calcenum » et « Caucenum ». Par la suite, les scribes hésitent entre les graphies « Cauce », « Calcia » (castrum de Calcia, 1312), « Calsa », « Calça ». Toutes ces formes renvoient à la même origine, le latin « calx », « calcis » (= la chaux). Le toponyme, si l'on en croit la mention « Calcenum », viendrait de l'adjectif bas-latin « calcenus » ; la forme « Calcia » vient pour sa part de l'adjectif féminin « calcea ». Calce est l'équivalent du français « causse », utilisé pour désigner un terrain calcaire.. Concernant Estagel, la première mention remonte à l’an 959 (950 ?), sous la forme villa « Stagello », puis « Estagellum » en 978. L'étymologie semble renvoyer au latin, avec le mot « statio » (= station, lieu de séjour) suivi du suffixe -ellum. Le terme « estatiellum » a pu désigner un relais, une auberge sur la route du Roussillon au Fenouillèdes. Autre hypothèse, le latin « staticum » = demeure. (Extrait du site « Toutes les communes des Pyrénées-Orientales » de Jean Tosti)

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Les Monts d'Estagel (185 m) depuis Estagel

Publié le par gibirando


Ce diaporama est agrémenté d'un morceau de jazz intitulé "Festive Minor" interprété par Gerry Mulligan.
LES-MONTS-D'ESTAGEL
 
LESMONTSESTAGELIGN
Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.

Après un grand détour par l’île de Madère et la fabuleuse mais difficile traversée de ses plus hautes cimes que sont le Pico do Arieiro (1.818 m) et le Pico Ruivo (1.862 m), redescendons un peu sur terre avec ces Monts d'Estagel dont la découverte constitue une toute petite randonnée que je qualifierais presque d’entraînement. Redescendre sur terre si j’ose m’exprimer ainsi, au sens propre avec cette nouvelle balade qui va culminer à 185 mètres d’altitude et au sens figuré car les plaisirs du voyage et de l’aventure seront sans commune mesure avec ceux que nous avons connu sur la Perle de l’Atlantique. Eh bien oui que voulez-vous, on ne peut pas toujours être en voyage aux Tropiques et partir randonner sous d’autres cieux très lointains. Eh bien oui que voulez-vous, il faut d’abord s’entretenir un peu si l’on veut ensuite avoir une forme suffisante pour gravir de plus hauts sommets. L’hiver est souvent la période la plus propice à ces courtes randonnées de remises en forme où l’on va pouvoir balader tout en faisant fonctionner son souffle et donc son cœur de manière optimale. Je suis toujours à la recherche de ces petits circuits de randonnées pas trop loin de chez moi de préférence et qu’on les effectue en les appelant « marche cardio » ou « cardio training », le printemps venu, il en restera toujours quelque chose si on répète ces séances bien régulièrement. Une condition tout de même, j’aime bien ces petites balades à condition d’être toujours dans la découverte, c'est-à-dire que j’aime bien en changer pour éviter la lassitude. Cette fois-ci, nous avions jeté notre dévolu sur un petit panonceau jaune que nous avions aperçu invariablement et depuis quelques temps déjà à la sortie d’Estagel. Ce panneau de randonnée était juste après le pont sur l’Agly, direction Maury mais si on le voyait déjà depuis quelques temps, nous ignorions ce qu’il pouvait bien indiquer. Il faut dire qu’à l’endroit où ce panonceau est placé, en plein virage, il est très difficile de s’arrêter sans prendre le risque de créer un accident car en général, les voitures reprennent de la vitesse dès la sortie du village.

Ce jour-là, avant de partir vers Estagel, j’ai jeté un coup d’œil rapide à la carte IGN sur Géoportail et je n’ai noté aucun tracé de randonnée dans ce secteur. C’est donc en aveugles que nous sommes partis, que nous avons laissé notre voiture devant la gare du village et que nous avons fait les quelques mètres qui nous séparaient de l’énigmatique panonceau. Une fois devant celui-ci, le mystère est resté presque entier car il était écrit : « Les Monts d’Estagel – 8 km » et même en dépliant ma carte IGN, je n’étais guère plus avancé. Il y avait bien un Mont d’Estagel et quelques chemins qui semblaient tourner autour mais rien de concret quant à une éventuel tracé du style P.R. (Petite randonnée). Nous étions sur le point de démarrer la balade quand Dany me fit remarquer que sur le panonceau était dessiné un minuscule vélo ainsi que le fameux balisage propre aux circuits locaux de VTT avec un triangle et deux cercles de couleur jaune. Alors fallait-il pour autant ne pas faire cette balade ? Non, c’était une boucle de 8 kilomètres comme une autre, enfin nous l’espérions, et je ne voyais rien qui s’opposait à la transformer en une randonnée pédestre. Bien sûr, nous comptions respecter le balisage que nous espérions suffisamment clair et présent pour ne pas s’égarer en cours de route. C’est ainsi que dès le départ, nous avons traversé la voie ferrée à un passage à niveau avec signal automatique et devant ce qui semblait être la maison d’un artiste mais sans doute plus sûrement celle du gardien de ce même passage à niveau. En effet, quelques jolies sculptures en bois ou en pierres étaient là, posées à même le sol et laissaient présager que le cheminot était également un excellent sculpteur à ses heures perdues. Au moment où nous avons franchi la voie avec la prudence recommandée et comme si un signal était nécessaire à matérialiser notre départ, un magnifique coq se mit soudain à chanter. Un large chemin tourna à gauche et s’éleva en suivant la voie ferrée, voie qui elle-même était parallèle à la D.117 que l’on apercevait légèrement en contrebas. Sur la carte IGN, le lieu-dit s'appelle Le Pal, toponyme plutôt répandu dans nos belles Pyrénées. Il peut signifier "poteau" ou "pente", ce qui ici laisse la porte ouverte aux deux possibilités. Après 2 kilomètres environ sur ce chemin parallèle à la D.117, on retrouve le bitume de la D.611 qui, elle, file vers Tautavel près d’un autre passage à niveau. On la traverse. Tout en parcourant ce tronçon, nous avons eu l’occasion d’entrevoir de très jolies vues sur les premières collines des Fenouillèdes, sur le Massif du Canigou et sur les Corbières. Sur la droite, les flancs du Mont d’Estagel laisse entrevoir d’innombrables terrasses ainsi qu’un grand nombre de vieux et colossaux murets de pierres sèches et également quelques orris. Ils sont les témoignages d’anciennes cultures et d’un pastoralisme aujourd’hui disparus. Dans cette colline hostile où la garrigue et de nombreux pins ont désormais entièrement repris leurs droits, on imagine avec peine qu’agriculture et élevage aient pu exister au siècle précédent. Nous avons poursuivi la D.611 et juste après le virage et une pancarte « Domaine Mas Camps », nous avons emprunté un large chemin qui montait à gauche et arrivait au sommet d’une butte près d’un mas. Cette portion du chemin semblant être privée car on y croise un nombre incalculable de voitures, nous avons bien sûr respecté les lieux en ne s’y attardant pas et en marchant en silence. Le chemin est redescendu un peu, a rejoint un tunnel au dessus duquel passe la voie ferrée et nous avons retrouvé le balisage qui avait quelque peu disparu. Dorénavant, la voie ferrée n’était plus en dessous mais légèrement au dessus. Tout en longeant la voie ferrée, le large chemin a fini pas se rétrécir en atteignant une vigne. Nous l’avons traversé en restant sur la gauche pour aboutir sur l’asphalte d’une petite route vicinale qui montait vers la droite. Malgré la déclivité, ici a commencé la portion la plus « roulante » de cette boucle et c’était l’occasion rêvée de faire un peu du « cardio training » en accélérant le pas. Nous avons poursuivi cette route qui filait plein nord en prêtant attention au balisage jaune toujours présent mais parfois peu évident à voir. Au bout de quelques centaines de mètres, après un bref raidillon, l’asphalte a laissé la place à une piste terreuse. Sans trop s’en rendre compte, nous nous sommes élevés et les vues se sont un peu plus entrouvertes sur des panoramas plus lointains où l’on pouvait distinguer les collines de Força Réal mais où le Canigou remplissait le paysage et restait le seigneur de l’horizon. Désormais, la large piste se faufilait entre vignes, casots, pinèdes et terrains en friches. Après une « bonne » montée, l’itinéraire s’est stabilisé et a même fini par s’aplanir complètement au milieu du vignoble. Ici, nos regards se sont tournés vers les petits pechs des Corbières, vers le château de Quéribus et la longue Serre de la Quille. Après quelques zigzags aux milieux des vignes, le chemin bordé de quelques amandiers fleuris est reparti vers le sud puis il est redescendu pour retrouver la D.611 allant vers Tautavel. Là, nous avons tourné à droite tout en traversant la départementale pour rester sur la partie gauche de la route et on a continué à descendre sur 300 à 400 mètres environ jusqu’à rencontrer une combe excessivement caillouteuse qui montait à gauche dans la colline. L’itinéraire était bien là et ce goulet « tord-chevilles », il faut reconnaître qu’il n’est pas très commode à grimper sans de bonnes chaussures de marche. J’étais sur le point d’écrire « tord-chevilles » et « crève-pneus » mais j’ai rapidement réalisé que les vététistes devaient ici, par la force des choses, faire un inévitable portage sur l’épaule tant le sentier est pierreux et donc impraticable à vélo. Au sommet de ce rude raidillon, heureusement très court, l’itinéraire est parti à gauche en suivant un grand muret de pierres sèches puis il est entré dans un bois de chênes verts et de pins et a filé sur la piste la plus évidente dans une végétation de type maquis. Sur ce secteur du chemin, de temps à autres, quelques fenêtres s’ouvraient, sur le Pech de Bugarach étonnamment bien enneigé au regard de sa modeste altitude, sur les carrières de Tautavel et le mamelon de la Tour del Far. A l’approche d’Estagel, la piste terreuse s’est transformée en une route carrossable bitumée. Elle surplombe sur sa gauche la rivière du Verdouble, elle même dominée sur son autre rive par une petite colline qu’on appelle le Cimetière des Maures. Soudain, au détour d’un virage, Estagel a commencé à apparaître et le joli village n’a plus cessé de se déployer au fur et à mesure que nous descendions vers lui. On a retrouvé encore plus magnifiquement qu’au départ les panoramas déjà aperçus :, les petits « serrats » qui encadrent l’Agly, la colline de Força Réal, celle dite La Tourèze mystérieuse et le Massif du Canigou notamment. L’itinéraire a fini par arriver en surplomb de la gare et si la boucle a tiré à sa fin, il fallait encore rejoindre la voiture. Il a fallu pour cela traverser la voie ferrée devant la maison de l’artiste et rejoindre la gare par l’itinéraire pris à l’aller. Telle que décrite, cette boucle est longue de 9 kilomètres environ et nécessite quand même de bonnes chaussures de randonnée avec de préférence une tige haute pour le passage très caillouteux au sein de la combe qui monte vers le Mont d’Estagel. Le dénivelé de 110  mètres environ est très modeste et permet de garder un effort quasi constant si on veut faire du cardio. En été, il faudra penser à prendre de l’eau car le gros du parcours se fait essentiellement sur des pistes jamais ombragées. Enfin, sachez que ce circuit est disponible dans la collection « Les Petits Guides Rando Pyrénées-Roussillon » sur un fascicule quasi introuvable aujourd’hui qui s’intitule « 20 randonnées VTT en Fenouillèdes » édité par le Conseil Général des Pyrénées-Orientales. Carte IGN 2448 OT Thuir – Ille-surTêt – Top 25.

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