Il y a quelques jours, je suis allé à la plage. Si j’en parle, c’est parce que c’est assez inhabituel chez moi. Si j’adore l’eau et me baigner, rester assis ou allongé sur le sable m’ennuie profondément. Surtout, si je n’ai pas un bon bouquin à lire. C’était le cas. J’avais oublié ma liseuse. Ma Kindle pour les « amazoniens ». Alors quand c’est comme ça, j’observe tout ce qui se passe autour de moi. Surtout les gens. Je scrute ce qu’ils font, comment ils se comportent, comment ils sont. J’émets des critiques ; jamais bien méchantes ; des compliments aussi, plus rarement. Là, je m’ennuyai à mourir. Il faut dire que la plage était quasi déserte. Il y avait un petit air ambiant de fin des vacances. De fin de l’été. Il y avait peu de monde et c’est d’ailleurs pour ça que j’étais là. Pour la tranquillité. J’étais servi. Puis, tout à coup, derrière la jetée qui se trouvait sur ma droite, j’ai commencé à apercevoir quelques voiles. Elles sortaient du port. Des « Optimists ». Je le suis redevenu. Pas de doute, c’était une régate. Il y avait surtout des voiles blanches, mais certains petits bateaux dévoilaient bien d’autres couleurs : bleues, rouges, oranges, jaunes, roses, vertes. C’était joli. Les voiliers avançaient très doucement car il n’y avait pas de vent. La mer était très calme. Sans une ride. Un miroir d’un bleu lapis-lazuli contrastait parfaitement avec le ciel d’un bleu nettement plus clair car très légèrement voilé. Oui, c’était très beau. J’observais avec attention les régatiers qui se démenaient d’un bord à l’autre pour tenter de trouver le moindre souffle d’air. La moindre brise. Il n’y en avait pas, et les voiles avançaient comme des escargots connaissant et mettant en pratique la chanson « A la queuleuleu ». Malgré ma totale incompétence à manœuvrer une voile, j’essayais de distinguer parmi les premiers, quel était le skipper le plus énergique, le plus apte à faire avancer son voilier. Ça m’occupait, mais finalement ils se ressemblaient tous. Je me disais qu’ils avaient eu probablement une formation équivalente et que ça se ressentait, surtout sans aucun vent. Les voiliers continuaient d’avancer tout doucement, mais progressivement ils s’éloignaient tout de même de la plage. Désormais, les voiles ressemblaient à ces petits fanions multicolores attachés à des cordelettes que l’on aperçoit au-dessus des rues ou sur des places lors de fêtes communales. Trouvant cela toujours très attrayant, je me disais que ce spectacle finirait par se terminer très loin. Trop loin. J’en étais déjà à penser que mon ennuyeuse oisiveté allait revenir, quand tout à coup, une grande et belle jeune femme arriva et s’installa à 4 mètres de moi. Elle était habillée étrangement pour quelqu’un qui vient sur une plage. De la tête au pied. C’était une combinaison d’un seul tenant, d’une couleur beige clair très près du corp et échancrée dans le dos. Elle cachait ses cheveux sous un bonnet de bain de la même couleur. Un voile. Pas de doute, elle était musulmane. Elle en avait le type. Et la tenue était sans doute un « burkini », même si dans l’immédiat, je n’en étais pas sûr. Elle déposa ses affaires, se déchaussa et resta assez longuement debout à regarder la mer me tournant le dos. Puis, elle se tourna vers moi quelques secondes et nos regards se croisèrent. Sans plus. Néanmoins, j’eus largement le temps de voir son magnifique visage. Il était presque parfait, si ce n’est les cheveux et les oreilles manquant à mon observation. Sa peau était dorée. Son nez était droit et irréprochable. Idem pour sa bouche, assez longue, mais bien faite car bien proportionnée à son visage avec des lèvres légèrement charnues mais pas trop. Mais c’était surtout ses yeux qui me scotchaient. Ils étaient de biche. Je crois que c’est l’expression qu’on leur donne en pareil cas. J’étais trop loin pour en juger mais ils étaient sans doute très marrons, presque noirs, puissants au niveau du regard, car contrastant avec des sclères d’une incroyable blancheur. Oui, elle était très belle et je me disais « quel dommage » qu’elle cache ses cheveux pour un soi-disant prétexte d’une féminité qu’elle ne voudrait pas dévoilée. Malgré le voile, ses attraits et attributs féminins ne faisaient aucun doute. « Oui quel dommage ! » Puis telle qu’elle était arrivée, elle partit se baigner. C’était donc bien un burkini. Je continuais de l’observer. Sa démarche souple et élégante s’accordait avec sa belle stature. Elle entra dans l’eau sur la pointe des pieds, avançant très lentement en raison du peu d’eau à cet endroit et des petits galets qui font mal à la plante des pieds. Puis, elle continua de s’éloigner et finalement s’allongea totalement dans l’eau. Immobile et de dos, sa tête voilée ressemblait désormais à une simple bouée ronde. Pendant un instant, elle passa devant les « Optimists » et sa tête disparut se confondant avec les coques des minuscules voiliers. Elle nageait sans doute. Mon regard se détourna quand un marchand de glaces et de beignets arriva avec son chariot. Il le traînait comme une âme en peine car personne ne semblait vouloir lui acheter quoi que ce soit. Me levant, je suis parti lui acheter un cornet de glace. A l’instant même où je remis mes fesses sur la serviette, la jeune femme sortait du bain. Elle marchait droit vers moi et sa merveilleuse silhouette se découpait sur le bleu foncé de la mer. Quel spectacle ! Son burkini lui collait terriblement à la peau, dévoilant l’ensemble de ses superbes formes. Elle était merveilleusement proportionnée, avec des seins tout ronds, bien droits, ni trop gros ni trop petits. Un ventre ravissant, à peine rebondi, où son nombril apparaissait comme il se doit, tel un minuscule creux naturel plutôt joli. En dessous, le mont de Vénus se révélait renflé au-dessus d’un entrecuisse moulé à la perfection, car ses jambes étaient longues et bien galbées, cuisses et mollets bien harmonieux. C’était un beau tableau ! Tels quels, ventre et entrejambe n’auraient sans doute pas déplu à Gustave Courbet, car il aurait pu imaginer son « Origine du monde » avec cette jeune femme-là comme un excellent modèle. Encore qu’à l’époque, les canons de beauté n’étaient pas les mêmes que de nos jours. J’avais la certitude qu’elle était bien mieux que le modèle à Courbet, en tous cas plus mince. Quand elle se retourna un instant, je pus constater que son anatomie dorsale était tout aussi fantastique. Son épine dorsale était joliment cambrée ; piquante si j’ose l’expression pour une épine ; avec des fesses superbement rebondies. Elle porta un regard sur moi mais j’ai tourné la tête, ne voulant pas la mettre mal à l’aise. Mais en réalité, elle ne semblait pas l’être du tout. Elle semblait indifférente à ce qui se passait autour d’elle. Paraissait-elle sûre de sa beauté ou était-ce une simple impression que j’avais ? Elle resta longuement debout, sans doute pour sécher au mieux son vêtement. De temps à autre, elle tirait un peu sur certaines parties du tissu qui lui collaient trop à la peau. En vain, le plus souvent. Je continuais à l’observer comme une belle œuvre d’art me répétant « quel dommage qu’elle estime nécessaire de se voiler ! ». Tout en la regardant et ayant déjà examiné l’ensemble de ses formes si parfaites, je me disais « pourquoi ce besoin d’essayer de se cacher sous un vêtement aussi intégral en étant si belle ? ». Alors que j’avais toujours été contre les vêtements « musulmans », éclipsant beaucoup trop les femmes et leur beauté ; quand c’était le cas ; je m’interrogeais sur celui-ci qui ne cachait rien de plus qu’un simple bikini. Moins peut-être. Au contraire même dans ce cas précis, où l’imagination et donc des fantasmes pouvaient jouer à plein. Ils étaient inévitablement le seul chemin qu’un homme pouvait prendre. Je le prenais. « L’athée que j’étais, était-il soudain et pour autant devenu un vicieux mécréant ? » Probablement qu’en cette circonstance, l’aurais-je été aux yeux de sa religion et encore plus à celui de son proche entourage masculin. Mais finalement, j’étais satisfait de voir qu’une musulmane était capable, sans crainte, d’exposer sa beauté comme n’importe qu’elle autre femme occidentale. Je pensais à ça et à la place de la femme dans l’islam dont j’avais lu quelques articles dans des magazines ou sur le Net. Je me souvenais de quelques sourates du Coran que j’avais lu démontrant une inégalité vraisemblable, pour ne pas dire évidente, avec les hommes. En rédigeant cette nouvelle, j’en ai retrouvé deux que j’avais lues sur le site suivant :
https://misericordedivine.fr/lislam-et-le-statut-de-la-femme/ :
« Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-ci au-dessus de celles-là » ou encore « Admonestez celles dont vous craignez l’infidélité ; reléguez-les dans des chambres à part et frappez-les » (4, 34). Partageait-elle le contenu de ces versets ? Certes cette jolie jeune femme était seule sur la plage, mais hormis son voile, elle semblait très éloignée de ces considérations religieuses que j’avais pu lire de-ci delà. Je méditais sur le sujet sans trop trouver de réponses et assez loin des idées que j’avais eu des musulmanes voilées jusqu’à présent. Ma conclusion était qu’elle était un cas à part. Libre mais croyante d’un islam épanoui peut-être ? Après ces longues minutes à rester debout à regarder la mer, elle ouvrit un petit siège pliant en toile et s’assit. Cette scène quelque peu « sensuelle » que je venais de vivre et d’observer avec ravissement prenait fin. Comme le rideau d’un théâtre, un voile venait de tomber. Au loin, les petits « Optimists » semblaient amalgamés. Désormais, ils ressemblaient à un kaléidoscope aux contours incertains. Je n’avais plus rien à observer. Je mis les voiles.