• Le Trau del Cavall (Falaises et Contrebandiers) (540 m) depuis Vingrau


    Cette chanson est agrémentée de 5 chansons du regretté Michel Berger. Elles ont pour titre : "Le Paradis Blanc", "Quelques Mots d'Amour", "Message Personnel""Chanter Pour Ceux Qui Sont Loin de Chez Eux" et "Pour Me Comprendre".

    Le Trau del Cavall (Falaises et Contrebandiers) (540 m)  depuis Vingrau

    TRAUCAVALLIGN
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    Une fois encore, c’est vers les Corbières et plus exactement vers Vingrau et sa Serre que j’avais jeté mon dévolu en cette belle journée de printemps. Outre le plaisir de faire un peu d’exercice et d’aller m’oxygéner, mon but était comme souvent guidé par mon désir de découvrir la flore et éventuellement la faune de cette belle contrée. Ma curiosité fut amplement satisfaite puisque c’est presque une centaine de végétaux (fleurs, plantes, arbres et arbustes) et de nombreux animaux que j’ai pu photographier ce jour-là. En flânant bien plus encore, j’aurais pu très facilement doubler ces chiffres qui sans doute peuvent paraître ridicules quand on sait que c’est plus de 1.000 espèces végétales et plus de 300 espèces d’oiseaux que l’on a recensées uniquement dans cette chaîne montagneuse. D’un autre côté et en y réfléchissant, ces chiffres sont très substantiels si l’on tient compte que ces photos sont prises au cours d’une seule saison et d’une longue marche d’une seule journée, sur un sentier unique, connu et ouvert à chacun, qu’il n’y a pas de volonté de ma part de me cacher pour surprendre un quelconque animal, qu’il n’y a pas de volonté d’aller à la recherche ou à la rencontre d’espèces particulières comme le feraient de vrais professionnels de la photo ou de la nature et qu’enfin mon petit appareil numérique aussi performant soit-il n’est pas vraiment adapté à la prise de vues d’animaux surtout quand ces derniers sont en mouvement. Seul le hasard enfante mes photos faunistiques ou floristiques qu’on se le dise. A Vingrau, sur les panonceaux indicatifs, cette randonnée que je vous décris ci-dessous, est intitulée « Falaises et Contrebandiers ». Si le mot « falaises » s’expliquent très facilement puisque cette balade emprunte pour une grande partie la longue colline de la Serre de Vingrau, bien connue des fans de la grimpe, j’avoue que j’ai éprouvé un peu plus de difficultés à comprendre pourquoi on y avait adjoint le terme de « contrebandiers ». Il y a bien dans ces falaises, une grotte des Contrebandiers mais comme la dernière carte IGN l’ignore totalement en ne précisant pas sa position, elle n’apporte rien de concret quant aux raisons historiques à cette dénomination. Sans doute fallait-il remonter au temps où Vingrau était situé sur la frontière entre les royaumes de France et d’Aragon que le Traité de Corbeil de 1258 avait officialisé ? J’avoue que sur Internet, je n’ai pas trouvé grand-chose sur le sujet si ce n’est qu’au temps du Royaume d’Aragon des droits de passage à la frontière étaient prélevés sur de nombreuses denrées. Comme toujours, ce sont ces droits qui ont engendrés la contrebande mais il n’est pas certain qu’avec le Traité des Pyrénées de 1659 et la disparition de la frontière, le commerce illicite et les contrebandiers aient disparus avec elle. Alors ces contrebandiers qui étaient-ils ? Quels trafics y faisaient-ils ? Grâce à leur esprit de conquête et à l’expansion toujours plus grande de leur royaume, les Rois d’Aragon ont développé un important négoce maritime en Méditerranée et bien plus  loin encore sur la bordure atlantique et jusqu’en Afrique. On ne doit pas oublier que ces monarques ont été aussi les Rois de Majorque et qu’ils régnaient sur une bonne partie de la « grande bleue ». On peut donc imaginer que pour les fraudeurs, tous les produits de ce commerce étaient bons à passer sans avoir à payer les taxes exigibles : matières premières, tissus, denrées alimentaires, vins, armes, semences, etc.…. On peut supposer aussi qu’avec la proximité des salins méditerranéens, le trafic du sel y ait joué un rôle fondamental surtout quand la gabelle fut instaurée. Or si mes recherches Internet ne m’ont pas permis d’en apprendre bien plus de cette contrebande et m’ont laissé quelque peu sur ma faim, elles m’ont presque systématiquement ramené vers un lieu qui semblait emblématique de ce territoire des Corbières : le Trau del Cavall. Il semble qu’au sein de cette frontière matérialisée ici par la Serre, très éloignée des axes de communication habituels, ce « Trou du Cheval » ait été un passage idéal à la fois pour y pratiquer la contrebande mais également pour surprendre l’adversaire lors des nombreux conflits entre les deux royaumes. Or, ces rivalités n’ont jamais cessé à partir du moment où le Roussillon fut annexé et devint aragonais. A titre d’exemple, ce collet sépare quelques forteresses très proches des deux camps : AguilarQuéribus et Peyrepertuse côté français et Salveterra (Opoul), Tautavel et Salses côté aragonais. Autant d'endroits où les rivalités furent constantes mais où désormais il fait bon de randonner. Le village de Vingrau lui-même bascula à différentes reprises dans un camp puis dans l’autre.  Enfin on peut noter que sur les cartes cadastrales, certains ont transformé ce « Trou du Cheval » en « Pas du Cheval »  peut-être selon l’idée, que le « Trau » ne serait pas un « trou » mais un « trot ». Une fois tous ces éléments en mains, il m’a paru évident que ce « Trau del Cavall » était bien l’objectif incontestable de cette randonnée et il m’a donc semblé logique d’y attribuer le nom de mon article. C’était d’autant plus cohérent que cette trouée naturelle représente presque exactement le point géographique médian de cette longue balade. Bien sûr, reste à expliquer pourquoi ce lieu s’appelle ainsi et le folklore régional laisse circuler l’histoire de ce commerçant ambulant qui, de village en village, venait projeter des films cinématographiques aux populations.  Un soir, entre Vingrau et Périllos, surpris par un terrible orage, il ne trouve rien de mieux que de s’abriter dans une grotte pour protéger sa monture et tout son matériel et c’est, dit-on, ce conte populaire qui aurait donné le nom à ce lieu. Au delà du fait que l’on peut se demander pourquoi cette trouée s’est soudainement transformée en caverne, on peut aussi se poser la question de savoir pourquoi ce projectionniste itinérant empruntait ce passage très difficile plutôt qu’une voie plus praticable qui existait déjà au temps du cinéma, fusse-t-il muet. Mais toutes ces questions sont inutiles et on peut d’emblée éliminer ce récit traditionnel pour expliquer la dénomination de ce lieu. En effet, le « Trau del Cavall »  figure sur les cartes Cassini dont tous les levés sur le terrain ont été réalisés au 18eme siècle. Cette appellation est donc automatiquement et au moins antérieure à l’arrivée du cinéma de plus d’un siècle. Non, la réalité est sans doute beaucoup simple et cette trouée a été appelée ainsi car elle était, dans cette longue colline, le seul passage accessible aux cavaliers de tous bords.  Alors, oublions un peu l’Histoire de cette belle contrée et profitons d’une merveilleuse journée ensoleillée pour partir à sa découverte. Nous quittons Vingrau par la D.12 en suivant le balisage jaune propre au P.R, direction le Bac del Trau (tiens encore un trou !), c'est-à-dire Tuchan. Très rapidement, un panonceau nous demande de quitter le bitume au profit d’un étroit sentier qui entre et grimpe dans la garrigue. Cette petite ascension laisse d’ores et déjà entrevoir de très belles vues sur Vingrau et sur le relief particulièrement découpé de la blanche et oblongue Serre qui se détache dans un ciel incroyablement pur mais que la chaleur matinale rend déjà laiteux. Ici, dans ce maquis plutôt bas et rabougri, or mis quelques pins clairsemés, rien ne laisse présager que l’on évolue dans la forêt domaniale du Bas-Agly. D’ailleurs cette végétation typiquement méditerranéenne, ce qui ne signifie pas inintéressante loin s’en faut, on ne va plus la quitter de la journée. Si la déclivité s’élève dès le départ, la suite du parcours jusqu’au pied de la Serre va s’aplanir et même être constante dans des altitudes très modestes oscillant entre 270 et 310 mètres. Cette longue partie est donc sans aucune difficulté si ce n’est sa longueur d’une dizaine de kilomètres jusqu’au « Trau del Cavall ». Elle risque donc de vous paraître assommante mais si vous prêtez attention à la flore et à la nature en général, vous observerez qu’elle est assez remarquable et colorée mais également constamment changeante selon que l’on alterne les passages en maquis, au fond d’une ravine (Ravin du Correc des Conques), dans des sous-bois parfois très différents ou bien que se succèdent vignes, murs de pierres sèches, anciens champs en jachère ou ruines de vieux cortals oubliés. Ici, sans exception, toutes les plantes et les fleurs de notre garrigue méditerranéenne sont présentes mais il en ait une très étonnante et qui étrangement foisonne par endroit, c’est la Férule commune. Il s’agit d’une ombellifère ressemblant quelque peu au fenouil mais avec les particularités d’avoir une tige énorme et creuse, de mesurer parfois plus de deux mètres de haut et surtout ne n’avoir aucune senteur d’anis. Attention toutefois à ne pas la confondre car sa consommation est, contrairement à celle de son cousin le fenouil, éminemment toxique à cause de son « latex ». Quand à la faune, elle est, en cette magnifique journée printanière, omniprésente pour peu qu’on daigne y prêter attention et l’observer silencieusement : lézards, passereaux, rapaces, papillons et insectes butineurs ou sauteurs sont les principaux locataires diurnes de cet habitat extrêmement sauvage. Plus on approche du « Trau del Cavall » et plus on rencontre de vestiges dont les cartes nous octroient des patronymes aux origines parfois disparates : Borde de Rotllan (Rolland), Jasse de Didot, Cortal d’en Domenge, Cortal Miquel et Mas Llenço (Llansou). Si on élargit le champ de nos investigations cartographiques, ces disparités s’accentuent : Cassanova, Fontanell, Parès, Parros, Résungles, Molto, Sarda, Duran, etc.… Au fil des siècles, on voit bien que les différents conquérants de ce territoire ont inévitablement laissé bien plus que des empreintes de leurs passages.  C’est en arrivant au mas Llenço, envahi par la végétation et aux murs copieusement couverts de lierres, que débute la véritable ascension de la Serre. Bien balisé en jaune mais superbement bordé de bleus par les innombrables aphyllanthes de Montpellier, l’étroit sentier caillouteux s’élève progressivement mais plutôt gentiment en direction d’une brèche rocheuse bien visible. Notre cible du jour, le « Trau del Cavall » est là, au bout de ce chemin. Sur la droite, de vieux murets de pierres sèches et des orris laissent imaginer une vie pastorale passée assez intense. Est-ce une peu de lassitude ou est-ce la forte canicule mais parfois on croit voir brouter quelques moutons au milieu des broussailles ? Non, les troupeaux d’ovins ont vraiment disparu depuis longtemps et il s’agit de quelques roches blanches qui ont dévalé les flancs de la falaise pour s’immobiliser dans les cistes, les chênes kermès et les romarins.  Une fois atteint le « Trau del Cavall », on s’attend à ce que le regard bascule sur un monde bien différent. Non, la réalité est nettement plus fade et aussi bien devant que derrière, les paysages sont quasiment semblables. Ils sont essentiellement constitués d’immensités de garrigues et de calcaires se terminant par de élévations plus ou moins hautes. Seuls quelques vignobles bien alignés, quelques champs verdoyants et quelques blancs et lointains hameaux donnent une touche d’humanité à ce patchwork sauvage, imprécis et confus. Au loin, vers l’est, c'est-à-dire vers Opoul se dresse le plateau reconnaissable de Salvaterra, vaste nid d’aigles où les ruines crénelées de l’ancienne forteresse sont encore parfaitement visibles. Vers le nord, la longue échine cabossée de la Serre se poursuit puis, tout en zigzaguant, elle semble se perdre dans un océan de collines plus ou moins lointaines et plus ou moins hautes. Quelques sommets reconnaissables se détachent : le Puig del Ginebre, la Serra de la Gran Cremada et le Montolier de Perellos. Vers l’ouest, c’est la Montagne de Tauch qui emplit l’horizon. Le sud, lui, tout proche attend qu’on grimpe sur ses bosses, semblables à de blanches « montagnes russes » mais le soleil désormais à son zénith ne l’entend pas de la même oreille et accable les plus vaillants. On bascule dans la trouée puis sur quelques mètres, on descend sur l’autre versant de la Serre. Le sentier se perd dans la rocaille et si le balisage jaune ou les cairns n’étaient pas bien présents, à coup sûr on s’y égarerait. L’itinéraire remonte rudement.  Ici, pendant quelques temps et pour progresser, les mains deviennent aussi précieuses que les pieds et quand le sentier se stabilise enfin, on en ait déjà à chevaucher la crête sommitale avec de beaux panoramas des deux côtés. La tiédeur laiteuse du matin a laissé la place à une brume blanchâtre plus opaque qui empêche toute vision très lointaine. La Méditerranée et la plaine du Roussillon restent invisibles. Moi, dans cette ascension déjà compliquée, le photographe botaniste amateur que je suis, est encore plus embarrassé que le commun des randonneurs car comment avancer convenablement, appareil photo en mains, dans ce dédale minéral où d’incroyables fleurs sont venues se loger dans la moindre fente et le moindre interstice de la roche. Comment avancer quant on ne sait plus où donner de la tête tant la flore y ait insolite, merveilleuse et à la fois prolifique et parfois rarissime ? Œillets des rochers, œillets piquants de toutes sortes, géraniums, centranthe, ornithogale, iris et campanules des Corbières et bien d’autres fleurs embellissent le parcours.  Quelques passereaux et rapaces jouent aux voltigeurs en bordure des falaises. Leurs piaillements nous interpellent. Les papillons et les sauterelles semblent nous accompagner dans cette aventure printanière. Quelque soit l’univers que l’on chemine : crêtes calcaires, éboulis caillouteux, plates-formes herbeuses, pinèdes, affleurements de lapiaz, vallon (Correc des Collets) encadrant de hautes falaises, on y découvre une flore et une faune exceptionnelle et ce, jusqu’à l’arrivée à Vingrau. En chemin, on découvre le refuge non gardé Yves Bernard offrant la possibilité d’un abri solide aux randonneurs au long cours ou en cas d’intempéries. Nous profiterons de son ombrage rafraîchissant pour y faire une simple halte goûter avant d’en terminer par le Planal de l’Eixartell laissant entrevoir de superbes vues aériennes sur le vallon de Cassanova, ses vignobles et ses jasses et enfin sur le superbe village de Vingrau. Nous sommes restés environ huit heures sur ce parcours, arrêts compris, mais il ne faut pas trop se fier à cette durée-là tant nous aimons flâner et perdre notre temps à tout observer dans ce type d’univers à la fois sauvage, hostile mais superbe. Alors il est sans doute plus simple que je vous dise que cette balade est longue de 18 à 19 kilomètres environ, que l’altitude la plus basse est à 140 mètres peu après le départ de Vingrau, que le point culminant est à 540 mètresau sein même de la Serre et que les montées cumulées se chiffrent approximativement à plus de 650 mètres. Au fait, savez-vous que Vingrau a pour origine l’expression latine « viginti gradi » signifiant les « vingt grades » mais qu’il faut traduire plus simplement en « vingt marches » ? En effet, le chemin principal menant au village passe par un col que l'on appelle "le Pas de l’Escala". Or, à l’époque romaine,  ce « Pas de l’Echelle » était constitué d'un voie pavée dans laquelle vingt marches avaient été sculptées dans un passage difficile de la falaise. Peu à peu, le nom s'est transformé en "Pas de Vingrad", "Pas de vingt graus", puis enfin "Vingrau". (Source : https://www.les-pyrenees-orientales.com/Villages/Vingrau.php) Bon, il n’était pas si fous que ça ces romains et en tous cas bien moins que moi car ma balade, je peux vous le certifier, elle comporte bien plus que vingt marches !!! Allez-y et vous verrez par vous-mêmes. Carte IGN 2547 OT Durban – Corbières – Leucate- Plages du Roussillon Top 25.

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  • Commentaires

    3
    lison
    Mardi 31 Janvier 2017 à 00:26

    et le diaporama est très documenté  : on y est et on chemine avec vous 

    2
    lison
    Mardi 31 Janvier 2017 à 00:06

    en cherchant le chemin des contrebandiers de la côte vermeille, je tombe sur votre blog( décidément nos routes se rencontrent en lettres pas en randos) et je me régale : j'y suis , je le vis, je le vois, je cavale, grimpe et me remplis les yeux, c'est magique. Tourt simplement bravo. Et comme j'avais envie de parcourir un jour cette Serre, et bien mes envies sont confortées. Amédine/lison

    1
    Paprika
    Mercredi 2 Novembre 2016 à 15:45

    Bonjour, intéressant votre article...

    Je vais bientôt faire cette randonnée et me demandais si elle était accessible pour un chien agile? (le descriptif, notamment le passage escarpé dans la falaise me fait me questionner)

    Vous faites vos randonnées avec un chien?

    Edith

     

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