Du 23 au 27 mai, le Conseil Départemental propose de faire la Fête de la Nature au sein des 7 réserves naturelles de notre beau département des Pyrénées-Orientales. La Fédération Française de Randonnée Pédestre et son comité départemental sont bien évidemment partenaires de cette très belle manifestation.
Comment de ce fait aurais-je pu me tenir éloigné de ces festivités et ne pas en faire la promotion ?
Voici donc ci-dessous le programme au format PDF que je viens de recevoir.
Pour agrandir les photos cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.
Calce, 16 octobre 2017, 9h15. Grand ciel bleu et soleil radieux pour cette nouvelle randonnée sur des sentiers s’intitulant « Sur les pas des bergers ». Il s’agit d’une balade de 7 km faisant la liaison entre les villages de Calce et d’Estagel, soit 14 km si l’on décide de faire l’aller puis le retour par le même itinéraire. Je n’aime pas trop les allers-retours, même quand ils sont parfaitement balisés, alors j’ai transformé la balade du jour en un circuit de ma composition moyennant quelques centaines de mètres sur le bitume puis dans le lit d’un ruisseau asséché. J’ai intitulé ma balade « le Circuit des Coumes et sur les pas des bergers » à la fois pour garder l’intitulé initial, mais « coumes » parce que pour l’essentiel, les sentiers déambulent au sein de ces petites « combes », soit dans leur fond soit à leurs sommets voire entre les deux quand l’itinéraire nécessite de passer de l’une à l’autre : Coume d’En Soucail, Coume de la Yère, Coume Majou, Coume d’En Garrigou, Coume d’En Carman, Coume d’En Ville, Coume des Boucs, Coumeilles d’En Barrencs, voilà toutes celles que l’on trouve sur la carte IGN. Si elles justifient amplement la dénomination, il y en a bien d’autres même si le mot « coume » ne figure pas toujours dans leurs désignations. Vous l’avez bien compris, ces petites dépressions représentent les principaux décors arpentés et que l’oronymie les aient affublé du mot « coume », « ravin », « rec » ou bien encore « torrent », elles ne sont ni plus ni moins que des petites vallées le plus souvent desséchées et donc arides, en tous cas dans ce secteur des Pyrénées-Orientales. Quand aux objectifs, il faut aller les chercher dans les deux villages que sont Calce et Estagel(voir leur toponymie **). Les deux cités ont un patrimoine plutôt riche et parfois même illustre, patrimoine le plus souvent lié à leur Histoire séculaire. En tous cas, et même si l’Histoire et les édifices patrimoniaux ne vous intéressent pas au plus haut point, les deux communes ne manquent pas d’originalité et une visite au sein de leurs ruelles reste bien agréable, surtout quand il fait beau. Une fois encore, j’ai lu pas mal de choses à propos des deux cités et du secteur en général et c’est avec ce « bagage documentaire » que je démarre ma balade. Autant l’avouer, ce fardeau est beaucoup moins lourd que mon sac à dos, car contrairement aux « coumes », moi je transporte de l’eau..... et un copieux casse-croûte. Pour le reste et comme toujours je fais mienne la citation d’Henri de Monfreid« N'ayez jamais peur de la vie, n'ayez jamais peur de l'aventure, faites confiance au hasard, à la chance, à la destinée. Partez, allez conquérir d'autres espaces, d'autres espérances. Le reste vous sera donné de surcroît ». Même si force est d’admettre que mon aventure est moins flamboyante et moins exotique que celle de Monfreid, lui c’était la Mer Rouge et la Corne de l’Afrique, moi c’est le maquis du Ribéral, je compte sur le hasard, la chance ou la destinée pour m’apporter ce surcroît et remplir le plus agréablement possible les quelques kilomètres qu’il va me falloir cheminer au sein de cette garrigue typiquement méditerranéenne. Ce surcroît, je l’imagine déjà sous les traits d’une découverte inattendue, d’un oiseau, d’un papillon ou d’une fleur. A Calce, je viens de garer ma voiture non loin de la mairie. Une étrange plaque signalétique m’interpelle : « La mendicité est interdite dans les Pyrénées-Orientales ». Je ne sais pas si la plaque a encore sa raison d’être mais aujourd’hui j’ai bien l’intention de « tendre une main » vers ma part de « bonnes choses ». Bien-être, satisfactions, bonheurs, plaisirs, détente, ravissement, contemplation…..je n’imagine pas une seule seconde que tous ces « bons mots » ne viennent pas vers moi gracieusement. Je démarre, traverse le beau village et file directement vers le nord et les « Coumos », même si je sais déjà que ce n’est pas le plus court chemin pour rejoindre « Sur les pas des bergers ». En tous cas, connaissant un peu le secteur pour avoir accompli la balade « le Roc Redoun et les Coumos de la Quirro », je sais déjà que les vues seront belles et surtout que je ne reviendrais pas par là. C’est là l’essentiel. Faire une vraie boucle, ne pas faire deux fois le même parcours et être en contemplation. Et même si la distance est un peu plus longue je m’en fiche. Bien vu si j’ose dire car d'emblée je peux me livrer à ma passion pour la photo. Oiseaux, papillons et beaux paysages sont rapidement au rendez-vous. Au sud, la Plaine du Roussillon, Força Réal, le Canigou et les Albères et au nord, la Tour del Far, la Montagne de Tauch et les Corbières maritimes. La météo merveilleuse et sans vent m’aide à cet enchantement. Quand j’aperçois des oiseaux, je me mets en planque et utilise mes appeaux si nécessaire. Je flâne sans souci sur de larges pistes et à cause de leur multiplication, ma seule petite contrainte est de surveiller le tracé que j’ai enregistré dans mon GPS. Ce dernier rejoint ma poche quand le panonceau « Sur les pas des bergers » se présente. Voilà enfin le balisage jaune qu’il me faut suivre. La large piste continue, s’élève dans la maquis jusqu’au lieu-dit Bente Farine, toponymie plutôt répandue dans le midi. Cette toponymie, j’ai déjà eu l’occasion de la développer à quelques reprises et notamment lors de deux autres balades à la Couillade de Ventefarine du côté de Fosse puis au Moulin de Ribaute du côté de Duilhac. Sur la droite, cette modeste apogée offre de jolies vues vers la Tour del Far et le domaine de Jau, où le château couleurs brique et ocre contraste au sein d’une verdoyante pinède. Ici, et droit devant commence une succession de collines arrondies et de ravins et quand je regarde au loin, elle semble se perdre en pays Fenouillèdes. Les fameuses coumes sont là, bien visibles, comme des tranchées creusées sans aucune cohérence. Le chemin redescend jusqu’au pied du Serrat d’En Bouguadé, petit mamelon que l’itinéraire évite. Un petit pré constitue un collet entre cette colline et Bente Farine mais également entre deux coumes à gauche et à droite : la Coume de la Yère et le Ravin del Capounat. A l’instant même où j’y parviens, une compagnie de perdrix rouges décolle telle une escadrille. Les volatiles planent et atterrissent comme un seul homme au fond de la Coume de la Yère. Au bout du pré et sur un petit fronton de roches concassées, une quantité incroyable de tarentes de Maurétanie se chauffent au soleil. Sur la gauche, deux lézards des murailles font bande à part. Alors que je m’approche doucement pour photographier tous ces « sauriens », qu’elle n’est pas ma surprise de constater que ces roches où les tarentes se reposent sont d’une incroyable originalité. Certaines sont joliment cannelées en relief telles des représentations graphiques mais la plus grande partie sont comme poinçonnées, burinées et tailladées de milliers de trous et de traits avec un canevas d’une telle régularité qu’il ne parait pas très naturel. Pourtant c’est bien la nature, et elle seule, qui a créé ces sculptures abstraites faites de petits trous et de stries comme si un pointeau invariablement résistant était passé par là. En ramassant une pierre gisant à terre, je constate que ces signes sont peu profonds et donc très superficiels. Il y en a parfois à l’intérieur même d’une coupe longitudinale. J’ y aperçois aussi de minuscules cristaux brillants, probablement du calcite ou du quartz. D’autres présentent de fines rayures comme on peut en voir dans une pomme vermoulue. Est-ce les traces fossiles de microorganismes marins ? Je ne saurais le dire mais j’en ai bien l’impression et seul l’aspect plutôt saillant de ces signes me laisse perplexe. C’est bien la première fois que j’aperçois une telle géologie à laquelle je suis dans l’incapacité de donner un nom. En tous cas, tous ces signes anguleux ne ressemblent pas à des nids d’abeilles alvéolaires créés par une érosion éolienne ou hydraulique comme on en voit parfois. Si c’est l’érosion qui a stylisé ce chef d’œuvre minéral, force est de reconnaître qu’elle a du talent. J’en prend plusieurs photos avec le désir d’en savoir un peu plus et de voir si je trouve une équivalence sur Internet en effectuant des recherches (*). Est-ce à cause de cette géologie particulière et dans l’espoir d’en trouver d’autres mais je décide sans trop réfléchir de grimper au modeste sommet du Serrat d’En Bouguadé, situé à 346 mètres d’altitude ? Il est vrai aussi qu’avant d’accomplir cette balade, je viens de finir la lecture des « Capbreus du roi Jacques II de Majorque (1292-1294) » et notamment le « capbreu d’Estagel » où l’on évoque ce sommet. Double raison pour y monter ? Cette gentille ascension me permet de découvrir quelques fleurs nouvelles parmi lesquelles l’Erodium fétide qu’on appelle aussi Bec de grue des pierriers. Cette plante protégée a des noms disgracieux mais ses fleurs sont belles avec de jolis pétales roses striés de minuscules veinules rouge sang. Des papillons ne s’y trompent pas et leur tournent autour, mais sans jamais s’y poser. La fétidité de la plante les ferait-elle fuir ? Au sommet du serrat, un pylône à haute tension déploie ces câbles en direction de la plaine. Assis sur le support en béton d’un de ses pieds, j’observe ces grandioses panoramas qui s’étirent devant moi jusqu’à la mer. Quel beau spectacle ! En suivant des yeux ces filins métalliques, luisant sous les rayons du soleil, je ne peux m’empêcher de les comparer aux fils en nylon de cannes à pêche géantes qu’un pêcheur titanesque aurait calées. Je quitte le pylône et pars quelques instants pour cheminer la crête dans l’espoir d’y trouver un vestige quelconque, pastoral, médiéval ou autre. Non, il n’y a rien d’autres que de la caillasse et de merveilleux panoramas à 360 degrés. J’ai bien vu une capitelle mais en contrebas. Je me souviens de la traduction du « capbreu d’Estagel » où à propos du Serrat d’En Bouguadé, il était écrit « tout autour, se déploie un paysage vallonné de coteaux, de bois et de garrigues, qui a favorisé la culture de la vigne et le développement des activités pastorales » et même si les activités pastorales ne sont pas visibles aujourd’hui, j’imagine assez aisément que des troupeaux d’ovins et de caprins aient pu fréquenter tous ces vallons. Les bergers de Calce quittaient ces coumes arides pour se rendre à Estagel et dans la Vallée de l’Agly où ils avaient l’assurance que leurs bêtes trouveraient des herbages plus verts et de quoi s’abreuver. Voilà l’explication quand au nom de ce parcours que j’accompli aujourd’hui. Pour le reste et sept siècles plus tard tout est encore là : coteaux, bois, garrigues et vignobles constituent les principaux décors. Quand aux vues sur le vallée de l’Agly depuis le Serrat d’En Bouguadé, elles sont telles qu’on peut aisément concevoir que ces crêtes que je chemine aient servi de mirador naturel pour des garnisons royales ou seigneuriales au temps jadis. Elles étaient probablement la réciprocité de la Tour del Far que j’aperçois en face, tour chère aux rois de Majorque qui ont été en Roussillon des lanceurs d’alerte bien avant l’heure. Le temps d’une photo-souvenir et je redescends tout schuss et sans trop de prudence au milieu de la garrigue car le sentier que j’avais délaissé est désormais encore plus bas. J’y retrouve le balisage jaune dans une courte descente complètement défoncée car amplement ravinée. De violentes eaux pluviales sont passées par là et quand le sentier se remet à être bon, la végétation a grandi et s’est épaissie comme par miracle. L’eau a fait son œuvre, bienfaisante pour les plantes mais érosive pour la terre. Le sentier se fraye un chemin dans un labyrinthe végétal où les oiseaux semblent se complaire : vignes oubliées et presque enfouies sous des genêts démesurés, ronciers, clématites des haies et salsepareilles aux tiges échevelées, cette végétation détonne avec la garrigue ligneuse cheminée jusqu’à présent. A l’instant même où le chemin s’élargit de nouveau, quelques grenadiers aux fruits rouges se présentent. Je cueille un beau fruit et tente d’en manger quelques graines mais elles manquent de jus et de douceur, alors j’abandonne. Un large chemin prend le relais du sentier et longe la Coume Major, combe asséchée mais plutôt ample comme son nom l’indique. Ici les pins se font plus présent. Pris par ma passion de la photo ornithologique, car ici les passereaux sont encore très nombreux, je perds mon bout de carte IGN, oublie de regarder les panonceaux et finalement quand je m’aperçois de tous ces déboires, ils me contraignent à rebrousser chemin et à quelques décamètres supplémentaires. Finalement, après avoir pesté, je ressors de tout ça plutôt satisfait. J’ai retrouvé le bon itinéraire traversant la combe, mon bout de carte qui était tombé de ma poche et en sus quelques petits oiseaux sont entrés dans mon appareil photo, parfois attirés il est vrai par mes appeaux. J’ai perdu un peu de temps mais je suis ravi et pourrais presque dire « Souris ! Le p’tit oiseau est entré ! ». Si je me fie au dernier panonceau, Estagel n’est plus très loin à seulement 1,4 km et à 25 minutes. Au lieu-dit Los Cassaneils, le sentier file désormais en balcon au dessus de la ravine. Au sein d’un décor de pinèdes et de maquis, de jolies vues s’entrouvrent, au loin vers Latour-de-France et bien plus près sur les premières toitures rouges d’Estagel. Finalement le sentier retrouve le lit graveleux du ruisseau asséché. C’est le Torrent de la Grave. Ce dernier entre directement dans la ville en se transformant en un canal bétonné. Grâce à un escalier métallique, j’en rejoins aisément sa berge droite. La suite m’entraîne vers la chapelle Saint Vincent que je ne connais pas et que j’ai bien envie de découvrir. Dans les ruelles et par manque de précision, mon GPS se perd un peu, mais finalement l’itinéraire est assez simple et bien indiqué. La jolie chapelle de style très « majorquin » est là, mais close malheureusement. Désormais, j’en ai pris l’habitude car par peur des vols ou des vandales, elles le sont presque toutes dans le département. Alors j’en fais simplement le tour en prenant quelques photos. Chapelle préromane amplement remaniée au fil des siècles, elle a été un ermitage au 17eme siècle avais-je lu à son propos. Briques rouges, galets de rivière et pierres du terroir en constituent son ossature. Son clocher-mur baroque en forme de poire avec ses clochetons blottis dans une arcade est assez typique de nombreuses églises catalanes. Son préau avec ses arcades est beaucoup plus original et lui donne l’aspect d’un petit cloître. Avec son théâtre en plein air, l’endroit constitue une agréable aire de pique-nique. Il y a même un barbecue. J’y déjeune sous la curiosité d’un rouge-queue noir et de quelques moineaux que mes tranches de pain de mie intéressent au plus haut point. Comme aurait dit une amie catalane : « Eh ben Rosette ! »Elle n’aurait pas eu tort, car au rythme où ils mangent les bouts de pain que je leur offre, de mes sandwichs-triangles il ne va plus que me rester la rosette. Après cette pause déjeuner amplement consacrée à observer des oiseaux, je file vers le centre-ville et comme j’ai tout mon temps, je m’assieds à la terrasse d’un café. François Arago, l’enfant et héraut d’Estagel me tourne le dos mais si je me fie à ce que je viens de lire sur la stèle de sa statue, je ne vais pas lui en tenir rigueur. Les seules mentions « suffrage universel » et « abolition de l’esclavage » engendrent mon respect. Je trouve qu’il y a foule pour la saison mais sans doute que le beau temps n’est pas étranger à cette affluence dans les rues, les bistrots et les restaurants. Je file visiter la vieille ville et entre par le porche de la tour de l’horloge. Ici, je retrouve une « cellera » médiévale telle qu’on en rencontre beaucoup en Catalogne et Roussillon. Lieu de protection pour les biens et les personnes et d’entreposages pour les denrées, les fameux celliers, il est le noyau central et la partie la plus ancienne du village. Ses vieilles maisons le plus souvent très hautes sont en cercle de chaque côté de venelles étroites et l’ensemble est presque toujours encadré de fortifications. Parfois pour passer d’une maison à l’autre, il y a une passerelle aérienne cloisonnée ou pas. L’église avec une placette où se réunissaient les villageois est généralement l’épicentre. Ici à Estagel, l’église est dédiée à Saint-Vincent et Saint-Étienne et comme j’ai la chance qu’elle soit ouverte, j’y entre. L’église est vraiment superbe avec plusieurs retables. Le plus monumental est celui du maître-autel, mais d’autres chapelles sont magnifiquement ornées également. Il y a de jolies fresques de divers styles, de beaux vitraux et un petit buffet d’orgue admirablement décoré. L’édification de l’église aurait commencé en 1319 affirme une pierre gravée mais or mis une cuve baptismale, il ne reste plus rien d’autre de cette époque. Apparemment deux jeunes filles effectuent un reportage. Une prend des notes et l’autre des photos, alors je visite l’église et prends des photos tout en essayant de ne pas trop les déranger dans leurs tâches. En sortant de l’église, je pars me renseigner à l’office de tourisme à propos du cimetière wisigothique mais force est de reconnaître que les renseignements que l’on me donne n’incitent pas à une visite : « site sur la route de Montner mais envahi par les herbes folles et donc difficile à trouver quand on ne connaît pas l’endroit ». Voilà les renseignements que je recueille. Je ne connais pas l’endroit, je ne possède pas ses coordonnées GPS alors je laisse tomber la visite de la nécropole du vieux peuple germanique. Il est donc temps de me remettre en route vers Calce. Selon mon tracé, je souhaite éviter au maximum la route bitumée même si je sais qu’une bonne partie sera inévitable un peu plus tard. Je fais le choix de la rue Dugommier puis de la rue Fournalau. Les deux m’entraînent dans les hauteurs vers un lotissement de villas nouvelles. Je suis très vite hors de la ville mais la départementale D.1 est très vite là elle aussi. Je retrouve les paysages de vignobles, de jachères, de maquis et de pinèdes tels que je les ai traversés ce matin. La D.1 longe le torrent de la Grave et à la première occasion qui m’est offerte, j’abandonne son asphalte au profit des sédiments secs du ruisseau. J’ai bon espoir que le lit du ravin soit propice à une faune plus présente. Une fois encore la chance est avec moi, et même si les oiseaux sont bien présents mais difficiles à photographier, j’y découvre un énorme et superbe lézard ocellé. Je dis « chance » mais en réalité, le fait d’être constamment aux aguets pour photographier les oiseaux entraîne ce type de situation. Des lézards ocellés, j’en ai déjà croisé quatre ou cinq fois au cours de balades mais celui-ci est de très loin le plus phénoménal de tous. Très large, avec de grosses ocelles bleues sur sa robe verte, il mesure au moins 50 cm de long. Il est posé sur des galets, au milieu même du ruisseau, et seules ses mâchoires bougent comme s’il mâchouillait un trop copieux festin. En réalité, ses yeux bougent aussi mais ça je ne le vois que sur le gros plan de la photo que je suis entrain de prendre. Je suis à sept ou huit mètres de lui, mais avec il est vrai un amoncellement de branchages qui nous séparent l’un de l’autre. En tous cas, soit il ne me voit pas, soit la distance lui paraît suffisante pour qu’il ne s’en inquiète pas. Pourtant le roulement perpétuel de ses yeux m’indique qu’il est sans cesse sur ses gardes. J’évite de bouger car je suppose que sa taille est directement proportionnelle à la faculté qu’il a à réagir au moindre mouvement qui pourrait l’alerter d’un danger. Après quelques photos, je me décide néanmoins à avancer et là, avec un bond prodigieux et à une vitesse incroyable, il se retourne et détale dans les enrochements gauches de la rivière. Voilà où se trouve sa tanière mais inutile d’attendre qu’il en ressorte car j’ai déjà quelques photos bien enregistrées. Je continue dans le ruisseau sans trop de difficultés mais sur un sol présentant pourtant des alluvions disparates : sables, graviers, galets, et roches. Le plus ennuyeux n’est pas cette disparité minérale mais surtout la quantité de bois et de branchages de toutes sortes qu’il me faut parfois enjamber. Mais j’y parviens malgré tout. Finalement un pont se présente devant moi et il est temps que je quitte le lit du ruisseau. Je le fais d’autant plus volontiers que c’est le seul endroit où il y a encore de l’eau. Très peu il est vrai et qui ne m’empêcherait pas d’avancer mais surtout verdâtre et envahie par une multitude d’insectes redoutables. Moustiques, guêpes et surtout un gros frelon, tous se servent de cette minuscule mare comme d’un abreuvoir. Ma venue semble les contrarier alors je grimpe le talus sans trop réfléchir et me retrouve sur le pont. Ce pont constitue l’intersection où il me faut définitivement quitter la D.1. Je quitte le torrent de la Grave pour le Rec d’en Cruels qui est son affluent, asséché lui aussi bien sûr. « Grave », « Cruels », le novice en toponymie qui verrait ces noms-là sur mon bout de carte pourrait avoir un peu d’appréhension, pourtant, ici le nom « Grave » fait référence au sol graveleux du torrent, c'est-à-dire à du sable, à du gravier et en français, on retrouve une homologie dans le mot « grève ». Quand au nom « Cruels », j’ai cherché quelle pouvait être sa vraie signification. Venant du catalan, il y a d’abord diverses traductions qui pourraient l’expliquer : « cruel », « acerbe », « dur », « âpre », « clos », « fermé ». Plusieurs toponymistes s’accordent à penser que s’agissant d’un nom de lieu, le mot « cruels » peut être lié à un instant de cruauté s’étant déroulé à cet endroit comme une bataille par exemple. Mais ici même, aucune bataille n’est restée dans l’Histoire. Enfin, je n’ai rien trouvé de tel sur le Net. Par contre concernant ce lieu même, des linguistes catalans pensent que le nom aurait pour origine le mot occitan « clausel » signifiant un « clos » c'est-à-dire un petit lopin de terre cultivé entouré d’un muret ou d’une haie et que le vrai nom catalan du rec serait « Rec d’En Crauel »(extrait de l’ouvrage : Actes del Quinzè Col-loqui Internacional de Llengua et Literatura Catalanes –Lleida 2009 – Publicacions de l’Abada de Montserrat). Le nom « Crauels » aurait donc été mal rédigé par les cartographes pour finalement devenir « cruels ». Rappelons qu’ici un rec peut avoir lui aussi plusieurs significations : canal d’irrigation construit par l’homme, rigole naturelle ou pas, voire ravin. Ici, le problème c’est qu’il y a tout cela en même temps : une rigole devenant petit ravin et se terminant par un profond fossé aménagé de pierres sèches par l’homme. En tous cas, les petits lopins de terre sont bien là et le vignoble occupe une bonne partie de cette intersection puis tout autour la garrigue reprend ses droits. Il faut ignorer le chemin qui monte à droite d’une ruine et continuer tout droit. L’asphalte devient d’abord mauvais bitume puis il est ensuite remplacé par un large chemin terreux. Il grimpe en suivant les courbes du rec se trouvant à main gauche. Le rec coupe les collines en deux. Sur la gauche, il y en a une où apparaissent plusieurs postes de chasse sur pilotis, et sur la droite, l’autre colline a pour nom la « Grava ». Cette dernière, il faut la gravir. Je prête donc attention à trouver un étroit sentier qui va me le permettre. Il est situé finalement à la côte de 167 mètres. Dès qu’il se présente, je n’hésite pas à quitter le large chemin au profit de cet étroit sentier. Il est parfois bien raviné mais je sais qu’il est le seul moyen commode de réaliser la boucle programmée. Il monte hardiment jusqu’à une crête, avec 60 mètres de dénivelé environ mais sur une courte distance qui n’excède pas 400 mètres. Cette crête offre de nouvelles vues admirables à 360 degrés. Il faut dire que la rase végétation ne fait aucunement obstacle à l’émerveillement. Derniers témoins d’un vieil incendie, les branches les plus hautes sont celles de squelettes noircis émergeant d’une végétation olivâtre plutôt rabougrie. Ici, plus qu’ailleurs, les « coumes » trouvent une réelle justification au nom de cette balade car elles sont visibles en grand nombre et de tous côtés. Quand la crête se termine, le sentier se termine aussi. Je retrouve une intersection et un chemin plus large. Il faut partir vers celui de gauche et poursuivre. Quelques vieux murets, abris et orris en pierres sèches attestent de l’activité pastorale passée. Ici, je ne suis déjà plus « Sur les pas de bergers » mais c’est tout comme. Finalement, au lieu-dit Camp de les Feixes, cet itinéraire atterrit sur la D.18 et pour rejoindre Calce, je ne peux plus guère éviter l’asphalte. Je ne peux le faire qu’à proximité la plus limitrophe du village quand sur la gauche de nouveaux chemins permettent de quitter la route. Avec cette arrivée-là, je bénéficie de belles vues aériennes sur le village. Est-ce cette imminence citadine mais les passereaux de la garrigue se font soudain plus nombreux ? Plutôt isolés jusqu’à présent, ici les oiseaux sont visibles en de grands rassemblements. Les approcher n’est pas moins facile. Le village est là alors j’en fais une visite autour de son vieux château du XIIeme siècle. Il est fermé mais un panonceau en relate son Histoire de manière très résumée. Je retrouve néanmoins des noms déjà entrevus et cités dans maintes et maintes balades : les rois de Majorque, les chevaliers du Temple, les seigneurs du Vivier, la famille de So. Ainsi se termine cette studieuse mais jolie randonnée. Avant de rejoindre ma voiture, je jette un dernier coup d’œil à cette plaque mentionnant que « La mendicité est interdite dans les Pyrénées-Orientales ». Force est de reconnaître que la main que j’ai tendue aujourd’hui, je n’ai eu aucun mal à la remplir de bonnes fortunes. Fortunes peu nourrissantes pour l’estomac certes mais fortunes pour ma bobine. Je me dis que la mendicité c’est aussi la charité. « Charité bien ordonnée commence par soi-même » dit un célèbre proverbe. Ce proverbe est juste aussi et je me dis que si j’ai bien profité de ma journée, c’est peut-être parce que j’avais fait en sorte de bien l’ordonner ! Telle qu’expliquée ici, cette balade est longue de 17 km environ. J’en exclus mes égarements, montée vers le Serrat d’En Bouguadé, perte de carte et errements dans Estagel car au total et selon mon GPS, j’ai parcouru 19,3 km pour des montées cumulées de 895 mètres. Le modeste dénivelé de 274 m est peu significatif, le point le plus bas étant Estagel à 72 m et le plus haut au sommet du Serrat d’En Bouguadé à 346 m. Carte IGN 2448 OT Thuir- Ille-sur-Têt Top 25.
(*) Roches trouées et striées au pied du Serrat d’en Bouguadé : Autant l’avouer, j’ai pas mal galéré dans mes recherches sur le Net pour trouver une équivalence aux roches rencontrées au pied du Serrat d’en Bouguadé. J’ai trouvé seulement 2 photos (voir ci-dessous) à peu près ressemblantes provenant d’un site de recherche en langue anglaise (Discover The World's Research). La publication jointe aux photos est extraite du « Journal of the Linnean Society (The Linnean Society of London) ». Elle a été écrite collectivement par divers chercheurs. Photos et textes m’ont néanmoins confortés dans l’idée qui était la mienne à savoir que ces trous et stries ont bien été créé par des micro-organismes aquatiques. Ces chercheurs indiquent qu’il s’agirait de Serpulidés ou Serpules qui sont des vers annélides vivant dans un tube calcaire. Ils précisent même qu’il s’agit de Polychètes. A propos de la photo la plus proche des roches rencontrées, ils évoquent « Semivermilia crenata » ce qui confirme, si besoin, qu’il s’agit bien de vers marins, puisque cette espèce vit le plus souvent dans des grottes sous-marines. Sur le site « Cosmovisions.com », il est mentionné que « les Serpules sont fréquentes à l'état fossile. La forme de leurs tubes est très variable, ronde, anguleuse, aplatie; ils sont courbés ou enroulés de façons diverses », cette précision pouvant expliquer cette fossilisation originale et l’aspect anguleux des orifices observés. J’ai également appris qu’en pédologie, science qui étudie la formation et l’évolution des sols, l’aspect saillant des signes sur la roche que je soulevais est appelé « structure prismatique ». Les chercheurs du site « Discover The World's Research » les évoquent aussi. Il semblerait que les petits cristaux brillants que l’on aperçoit dans la roche soit du calcite ou de l’aragonite, leurs couleurs étant très variables comme j’ai pu le constater moi-même. On peut donc raisonnablement imaginer que ces roches soient d’anciens dépôts sédimentaires marins et que la mer et une faune occupaient amplement les lieux, il y a plusieurs milliers d’années. Voilà ce que je peux dire à propos de ces roches mais bien évidemment n’étant qu’un néophyte en géologie, tout ce que j’écris reste à vérifier et à démontrer. Si des spécialistes lisent ce texte et veulent apporter leur contribution, je suis preneur.
Les 2 premières photos sont celles que j'ai trouvées sur le Net et la 3eme est la mienne.
** Toponymies de Calce et Estagel :Concernant Calce la première mention retrouvé date de 843 sous les formes « Calcenum » et « Caucenum ». Par la suite, les scribes hésitent entre les graphies « Cauce », « Calcia » (castrum de Calcia, 1312), « Calsa », « Calça ». Toutes ces formes renvoient à la même origine, le latin « calx », « calcis » (= la chaux). Le toponyme, si l'on en croit la mention « Calcenum », viendrait de l'adjectif bas-latin « calcenus » ; la forme « Calcia » vient pour sa part de l'adjectif féminin « calcea ». Calce est l'équivalent du français « causse », utilisé pour désigner un terrain calcaire.. Concernant Estagel, la première mention remonte à l’an 959 (950 ?), sous la forme villa « Stagello », puis « Estagellum » en 978. L'étymologie semble renvoyer au latin, avec le mot « statio » (= station, lieu de séjour) suivi du suffixe -ellum. Le terme « estatiellum » a pu désigner un relais, une auberge sur la route du Roussillon au Fenouillèdes. Autre hypothèse, le latin « staticum » = demeure. (Extrait du site « Toutes les communes des Pyrénées-Orientales » de Jean Tosti)
Ce diaporama est agrémenté de 5 musiques du compositeur Alexandre Desplat tirées du film de Terrence Malick"The Tree of Life", "L'Arbre de la vie" en français. Dans l'ordre de leur écoute, elles ont pour titre "Motherhood", "Skies", "River", "Clouds" et "Emergency of life".
J’ignore pourquoi mais chaque fois que je vais randonner du côté d’Opoul, la tramontane est déchaînée. Une simple mais troublante coïncidence sans doute. 80, 90, 100 km/h, je ne sais pas mais une chose est sûre, ça décoiffe. Bon d’accord, je n’ai pas beaucoup de cheveux mais ce n’est pas une raison ! C’est le cas en ce 5 avril 2017 quand je laisse ma voiture au pied des ruines du château de Salveterra, au bord de la petite route filant vers le hameau de Périllos. Sur ma carte I.G.N, j’ai dessiné une boucle, laquelle passant par le Serrat de la Murtra, doit m’amener vers Périllos, puis bien après, vers la Vall d’Oriola où paraît-il se trouve un genévrier multi séculaire. Vénérable est le terme le plus souvent employé. A son propos, circulent les chiffres les plus fous. 4 à 5.000 ans pour certains mais au moins 2.000 ans pour les botanistes. Sa circonférence est de 4,60 mètres et encore, les avis sont également divergents selon la méthode employée pour le mesurer. Il aurait même obtenu un label « arbre remarquable de France » par l’association A.R.B.R.E.S qui se charge de répertorier tous les arbres exceptionnels de France méritant des mesures de protection et de sauvegarde.. Il faut le voir pour le croire, voilà ce je me suis dit quand j’ai appris son existence. Un ancêtre en tous cas, que l’on peut aborder en voiture, mais comme très souvent quand il s’agit de découvrir, ma préférence est allée en priorité vers l’approche pédestre. Il y a donc plusieurs objectifs à cette longue balade que j’intitule assez naturellement le « Sentier du Myrte et du Genévrier », le mot catalan « Murtra » signifiant « myrte », qui comme chacun sait, est une plante aux multiples attraits, médicinaux mais gustatifs aussi, servant par exemple à la confection d’infusions digestives, de liqueurs ou bien à parfumer des viandes en sauce. A ce propos, notons d’ailleurs de nombreuses similitudes avec les baies de genièvre, fruits du genévrier, utilisées depuis très longtemps en médecine, pour ses propriétés digestives, dans la fabrication d’alcools et en cuisine. Je viens d’enfiler mes godillots, d’harnacher mon sac à dos et démarre d’un petit collet séparant les lieux-dits Coma del Mir et Planal del Sorbier, ce dernier étant le premier jalon qu’il me faut franchir sur la carte I.G.N. La tramontane est si forte que parfois je recule au lieu d’avancer, pourtant le chemin que j’emprunte est tout en descente. Ma casquette, que j’ai pourtant pris soin de visser très fort sur ma tête, s’envole très loin derrière moi et je suis déjà contraint de rebrousser chemin pour aller la rechercher. Ce n’est pas tant pour sa valeur, ni pour mes cheveux et encore moins pour ma coiffure, étant plutôt dégarni. Non, je n’ai rien de tout cela, mais à vrai dire, je crains les premiers coups de soleil sur la « cabeza ». A l’instant où je récupère ma casquette, j’en suis presque à me décourager et à deux doigts de faire demi-tour car je me dis que « marcher avec un tel vent toute la journée sera inéluctablement très désagréable ». J’insiste néanmoins, remplace ma casquette par un bonnet ayant moins de prise au vent et là, ô surprise, la tramontane faiblit au fur et à mesure que je descend dans un paysage de garrigue. Une garrigue déjà très fleurie. Comme toujours, je démarre un inventaire végétal photographique : ajoncs, prunelliers, thyms et romarins, sont les plantes fleuries les plus présentes et donc visibles, avec quelques crépides jaunes et de petits bouquets de muscaris bleus. Mais en cherchant bien, d’autres fleurs plus rares se font jour au regard du curieux que je suis. Le vent n’est pas propice aux clichés des petites fleurs car elles sont ballottées en tous sens alors je n’insiste pas. Quelques oiseaux et papillons occupent cette végétation et s’envolent à tire d’ailes lors de mon passage. Impossible de les photographier eux aussi, la force du vent me déstabilise et empêche tout cliché nécessitant une immobilité parfaite. C’est le cas de la photo animalière et quand je dis « qu’ils s’envolent à tire d’ailes », ce n’est pas vraiment la bonne expression, car en réalité et dès lors qu’ils s’élèvent, ils sont, pour la plupart, emportés comme des fétus de paille par la violence des bourrasques. Les grives et les alouettes sont les plus reconnaissables car celles qui s’opposent le mieux aux rafales. Ailes déployées, elles luttent et se posent quelques mètres plus loin. Idem pour un couple de perdrix que le vent ne semble pas freiner dans leur quête à s’éloigner de moi. Quelques battements d’ailes lourds et bruyants et les voilà déjà, 100 mètres plus loin au fin fond d’une ravine. Le vent faiblit toujours car le large chemin continue de descendre dans un vallon dominé par le Serrat de la Murtra. Cette colline sert de paravent. J’atteins et enjambe une petite combe asséchée puis le chemin remonte en direction d’une vaste ruine. C’est le Cortal de la Murtra. Des panoramas se dévoilent sur d’autres ravines entourées de basses collines. Au fond de l’une d’entre elles, et sur un terrain limoneux et dénudé, un vignoble rectangulaire aux souches parfaitement alignées détonne dans ce paysage disloqué de maquis. Derrière la ruine, un étroit sentier prend le relais du large chemin, et toujours à l’abri du vent, s’élève en douceur sur le flanc est du « serrat ». Il est jalonné de nombreux cairns, petits et grands, faciles à ériger, tant les cailloux sont sur le sol le revêtement le plus commun. J’ajoute mes propres pierres aux édifices déjà constitués. Au sein de cette minéralité croissante, une flore nouvelle apparaît. Les magnifiques orchis géants en sont les plus beaux représentants mais il y a aussi de nombreux pieds d’ajoncs et de luzerne aux fleurs d’un jaune flamboyant ainsi que des prunelliers aux jolies petites fleurs blanches. Il vaut mieux éviter de se frotter à ces derniers arbustes à cause de leurs épines noires dont elles tirent leur autre nom. J’y observe les premiers plants de « murtra », le fameux myrte qui donne enfin un sens au patronyme de cette colline essentiellement calcaire et donc bicolore. Le blanc du calcaire et le vert de la végétation, sous un ciel que la tramontane tente de colorer d’azur, je trouve ça beau. Le vent faiblissant au fil du jour, les nuages resteront présents, s’étiolant parfois ou bien devenant carrément menaçants au fil de leur passage du nord-ouest vers le sud-est. Là où je me trouve, il fait très beau pour l’instant et c’est bien là l’essentiel, mais au loin, au sommet de la colline du Montolier, une longue écharpe nuageuse s’accroche à cette modeste élévation à 717 mètres d’altitude. Dans cet horizon grisâtre, apparaît le globe opalin de la station radar. Lors d’une jolie et ludique balade au départ de Périllos, j’avais gravi cette colline voilà 2 ans. D’ailleurs, en contrebas et sur ma droite, je reconnais la minuscule chapelle Sainte Barbara, également découverte en cette occasion. Le sentier s’aplanit quelque peu et soudain, au bout du « serrat », le hameau de Périllos semble surgir de la garrigue comme une étrange apparition. A cet instant, me reviennent à l’esprit, les nombreuses lectures le plus souvent mystiques à son propos. Il faut dire que vu d’ici, avec la tour ruinée de son vieux château et le clocher-mur de son église romane, il a tout du hameau fantôme. Ces premiers éléments sont les plus apparents et le peu de vie autour, voire l’absence totale de toute humanité pendant de longues années, ont probablement contribué à ce mysticisme. Quelques petites sauges échappées d’un jardin colorent de mauves les bas-côtés du sentier. Avec les moutardes sauvages aux fleurs jaunes, elles forment de très beaux massifs. Le minuscule village est rapidement là, mi-magnifiquement restauré, mi-toujours ruiné. J’en apprécie toujours les quelques textes, de bienvenue ou historiques, écrits à l’attention des visiteurs. C’est une belle initiative que malheureusement on ne rencontre que trop rarement dans les hameaux. Les premiers occupants que j’aperçois se résument à des volées de moineaux et à des rouges-queues noirs plus solitaires jouant sur les toitures et les murets. Or mis, quelques menues restaurations nouvelles, rien n’a vraiment changé depuis ma dernière venue, alors je n’ai pas vraiment envie de m’éterniser. Je me contente d’une nouvelle visite, presque au pas de course, que seules quatre dames très sympathiques arrivent à enrayer. Tout comme moi, elles déambulent dans le hameau. Une conversation s’engage, au cours de laquelle j’apprends que la plus âgée des quatre, qui est sans doute nonagénaire, a fait jeunesse ici et y a longtemps vécu, avant de déménager sous d’autres cieux, poussée par un exode rural inéluctable. Les autres dames, un peu plus jeunes, la soutiennent et de ce fait, je comprends aisément que notre rencontre et notre conversation ne soient pas leur priorité. Je ne les retiens pas plus que ça et préfère les laisser partir vers leur quête de souvenirs. Des souvenirs pour cette très vieille dame qui se balancent sans doute entre les bons de son enfance et de plus douloureux liés au déracinement ultime. Je me souviens avoir lu bien des raisons et bien des calamités à cette désertification lente mais inexorable de Périllos : le phylloxera à la fin du 19eme siècle, la guerre de 14/18, la grippe espagnole, puis de nouveau la guerre de 39/45, la sécheresse et l’éloignement. Eloignement de la révolution industrielle et de l’urbanisation des villes. Loin des grands axes routiers et économiques, il n’en fallait pas plus et le hameau a vu partir son dernier habitant en 1970. Aujourd’hui le milieu associatif solidaire s’évertue à tenter de lui redonner un peu de vie. Un « hostal », c'est-à-dire une auberge, en est la preuve même si elle est fermée à la mauvaise saison. Je poursuis ma balade toujours grâce au tracé G.P.S que j’ai enregistré. Il m’entraîne en contrebas du hameau, en direction de la route bitumée que je délaisse très vite au profit d’un chemin bien évident qui se faufile au milieu des buis puis de hauts genévriers. Depuis ce chemin, je surprends un énorme sanglier. Il déboule dans les éboulis d’un ravin se trouvant en contrebas et s’engouffre sans coup férir dans des bosquets où il disparaît. Au même instant et au même endroit, un rapace s’élève dans le ciel et j’en suis à me demander si les deux épisodes fauniques ne sont pas liés. Le rapace, sans doute une buse, a-t-elle dérangé le sanglier dans son sommeil ou peut-être est-ce le contraire ? Le parcours descend dans ce petit ravin, la Coma d’En Canaval, puis remonte aussitôt, ôtant toute monotonie et le transformant en une courte mais rude « montagne russe ». La dernière de ces montagnes offre quelques paysages nouveaux presque à 360 degrés. Vers la Serre de Vingrau, vers Périllos dont la vision d’ici est bien différente et plus loin, vers la colline tabulaire de Salveterra » où a été érigé le château d’Opoul. Cette dernière image me donne une petite idée du chemin déjà parcouru. Très étonnamment, si la garrigue reste typiquement méditerranéenne, la végétation a quelque peu changé et j’observe par exemple et pour la première fois, des cistes cotonneux et des lauriers-tins, tout deux fleuris. Ici, les plants de ciste sont très nombreux et entièrement recouverts de ces fleurs roses si belles mais qui ont toujours cet aspect chiffonné si curieux. Il y a aussi des euphorbes, de minuscules jonquilles jaunes et des tulipes sauvages orange. Les buis, les genévriers, les nerpruns, les pins sont également plus nombreux mais dans l’ensemble cette végétation reste plutôt rase. Un œil sur mon bout de carte I.G.N pour constater que l’eau a toujours été une obsession et si les combes sont nombreuses, elles sont le plus souvent asséchées. Elles ne se remplissent et s’écoulent que lors d’orages violents mais à condition qu’ils soient durables dans le temps. L’Aiguera de Nyerra, les Aiguerasses, la Font de l’Ase, la Fonteta, autant de noms qui sont le reflet de l’importance de l’eau et de cette hantise à en manquer. Dans les Corbières, de l’eau il y en a beaucoup, mais elle est souterraine et si on en veut, il faut aller la chercher, parfois très profondément. Ici, le sourcier était le sorcier. On l’appréciait mais on le craignait. La crainte était qu’il ne trouve pas l’eau tant espérée. Un puits asséché était considéré comme un grand malheur. L’exode rural n’est pas étranger à ces difficultés d’approvisionnements en eau et les quelques bergeries en ruines qui parsèment mon parcours sont les témoins abandonnés de ce passé, loin d’être simple. Il est 12h30, je m’arrête à proximité de l’une d’entre elles. Il s’agit du Cortal Botet. Envahi par la végétation, il m’offre un ombrage propice au pique-nique envisagé et quelques pierres gisant à terre pour y poser mes fesses. La tramontane a carrément cessé. Les oiseaux sont de sortie mais les photographier reste compliqué car le chant de mes appeaux ne semble pas convenir à ceux qui logent ici, dans les arbres et les murailles. Du coup, je pars à l’aventure, sandwich en mains pour tenter d’en surprendre quelques uns. Une mésange et un bruant sont les perdants de cette partie de cache-cache. J’abandonne le cortal. Les papillons se font plus présents et si la plupart se résument à de gros et beaux Flambés, qu’elle n’est pas ma surprise de découvrir pour la première fois autant de « Proserpines ». Je me souviens que la dernière fois où j’avais photographié cette jolie espèce bariolée de blanc, de rouge et de noir, c’était lors d’une balade à la « Trancade d’Ambouilla », non loin de Villefranche-de-Conflent. Le spécimen aperçu et photographié était plutôt décati car sans doute en fin de vie. Ici, je suis ravi, car ces superbes papillons volent en tous sens, et en plus ils semblent peu craintifs, se posant sur de nombreux supports, minéral ou végétal. Au loin et en contrebas, j’aperçois la Vall d’Oriola, les toitures rouges de ses quelques bâtisses et ses vignes qui l’entourent sur sa partie nord. Au beau milieu de l’une d’elles, j’y distingue clairement le genévrier séculaire. Un rapproché photographique me le confirme, « oui, il semble bien que ce soit lui ! » Il ne me reste plus qu’à partir à sa découverte. Le chemin est désormais tout en descente et atteindre la « Belle Auriole » en traversant le lieu-dit l’Iglesieta n’est qu’une simple formalité. L’Iglesieta, signifiant « petite église », je suis étonné de n’avoir rencontré en chemin aucun vestige d’un vieil édifice religieux, à moins que le nom fasse référence à cette petite chapelle que je découvre ici au Vall d’Oriola, dédiée à Saint-Joseph. Parmi les panonceaux indicatifs, il y a celui mentionnant le « Vieux Genévrier », alors je traverse la propriété déserte sans trop me poser de question, entrant même dans la minuscule chapelle, toujours entraîné par ma curiosité immodérée. Je m’assoie et y médite de très longues minutes, sans prier, mais en ayant comme très souvent en pareil cas de tendres pensées pour les êtres qui ne sont plus de ce monde mais qui continuent à être chers à mon coeur. Après cet instant de recueillement, le vieil arbre n’est plus très loin et de surcroît, un vigneron occupé à des replantations m’en indique gentiment le plus court chemin. Après quelques courts zigzags dans la garrigue, le genévrier est effectivement là, incroyablement majestueux, car solitaire au milieu du vignoble. Ma première réflexion est de me dire « mis dans un petit pot, quel extraordinaire bonsaï il ferait ! » et il serait sans contestation aucune, « le plus beau de ma collection ! » mais aussitôt une deuxième pensée me traverse l’esprit : « comment cet arbre a-t-il pu si durablement et si magnifiquement franchir tous les affres du temps ? ». Je ne vois qu’une explication à cette interrogation. Toutes les personnes qui l’ont côtoyé ou croisé, l’on trouvait si remarquable et si admirable que personne n’a jamais osé s’en prendre à lui et l’abîmer. Oui, vénérable est le terme le mieux approprié car il inspire le respect. Plus tard, le père du propriétaire de la « Belle Auriole », parlant de lui, me dira qu’il pense qu’il était déjà là au temps des Romains et que très probablement, il se trouvait au milieu d’un vignoble déjà existant. Alors, ils n’étaient pas si fous que ça les Romains qui ont trouvé que cet arbre ne gênait en rien la culture de la vigne ! Sa vision plus proche ne fait que confirmer ce que l’on pense de loin. Il est très beau. Creux pour ne pas dire caverneux comme la plupart des vieux arbres qui ont souffert du temps et de la sécheresse. Noueux à souhaits, son écorce entièrement rainurée est bien celle du genévrier mais elle a un aspect parfait et lisse que n’ont pas les arbres plus jeunes dont la surface des branches est rêche. Ici, les branches sont bien épaisses et donc solides, avec cette ramification et cette coiffe végétale quasi irréprochables, ce petit air penché que des siècles de tramontane lui ont donné, lui offrant ainsi un port si naturellement somptueux. Un vrai « bonsaï » grandeur nature que les hommes ne sont capables de reproduire qu’artificiellement, à l’aide de matériels et de techniques de « tortures » infligées aux arbres qu’ils manipulent. Le fan de « bonsaïs » que je suis sait que l’aspect sec ou mort s’appelle « jin » ou bien « sharimiki » et consiste à ôter de force mais toujours avec prudence l’écorce du tronc qui est censée protéger l’arbre. Les branches, penchées ou tortueuses, sont obtenues grâce à des poids où à des liens en cuivre que l’on laisse un temps suffisant pour qu’elles prennent les formes voulues. Les genévriers se prêtent bien à toutes ces techniques, mais ici, rien de tout ça. Tout est naturel et ç’est bien cela qui est si beau et si insolite en sus de son âge hors du commun si prodigieux. La Nature est la plus douée des artistes, je le savais déjà mais voilà un bel exemple supplémentaire ! Avant de repartir, je ne peux m’empêcher de le photographier sous toutes les coutures, puis je m’assoies en m’adossant à son tronc, occasion d’y manger une compote, mais surtout prétexte à recueillir un peu de son énergie et de sont influx qui lui ont permis de traverser les siècles. Je ne sais pas si c’est vrai mais j’ai lu ça il y a peu de temps : « se mettre en contact avec un arbre par en recueillir un peu de sa vitalité ». Toujours incrédule à ce genre de choses, je me dis que l’arbre est si exceptionnel que ça ne coûte rien d’essayer. « Auprès de mon arbre, je vivais heureux, je n’aurais jamais du m’éloigner de mon arbre.... » chantait Brassens et je pense que les propriétaires de la Belle Auriole doivent la fredonner souvent cette chanson. Heureux de cette belle découverte, je m’éloigne du vieux genévrier en traversant une vigne et en rejoignant une piste dont un panonceau m’a appris qu’elle se dirigeait vers Vingrau. Au milieu de cette vigne, mon regard est tiraillé entre le vieil arbre qui s’éloigne derrière moi et les nombreux oiseaux très occupés à se délecter des graines de graminées que la tramontane a jeté à terre. Je fais le choix de m’intéresser aux deux en les photographiant. Force est de reconnaître que l’arbre est un modèle plus docile. Je retourne vers la Vall d’Oriola et me venge sur quelques oiseaux qui gambadent sur un petit amas de fumier et de copeaux de bois. Sous d’immenses pins, sans doute séculaires eux aussi, j’ y rencontre en cette occasion le père du propriétaire. Or mis la conversation déjà évoquée à propos de l’ancienneté du genévrier, j’apprends qu’il vient aider son fils dans quelques travaux de restauration. Outre l’activité vinicole et agricole, son fils s’est spécialisé dans la fabrication et la distribution de spiruline, cette algue si vivifiante paraît-il. Quand à la « Belle Aurore », elle fait gîte et chambres d’hôtes, non sans difficultés car l’électricité n’est obtenue qu’à l’aide d’éoliennes et surtout de panneaux solaires qu’il faut acheter, installer, maintenir et rentabiliser car il s’agit d’un lourd investissement. Quand à l’eau et comme je le disais plus haut, elle continue à être une denrée rare dans ce secteur des Corbières. Je quitte ce lieu si agréable car si paisible, qui se veut si loin du monde et de la civilisation. Un monde et une civilisation qu’il faut néanmoins séduire et attirer car il faut y survivre et ce n’est sans doute pas facile. J’emprunte la route asphaltée. Un couple de touristes un peu paumés arrête leur voiture à ma hauteur : « Bonjour Monsieur, il se trouve où le vieil arbre ? ». Je leur indique le chemin tout en pensant qu’un gros travail de marketing, bien en profondeur, doit être accompli avant que la « Belle Auriole » devienne un lieu bien plus connu et fréquenté pour autre chose que son genévrier. Après tout, c’est bien à cause de l’arbre que je suis là moi aussi ! Je ne suis pas un spécialiste mais je verrais bien le genévrier comme logo d’une campagne publicitaire en faveur du gîte mais d’un autre côté, je me dis que ça serait faire prendre un risque à ce trésor végétal qu’il faut impérativement préservé de toute agression. Notre monde est si fou ! Dans un pré bordant la route, deux superbes chevaux retiennent mon attention et celle de mon numérique. Ils tournent la tête mais restent indifférents à mon passage préférant mastiquer du foin qu’en faire. Dans ce coin si silencieux et si pacifique, je les comprends. Mon G.P.S m’intime de partir à gauche sur un large chemin qui entre à nouveau dans le maquis. Des alouettes sautillent dans ce qui ressemble à un ru asséché. Quelques mètres plus loin, valse hésitation car une intersection se présente mais par bonheur, deux randonneuses, à peine entrain de déjeuner, m’indiquent le bon chemin qui est censé rejoindre le château et donc la ligne d’arrivée. Je les écoute et leur fait confiance tant elles semblent sûres de leur fait. Je leur fais d’autant plus confiance que mon G.P.S est indécis et imprécis et en outre, je n’ai pas trop envie de m’éterniser car l’énorme molosse qu’une d’entre-elles tient seulement par le collier a l’air grognon. Il grogne en m’observant fixement, naseau en l’air, gueule ouverte, crocs apparents et babines gluantes. Il est très dissuasif et je comprends que ces deux jeunes dames n’aient aucune crainte à se promener toutes seules dans cette garrigue si déserte. J’appréhende que sa maîtresse en perde le contrôle car à coup sûr il se jetterait sur moi. Du coup, je les remercie et les quitte sans tarder et en accélérant le pas, pourtant la pente qu’il me faut gravir est de très loin la plus sévère de la journée. Si sévère qu’arrivé à son terme, je m’allonge tout essoufflé contre un vieux muret en pierres sèches, bien à l’abri de la petite brise qui a remplacé la tramontane. J’en profite pour finir les restes de mon casse-croûte sous les circonvolutions d’un épervier. Quelques vues s’entrouvrent magnifiquement, sur la mer et le Canigou enneigé et comme le terme de cette balade n’est plus très loin, j’exploite au mieux cette pause ensoleillée. Quelques minutes plus tard, accompagnées de leur gros chien, les deux serviables randonneuses arrivent vers moi. En les voyant approcher, je me dis qu’à coup sûr, le molosse va se ruer sur moi mais non, une laisse agrémentée d’une longe l’en dissuade et d’ailleurs, sans doute trop occupé à flairer des odeurs animales, il passe sans aucun regard vers moi. Ouf ! Ma mémoire est toujours vivace et elle garde profondément enfouie les deux expériences où j’avais été confronté à de redoutables dobermans. Tout s’était bien terminé les deux fois, mais l’expression bien connue : « N'est pas sage qui n'a pas peur », je la fais mienne. Je termine cette balade par un feu d’artifice photographique floral car ici les fleurs sont légions : centranthes, muscaris, ails roses, narcisses, phalangères, laitues, cynoglosses, lamiers. Un bouquet final que je clôture par l’étrange photo d’une voiture complètement rouillée, déjà vue ce matin, et dont je me demande encore comment elle a pu atterrir ici, si loin dans ce désert essentiellement rocailleux et végétal ? J’en cherche en vain la marque et je repars. Le col, où j’avais tant lutté contre le vent pour démarrer cette randonnée, est là, à quelques encablures. Une faible brise me pousse vers lui. Le Roc Redon, est là, sur ma droite, mais bien trop loin du sentier pour que l’envie de m’y rendre se matérialise. Il s’agit d’un insolite bloc rocheux solitaire servant en même temps de cabane et de lieu de varappe pour débutants. J’ai lu également qu’il y aurait une citerne, l’eau remontant d’un puits souterrain naturel. Finalement, je garde cette découverte pour une prochaine fois et je continue me disant que j’ai bien fait de ne pas m’être laissé intimider par la tramontane et d’avoir insisté tant j’ai pris plaisir à cette jolie balade. Telle qu’expliquée ici, errements inclus, elle a été longue de 13,4 km pour des montées cumulées de 532 mètres. Le dénivelé est de 184 m entre le point le plus bas à 216 m sur la route menant au Vall Oriola, non loin du Cortal Sanyes et le plus haut à 400 m au lieu-dit Les Ières sur le Serrat de la Murtra. Carte I.G.N 2547 OT Durban – Corbières - Leucate Top 25.
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« La Roche gravée de Fornols (*) et autres découvertes depuis Campôme(**) », voilà le titre de cette nouvelle randonnée. Une nouvelle randonnée que cette fois j’ai tenté de préparer au mieux et en tous cas, pas avec la légèreté et l’improvisation comme la précédente sur les «Chemins Ruraux de Serralongue». De ce « rocher gravé de Fornols-Haut » ; son titre cadastral exact ; je crois que j’ai lu tout ce qu’il était possible de lire sur Internet, mais pour être franc, l’envie de venir la découvrir avait démarré bien avant, avec la lecture il y a trois ans du livre « Autrefois des hommes…..préhistoire du pays catalan » dont l’auteur n’est ni plus ni moins que l’« inventeur » de cette roche, l’archéologue Jean Abelanet qui l’avait découverte en 1983. Dans la foulée, et pour la connaître un peu mieux, j’y avais rajouté la lecture d’un vieux numéro d’ « Archéologia » de 1987, c’est dire si le sujet me fascinait. Pour moi, cette roche gravée, c’était presque devenue la « Lascaux » des Pyrénées-Orientales. Si j’ai tout lu, délaissant les aspects trop scientifiques pour moi, j’ai surtout retenu qu’il s’agit « du seul témoignage connu d’art paléolithique de plein air sur le territoire français et l’un des rares en Europe… » dont les moulages des différents tracés ont laissé apparaître « 17 représentations animales et 23 figures géométriques (chevrons, zigzags, réticulés, clatriformes », voilà le résumé « accessible » qu’en fait l’Encyclopédie Wikipédia. Le site précise que les espèces animales les plus présentes sont le bouquetin et l’isard mais qu’on y trouve aussi des oiseaux comme le vautour fauve et bizarrement un grèbe castagneux, oiseau aquatique par excellence, alors que tous les spécialistes s’accordent à dire que cette roche a toujours été située dans une zone aride voire quasi désertique. Faut-il pour autant imaginer que les dessinateurs paléolithiques s’y cantonnaient ? Ils devaient bouger je suppose, selon les saisons et les déplacements des animaux qu’ils pourchassaient. Les autres sites Internet m’ont apporté divers renseignements utiles comme les coordonnées « probables » de son emplacement, (je vais partir avec plusieurs !) ou bien l’heure idéale à laquelle il est préférable de la découvrir afin qu’apparaissent au mieux les rainures formant les gravures rupestres. Enfin, j’ai trouvé un site où les emplacements des différentes gravures, et notamment les plus visibles, sont précisés, dessins et indications à l’appui. Pour tout le reste et notamment les détails trop techniques, s’ils m’intéressent, j’avoue qu’étant un profane en archéologie, ils ne m’apparaissent pas essentiels à la visite que j’ai l’intention de programmer. Voilà quel est mon état d’esprit quand je m’apprête à partir découvrir cette « fameuse » roche gravée de Fornols. Bien évidemment, je sais que les gravures sont peu évidentes à déchiffrer pour un œil non exercé comme le mien mais tant pis, j’ai envie d’aller voir comment les chasseurs ou les bergers du temps jadis se transformaient en artistes naturalistes, voire avant-gardistes à leurs heures perdues. Et puis, outre cette roche, mes lectures m’ont appris et démontré que bien d’autres explorations étaient possibles autour du lieu-dit Fornols et sur un périmètre un peu plus large intitulé le « Pla de Vallenso » dont j’ai déjà eu l’occasion de vous parler à maintes reprises dans mon blog. Jugez plutôt ! Orri de Carmajou, plusieurs orris pagode vers Montsec et Fornols, nombreuses roches à cupules ou avec de croix néolithiques, chapelle ruinée de Saint-Christophe de Fornols, ruines du château de Paracolls, sans négliger quelques cortals « oubliés » et les trouvailles imprévues toujours possibles dans ce secteur très riche « préhistoriquement » parlant. Enfin, il y a Campôme, qui mérite sans doute mieux qu’une visite au pas de charge. J’ai donc dessiné un circuit me permettant de voir déjà tout ça et pour ceux qui voudrait en voir bien plus encore, comme par exemple la chapelle Sainte Marguerite de Nabilles, les roches gravées du Roc de les Creus ou de Conat (Camp de la Coume) tout est possible aussi, à condition de rallonger cette boucle déjà bien longue. Le 10 mars au matin, me voilà à Campôme garant ma voiture sur une aire de pique-nique au bord de la rivière La Castellane. Il est 10h30. La météo est excellente. Comme prévu, je pars visiter le village, pas vraiment au pas de charge ; ce n’est pas mon rythme ; mais avec déjà dans la tête la liste des autres découvertes à venir. Comme elles sont nombreuses, je ne veux pas m’éterniser ici. Petites ruelles pavées, église, placettes, sculptures, linteaux gravés, fontaine, padris, oratoire, fours à pain traditionnels, j’essaie de découvrir un maximum de choses sans pour autant lambiner et j’en ressors un gros quart d’heures plus tard. La dernière ruelle m’amène sur le Cami d’En Paroll, avec lequel mon tracé G.P.S, une fois n’est pas coutume, semble parfaitement d’accord. Je poursuis ce « cami ». Rapidement et grâce à des panonceaux en bois, les directions se précisent : « Fournous et Paracolls » d’un côté et « Roqueplane » de l’autre. En « Fournous », bien évidemment, j’imagine qu’il faut lire « Fornols » et je continue donc cette route asphaltée, en réalité, c’est déjà la piste DFCI C015, que j’aurais l’occasion de retrouver dans la journée. Au sommet d’arbres effeuillés, quelques passereaux printaniers stimulent ma passion de la photo ornithologique. D’autres oiseaux s’empiffrent d’insectes dans les arbres fruitiers amplement fleuris. Plus haut, le chemin coupe le canal de Campôme irriguant les champs du village. Capté dans la Castellane, il faut sortir de l’itinéraire et partir sur la droite pour aller le découvrir. Une plaque carrelée en explique son cheminement, lieux-dits à l’appui. Long de 2 km, il a été maçonné en 1953 mais son origine est sans doute beaucoup plus ancienne puisqu’un acte de 1300 fait déjà référence à son éventuelle construction. Je retourne sur mes pas et retrouve les panonceaux « Fournous » et « Paracolls » ainsi qu’un panonceau directionnel de randonnée m’indiquant « N°7-Orri de Carmaju-1h50 ». Voilà le bon sentier à prendre et avec cet orri, la première découverte qui est prévue au programme ! Sur la droite, un sentier entre dans un petit bois de chênes rouvres puis s’élève aussitôt dans un type de garrigue que je connais bien car c’est la même que celle que j’emprunte à longueur d’années sur la solana d’Urbanya. A vol d’oiseau, il est vrai que les deux lieux sont peu éloignés, 6 à 7 km tout au plus. Chênes rouvres, verts et kermès, bruyères, genêts à balais et oroméditerranéens, spartiers purgatifs, romarins, thyms, cistes à feuilles de laurier, ronciers, prunelliers et quelques petits pins d’Alep chétifs et épars composent l’essentiel de la végétation. L’élévation immédiate offre de jolies vues sur Campôme et plus amplement sur une belle portion de la Vallée de la Castellane. Comme souvent dans le Conflent, de vieilles terrasses le plus fréquemment effondrées laissent imaginer une vie rurale antérieure. A l’instant même où cette élévation faiblit puis se stabilise par endroits, ce sont des paysages plus vastes qui se dévoilent : merveilleux Canigou enneigé, forêt de Cobazet aux essences et aux couleurs partagées, et enfin Mosset, que les arbres ont la délicatesse de laisser entrevoir à travers leurs branches, comme pour nous dire « regardez-le, il est là notre plus beau village de France ! » Au dessus de Mosset, quelques crêtes me rappellent de bien jolies balades : Roc des 40 croix et pic del Rossello par exemples. La garrigue disparaît soudain et laisse la place à un bois de résineux où se mêlent pins et cèdres, tous plutôt petits et de la même taille et dont on comprend qu’ils sont le résultat d’une plantation qui n’a rien de naturel. L’orri de Carmajou est là, blotti au sein de ce boisement. Tout en rondeur, sauf son toit plutôt aplati, avec néanmoins une légère éminence en son centre, il est quasiment parfait. Moi, qui à ma maison d’Urbanya, me suis essayé à l’édification de quelques murets en pierres sèches, je suis toujours émerveillé d’une telle perfection dans ces pierres amoncelées et emboîtées les unes aux autres. Ce travail manuel au cordeau, j’ai constaté de visu que des artisans étaient encore capables de le faire de nos jours mais je suppose qu’ils sont rares et ce savoir-faire va sans doute se perdre au fil du temps. Dommage ! Une date gravée sur une pierre nous indique son édification : 1932. Quelques photos de l’ouvrage et je repars. Une large piste forestière se présente très vite avec un panonceau mentionnant la « Chapelle Saint-Christophe ». Je poursuis la piste vers la gauche dont je sais qu’elle est mon fil d’Ariane sur quelques kilomètres encore. Quand à la chapelle, malgré une nouvelle mention et son inscription au programme, j’estime qu’il est encore bien trop tôt pour partir vers elle. J’ignore toutes les intersections et reste sur la piste principale, la DFCI C010, celle que j’ai enregistrée dans mon G.P.S. De vastes panoramas se sont entrouverts vers la Vallée de la Têt et toujours vers un seigneur Canigou qui bagarre au soleil le titre de « roi de l’éblouissement ». Sous mes pieds, de longs cortèges de chenilles processionnaires divaguent en tous sens. J’évite de les piétiner malgré les blessures irréversibles qu’elles occasionnent aux arbres. Pas vraiment surprenante cette profusion de chenilles car la plupart des résineux sont envahis de leurs cocons, horribles barbes à papa auxquelles il vaut mieux éviter de se frotter. Heureusement ces voraces et nomades chenilles, ne sont pas les seuls animaux. Oiseaux, quelques papillons et même un écureuil plutôt craintif viennent divertir cette portion un peu « longuette » de l’itinéraire. Sans doute pas assez longue car je me débrouille pour la poursuivre bien au delà de l’itinéraire prévu. Heureusement que je connais bien ce coin et la vue de la Chapelle Sainte Marguerite de Nabilles au loin et en contrebas me fait prendre conscience de mon erreur. J’enjambe une barrière, coupe à travers bois et retrouve très vite un immense champ où le tracé de mon G.P.S se superpose parfaitement à l’alignement que forme une longue clôture. Je connais d’autant bien ce secteur que je l’ai déjà emprunté lors de précédentes balades : à la Roche gravée de Conat et au Roc de les Creus notamment. En réalité, il s’agit d’un simple raccourci évitant les sinuosités de la piste descendant vers le Pla de Vallenso, Montsec puis Llugols et le cas échéant un peu plus loin vers Prades. Tous ces chemins et sentiers ainsi que les pistes n’ont plus aucun secret pour moi tant je les ai empruntés à diverses reprises, le plus souvent à pied mais une fois en V.T.T aussi, depuis le col de Jau. Si je les ai empruntés, c’était toujours avec des objectifs précis ou bien lors de mon Tour du Coronat de 2007, mais dans ma tête, une chose est sûre : j’ai la certitude de ne pas avoir tout découvert ! Ici, au dessus de Llugols et à proximité de Montsec, je sais par exemple qu’il y a des orris en forme de pagode et quelques roches gravées que je n’ai jamais eu le temps d’aller explorer, celle de Fornols en fait partie mais il y en a quelques autres aussi pour lesquelles j’ai réussi à me procurer les coordonnées géographiques. Le Pla de Vallenso est là. De nos jours, c’est une zone d’estives pour bovins et ovins avec la présence de quelques enclos. Je me trouve sur sa partie la plus plane, mais la région est vaste et broussailleuse, zébrée par des pistes et esquissée de rares champs et de nombreuses zones de reboisement. La vue porte très loin et jusqu’à la Méditerranée. Grâce aux coordonnées relevées sur le Net, je découvre assez aisément les deux orris recherchés. Ils ont en effet cette forme en pagode plutôt insolite et inhabituelle, qu’on ne trouve pratiquement qu’ici, quant aux cupules, elles sont creusées au pied d’un étrange rocher dressé comme un menhir. Il est planté là, superbe car faisant face au Canigou. Fruit d’un hasard géologique ou élévation humaine ? On est en droit de se poser la question tant il est le seul rocher debout dans ce paysage où toutes les autres roches sont essentiellement planes. Grâce à la découverte plutôt rapide de tous ces lieux et vestiges, j’ai gagné du temps pour vaquer à d’autres plaisirs. Alors j’en profite pour m’essayer à quelques photos ornithologiques. Ici, les rouges-queues noirs et les pipits sont les plus nombreux et donc les plus faciles à photographier. La proximité d’une source boueuse fréquentée par un troupeau de vaches n’est pas étrangère à cette présence. Mais il y a aussi des fauvettes, des tariers, des gobe-mouches, des pies-grièches et de rares pouillots, beaucoup plus dynamiques et bien plus compliqués à immortaliser dans mon numérique car les ronciers leur servent d’habitats de proximité. Ce gain de temps à courir derrière des oiseaux m’entraîne vers d’autres trouvailles inattendues et c’est ainsi qu’ayant enjambé une clôture, je découvre un autre orri pagode, inédit celui-ci, « temple pastoral rustique » mais probablement peu utilisé car envahi par les ronciers. Il est situé près d’un immense cortal ruiné, lequel lui aussi, a perdu depuis longtemps toute fonction agro-pastorale. Une autre roche gravée de cupules se présente. Juste à côté, il y a un étrange regroupement de pierres dont certaines sont dressées vers le ciel comme d’énormes canines pointues encadrant d’autres roches gisant au sol. Tout ça est si peu naturel qu’on voit bien qu’il s’agit d’un ouvrage, abîmé certes, mais séculaire à coup sûr. Antique chemin pavé ? Ancienne enceinte dévastée délimitant une parcelle ? Vaste dolmen effondré comme il y en a tant et tant dans ce secteur ? Autre type de sépulture ? Il y a un tel désordre pierreux que seul un vrai spécialiste pourrait sans doute me le dire. Cela est d’autant plus étrange que mes pérégrinations suivantes en direction d’un « correc », celui de Vallauria, m’entraînent vers des vestiges et des rochers aux similitudes « incroyables ». Mêmes roches dressées et pointues encadrant d’autres roches gisant à terre, quantité incroyable de cupules, encoches et rainures patinées aux formes géométriques inhabituelles et incertaines. Si tout cela étonne l’archéologue en herbe que je suis, je suppose que cette zone ayant été maintes et maintes fois prospectée par nombre de vrais spécialistes, toutes ces découvertes sont d’un intérêt mineur puisque mes lectures n’en font que de simples signalements sans plus de précisions. Il est vrai aussi que toutes ces roches gravées gardent encore beaucoup de secrets car pas plus les cupules que les croix n’ont livrées leur exacte vérité et tous les écrits à leur propos ne sont que des hypothèses. Ces amoncellements seraient d’anciennes sépultures, cela a été vérifié parfois par la présence d’ossements ou d'outils de silex, et tous ces signes gravés seraient liés aux rites funéraires qui s’y déroulaient. Pour les cupules reliées entre elles, on évoque la possibilité de « libations ». Voilà en résumé, les explications de la plupart des archéologues. Aujourd’hui, avec le Canigou superbement enneigé en guise de majordome, ces croupes de schistes se transforment, pour mon plus grand plaisir, en tables de pique-nique. Après le déjeuner et cette exploration « sépulcrale », je repars vers de nouvelles, cette fois en direction du Cortal Freixa, petite bâtisse blanche que j’aperçois au loin vers le nord et de l’autre côté du correc. Une petite caminole, sans doute tracée par les troupeaux, y file presque directement. Seul souci dans cet itinéraire quasi évident et en tous cas inévitable, il me faut esquiver en permanence les bas prunelliers, les foisonnants et rampants ronciers et autres redoutables ajoncs aux épines dures et piquantes comme des poignards. Un seul ratage et c’est la piqûre assurée et un saignement garanti. Quel idiot d’être parti randonner en bermuda et avec un tee-shirt à manches courtes ! Je le regrette amèrement. Cet étroit sentier que je pensais évident n’est pas si facile que ça et c’est là que je m’aperçois très vite que mon cuir n’est pas du tout le même que celui des bovins, qui eux, déambulent sans crainte dans cette végétation perforante. En tous cas, il est bien plus fragile et je ressors pas mal ensanglanté de cette courte promenade à « percer peau lisse ». Heureusement quelques mouchoirs en papier ont vite raison de ces saignements que j’appréhende toujours. Je retrouve le sourire en retrouvant la bonne piste et le « Cul Blanc Palace », appellation gravée sur le linteau de la partie ancienne et en pierres sèches du Cortal Freixa. Au milieu de la ruine, quelques « sentinelles » asséchées recouvertes de papiers merdeux semblent expliquer cette désopilante toponymie. Les autres parties du cortal sont du même acabit mais à la puissance 10 car elles servent d’étables aux vaches qui y trouvent refuge et utilisent tous ces appentis comme latrines. Pas de quoi s’éterniser, alors je file par la piste à la recherche du dernier orri pagode qui doit se trouver à proximité. Blotti dans un bois, je l’aperçois par chance sur la gauche et à l’intersection d’une autre piste. Pistes DFCI CO15 et bis annoncent des pancartes. Il ressemble aux autres mais surtout à celui de Carmajou, même forme, même taille mais moins évident à découvrir car tout autour, l’embroussaillement y est bien plus important. En raison de l’étrange ressemblance des cinq orris que j’ai découvert en quelques heures, j’imagine qu’ils sont tous du même « bâtisseur » et en tous cas de la même confrérie de maçons. Quelques photos de l’orri et je repars, cette fois en direction de mon objectif majeur : la « Roche gravée de Fornols ». Non pas pour la découvrir vraiment car ce n’est pas encore la « bonne heure », mais pour identifier son emplacement exact. Comme indiqué dans mes lectures, la bonne heure est celle où la « lumière est frisante ». Ce n’est pas encore le cas, loin s’en faut, encore que j’en suis à me demander si cet indice va m’être utile ? En effet, dans les années 80 quand la roche a été découverte puis analysée, elle était située au milieu de la garrigue et bénéficiait sans doute d’un bel ensoleillement, or j’ai lu qu’elle était désormais au sein d’une zone de reboisement et donc certainement un peu plus ombragée. Mon G.P.S contient deux coordonnées bien distinctes mais tout de même séparées de quelques encablures. Il me faut donc chercher et à vrai dire, je « préfère guérir que courir ». En réalité, je vais faire les deux. Guérir, car une fois encore la végétation est carrément « déchirante ». Je saigne déjà un peu partout et abondamment. Et courir, car les reboisements ont largement envahi les lieux, et surtout les points géophysiques enregistrés dans mon GPS. Pourtant, ils sont censés correspondre au célèbre rocher aux dessins rupestres. Je m’égare, tourne en rond, découvre les ruines de vieux cortals oubliés, reviens sur mes pas et le pire c’est que dès que je rentre dans un sous-bois mon G.P.S perd un peu les pédales et se fait moins précis. Alors que faire sinon errer au petit bonheur la chance mais G.P.S allumé toujours en main ? C’est ce que je fais en essayant de ne pas me décourager. Dans ce dédale broussailleux ou boisé qui en démoraliserait plus d’un, mon seul bonheur a été de découvrir très vite une superbe roche gravée de jolies croix sans doute néolithiques. Affleurements rocheux comme disent les archéologues mais malheureusement je n’ai pas « affleuré » le bon rocher ! Alors, je décide de remettre à plus tard mes recherches et je file vers une deuxième roche gravée dont je possède les coordonnées puis ce sera la chapelle Saint Christophe de Fornols plus facile à trouver. Les coordonnées étant très bonnes, je n’ai aucune difficulté à trouver le rocher en question. Avec ses cupules reliées entre elles par des entailles, ce rocher me rappelle bougrement celui du Roc de les Creux, même s’il est un peu moins « saisissant ». Mêmes cupules, mêmes rainures et même motif triangulaire. Je parierais qu’il s’agit du même graveur. Jean Abelanet leur donne le nom de « figurations soléiformes ». Juste à côté et sur un autre rocher, une grosse cupule pas circulaire celle-ci mais étrangement ovale. Une vraie curiosité car au pays de l’ovalie, le rugby n’existait pas encore aux temps préhistoriques ! Sans traîner, je file vers la chapelle Saint Christophe. Un panonceau au bord de la piste m’en indique la direction. Cette chapelle romane très ruinée face au Canigou date du 11eme siècle et aurait servi d’ermitage avant son effondrement pour cause de désintérêt total du à son éloignement. Elle a eu ses heures de gloire et servait de lieu de procession aux fidèles qui venaient des fermes les plus proches où depuis les différents hameaux situés dans les vallées environnantes, Castellane et Caillau principalement. Chaque hameau avait sa chapelle, ce qui n’empêchait nullement les gens de se retrouver car les dates des processions étaient différentes. La foi chrétienne devait être plus effective et plus solidaire que de nos jours car les gens étaient disposés à marcher sur de longues distances pour participer aux célébrations. Aujourd’hui, la seule procession, c’est celle de quelques vaches lesquelles accompagnées de leurs très nombreux veaux détalent et se dispersent en me voyant. Une seule parait plus téméraire et semble enclin à une corrida improvisée. Elle me regarde fixement en tapant du sabot. Je m’écarte et m’éloigne car j’ai oublié ma muleta. Par contre, je n’ai pas oublié l’épisode du taureau qui m’avait foncé dessus sur le « Cami d’El Viver ». Il est encore là, tout frais, blotti dans un coin de ma tête. Et puis, j’ai déjà suffisamment saigné pour aujourd’hui ! Leur enclos est là, ouvert mais surtout couvert de fumier et de bouses. Ce purin attire les insectes, qui eux-mêmes attirent les oiseaux, lesquels attirent l’objectif de mon Réflex. Je prends en photo quelques bergeronnettes. Il ne faut pas que je m’éternise et me disperse car le soleil décline déjà et l’heure propice à la découverte de la « Roche gravée de Fornols » va finir par arriver. Elle arrivera d’autant plus vite qu’elle reste à découvrir. Je fais le tour de la chapelle en pressant le pas, visite son intérieur en regardant où je mets les pieds et la tête aussi, car cette ruine est une vraie ruine avec une nef bien éventrée et qui ne demande qu’à s’éventrer un peu plus. Ça serait nigaud de prendre une pierre sur la tête lors d’une randonnée où le but est que les pierres m’en mettent plein les yeux. Sur le badigeon restant mais qui s’effrite et s’effondre au fil du temps, je note la présence d’estampilles décoratives ressemblant à un sceau ou à une empreinte animale. Il y en a des solitaires et d’autres sous la forme de frises. Il m’a fallu 10 minutes et la visite de la chapelle est déjà terminée, direction la Roche gravée de Fornols. Je remonte la piste déjà empruntée bien décidé à la trouver cette fois-ci. G.P.S allumé, j’essaie de procéder avec méthode. La méthode est de me dire que cette roche, si renommée, doit être un peu visitée et que même si ce n’est pas tous les jours, un semblant de chemin doit y mener. Le problème, c’est que les petits sentiers « probables » sont légions, soient tracés par les bovins soient par les animaux sauvages, sangliers et chevreuils notamment. Alors, j’avance lentement, en essayant de rester logique. Je croise les indices que je vois et ceux que je détiens, c'est-à-dire les chemins aux herbes les plus couchées et les waypoints « incertains » de mon G.P.S. Après avoir divagué dans la garrigue, j’avance désormais à l’intérieur d’une pinède m’arrêtant plus souvent afin que le G.P.S ait le temps de faire le point le plus correctement possible. Malgré une imprécision évidente, dont je sais qu’elle peut être de 3 mètres voire de 30 mètres au maximum, je sens bien que le « waypoint » G.P.S correspondant à la roche n’est plus très loin maintenant. En tous cas, j’ai fini de traverser la pinède et ici, il y a des roches un peu partout. Il y a même un long affleurement sur lequel je grimpe, m’offrant de jolies vues vers Molitg-les-Bains et le vallon de la Castellane. Je saute comme un cabri d’une roche à une autre, m’arrêtant sur chacune d’entre-elles pour faire un point G.P.S qui devrait être plus précis désormais, car ici plus rien ne bloque les signaux satellitaires. C’est le cas. L’écrêtement rocheux se termine et me voilà « perché » sur le dernier rocher. J’en descends et là, ô surprise, j’étais « quillé » sur la Roche gravée de Fornols ! Comment ne pas la reconnaître alors que j’ai observé sa photo des dizaines et des dizaines de fois au cours de mes différentes lectures ? Mais sur l’instant, quelle déception aussi toutes ces lignes gravées partant dans tous les sens ! Au premier abord, impossible de discerner la moindre gravure animalière. Alors bien sûr, j’étais au courant des difficultés qu’il y aurait à appréhender un dessin mais cette fois j’ai tout prévu. Plan détaillé du rocher, photos récupérées sur le Net avec indications, magazine avec explications et moulages, je sors tout de mon sac à dos. Le soleil décline, la lumière est rasante comme indiquée pour une perception « idéale ». Avec le plan, les photos et les dessins, j’observe la roche dans ses moindres détails prenant un maximum de photos. Quelques gravures correspondant aux photos apparaissent, peu évidentes car l’œil a toujours la fâcheuse tendance à regarder les gros traits au détriment des plus fins. Grave erreur ! Alors finalement, j’aperçois néanmoins la tête d’un bouquetin, celle d’un chamois, puis une autre tête, le postérieur d’un cervidé, des pattes, la tête d’un oiseau, puis un autre oiseau, les motifs géométriques trouvés et décrits par l’archéologue Dominique Sacchi, celui là même qui a procédé aux moulages. Pour le reste, j’ai espoir que mes photos me dévoileront des motifs bien plus tard mais à vrai dire sans vraie conviction tant la roche est veinée de toutes parts. Veines naturelles ou pas ? Tout se mélange. Une seule chose est certaine : il y a bien des figures géométriques sur cette roche ! Elle en est même farcie ! Trop de dessinateurs et graveurs sont passés par là et la plupart avaient sans doute peu de talent. Quel gâchis ! J’en suis même à me demander si tous ces archéologues n’ont pas pris leurs désirs pour des réalités voire s’ils ne sont pas venus ici après avoir fumé « des petites herbes de Provence » comme aurait dit Coluche. Pourtant, j’ai lu que la plus grande des gravures n’excédait pas 16 cm. Faut-il en déduire que la plus grande fait 15 cm ? Un dessin animalier de 15 cm, ça devrait se voir non ? Non, je ne vois rien de plus. Rien de vraiment précis de cette taille-là. La profondeur des traits est très inégale et on finit très vite par se perdre dans un tel foisonnement de lignes, traces ou rayures. Je m’assois, finis mon casse-croûte dans l’attente d’un assombrissement de la roche qui arrive à la vitesse grand « V » car les cèdres lui font rapidement ombrage. Mais non, la lumière est plus que « frisante » mais je ne distingue rien de nouveau alors je range tout mes documents et décide qu’il est temps de quitter les lieux car il me reste encore à découvrir le château de Paracolls, enfin ce qu’il en reste. Je suis ravi de ma découverte mais force est d’admettre que pour l’apprenti archéologue que je suis, Fornols n’est pas la « Lascaux » des P.O. Celui qui vient ici sans aucune préparation ni aucun document repartira forcément très déçu. Il risque de passer à côté de l’essentiel. Bien évidement, je peux comprendre que les vrais spécialistes veuillent la protéger d’un trop grand nombre de visiteurs et bien évidement d’éventuels vandales ! Au regard, de ce que je viens de voir, il en est déjà passé de trop nombreux ! Fornols est une vraie richesse, mais pour les archéologues seulement, et tout compte fait, c’est peut-être mieux ainsi ! Circulez, il n’y a rien à voir à Fornols ! Je retrouve la piste et j’accélère le pas. Il est déjà 17h passé. Voilà déjà plus de 6 heures que je suis sur les chemins. Je l’accélère encore plus dès lors que j’aperçois les ruines de Paracolls en contrebas, mais le chemin descend puis remonte et ainsi de suite. Il finit de me « casser » les pattes. Au sommet d’une butte, un amoncellement de pierres en forme de long muret me laisse songeur d’autant que mon bout de carte I.G.N ne précise rien à son sujet et que je n’ai rien lu à son propos. J’y monte. Au regard de l’épaisseur des murs ; plus d’un mètre ; le simple poste de guet ou de chasse me paraît peu probable et il ne peut s’agir que d’une vieille fortification. Poste avancé de Paracolls ? Je ne sais pas. Un pylône avec deux paraboles se présente et un petit sentier descend sur sa droite. Je l’emprunte bien que la carte ne le mentionne pas, mais j’imagine aisément qu’il s’agit d’un raccourci qui évite la piste qui descend vers le château que l’on aperçoit tout en bas. Bingo ! La piste est là et après deux ou trois virages, les remparts ruinés et les murs éventrés du château apparaissent. Ils ne sont plus très loin et en tous cas, ils sont dans la ligne de mire du chemin creux qui y mène. Sur la droite, j’entrevois le défilé de la Castellane et la D.14 et leurs sinuosités parallèles. Je grimpe vers les ruines par le sentier qui me parait le plus utiliser. Elles sont rapidement là avec quelques ouvertures en arcades et de nombreux vestiges qui me paraissent intéressants à photographier : colonne gravée, bénitier, gravures, sculptures et puis bien évidemment la chapelle qui est l’élément le mieux conservé. L’ensemble est un vrai nid d’aigle malgré sa modeste élévation à 564 m d’altitude. D’ici, on domine et on embrasse des vues aériennes et plongeantes remarquables sur Molitg et ses thermes. La Castellane y passe tout en bas, au pied de son flanc nord et dans des gorges vertigineuses. Juché au plus haut entre tous ces murs ruinés, une chose me frappe, c’est l’austérité du lieu. Je ne sais pas pourquoi mais j’imagine mal que des seigneurs aient pu vivre ici avec bien-être. Il y a bien les restes d’une citerne, indispensable à la vie, mais les autres pièces me paraissent petites et de surcroît, elles sont parfois encombrées de gros blocs de granit qui en réduisent considérablement l’espace. J’ai toujours pensé qu’un seigneur digne de ce nom avait un goût prononcé pour l’aisance et le confort, or ici, rien ne donne cette impression. Pourtant, je pousse mon imagination à son paroxysme en essayant d’imaginer ce qu’a pu être le château à ses débuts. Les murs étaient sans doute très hauts comme un fortin ou une tour et le volume était donc tout en hauteur. Je ne vois donc qu’un seul intérêt à cet ouvrage perché très spartiate : la protection ! Comme pour la plupart des châteaux médiévaux d’ailleurs, le but était d’abord de se défendre ! Les seigneurs de Paracolls devaient avant tout se protéger. Contre qui ou contre quoi ? Pour qui ou pourquoi ? Je n’en sais rien à vrai dire car voilà le principal élément que je n’ai pas eu le temps de potasser en organisant cette balade. Ayant concentré mes recherches principalement sur la roche gravée de Fornols, je me promets de lire autant qu’il est possible l’Histoire de ces seigneurs deParacolls(**). Mes explorations se terminent avec les vestiges de ce vieux château mais ce qu’il y a de bien c’est que je m’en crée déjà de nouvelles, avant même la fin de cette longue balade. Elle n’est donc pas finie et même si quelques kilomètres sont encore à faire pour rejoindre Campôme et ma voiture, je sais déjà qu’il me faudra encore vagabonder sur Internet pour la terminer complètement. Avant même de la commencer, cette randonnée se voulait « ludique et culturelle » et c’est bien qu’elle garde encore ces aspects-là après son terme. « Ne pas marcher idiot ! », un précepte que j’aime bien, même si par expérience et tolérance, j’admets et comprends que ce ne soit pas le seul ressort possible de la marche à pied. Telle qu’expliquée ici et tracée sur la carte, errements non compris, cette randonnée est longue de 16,5 km pour des montées cumulées de 1.125 mètres. J’ai du facilement accomplir 2 ou 3 km de plus. Le dénivelé est de 417 mètres entre le point le bas à 513 m au pied du château de Paracolls et le plus haut à 930 m sur la piste DFCI C010 à l’endroit même où l’on quitte cette piste pour descendre vers le Pla de Vallenso. A la saison chaude, il faut emporter de l’eau en qualité suffisante. Les manches courtes tant sur les jambes que sur les bras sont à bannir si vous devez errer dans la garrigue comme je l’ai fait moi-même. Carte IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul-de Fenouillet Top 25.
(*) Fornols : La première mention est « Villa Fornols », du latin « furnus » signifiant « four » et définissant sans doute des petits fours servant à traiter différents minerais, abondants dans la région. Du hameau, il ne subsiste que quelques orris et la chapelle Sant Cristau (Saint-Christophe) qui date du 11eme siècle (Références toponymiques Lluis Basseda, extraites de l’Histoire de Mosset). D’autres historiens pensent qu’il pouvait s’agir de fours à chaux ou à briques.
(**) Histoire des Paracolls : Pour diverses raisons, retracer l’Histoire des seigneurs de Paracolls n’est pas simple. Primo, parce qu’elle est ancienne et que les documents sont bien évidemment très rares. Ils se résument à quelques mentions deci delà dans des parchemins, cartulaires voire à des registres notariés pour les parties les plus récentes. Secundo, la généalogie est très limitée et surtout elle est un véritable imbroglio entre les véritables ancêtres ayant portés le nom ; les plus anciens ; et ceux, qui au gré des privilèges ou héritages, ont obtenu le titre de « seigneur de Paracolls ». Ajoutons à cela, les fils qui portent un prénom identique à celui de leur père, ce qui ne facilite pas les choses. Enfin et tertio, cette « vraie » famille ayant porté le nom n’a été puissante et n’a vraiment régné que deux ou trois siècles environ, du Xeme au XIIeme, ce qui bien évidemment en restreint encore un peu plus les études. Apparemment, c’est à cette période que le château dit de Paracolls a été le plus souvent occupé par cette famille, sans doute sous la forme propre au système féodal consistant en un petit fortin sous l’autorité d’un seigneur, protégé par une garnison très réduite. Ensuite, on évoque plus souvent un fief, un domaine, une baronnie dans lequel le château était inclus même s’il n’était pas ou peu habité. Compte tenu de la taille du rocher en granit sur lequel il repose, on ne pouvait pas faire plus grand. Le lieu a du également servir de tours à signaux, système qui avait cours à l’époque pour communiquer en cas de risques. Or, les dangers étaient nombreux et fréquents. Un hameau est-il à ses pieds ? C’est possible encore que les pieds soient très limités ; les flancs ouest et est sont très abruptes quand au flanc nord, tout en en à-pics sur les Gorges de la Castellane, il est carrément inconstructible et ne peut recevoir que des remparts réduits et limités en longueur. D’ailleurs, les fortifications que l’on aperçoit aujourd’hui sont essentiellement sur le versant sud et sont très proches du château. De surcroît, l’Histoire et les légendes s’entremêlent et de ce fait, il devient ensuite très difficile de démêler le vrai du faux, le réel du légendaire. Les toponymistes ne semblent pas très d’accord sur l’origine du mot « Paracolls ». Selon Louis Basseda, il viendrait du latin « para » signifiant « défense » et « collus » signifiant « col. « Paracolls » serait donc un « col à défendre ». Pour d’autres, et notamment Jacques-Joseph Ruffiandis, principal historien à s’être intéressé à cette famille, il s’agirait d’une « pera collis » ou « colline de pierres ». Parles-t-on de cet éperon rocheux granitique où se trouvent les ruines aujourd’hui ? Pour le second, ça ne fait aucun doute mais rien n’est moins sûr pour la première hypothèse, car le rocher ne présente pas les caractéristiques d’un col, lieu de passages. Un hameau de Paracolls aurait-il existé dans ce secteur ? Certains le pensent. Se trouvait-il à un col ? Par col entend-on défilé ? On peut simplement émettre des hypothèses. Paracolls se confondait-il avec le Campôme d’aujourd’hui ? Si les deux apparaissent comme indissociables dans le temps, rien ne plaide pas pour cette théorie. Campôme n’est pas situé à un col. Sa toponymie catalane initiale « Campoltme », vient de sa première mention en 901 « Campo ultimo », sans doute du latin « campus ultimus », le « dernier champ », en l’occurrence celui rattaché à Mosset. Alors toutes les suppositions sont permises y compris celle qui consisterait en une « toponymie » venant d’un horizon plus lointain et antérieur à sa première mention connue datant de 948. Après tout, n’y a-t-il pas dans le Vallespir un autre « Paracolls » ? Nom que l’on retrouve cette fois pour un vrai col et les ruines d’un minuscule hameau se trouvant à proximité. Ils sont situés au dessus d’Arles-sur-Tech, sur le célèbre G.R.10.
948- L’Histoire des Paracolls commence à cette date-là avec la première mention « castrum Paracollis » qui fait de ce château un des plus anciens du Conflent. On peut donc supposer que des « châtelains » sont déjà là. Dans le Journal des Mossétans N°28 (Histoire de Mosset), Jean Llaury, dans un résumé tiré d’un ouvrage de Jacques-Joseph Ruffiandis, donne 996 comme première mention du site et 1095 comme première mention du château, précisant que c’est à cette date-là, que Guillaume Raymond, petit-fils de Wilfred (héritier du comte de Cerdagne), aurait transmis à son héritier direct, Guillem Jorda, les châteaux d’Eus et de Paracolls. Les armes de Paracolls portaient sur un écu plusieurs pals sur lesquels était un ours dressé mangeant des alises.
1102- Raymond Bérenger de Paracolls est cité parmi d’autres comme exécuteur testamentaire des dernières volontés de Guillem Jorda, comte de Cerdagne à l’instant où ce dernier s’apprête à partir en pèlerinage sur le tombeau du Christ. On peut donc sans crainte imaginer qu’y avait un lien de suzeraineté entre les deux seigneurs et que Paracolls était le vassal du Comte de Cerdagne. Raymond Bérenger partant lui-même en croisade, une légende à propos d’un trésor à Paracolls est née de cet épisode dont l’histoire est magnifiquement contée par Jean Llaury dans le Journal des Mossétans N°53 (Histoire de Mosset).
1139-1157 - Guillaume de Paracolls s'attacha à la fortune politique des vicomtes de Fenollet, dont il se montra toujours le vassal fidèle et parfois le conseiller. On le rencontre, le 23 mars 1139, réglant, de concert avec l'abbé de Cuxa, Grégoire, divers différends qui divisaient Hualger de Fenollet et Adalbert de Camèles, au sujet d'un manse situé dans cette dernière localité. Le 8 avril 1141, ce même vicomte fit une concession à la Milice du Temple, à laquelle Guillaume de Paracolls parut comme témoin, et le 27 juin 1142, une seconde concession fut faite à l'ordre des Templiers en présence du seigneur de Paracolls, par le même vicomte Hualger. Guillaume de Paracolls est encore mentionné dans un acte de donation faite à la Milice du Temple par Raymond, comte de Barcelone, le 19 septembre 1147. Enfin, dans un dernier document dépourvu de date, mais qui semble appartenir à l'année 1157, Pierre de Domanova fit abandon à la Chevalerie du Temple de Salomon, de quelques droits seigneuriaux qu'il percevait sur les domaines de la Milice situés au lieu de Centernac, en Fenollet, en présence du vicomte de Hualger de Fenollet, de Guillaume de Paracolls, de Bernard, prieur de Sainte Marie de Marcevol, d'Artal, évêque d'Elne, et de plusieurs autres seigneurs laïques.
1173 – Guillaume Bernard de Paracolls, successeur du précédent, est compté, au nombre des barons du comté de Roussillon et autres magnats ou barons de sa terre.
1175 – Le 24 janvier, Guillaume-Bernard de Paracolls, est cité en qualité de signataire du traité de paix et de trêve que le roi Alphonse II d’Aragon fit approuver par les barons de Comté de Roussillon et de ses autres terres. Ce seigneur possédait, en plus du fief de Molitg et de ses dépendances, des manses à Ille et à Angoustrine. Un autre document de cette même année, nous apprend le mariage de Blanche de Conat avec Guillaume-Bernard de Paracolls. Ils eurent trois enfants : Guillaume, Séguier et Guillelma. Le 13 septembre 1175, Guillaume Bernard de Paracolls, Bérangère, sa sœur, et Blanche de Conat, son épouse, vendirent à Ugo, abbé de Sainte-Marie de Poblet, tous les ports, pâturages, eaux et boisages qu'ils possédaient dans la vallée de Maran, à Subiran et à Roda et dans toutes leurs limites d'Angoustrine.
1186 - Six ans plus tard, par acte fait au château de Conat, le 16 juin, Guillaume-Bernard de Paracolls et Blanche de Conat, son épouse, Guillaume de Paracolls, Séguier et Guillelma, leurs enfants, accordèrent au précepteur de la Milice du Mas-Deu, le territoire dit Mollères de Mortisag, dans la vallée d'Urbanya, s'étendant jusqu'aux dépendances des domaines que les hospitaliers de Bajoles possédaient déjà dans ces parages.
1217 - Le 2 octobre, Guillaume Bernard jure l’édit de paix et de trêve publié par Nuno Sanche d’Aragon, seigneur du Roussillon et de Cerdagne pour le diocèse d’Elne et de Cerdagne. Selon les historiens, il est difficile de savoir si c'est toujours le même Guillaume Bernard, ou son fils aîné Guillaume.
1230 - Le baron Guillaume Bernard de Paracolls occupe le château en sa qualité de suzerain. A cet instant, il est le seigneur de Molitg, Campôme, Conat, Fornols, Estanyils et Croells. L’ensemble formera une baronnie jusqu’à la révolution de 1789. Vous noterez que Mosset n’en fait pas partie et pour cause, la cité à son propre château et seigneur depuis le bas moyen âge, seigneurie qui n’aura de cesse d’essayer de dominer son voisin de Paracolls. Ce Guillaume-là serait le héros peu glorieux d’une histoire d’amour qui se termine mal pour la plupart de ses acteurs et dont on dit qu’elle serait elle aussi une fabuleuse légende, légende qui est restée sous le nom de « El Gorg de la Mossa ou Moussa » (le Gouffre de la servante). Retrouvez-là elle aussi dans le Journal des Mossétans N° 53ou bien sur le site de l’Office du tourisme de Molitg-les-Bains.
1235 – Guillaume Bernard de Paracolls est encore cité comme témoin, dans un privilège accordé à la commune de Villefranche-du-Conflent, par Nuno Sanche, seigneur du Roussillon et de la Cerdagne, à la date du Il des calendes de mars 1235 (Cartulaire de Villefranche-du- Conflent).
1250- Le château reste la possession des Paracolls jusqu’à cette date-là et il se dit que la légende précédente ne serait pas étrangère au déclin définitif de la famille car selon la prédiction de Guillelma, la fameuse servante de la légende, Guillaume Bernard est mort, atteint par une flèche, en voulant défendre son château, lequel est pillé, ravagé puis brûlé par des brigands espagnols. Selon la légende, ils voulaient dérober un fabuleux trésor. Au cours de cette attaque, son fils Bernard est également mort dans d’atroces souffrances. Le petit-fils du Guillelma, Raymond, seul survivant masculin s’est réfugié à Saint-Martin du Canigou où il a pris la bure. Il termine ses jours en ermite dans une cabane proche du château. On dit qu’il priait sans cesse en souvenir de ses aïeux et tenter d’expier leurs péchés.
1254 – Les héritiers Paracolls n’ayant plus d’enfant mâle, un texte nous informe de la donation du domaine à Bernat de Berga, l’évêque d’Elne. Le domaine est ensuite partagé à sa mort. Le 17 novembre, une dame Sibille de Paracolls renonce à la redevance d’un agneau que ses prédécesseurs recevaient.
1258- Le 11 mai, signature du Traité de Corbeil. Saint-Louis cède la Catalogne et bien évidement le Roussillon au roi Jacques de Majorque. La frontière se déplace et passe désormais par le col de Jau et le pic Rossillou, pour ne parler que de la ligne la plus proche de la vallée de la Castellane. Paracolls passe dans le Royaume de Majorque. Jacques 1er le Conquérant, souverain d'Aragon partage son royaume en deux et donne à l'aîné l'Aragon et la Catalogne, et au cadet les îles Baléares, la Catalogne Nord et la seigneurie de Montpellier. C’est « le royaume de Majorque ». Cet éphémère royaume fut en butte constante avec son voisin qui l'annexa en 1344. Le dernier roi de Majorque fut capturé, on lui céda la seigneurie de Montpellier qu'il refusa. Il remonta une armée et conquit à nouveau le Conflent, qui lui était acquis. Mais le roi d'Aragon put le reprendre.
1264 -Dame Sibille de Paracolls confirmait aussi, le 3 des ides de mai (13 mai) 1264, les acquisitions que le même hôpital venait de faire de quelques possessions situées au territoire d'Ille, et tenues par un homme du seigneur de Paracolls (Ibid., parch., B., H9). Cette rente avait été approuvée, le même jour, par Raymond d'Urg et Esclarmunde, son épouse, qui avaient reçu, pour droit de mutation, « 25 sous barcelonais bons)) et couronnés, valant deux marobotines doubles de bon « or et de juste poids)), ce qui semble indiquer que Raymond d'Urg et son épouse tenaient ces possessions d'Ille en fief pour dame Sibille de Paracolls.
1268 – Esclarmunde se rattachait sans doute à la famille seigneuriale de Molitg, car un acte de 1268 (Lib. feudor, A., fo 74) l'appelle Esclarmunde de Conat, et nous apprend que la villa de Riutort, en Capcir, était tenue en fief, à cette époque, par Bérenger d'En, pour dame Esclarmunde de Conat et Raymond d'Urg, son mari.
1281- Dame Sibille de Paracolls ayant épousé Chabert de Barbaira en 1233, chevalier faydit occitan, seigneur de Puilaurens et de Quéribus, un document nous apprend que leur fils Bernard de Paracolls signe un acte, sans doute de donation au domaine royal.
1286 – Le seigneur Guillem de So de Roquefort reconnaît tenir en fief de Guillaume de So, seigneur d’Evol, le tiers de la dîme de Paracolls, qui était alors possédée par Pons de Conillach.
1293 - Un acte du 9 des calendes d'avril 1293 montre les dîmes de la paroisse de Molitg tenues en fief pour le roi, sans autre feudataire intermédiaire que Guillaume de So de Sainte-Colombe. Plus tard dans l’année, Pons de Conillach, de Fuilla, reconnaît tenir pour Guillem de So, de Sainte-Colombe, la part des dîmes de Paracolls et de Sainte-Marie de Molitg, le fief d'une charge de seigle à retirer de la dîme de Sposolla et un manse aux Anglars.
Vers 1295, le château est effectivement possession des Rois de Majorque. Il inclut le fief de Molitg.
1299 –1300 - La chapelle du château dédiée à Saint Pierre est mentionnée pour la première fois et dans un document du 9 avril 1300, il est indiqué que les dîmes de la paroisse sont acquises au roi.
1305 – Jacques II, roi de Majorque, déclare que le lieu de Comes est confronté à l'ouest, avec le château royal de Paracolls.
1305-1340- Le château présentant peu d’intérêt dans le système défensif de la Vallée de la Castellane, dépassé qu’il est par ceux de, Mosset (1175), Catllar (1267), Molitg (13eme siècle), la Tour de Mascarda (1350), il est inféodé à Pons de Caramary par le roi Jacques II de Majorque selon la coutume dite de « Barcelone ». Ce sire Pons de Caramany est viguier de Cerdagne de 1303 à 1309 puis lieutenant général du roi de Majorque de 1311 à 1314. Un acte de 1312 confirme la donation royale de Paracolls en faveur de Pons de Caramany par Sançhe, fils de Jacques II. Il avait déjà reçu les fiefs de Comes et de Stanyls depuis 1304. Un autre document de février 1313 confirme que Pons de Caramany a bien le titre de baron, « seigneur de Paracolls ». Sous ce titre, ce dernier fait partie de la cour des deux derniers rois de Majorque et il est même présent au palais royal de Barcelone en octobre 1327, lorsque Jacques II de Majorque prête foi et hommage au roi Jacques d’Aragon. En mars 1340, on le retrouve lors d’une vente à Comes (au dessus d’Eus). On perd sa trace en 1340.
1348 : Toute la vallée de la Castellane est frappée par la peste. Paracolls et ses habitants n’échappent sans doute pas à cette terrible calamité.
1356- Le baron de Paracolls, François de Caramany, fils de Pons, est l’assistant du gouverneur du Roussillon, nommé par le roi d’Aragon Pierre IV le Cérémonieux, il devient ensuite conseiller à la cour royale de Perpignan. Ses fonctions le retiennent loin de ses terres et de ses vassaux d’autant que l’époque n’est guère propice aux voyages ! En effet, après la peste, un nouveau fléau s’abat sur la contrée : les routiers des Grandes Compagnies, des bandes de pillards sont finalement anéantis dans leur repaire de Tarerach le 14 juin 1364.
1362 – François de Caramany vend une partie de son domaine à Jaspert de Trégura et notamment Moligt, Campôme, Croells ainsi que le château de Comes, avec tous droits et dépendances.
1373-1382- La seigneurie de Paracolls appartient à François de Trégura, également seigneur de Molitg précisent les textes retrouvés.
1386 – Le 4 juillet, Hugues IV, baron de Santa Pau, de Castellfolit de la Roca, senyor de Mont-Ros hérite par testament d’André de Fenouillet de la baronnie de Mosset, Mascarda et le fief de Paracolls.
1390 – Jaspert de Trégura est nommé viguier du Conflent et du Capcir. En bon administrateur, il s’est aperçu que les épidémies et les guerres avaient dépeuplé son domaine, il fit appel aux personnes qui voudraient s’établir à Molitg ; pour les attirer, il offrait habitation, terres et franchises. Le 19 juin 1408, il porte le titre de seigneur de Paracolls. Simple damoiseau, en 1410, il porte le titre de chevalier et est choisi comme exécuteur testamentaire de Pierre de Fenollet. Le baron de Paracolls avait épousé (avant 1406) Marguerite, fille de Pierre du Vivier, damoiseau de Clayra, et nièce de Johana, épouse de Guillem Jorda, seigneur du Boulou, qui l'institua son héritière universelle par son testament du 1er juillet 1410.
1411-1428 - Par le jeu des héritages, il semble qu’à cette époque (dates incertaines) l’essentiel de la seigneurie ait appartenu à Miquel de Cardona qui possédait aussi Molitg, Campôme, Paracolls et Cômes. Un autre document précise qu’elle passa ensuite de la famille Viader à la famille Alemany, probablement par l'intermédiaire des Cardona, dont un membre, Miquel de Cardona, seigneur de Molitg, Campôme, Paracols, Coma et Vall de Conat, avait épousé Claire, nièce d'Antoine Viader. (Il faut sans doute noter qu’à cette époque le titre de baron de Paracolls appartient à un Trégura alors que le domaine appartient probablement à d’autres familles (Cardona, Viader, Alemany).
1429 - Le 23 juin, Pierre du Vivier, pour les bons services qu’il a reçus de Jaspert de Trégura, seigneur du château de Paracolls [Molitg] lui donne la faculté devant Jean Morer, notaire de Millas, pour lui et ses successeurs, d’utiliser le bois de la forêt de Salvanère pour alimenter sa mouline ou moulin à fer de Campôme, à la condition qu’il paye un droit d’entrée de deux paons et une somme de 3 ou 6 deniers par charge de bois qui se retirera des dits bois.
1450 - Jaspert passe un acte important avec le seigneur de Mosset pour pouvoir amener l’eau de la Castellane à sa forge de Campôme et pour avoir l’autorisation de faire du charbon de bois sur le territoire de Mosset et de la Bastide de Mascardá. A sa mort, Jaspert de Trégura laissait deux fils Pierre et Gispert ainsi que trois filles : Michaele épouse d’Antoine de Vilanova, Blancheflor et Jeanne.
1453 - Le 17 avril, et il y a lieu de croire que Jaspert de Trégura ayant laissé deux fils, c’est l'aîné Pierre qui lui succède à Paracolls. A cette époque, les comtés de Roussillon et de Cerdagne sont occupées par les troupes de Louis XI.
1469 - 22 juin, Pierre de Trégura est cité dans un acte comme « donzell, seigneur de Molitg, de la baronnie de Paracolls et lieutenant du gouverneur des comtés du Roussillon et de Cerdagne ” ; il embrassa le parti des français, fut chargé d’organiser les troupes royales dans la région de Prades et reçut à cet effet le grade de capitaine. Sa fille Jeanne épousa un officier français Bertrand de Beauregart ; son fils Jean lui succéda mais mourut jeune en 1487 sans postérité.
1487 - Le 29 octobre, la succession revient à Jeanne de Trégura. Après la mort de Bertrand du Beauregart, son premier mari, Jeanne a épousé Jorda de Marça, donzell de Corneilla-de-la- Rivière, qui fit son testament à Catllar, le 23 juin 1501. Jeanne de Trégura, qui s'était toujours réservé le titre de baronne de Paracols, mourut vers l'an 1505, et sa succession revint, par indivis, à son proche parent, Ange de Vilanova, donzell de Millas, alors domicilié à Saint-Féliu-d'Amont, et à sa cousine, Anna de Trégura, fille du donzell Gispert de Trégura, que nous croyons frère cadet de l'ancien capitaine de Prades, Pierre de Trégura.
1505 - Par acte du 19 juin, Gispert de Trégura, au nom de sa fille, et Jean de Vilanova, comme tuteur de son fils, convinrent de s'en rapporter à l'arbitrage du damoiseau Roger Garriga, du docteur Jean Salvetat, de Jean de Malorgues et de François de Çanespleda, qui décidèrent que la succession de Pierre de Trégura, comprenant la baronnie de Paracolls, demeurerait indivise entre Angelot de Vilanova et Anna de Trégura-Çanespleda, leur vie durant. Anne de Trégura mourut avant l'an 1530, et son mari, Jean de Çanespleda, qui, dans un acte de 1531, se dit usufruitier de tous les biens qui avaient appartenu à dame Anne, son épouse, mourut peu de temps après, laissant un fils du nom de Roger qui vivait encore en 1543.
1543- Angelot de Villanova dit le Magnifique devint seigneur de Molitg et baron de Paracolls. Le sire était un fin lettré, on le trouve, cependant, mêlé aux luttes féodales de cette époque ; en particulier, il eut un diffèrent avec Henri Cantá seigneur de Château-Roussillon. Il se marie deux fois et à 5 enfants dont Michel de Vilanova qui lui succède. A cette époque, les conflits locaux sont légions, le plus souvent motivées par les guerres de religions. Michel n’est pas en reste. A ces guerres entre seigneurs viennent s’ajouter les huguenots et des bandits qui écument la région du Conflent et plus largement toutes les Pyrénées. La période est trouble et le reste longtemps.
1583 – Michel de Vilanova périt assassiné. Son fils Jean est héritier de ses titres et de ses biens, lui succède à la tête de la baronnie de Paracolls ; il habitait ses domaines une grande partie de l’année, s’occupant de ses forges : en plus de celles de Campôme et de Cruells, il en avait acquis d’autres en Conflent.
1593-1595 – C’est cette occupation en Conflent qui est à la base de la rivalité qui s’éleva entre lui et le seigneur Don Garau de Cruylles de Mosset lequel tirait également un revenu important de la production du fer. Le seigneur de Mosset et Jean de Vilanova, baron de Paracolls se firent la guerre dévastant leur domaine. De très nombreux habitants de la vallée, de Campôme en particulier, y perdirent la vie. Le dit baron de Molitg et de Paracolls défend à ses vassaux d’approcher de Mosset qu’il qualifie de caverne de voleurs et de bandouliers.
1608-1641 - Jean de Vilanova décède et son fils Joseph, né en 1608, lui succède mais meurt très jeune en 1636, léguant la baronnie de Paracolls à sa mère Magdeleine qui l’apporta en dot à son second époux Gaspard de Llupia. en 1623. Gaspard meurt en 1634 avec le titre de baron de Paracolls laissant son héritage à son fils aîné également prénommé Gaspard. Ce dernier décède à son tour en 1641 mais sans enfant, il transmet ses fiefs seigneuriaux par testament à son frère Charles de Llupia.
1642-1789 - Charles de Llupia a hérité de tous les biens : Paracolls, Belpuig, Castelnou, Llupia. Mêlé à la révolte du Roussillon, il prend ouvertement le parti de l’Espagne ; ses biens en France, sont mis sous séquestre puis confisqués par Louis XIV. En 1653, ces biens appartiennent Isabelle Dulac, veuve de Pierre de La Cavalleria, épouse en secondes noces de Pierre de Talon. En 1667, ils appartiennent à un certain Diego Rodrigue, marchand de Bayonne, puis en 1668, en faveur du baron de Monclar. A la mort de Charles de Llupia, son fils Ange-Charles adresse une requête au roi qui lui rend généreusement ses biens. Cependant, Ange se fixe en Espagne où il est élevé à la dignité de marquis ; ses descendants gardèrent la seigneurie de Molitg, Paracolls et Cômes jusqu’à la révolution de 1789. Pendant ce temps, mais surtout au XVIeme siècle, les Llupia sont devenus des maîtres de forges car les mines de fer sont très nombreuses dans la Vallée de la Castellane. On en décompte plus d’une dizaine. Ces forges deviennent parfois sources de conflits entre le seigneur de Paracolls et celui de Mosset. Le temps n’a pas arrangé les rapports entre les deux seigneuries. C’est en 1789 que Paracolls et son château sont détachés de Molitg et rattachés à Campôme. Bien que les premiers bains « Els banys » soient mentionnés en 1543, c’est à partir du XVIIIeme siècle qu’ils se développent vraiment. C’est un des marquis de Llupia qui fit aménager l’installation rudimentaire des fameux bains de Molitg qui purent ainsi être facilement ouverts au public dès 1785. Peu à peu, les bains vont remplacer les mines dans les affaires des anciens seigneurs. Il y en a deux portant le nom de leurs propriétaires respectifs « els banys Llupia » et « els banys Mamet ». Notons qu’au cours de cette période si mouvementée, trois dates sont à retenir : 1653, une deuxième épidémie de peste sévit dans la vallée aussi meurtrière que celle de 1348. 1659, signature du traité des Pyrénées entre Louis XIV et le roi Philippe IV d’Espagne. Les frontières se déplacent à nouveau. La France annexe le comté du Roussillon, le Capcir, le Vallespir, de nombreux villages de Cerdagne et le Conflent. Paracolls redevient français. 1789, la Révolution Française a pour effet la réquisition de tous les biens appartenant à la noblesse. Paracolls n’y échappe pas.
1792- Pour Campôme, c’est la fin de la dépendance de la seigneurie des Paracolls. La commune devient autonome.
Voilà ce que l’on peut dire des Paracolls, de leur Histoire (sans doute très incomplète) et de leur château. Tous ces textes, toutes ces dates, je les ai recueillies sur Internet auprès de différents sites qu’il serait bien trop long d’énumérer ici. Notons toutefois que les plus nombreuses annales ont été extraites de l’Histoire de Mosset(Journal des Mossétans) grâce à des articles rédigés par Jean Llaury, d’après un ouvrage de Jacques-Joseph Ruffiandis. Il y en a aussi tirées de l’Histoire de Caramany ou du Roussillon et de Pyrénées-Orientales et des sites Internet de Molitg ou bien encore du Dictionnaire de biographies roussillonnaises de l'abbé J. Capeille que l’on trouve sur le site Internet https://mediterranees.net/. J’en remercie tous leurs auteurs sans exception avec une palme particulière à Jacques-Joseph Ruffiandis qui a été sans doute le tout premier à s’intéresser à cette famille. Son ouvrage est malheureusement introuvable de nos jours.
12eme siècle : Le « Paracolls », le plus enraciné dans l’Histoire pourrait être un Bérenger, plus connu sous son nom de troubadour « Bérenger de Palasol ». A Perpignan, une rue porte son nom. Il a laissé de nombreuses chansons de geste et poèmes. Voilà ce qu’en écrit Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye dans son « Histoire littéraire des troubadours » en 1774 page 442 : « Bérenger de Palasol fut, selon nos vies manuscrites un chevalier catalan, du comté de Roussillon, pauvre, mais distingué par sa figure et par ses manières, joignant aux travaux de la chevalerie, les plaisirs de l'amour et le goût des vers. Ermésine, femme d'Arnaud d'Avignon et fille de Marie de Pierrelatte, captiva son coeur et devint l'objet de ses chansons. L'historien du Languedoc le compte parmi les troubadours qui florissaient sous Raimond V, mort en 1194. » Sauf que les avis des historiens sont très partagés, certains ne pensant pas qu’il s’agit d’un « Paracolls » mais le disent originaire du fief de Pallol, ancienne villa située dans le voisinage et à l'ouest d'Elne, le seul domaine de ce nom que l'on rencontre dans l'ancien comté du Roussillon. (Annuaire de 1834. - Bernard ALART, Bérenger de Palazol, dans le Xeme Bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales). L’époque où il a vécu reste d’ailleurs très incertaine, voir la biographie qui lui est consacrée sur le site https://mediterranees.net/biographies/capeille/CapeillePa-Per.pdf. Sur l’encyclopédie Wikipédia, il est mentionné sous le nom de Berenguer de Palou et l’on rajoute qu’il aurait été le vassal de Gausfred III du Roussillon qui a vécu de 1103 à 1164 et pour lequel, il l’aurait honoré de divers chants tel celui intitulé « Jaufres ». En 1207, il aurait fait un don d'un bien aux Templiers de Saint-Hippolyte afin d'être enterré dans le cimetière templier (Histoire du Roussillon).
Il est à noter qu’il existe de très vieilles cartes postales montrant le château de Paracolls dont une notamment datant de 1902. Bien évidemment, il paraît en bien meilleur état qu’il ne l’est de nos jours. Photographié depuis Molitg et donc avec vue de son flanc nord, on y distingue encore de très hauts remparts crénelés, c’est dire si en un peu plus d’un siècle, ce patrimoine de notre Histoire a vu ses vestiges se dégrader très fortement. Il serait peut-être temps de s’y intéresser avant son écroulement total et sa disparition définitive.
Le nom continue d’être porté par de nombreuses personnes des deux côtés de la frontière catalane, la région de Barcelone étant de loin celle où l’on en recense le plus. L’appellation « Paracolls » dans le Vallespir a-t-elle une liaison avec celle du Conflent ? Je n’ai rien trouvé à ce propos. Notons qu'outre les lieux déjà cités, ici à Campôme et au dessus d'Arles-sur-Tech, on trouve les ruines d'un autre Paracoll, sans "S" cette fois, non loin du lieu-dit Les Conques, au dessus de La Preste-les-Bains.
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A l’origine, la Soulsoure, Solsora (*) sur les cartes était le nom d’une modeste agouille (carte cadastrale) et celui d’une petite zone marécageuse située entre la cité de Saint-Hippolyte et l’étang de Salses-Leucate. L’agouille traversait le site et de ce fait, l’appellation était commune. L’agouille a été aménagée en canal et a pris le nom de son célèbre concepteur Pierre-Paul Riquet. C’est une vieille histoire dont l’origine date de 1686(**). Aujourd’hui la Soulsoure, c’est surtout le nom d’une bande littorale de 49 ha protégée par un plan de gestion dans lequel un grand nombre d’institutions et d’acteurs sont parties prenantes. Plus simplement, il s’agit d’une vaste zone humide ayant un intérêt écologique et environnemental primordial. Le circuit pédestre que je vous propose ici est bien connu des marcheurs, promeneurs et coureurs hippolytains mais si vous devez y aller aussi, sachez qu’il nécessite un respect capital du milieu dans lequel vous aurez à circuler. Eux le savent mais les visiteurs pas toujours. Si ça vous chante, vous pourrez l'allonger à votre guise car les chemins sont nombreux tant vers l’intérieur des terres que vers l’étang de Salses. Vers l’étang, vous pourrez l’agrandir en partant vers le nord-ouest et vers Salses en direction du hameau de Garrieux par exemple. Vers le nord-est, vous serez un peu plus limité à cause de la presqu’île de La Coudalère. Dans cette dernière direction, le terrain militaire dit de Saint-Laurent-de-la Salanque constituera une contrainte qu’il vous faudra impérativement contourner ou précéder (comme nous l’avons fait) pour revenir vers la ligne de départ. La deuxième contrainte est bien évidemment l’Etang de Salses lui-même mais ça je suppose que dès lors que vous aurez regardé le tracé sur la carte I.G.N, vous aurez compris qu’aller au-delà de cette limite, c’est la garantie d’une baignade certaine ! Si l’été, ça ne pose pas ou peu de problème, en janvier, l’idée même d’un simple bain de pieds peut être mal perçu. C’est pourtant ce que nous avons failli connaître au cours de cette balade. Oui, vous l’aurez compris, l’objectif principal de cette balade est de longer une belle partie de la bordure de cet étang et autant que possible de profiter de cet environnement insolite et sauvage. Flore et faune vous y attendent mais les deux sont fragiles. Nous, en raison du temps que nous voulions y consacrer, on s’est cantonné à une partie somme toute modeste mais suffisante pour avoir un très bel aperçu de ce que peut être cette Soulsoure. Il y a donc eu le plaisir de marcher avec comme horizon, un horizon changeant et parfois même une absence d’horizon car ici quand il est fait beau mais un peu brumeux, le ciel et l’eau se confondent assez souvent et seuls d’étroits rubans plus sombres encadrent ce paysage tout bleu. Ces rubans sont la terre, avec sur la gauche quelques collines du côté de Salses, les Corbières maritimes, et sur la droite, cette longue et fine langue que constitue la presqu’île lagunaire sableuse de Barcarès-Leucate. Plus près, c’est le blanc qui prédomine avec les barres d’immeubles et les marinas du Barcarès. Marcher est un agréable plaisir mais le faire en y insérant quelques découvertes, c’est bien mieux. Tel était notre deuxième objectif : découvrir ! En la matière, il y a bien sûr les décors, les paysages, l’occupation et l’activité humaine, plus globalement la vie du lieu, sa flore et sa faune mais je ne vais pas vous raconter d’histoires car je suppose que vous commencez à me connaître et parmi ces découvertes il y en a une qui justifie notre présence ici : l’avifaune ! En effet, cette zone comme la plupart de tous les étangs méditerranéens est un haut-lieu de l’ornithologie. Certains oiseaux ne font qu’y passer le temps de s’alimenter et de prendre un peu de repos, d’autres y sont sédentaires et enfin, il y a ceux qui y restent le temps de la reproduction. Venir ici sans pouvoir assouvir ma passion de la photo ornithologique en particulier et animalière en général aurait donc été un sacrilège ! Le départ de la balade s’effectue depuis Saint-Hippolyte. Nous trouvons une place où nous garer à proximité de la très imposante église Saint-Michel avec son superbe clocher et nous remontons le boulevard de la Marine, nous passons devant le tout autant imposant « castell » médiéval qui fait l’angle avec la rue Jeanne d’Arc. Marine, Jeanne d’Arc, j’en suis à me demander de quel bord politique est la commune ? Enfin, peu importe, aujourd’hui le seul front à retenir est le front de mer, enfin celui de l’étang et nous en sommes encore à chercher la cave vinicole qui est la vraie ligne de départ de cette boucle. Nous n’avons pas prévu de visiter le village, qui mérite sans doute un détour plus conséquent au regard de l’Histoire que j’ai pu en lire sur le Net. Voilà l’avenue Paul Riquet que nous recherchons. La cave est là. Nous poursuivons tout droit. Le canal est déjà là. Tout droit lui aussi. Droit comme un « I ». Nous le longeons sur sa berge gauche. Sur sa berge droite, de grands cyprès servent de miradors à une palanquée de grandes Aigrettes tandis que de nombreux étourneaux et tourterelles ont trouvé refuge sur les câbles électriques. Les moineaux semblent avoir une nette préférence pour les tamaris où ils se cachent. Des occasions presque inespérées d’engranger les premières photos ornithologiques. Si la présence des aigrettes s’explique par l’abondance de petits poissons dans le canal, des mulets apparemment, celle des autres volatiles reste plus mystérieuse. Nous poursuivons. Un gros ragondin fait sa toilette. Une première passerelle se présente mais nous en faisons l’impasse car mon bout de carte m’en indique une deuxième un peu plus loin. Les cyprès ont quasiment disparu et ont laissé la place à de grands peupliers blancs et à quelques pins. Les premiers sont effeuillés et quelques oiseaux ont élu domicile au plus haut de leur faîte. En raison des branchages faisant obstacle, ils sont impossibles à photographier. Les Grandes Aigrettes au bec jaune laissent la place à quelques aigrettes garzettes au bec noir et à une multitude de petits passereaux : serins, rouges-queues, gobe-mouches, verdiers, chardonnerets, bruants. Un grand bonheur pour moi de voir tous ces oiseaux alors que nous en sommes à peine à la partie que j’imaginais comme la moins intéressante du parcours. Je ne peux malheureusement pas les photographier tous convenablement. Voilà la deuxième passerelle. Elle fait office d’écluse. Cette fois, il faut traverser et longer la berge opposée. Les grands peupliers disparaissent et laissent la place à une plus grande variété arbustive avec des cannes, des peupliers plus modestes dans leur taille et quelques autres essences. Dans le canal, les roselières se font plus présentes. Elles servent de repères aux gallinules poules d’eau. Une étrange créature vient crever la surface, je la prends en photo mais très vite elle replonge dans les profondeurs du canal. Tortue ? Poisson carnassier ? Serpent ? Je ne saurais jamais ! La photo reste incertaine mais je parierais bien pour un poisson carnassier ou une grosse tortue d’eau. L’étang approche et avec lui, apparaissent les premiers cabanons et les premières barques de la Fount del Port. Très étonnant, ces quelques pieds de vignes au milieu même du canal. Quelle jolie manière de mettre de l’eau dans son vin ou l’inverse ! Une pancarte Natura 2000 présente et explique ce qu’est le « complexe lagunaire de Salses-Leucate » et rajoute qu’il est un « site européen majeur pour la conservation de la biodiversité ». Un grand cormoran dort sur un piquet planté à plusieurs mètres du rivage mais mon insistance à vouloir le photographier semble le réveiller. Il bat lourdement des ailes comme quelqu’un qui étire ses bras après un profond sommeil puis il s’envole en rasant la surface. Désormais, nous longeons le bord même de l’étang en marchant sur un épais tapis d’algues sèches mais fortement imbibées par les pluies des jours précédents. Nous pataugeons et de ce fait, nous sommes contraints de rallier le chemin principal. A regret car quelques échasses occupent les portions sableuses. Le chemin est encadré de ganivelles, ces palissades dont l’utilité est double : freiner les vents de sable et encadrer les déplacements humains. Mais là aussi, les orages de la veille ont créée quelques grandes flaques d'eau pas toujours facile à franchir. Seul privilège à cette entorse obligée, la découverte d’un vraie « barraca », maison traditionnelle du pêcheur construite avec les roseaux du coin et le bois flotté. On continue tant bien que mal jusqu'à atteindre une passerelle sur l’agouille Ventouse. Mais les choses se compliquent car des employés qui travaillent au débroussaillage nous indiquent que nous ne pourrons pas aller plus loin, les eaux de l’agouille ont débordé et ont envahi les chemins adjacents. Nous faisons demi-tour avec dans la tête la quasi certitude que la balade est déjà terminée. On retourne au bord de l’étang et continuons au plus près de l’eau en suivant un jeune homme qui promène son chien. Eux sont carrément dans l’eau ; le chien jusqu’au poitrail et l’homme jusqu’aux mollets, et nous sur la berge mais sans le vouloir, ils nous montrent un itinéraire que nous n’aurions jamais découvert. En effet, nous arrivons à l’embouchure de l’agouille Ventouse où un amoncellement de branchages, de roseaux et d’algues a créé un pont si épais et si solide que nous le chevauchons sans trop de crainte. En tous cas, nous réussissons à franchir l’agouille large de presque 3 mètres sans nous mouiller les pieds. On continue en alternant, les passages sur le rivage ou entre les ganivelles au gré de leur praticabilité. D’autres oiseaux apparaissent : passereaux des roseaux mais aussi des goélands, des mouettes rieuses et quelques autres limicoles. Un petit régal pour moi. La marche devient plus simple même si pour éviter une zone vraiment inondée, elle nous oblige à entrer dans une propriété privée sur quelques dizaines de mètres. Après cette courte infraction, nous voilà désormais sur une portion littorale bien plus praticable. Petits ou grands, les oiseaux de étangs se succèdent : hérons, chevaliers, passereaux. Nous passons devant une villa et quelques minutes plus tard débouchons sur une grande esplanade. Devant nous, le fameux terrain militaire, à droite une route asphaltée et à gauche un immense ponton en ciment donnant sur les flots. J'apprendrais plus tard que ce ponton construit en 1924 et mis en service en 1927 servit de base pour les hydravions du célèbre ingénieur Pierre-Georges Latécoère. Carte à l’appui, j’explique à Dany que l’heure est arrivée de faire un choix : soit prolonger la balade en continuant le littoral puis en faisant le tour du terrain militaire soit prendre la route qui part à droite et qui doit nous ramener à Saint-Hippolyte. Plus pragmatique que moi, elle me réponds que c’est surtout l’heure du déjeuner qui est déjà arrivée et elle file aussi sec vers l’extrémité du ponton, seule « aire de pique-nique » digne de ce nom à ses yeux. Assise au bord du ponton, les pieds ballants au dessus de l’eau, la voilà qui s’installe et se met à manger sa salade face à l’immensité de l’étang. Je fais de même sous le regard inquiet d’un grèbe huppé qui lui aussi est entrain de déjeuner. Enfin, lui en est tout juste à tenter de le pêcher par des apnées successives, longues et de plus en plus éloignées de nous. Avec beaucoup de difficulté, je tente bien évidemment de le photographier. Face à nous l’étang bleuté et au loin sur notre gauche, un Massif du Canigou excessivement enneigé qui vient de surgir des nuages comme un diable à ressort jaillit de sa boîte. Enfoui qu’il était sous de gros cumulonimbus, nous ne l’avions pas remarqué. Après ce frugal déjeuner, je continue à m’adonner au plaisir de la photo pendant que Dany en profite pour un peu de repos sous un soleil suffisamment tiède pour tomber dans une agréable torpeur. Ici, de nombreux passereaux occupent les salicornes, les soudes et autres plantes halophiles poussant à profusion. Quelle n’est pas ma surprise de découvrir pour la toute première fois le si joli « Gorge bleue à miroir ». Il est temps de repartir. Dany a opté pour la formule la plus courte c'est-à-dire celle qui ne fait pas le tour du terrain militaire. Nous prenons la route bitumée D.11h jusqu’à l’entrée du dit terrain. Bien évidement, le fait même de quitter le bord de l’étang rend cette balade moins captivante. Les oiseaux y sont moins nombreux. Seuls quelques étranges tags sur un transfo électrique abandonné, le tableau d’une Vierge Marie jeté dans des décombres qui n'ont rien à faire là et quelques chèvres jouant sur les palettes d’un capharnaüm retiennent l’attention de mon appareil photo. Voir les fossés transformés en dépotoirs et de jeunes cabris et leurs mères juchées sur des palettes et gambader au milieu de bouteilles de gaz me rend plutôt « furax ». Nous arrivons devant la grille du terrain militaire et il nous faut quitter l’asphalte. Ici, nous tournons à droite à hauteur d’une métairie au style résolument catalan, en pierres et « cayroux ». Un chemin y file derrière puis se poursuit de manière évidente tout en zigzaguant. Finalement l’itinéraire devient quasiment rectiligne. Si vous n’avez pas pris la précaution d’un tracé G.P.S, il vous faudra suivre le chemin le plus emprunté. Vous ne pouvez guère vous tromper car c’est à la fois celui qui dispose d’un maximum d’ornières et le plus bourbeux à la fois, les deux allant ensemble à cause de l’activité agricole permanente et des pluies des jours précédents sur un terrain argileux peu perméable. Il traverse des champs en friches, d’autres envahis d’immenses serres plus ou moins abandonnées mais surtout, il pénètre ce qui fait la richesse du pays salanquais, c'est-à-dire le maraîchage, les vergers, les vignobles et l’élevage équin ou ovin. Tout au bout, ce chemin débouche sur la départementale D.11, laquelle à droite retourne vers le centre de Saint-Hippolyte. Nous retrouvons notre voiture après 3h30 sur ce « Circuit de la Soulsoure ». La balade se termine après une dizaine de kilomètres parcourus, le « trackback », c'est-à-dire le tracé de mon G.P.S enregistré en marchant, m’annonçant 10,099 km, pour un dénivelé quasiment nul de 3 mètres maxi. J’ai photographié une bonne vingtaine d’oiseaux d’espèces bien différentes mais ce chiffre, il faudrait le multiplier par trois pour obtenir un recensement fidèle des oiseaux réellement aperçus au cours de la balade. Carte I.G. N 2548 OT Perpignan – Plages du Roussillon Top 25.
(*) La Solsora : En français le Soulsoure est le nom de la « Soude commune », en latin « Salsola soda », le mot « salsona » ayant pour origine le nominatif « salsus » signifiant « salé ». Il s’agit d’une plante halophyte et succulente dont on tire depuis des siècles le fameux carbonate de soude ou carbonate de sodium par combustion de ses cendres, élément essentiel dans la fabrication du verre et du savon.
(**) Le canal Paul Riquet de Saint-Hippolyte : En 1666, sous le règne de Louis XIV et grâce à un édit de Colbert, commencent les premiers travaux du « canal royal du Languedoc ». Sous la férule de Pierre-Paul Riquet, les travaux durent une quinzaine d’années et sont motivés par le souhait de faciliter le commerce, du blé notamment. En 1789, les révolutionnaires lui donnent le nom de « canal du Midi ». Bien plus tard, entre 1838 et 1858 et après le creusement définitif du « canal de la Garonne », l’ensemble devient le « canal des Deux-Mers ». Si l’idée de relier la Méditerranée à l’Atlantique date de l’antiquité mais a sans cesse été reprise au fil des différentes couronnes, on peut citer Auguste, Néron, Charlemagne, François 1er, Charles IX ou encore Henri IV, deux siècles auront presque été nécessaires pour parvenir réellement à concrétiser ce projet d’une voie navigable entre les deux mers. Entre ces deux dates, une multitude d’autres projets de canaux secondaires seront imaginées par divers ingénieurs au gré des intérêts commerciaux, des guerres à répétition, des signatures de traités, des périodes de paix, des nouveaux conflits, de nouveaux accords, etc, etc....Si certains verront le jour, l’insuffisance de finances et le désintérêt soudain pour un projet qui paraissait essentiel quelques années auparavant sont les principales causes de nombreux avortements. Il en est ainsi de ce qui devait être le canal du Roussillon dont Vauban était le promoteur. Quand on évoque Vauban, on pense inévitablement stratégie et systèmes de défense et bien évidemment l’idée de relier le Roussillon au canal royal du Languedoc par un autre canal est d’abord militaire. Nous sommes en 1686 et il faut se rappeler que le comté du Roussillon vient d’être annexé au royaume de France par le traité des Pyrénées de 1659, au même titre que d’autres régions pyrénéennes espagnoles comme le Vallespir, le Capcir, le Conflent et une partie du comté de la Cerdagne, pour ne citer que les plus proches de Saint-Hippolyte. Cette région essentiellement d’origine catalane est dans une période de grande instabilité et pour Vauban, les aspects sûreté et sécurité sont primordiaux. Il est important de réprimer le moindre antagonisme, la moindre opposition, de faire face à d’éventuelles représailles venant du royaume d’Espagne. C’est ainsi qu’en 1686 est creusé le canal de la Robine dont le prolongement après Port-la-Nouvelle doit rejoindre l’étang de La Palme puis celui de Salses-Leucate, lequel une fois traversé reliera Perpignan par un canal démarrant à proximité du village de Saint-Hippolyte. Les agouilles étant nombreuses dans le secteur, on peut supposer que les ingénieurs ont utilisé une petit cours d’eau voire une source existante débouchant au lieu-dit la Font del Port (la Fontaine ou la Source du Port en français) : la Solsora (*) sans doute. Il faut se souvenir que depuis toujours les salines étaient nombreuses à proximité de Saint-Hippolyte dont l’appellation Sant Hipolit de la Salanca, nous rappelle que les « salanques » c'est-à-dire les « Terres Salées » étaient habituelles dans ce secteur. Voilà donc le principal projet du canal dit du Roussillon tel qu’il est repris par l’ingénieur Antoine Niquet après la mort de Riquet en 1680 et même si d’autres ébauches (vers Rivesaltes et l’Agly, Canet et Port-Vendres, les Fenouillèdes et les Corbières) ont été un temps envisagées, la plupart restent soit trop peu rationnelles soit carrément utopiques. Les travaux de ce canal du Roussillon commencent un peu partout et le creusement du canal de Saint-Hippolyte débute en 1691 mais par absence de budgets et diverses autres raisons (risque de guerre devenu caduc avec l’Espagne, opposition des héritiers Riquet, désintérêts commerciaux dus aux progrès routiers et maritimes, etc…) la plupart de toutes ces entreprises ne seront jamais menées jusqu’à leur terme. Il faut noter que le canal de Saint-Hippolyte prendra le nom de Riquet alors que ce dernier est déjà mort depuis 1680 quand commencent les travaux en 1691. On peut donc supposer qu’il s’agit d’un hommage, d’un souhait ou d’une exigence des héritiers car il a été le premier à coucher sur le papier, l’idée même d’un canal reliant l’étang à la commune. Après deux ans de creusement, le projet est abandonné mais la liaison entre le village à l’étang est terminée. Ce tronçon de canal n’aura jamais l’usage initial qui était militaire ni commercial mais, puisqu’il court jusqu’à l’étang, il va permettre d’assainir l’intérieur des terres en proies aux marécages et aux inondations régulières diminuant ainsi les nombreux risques liés aux maladies infectieuses qui en découlent depuis toujours, tant pour l’homme que pour la faune. En effet, avec le canal et les autres agouilles Capdal, Ventouse, du Trial et leurs réseaux, les eaux de sources et de pluies peuvent désormais être drainées vers l’étang. L’Etat français cédera le canal à la commune qui diminuera sa taille, aménagera ses berges et sera chargée de son entretien et de sa protection. Voilà un condensé des différentes lectures que j’ai pu faire sur le sujet mais si vous voulez l’approfondir, je vous conseille la lecture du livre de Gilbert Larguier « Découvrir l’Histoire du Roussillon XIIe-XXe siècle » parue aux Presses Universitaires de Perpignan en 2010, on y évoque beaucoup le Canal du Roussillon et un peu ce tronçon hippolytain.
Après avoir gravi le pic mythique sous un soleil torride, je n’ai pas voulu quitter le Massif du Canigou sans une balade bien plus facile et pleine de fraîcheur. En été, s’il existe une balade très raffraichissante, c’est bien celle des Gorges du Cady. Ce type de balade qui consiste à suivre un cours d’eau, ici un torrent de montagne en l’occurrence, est d’autant plus agréable pour moi que dès lors que j’ai chaud et que j’aperçois la moindre flaque, je ne peux m’empêcher d’y tremper les pieds quand ce n’est pas d’y plonger la tête ou mon corps tout entier. Or, ici, les flaques se présentent le plus souvent sous la forme de jolies petites vasques ou de profondes marmites aux eaux cristallines. Et comme si ça ne suffisait pas à mon bonheur, ces cuvettes sont parfois agrémentées de petits toboggans où la baignade se transforme très vite en du canyoning en miniature. Seul inconvénient, l’eau est parfois si fraîche, pour ne pas dire froide, que Dany, qui s’est risquée à tremper un orteil, me regarde avec des yeux écarquillés de stupéfaction ou peut être anéantis, je ne sais pas, se disant sans doute que je suis un « grand malade ». Mais que voulez-vous, j’ai toujours adoré me baigner dans de l’eau très fraîche, et parfois, de surcroît dans des lieux plutôt « insolites » pour ne pas dire inhospitaliers voire hostiles. Ce « drôle » de penchant, je l’ai acquis depuis ma plus tendre enfance car depuis toujours, j’ai pris pour habitude de me baigner dans les eaux turquoises des calanques marseillaises où mes parents possédaient un petit cabanon, à Sormiou plus exactement. Or, les calanques sont bien connues pour leurs courants marins capricieux, leurs nombreuses résurgences de rivières sous-marines et leurs eaux si glaciales dès qu’un brin de mistral se met à souffler. Alors bien évidemment, si le but de cette balade aux Gorges du Cady est de marcher pour rejoindre une belle cascade, pour moi, ce n’est mon dessein essentiel. Non, mon objectif premier, outre la randonnée, est de lui adjoindre un agréable moment de pique-nique dans un coin tranquille, rafraîchissant et où la baignade est autorisée de préférence. En tous cas, ici au départ de la balade, la seule interdiction par arrêté préfectoral que j’ai notée, c’est celle de descendre les gorges en canyoning. Le départ s’effectue peu après Casteil, en direction du col de Jou sur la piste forestière dite de Mariailles, encore bitumée sur ce secteur. Un petit parking est là, tout près d’une station de pompage et de traitement de l’eau. Cette station, c’est celle du SIVOM du Roc des Ermites dont la tâche est de capter l’eau du Cady pour l’assainir puis la transformer en une eau propice à la consommation. Le sentier démarre en passant entre les bâtiments et rejoint quelques mètres plus hauts, un chemin plus large. Un panonceau de randonnée fournit les premières indications : sur la droite, la Cascade du Cady donnée pour un aller-retour de 4h et sur la gauche l’abbaye de Saint-Martin-du-Canigou à 1h. L’itinéraire balisé en jaune est donc tout simple. Attention, simple ne veut pas dire facile et c’est d’ailleurs tout le contraire. Il faut garder à l’esprit que l’on va cheminer le cours d’un torrent de montagne, lequel torrent pour se frayer un chemin dans cette forteresse minérale constituée de larges rocs et de hautes falaises a du tout fracasser sur son passage. C’est ainsi que la Cady a créé un dédale de ravins et de gorges profondes où les pierriers sont évidemment très présents. Le parcours pour rejoindre les cascades n’est donc jamais facile même si pour le bonheur des randonneurs et des pêcheurs, de multiples passerelles ont été édifiées pour en faciliter le cheminement et les passages successifs d’une rive à l’autre A cette difficulté du terrain vient s’ajouter une végétation incroyablement belle et dense qui trouve dans ces gorges toute l’hygrométrie nécessaire à son épanouissement. Le nombre d’essences différentes est assez phénoménal. Le règne animal pas toujours visible au premier coup d’œil n’est pas en reste et trouve dans ce biotope, un habitat adapté. Personnellement étant très attentif à cet aspect faunique de la balade, j’y ai découvert et photographié parfois avec surprise des espèces aussi disparates que des passereaux, des papillons, des criquets, un lézard vert et un autre des murailles, une salamandre tachetée et enfin de manière encore plus étonnante, une chauve-souris aux immenses oreilles qu’on appelle « oreillard », sans doute dérangée par quelques fans de la grimpe. Un autre jeu plus paisible que la grimpe consiste à déceler dans les pans des différentes falaises que l’on aperçoit, des formes, des animaux voire des visages plus ou moins humains ou monstrueux. J’en ai découvert quelques uns mais sans doute ai-je une imagination bien trop fertile ? C’est donc, je suppose, pour toutes ces raisons que les Gorges de Cady constituent une balade estivale plutôt prisée. En été, les randonneurs sont parfois très nombreux à circuler et si les lieux de baignade y sont également pléthores, les bons emplacements sont quelquefois difficiles à trouver à l’heure du déjeuner. Il faut donc partir suffisamment tôt, de telle manière à arriver à la cascade avant l’heure du pique-nique et consacrer le retour à la recherche d’un coin idéal. A tout cela, il faut ajouter et se souvenir que très nombreux varappeurs, du simple débutant au plus expérimenté, affectionnent les Gorges du Cady et que les zones et les voies d’escalade sont presque aussi nombreuses que les falaises que vous aurez à côtoyer. Ces secteurs et voies de grimpe ont des noms parfois assez insolites comme le Pilier St Martin, le Gendarme, Roca Alta, l’Olive, le Pin des Pisses, Caca Boum, Casse Dalle, j’en passe et des meilleurs. J’avoue que les grimpeurs ont parfois bien plus d’imagination et d’humour que peuvent en avoir les randonneurs. Enfin compte tenu de toutes ces précautions à prendre, Dany et moi avons entamé un départ vers 10h15 pour une arrivée à la cascade un peu avant 12h, le tout en ayant plutôt flânés et marqués quelques brèves pauses. Le temps de quelques photos souvenirs à la cascade et à 12 h tapantes, le coin parfait était déjà trouvé. A partir de là, nous avons pris tout notre temps, à la fois pour déjeuner, moi pour me baigner et ensuite pour amorcer le retour. A 15h, la balade était terminée et nous avions déjà passé une très belle et tonique journée. Aller et retour, la balade est longue de 5,5 km environ pour un dénivelé de 260 mètres, la cascade de Cady étant située à 1.084 m d’altitude et le parking du départ à 824 mètres. Bonnes chaussures de randonnée à tiges hautes sont à conseiller. Enfin et pour la petite histoire, ce jour là, j’ai fait sans doute ma B.A car la salamandre était un peu perdue au milieu des graviers de la dernière partie du chemin, juste avec la station de pompage, et ça a été un vrai miracle qu’elle ne soit pas piétinée par plusieurs randonneurs. Sachant que sa peau secrète un mucus empoisonné, dont au Moyen-âge on pensait qu’il était transmissible à l’homme, le transformant ainsi en sorcier, j’ai néanmoins pris le risque de la prendre dans ma main pour aller la déposer sur l’herbe fraîche en bordure de la rivière. Un endroit bien plus tranquille et humide correspondant bien mieux à son habitat. Si un jour ça vous arrive, n’ayez aucune crainte mais surtout ne portez pas vos mains à la bouche ou ne vous frottez pas les yeux et bien évidemment, lavez-vous bien les mains après l’avoir touchée. Carte I.G.N 2349 ET Massif du Canigou Top 25.
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