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Le Circuit de Vallserra par l'Iglesieta depuis Les Angles (66).

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 6 chansons interprétées par Frank Sinatra. Elles ont pour titre : "Love's Been Good To Me", "My Way", "Summer Wind", "Moon River", "The Girl From Ipanema" et "Fly Me To The Moon".

Le Circuit de Vallserra par l'Iglesieta depuis Les Angles (66).

Le Circuit de Vallserra par l'Iglesieta depuis Les Angles (66).

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.


 

Cette randonnée que j’ai intitulée « Le Circuit de Vallserra par l’Iglesieta depuis Les Angles », vous la trouverez sans doute sur le Net sous d’autres dénominations et probablement aussi avec d’autres variantes, tant les pistes, chemins et autres sentiers sont nombreux dans ce secteur du Capcir. Est-ce la raison qui la fait être ignorée de la plupart des guides de randonnées ? Je ne sais pas ! Pourtant, ce circuit pédestre, que je présente ici, possède tous les ingrédients et atouts qui normalement devraient faire d’elle une randonnée « incontournable ». Jugez plutôt : un parcours bien balisé et plutôt simple même si un tracé enregistré dans un GPS et un topo descriptif  à lire ne sont jamais superflus, une distance moyenne de 11km environ (un peu plus en faisant le tour du lac) et donc accessible à de nombreux marcheurs, une dénivellation et des montées cumulées plutôt modestes, de jolis chemins très variés traversant des forêts, des prés d’estives, des pelouses, des tourbières et des clairières,  un superbe lac naturel (celui de Vallserra ou Balcère), lieu aquatique certes mais aussi géologique ô combien accueillant à tous points de vue, avec un restaurant sympathique et bien achalandé, une rafraichissante rivière éponyme, un patrimoine certes en ruines mais très intéressant avec le village médiéval de l’Iglesieta  et son église et puis enfin si vous êtes comme moi curieux de « Nature », une flore et une faune qu’il suffit d’observer pour constater combien elle peut être extraordinaire. Oui, ce circuit mérite d’être mieux connu. En ce 9 juillet 2023, il est 10h quand nous rangeons notre voiture sans aucune difficulté sur le parking d’une résidence mitoyenne au chemin du Soula, lieu du départ aux Angles. Cette résidence, c’est celle dénommée « L’Or Blanc » car le parking est quasiment vide mais des résidences il y en a bien d’autres. Il faut néanmoins pensé que s’agissant d’un circuit, il faudra revenir ici, alors il n’est peut-être pas utile d’avancer de trop sur ce chemin du Soula. Longuement rectiligne jusqu’au Serrat del Frare, ce chemin du Soula est bitumé au départ puis le terre prend le relais plus loin. Parfaitement balisé, il faut suivre les panneaux directionnels indiquant l’Iglesieta qui est le premier jalon avant le lac de Balcère qui est le second. Préférez un jour de grand beau temps et prévoyez un pique-nique car les lieux aptes à vous accueillir sont excessivement nombreux. Les panoramas sont pas mal non plus. Certaines vues vers le Puig del Pam ou le Mont Llaret m’ont rappelé à de merveilleux souvenirs. Souvenirs d’autres balades bien sûr ! Si vous aimez flâner et observer la Nature vous serez sans doute comblé tant la flore et la faune sont constamment bien présentes. Concernant la faune, les prairies autour de l’Iglesieta servent d’estives pour de nombreux bovins. S’agissant d’animaux en totale liberté, ils s’égayent un peu partout et bien sûr sur les chemins. Il faut donc faire preuve de prudence et ne pas hésiter à les contourner si nécessaire. C’est ce que nous avons fait à diverses reprises tant certains bestiaux avaient une fâcheuse tendance à vouloir nous suivre de trop près. A nous encorner ? Peut-être !  Certains semblaient agressifs dans leur comportement. Après nous être arrêtés à la buvette du lac pour boire un coup et manger une glace, je suis parti faire le tour du lac pendant que Dany m’ attendu. Là, encore, il suffit d’être un peu observateur pour constater que le lac retient une faune hyper variée. Oiseaux, lézards, poissons, libellules, papillons font partie de ceux que j’ai réussi à photographier. Mais il y en a bien d’autres si l’on y consacre un peu plus de temps. Pour nous, l’heure de refermer cette boucle était arrivée et comme l’arrivée au chemin du Soula est encore assez lointaine, on s’est remis en marche en continuant à prendre notre temps. Longs arrêts inclus, nous sommes restés 6h40 sur les chemins de ce circuit pédestre. En conclusion, autant vous dire que l’on a bien profité de cette journée à Vallserra. J’ai déjà prévu d’y revenir l’an prochain pour réaliser le Sentier thématique pastoral de Gagnade. Pour réaliser ce circuit de Vallserra, j’avais enregistré dans mon GPS un tracé trouvé sur le site Visorando. Il porte le N°1696348. Le voici en cliquant sur ce lien. Les informations chiffrées que j’en ai tirées sont : distance 10,88km, montées cumulées 349m et dénivelé de 178m entre le point le plus bas au départ (1.656m) et le plus haut, rue de la Piste verte  (1.834m) où l’on amorce la descente vers le bas de la commune. Carte IGN 2249 ET Font-Romeu - Capcir Top 25.

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La Balade de Blek le Roc ou le Tour du Capcir en 4 jours.

Publié le par gibirando

La Balade de Blek le Roc ou le Tour du Capcir en 4 jours.

La Balade de Blek le Roc ou le Tour du Capcir en 4 jours.

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Le film des 4 étapes sur des musiques d'Ennio Morricone                      Le film GOPRO de Jérôme                   

extraites de la compilation "Relaxing Moment" et "Malena"                                                                       

 


 

La Balade de Blek le Roc

ou le Tour du Capcir en 4 jours

 

Comment est né ce Tour du Capcir ?

 

Autant que je m'en souvienne, il me semble que ce Tour du Capcir a pris forme lors d’une conversation téléphonique avec mon fils Jérôme. A brûle-pourpoint, Jérôme m’a dit, j’ai un couple d’amis qui aimerait venir marcher dans les Pyrénées-Orientales et de préférence en montagne dans le Capcir, alors serais-tu partant pour l’organiser et le cas échéant venir avec nous ? Je suppose que Jérôme gardait encore en mémoire le Tour des Fenouillèdes que j’avais organisé (non sans mal !) sur 5 jours deux ans auparavant. Jérôme et son ami Fred étant déjà venus faire du VTT dans la région Cerdagne-Capcir l'année suivante, sans doute voulaient-ils revenir pour une randonnée pédestre ? Oui, je crois que c’est sur ces bases-là que tout a démarré même si la mémoire peut me faire défaut.

 

Pourquoi ce titre de « La Balade de Blek le Roc » ?

 

Pourquoi ce titre avec ce nom Blek le Roc ? Vous ne l’apprendrez bien sûr qu’en lisant ce long récit et en tous cas la première étape.

 

Préambule

 

11 septembre 2013, 9h20, nous entrons dans le joli petit village de Matemale. Depuis Saint-Estève, voilà presque une heure trente que nous roulons direction le Capcir. Si nous sommes là, Cathy, Fred, Jérôme et moi, c’est justement pour découvrir cette belle région : le Capcir. Notre dessein est de le découvrir en marchant et dont en effectuant son tour : le Tour pédestre du Capcir. Selon les différentes variantes empruntées, il peut être réalisé en 5 à 6 jours. Nous souhaitons lui en consacrer quatre. Cathy et Fred sont un couple d’amis à mon fils Jérôme. Un couple charmant, d’une grande gentillesse et des passionnés de sports et de voyages, qui comme moi, sont des amoureux de la Nature.  Découvrir la nature en faisant un peu de sport, c’est bien l’objet que nous nous sommes fixés en voulant accomplir ce Tour pédestre. Selon les desideratas de mes compagnons puis avec l’assentiment de Jérôme, je l’ai programmé sous la forme de 4 étapes et donc en 4 jours. Personnellement, j’aurais préféré 5 jours, pour réduire un peu les étapes et par là même les difficultés, mais mes partenaires ne pouvaient pas. Normal, eux ont 20 ans de moins que moi et ils bossent et de ce fait, ils ont d’autres obligations que moi je n’ai pas. Je suis à la retraite depuis 5 ans et marcher, je pourrais presque dire que je n’ai que ça à faire. Le première étape, doit nous mener de Matemale à 1.500 m d’altitude jusqu’au refuge de la Font de la Perdrix, minuscule abri du Club Alpin Français situé lui à 2.312 m au pied du pic du Madres qui lui est un peu plus haut à 2.469 m. Selon le tracé réalisé sur mon logiciel CartoExploreur au format carte I.G.N top 25 c’est une quinzaine de kilomètres qu’il nous faudra accomplir. Depuis ce refuge,  la deuxième étape de 17,600 km consistera à atteindre le Madres puis après une longue descente de son flanc ouest, à rejoindre Rieutort (1.517 m), un hameau situé près du barrage et du village de Puyvalador. J’ y ai réservé des chambres au gîte Le Moulin. Le but de la troisième étape, la plus longue de toutes avec 28 km est de rallier le lac des Bouillouses par la superbe Vallée du Galbe et les étincelants « estanys » des Camporells. Là, aux Bouillouses, j’ai retenu une nuitée en demi-pension à l’hôtel des Bones Hores (2.035m). Enfin, la dernière étape consistera à regagner Matemale par le lac d’Aude (2.130 m) puis par la station de ski du Pla del Mir et Les Angles (1.630 m) soit environ 20 km mais un peu plus si on envisage une visite du village. D’après les différents relevés que j’ai fait de l’itinéraire, ces 4 étapes, c’est donc environ 80 kilomètres à parcourir et au bas mot 4.500 mètres de montées cumulées. Autant l’avouer, j’appréhende un peu ce parcours car même si mon entraînement estival m’a amené à accomplir de nombreuses randonnées donc quelques unes assez difficiles comme l’ascension du Mont Coronat (2.172 m), le Balcon de la Coumelade (1.808 m) ou le Pilon de Belmatx (1.280 m), les 20 ou 25 ans de différence d’âge qui me séparent de mes trois « compères » seront sans doute là à chaque ascension et peut-être même dès la première déclivité d’importance. J’en suis conscient. Et puis, à bien y réfléchir, tout ce que j’ai pu accomplir, c’est un peu de la « gnognotte » au regard des 4 jours qui m’attendent car j’ai toujours tendance à flâner plutôt qu’à marcher quand je suis seul. Là, en groupe, la situation ne sera plus la même et je ne pourrais pas me permettre de ralentir exagérément mes compagnons. C’est donc dans cet état d’esprit que je suis quand je gare ma voiture sur le parking au centre du village de Matemale, me posant cette question qui me taraude : vais-je tenir le choc face à ces trois jeunes « flèches » ? Une fois la voiture garée, l’indispensable harnachement de mon gros sac à dos et la nécessité de me vêtir de la manière la plus confortable possible me font aussitôt oublier ces quelques tourments que je rumine depuis quelques semaines. Mais je ne me fais aucune illusion, ils reviendront à la première occasion et la première occasion, elle va se présenter dès aujourd’hui. Ici, à Matemale, quelques panonceaux de randonnées ont déjà été repérés et de toute manière, je ne suis pas inquiet car je connais la direction du départ pour y être déjà venu accomplir une jolie petite balade à la Tour de Creu et autour du magnifique lac de barrage.

 

Alors voilà comment se sont passées ces 4 étapes. Enfin ce que ma mémoire en a gardée, bien aidée il est vrai par les nombreuses photos que nous avons prises.

Lien pour passer à la 1ere étape

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Tour du Capcir - Etape 1 Matemale - Refuge de la Font de la Perdrix

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 3 musiques d'Ennio Morricone extraites d'une compilation intitulée "Relaxing Moment". Elles ont pour titre : "La Califfa", "Giu'La Testa -A Fistful Of Dynamite", "Dal Mare - Version 2 (From Il Segreto".

Tour du Capcir - Etape 1 Matemale - Refuge de la Font de la Perdrix

Tour du Capcir - Etape 1 Matemale - Refuge de la Font de la Perdrix

Tour du Capcir - Etape 1 Matemale - Refuge de la Font de la Perdrix

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1ere étape – 11 septembre 2013 : de Matemale (1.500 m) au Refuge de la Font de la Perdrix (2.312 m) soit 14,4 km pour un dénivelé de 877 m et des montées cumulées de 1.261 m. Point culminant : le Roc des Gourgs 2.352 m – Point le plus bas : Pont de la Molina : 1.475 m.

 

9h30, la première impression est qu’il ne fait pas chaud et d’emblée, je sors ma veste en Goretex de mon sac à dos. Mes compagnons font de même et enfilent leurs vestes et anoraks respectifs. Nous démarrons, accoutrés tels d’imposants « bibendums » auxquels on aurait rajouté de volumineux sacs à dos. Le mien, une fois encore, j’ai tenté de l’alléger au maximum mais c’est tout de même 15 à 16 kilos environ que je vais devoir me « charrier » sur ces 4 jours. Idem pour mes compères. Pour ce Tour du Capcir, j’ai voulu être à la fois énergique et pragmatique et j’ai opté pour un modeste 40 litres remplaçant ainsi mon vieux 70 litres que j’avais trimballé lors de tous mes tours précédents : CoronatVallespir et Fenouillèdes. En procédant ainsi, j’ai gagné 5 à 6 kilos mais comme dans l’intervalle, j’ai aussi gagné quelques années supplémentaires mais aussi quelques kilos de mieux, c’est du « kif-kif » sur le plan physique. Nous démarrons direction les panonceaux que nous avons aperçus un peu plus bas dans le village. Les premiers indiquent quelques parcours VTT et la Tour de Creu par le P.R.22 dont je sais que c’est la bonne direction. Le deuxième est plus explicite et en plus de la Tour de Creu, le Tour du Capcir y est clairement mentionné. Par la rue de la Mouline, nous sortons de Matemale sous un ciel coupé en deux dans la sens de la vallée. A gauche, c'est-à-dire vers l’ouest et la Cerdagne, le ciel est extrêmement bas et recouvert d’un épais et grisâtre matelas nuageux. A droite, côté Madres et Haut-Conflent, le ciel est d’un bleu intense et pur et que je qualifierais d’encourageant car c’est de ce côté-là que nous allons. Cette large vallée avec aujourd’hui ce firmament tristement coupé en deux, c’est l’Aude qui l’a principalement creusée. Le fleuve n’est pourtant ici qu’un minuscule ruisseau de 2 à 3 mètres de large que l’on aperçoit sur notre droite dès  la sortie du village.  A la sortie du village, un dernier panonceau indicatif nous rassure définitivement : « Tour du Capcir – Col de Sansa -2h10 ». D’emblée, Cathy prend la tête du petit peloton et semble vouloir accélérer le pas pendant que nous, les trois hommes, flânons à l’arrière déjà plongés dans des discussions spontanées. Au cours de ces 4 jours, il en sera ainsi le plus souvent, car pour Cathy, c’est sa seule façon de marcher. Une façon très sportive, plutôt « speed » que Fred et Jérôme ne compenseront que dans les montées les plus rudes. Moi, qui suis un flâneur dans l’âme, je ne vais jamais essayer de lutter et de toute manière, je sais par avance que même si je le voulais, je ne le pourrais pas. Et puis de toute manière, mon appareil photo numérique est là, pendu à mon cou, m’arrêtant à tout bout de champ, comme un œil et un cerveau supplémentaire qui doit me permettre de ne rien oublier de ce nouveau « Tour pédestre du Bonheur ». Le premier de ces tours avait été un Tour des Fenouillèdes réalisé avec Jérôme en 2011. Au préalable, j’avais accompli d’autres tours pédestres, comme celui du Coronat en 2007 ou du Vallespir en 2009, mais toujours en solitaire, et donc avec enchantement certes, mais avec ce regret de ne pas partager toutes ces « petites choses » qui intensifient et démultiplient le bonheur. Toutefois, si une chose ne change jamais, c’est bien celle de ma passion pour la Nature et la photo. Depuis le départ, mon numérique est déjà amplement entré en action et il continue à chaque occasion : une fleur, un paysage, un papillon, un oiseau sur un fil, l’Aude, petit torrent que nous longeons désormais. Avant de venir, j’ai étudié le parcours de l’Aude car je sais que nous aurons l’occasion de côtoyer le fleuve. Ici, il vient de quitter le barrage de Matemale et descend vers celui de Puyvalador. Les deux barrages récupèrent et concentrent ses eaux dont la source ou plutôt les sources surgissent au pied du Mont Llaret (2.376 m) et du roc d’Aude (2.325 m), deux sommets débonnaires situés au dessus des Angles. Toutes ces sources s’écoulent en remplissant le lac d’Aude, situé à 2.154 mètres d’altitude, dont les eaux se déversent ensuite sous la forme d’un minuscule ru cherchant son chemin dans des prés humides et des tourbières. Au contact de quelques menus affluents, ce ru devient ruisseau puis torrent finissant sa course dans le lac de barrage de Matemale, le but final de cette récupération étant bien sûr de produire de l’électricité. De plus ou moins près, tous ces sites seront à l’ordre du jour de notre Tour du Capcir et feront partie, je n’en doute pas, des jolis souvenirs que nous en  garderons. Le pont de la Mouline qui enjambe le torrent est atteint. Un poteau en indique l’altitude à 1.475 mètres et comme je sais que le col de Sansa est situé à 1.775m, inutile d’être agrégé de mathématiques pour calculer le dénivelé restant pour atteindre ce premier jalon. En ce qui concerne notre objectif, le refuge de la Font de la Perdrix, situé, lui, à 2.312 mètres d’altitude, il y a belle lurette que le dénivelé pour y parvenir est ancré dans ma tête : 837 mètres ! En réalité, c’est légèrement plus que ça puisque le Roc des Gourgs que nous devons franchir en cours de route est situé, lui, à 2.352 mètres. Il faut donc rajouter 50 mètres de déclivité supplémentaire. Toutes ces informations repères et distances, je les connais presque par cœur, car voilà bientôt trois mois que j’analyse et réanalyse le parcours presque quotidiennement. Après accord de Jérôme, j’ai pris la décision de ne pas emprunter l’itinéraire classique du Tour du Capcir qui, depuis le col de Sansa, monte au refuge Oller, ni cette variante qui par la Coume de Ponteils rejoint notre objectif : le refuge de la Font de la Perdrix. Non, connaissant bien ce secteur du Madres, j’ai décidé d’emprunter la voie dite de Passeduc, petit col herbeux permettant de gagner quelques kilomètres. En réalité, ce n’est pas à cause de ce gain de distance que j’ai construit cet itinéraire mais tout simplement parce que je sais que les panoramas sur le Capcir et le Haut-Conflent y sont tout simplement extraordinaires. Mon idée est d’amener mes compagnons de voyage au sommet du Pic de la Pelade (2.370 m) d’où les vues à 360° sur le Roussillon et la Catalogne en général sont, par grand beau temps, tout bonnement époustouflants. Mais en traversant le pont de la Mouline, nous n’en sommes pas encore là et je me dis que j’aurais bien le temps d’y penser dans quelques heures. Après les prairies verdoyantes et fleuries de cette minuscule partie du val de l’Aude, un premier petit bois de conifères est traversé. En sortant de ce bois, on aperçoit la fameuse Torre de Creu ou tout de moins ce qu’il en reste, c'est-à-dire quelques pans de murs amplement ruinés et inclinés, une espèce de tour de Pise en miniature qui aurait subi un énorme tremblement de terre. En zoomant sur elle avec mon numérique, j’ai même le sentiment qu’elle est encore bien plus ruinée qu’en 2006 quand j’étais venu la découvrir pour la première fois. Aujourd’hui, un tracteur est à ses pieds et j’imagine que des ouvrages de consolidation sont en cours. On laisse la vielle tour des comtes de Cerdagne à ses travaux pour entrer de plein pied dans une sombre forêt de grands résineux. Sur les cartes, cette belle et immense forêt qui sépare le Capcir du Conflent c’est la forêt domaniale de Cami Ramader où l’on trouve principalement des pins à crochets, des pins sylvestres, des sapins mais des quantités d’autres essences selon l’étage montagnard où l’on se trouve. Ce nom de « Cami Ramader » étant comme chacun sait le nom donné aux anciens chemins pyrénéens de transhumance. Nos drailles à nous en quelque sorte.  Dans la longue montée vers le col de Sansa et après que Fred m’ait gentiment accompagné, pendant quelques temps, me voilà rapidement largué et pas seulement parce que je m’évertue à tenter de photographier le très beau lac de Puyvalador que l’on aperçoit en contrebas au travers des immenses pins. Non, mon cœur est un moteur diesel et le mettre en route avec de « bons » dénivelés dès le départ est toujours compliqué. Sans compter plusieurs kilos que j’ai amplement repris après une régime Dukan qui s’était avéré efficace mais seulement le temps des privations. Depuis ma « panse » a retrouvé une belle forme arrondie, arrondie mais pas idéale pour gravir des sommets. De ce fait,  suivre le rythme de ces trois jeunes gens est une réelle épreuve pour moi mais tout au long de ces quatre jours, ils auront la gentillesse, la délicatesse et je dirais même l’élégance de m’attendre très souvent. Enfin, j’ai très souvent espéré que ce n’était pas de la commisération tant j’ai eu parfois conscience de les retarder et de freiner leur cadence et leur ardeur. Juste avant le col de Sansa, les arbres ont la bonne idée de s’écarter pour laisser la place à de jolies vues sur le lac de Puyvalador et les petits villages environnants. Des vues réduites et assez ternes à cause de cette chape nuageuse qui chapeaute toute la vallée et une grande partie du Capcir. 11 heures, le col de Sansa est atteint. Par bonheur, ici, sur cette vaste esplanade, le soleil et le ciel bleu sont encore largement de la partie mais je suis plutôt inquiet car je m’aperçois tout de même que cette masse nuageuse que l’on pourrait croire immobile, se déplace tout doucement dans notre direction. Une fois encore, je peste contre Météo France car au cours de tous les jours précédents notre départ, les prévisions ont été uniquement favorables et puis hier « patatras », tout a soudain changé ! Mais bon, s’ils sont responsables des prévisions, peut-on les considérer comme garants du climat et du temps qu’il va faire ? Jérôme prétextant une fringale, nous stoppons pour prendre un petit en-cas.  Il est vrai que depuis Matemale nous n’avons observé aucune vraie pause et en plus, en me rappelant le temps de 2h10 que j’avais vu sur le panonceau, je suis étonné de constater que nous n’avons mis en réalité qu’1h30 pour atteindre le col. Alors, s’agit-il d’une vraie performance ou bien ne faut-il pas trop se fier aux temps indiqués sur les panonceaux ? Je ne sais pas répondre à cette question même si j’ai bien évidemment conscience que je suis monté bien plus vite qu’à mon habitude et que si j’avais été seul. Nous repartons et prenons la piste, variante du Tour du Capcir vers le Refuge des Estagnols. Ici, l’inclinaison de la piste est moindre et plutôt reposante. On profite pleinement des vues plongeantes sur la petite vallée de Cabrils ou l’on distingue le hameau de Sansa et le clocher de son église sous une vaste chape nuageuse. Mais mon regard est surtout attiré par le pic de la Pelade que j’ai gravi plusieurs fois et surtout par les quelques gros cumulus qui commencent à s’accumuler derrière lui. Ces nuages me tracassent car j’ai essentiellement axé cet itinéraire sur les panoramas que l’on peut y découvrir de là-haut. Peu après la bifurcation descendant vers le refuge des Estagnols, on délaisse définitivement l’itinéraire du Tour du Capcir dont le sentier suit sensiblement la Coume de Ponteils, petit torrent prenant sa source au pied du pic du Madres. On poursuit la piste qui zigzague au sein de la Jasse d’Ancréou, jasse dont je sais qu’elle va se terminer dans une vaste clairière où s’écoule le petit rec (ruisseau) dit de Pinouseil. Le Pinouseil est en réalité la vraie source de la rivière Cabrils dont on a aperçu le vallon peu après le col de Sansa.  Là, dans la montée, et dans la sinuosité de la piste, on tombe nez à nez avec plusieurs chasseurs assis à proximité de leurs 4x4. On apprend avec étonnement qu’ils viennent d’autres départements et parfois même de très loin, uniquement pour chasser les gros gibiers : cerfs, chevreuils, mouflons, bouquetins et isards essentiellement. Ils viennent d’arrêter leur battue et en sont déjà à l’heure du déjeuner. Bien évidemment, une conversation s’instaure sur la faune locale et ils nous informent avoir vu pas mal d’animaux mais qu’ils n’ont rien tiré car les bêtes aperçues étaient surtout des femelles et qu’ils sont respectueux d’une bonne gestion. Nous sommes ravis de rencontrer des chasseurs intelligents. Nous leur souhaitons un bon appétit et poursuivons notre marche. Quelques minutes plus tard, la belle et vaste clairière est là, et comme il est midi pile, à notre tour, nous estimons que l’heure du déjeuner est enfin arrivée. Nous nous installons sur l’herbe et malgré un temps devenant de plus en plus maussade,  la bonne humeur est de mise. Cathy s’enveloppant la tête d’un surprenant fichu en laine, bien évidemment les garçons ne la loupent pas et se moquent d’elle. Dans un ciel devenu mi-figue mi-raisin, deux grands rapaces tournoient au dessus de nos têtes en poussant des cris stridents. Pendant que les trois jeunes rigolent, moi, je suis plongé dans diverses pensées qui me préoccupent. La première, c’est la présence de ces chasseurs que nous venons de rencontrer et j’avoue que je n’avais pas pensé que la chasse était déjà ouverte à cette période. Ce qui me chiffonne, c’est que j’espère que le refuge non gardé de la Font de la Perdrix, qui est minuscule, ne sera pas déjà occupé par une troupe de ces « tartarins » ? En effet, si j’ai pensé à la présence d’éventuels randonneurs, cette idée ne m’a jamais vraiment inquiété car dans ce refuge, je n’y ai jamais vu personne installé, et en plus la saison des randonnées estivales est plutôt derrière nous. Mon deuxième tourment, c’est tous ces nuages qui arrivent sur nous, s’amoncellent et chapeautent la montagne. Parfois, la brume est si basse qu’une espèce de vapeur légère nous entoure et il en est ainsi au moment même où nous décidons de redémarrer. Ça m’inquiète d’autant plus que je connais très bien ce très rude dénivelé qui nous attend pour parvenir au col de Passeduc. Si l’itinéraire pour y parvenir est assez simple ; il suffit de suivre le rec de Pinouseil en grimpant dans la forêt puis dans les pelouses ; la déclivité, elle,  est assez terrible puisque c’est deux kilomètres d’ascension pour 420 mètres de dénivelé soit une pente presque continuelle à 21%. Si je vous dis que le pourcentage de pente moyen de l’Alpe d’Huez accompli lors du Tour de France est de moins de 8% et au maximum de 14%, ça vous donne une bonne idée du dur raidillon qui nous attend. Dire que je redoute cette montée est un doux euphémisme car si je l’ai déjà accompli à plusieurs reprises, jamais je ne l’ai gravie avec dans le dos un tel sac de 15 kilos et avec les kilos très superflus que je trimballe ! Je tente néanmoins de relativiser cette ascension en me disant qu’aucun délai ne m’est imparti pour rejoindre le col puis le refuge de la Font de la Perdrix. Non, ce qui me chagrine surtout ça serait d’arriver tout là-haut la tête dans les nuages et de ne rien voir de tous les panoramas que j’ai promis à mes compagnons. Mais bon, on verra bien ! Après quelques hésitations quant à l’itinéraire à suivre car ici les « caminoles » tracées par les animaux sont très nombreuses, on finit par trouver le bon sentier sur le côté droit du rec. Presque immédiatement, la pente devient très abrupte et bien évidemment les écarts se creusent aussitôt. Jérôme a pris la tête, suivi de près par Fred. Cathy, elle, est définitivement décramponnée mais semble monter à son rythme qui est régulier et bien plus correct que le mien. Bien sûr, je ferme la marche et ne tente en aucune manière de suivre mes compagnons. Non, comme je le fais assez souvent quand je souffre en randonnée, j’essaie de penser à autre chose qu’à la douleur et à la balade elle-même. J’avoue que je déconnecte assez vite et assez facilement et ça m’aide énormément. Parfois, les écouteurs enfoncés dans les oreilles, j’écoute de la musique sur mon baladeur MP3.  Mais là, je ne sais pas pourquoi, pas besoin de musique et mes pensées se transforment en un étrange questionnement du style : « Mais qu’est que je fous là à galérer avec ces trois jeunes gens bien plus en forme physique que moi ? » ou bien « j’ai mal dormi et le manque de sommeil se répercute sur ma forme physique mais est-ce une bonne excuse ? ». Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce questionnement, ce n’est ni du dépit, ni une repentance et encore moins un regret. Non, dans mon esprit, il n’y a aucune équivoque : « je suis très heureux d’être là, même si je galère comme jamais ! ». Alors ce sont des questions toutes simples dont je tente de trouver les réponses au plus profond de ma mémoire : « Pourquoi suis-je là à grimper cette montagne si abrupte ? » « Pourquoi,  suis-je heureux de le faire malgré la souffrance ? » « Pourquoi, j’aime les forêts de sapins ? » « Les petits torrents aux eaux limpides ? » « Les fleurs des champs et des montagnes ? » « Les papillons et les oiseaux ? » « Pourquoi, quand je me retourne suis-je en émerveillement devant cet immense panorama ? » « En extase en regardant le vol d’un rapace ou en écoutant le chant d’un pinson ou d’une mésange ? » « Devant le regard d’un chevreuil ou celui d’un écureuil ? » » Pourquoi, suis-je fasciné par le simple bourgeon duveteux et transparent d’un saule au printemps ? » En une simple phrase : « pourquoi suis-je transporté de bonheur d’être au sein de cette Nature sauvage ? » Voilà, le genre de questions que je me pose. Des questions qui me font oublier mon calvaire et le fait même de m’élever. L’élévation physique disparaît au profit d’une élévation intérieure. Des questions que j’ai déjà eu l’occasion de me poser à quelques reprises et dont j’ai très souvent éludé les réponses soit parce que je ne les trouvais pas sur l’instant soit parce que la souffrance s’arrêtait et avec elle mon questionnement.  Aujourd’hui, cette longue pente très raide va me laisser le temps du dénouement. Oui, la solution est à chercher dans mon enfance. J’ai soudain comme une révélation, sans doute parce que je souffre plus qu’à l’accoutumée et que l’épreuve durant en longueur, elle me laisse le temps pour une analyse suffisante. Concernant cet amour de la montagne et de la nature,  un nom surgit comme un diable sortant de sa boîte et ne me quitte plus. Il revient désormais sans cesse. Un personnage que j’ai aimé grâce à ma mère quand j’étais enfant. Ce personnage, c’est Blek le Roc, un héros de bandes dessinées dont je lisais tous les numéros que ma mère m’achetait chaque semaine. Aujourd’hui, on appelle ça des « comics books », petits fascicules de quelques pages racontant une nouvelle histoire à chaque numéro.  A l’époque, j’étais bien trop jeune pour parler l’anglais alors je disais « maman, donne-moi des sous pour Kiwi ! ». Car c’est bien dans ce petit périodique que j’ai découvert Blek le Roc pour la toute première fois. Sur les rayons du marchand de journaux de mon quartier de la Vieille-Chapelle à Marseille , les héros étaient plutôt nombreux à l’époque, car outre Blek le Roc, de très loin mon préféré, il y avait aussi Akim, Yuma, Kit Carson, Rodéo, Zagor, Nevada, etc… et j’en oublie bien d’autres…. Blek le Roc, c’était celui auquel je m’identifiais quand je partais jouer aux cow-boys et aux indiens avec une bande de copains de mon quartier dans les pinèdes et les sablières toutes proches du Massif de Marseilleveyre. Ces bandes dessinées, ma mère avait pris soin d’en lire quelques unes avant moi et elle savait qu’elles n’avaient aucun aspect négatif pour l’enfant que j’étais. Certes, on y trouvait des récits de batailles et de soldats mais jamais aucun mort et puis surtout la morale et la justice y étaient toujours présentes. Morale, justice, intrépidité, courage, adversité, tempérament et Nature, voilà quels étaient les ressorts permanents de ces bandes dessinées. Bien au-delà des justes et libertaires combats que Blek le Roc menait contre les « rouges » Anglais, les histoires se passaient aux Etats-Unis, au sein de magnifiques forêts de sapins et le plus souvent dans une prodigieuse Nature que mes fantasmes enfantins n’avaient aucun mal à imaginer et parfois même à enjoliver. Plus tard, voilà sans doute ce qui m’a donné ce goût pour la Nature sauvage, la montagne et ce plaisir sans cesse renouvelé d’atteindre un certain bien-être au travers des randonnées pédestres. J’en suis désormais convaincu. En grimpant vers ce terrible col de Passeduc, je suis entrain de rêver à tout ça, oubliant tout le reste, et j’en suis presque à m’imaginer que je suis un Blek le Roc vieillissant mais encore fringant, capable d’escalader les pentes les plus raides. Après tout, je viens de fêter mes 64 ans et c’est l’âge où mon père est décédé. « Sordide pensée » me dis-je au bout de cette dernière réflexion. En tous cas, il n’y a qu’un pas que je suis entrain de franchir, quand soudain deux hommes descendant la pelouse en courant me sortent de ma torpeur et presque à regrets de mes songes enfantins. Dans ma poitrine, mon cœur se met à nouveau à battre la chamade. En réalité, il devait battre depuis pas mal de temps déjà et j’éprouve aussitôt le besoin de m’arrêter pour me désaltérer. Mes acolytes sont bien au dessus de moi maintenant et je les aperçois bien loin sur la pelouse pentue. Je ne me remets en route qu’une fois les battements de mon cœur bien stabilisés. Au fur et à mesure que je grimpe, j’ai le sentiment que la pente s‘accentue mais à un moment et en regardant sur le côté droit, je constate que les petits pins ont carrément disparus et ont laissé la place à un sol aride et pierreux. Aussitôt, je reconnais les flancs du pic de la Pelade et je sais que Passeduc n’est plus très loin maintenant. D’ailleurs, en levant la tête, j’aperçois Jérôme qui accourt vers moi et quand il arrive à ma hauteur, il me dit : « Eh, tu es bien pâle ! ». « Tu es même très blanc ! » et il rajoute « tu te sens bien ? » et dans la foulée, il me dépossède de mon sac à dos et remonte aussitôt vers le col que Fred et Cathy ont déjà atteint depuis de longues minutes.  Oui, c’est vrai, je suis très essoufflé mais je me sens plutôt bien physiquement et en plus, il ne me reste plus qu’une centaine de mètres à accomplir. Mes jambes vont bien et je mets cet essoufflement plus sur le compte de l’altitude que d’une vraie fatigue même si ce n’est pas « le top » aujourd’hui. Comme toujours avant l’accomplissement d’un projet tel que celui-ci, j’ai assez mal dormi cette nuit.  A vrai dire très peu et il faudrait que je récupère. Mais le pire est surtout au moral. Là, en regardant le ciel, je prends vraiment un gros coup sur la tête. Je suis complètement dégoûté car une brume humide mais heureusement sans pluie recouvre toute la crête. Le sommet du pic de la Pelade pourtant tout proche est invisible et quand je propose son ascension, j’essuie un refus catégorique de tous car personne ne trouve d’intérêt à s’y rendre dans cette brume qui enveloppe tout. Comment leur en vouloir ? Sur l’autre versant du col, les vues sur le Conflent sont amplement bouchées et on ne distingue pas le millième des beaux panoramas que j’ai vu lors de mes précédentes venues. A nos pieds mais sous une épaisse couche nuageuse, seules les vues plongeantes sur les Mouillères, vers le Pla de la Baillette et le col du Portus sont visibles. Au dessus, le Mont Coronat et le Puig d’Escoutou apparaissent et disparaissent au gré des nuages qui filent vers l’est. Je suis écoeuré et triste à crever car bien avant le départ, j’ai souvent imaginé décrire à mes compagnons toutes ces beautés qui, par grand beau temps, se dévoilent jusqu’à la Méditerranée. Je prends aussitôt la tête de la marche car sur ce Pla des Gourgs je connais bien les petites caminoles qu’il faut prendre pour atteindre le bord du cirque afin d’avoir au moins de jolies vues plongeantes à regarder. Par temps clair, on voit très loin mais on prend également plaisir à regarder en contrebas les prairies et le lac d’Evol encore appelée Gorg Nègre.  Mais Jérôme qui ne marche qu’avec son G.P.S me rappelle à l’ordre et décide de suivre le tracé qu’il a enregistré. Ce tracé, c’est le chemin le plus droit, le plus direct et donc le plus court, mais c’est aussi celui qui passe le plus à l’intérieur du plateau. Mais comme avec cette météo maudite, mon moral en a déjà pris un coup, je ne dis rien, je rentre dans le rang et suis les autres bien sagement comme je l’ai fait depuis Matemale. Je ne dis d’autant rien que je sais que les vues espérées sur le lac s’entrouvriront un peu plus tard et bien mieux encore depuis le refuge de la Font de la Perdrix. Dès le Roc des Gourgs atteint, le Gorg Nègre, objet de tant de mauvaises légendes, fait son apparition. Dans la foulée, Jérôme aperçoit au loin le refuge de la Font de la Perdrix avec sa toiture rouge. L’arrivée de cette première étape n’est plus très loin maintenant mais je sais que le chemin n’est pas très facile pour l’atteindre. Ici, il faut en permanence zigzaguer au milieu des tourbières et des fondrières pas toujours très praticables. De surcroît, après cette zone humide, les magmas rocheux granitiques prennent le relais. Il faut très souvent les contourner ou bien les gravir, se méfier des petits genévriers très ras, nombreux, touffus, piquants et ligneux quand ils sont secs. Quand le refuge apparaît, là, tout proche, j’ai une sensation de soulagement, du devoir accompli. En tous cas, c’est mon sentiment personnel. 14h45, le refuge est là et j’avoue que je suis ravi de constater que nous sommes les premiers à l’occuper.  Dans l’espoir que nous continuerons à être les seuls occupants, la première initiative de chacun de nous est de choisir son emplacement pour la nuit. Jérôme s’approprie le bat-flanc du haut, alors que Cathy opte pour celui du bas dans le coin contre le mur du fond. Bien évidemment, Fred sera à côté d’elle et moi, je dormirais à côté de Fred et je serais ainsi au plus près de la fenêtre mais surtout de la porte, ce qui me convient très bien dans le cas où je serais pris d’une envie pressante pendant mon sommeil. C’est bien rare que ça n’arrive pas au moins une fois dans la nuit ! Après quelques photos des positions de chacun d’entre nous, je constate que la porte en métal n’est pas d’une herméticité exemplaire mais j’ai bon espoir que le poêle qui se trouve dans le coin opposé sera suffisamment puissant pour réchauffer toute la pièce, qui par bonheur est de taille plutôt réduite. D’ailleurs, dans un ensemble quasi parfait, nous décidons que la deuxième résolution qui s’impose est d’aller chercher un maximum de bois. Alors que je m’apprête à partir avec eux, les garçons me demandent de rester au refuge pour surveiller les affaires. Les garçons disparaissent derrière le refuge alors que Cathy part à l’opposé. Je la vois qui descend à même le flanc du vieux cirque glaciaire en quête de petits branchages bien secs de genévriers. J’avoue que je stresse un peu de la voir là, en équilibre précaire et périlleux, sur les pentes du gourg et je ne peux m’empêcher de lui faire observer qu’il n’est peut-être pas utile de prendre autant de risques pour un peu de bois. Mais, se retournant vers moi, elle m’affirme qu’elle a le pied sûr et avec une platitude déconcertante, elle continue sa besogne, comme si de rien n’était. Elle revient au refuge chargée de bois puis repart, me laissant avec mes craintes car même si j’ai acquis la certitude que ses pieds sont d’une incroyable assurance, le propre d’un accident est d’être imprévisible. En randonnée, je tombe régulièrement et sais que ce n’est jamais voulu ! En d’autres occasions, elle me prouvera sa grande assurance, son absence de vertige et de toute appréhension des « écueils » de la montagne. A cet instant, et alors que je suis assis sur le palier de la porte, un oiseau vient se poser à quelques mètres de moi, bien en évidence sur un bloc de granit. En l’observant, je m’aperçois que son poitrail a les mêmes colorations que le granit, gris tacheté de petits points noirs et je me demande si c’est une coïncidence ou bien du mimétisme. Sans crainte, il se laisse gentiment photographier de longues minutes, puis effrayé par les garçons qui reviennent les bras amplement chargés de bois, il s’enfuit. Je vérifie et constate qu’il est magnifiquement enregistré dans mon numérique et plus tard je l’identifierais comme un Accenteur Mouchet (Prunella modularis). Quelques minutes plus tard, d’autres oiseaux passent au dessus de ma tête et viennent se poser au sommet d’un petit pin situé à l’arrière du refuge. Eux sont plus reconnaissables avec leurs gros becs croisés dont ils ont reçu le nom. Ces deux Gros becs croisés des sapins (Loxia curvirostra) auront eux aussi les honneurs de mon numérique. Après la moisson de bois que nous avons entreposé devant le refuge dans un endroit adapté à cet effet, Fred s’est mis en tête de partir à la découverte de la fameuse « Font de la Perdrix », source coulant des entrailles de la terre par un petit tuyau de PVC et que j’avais moi-même découvert par hasard lors d’une précédente visite. Il trouve la source mais il met de longues minutes à remplir une simple gourde tant le filet qui s’en écoule est fluet en cette fin d’été. Entre occupations, courtes balades autour du refuge et photos, l’après-midi passe bien vite. Vers 17 heures, le ciel, qui jusqu’à présent, avait été plutôt clément, devient carrément pourri. La brume qui nous avait enveloppée au col de Passeduc, mais qui avait eu la délicatesse de nous épargner depuis notre arrivée au refuge, refait sa réapparition. Encore plus dense et surtout plus humide et plus frais car poussé par un petit vent du nord plutôt farouche,  ce brouillard monte du Capcir, enveloppe le Madres et redescend dans les vallées du Conflent. Ce petit vent glacial, ici, en Capcir, on l’appelle le « Carcanet » et tel un petit carcan, il vous enveloppe sans vergogne d’une froidure et d’une brume grisâtre. Avec ce Carcanet et cette affreuse météo, nous sommes contraints de rester à l’intérieur du refuge. D’ailleurs, cette fraîcheur extérieure se fait aussitôt sentir à l’intérieur mais heureusement, après de longs essais infructueux pour allumer le poêle, ce dernier a la bienveillance de démarrer. Il faut reconnaître que ce poêle tire à merveilles et même au-delà de nos espérances, dégageant une agréable chaleur ambiante.  C’est dans cette douce tiédeur que la soirée se termine entre parties de solitaire faites de petits cailloux et alimentation en bois permanente du poêle. Nous sommes en septembre, la nuit tombe bien vite et vers 19h, l’heure du souper sonne déjà. Même si l’étape n’a pas été très longue, la bonne montée vers le col de Sansa puis celle plus terrible vers le col de Passeduc ont laissé quelques traces de lassitude sur nos organismes et personne ne rechigne à intégrer rapidement son duvet. Demain sera un autre jour. Personnellement, et avant de m’endormir, je croise les doigts pour que les trois prochaines journées soient bien meilleures sur le plan météo.  Il faut impérativement que le beau temps soit de la partie car connaissant bien le Madresles étangs des Camporells et le lac des Bouillouses, je sais que c’est la condition sine qua none pour que ce Tour du Capcir soit une vraie réussite. Il y a un an, Fred et Jérôme sont déjà venus dans le Capcir faire du VTT et ils avaient eu une météo pourrie alors ne serait-ce que pour eux, je ne souhaiterais pas que cette mauvaise expérience se renouvèle. Dans le silence du refuge, mes pensées s’emmêlent entre mes désirs d’un temps meilleur et mes souvenirs d’enfance qui sont remontés à la surface comme une grosse bulle d’air. J’ai fini par mettre le nom de Blek le Roc à cette question qui me turlupinait : « pourquoi j’aime autant la randonnée pédestre ? » Force est de reconnaître que dans ma tête, Blek retrouve la place qu’il avait quand j’étais enfant. D’un autre côté, avoir obtenu une réponse à mon questionnement me rassure.  Quand je pense à lui et me remémore mes vieilles lectures enfantines, je me souviens d’un homme qui ne doutait jamais de lui. Il ne connaissait que le succès ! Alors j’essaie de m’endormir avec des certitudes similaires et me voilà de nouveau plongé dans la peau de mon héros favori. Quand des rêves de gamin reviennent 50 voire 55 ans plus tard, c’est un pur plaisir. Merci maman, tu avais vu juste en m’achetant sans cesse Blek le Rock. Ces bandes dessinées parlaient de batailles mais elles étaient surtout bourrées de justice, de sagesse, de morale, de civisme et de Nature, et apparemment c’est surtout cela que j’en ai retenu !  Je m’endors avec Blek le Roc gambadant à mes côtés, en plein soleil sous un immense ciel bleu ! Les rêves enfantins ne meurent jamais. Ils ont la vie dure et me remémorer tout ça aujourd’hui ajoute probablement à mon bonheur d’être là,  à faire ce Tour du Capcir avec Jérôme et ses sympathiques et très gentils amis, même si je garde tous ces souvenirs pour moi. Mais comme un bonheur n’arrive jamais seul, je veux rester positif. Je sais qu’il y en aura d’autres et découvrir avec eux cette superbe région me rend très heureux.

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Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 5 musiques d'Ennio Morricone extraites d'une complilation intitulée "Relaxing Moment". Elles ont pour titre : "C'era Una Volta Il West", "Il Colore Dei Suoi Occhi", "Nuovo Cinema Paradiso", "Irene Gli Intoccabili""Tema Di Ada"

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

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2eme étape – 12 septembre 2013 : du Refuge de la Perdrix (2.312  au gite Le Moulin à Rieutort (1.517 m) soit 17,600 km pour un dénivelé de 1.080 m et des montées cumulées de 790 m. Point culminant : Le Madres (2.469 m) – Point le plus bas : Le pont de la Farga (1.400 m)

 

Bien que Fred et Jérôme aient alimenté le poêle au maximum et le plus longtemps possible, dès lors que l’on a cessé de l’entretenir, la température a rapidement chuté. La nuit est glaciale mais heureusement nous avions prévu cette éventualité. Les sacs de couchage plus des vêtements chauds sont suffisants pour ne pas avoir trop froid. En tous cas, je ne grelotte pas et seules les extrémités de mes mains et de mes pieds réclament plus de chaleur malgré deux paires de gants, deux paires de chaussettes et des petites bouillottes portatives mais malheureusement éphémères dans la durée. Mais connaissant bien cet inconvénient circulatoire sanguin qu’on appelle « froideur des extrémités », je sais qu’il n’y a pas grand-chose à faire de plus, si ce n’est juste à surveiller dans le cas de nouveaux symptômes ou si les anciens s’amplifient. J’ose espérer que mes compagnons n’ont pas ce problème. En pleine nuit, un besoin urgent m’envoie hors du refuge et je suis assez surpris de constater qu’il ne fait guère plus froid dehors qu’à l’intérieur du refuge. Le vent est presque complètement tombé et seule une brise légère balaie la crête. Le panorama est incroyable et si ce n’était pas la faiblesse de la température, je resterais sans doute bien plus longtemps à observer cette grandiose et merveilleuse splendeur. Eclairée par un croissant de lune, une longue chape nuageuse rougeâtre s’étend devant moi, si ce n’est à perte de vue au moins jusqu’à la Méditerranée que j’aperçois comme une tache bien plus claire par rapport au reste de l’horizon bien plus sombre. Ce reste d’horizon, j’imagine qu’il s’agit sans doute des Albères et de la Plaine du Roussillon. Sous cette longue ouate nébuleuse, le ciel est très clair dévoilant la silhouette des principales montagnes que je connais et qui paraissent bien plus proches : Canigou et Coronat au premier chef. De toute la Plaine du Roussillon et venant du sol, en tous cas de sa partie visible, des millions de scintillements jaunâtres semblent s’ajouter à cette clarté céleste.  C’est très beau et pendant un instant, l’éventualité d’aller chercher mon appareil photo pour figer ce spectacle me vient à l’esprit. Mais non, je préfère rester là à contempler et surtout je ne veux pas réveiller mes amis et je zappe aussitôt cette idée. En contrebas, le lac d’Evol me démontre que sa réputation de « Gorg Negre » n’est pas usurpée.  Seul un faible croissant de lune se reflète dans ses eaux noires. Quand un nuage cache cette tranche de lune, plus rien ne luit à sa surface et tel un puits sans fond, seul le contour de ses rives boisées encore plus sombres que lui reste visible. Pour quelqu’un croyant à toutes les sornettes que l’on raconte à son propos, cette vision ténébreuse et plutôt sinistre rajouterait sans doute encore un peu plus de phobie. Moi pas. Si j’ai toujours aimé les légendes pour leurs côtés mystérieux, leurs aspects trop souvent mystiques me font plutôt rigoler. C’est le cas ici où les fables les plus farfelues, sources de profondes terreurs auprès des gens du pays sont paraît-il légions : « jeter un pierre dans ses eaux engendrerait une tempête…., les truites pêchées seraient des démons qui s’enfuiraient par les cheminées dès lors qu’on tenterait de les faire cuire…., d’incroyables trésors y seraient enfouis et tenter de les récupérer serait synonyme d’orages funestes….., ses fonds lugubres seraient le palais des diables…..des fées et des sorcières seraient à l’origine de la création des trois lacs, etc….. ». Voilà en résumé ce qu’il se raconte du « Gorg Negre » et parfois des deux autres lacs que sont le Gorg Estelat et le Gorg Bleu. Ce n’est donc pas l’appréhension qui me fait réintégrer le refuge mais seulement le froid que je trouve bien trop cinglant. Cette froidure me rappelle qu’un chaud duvet m’attend à l’intérieur. J’oublie très vite cette vision lugubre du lac et Morphée m’entraîne vers elle avec essentiellement ces superbes et étranges tableaux enluminés que j’ai eus devant les yeux. Le plus grand des bonheurs est d’avoir pu observer un panorama aussi lointain et dégagé, chose que nous n’avons jamais pu avoir depuis notre arrivée sur cette crête des Gourgs. En effet, l’horizon a été désespérément bouché par du brouillard ou des nuages qui passaient tels de longs chapelets sans fin.  Dans ma tête, je me dis que c’est peut-être les premiers indices d’une météo bien plus clémente que celle que nous avons connue hier et je m’endors avec cette bienheureuse espérance. Vers 8 heures du matin, le froid bien plus vif encore que dans la nuit me réveille. Personne n’est encore debout,  alors je reste longtemps blotti dans mon duvet à chercher en vain un peu de tiédeur. Le pire est toujours au bout de mes membres et j’ai l’impression que je ne sens plus leurs extrémités. J’attends que mes compagnons se réveillent complètement car j’en entends certains se tourner et se retourner dans leurs sacs de couchage cherchant sans doute eux aussi un peu de chaleur.  Avec le bout de tous mes doigts aussi réfrigérés et n’y tenant plus, je me lève le premier et je vois que Fred est réveillé lui aussi. La tête complètement dissimulée sous le capuchon de son sac, seul son visage apparaît et dans cet accoutrement, il ressemble à un papillon voulant s’extraire de sa chrysalide. Je sors du refuge car pour réveiller mes pieds endoloris par le froid, il faut nécessairement que je marche un peu. J’emporte mon appareil photo avec moi car j’espère que le spectacle sera aussi beau que celui aperçu cette nuit. Mais si les vues sont presque aussi lointaines toutes les couleurs ont disparu. La chape nocturne rougeâtre est désormais d’un bleu grisâtre plutôt terne et peu de lumières scintillent au loin. Seul l’horizon a de jolies nuances hésitant entre le rose et le gris. Mais je continue à trouver ça beau car dans ce jour naissant, mon regard est désormais attiré par la surface du Gorg Negre qui commence à miroiter sous les premières lueurs de l’aube. Il n’a plus rien de semblable avec le lac noir et mystérieux que j’ai observé cette nuit. Il est devenu le lac d’Evol. Tout comme hier matin à Matemale, le ciel est scindé en deux, mais cette fois les rôles sont inversés. Devant le refuge, le Conflent est chapeauté de nombreux nuages, certains très longs, gris ou blancs et d’autres plus petits et épars selon la direction dans laquelle je regarde. Derrière, c'est-à-dire vers le Capcir, un ciel encourageant semble hésiter entre un bleu dur très prometteur et un blanc laiteux que les premiers rayons du soleil ont du mal à colorer. Une fois encore, la direction à prendre est celle du beau temps et c’est encourageant même si hier je m’étais fait la même réflexion mais sans la réussite escomptée. En entrant dans le refuge, je suis néanmoins ravi d’annoncer cette excellente nouvelle à tout le monde. Fred a pris la peine de rallumer le poêle et une agréable chaleur commence à envahir la pièce. Jérôme est réveillé mais il est toujours perché sur son bat-flanc supérieur, déjà occupé à ranger son couchage.  Cathy est attablée et a entamé son petit déjeuner. Grâce à des petites boîtes de lait sucré, quelques galettes moelleuses et un jus de fruit, le mien est vite expédié et aussitôt après je me met à ranger mes affaires et mon sac à dos. Tout le monde fait de même et après un peu de ménage vite bâclé, nous sortons du refuge en file indienne, direction le pic du Madres. Un petit vent glacial s’est levé et avant de démarrer, nous jugeons utile d’enfiler nos gants et de nous encapuchonner dans nos vestes. Pendant un instant, nous longeons le bord du cirque au fond duquel nous apercevons le petit Gorg Blau (Lac Bleu) et celui plus vaste et en forme de haricot du Gorg Estelat que l’on appelle plus communément le lac de Nohèdes ou Lac Etoilé.  Ces décors ne me laissent pas indifférent. Je m’arrête un instant. En regardant ce dernier lac et ses rives, les souvenirs de ma deuxième étape sur le Tour du Coronat de 2007 émergent de ma mémoire : mon arrivée avec un groupe de vététistes espagnols, masculins et féminins. Ils avaient galéré dans les tourbières pour trouver le lac et je leur avais dit de me suivre pour accomplir les derniers mètres. Ils m’avaient demandé de les photographier avec vue sur le lac. Puis nous étions partis dans des directions opposées. Eux avaient pris la direction de l’ancien canal de Jujols alors que moi, j’avais décidé de faire le tour du lac pour partir à sa découverte. Avec mon gros sac à dos, je me souviens avoir galéré comme jamais dans les énormes pierriers de sa rive nord. Je me souviens aussi des couleurs extraordinaires que les rhododendrons roses et les flamboyants genêts composaient en se reflétant dans les eaux calmes du lac bleuté. Bleu, rose et jaune, cette incroyable palette de couleurs est toujours restée dans ma tête comme une des plus belles images de ce Tour du Coronat. Sur la rive ouest, là même où les eaux du Gorg Blau se déversent, j’avais trouvé une petite grève de sable fin avec une eau si limpide que je n’avais pas pu résister à y faire un peu de toilette. La toilette s’était rapidement transformée en une baignade dans le plus simple appareil. Un bain ô combien glacial mais nécessaire et qui m’avait définitivement revigoré et mis en forme pour le restant de la journée. Cette deuxième journée s’était poursuivie vers le lac d’Evol, le col du Portus et retour à Jujols, d’où j’étais parti la veille au matin. C’était mes deux premières étapes de ce Tour du Coronat qui allait en compter six et que j’avais intitulé « Des Merveilles au pays d’Alysse » à cause de l’ « Alyssum pyrenaicum » ou Alysson des Pyrénées, cette fleur relictuelle que l’on ne trouve que dans les falaises du Mont Coronat et nulle part ailleurs dans le monde. Les botanistes qui adorent le latin et les mots compliqués lui ont donné le nom de « Hormathophylla pyrenaica ». Voilà ce que ces deux lacs me rappellent à cet instant : des moments d’une randonnée solitaire mais merveilleuse et de surcroît avec quelques rencontres qui l’avaient rendu inoubliable. Des moments à la fois de joie et de solitude où l’on peut se remettre en question ? Qu’ai-je fait de bien et de mal ? Je me remets en route. Le lac disparaît soudain de mon regard et avec lui mes vieux souvenirs. Mes compagnons ont déjà pris pas mal d’avance. Sur la crête caillouteuse, le Madres fait son apparition avec encore un beau névé accroché à son flanc sud. Je connais bien cet itinéraire pour l’avoir déjà accompli depuis le col de Sansa et en boucle par la Coume de Ponteils et le Serrat de l’Ours. A partir d’ici, la déclivité est plutôt modeste mais dans ma tête, je me souviens de cette belle difficulté rocheuse qu’il y a entre le Roc Nègre (2.459 m) et le Madres (2.469 m) que les montagnards du cru appelle le « Malpas », c’est à dire le « mauvais passage ». Sur la carte I.G.N, elle apparaît sous la dénomination de « Clos Tort », que l’on traduit du catalan en « enclos tortueux ».  Ici, les randonneurs sujets au vertige sont priés d’oublier leur indisposition tant le sentier est étroit, abrupt et en équilibre au dessus d’un vide assez impressionnant. Je l’appréhende. J’ai déjà prévenu mes amis mais ça n’a pas eu l’air de les impressionner plus que ça. A l’approche du Clot Rodon, un isard s’enfuit devant nous et prend la même direction que celle que nous allons prendre. Il disparaît dans les rochers. Cathy, Fred et Jérôme amorcent la pente plutôt douce à cet endroit à une bonne cadence alors que mon cœur s’emballe. Mon vieux moteur diesel a un mal fou à trouver la bonne carburation. Il faut dire que la température sans doute proche de zéro ne fait rien pour m’aider et je suis vraiment frigorifié et comme toujours un maximum de froideur au bout de mes mains, de mes pieds mais de mon nez aussi. Telles de fines bougies accrochées à un sapin de Noël, de longs glaçons pendent aux branches de petits pins chétifs, c’est dire si la nuit a été froide par ici.  Je suis rapidement largué mais Jérôme s’arrête souvent pour m’attendre mais quand j’arrive à sa hauteur, le voilà qui repart et moi inévitablement, je m’arrête un peu plus longtemps pour calmer mes palpitations. Je monte à mon rythme et ce rythme-là me convient. En outre, je sais qu’après cette ascension du Madres, les descentes prendront le relais sinon jusqu’à l’arrivée au moins jusqu’à Puyvalador. Avant le sommet du Roc Nègre, Cathy et Fred sont là à m’attendre et je m’en veux un peu de savoir qu’ils m’ont attendus dans ce froid et avec ce vent polaire qui nous glacent le corps. Depuis la crête, les vues s’entrouvrent magnifiquement sur une immense partie de l’Aude et de l’Ariège. Depuis notre démarrage, un épais matelas nuageux est monté du fin fond des vallées du Bas-Conflent et c’est soudain immobilisé créant ainsi une véritable mer de nuages. Le plus épais recouvre la Vallée de la Castellane. C’est marrant car en 2007, lors de mon Tour du Coronat, j’avais connu les mêmes phénomènes climatiques lors des deux premiers jours. La première fois à Jujols et la seconde fois au campement de l’Estany del Clot, au bord duquel j’avais passé la nuit sous ma tente. J’étais très longtemps resté scotché à regarder les lents mouvements de cet extraordinaire moutonnement nuageux ressemblant aux flots déchaînés d’un océan mais qu’on aurait cru comme filmé au ralenti. Peu après ce joli spectacle, le fameux passage difficile du Clos Tort se présente. Par bonheur, il s’effectue sans problème et une fois encore, en s’engageant la première, alors qu’elle n’a aucune connaissance des obstacles qui l’attendent, Cathy démontre toute son agilité et la facilité qu’elle a à gravir les passages les plus périlleux sans aucune appréhension.  Jérôme passe en second et tout au long de l'hésitante escalade, je le suis quasiment comme son ombre. J’avoue qu’avec mon gros sac, je ne suis pas vraiment rassuré mais en tous cas, je n’ai pas le vertige.  Il faut dire que j’évite de m’arrêter pour regarder derrière moi. Fred ferme la marche et une fois les difficultés franchies, il reconnaît lui aussi que ce couloir étroit et très abrupt avec le vide sous les pieds n’est pas si commode que ça. L’arrivée de Fred au sommet est pour moi un vrai soulagement car je sais que nous en avons terminé avec les difficultés, au moins pour aujourd’hui. Pour avoir étudié la totalité du parcours du Tour du Capcir, je n’ai pas connaissance qu’il y en ait d’autres même si à proximité du lac d’Aude, un autre lieu-dit a également pour nom « Malpas ». Du coup, la suite bien plus praticable vers le Madres et son fameux orri est pour moi une quasi promenade. Ce tronçon est d’autant plus agréable qu’en contrebas, côté Vallon de la Balmette et Salt del Bourro, de nombreux isards paissent tranquillement sur les pelouses d’altitude. Voir des animaux sauvages est suffisamment rare pour que l’on passe un long moment à les observer même si le carcanet est toujours là, violent et froid. A cause de ce vent et de la distance, j’éprouve les pires difficultés à les photographier convenablement et ce, malgré la puissance du zoom de mon appareil photo. Il faut dire que la violence du vent ne me facilite pas la tâche car j’ai un mal fou à garder l’équilibre et à ne pas trembler dans mes prises de vues. En arrivant au sommet du Madres et devant l’orri qui le matérialise, je suis surpris d’apprendre que deux hommes, qui bivouaquent encore devant l’entrée, y ont passé la nuit. Sur le moment, je pense qu’avec notre « bon » poêle, nous avons été bien mieux lotis dans notre minuscule refuge. On échange quelques banalités avec eux en grignotant des fruits secs et des barres de céréales puis on immortalise notre arrivée à ce remarquable sommet par une photo de notre petit groupe. Emmitouflés comme nous le sommes, nous ressemblons à des alpinistes au sommet de l’Everest et pourtant nous ne sommes qu’à 2.469 mètres d’altitude. Il faut dire que le Madres, c’est déjà le point culminant de ce Tour du Capcir, alors c’est sans doute un peu notre Himalaya à nous. Il ne manque que la neige. Ce début de matinée venteuse et froide n’est pas étrangère à cette vision des choses mais la journée s’annonce assez magique et en tous cas conforme aux prévisions météo. Le soleil et le ciel bleu semble vouloir s’installer durablement et j’en suis le premier ravi. Les bonnes prévisions ont eu un jour de retard, voilà tout. A aucun moment, je n’ai imaginé qu’un orage puisse survenir. Les mois de juillet et d’août sont déjà derrière nous et pour moi, la saison des orages violents et fugitifs qu’il y a souvent sur ce massif est passée. Il y a quelques années, j’y ai vu tomber des flocons, de manière éphémère il est vrai, mais en plein mois d’août.  Les paysages à 360 degrés sont époustouflants même si deci delà quelques nuages épars restent accrochés à des reliefs. En contrebas, sur la Jasse de Guissotte, là même où le Ponteils prend sa source dans les nombreuses tourbières, Jérôme aperçoit d’autres cervidés. On en distingue également sur les crêtes du côté du Col des Gavaches mais avec la distance qui nous en sépare, il est impossible de discerner de quels cervidés il s’agit. Ici, il y a des isards, des cerfs, des mouflons de Corse réintroduits ou bien encore des chevreuils, encore que les chevreuils en troupeau soient assez rarissimes. Tous sont très présents dans ce massif et j’ai même lu dans un récent « Pyrénées Magazine », que le Massif du Madres est le lieu des Pyrénées où les spécialistes en ont recensé le plus : 4.000 cervidés sont présents dans le Capcir selon la revue. Quand au bouquetin des Pyrénées, il y a déjà longtemps qu’il a disparu de nos montagnes, sa chasse ayant eu raison de sa robustesse légendaire. Les bouquetins que l’on pourrait voir ont été réintroduits eux aussi comme les mouflons et les marmottes, celles visibles étant d’origine alpine et réintroduite en 1948. Oui, le Massif du Madres est un haut-lieu de la faune sauvage et il n’est donc pas étonnant qu’on y ait aperçu des ours, des loups et que les chats sauvages y soient bien présents sans compter bien sûr les sangliers et les renards roux. Nous quittons le sommet du Madres et prenons la direction de son flanc nord-ouest que l’on appelle le Serrat des Clotes. Le sentier tout en descente est très bon et file agréablement au milieu d’une végétation rase faite de minuscules bruyères et de graminées naines. Ici, les seuls arbres sont quelques pins rabougris très disséminés. Malgré la qualité du sentier peu caillouteux et tout en descente, une fois encore je suis décroché, d’abord parce que Cathy marche à un rythme incroyablement rapide mais surtout parce que le petit vent glacial qui balaie la montagne me fait constamment pleurer. Mes yeux larmoient sans cesse et de ce fait, je suis dans l’incapacité de voir où je mets mes pieds.  Jérôme qui s’arrête régulièrement pour m’attendre ne comprend pas pourquoi je marche si lentement et je suis contraint de lui demander de s’arrêter pour lui expliquer. Après les avoir freinés dans les montées, voilà que maintenant je les retarde aussi dans les descentes. Je m’en veux. A la fin d’un dôme herbeux, le grand « V » bleu du lac de Puyvalador fait son apparition au fond de la verdoyante vallée de l’Aude. Au dessus de cette profonde vallée, les forêts domaniales étalent leur longue toison olivâtre. Un peu plus haut encore, tout n’est que minéralité. Devant nos yeux contemplatifs et dans une succession sans fin de sommets plus ou moins hauts, la chaîne pyrénéenne forme l’horizon. Parmi les quelques sommets que j’ai eu l’occasion de gravir, seule la pyramide du Carlit est vraiment reconnaissable. L’été est passé et a fait disparaître la quasi totalement des névés et seules quelques neiges éternelles subsistent anarchiquement sur les parties les plus élevées et les plus ombragées sans doute. Après être entrés dans une zone d’estives où quelques vaches somnolent, nous coupons une piste. Ici, les prairies essentiellement herbeuses laissent un peu de place à de petits bosquets plantés de pins. Un panonceau indicatif mentionnant Espousouille à 3h20 nous donne une petite idée du temps de marche approximatif restant. A cette altitude, quelques plantes fleuries font de la résistance. Après la grisaille d’hier, c’est un plaisir de découvrir quelques touches de couleurs : le rose des épilobes et de quelques gros chardons, la blanc ou le mauve d’œillets de Montpellier magnifiquement dentelés, le jaune et le bleu des aconits. Le sentier est plus caillouteux mais paradoxalement il file dans des décors plus charmants car moins monotones. Cathy vient d’arriver la première au petit abri du Refuge Oller (1.630 m) et elle semble bien décidée à poursuivre quand Jérôme et Fred l’arrêtent dans son élan car il est déjà 12h30 et leurs estomacs doivent certainement crier famine. Le mien aussi. Nous décidons de stopper là pour pique-niquer et pour moi c’est une vraie délivrance car en arrêtant de marcher mes yeux s’arrêtent aussitôt de larmoyer. L’endroit est agréable, herbeux à souhait et en plus les vues en balcon sur la vallée sont superbes.  Nous y restons environ une heure, la plupart du temps couchés, car l’herbe est tendre, le ciel est bleu et les rayons du soleil sont suffisamment chauds pour envisager un semblant de sieste. En quittant le refuge Oller, le sentier tout en descente entre immédiatement dans un sombre sous-bois et pour moi, l’aspect agréable est que mes yeux ne pleurent plus. Ici, aux Planches d’en Jaquet, on voit clairement qu’un palier végétatif vient d’être atteint. C’est d’ailleurs l’impression générale que l’on a car tout autour de nous, la forêt est omniprésente. Les bois où nous marchons sont plus denses, les arbres plus hauts avec de nombreux grands résineux mais aussi quelques hauts feuillus. Peu après, on entend le bruit d’un petit ruisseau qui s’écoule et depuis la Font de la Perdrix, c’est le premier « rec » actif que l’on rencontre. Un coup d'oeil sur mon bout de carte et c'est bien le Rec du Roc Mari, escarpement rocheux isolé en forme de protubérance et entourée de pierriers que nous avons longtemps aperçu sur notre gauche.  L’étroit sentier s’élargit soudain se transformant en un chemin bien plus praticable lequel devient très rapidement une large piste forestière. Là, nous sommes arrivés en surplomb de la cabane du Bécet (1.560 m). En observant la carte I.G.N, il est évident que quel que soit l’itinéraire que l’on va choisir pour rejoindre Puyvalador,  seules des pistes forestières nous attendent et parmi les deux possibles, toutes les deux se terminent sur la digue du barrage. Il y a celle filant vers Odello Réal et celle dite de Serrallongua que Jérôme a enregistrée dans son G.P.S et qui arrive directement au bord de l’Aude au lieu-dit le Pont de la Fargua.  C’est cette dernière que nous choisissons et bien que ne connaissant pas l’autre, autant dire que celle de Serrallongua porte parfaitement son nom. Je la trouve très longue et fastidieuse cette piste et sans doute que je ne suis pas le seul dans ce cas. Comme souvent et pour passer le temps, je photographe tous et n’importe quoi : vaches, fleurs, insectes et papillons, tout y passe. L’arrivée au barrage de Puyvalador réveille quelques récents souvenirs car il y a moins de 15 jours, j’y suis venu avec Dany pour une randonnée consistant à faire le tour de son lac. C’est donc tout frais et je n’ai plus rien à découvrir que je ne connaisse déjà. Seule la météo est plus favorable et le lac un peu plus plein que lors de notre récente venue. Je prends quelques photos. On traverse la digue du barrage, toujours occupée par une ribambelle de martinets puis l’on monte vers le village de Puyvalador que l’on rejoint très rapidement. Ici, pour l’avoir accompli en voiture, je connais la distance qu’ils nous restent à parcourir : 3 kilomètres mais essentiellement sur de l’asphalte et tous les quatre, nous avons horreur de ça. On quitte Puyvalador et sa charmante église en empruntant la petite D.32g se dirigeant vers le hameau de Rieutort. Nous y sommes attendus au gîte Le Moulin. Au travers de grandes prairies et des paysages très amples eux aussi, la petite route est moins lassante que je ne l’avais imaginée. Il faut dire que quelques petits rapaces planant dans le ciel attirent sans cesse l’objectif de mon numérique. Par chance, un d’entre eux se pose sur un pin.  15h50, en entrant dans Rieutort, j’ai le sentiment de pénétrer dans un village qui a été déserté de tous ses habitants. Personne. Tout est silencieux, Seuls le bruit du ruisseau de Cirerol et la gazouillis de quelques passereaux se font entendre. Heureusement, Alex et Sia, les propriétaires du gîte sont bien présents. Ils sont chaleureux et formidables avec nous. Le lieu est charmant et reposant, les chambres sont parfaites et le grand calme que j’avais observé à mon arrivée s’avère être un atout indéniable pour trouver le repos auquel certains d’entre nous aspirent, moi le premier. Après les douches indispensables, Cathy se repose dans sa chambre pendant que Jérôme et Fred profitent des chaises longues du jardin fleuri et ensoleillé. De mon côté, appareil photo en bandoulière, je pars à la découverte du village qui s’avère bien plus grand que je ne l’avais supposé. Il faut dire que si le hameau a vécu un exode rural au milieu du siècle précédent, il n’en a pas toujours été ainsi. La taille de certains bâtiments, école et mairie par exemples, sont là pour prouver que Rieutort a eu ses heures de gloire et un nombre d’habitants bien plus important que de nos jours. La soirée, ponctuée d’un succulent repas avec formule table d’hôtes est des plus agréables. Alex et Sia se mettent en quatre pour nous satisfaire. Alex, en plus de son labeur d'aubergiste, est un fou de nature, moniteur de ski et guide de randonnées à ses heures. C’était un fana de pêche en mer et en rivière et il aime beaucoup la photo. Sur les murs du gîte, on peut découvrir de nombreuses photos relatant ses exploits et ses trophées halieutiques. De ce fait, nous avons de nombreux atomes crochus pour nous entendre et aucun problème pour trouver facilement des sujets de conversation. Sia est plus timide, excellente cuisinière et très captivante également quand elle parle de gastronomie et de la vie au gîte qu’elle semble affectionner.  En plus des charmants propriétaires, un couple sympathique s’est joint à nous lors du repas. La femme écrit des romans et de ce fait, les causeries s’en trouvent facilitées. La fin de la soirée tire agréablement en longueur mais pour la plupart d’entre nous, la nuit précédente a été peu réparatrice et l’envie d’aller nous coucher arrive bien plus vite que nous le souhaiterions. Nous pensons déjà à la très longue étape de demain. Ajoutons à cela les 17 kilomètres de l’étape d’aujourd’hui, le bon air du Madres et du Capcir, un bon et vrai lit qui nous attend et tout est en place pour une nuit qui s’annonce bien plus douce et régénératrice que la précédente. 11 heures, la raison l’emporte et nous partons nous coucher car dès le lendemain, la plus longue et plus difficile étape de ce Tour du Capcir nous attend. 28 kilomètres pour atteindre les Bouillouses et surtout une très longue montée par la Vallée du Galbe jusqu’au Camporells. Adorant l’Histoire, la toponymie et n’aimant pas « marcher idiot », autant qu’il est possible, j’ai appris que Les Camporells étaient les « champs des rois ». Ces rois, c’était ceux d’Aragon et de Majorque qui avaient fait du Capcir leur lieu de villégiature et de Formiguères leur résidence d’été. En réalité, le village a surtout servi à soigner l’asthme dont souffrait le roi Sanche 1er, roi de Majorque de 1299 à 1324. Quant aux Camporells, c’était son lieu de prédilection pour venir y chasser les isards, les cerfs et autres chevreuils. Il est mort ici à Formiguères à l’âge de 48 ans. En 1920, le prince Albert 1er de Monaco a, à sa manière, perpétué cette tradition puisqu’il était également un habitué des lieux appréciant le secteur des Camporells qu’il avait loué pour venir y chasser et y pêcher. Avant de m’endormir, je me remets à penser à cette révélation que j’ai eu avec Blek le Roc. A ma mère bien sûr, puisque c’est elle qui m’a permis de lire ces bandes dessinées. Mes pensées s’enchainent les unes aux autres. Ma mère, mon enfance, Blek le Roc. Ma mère est dans un service spécialisé Alzheimer d’une maison de retraite depuis 5 ans déjà et c’est bien rare que lors d’une randonnée sur plusieurs jours, je ne pense pas à elle plusieurs fois. Plusieurs fois et le plus souvent avec tristesse,  tant je trouve la fin de sa vie si injuste. L’aspect solitaire de la randonnée et les efforts à accomplir me font souvent sortir de mes pensées habituelles et quotidiennes, et de ce fait, il m’arrive très souvent de songer au temps passé et aux êtres chers qui ne sont plus de ce monde. Ce monde, ma mère n’en fait déjà plus partie. Avec la maladie d’Alzheimer, elle a basculé dans un autre univers.  Grâce à elle et depuis hier, le nom de Blek le Roc est revenu à la surface de mes souvenirs. S’il n’est pas revenu dans la journée, c’est probablement parce que l’étape d’aujourd’hui ne présentait aucune difficulté. Désormais, je n’ai plus aucun doute, ce personnage de bande dessinée est définitivement lié à mon amour pour la randonnée pédestre. Je ne sais pas pourquoi, je n’y avais jamais pensé auparavant. Me remémorer tout ça et mon enfance me rend triste car bien sûr ça me renvoie à ma mère et pourtant je suis super heureux d’être là et de marcher avec Jérôme et ses amis Cathy et Fred. Alors j’essaie de penser à autre chose mais les souvenirs bons et mauvais reviennent sans cesse et parfois se chevauchent. Avant de m’endormir, me viennent à l’esprit des questions parfois stupides.  Je me demande par exemple si Blek le Roc aurait pu s’entendre avec les rois de Majorque, eux, dont le quotidien était les guerres pour conserver leurs pouvoirs, pour étendre leur immense royaume.  Je n’ai pas la réponse. Blek, c’était d’abord un héros au grand cœur, un Robin des Bois à la sauce américaine, un être épris de justice et de liberté dont le seul objectif était de vaincre les Anglais. Les « homards rouges » comme il les appelait à cause de leurs uniformes. Il se battait pour que les Etats-Unis accèdent à leur Indépendance et non pas pour étendre un royaume voire un empire. Suis-je encore éveillé ? Suis-je déjà dans un rêve ? Les pensées concernant mon enfance se mélangent au temps présent. Elles oscillent entre la chance que j’ai d’être là et les êtres qui m’étaient chers et dont j’aurais tant aimé qu’ils soient avec moi. Je voudrais bien n’être que positif mais Blek le Roc me ramène parfois à des souvenirs plus tragiques. Ma mère encore et toujours, mais mon frère aîné Daniel aussi. En pensant à Blek le Roc, je me souviens qu’il cachait mes bandes dessinées uniquement pour me taquiner. Il est décédé à l’âge de 46 ans et dieu sait si l’avoir avec moi au cours de cette randonnée aurait été merveilleux.

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Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 5 musiques d'Ennio Morricone extraites d'une complilation intitulée "Relaxing Moment". Elles ont pour titre : "C'era Una Volta Il West", "Il Colore Dei Suoi Occhi", "Nuovo Cinema Paradiso", "Irene Gli Intoccabili""Tema Di Ada"

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.

 


 

2eme étape – 12 septembre 2013 : du Refuge de la Perdrix (2.312  au gite Le Moulin à Rieutort (1.517 m) soit 17,600 km pour un dénivelé de 1.080 m et des montées cumulées de 790 m. Point culminant : Le Madres (2.469 m) – Point le plus bas : Le pont de la Farga (1.400 m)

 

Bien que Fred et Jérôme aient alimenté le poêle au maximum et le plus longtemps possible, dès lors que l’on a cessé de l’entretenir, la température a rapidement chuté. La nuit est glaciale mais heureusement nous avions prévu cette éventualité. Les sacs de couchage plus des vêtements chauds sont suffisants pour ne pas avoir trop froid. En tous cas, je ne grelotte pas et seules les extrémités de mes mains et de mes pieds réclament plus de chaleur malgré deux paires de gants, deux paires de chaussettes et des petites bouillottes portatives mais malheureusement éphémères dans la durée. Mais connaissant bien cet inconvénient circulatoire sanguin qu’on appelle « froideur des extrémités », je sais qu’il n’y a pas grand-chose à faire de plus, si ce n’est juste à surveiller dans le cas de nouveaux symptômes ou si les anciens s’amplifient. J’ose espérer que mes compagnons n’ont pas ce problème. En pleine nuit, un besoin urgent m’envoie hors du refuge et je suis assez surpris de constater qu’il ne fait guère plus froid dehors qu’à l’intérieur du refuge. Le vent est presque complètement tombé et seule une brise légère balaie la crête. Le panorama est incroyable et si ce n’était pas la faiblesse de la température, je resterais sans doute bien plus longtemps à observer cette grandiose et merveilleuse splendeur. Eclairée par un croissant de lune, une longue chape nuageuse rougeâtre s’étend devant moi, si ce n’est à perte de vue au moins jusqu’à la Méditerranée que j’aperçois comme une tache bien plus claire par rapport au reste de l’horizon bien plus sombre. Ce reste d’horizon, j’imagine qu’il s’agit sans doute des Albères et de la Plaine du Roussillon. Sous cette longue ouate nébuleuse, le ciel est très clair dévoilant la silhouette des principales montagnes que je connais et qui paraissent bien plus proches : Canigou et Coronat au premier chef. De toute la Plaine du Roussillon et venant du sol, en tous cas de sa partie visible, des millions de scintillements jaunâtres semblent s’ajouter à cette clarté céleste.  C’est très beau et pendant un instant, l’éventualité d’aller chercher mon appareil photo pour figer ce spectacle me vient à l’esprit. Mais non, je préfère rester là à contempler et surtout je ne veux pas réveiller mes amis et je zappe aussitôt cette idée. En contrebas, le lac d’Evol me démontre que sa réputation de « Gorg Negre » n’est pas usurpée.  Seul un faible croissant de lune se reflète dans ses eaux noires. Quand un nuage cache cette tranche de lune, plus rien ne luit à sa surface et tel un puits sans fond, seul le contour de ses rives boisées encore plus sombres que lui reste visible. Pour quelqu’un croyant à toutes les sornettes que l’on raconte à son propos, cette vision ténébreuse et plutôt sinistre rajouterait sans doute encore un peu plus de phobie. Moi pas. Si j’ai toujours aimé les légendes pour leurs côtés mystérieux, leurs aspects trop souvent mystiques me font plutôt rigoler. C’est le cas ici où les fables les plus farfelues, sources de profondes terreurs auprès des gens du pays sont paraît-il légions : « jeter un pierre dans ses eaux engendrerait une tempête…., les truites pêchées seraient des démons qui s’enfuiraient par les cheminées dès lors qu’on tenterait de les faire cuire…., d’incroyables trésors y seraient enfouis et tenter de les récupérer serait synonyme d’orages funestes….., ses fonds lugubres seraient le palais des diables…..des fées et des sorcières seraient à l’origine de la création des trois lacs, etc….. ». Voilà en résumé ce qu’il se raconte du « Gorg Negre » et parfois des deux autres lacs que sont le Gorg Estelat et le Gorg Bleu. Ce n’est donc pas l’appréhension qui me fait réintégrer le refuge mais seulement le froid que je trouve bien trop cinglant. Cette froidure me rappelle qu’un chaud duvet m’attend à l’intérieur. J’oublie très vite cette vision lugubre du lac et Morphée m’entraîne vers elle avec essentiellement ces superbes et étranges tableaux enluminés que j’ai eus devant les yeux. Le plus grand des bonheurs est d’avoir pu observer un panorama aussi lointain et dégagé, chose que nous n’avons jamais pu avoir depuis notre arrivée sur cette crête des Gourgs. En effet, l’horizon a été désespérément bouché par du brouillard ou des nuages qui passaient tels de longs chapelets sans fin.  Dans ma tête, je me dis que c’est peut-être les premiers indices d’une météo bien plus clémente que celle que nous avons connue hier et je m’endors avec cette bienheureuse espérance. Vers 8 heures du matin, le froid bien plus vif encore que dans la nuit me réveille. Personne n’est encore debout,  alors je reste longtemps blotti dans mon duvet à chercher en vain un peu de tiédeur. Le pire est toujours au bout de mes membres et j’ai l’impression que je ne sens plus leurs extrémités. J’attends que mes compagnons se réveillent complètement car j’en entends certains se tourner et se retourner dans leurs sacs de couchage cherchant sans doute eux aussi un peu de chaleur.  Avec le bout de tous mes doigts aussi réfrigérés et n’y tenant plus, je me lève le premier et je vois que Fred est réveillé lui aussi. La tête complètement dissimulée sous le capuchon de son sac, seul son visage apparaît et dans cet accoutrement, il ressemble à un papillon voulant s’extraire de sa chrysalide. Je sors du refuge car pour réveiller mes pieds endoloris par le froid, il faut nécessairement que je marche un peu. J’emporte mon appareil photo avec moi car j’espère que le spectacle sera aussi beau que celui aperçu cette nuit. Mais si les vues sont presque aussi lointaines toutes les couleurs ont disparu. La chape nocturne rougeâtre est désormais d’un bleu grisâtre plutôt terne et peu de lumières scintillent au loin. Seul l’horizon a de jolies nuances hésitant entre le rose et le gris. Mais je continue à trouver ça beau car dans ce jour naissant, mon regard est désormais attiré par la surface du Gorg Negre qui commence à miroiter sous les premières lueurs de l’aube. Il n’a plus rien de semblable avec le lac noir et mystérieux que j’ai observé cette nuit. Il est devenu le lac d’Evol. Tout comme hier matin à Matemale, le ciel est scindé en deux, mais cette fois les rôles sont inversés. Devant le refuge, le Conflent est chapeauté de nombreux nuages, certains très longs, gris ou blancs et d’autres plus petits et épars selon la direction dans laquelle je regarde. Derrière, c'est-à-dire vers le Capcir, un ciel encourageant semble hésiter entre un bleu dur très prometteur et un blanc laiteux que les premiers rayons du soleil ont du mal à colorer. Une fois encore, la direction à prendre est celle du beau temps et c’est encourageant même si hier je m’étais fait la même réflexion mais sans la réussite escomptée. En entrant dans le refuge, je suis néanmoins ravi d’annoncer cette excellente nouvelle à tout le monde. Fred a pris la peine de rallumer le poêle et une agréable chaleur commence à envahir la pièce. Jérôme est réveillé mais il est toujours perché sur son bat-flanc supérieur, déjà occupé à ranger son couchage.  Cathy est attablée et a entamé son petit déjeuner. Grâce à des petites boîtes de lait sucré, quelques galettes moelleuses et un jus de fruit, le mien est vite expédié et aussitôt après je me met à ranger mes affaires et mon sac à dos. Tout le monde fait de même et après un peu de ménage vite bâclé, nous sortons du refuge en file indienne, direction le pic du Madres. Un petit vent glacial s’est levé et avant de démarrer, nous jugeons utile d’enfiler nos gants et de nous encapuchonner dans nos vestes. Pendant un instant, nous longeons le bord du cirque au fond duquel nous apercevons le petit Gorg Blau (Lac Bleu) et celui plus vaste et en forme de haricot du Gorg Estelat que l’on appelle plus communément le lac de Nohèdes ou Lac Etoilé.  Ces décors ne me laissent pas indifférent. Je m’arrête un instant. En regardant ce dernier lac et ses rives, les souvenirs de ma deuxième étape sur le Tour du Coronat de 2007 émergent de ma mémoire : mon arrivée avec un groupe de vététistes espagnols, masculins et féminins. Ils avaient galéré dans les tourbières pour trouver le lac et je leur avais dit de me suivre pour accomplir les derniers mètres. Ils m’avaient demandé de les photographier avec vue sur le lac. Puis nous étions partis dans des directions opposées. Eux avaient pris la direction de l’ancien canal de Jujols alors que moi, j’avais décidé de faire le tour du lac pour partir à sa découverte. Avec mon gros sac à dos, je me souviens avoir galéré comme jamais dans les énormes pierriers de sa rive nord. Je me souviens aussi des couleurs extraordinaires que les rhododendrons roses et les flamboyants genêts composaient en se reflétant dans les eaux calmes du lac bleuté. Bleu, rose et jaune, cette incroyable palette de couleurs est toujours restée dans ma tête comme une des plus belles images de ce Tour du Coronat. Sur la rive ouest, là même où les eaux du Gorg Blau se déversent, j’avais trouvé une petite grève de sable fin avec une eau si limpide que je n’avais pas pu résister à y faire un peu de toilette. La toilette s’était rapidement transformée en une baignade dans le plus simple appareil. Un bain ô combien glacial mais nécessaire et qui m’avait définitivement revigoré et mis en forme pour le restant de la journée. Cette deuxième journée s’était poursuivie vers le lac d’Evol, le col du Portus et retour à Jujols, d’où j’étais parti la veille au matin. C’était mes deux premières étapes de ce Tour du Coronat qui allait en compter six et que j’avais intitulé « Des Merveilles au pays d’Alysse » à cause de l’ « Alyssum pyrenaicum » ou Alysson des Pyrénées, cette fleur relictuelle que l’on ne trouve que dans les falaises du Mont Coronat et nulle part ailleurs dans le monde. Les botanistes qui adorent le latin et les mots compliqués lui ont donné le nom de « Hormathophylla pyrenaica ». Voilà ce que ces deux lacs me rappellent à cet instant : des moments d’une randonnée solitaire mais merveilleuse et de surcroît avec quelques rencontres qui l’avaient rendu inoubliable. Des moments à la fois de joie et de solitude où l’on peut se remettre en question ? Qu’ai-je fait de bien et de mal ? Je me remets en route. Le lac disparaît soudain de mon regard et avec lui mes vieux souvenirs. Mes compagnons ont déjà pris pas mal d’avance. Sur la crête caillouteuse, le Madres fait son apparition avec encore un beau névé accroché à son flanc sud. Je connais bien cet itinéraire pour l’avoir déjà accompli depuis le col de Sansa et en boucle par la Coume de Ponteils et le Serrat de l’Ours. A partir d’ici, la déclivité est plutôt modeste mais dans ma tête, je me souviens de cette belle difficulté rocheuse qu’il y a entre le Roc Nègre (2.459 m) et le Madres (2.469 m) que les montagnards du cru appelle le « Malpas », c’est à dire le « mauvais passage ». Sur la carte I.G.N, elle apparaît sous la dénomination de « Clos Tort », que l’on traduit du catalan en « enclos tortueux ».  Ici, les randonneurs sujets au vertige sont priés d’oublier leur indisposition tant le sentier est étroit, abrupt et en équilibre au dessus d’un vide assez impressionnant. Je l’appréhende. J’ai déjà prévenu mes amis mais ça n’a pas eu l’air de les impressionner plus que ça. A l’approche du Clot Rodon, un isard s’enfuit devant nous et prend la même direction que celle que nous allons prendre. Il disparaît dans les rochers. Cathy, Fred et Jérôme amorcent la pente plutôt douce à cet endroit à une bonne cadence alors que mon cœur s’emballe. Mon vieux moteur diesel a un mal fou à trouver la bonne carburation. Il faut dire que la température sans doute proche de zéro ne fait rien pour m’aider et je suis vraiment frigorifié et comme toujours un maximum de froideur au bout de mes mains, de mes pieds mais de mon nez aussi. Telles de fines bougies accrochées à un sapin de Noël, de longs glaçons pendent aux branches de petits pins chétifs, c’est dire si la nuit a été froide par ici.  Je suis rapidement largué mais Jérôme s’arrête souvent pour m’attendre mais quand j’arrive à sa hauteur, le voilà qui repart et moi inévitablement, je m’arrête un peu plus longtemps pour calmer mes palpitations. Je monte à mon rythme et ce rythme-là me convient. En outre, je sais qu’après cette ascension du Madres, les descentes prendront le relais sinon jusqu’à l’arrivée au moins jusqu’à Puyvalador. Avant le sommet du Roc Nègre, Cathy et Fred sont là à m’attendre et je m’en veux un peu de savoir qu’ils m’ont attendus dans ce froid et avec ce vent polaire qui nous glacent le corps. Depuis la crête, les vues s’entrouvrent magnifiquement sur une immense partie de l’Aude et de l’Ariège. Depuis notre démarrage, un épais matelas nuageux est monté du fin fond des vallées du Bas-Conflent et c’est soudain immobilisé créant ainsi une véritable mer de nuages. Le plus épais recouvre la Vallée de la Castellane. C’est marrant car en 2007, lors de mon Tour du Coronat, j’avais connu les mêmes phénomènes climatiques lors des deux premiers jours. La première fois à Jujols et la seconde fois au campement de l’Estany del Clot, au bord duquel j’avais passé la nuit sous ma tente. J’étais très longtemps resté scotché à regarder les lents mouvements de cet extraordinaire moutonnement nuageux ressemblant aux flots déchaînés d’un océan mais qu’on aurait cru comme filmé au ralenti. Peu après ce joli spectacle, le fameux passage difficile du Clos Tort se présente. Par bonheur, il s’effectue sans problème et une fois encore, en s’engageant la première, alors qu’elle n’a aucune connaissance des obstacles qui l’attendent, Cathy démontre toute son agilité et la facilité qu’elle a à gravir les passages les plus périlleux sans aucune appréhension.  Jérôme passe en second et tout au long de l'hésitante escalade, je le suis quasiment comme son ombre. J’avoue qu’avec mon gros sac, je ne suis pas vraiment rassuré mais en tous cas, je n’ai pas le vertige.  Il faut dire que j’évite de m’arrêter pour regarder derrière moi. Fred ferme la marche et une fois les difficultés franchies, il reconnaît lui aussi que ce couloir étroit et très abrupt avec le vide sous les pieds n’est pas si commode que ça. L’arrivée de Fred au sommet est pour moi un vrai soulagement car je sais que nous en avons terminé avec les difficultés, au moins pour aujourd’hui. Pour avoir étudié la totalité du parcours du Tour du Capcir, je n’ai pas connaissance qu’il y en ait d’autres même si à proximité du lac d’Aude, un autre lieu-dit a également pour nom « Malpas ». Du coup, la suite bien plus praticable vers le Madres et son fameux orri est pour moi une quasi promenade. Ce tronçon est d’autant plus agréable qu’en contrebas, côté Vallon de la Balmette et Salt del Bourro, de nombreux isards paissent tranquillement sur les pelouses d’altitude. Voir des animaux sauvages est suffisamment rare pour que l’on passe un long moment à les observer même si le carcanet est toujours là, violent et froid. A cause de ce vent et de la distance, j’éprouve les pires difficultés à les photographier convenablement et ce, malgré la puissance du zoom de mon appareil photo. Il faut dire que la violence du vent ne me facilite pas la tâche car j’ai un mal fou à garder l’équilibre et à ne pas trembler dans mes prises de vues. En arrivant au sommet du Madres et devant l’orri qui le matérialise, je suis surpris d’apprendre que deux hommes, qui bivouaquent encore devant l’entrée, y ont passé la nuit. Sur le moment, je pense qu’avec notre « bon » poêle, nous avons été bien mieux lotis dans notre minuscule refuge. On échange quelques banalités avec eux en grignotant des fruits secs et des barres de céréales puis on immortalise notre arrivée à ce remarquable sommet par une photo de notre petit groupe. Emmitouflés comme nous le sommes, nous ressemblons à des alpinistes au sommet de l’Everest et pourtant nous ne sommes qu’à 2.469 mètres d’altitude. Il faut dire que le Madres, c’est déjà le point culminant de ce Tour du Capcir, alors c’est sans doute un peu notre Himalaya à nous. Il ne manque que la neige. Ce début de matinée venteuse et froide n’est pas étrangère à cette vision des choses mais la journée s’annonce assez magique et en tous cas conforme aux prévisions météo. Le soleil et le ciel bleu semble vouloir s’installer durablement et j’en suis le premier ravi. Les bonnes prévisions ont eu un jour de retard, voilà tout. A aucun moment, je n’ai imaginé qu’un orage puisse survenir. Les mois de juillet et d’août sont déjà derrière nous et pour moi, la saison des orages violents et fugitifs qu’il y a souvent sur ce massif est passée. Il y a quelques années, j’y ai vu tomber des flocons, de manière éphémère il est vrai, mais en plein mois d’août.  Les paysages à 360 degrés sont époustouflants même si deci delà quelques nuages épars restent accrochés à des reliefs. En contrebas, sur la Jasse de Guissotte, là même où le Ponteils prend sa source dans les nombreuses tourbières, Jérôme aperçoit d’autres cervidés. On en distingue également sur les crêtes du côté du Col des Gavaches mais avec la distance qui nous en sépare, il est impossible de discerner de quels cervidés il s’agit. Ici, il y a des isards, des cerfs, des mouflons de Corse réintroduits ou bien encore des chevreuils, encore que les chevreuils en troupeau soient assez rarissimes. Tous sont très présents dans ce massif et j’ai même lu dans un récent « Pyrénées Magazine », que le Massif du Madres est le lieu des Pyrénées où les spécialistes en ont recensé le plus : 4.000 cervidés sont présents dans le Capcir selon la revue. Quand au bouquetin des Pyrénées, il y a déjà longtemps qu’il a disparu de nos montagnes, sa chasse ayant eu raison de sa robustesse légendaire. Les bouquetins que l’on pourrait voir ont été réintroduits eux aussi comme les mouflons et les marmottes, celles visibles étant d’origine alpine et réintroduite en 1948. Oui, le Massif du Madres est un haut-lieu de la faune sauvage et il n’est donc pas étonnant qu’on y ait aperçu des ours, des loups et que les chats sauvages y soient bien présents sans compter bien sûr les sangliers et les renards roux. Nous quittons le sommet du Madres et prenons la direction de son flanc nord-ouest que l’on appelle le Serrat des Clotes. Le sentier tout en descente est très bon et file agréablement au milieu d’une végétation rase faite de minuscules bruyères et de graminées naines. Ici, les seuls arbres sont quelques pins rabougris très disséminés. Malgré la qualité du sentier peu caillouteux et tout en descente, une fois encore je suis décroché, d’abord parce que Cathy marche à un rythme incroyablement rapide mais surtout parce que le petit vent glacial qui balaie la montagne me fait constamment pleurer. Mes yeux larmoient sans cesse et de ce fait, je suis dans l’incapacité de voir où je mets mes pieds.  Jérôme qui s’arrête régulièrement pour m’attendre ne comprend pas pourquoi je marche si lentement et je suis contraint de lui demander de s’arrêter pour lui expliquer. Après les avoir freinés dans les montées, voilà que maintenant je les retarde aussi dans les descentes. Je m’en veux. A la fin d’un dôme herbeux, le grand « V » bleu du lac de Puyvalador fait son apparition au fond de la verdoyante vallée de l’Aude. Au dessus de cette profonde vallée, les forêts domaniales étalent leur longue toison olivâtre. Un peu plus haut encore, tout n’est que minéralité. Devant nos yeux contemplatifs et dans une succession sans fin de sommets plus ou moins hauts, la chaîne pyrénéenne forme l’horizon. Parmi les quelques sommets que j’ai eu l’occasion de gravir, seule la pyramide du Carlit est vraiment reconnaissable. L’été est passé et a fait disparaître la quasi totalement des névés et seules quelques neiges éternelles subsistent anarchiquement sur les parties les plus élevées et les plus ombragées sans doute. Après être entrés dans une zone d’estives où quelques vaches somnolent, nous coupons une piste. Ici, les prairies essentiellement herbeuses laissent un peu de place à de petits bosquets plantés de pins. Un panonceau indicatif mentionnant Espousouille à 3h20 nous donne une petite idée du temps de marche approximatif restant. A cette altitude, quelques plantes fleuries font de la résistance. Après la grisaille d’hier, c’est un plaisir de découvrir quelques touches de couleurs : le rose des épilobes et de quelques gros chardons, la blanc ou le mauve d’œillets de Montpellier magnifiquement dentelés, le jaune et le bleu des aconits. Le sentier est plus caillouteux mais paradoxalement il file dans des décors plus charmants car moins monotones. Cathy vient d’arriver la première au petit abri du Refuge Oller (1.630 m) et elle semble bien décidée à poursuivre quand Jérôme et Fred l’arrêtent dans son élan car il est déjà 12h30 et leurs estomacs doivent certainement crier famine. Le mien aussi. Nous décidons de stopper là pour pique-niquer et pour moi c’est une vraie délivrance car en arrêtant de marcher mes yeux s’arrêtent aussitôt de larmoyer. L’endroit est agréable, herbeux à souhait et en plus les vues en balcon sur la vallée sont superbes.  Nous y restons environ une heure, la plupart du temps couchés, car l’herbe est tendre, le ciel est bleu et les rayons du soleil sont suffisamment chauds pour envisager un semblant de sieste. En quittant le refuge Oller, le sentier tout en descente entre immédiatement dans un sombre sous-bois et pour moi, l’aspect agréable est que mes yeux ne pleurent plus. Ici, aux Planches d’en Jaquet, on voit clairement qu’un palier végétatif vient d’être atteint. C’est d’ailleurs l’impression générale que l’on a car tout autour de nous, la forêt est omniprésente. Les bois où nous marchons sont plus denses, les arbres plus hauts avec de nombreux grands résineux mais aussi quelques hauts feuillus. Peu après, on entend le bruit d’un petit ruisseau qui s’écoule et depuis la Font de la Perdrix, c’est le premier « rec » actif que l’on rencontre. Un coup d'oeil sur mon bout de carte et c'est bien le Rec du Roc Mari, escarpement rocheux isolé en forme de protubérance et entourée de pierriers que nous avons longtemps aperçu sur notre gauche.  L’étroit sentier s’élargit soudain se transformant en un chemin bien plus praticable lequel devient très rapidement une large piste forestière. Là, nous sommes arrivés en surplomb de la cabane du Bécet (1.560 m). En observant la carte I.G.N, il est évident que quel que soit l’itinéraire que l’on va choisir pour rejoindre Puyvalador,  seules des pistes forestières nous attendent et parmi les deux possibles, toutes les deux se terminent sur la digue du barrage. Il y a celle filant vers Odello Réal et celle dite de Serrallongua que Jérôme a enregistrée dans son G.P.S et qui arrive directement au bord de l’Aude au lieu-dit le Pont de la Fargua.  C’est cette dernière que nous choisissons et bien que ne connaissant pas l’autre, autant dire que celle de Serrallongua porte parfaitement son nom. Je la trouve très longue et fastidieuse cette piste et sans doute que je ne suis pas le seul dans ce cas. Comme souvent et pour passer le temps, je photographe tous et n’importe quoi : vaches, fleurs, insectes et papillons, tout y passe. L’arrivée au barrage de Puyvalador réveille quelques récents souvenirs car il y a moins de 15 jours, j’y suis venu avec Dany pour une randonnée consistant à faire le tour de son lac. C’est donc tout frais et je n’ai plus rien à découvrir que je ne connaisse déjà. Seule la météo est plus favorable et le lac un peu plus plein que lors de notre récente venue. Je prends quelques photos. On traverse la digue du barrage, toujours occupée par une ribambelle de martinets puis l’on monte vers le village de Puyvalador que l’on rejoint très rapidement. Ici, pour l’avoir accompli en voiture, je connais la distance qu’ils nous restent à parcourir : 3 kilomètres mais essentiellement sur de l’asphalte et tous les quatre, nous avons horreur de ça. On quitte Puyvalador et sa charmante église en empruntant la petite D.32g se dirigeant vers le hameau de Rieutort. Nous y sommes attendus au gîte Le Moulin. Au travers de grandes prairies et des paysages très amples eux aussi, la petite route est moins lassante que je ne l’avais imaginée. Il faut dire que quelques petits rapaces planant dans le ciel attirent sans cesse l’objectif de mon numérique. Par chance, un d’entre eux se pose sur un pin.  15h50, en entrant dans Rieutort, j’ai le sentiment de pénétrer dans un village qui a été déserté de tous ses habitants. Personne. Tout est silencieux, Seuls le bruit du ruisseau de Cirerol et la gazouillis de quelques passereaux se font entendre. Heureusement, Alex et Sia, les propriétaires du gîte sont bien présents. Ils sont chaleureux et formidables avec nous. Le lieu est charmant et reposant, les chambres sont parfaites et le grand calme que j’avais observé à mon arrivée s’avère être un atout indéniable pour trouver le repos auquel certains d’entre nous aspirent, moi le premier. Après les douches indispensables, Cathy se repose dans sa chambre pendant que Jérôme et Fred profitent des chaises longues du jardin fleuri et ensoleillé. De mon côté, appareil photo en bandoulière, je pars à la découverte du village qui s’avère bien plus grand que je ne l’avais supposé. Il faut dire que si le hameau a vécu un exode rural au milieu du siècle précédent, il n’en a pas toujours été ainsi. La taille de certains bâtiments, école et mairie par exemples, sont là pour prouver que Rieutort a eu ses heures de gloire et un nombre d’habitants bien plus important que de nos jours. La soirée, ponctuée d’un succulent repas avec formule table d’hôtes est des plus agréables. Alex et Sia se mettent en quatre pour nous satisfaire. Alex, en plus de son labeur d'aubergiste, est un fou de nature, moniteur de ski et guide de randonnées à ses heures. C’était un fana de pêche en mer et en rivière et il aime beaucoup la photo. Sur les murs du gîte, on peut découvrir de nombreuses photos relatant ses exploits et ses trophées halieutiques. De ce fait, nous avons de nombreux atomes crochus pour nous entendre et aucun problème pour trouver facilement des sujets de conversation. Sia est plus timide, excellente cuisinière et très captivante également quand elle parle de gastronomie et de la vie au gîte qu’elle semble affectionner.  En plus des charmants propriétaires, un couple sympathique s’est joint à nous lors du repas. La femme écrit des romans et de ce fait, les causeries s’en trouvent facilitées. La fin de la soirée tire agréablement en longueur mais pour la plupart d’entre nous, la nuit précédente a été peu réparatrice et l’envie d’aller nous coucher arrive bien plus vite que nous le souhaiterions. Nous pensons déjà à la très longue étape de demain. Ajoutons à cela les 17 kilomètres de l’étape d’aujourd’hui, le bon air du Madres et du Capcir, un bon et vrai lit qui nous attend et tout est en place pour une nuit qui s’annonce bien plus douce et régénératrice que la précédente. 11 heures, la raison l’emporte et nous partons nous coucher car dès le lendemain, la plus longue et plus difficile étape de ce Tour du Capcir nous attend. 28 kilomètres pour atteindre les Bouillouses et surtout une très longue montée par la Vallée du Galbe jusqu’au Camporells. Adorant l’Histoire, la toponymie et n’aimant pas « marcher idiot », autant qu’il est possible, j’ai appris que Les Camporells étaient les « champs des rois ». Ces rois, c’était ceux d’Aragon et de Majorque qui avaient fait du Capcir leur lieu de villégiature et de Formiguères leur résidence d’été. En réalité, le village a surtout servi à soigner l’asthme dont souffrait le roi Sanche 1er, roi de Majorque de 1299 à 1324. Quant aux Camporells, c’était son lieu de prédilection pour venir y chasser les isards, les cerfs et autres chevreuils. Il est mort ici à Formiguères à l’âge de 48 ans. En 1920, le prince Albert 1er de Monaco a, à sa manière, perpétué cette tradition puisqu’il était également un habitué des lieux appréciant le secteur des Camporells qu’il avait loué pour venir y chasser et y pêcher. Avant de m’endormir, je me remets à penser à cette révélation que j’ai eu avec Blek le Roc. A ma mère bien sûr, puisque c’est elle qui m’a permis de lire ces bandes dessinées. Mes pensées s’enchainent les unes aux autres. Ma mère, mon enfance, Blek le Roc. Ma mère est dans un service spécialisé Alzheimer d’une maison de retraite depuis 5 ans déjà et c’est bien rare que lors d’une randonnée sur plusieurs jours, je ne pense pas à elle plusieurs fois. Plusieurs fois et le plus souvent avec tristesse,  tant je trouve la fin de sa vie si injuste. L’aspect solitaire de la randonnée et les efforts à accomplir me font souvent sortir de mes pensées habituelles et quotidiennes, et de ce fait, il m’arrive très souvent de songer au temps passé et aux êtres chers qui ne sont plus de ce monde. Ce monde, ma mère n’en fait déjà plus partie. Avec la maladie d’Alzheimer, elle a basculé dans un autre univers.  Grâce à elle et depuis hier, le nom de Blek le Roc est revenu à la surface de mes souvenirs. S’il n’est pas revenu dans la journée, c’est probablement parce que l’étape d’aujourd’hui ne présentait aucune difficulté. Désormais, je n’ai plus aucun doute, ce personnage de bande dessinée est définitivement lié à mon amour pour la randonnée pédestre. Je ne sais pas pourquoi, je n’y avais jamais pensé auparavant. Me remémorer tout ça et mon enfance me rend triste car bien sûr ça me renvoie à ma mère et pourtant je suis super heureux d’être là et de marcher avec Jérôme et ses amis Cathy et Fred. Alors j’essaie de penser à autre chose mais les souvenirs bons et mauvais reviennent sans cesse et parfois se chevauchent. Avant de m’endormir, me viennent à l’esprit des questions parfois stupides.  Je me demande par exemple si Blek le Roc aurait pu s’entendre avec les rois de Majorque, eux, dont le quotidien était les guerres pour conserver leurs pouvoirs, pour étendre leur immense royaume.  Je n’ai pas la réponse. Blek, c’était d’abord un héros au grand cœur, un Robin des Bois à la sauce américaine, un être épris de justice et de liberté dont le seul objectif était de vaincre les Anglais. Les « homards rouges » comme il les appelait à cause de leurs uniformes. Il se battait pour que les Etats-Unis accèdent à leur Indépendance et non pas pour étendre un royaume voire un empire. Suis-je encore éveillé ? Suis-je déjà dans un rêve ? Les pensées concernant mon enfance se mélangent au temps présent. Elles oscillent entre la chance que j’ai d’être là et les êtres qui m’étaient chers et dont j’aurais tant aimé qu’ils soient avec moi. Je voudrais bien n’être que positif mais Blek le Roc me ramène parfois à des souvenirs plus tragiques. Ma mère encore et toujours, mais mon frère aîné Daniel aussi. En pensant à Blek le Roc, je me souviens qu’il cachait mes bandes dessinées uniquement pour me taquiner. Il est décédé à l’âge de 46 ans et dieu sait si l’avoir avec moi au cours de cette randonnée aurait été merveilleux.

Cliquez sur ce lien pour passer à la 3eme étape 

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Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 5 musiques d'Ennio Morricone extraites d'une complilation intitulée "Relaxing Moment". Elles ont pour titre : "C'era Una Volta Il West", "Il Colore Dei Suoi Occhi", "Nuovo Cinema Paradiso", "Irene Gli Intoccabili""Tema Di Ada"

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.

 


 

2eme étape – 12 septembre 2013 : du Refuge de la Perdrix (2.312  au gite Le Moulin à Rieutort (1.517 m) soit 17,600 km pour un dénivelé de 1.080 m et des montées cumulées de 790 m. Point culminant : Le Madres (2.469 m) – Point le plus bas : Le pont de la Farga (1.400 m)

 

Bien que Fred et Jérôme aient alimenté le poêle au maximum et le plus longtemps possible, dès lors que l’on a cessé de l’entretenir, la température a rapidement chuté. La nuit est glaciale mais heureusement nous avions prévu cette éventualité. Les sacs de couchage plus des vêtements chauds sont suffisants pour ne pas avoir trop froid. En tous cas, je ne grelotte pas et seules les extrémités de mes mains et de mes pieds réclament plus de chaleur malgré deux paires de gants, deux paires de chaussettes et des petites bouillottes portatives mais malheureusement éphémères dans la durée. Mais connaissant bien cet inconvénient circulatoire sanguin qu’on appelle « froideur des extrémités », je sais qu’il n’y a pas grand-chose à faire de plus, si ce n’est juste à surveiller dans le cas de nouveaux symptômes ou si les anciens s’amplifient. J’ose espérer que mes compagnons n’ont pas ce problème. En pleine nuit, un besoin urgent m’envoie hors du refuge et je suis assez surpris de constater qu’il ne fait guère plus froid dehors qu’à l’intérieur du refuge. Le vent est presque complètement tombé et seule une brise légère balaie la crête. Le panorama est incroyable et si ce n’était pas la faiblesse de la température, je resterais sans doute bien plus longtemps à observer cette grandiose et merveilleuse splendeur. Eclairée par un croissant de lune, une longue chape nuageuse rougeâtre s’étend devant moi, si ce n’est à perte de vue au moins jusqu’à la Méditerranée que j’aperçois comme une tache bien plus claire par rapport au reste de l’horizon bien plus sombre. Ce reste d’horizon, j’imagine qu’il s’agit sans doute des Albères et de la Plaine du Roussillon. Sous cette longue ouate nébuleuse, le ciel est très clair dévoilant la silhouette des principales montagnes que je connais et qui paraissent bien plus proches : Canigou et Coronat au premier chef. De toute la Plaine du Roussillon et venant du sol, en tous cas de sa partie visible, des millions de scintillements jaunâtres semblent s’ajouter à cette clarté céleste.  C’est très beau et pendant un instant, l’éventualité d’aller chercher mon appareil photo pour figer ce spectacle me vient à l’esprit. Mais non, je préfère rester là à contempler et surtout je ne veux pas réveiller mes amis et je zappe aussitôt cette idée. En contrebas, le lac d’Evol me démontre que sa réputation de « Gorg Negre » n’est pas usurpée.  Seul un faible croissant de lune se reflète dans ses eaux noires. Quand un nuage cache cette tranche de lune, plus rien ne luit à sa surface et tel un puits sans fond, seul le contour de ses rives boisées encore plus sombres que lui reste visible. Pour quelqu’un croyant à toutes les sornettes que l’on raconte à son propos, cette vision ténébreuse et plutôt sinistre rajouterait sans doute encore un peu plus de phobie. Moi pas. Si j’ai toujours aimé les légendes pour leurs côtés mystérieux, leurs aspects trop souvent mystiques me font plutôt rigoler. C’est le cas ici où les fables les plus farfelues, sources de profondes terreurs auprès des gens du pays sont paraît-il légions : « jeter un pierre dans ses eaux engendrerait une tempête…., les truites pêchées seraient des démons qui s’enfuiraient par les cheminées dès lors qu’on tenterait de les faire cuire…., d’incroyables trésors y seraient enfouis et tenter de les récupérer serait synonyme d’orages funestes….., ses fonds lugubres seraient le palais des diables…..des fées et des sorcières seraient à l’origine de la création des trois lacs, etc….. ». Voilà en résumé ce qu’il se raconte du « Gorg Negre » et parfois des deux autres lacs que sont le Gorg Estelat et le Gorg Bleu. Ce n’est donc pas l’appréhension qui me fait réintégrer le refuge mais seulement le froid que je trouve bien trop cinglant. Cette froidure me rappelle qu’un chaud duvet m’attend à l’intérieur. J’oublie très vite cette vision lugubre du lac et Morphée m’entraîne vers elle avec essentiellement ces superbes et étranges tableaux enluminés que j’ai eus devant les yeux. Le plus grand des bonheurs est d’avoir pu observer un panorama aussi lointain et dégagé, chose que nous n’avons jamais pu avoir depuis notre arrivée sur cette crête des Gourgs. En effet, l’horizon a été désespérément bouché par du brouillard ou des nuages qui passaient tels de longs chapelets sans fin.  Dans ma tête, je me dis que c’est peut-être les premiers indices d’une météo bien plus clémente que celle que nous avons connue hier et je m’endors avec cette bienheureuse espérance. Vers 8 heures du matin, le froid bien plus vif encore que dans la nuit me réveille. Personne n’est encore debout,  alors je reste longtemps blotti dans mon duvet à chercher en vain un peu de tiédeur. Le pire est toujours au bout de mes membres et j’ai l’impression que je ne sens plus leurs extrémités. J’attends que mes compagnons se réveillent complètement car j’en entends certains se tourner et se retourner dans leurs sacs de couchage cherchant sans doute eux aussi un peu de chaleur.  Avec le bout de tous mes doigts aussi réfrigérés et n’y tenant plus, je me lève le premier et je vois que Fred est réveillé lui aussi. La tête complètement dissimulée sous le capuchon de son sac, seul son visage apparaît et dans cet accoutrement, il ressemble à un papillon voulant s’extraire de sa chrysalide. Je sors du refuge car pour réveiller mes pieds endoloris par le froid, il faut nécessairement que je marche un peu. J’emporte mon appareil photo avec moi car j’espère que le spectacle sera aussi beau que celui aperçu cette nuit. Mais si les vues sont presque aussi lointaines toutes les couleurs ont disparu. La chape nocturne rougeâtre est désormais d’un bleu grisâtre plutôt terne et peu de lumières scintillent au loin. Seul l’horizon a de jolies nuances hésitant entre le rose et le gris. Mais je continue à trouver ça beau car dans ce jour naissant, mon regard est désormais attiré par la surface du Gorg Negre qui commence à miroiter sous les premières lueurs de l’aube. Il n’a plus rien de semblable avec le lac noir et mystérieux que j’ai observé cette nuit. Il est devenu le lac d’Evol. Tout comme hier matin à Matemale, le ciel est scindé en deux, mais cette fois les rôles sont inversés. Devant le refuge, le Conflent est chapeauté de nombreux nuages, certains très longs, gris ou blancs et d’autres plus petits et épars selon la direction dans laquelle je regarde. Derrière, c'est-à-dire vers le Capcir, un ciel encourageant semble hésiter entre un bleu dur très prometteur et un blanc laiteux que les premiers rayons du soleil ont du mal à colorer. Une fois encore, la direction à prendre est celle du beau temps et c’est encourageant même si hier je m’étais fait la même réflexion mais sans la réussite escomptée. En entrant dans le refuge, je suis néanmoins ravi d’annoncer cette excellente nouvelle à tout le monde. Fred a pris la peine de rallumer le poêle et une agréable chaleur commence à envahir la pièce. Jérôme est réveillé mais il est toujours perché sur son bat-flanc supérieur, déjà occupé à ranger son couchage.  Cathy est attablée et a entamé son petit déjeuner. Grâce à des petites boîtes de lait sucré, quelques galettes moelleuses et un jus de fruit, le mien est vite expédié et aussitôt après je me met à ranger mes affaires et mon sac à dos. Tout le monde fait de même et après un peu de ménage vite bâclé, nous sortons du refuge en file indienne, direction le pic du Madres. Un petit vent glacial s’est levé et avant de démarrer, nous jugeons utile d’enfiler nos gants et de nous encapuchonner dans nos vestes. Pendant un instant, nous longeons le bord du cirque au fond duquel nous apercevons le petit Gorg Blau (Lac Bleu) et celui plus vaste et en forme de haricot du Gorg Estelat que l’on appelle plus communément le lac de Nohèdes ou Lac Etoilé.  Ces décors ne me laissent pas indifférent. Je m’arrête un instant. En regardant ce dernier lac et ses rives, les souvenirs de ma deuxième étape sur le Tour du Coronat de 2007 émergent de ma mémoire : mon arrivée avec un groupe de vététistes espagnols, masculins et féminins. Ils avaient galéré dans les tourbières pour trouver le lac et je leur avais dit de me suivre pour accomplir les derniers mètres. Ils m’avaient demandé de les photographier avec vue sur le lac. Puis nous étions partis dans des directions opposées. Eux avaient pris la direction de l’ancien canal de Jujols alors que moi, j’avais décidé de faire le tour du lac pour partir à sa découverte. Avec mon gros sac à dos, je me souviens avoir galéré comme jamais dans les énormes pierriers de sa rive nord. Je me souviens aussi des couleurs extraordinaires que les rhododendrons roses et les flamboyants genêts composaient en se reflétant dans les eaux calmes du lac bleuté. Bleu, rose et jaune, cette incroyable palette de couleurs est toujours restée dans ma tête comme une des plus belles images de ce Tour du Coronat. Sur la rive ouest, là même où les eaux du Gorg Blau se déversent, j’avais trouvé une petite grève de sable fin avec une eau si limpide que je n’avais pas pu résister à y faire un peu de toilette. La toilette s’était rapidement transformée en une baignade dans le plus simple appareil. Un bain ô combien glacial mais nécessaire et qui m’avait définitivement revigoré et mis en forme pour le restant de la journée. Cette deuxième journée s’était poursuivie vers le lac d’Evol, le col du Portus et retour à Jujols, d’où j’étais parti la veille au matin. C’était mes deux premières étapes de ce Tour du Coronat qui allait en compter six et que j’avais intitulé « Des Merveilles au pays d’Alysse » à cause de l’ « Alyssum pyrenaicum » ou Alysson des Pyrénées, cette fleur relictuelle que l’on ne trouve que dans les falaises du Mont Coronat et nulle part ailleurs dans le monde. Les botanistes qui adorent le latin et les mots compliqués lui ont donné le nom de « Hormathophylla pyrenaica ». Voilà ce que ces deux lacs me rappellent à cet instant : des moments d’une randonnée solitaire mais merveilleuse et de surcroît avec quelques rencontres qui l’avaient rendu inoubliable. Des moments à la fois de joie et de solitude où l’on peut se remettre en question ? Qu’ai-je fait de bien et de mal ? Je me remets en route. Le lac disparaît soudain de mon regard et avec lui mes vieux souvenirs. Mes compagnons ont déjà pris pas mal d’avance. Sur la crête caillouteuse, le Madres fait son apparition avec encore un beau névé accroché à son flanc sud. Je connais bien cet itinéraire pour l’avoir déjà accompli depuis le col de Sansa et en boucle par la Coume de Ponteils et le Serrat de l’Ours. A partir d’ici, la déclivité est plutôt modeste mais dans ma tête, je me souviens de cette belle difficulté rocheuse qu’il y a entre le Roc Nègre (2.459 m) et le Madres (2.469 m) que les montagnards du cru appelle le « Malpas », c’est à dire le « mauvais passage ». Sur la carte I.G.N, elle apparaît sous la dénomination de « Clos Tort », que l’on traduit du catalan en « enclos tortueux ».  Ici, les randonneurs sujets au vertige sont priés d’oublier leur indisposition tant le sentier est étroit, abrupt et en équilibre au dessus d’un vide assez impressionnant. Je l’appréhende. J’ai déjà prévenu mes amis mais ça n’a pas eu l’air de les impressionner plus que ça. A l’approche du Clot Rodon, un isard s’enfuit devant nous et prend la même direction que celle que nous allons prendre. Il disparaît dans les rochers. Cathy, Fred et Jérôme amorcent la pente plutôt douce à cet endroit à une bonne cadence alors que mon cœur s’emballe. Mon vieux moteur diesel a un mal fou à trouver la bonne carburation. Il faut dire que la température sans doute proche de zéro ne fait rien pour m’aider et je suis vraiment frigorifié et comme toujours un maximum de froideur au bout de mes mains, de mes pieds mais de mon nez aussi. Telles de fines bougies accrochées à un sapin de Noël, de longs glaçons pendent aux branches de petits pins chétifs, c’est dire si la nuit a été froide par ici.  Je suis rapidement largué mais Jérôme s’arrête souvent pour m’attendre mais quand j’arrive à sa hauteur, le voilà qui repart et moi inévitablement, je m’arrête un peu plus longtemps pour calmer mes palpitations. Je monte à mon rythme et ce rythme-là me convient. En outre, je sais qu’après cette ascension du Madres, les descentes prendront le relais sinon jusqu’à l’arrivée au moins jusqu’à Puyvalador. Avant le sommet du Roc Nègre, Cathy et Fred sont là à m’attendre et je m’en veux un peu de savoir qu’ils m’ont attendus dans ce froid et avec ce vent polaire qui nous glacent le corps. Depuis la crête, les vues s’entrouvrent magnifiquement sur une immense partie de l’Aude et de l’Ariège. Depuis notre démarrage, un épais matelas nuageux est monté du fin fond des vallées du Bas-Conflent et c’est soudain immobilisé créant ainsi une véritable mer de nuages. Le plus épais recouvre la Vallée de la Castellane. C’est marrant car en 2007, lors de mon Tour du Coronat, j’avais connu les mêmes phénomènes climatiques lors des deux premiers jours. La première fois à Jujols et la seconde fois au campement de l’Estany del Clot, au bord duquel j’avais passé la nuit sous ma tente. J’étais très longtemps resté scotché à regarder les lents mouvements de cet extraordinaire moutonnement nuageux ressemblant aux flots déchaînés d’un océan mais qu’on aurait cru comme filmé au ralenti. Peu après ce joli spectacle, le fameux passage difficile du Clos Tort se présente. Par bonheur, il s’effectue sans problème et une fois encore, en s’engageant la première, alors qu’elle n’a aucune connaissance des obstacles qui l’attendent, Cathy démontre toute son agilité et la facilité qu’elle a à gravir les passages les plus périlleux sans aucune appréhension.  Jérôme passe en second et tout au long de l'hésitante escalade, je le suis quasiment comme son ombre. J’avoue qu’avec mon gros sac, je ne suis pas vraiment rassuré mais en tous cas, je n’ai pas le vertige.  Il faut dire que j’évite de m’arrêter pour regarder derrière moi. Fred ferme la marche et une fois les difficultés franchies, il reconnaît lui aussi que ce couloir étroit et très abrupt avec le vide sous les pieds n’est pas si commode que ça. L’arrivée de Fred au sommet est pour moi un vrai soulagement car je sais que nous en avons terminé avec les difficultés, au moins pour aujourd’hui. Pour avoir étudié la totalité du parcours du Tour du Capcir, je n’ai pas connaissance qu’il y en ait d’autres même si à proximité du lac d’Aude, un autre lieu-dit a également pour nom « Malpas ». Du coup, la suite bien plus praticable vers le Madres et son fameux orri est pour moi une quasi promenade. Ce tronçon est d’autant plus agréable qu’en contrebas, côté Vallon de la Balmette et Salt del Bourro, de nombreux isards paissent tranquillement sur les pelouses d’altitude. Voir des animaux sauvages est suffisamment rare pour que l’on passe un long moment à les observer même si le carcanet est toujours là, violent et froid. A cause de ce vent et de la distance, j’éprouve les pires difficultés à les photographier convenablement et ce, malgré la puissance du zoom de mon appareil photo. Il faut dire que la violence du vent ne me facilite pas la tâche car j’ai un mal fou à garder l’équilibre et à ne pas trembler dans mes prises de vues. En arrivant au sommet du Madres et devant l’orri qui le matérialise, je suis surpris d’apprendre que deux hommes, qui bivouaquent encore devant l’entrée, y ont passé la nuit. Sur le moment, je pense qu’avec notre « bon » poêle, nous avons été bien mieux lotis dans notre minuscule refuge. On échange quelques banalités avec eux en grignotant des fruits secs et des barres de céréales puis on immortalise notre arrivée à ce remarquable sommet par une photo de notre petit groupe. Emmitouflés comme nous le sommes, nous ressemblons à des alpinistes au sommet de l’Everest et pourtant nous ne sommes qu’à 2.469 mètres d’altitude. Il faut dire que le Madres, c’est déjà le point culminant de ce Tour du Capcir, alors c’est sans doute un peu notre Himalaya à nous. Il ne manque que la neige. Ce début de matinée venteuse et froide n’est pas étrangère à cette vision des choses mais la journée s’annonce assez magique et en tous cas conforme aux prévisions météo. Le soleil et le ciel bleu semble vouloir s’installer durablement et j’en suis le premier ravi. Les bonnes prévisions ont eu un jour de retard, voilà tout. A aucun moment, je n’ai imaginé qu’un orage puisse survenir. Les mois de juillet et d’août sont déjà derrière nous et pour moi, la saison des orages violents et fugitifs qu’il y a souvent sur ce massif est passée. Il y a quelques années, j’y ai vu tomber des flocons, de manière éphémère il est vrai, mais en plein mois d’août.  Les paysages à 360 degrés sont époustouflants même si deci delà quelques nuages épars restent accrochés à des reliefs. En contrebas, sur la Jasse de Guissotte, là même où le Ponteils prend sa source dans les nombreuses tourbières, Jérôme aperçoit d’autres cervidés. On en distingue également sur les crêtes du côté du Col des Gavaches mais avec la distance qui nous en sépare, il est impossible de discerner de quels cervidés il s’agit. Ici, il y a des isards, des cerfs, des mouflons de Corse réintroduits ou bien encore des chevreuils, encore que les chevreuils en troupeau soient assez rarissimes. Tous sont très présents dans ce massif et j’ai même lu dans un récent « Pyrénées Magazine », que le Massif du Madres est le lieu des Pyrénées où les spécialistes en ont recensé le plus : 4.000 cervidés sont présents dans le Capcir selon la revue. Quand au bouquetin des Pyrénées, il y a déjà longtemps qu’il a disparu de nos montagnes, sa chasse ayant eu raison de sa robustesse légendaire. Les bouquetins que l’on pourrait voir ont été réintroduits eux aussi comme les mouflons et les marmottes, celles visibles étant d’origine alpine et réintroduite en 1948. Oui, le Massif du Madres est un haut-lieu de la faune sauvage et il n’est donc pas étonnant qu’on y ait aperçu des ours, des loups et que les chats sauvages y soient bien présents sans compter bien sûr les sangliers et les renards roux. Nous quittons le sommet du Madres et prenons la direction de son flanc nord-ouest que l’on appelle le Serrat des Clotes. Le sentier tout en descente est très bon et file agréablement au milieu d’une végétation rase faite de minuscules bruyères et de graminées naines. Ici, les seuls arbres sont quelques pins rabougris très disséminés. Malgré la qualité du sentier peu caillouteux et tout en descente, une fois encore je suis décroché, d’abord parce que Cathy marche à un rythme incroyablement rapide mais surtout parce que le petit vent glacial qui balaie la montagne me fait constamment pleurer. Mes yeux larmoient sans cesse et de ce fait, je suis dans l’incapacité de voir où je mets mes pieds.  Jérôme qui s’arrête régulièrement pour m’attendre ne comprend pas pourquoi je marche si lentement et je suis contraint de lui demander de s’arrêter pour lui expliquer. Après les avoir freinés dans les montées, voilà que maintenant je les retarde aussi dans les descentes. Je m’en veux. A la fin d’un dôme herbeux, le grand « V » bleu du lac de Puyvalador fait son apparition au fond de la verdoyante vallée de l’Aude. Au dessus de cette profonde vallée, les forêts domaniales étalent leur longue toison olivâtre. Un peu plus haut encore, tout n’est que minéralité. Devant nos yeux contemplatifs et dans une succession sans fin de sommets plus ou moins hauts, la chaîne pyrénéenne forme l’horizon. Parmi les quelques sommets que j’ai eu l’occasion de gravir, seule la pyramide du Carlit est vraiment reconnaissable. L’été est passé et a fait disparaître la quasi totalement des névés et seules quelques neiges éternelles subsistent anarchiquement sur les parties les plus élevées et les plus ombragées sans doute. Après être entrés dans une zone d’estives où quelques vaches somnolent, nous coupons une piste. Ici, les prairies essentiellement herbeuses laissent un peu de place à de petits bosquets plantés de pins. Un panonceau indicatif mentionnant Espousouille à 3h20 nous donne une petite idée du temps de marche approximatif restant. A cette altitude, quelques plantes fleuries font de la résistance. Après la grisaille d’hier, c’est un plaisir de découvrir quelques touches de couleurs : le rose des épilobes et de quelques gros chardons, la blanc ou le mauve d’œillets de Montpellier magnifiquement dentelés, le jaune et le bleu des aconits. Le sentier est plus caillouteux mais paradoxalement il file dans des décors plus charmants car moins monotones. Cathy vient d’arriver la première au petit abri du Refuge Oller (1.630 m) et elle semble bien décidée à poursuivre quand Jérôme et Fred l’arrêtent dans son élan car il est déjà 12h30 et leurs estomacs doivent certainement crier famine. Le mien aussi. Nous décidons de stopper là pour pique-niquer et pour moi c’est une vraie délivrance car en arrêtant de marcher mes yeux s’arrêtent aussitôt de larmoyer. L’endroit est agréable, herbeux à souhait et en plus les vues en balcon sur la vallée sont superbes.  Nous y restons environ une heure, la plupart du temps couchés, car l’herbe est tendre, le ciel est bleu et les rayons du soleil sont suffisamment chauds pour envisager un semblant de sieste. En quittant le refuge Oller, le sentier tout en descente entre immédiatement dans un sombre sous-bois et pour moi, l’aspect agréable est que mes yeux ne pleurent plus. Ici, aux Planches d’en Jaquet, on voit clairement qu’un palier végétatif vient d’être atteint. C’est d’ailleurs l’impression générale que l’on a car tout autour de nous, la forêt est omniprésente. Les bois où nous marchons sont plus denses, les arbres plus hauts avec de nombreux grands résineux mais aussi quelques hauts feuillus. Peu après, on entend le bruit d’un petit ruisseau qui s’écoule et depuis la Font de la Perdrix, c’est le premier « rec » actif que l’on rencontre. Un coup d'oeil sur mon bout de carte et c'est bien le Rec du Roc Mari, escarpement rocheux isolé en forme de protubérance et entourée de pierriers que nous avons longtemps aperçu sur notre gauche.  L’étroit sentier s’élargit soudain se transformant en un chemin bien plus praticable lequel devient très rapidement une large piste forestière. Là, nous sommes arrivés en surplomb de la cabane du Bécet (1.560 m). En observant la carte I.G.N, il est évident que quel que soit l’itinéraire que l’on va choisir pour rejoindre Puyvalador,  seules des pistes forestières nous attendent et parmi les deux possibles, toutes les deux se terminent sur la digue du barrage. Il y a celle filant vers Odello Réal et celle dite de Serrallongua que Jérôme a enregistrée dans son G.P.S et qui arrive directement au bord de l’Aude au lieu-dit le Pont de la Fargua.  C’est cette dernière que nous choisissons et bien que ne connaissant pas l’autre, autant dire que celle de Serrallongua porte parfaitement son nom. Je la trouve très longue et fastidieuse cette piste et sans doute que je ne suis pas le seul dans ce cas. Comme souvent et pour passer le temps, je photographe tous et n’importe quoi : vaches, fleurs, insectes et papillons, tout y passe. L’arrivée au barrage de Puyvalador réveille quelques récents souvenirs car il y a moins de 15 jours, j’y suis venu avec Dany pour une randonnée consistant à faire le tour de son lac. C’est donc tout frais et je n’ai plus rien à découvrir que je ne connaisse déjà. Seule la météo est plus favorable et le lac un peu plus plein que lors de notre récente venue. Je prends quelques photos. On traverse la digue du barrage, toujours occupée par une ribambelle de martinets puis l’on monte vers le village de Puyvalador que l’on rejoint très rapidement. Ici, pour l’avoir accompli en voiture, je connais la distance qu’ils nous restent à parcourir : 3 kilomètres mais essentiellement sur de l’asphalte et tous les quatre, nous avons horreur de ça. On quitte Puyvalador et sa charmante église en empruntant la petite D.32g se dirigeant vers le hameau de Rieutort. Nous y sommes attendus au gîte Le Moulin. Au travers de grandes prairies et des paysages très amples eux aussi, la petite route est moins lassante que je ne l’avais imaginée. Il faut dire que quelques petits rapaces planant dans le ciel attirent sans cesse l’objectif de mon numérique. Par chance, un d’entre eux se pose sur un pin.  15h50, en entrant dans Rieutort, j’ai le sentiment de pénétrer dans un village qui a été déserté de tous ses habitants. Personne. Tout est silencieux, Seuls le bruit du ruisseau de Cirerol et la gazouillis de quelques passereaux se font entendre. Heureusement, Alex et Sia, les propriétaires du gîte sont bien présents. Ils sont chaleureux et formidables avec nous. Le lieu est charmant et reposant, les chambres sont parfaites et le grand calme que j’avais observé à mon arrivée s’avère être un atout indéniable pour trouver le repos auquel certains d’entre nous aspirent, moi le premier. Après les douches indispensables, Cathy se repose dans sa chambre pendant que Jérôme et Fred profitent des chaises longues du jardin fleuri et ensoleillé. De mon côté, appareil photo en bandoulière, je pars à la découverte du village qui s’avère bien plus grand que je ne l’avais supposé. Il faut dire que si le hameau a vécu un exode rural au milieu du siècle précédent, il n’en a pas toujours été ainsi. La taille de certains bâtiments, école et mairie par exemples, sont là pour prouver que Rieutort a eu ses heures de gloire et un nombre d’habitants bien plus important que de nos jours. La soirée, ponctuée d’un succulent repas avec formule table d’hôtes est des plus agréables. Alex et Sia se mettent en quatre pour nous satisfaire. Alex, en plus de son labeur d'aubergiste, est un fou de nature, moniteur de ski et guide de randonnées à ses heures. C’était un fana de pêche en mer et en rivière et il aime beaucoup la photo. Sur les murs du gîte, on peut découvrir de nombreuses photos relatant ses exploits et ses trophées halieutiques. De ce fait, nous avons de nombreux atomes crochus pour nous entendre et aucun problème pour trouver facilement des sujets de conversation. Sia est plus timide, excellente cuisinière et très captivante également quand elle parle de gastronomie et de la vie au gîte qu’elle semble affectionner.  En plus des charmants propriétaires, un couple sympathique s’est joint à nous lors du repas. La femme écrit des romans et de ce fait, les causeries s’en trouvent facilitées. La fin de la soirée tire agréablement en longueur mais pour la plupart d’entre nous, la nuit précédente a été peu réparatrice et l’envie d’aller nous coucher arrive bien plus vite que nous le souhaiterions. Nous pensons déjà à la très longue étape de demain. Ajoutons à cela les 17 kilomètres de l’étape d’aujourd’hui, le bon air du Madres et du Capcir, un bon et vrai lit qui nous attend et tout est en place pour une nuit qui s’annonce bien plus douce et régénératrice que la précédente. 11 heures, la raison l’emporte et nous partons nous coucher car dès le lendemain, la plus longue et plus difficile étape de ce Tour du Capcir nous attend. 28 kilomètres pour atteindre les Bouillouses et surtout une très longue montée par la Vallée du Galbe jusqu’au Camporells. Adorant l’Histoire, la toponymie et n’aimant pas « marcher idiot », autant qu’il est possible, j’ai appris que Les Camporells étaient les « champs des rois ». Ces rois, c’était ceux d’Aragon et de Majorque qui avaient fait du Capcir leur lieu de villégiature et de Formiguères leur résidence d’été. En réalité, le village a surtout servi à soigner l’asthme dont souffrait le roi Sanche 1er, roi de Majorque de 1299 à 1324. Quant aux Camporells, c’était son lieu de prédilection pour venir y chasser les isards, les cerfs et autres chevreuils. Il est mort ici à Formiguères à l’âge de 48 ans. En 1920, le prince Albert 1er de Monaco a, à sa manière, perpétué cette tradition puisqu’il était également un habitué des lieux appréciant le secteur des Camporells qu’il avait loué pour venir y chasser et y pêcher. Avant de m’endormir, je me remets à penser à cette révélation que j’ai eu avec Blek le Roc. A ma mère bien sûr, puisque c’est elle qui m’a permis de lire ces bandes dessinées. Mes pensées s’enchainent les unes aux autres. Ma mère, mon enfance, Blek le Roc. Ma mère est dans un service spécialisé Alzheimer d’une maison de retraite depuis 5 ans déjà et c’est bien rare que lors d’une randonnée sur plusieurs jours, je ne pense pas à elle plusieurs fois. Plusieurs fois et le plus souvent avec tristesse,  tant je trouve la fin de sa vie si injuste. L’aspect solitaire de la randonnée et les efforts à accomplir me font souvent sortir de mes pensées habituelles et quotidiennes, et de ce fait, il m’arrive très souvent de songer au temps passé et aux êtres chers qui ne sont plus de ce monde. Ce monde, ma mère n’en fait déjà plus partie. Avec la maladie d’Alzheimer, elle a basculé dans un autre univers.  Grâce à elle et depuis hier, le nom de Blek le Roc est revenu à la surface de mes souvenirs. S’il n’est pas revenu dans la journée, c’est probablement parce que l’étape d’aujourd’hui ne présentait aucune difficulté. Désormais, je n’ai plus aucun doute, ce personnage de bande dessinée est définitivement lié à mon amour pour la randonnée pédestre. Je ne sais pas pourquoi, je n’y avais jamais pensé auparavant. Me remémorer tout ça et mon enfance me rend triste car bien sûr ça me renvoie à ma mère et pourtant je suis super heureux d’être là et de marcher avec Jérôme et ses amis Cathy et Fred. Alors j’essaie de penser à autre chose mais les souvenirs bons et mauvais reviennent sans cesse et parfois se chevauchent. Avant de m’endormir, me viennent à l’esprit des questions parfois stupides.  Je me demande par exemple si Blek le Roc aurait pu s’entendre avec les rois de Majorque, eux, dont le quotidien était les guerres pour conserver leurs pouvoirs, pour étendre leur immense royaume.  Je n’ai pas la réponse. Blek, c’était d’abord un héros au grand cœur, un Robin des Bois à la sauce américaine, un être épris de justice et de liberté dont le seul objectif était de vaincre les Anglais. Les « homards rouges » comme il les appelait à cause de leurs uniformes. Il se battait pour que les Etats-Unis accèdent à leur Indépendance et non pas pour étendre un royaume voire un empire. Suis-je encore éveillé ? Suis-je déjà dans un rêve ? Les pensées concernant mon enfance se mélangent au temps présent. Elles oscillent entre la chance que j’ai d’être là et les êtres qui m’étaient chers et dont j’aurais tant aimé qu’ils soient avec moi. Je voudrais bien n’être que positif mais Blek le Roc me ramène parfois à des souvenirs plus tragiques. Ma mère encore et toujours, mais mon frère aîné Daniel aussi. En pensant à Blek le Roc, je me souviens qu’il cachait mes bandes dessinées uniquement pour me taquiner. Il est décédé à l’âge de 46 ans et dieu sait si l’avoir avec moi au cours de cette randonnée aurait été merveilleux.

Cliquez sur ce lien pour passer à la 3eme étape 

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Tour du Capcir - Etape 3 Gîte Le Moulin à Rieutort - Les Bones Hores aux Bouillouses

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 6 musiques d'Ennio Morricone extraites d'une compilation intitulée "Relaxing Moment". Elles ont pour titre : "Tema Di Ada", "Infazia E Maturità", "La Spiaggia", "In Ogni Una Storia", "Tre Anni Fa Una Sera", "Il Figlio E La Nostalgia".

Tour du Capcir - Etape 3 Gîte Le Moulin à Rieutort - Les Bones Hores aux Bouillouses

Tour du Capcir - Etape 3 Gîte Le Moulin à Rieutort - Les Bones Hores aux Bouillouses

Tour du Capcir - Etape 3 Gîte Le Moulin à Rieutort - Les Bones Hores aux Bouillouses

Tour du Capcir - Etape 3 Gîte Le Moulin à Rieutort - Les Bones Hores aux Bouillouses

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.


 

3eme étape – 13 septembre 2013 : du gîte Le Moulin à Rieutort (1.517 m) à l’hôtel-restaurant Les Bones Hores aux Bouillouses (2.019 m) soit 28 km pour un dénivelé de 887 m et des montées cumulées de 1.734 m. Point culminant au collet proche du lieu-dit La Muntanyeta (2.327 m) – Point le plus bas au pont de Les Moulines (1.440 m).

 

Cette nuit, j’ai fait un rêve.  Je marchais sur la crête d’une montagne avec Blek le Roc et ses deux compagnons Roddy et le professeur Occultis, mais il y avait aussi Jérôme, ses deux amis Cathy et Fred mais également Dany, Carole ma fille, mon gendre JC et mon frère Daniel. Mes petits-enfants aussi. Oui, nous étions tous là sur cette crête et c’était clairement celle du Madres cheminée hier. Oui, nous marchions tous en ensemble, riant comme si une bonne humeur communicative s’était emparée de nous tous. Par contre, je ne me souviens pas comment ce rêve s’est terminé. Sans doute avait-il juste été là pour me faire démarrer cette journée avec enthousiasme. En me réveillant, et après le souvenir de ce rêve agréable, la première idée qui m’est passée par la tête a été de me dire : « nous sommes déjà à la moitié de ce Tour du Capcir et bon sang que le temps est vite passé ! » puis dans la foulée : « il faut que j’en profite un maximum ! ». En me levant, je me suis dirigé vers la petite fenêtre pour regarder le ciel. J’étais passablement déçu car il était plutôt blanc mais je ne voulais pas me mettre la pression inutilement car selon Alex, le propriétaire du gîte, aucune pluie n’était annoncée pour les 2 prochains jours. Alors, je suis parti sous la douche car il était 7h30 et nous avions commandé le p’tit déj pour 8 heures. Globalement, je me sentais en bien meilleure forme que les jours précédents et j’étais plutôt content car l’étape s’annonçait assez « phénoménale ». Mon tracé G.P.S que j’avais refait des dizaines de fois avec mon logiciel CartoExplorer m’avait toujours indiqué une distance de 28 kilomètres environ et des montées cumulées assez ahurissantes. Ahurissantes pour moi bien sûr et mes 64 printemps. Comme toujours, les calculs de Jérôme étaient un peu plus optimistes mais il faut dire que nous n’avions pas la même manière d’effectuer les tracés et pas le même logiciel non plus. Lui, ses tracés étaient plus directs alors que les miens étaient toujours plus nuancés et plus dans le détail. Alors je préférais me fier aux miens, et quand j’essayais de me souvenir d’une étape aussi longue lors d’un autre tour pédestre, deux étapes réalisées avec Dany revenaient à ma mémoire : « En 2004, 32 kilomètres entre le  Pont-de-Montvert et Florac lors d’une étape mémorable sur le Chemin de Stevenson ! ». Quant à la deuxième, c’était 12h30 de marche sur le G.R.10 en 2001, non loin de là, entre le lac du Lanoux et Bolquère. Si je parle en heure, c’est parce qu’à l’époque, je n’avais pas encore de G.P.S et bien sûr pas de logiciel cartographique. Avec le recul, j’avais estimé cette étape à environ 29 à 30 kilomètres et d’ailleurs, Dany l’avait terminée avec les plantes des deux pieds à vif !  Moi, par chance, je l’avais accompli sans aucun souci physique. C’était une autre époque, mon appareil photo était un argentique et j’avais 13 années de moins. Comme allais-je me comporter sur celle-ci ? Cette question m’avait turlupiné mais ce n’était plus le cas. J’avais décidé d’être positif. A 8h30, tout le monde est au rendez-vous du petit déjeuner et dans la salle à manger, une superbe table nous attend. Rien ne manque à l’appel et Sia et Alex se sont démenés sans compter pour satisfaire nos goûts et nos appétits respectifs. Cela est d’autant plus dommage que nous ne pouvons pas nous éterniser et qu’au bout de 20 minutes, nous sommes contraints de quitter cette table à regrets, le ventre rassasié pour quelques heures il est vrai. Les Bouillouses sont loin, et moi, je l’avoue, je pars un peu dans l’inconnu, même si certains tronçons de cette étape autour des Camporells et des Bouillouses n’ont plus aucun secret pour moi.  Nous saluons nos charmants hôteliers en les remerciant de leur excellent accueil et surtout sans oublier de leur dire que tout a été parfait à tous points de vue. En sortant du gîte, une fois encore, je fais l’amer constat d’une météo très mitigée. De gros nuages blancs et de grands pans de ciel bleu se partagent l’espace. Au loin, droit devant nous,  une grande étendue crayeuse chapeaute la vallée de l’Aude. Poussés par un « bon » vent frisquet, les nuages courent vers le sud et en l’espace de quelques minutes, le ciel est à même de changer du tout au tout. Soit nous sommes enveloppés d’une brume grisâtre et humide ou bien couronnés d’un ciel bleu d’une pureté presque absolue. A la sortie de Rieutort, nous reprenons la petite route empruntée hier,  mais cette fois dans le sens inverse. Au bout de quelques minutes, nous apercevons Jérôme ; qui a pris un peu d’avance et qui marche avec son G.P.S à la main ; quitter la route pour descendre dans une vaste prairie. Or mis un peu d’herbe couchée par endroits, indiquant que d’autres personnes sont déjà passées,  rien ne mentionne qu’il y ait là un itinéraire. Mais quelques centaines de mètres plus loin, nous atterrissons sur un chemin bien plus large dont le sol est nettement plus marqué par les passages. Ce chemin suit une longue ligne de poteaux électriques. Ces deux raccourcis nous évitent le bitume de la route et nous emmènent plus directement sur l’itinéraire du Tour du Capcir que l’on retrouve à hauteur du pont de la Polideta. Je reconnais immédiatement le parcours que nous avions emprunté 15 jours auparavant lors de notre tour du lac de Puyvalador avec Dany. Après le pont de la Polideta vient aussitôt celui des Molines. Des arches séculaires dont la tradition prétend qu’ils sont « romains » mais les historiens contestent cette idée. En réalité, aucune mention historique n’en fait état et de ce fait, personne ne sait vraiment les dater. Selon des spécialistes, les techniques de construction seraient plutôt moyenâgeuses. Si le premier pont a enjambé le rec del Cirerol descendant de Rieutort, avec celui des Molines nous enjambons le Galbe. Ce farouche torrent, nous allons devoir le suivre sur de nombreux kilomètres au sein même de la belle vallée portant bien évidemment son nom. Rappelons au passage que Rieutort ou plutôt Riutort en occitan signifie « rivière tordue », c’est dire si nos ancêtres attachaient déjà de l’importance à l’eau. Après, les ponts, un plaisant chemin creux car bordé de pierres sèches, nous entraîne vers le hameau d’Espousouille. Plaisant, car ce chemin est continuellement verdoyant et fleuri, de nombreux papillons y virevoltent, les décors sont très changeants et du torrent monte une constante fraîcheur bien agréable pour marcher. Les gazouillis d’innombrables passereaux et le rugissement du torrent se livrent une bataille de décibels. Quand les chants des oiseaux s’arrêtent, seules les pierres qui roulent au fond du lit du Galbe laissent entendre leur fracas. La première fois que je suis venu à Espousouille, ce qui m’a le plus frappé c’est bien sûr la splendeur de la Vallée du Galbe elle-même mais surtout la beauté et la densité de la forêt qui domine le village. Après les maisons du hameau au bout d’une verdoyante prairie,  des sapins à perte de vue se profilent devant nous. Une fois de plus, Espousouille semble désert et rien n’arrête notre marche en avant, or mis l’envie d’en prendre quelques clichés. Il ne nous faut que quelques minutes pour traverser le hameau qui est le dernier avant l’arrivée ce soir aux Bouillouses. Seul, un panonceau indicatif de randonnée à sa sortie réussit à nous ralentir mais il faut dire qu’il a la bienveillance de nous rafraîchir la mémoire et de remettre quelque peu les pendules à l’heure : « Refuge des Camporells- 4h40 » et « Lac des Bouillouses – 7h15 » ! Les dés sont jetés et ils ne nous restent plus qu’à marcher ! A vrai dire, je suis sans doute le seul à être impressionné par ces horaires. Comme à leurs habitudes, Cathy et Jérôme ont décidé d’élever la cadence et leur train de marche n’est pas le même que celui de Fred et surtout que le mien. Eux, que je qualifie de modernes, en sont déjà à prendre le T.G.V  de la randonnée pédestre alors qu’avec Fred, notre train à nous est plutôt celui d’un vieux « vapeur » aimant exagérément la flânerie. Un « train de sénateur » en quelque sorte, même si certains sénateurs détestent cette expression pourtant si appropriée parfois à cause de leurs façons si indolentes de se déplacer. Jean de la Fontaine ne l’avait-il pas reprise à son compte dans le lièvre et la tortue faisant allusion aux sénateurs de la Rome antique quant à leur marche lente et solennelle ? Les lièvres, ce sont Cathy et Jérôme. Fred et moi sommes les tortues, encore que pour Fred rien ne soit figé. Il aime bien s'attarder auprès de la Nature mais quand il le veut, il sait marcher vite lui aussi. Malgré ça, les écarts ne sont pas très importants car la piste est très bonne et d’une douce déclivité. De ce fait, nous tenons néanmoins le rythme et cela même en bavardant allègrement. Comme je l’ai supposé à Espousouille, la piste file magnifiquement au milieu d’immenses conifères et sur la gauche, on entend le Galbe chantonner mais en sourdine en raison de la distance qui nous en sépare. Par endroits, quand les grands arbres ont la louable attention de s’en écarter un peu, nous dominons le joli et rafraichissant petit torrent au milieu de quelques prés verdoyants. Au fur et à mesure que l’on s’avance dans la vallée, la chanson du torrent se fait plus précise et même plus tonitruante car plusieurs cascades successives font entendre leur fracas. Après le Cortal Pujol et en arrivant au croisement du Pont des Plans de l’Orriet, la piste rejoint le torrent. Ici, en raison de l’aplanissement du terrain, le Galbe perd toute sa vigueur et n’est qu’une banale rivière, sans aucune profondeur, aux eaux transparentes mais plutôt mollassonnes.  Les rayons du soleil frappent ses eaux limpides et les galets de schistes qui dorment au fond du lit renvoient des milliers de reflets d’or et d’argent, telles des flèches lancées vers le ciel, En arrivant au Refuge de la Jaceta (1.645m), nous marquons une pause. Il est déjà 11 heures et d’un même élan, nous estimons que le temps de grignoter un petit en-cas est arrivé. Un simple petit en-cas et seulement quelques minutes de pause car pour le vrai pique-nique ce n’est pas vraiment l’heure. Une table et des bancs de bois permettent de se reposer agréablement. Le refuge non gardé est très propre, spacieux et semble être une étape accueillante. Le lieu est charmant et plus ouvert sur les décors environnants, car ici la vallée est plus vaste, le lit du torrent très proche de l’itinéraire du Tour du Capcir. Après ce bref repos, on se remet en route. L’inclinaison se faisant plus sévère, je suis vite largué mais je monte à mon train et même si je ne marche pas aussi vite que mes acolytes, je continue à être en bien meilleure forme que le premier jour. Le chemin se stabilise et redescend de nouveau vers le lit du Galbe. La vallée s’élargit encore et droit devant les premiers névés apparaissent mouchetant de blanc les flancs du pic des Mortiers. Une nouvelle baraque, celle de la Jaca de la Llosa se présente mais personne ne s’y arrête. J’y lis très rapidement sur un panneau qu’elle est réservée en priorité aux bergers. Tout s’explique car ici, au bord et dans le lit même du Galbe, de nombreux et magnifiques chevaux sont là à faire le spectacle. La plupart broutent placidement l’herbe verdoyante en bordure du torrent. D’autres pataugent dans son lit. Quelques poulains restent accolés à leur mère, la tétant dès que l’occasion se présente. Mais si tous ces chevaux semblent paisibles, ils vivent à l’état sauvage et on se garde bien de tenter de les caresser. D’ailleurs, parmi eux, un semble tout particulièrement excité et  il a comme on dit,  « la danse de Saint-Guy ». Il se roule dans l’herbe les quatre fers en l’air, se relève soudainement puis part en courant, s’arrêtant net et recommençant les mêmes acrobaties un peu plus loin. Ce cadre somptueux avec ces superbes chevaux nous incite à prendre plusieurs photos souvenirs. Des photos où nous sommes tous les quatre, ce qui n’est pas arrivé si souvent depuis le départ, or mis au sommet du Madres. Après l’installation et le positionnement de nos appareils photo et la mise en fonction de nos retardateurs, les clichés sont « dans la boîte ». Mes compagnons s’éternisant avec les chevaux et la piste se transformant ici en une étroite et caillouteuse sente se mettant à monter, je me remets en route sans trop les attendre, prenant ainsi une petite avance. Cette avance, ils vont la rattraper avec une facilité si déconcertante, presque à vous dégoûter de marcher avec eux pour quelqu’un qui y prêterait trop d’attention. Si j’y prête cas, c’est plus par admiration et surtout sans jalousie, car bien au contraire, je suis très heureux de marcher avec ces trois jeunes gens. Néanmoins, j’arrive en premier sur le petit pont enjambant le Galbe et je les attends car ils sont déjà là à quelques mètres de moi en surplomb du torrent. En réalité, ce n’est déjà plus le Galbe mais le Correc dels Serrat Verds, un de ses affluents. A ma droite, arrive un autre petit torrent, affluent lui aussi, c’est le rec de la Pierre Ecrite, nom donné à ce ruisseau à cause d’une étonnante pierre gravée bien connue se trouvant dans ce secteur de la montagne. Une étrange pierre avec des gravures surprenantes que les spécialistes ont beaucoup de mal à attribuer et à dater. J’ai longtemps espéré la découvrir mais malheureusement, elle n’est pas sur l’itinéraire du Tour du Capcir, sauf à faire une entorse à notre étape déjà bien longue. Du petit pont, nous repartons comme un seul homme mais cet homme se coupe très rapidement, d’abord en deux, puis en trois, puis en quatre. Il faut dire que la déclivité est assez violente et n’a plus rien à voir avec celles que nous avons connues depuis le départ de Rieutort. Heureusement, la montée vers la Jasse des Formigues permet des vues nouvelles car plus aériennes et pour moi, ces vues sont synonymes d’arrêts photos. Qui dit photos, dit arrêts et qui dit arrêts, dits pauses. La « jasse », verdoyante prairie plutôt plane entourée de sapins, est un opportun palier pour reprendre mon souffle. Notre souffle. On le reprend d’autant mieux qu’un groupe de randonneurs, vétérans et hâbleurs, nous arrêtent pour bavarder et blaguer. Mon âge bien avancé parmi mes trois compagnons d’une autre génération devenant le sujet essentiel de ces gentilles mais équivoques plaisanteries. Les dames n'étant pas les dernières à me « chambrer » !  La suite de l’itinéraire ressemble très souvent à ce premier tronçon : une rude montée, un palier, une rude montée, un palier et ainsi de suite même si les décors sont parfois bien dissemblables. Dans cette montée, d’autres randonneurs nous accompagnent quelques temps et à bien y réfléchir, c’est bien la toute première fois que nous en voyons sur le même itinéraire que le nôtre. Oui, nous avons marché dans une quasi solitude depuis 2 jours. Ici, même si les chemins sont parfois bien différents, le dénominateur commun c’est l’eau. Il en coule de tous les côtés et d’inégales manières : petits torrents, ruisseaux tranquilles, arabesques liquides plus ou moins longues, tourbières spongieuses, flaques cristallines, minuscules cascades. Malgré la saison bien avancée, je cherche quelques fleurs à photographier mais elles sont plutôt rares dans ces milieux très humides. Je réussis néanmoins à en trouver quelques-unes, les plus nombreuses étant des Séneçons des Pyrénées et des Marguerites des Alpes, petite marguerite poussant dans les rocailles. Plus rares sont les Adénostyles, jolies fleurs roses poussant carrément les pieds dans l'eau, mais je suis certain que si j'avais le temps de chercher, je découvrirais bien d'autres fleurs. Mais aujourd'hui,  mon temps n'est pas à la découverte botanique et puis de toute manière, plus je m'élève et plus la minéralité occupe les lieux.  Cette difficile mais non moins agréable ascension se termine au pied de la Muntanyeta (2.436 m), la « Petite Montagne », sur un sentier au départ herbeux puis devenant caillouteux se transformant peu à peu en un pierrier essentiellement composé de petites caillasses. Nous sommes à plus de 2.320 mètres d’altitude et la plupart des hauts sommets environnants culminent à 2.600 ou 2.700 mètres. Tout autour, ce n’est qu’un magma impressionnant d’énormes rochers. Là, au sommet d’un collet, point culminant de la journée à 2.327 m, nous basculons sur un autre versant, celui des « Estanys des Camporells ». Ici, le terrain change du tout au tout passant d’une minéralité extrême à une steppe rase et herbeuse. Sur notre droite quelques hauts sommets servent de frontière avec l’Ariège et la Réserve Nationale d’Orlu. Avec ce col, l’heure du pique-nique est arrivée. En réalité, elle est arrivée depuis longtemps car il est déjà 13h30 passé et le premier joli coin sous la forme d’une mare aux eaux transparentes entourée d’une herbe verte et tendre recueille un accord unanime pour une halte. Pas de doute, nous sommes tous à l’unisson pour déposer nos chaudes carcasses sur l’herbe et les godillots de nos pieds dans ce lieu ô combien rafraîchissant. La mienne de carcasse est en tous cas assez lasse par les montées à répétition et réclame un peu de repos. Il est déjà 13h45 et si la première résolution a été de nous déchausser et de tremper nos pieds endoloris dans cette mare limpide, tenir les pieds bien longtemps dans cette eau glaciale relève de la prouesse ou de l'insensibilité. Tout le monde en conclut que déposer ses fesses sur l’herbe fraîche est bien plus agréable et opportun. On pique-nique tous d’un bel appétit, moi le premier et je suis d’autant plus joyeux que les grosses difficultés de la journée sont désormais derrière moi, même si l’arrivée est encore très lointaine. Alors que nous nous reposons, allongés sur l’herbe, soudain je m’aperçois que les sommets des deux Péric, petit et grand, dépassent de la ligne d’horizon et aussitôt, je me mets à penser à la dernière fois où j’étais venu aux Camporells avec Dany. Un triste souvenir. Nous étions partis de la station de ski de Formiguères et avions atteint les Camporells par la Serra de Mauri et en arrivant nous avions appris qu’une femme venait de chuter depuis le sommet du Petit Péric. Une chute de 2 à 300 mètres en contrebas qui nous avaient profondément choqués et attristés. J’avais été d’autant plus perturbé qu’en regardant mes photos, et notamment une d'entre-elles en rapproché, je m’étais aperçu que le corps de la défunte était visible au sein même des éboulis se trouvant sous le sommet. Quelques minutes après la tragédie, le groupe de randonneurs et d’amis accompagnant cette dame était arrivé au refuge dans un silence de cathédrale. Ils étaient tous complètement décomposés et atterrés par la chute de leur collègue à laquelle ils avaient assisté impuissants.  Gardien du refuge, bénévoles, secouristes, peloton de gendarmes de Haute-Montagne, de nombreuses personnes étaient partis vers les éboulis où se trouvait la malheureuse. Mais c’était déjà trop tard. On avait terminé cette balade, avec dans le ciel, le ballet incessant des hélicoptères qui étaient venus déposer les gendarmes puis chercher la défunte.  Sans compter un étrange petit nuage, lequel dans un ciel très pur, était venu jouer un hallucinant ange gardien juste au dessus de la dépouille. Voilà ce que ces Péric me remémoraient. Une journée mémorablement triste et qui apostrophe longtemps. Heureusement la bonne humeur quasi permanente de Jérôme et de ses amis coupe court à mes pensées de cette triste journée. Après une heure de repos, on se remet en route et bien que j’essaie de penser à autre chose, j’ai un mal fou à oublier ce drame. J’ai d’autant plus de mal, qu’au fur et à mesure que l’on descend vers les Estanys et le refuge, la scène de la tragédie, c'est-à-dire le Petit Péric et ses éboulis se dévoilent à mes yeux. Je suis à la fois triste de ce terrible souvenir et très heureux de voir que Cathy, Fred et Jérôme apprécient à sa juste valeur ce cadre grandiose qui se dévoile peu à peu à leurs regards. Les petits étangs bleutés défilant sur notre droite les attirent comme des aimants. Il faut dire que la douce descente sur ce versant-là permet une découverte progressive et le plus souvent en surplomb des magnifiques lacs bleutés qui se succèdent ; Estany Llarge, Estany Gros, Estany del Mig et Estany de la Basseta ; et dans ce décor à la fois minéral mais par endroits très boisé, l’arrivée au refuge représente une véritable apothéose. Le refuge étant en complète réfection, nous ne jugeons pas  utile d’y entrer et nous partons nous reposer sur les berges du grand lac. Aujourd’hui, heureusement, aucun hélicoptère ne vient troubler notre placide repos et seuls de nombreux vautours fauves tournoient très haut dans le ciel. Après de multiples photos, nous longeons le grand lac puis nous arrivons à celui de la Basseta et en surplomb d’autres lacs magnifiquement bleutés mais plus petits. Ici aussi, de l’eau, il en coule de toutes parts et je suis ravi de voir que mes compagnons sont aussi enchantés que moi de marcher dans cette nature féerique. Après les petits « estanys », l’itinéraire devient un peu plus compliqué, car plus caillouteux mais surtout à cause de courtes montées et descentes qui se succèdent jusqu’au Pla des Carboneres puis encore jusqu’aux flancs de la Serra dels Alarbs. Là, avant la longue descente vers le refuge de la Balmette que je connais bien pour être venu faire l’ascension du Puig del Pam, une biche peu farouche a amplement les honneurs de nos appareils-photos. La distante qui nous sépare d’elle doit lui paraître suffisante car elle continue à brouter tranquillement tout en levant la tête de temps à autre pour nous observer sans crainte apparente. Qu’adviendrait-il de cette jolie biche si nous n’avions pas été uniquement des chasseurs d’images mais des chasseurs tout court ? Un appel téléphonique de Dany m’arrête dans la descente. Je m’arrête. Mes compagnons qui continuent disparaissent dans les bosses des prairies où paissent d’innombrables bovins et chevaux.  Il faut dire que cette descente avec des panoramas grandioses sur les montagnes, Péric et Carlit notamment, mais surtout sur le lac cobalt des Bouillouses est une vraie invitation à la flânerie. De plus, l’hôtel des Bones Hores, c’est à dire la ligne d’arrivée étant visible, on a d’ici une relative « bonne » idée de la distante restant à parcourir et donc pas vraiment envie de courir. Ce n’est donc que 20 minutes plus tard que je rejoins mes compères juste avant le refuge de la Balmette. Ils me font part de leur inquiétude de ne pas m’avoir vu arriver plus vite dans cette longue descente plutôt facile. Une fois les explications fournies,  nous profitons pleinement de la cabane et de ce lieu insolite où de nombreuses vaches déambulent au milieu d’étranges et dodus magmas granitiques.  Les deux sont des prétextes à plusieurs photos. Après cet arrêt improvisé près du refuge, nous prenons le sentier qui descend  vers les Bouillouses. C’est un sentier plutôt pénible car caillouteux à souhait et composé d’un véritable enchevêtrement de rochers, de bois et de ruisseaux. Heureusement, peu après, quelques vastes parties planes et herbeuses compensent cette laborieuse descente vers le lac de barrage. Peu après, je reconnais le sentier du célèbre GR.10 que nous avions emprunté avec Dany lors de la 3eme étape d'un mémorable Mérens-les Vals - Mantet. Mémorable car partir marcher 8 jours avec tente et bardas, c'était la toute première fois qu'on s'y risquait. Mémorable à cause des décors cheminés certes mais pour bien d'autres raisons et notamment celle de ne pas avoir pu terminer le parcours prévu à cause des plantes des pieds de Dany qui n'étaient devenues qu'ampoules à vif et rougeâtres. C'était en 2001. Le récit de cette longue, difficile mais merveilleuse pérégrination, je l'avais intitulé « Les Conquérants de l'Agréable », parodiant ainsi un livre que je venais de lire, celui du célèbre alpiniste Lionel Terray, « Les Conquérants de l'inutile ». Oui, bien incapables d'escalader la moindre paroi de montagne, Dany et moi trouvions bien plus agréables de cheminer autour d'elles en prenant soin de les éviter. Le G.R.10 était là pour ça. Une fois de plus, les souvenirs ressuscitent, même s'ils ne sont jamais vraiment morts et simplement oubliés. Un simple panonceau « Porteille de la Grave - GR.10 » a suffit ! Désormais, je reconnais très bien le petit sentier qui longe le lac. Il est malaisé lui aussi, car il ne cesse de monter et descendre jusqu’au barrage et après les nombreux kilomètres, il finit par « casser les pattes ». Il est d’autant plus difficile à cheminer qu’il est parfois caillouteux et que de très nombreuses racines grosses et lisses effleurant le sol nécessitent d’incessantes levées des pieds bien plus hautes que ne le serait la montée normale d’un escalier. Heureusement les belles mais rares vues sur l’immense lac compensent un peu la pénibilité de ce sentier. En arrivant aux Bones  Hores, je m’aperçois mais bien trop tard que j’ai perdu une polaire que Cathy m’avait prêtée. Sans doute s’est-elle détachée de mon sac à dos en restant accrochée à une branche ? Je suis tellement agacé que je suis disposé à faire demi-tour, mais Cathy m’en dissuade en me disant qu’elle n’en a pas vraiment besoin et qu’elle n’a pas beaucoup de valeur. Sans doute a–t-elle un peu pitié de moi après les nombreux kilomètres parcourus ? J’aurais fait de même. Autant l’avouer aussi, la vue du grand hôtel des Bones Hores est pour moi un réel soulagement pourtant je ne suis pas plus fatigué que ça. En tous cas, beaucoup moins que je ne l’appréhendais au départ ce matin. Je m’aperçois que j’ai bien récupéré de ma terrible méforme du premier jour. La dernière étape s’annonce donc sous d’excellents auspices. Non, si je suis satisfait d’en avoir terminé, c’est surtout parce que je m’étais fait un monde de cette très longue étape et que je l’avais considérée comme excessivement difficile, en tous cas la plus difficile des quatre. En réalité et après réflexion, la plus ardue a été la première avec cette « terrible » montée vers le col de Passeduc, mais avec il est vrai une condition physique déplorable par manque de sommeil et sans doute un stress au delà du raisonnable. Aujourd’hui tout ça a disparu et j’en suis heureux. Les « Bones Hores » est un grand et superbe hôtel et un rendez-vous presque obligé des randonneurs qui viennent marcher dans ce secteur du Capcir. La plupart grimpent vers le pic du Carlit, plus haut sommet des Pyrénées-Orientales au milieu des innombrables lacs et cette balade sur une journée est sans doute une des plus belles du département. Même si d’autres hébergements sont possibles autour du barrage, aucun n’a les potentialités et les possibilités d’accueil des Bones Hores. Tous les randonneurs que je connais et qui ont séjournés là, m’ont toujours donné des avis très positifs. Ici, on est très bien accueilli, on y dort et on y mange toujours très bien et je crois que c’est très clairement le cas pour nous aussi. Tout le monde a été enchanté de cette fin d’étape et cette nouvelle nuit à l’hôtel, après une si longue escapade, a été très bénéfique. Moi, j’ai été véritablement émerveillé de cette troisième étape. Elle est superbe. La Vallée du Galbe, la longue montée vers les Camporells, les estanys des Camporells et les Bouillouses, pour moi pas de doute, tout cette partie est un véritable petit Canada français. Un Canada, certes où je ne suis jamais allé, mais que j’ai vu à maintes et maintes reprises à la télé et qui ressemble parfois à s’y méprendre à ce coin paradisiaque du Capcir mais aussi bien sûr à ces décors qui jalonnaient les aventures de Blek le Roc. Aujourd’hui, Blek le Roc n’est pas revenu dans mes pensées et ma bonne forme physique y est certainement pour quelque chose. Voilà, les pensées que j’ai dans la tête à l’instant même où je pose ma tête sur l’oreiller.  Je suis certain que Blek le Roc aurait été enchanté de marcher avec nous aujourd’hui et de connaître la Vallée du Galbe,  les Camporells et les Bouillouses. Par contre, je ne sais pas s’il aurait apprécié les Bones Hores, lui que je n’ai toujours vu que dans des cabanes de trappeurs, des tepees indiens ou bien dans des fortins faits de rondins de bois. De nouveau, je m’endors avec ces songes d’enfants mais conscient tout de même qu’un autre rêve s’achève dès demain : celui d’avoir pu réaliser ce Tour du Capcir avec Jérôme et ses amis ! Après le Tour du Fenouillèdes en 2011, voilà un autre Tour du Bonheur qui va se terminer ! Dans ma tête à demi ensommeillée, mes pensées tourbillonnent de plaisir. Le passé et le présent s’entremêlent une fois encore mais aujourd’hui aucune tristesse ne vient les troubler. A bien y réfléchir, mais c’est très lointain maintenant, je ne me souviens pas avoir vu Blek le Roc dormir ou bien se reposer une seule fois ?

Cliquez sur le lien suivant pour passer à la 4eme et dernière étape

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Tour du Capcir - Etape 4 Les Bones Hores aux Bouillouses - Matemale

Publié le par gibirando

 

Ce diaporama est agrémenté de 4 musiques d'Ennio Morricone qui ont pour titre "Malena", "Il Figlio E La Nostalgia", "Dedica" et "Federico E La Sa Solitudine". Les 3 dernières sont extraites de la compiltation intitulée "Relaxing Moments".

Tour du Capcir - Etape 4 Les Bones Hores aux Bouillouses - Matemale

Tour du Capcir - Etape 4 Les Bones Hores aux Bouillouses - Matemale

Tour du Capcir - Etape 4 Les Bones Hores aux Bouillouses - Matemale

Tour du Capcir - Etape 4 Les Bones Hores aux Bouillouses - Matemale

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.


 

4eme étape – 14 septembre 2013 : du refuge des Bones Hores aux Bouillouses (2.019 m) à Matemale (1.500 m) soit 19,6 km pour un dénivelé de 689 m et des montées cumulées de 771 m. Point culminant à un collet proche du lac d’Aude au lieu-dit Malpas (2.185 m) – Point le plus bas à Matemale (1.496 m).

 

Comme imaginé hier soir, la nuit a été formidablement réparatrice. Je me suis endormi avec uniquement de belles images devant les yeux et aucun cauchemar n’est venu hanter mon sommeil. Après un réconfortant petit déjeuner, nous voilà fins prêts pour cette dernière étape vers Matemale, longue de 19,6 kilomètres selon mes calculs. Au programme, un peu de bitume sur la D.60 puis une « belle » montée jusqu’au Lac d’Aude dans le Malpas, un autre « mauvais passage » que j’espère plus praticable que celui du Madres. En tous cas, celui-ci, je ne le connais pas. Après le lac d’Aude, direction les Angles, en longeant le fleuve éponyme, en passant par le parc animalier et la station de ski du Pla del Mir. Là, direction Les Angles, courte visite de la partie la plus pittoresque de la commune car la plus ancienne puis descente vers le lac de barrage de Matemale puis vers le village où la voiture nous attend. Pour clôturer cette journée, Jérôme et moi avons prévu d’amener nos amis Cathy et Fred aux Bains chauds de Saint-Thomas qu’ils ne connaissent pas. En général, c’est une initiative toujours appréciée de tous après une longue randonnée. Voilà comment j’ai imaginé cette dernière étape après l’avoir analyser à maintes et maintes reprises. Avant de quitter ma chambre d’hôtel, je prends quelques photos des panoramas alentours mais un éblouissant soleil jette ses rayons aveuglants contre les vitres de la fenêtre. A coup sûr, mes photos seront minables mais tant pis et je préfère de très loin cet ardent soleil et ce ciel pur que les gros nuages gris et menaçants du premier jour. 8h 15, nous quittons les Bones Hores. Effectivement, un chaud soleil propulse déjà des rayons étincelants sur le barrage et les eaux de son lac bleuté. La journée s’annonce magnifiquement belle et j’en suis très heureux. Sans doute très chaude aussi, et peut-être même caniculaire et ça j’aime moins. L’itinéraire file sous le long et impressionnant mur de soutènement du barrage. De l’autre côté, nous hésitons quant à la suite du parcours. Il est vrai qu’au sein de quelques maisons et de plusieurs rues et ruelles, nous ne trouvons pas immédiatement le balisage. Il est pourtant là mais peu évident et c’est bien la D.60 qu’il faut emprunter. Quelques chevaux identiques à ceux de la Vallée du Galbe, c’est dire bruns et à crinières et queues blanches, errent sur la route à l’entrée du village. Ils paraissent gentils et donc moins sauvages. Avec un peu de d’appréhension néanmoins, nous leur lançons une main prudente pour les caresser. Pas de doute, ceux-là sont plus dociles et acceptent frontalement les câlins. Il y a longtemps déjà j’avais lu que ces chevaux étaient propres aux Pyrénées catalanes mais je ne jurerais pas qu’il s’agit de cette race-là. De toute manière, j’avais également lu que ceux de race « Pyrénées catalanes » étaient essentiellement élevés pour leur viande, alors en les regardant, je ne préfère pas y penser.  On laisse les chevaux à leurs errements et l’on poursuit la D.60. Dans un virage, un panonceau mentionne « Boucle du lac d’Aude » et pas d’hésitation, c’est bien par là comme l’indique le G.P.S de Jérôme et le mien. Un sentier entre immédiatement en sous-bois puis se poursuit dans une clairière. Il en est ainsi tout au long de cette « bonne » mais régulière déclivité où quelques trouées offrent de beaux panoramas en direction du Carlit et des autres sommets composant son massif.  Les parties plus boisées et les clairières se succèdent jusqu’à un plateau. Une fois arrivés sur ce "pla", le sentier zigzague au milieu de nombreuses tourbières. Ici, les fondrières sont légions mais on ne peut pas dire que le chemin soit mauvais pour autant et l’intitulé de Malpas, c'est-à-dire de « mauvais passage » ne me semble pas vraiment approprié, en tous cas pas sur la portion empruntée. Ici, et en terme de dangerosité, il n’y a aucune comparaison avec ce que nous avons connu au Clos Tort entre le Roc Nègre et le Madres. Le chemin semble descendre vers le lac d’Aude mais n’y descend pas vraiment et le contourne par la droite mais en balcon. Malheureusement, depuis ce balcon, de grands pins obstruent la vue et empêchent toute vision complète du lac. Toutefois, je trouve le coin formidablement joli et rafraîchissant et je me dis que ce lac, source de l’Aude, nécessitera une découverte plus approfondie lors d’une autre venue et d’une balade à programmer, avec peut être une ascension du Mont Llaret (2.376 m) et du Roc d’Aude (2.325 m) qui le dominent. J’ai déjà imaginé et inscrit cette randonnée dans mes tablettes mais sans jamais l’avoir encore programmée. Je me dis que ça viendra bien un jour ! Encore une petite descente dans une verte prairie puis le sentier se stabilise et devient vraiment très agréable car à peu près plane sur une bonne distance. On atteint un étrange bois de pins à crochets. Etrange car de nombreux arbres sont définitivement desséchés. Certains sont encore bien debout mais secs et ressemblent à de véritables squelettes. Ces squelettes, il y en a bien d’autres penchés les uns contre les autres. D’autres gisent à même le sol, telles d’immenses carcasses de géants qu’un monstre encore plus colossal aurait anéanties. Je me demande si la tempête Klaus ne serait pas passée par là en janvier 2009 comme elle était violemment passée dans le Vallespir avant que je n’envisage d'en faire son tour ? Dans ce bois de pins à crochets, la pente s’accentue puis les arbres disparaissent quelques minutes le temps au sentier de traverser un petit cirque verdoyant entouré de hautes falaises schisteuses rougeâtres. Puis le parcours se creuse et se transforme en de larges fondrières et l’on voit bien que lors de pluies diluviennes, le chemin devient torrent. Le sentier devient caillouteux et très pénible car les eaux qui ruissellent ont mis à nu des rochers et d’innombrables racines. Ces roches et ces racines sont lisses et glissantes et chacune d’entre-elles est un obstacle à enjamber ou à éviter. Heureusement cette mauvaise descente se termine sur un large chemin bien plus praticable. Nous sommes à la Jasse de Bernardi comme l’indique un panonceau tout près du refuge éponyme. Finalement, l’itinéraire aboutit sur une large piste forestière. Là, on coupe un étroit et insignifiant ruisseau sur une radier. Ce ruisseau, c’est l’Aude et j’ai du mal à imaginer que ce semblant de rivière d’à peine deux mètres de large et de quelques centimes de profondeur, c’est le même et large fleuve traversant tout un département et arrosant de grandes cités comme Quillan, LimouxCarcassonne ou Trèbes et se jetant dans la Méditerranée aux Cabanes de Fleury. Sa longueur de 224 km et sa puissance sont impensables vu d’ici. Et pourtant ? La piste terreuse devient moins agréable et plutôt lassante. Heureusement, en arrivant au Pla del Buc (Bouc), on se laisse facilement distraire par quelques chevaux que des éleveurs tentent de dresser. Le parc animalier est là et quelques animaux étant visibles à travers le grillage, ça permet d’oublier un peu la monotonie de cette piste forestière qui se termine à la station de ski du Pla del Mir. Là, et même si ce n’est pas et de loin, la cohue de l’hiver, c’est vraiment un retour évident à la civilisation. Les touristes sont déjà plutôt nombreux à cause du parc animalier et de certaines remontées mécaniques fonctionnant en été. Cette civilisation foisonnante et bruyante n’incite pas à un long arrêt, et du Pla del Mir, nous allons faire usage que des rudimentaires toilettes publiques. Elles sont là alors on en profite sans compter pour se rafraîchir à l’eau glacée de leurs robinets. Après le Pla del Mir, le sentier se poursuit en forêt et alors que personne ne s’y attend vraiment, Jérôme, sans prévenir, décide que l’heure du déjeuner est arrivée. Sans doute a-t-il la fringale ? C'est mon cas et je suppose que c'est aussi le cas de Cathy et Fred ? Alors bien évidemment, on stoppe à l’ombre des pins mais sans réel panorama à contempler. On reste là environ 20 minutes puis on repart, toujours dans cette forêt du Senescal où le sentier se faufile exclusivement en descente. La départementale D.32 filant vers les Angles se présente et en bordure de la route un petit panonceau indique clairement la suite du Tour du Capcir. Cette suite traverse la route bitumée et continue en face au travers d’un pré puis en lisière d’une pineraie de pins à crochets. Un deuxième panonceau Tour du Capcir se présente à nouveau : « Les Angles – 0h20  » et « Matemale – 2h15 ». Alors bien évidemment, on poursuit en direction des Angles sur un agréable sentier encadré de pierres sèches et filant la plupart du temps au milieu des prés. Au travers des pins, la cité apparaît très rapidement. Au même instant, le magnifique lac bleuté de Matemale apparaît sur la droite et en contrebas ainsi qu’une piste qui semble y mener. On poursuit encore vers les Angles que nous ne devrions pas tarder atteindre tant la cité semble désormais toute proche. Alors qu’on marche tous tranquillement en file indienne, Jérôme, sans crier gare, quitte le sentier et se met à descendre illico en direction du lac de Matemale. Alors qu’il descend le pré, je le rattrape, l’arrête et l’interroge sur ses intentions. Il me dit que pour rejoindre Matemale, il ne trouve aucun intérêt à faire cette longue boucle menant aux Angles et qu’il a décidé de prendre ce raccourci afin de terminer au plus tôt et de pouvoir au plus vite aller prendre un bain à Saint Thomas. J’ai beau lui indiquer que nous avons tout notre temps, que le programme est prévu ainsi et que le vieux village des Angles mérite le détour, rien n’y fait, et il décide de poursuivre ce raccourci tout en descente. J’avoue que je suis un peu désabusé , non pas que je tienne à aller aux Angles, que je connais déjà, mais je trouve dommage que Cathy et Fred n’en profitent pas. Enfin, je me dis que c’est à eux trois de décider et comme Cathy et Fred semblent acquiescer le choix de Jérôme, je me plie et me rallie à la majorité. Cette descente inattendue traverse d’abord des prés, longe une pineraie puis file direct au milieu de tourbières asséchées. Dans ce dédale peu praticable car complètement bosselé, les mottes de laîches ont rapidement raison de mon genou droit. Pas de doute, voilà  une vieille tendinite qui vient de se réveiller. Finalement après avoir enjambé une clôture, nous retrouvons une piste bien plane et l’itinéraire du Tour du Capcir. Bien que je n’apprécie pas cette entorse à l'itinéraire initialement programmé, force est de reconnaître qu’il s’agit d’un vrai raccourci, nous ayant fait gagner au moins deux kilomètres et un temps de marche certain. La piste terreuse est tellement plane que je peux me permettre de compenser très facilement la tendinite qui vient de s’éveiller, me fait quand même un peu mal et de ce fait me fait légèrement claudiquer. La piste longe le lac puis s’en rapproche jusqu’à atteindre le centre équestre, la base nautique, la belle forêt de la Matte et enfin le barrage. Ici, je retrouve le petit circuit que j’avais réalisé en 2006 avec Dany et dont les objectifs principaux avaient été la Tour de Creu, la forêt de la Matte et le barrage. On traverse le barrage, ce qui nous permet d’avoir une vision certes synoptique mais presque à 360 degrés du parcours réalisé sur ce Tour du Capcir. D’ici, on peut presque en tournant sur nous-mêmes voir ou au pire imaginer les lieux cheminés.  Quelques dernières photos de notre groupe sur le barrage et l’arrivée n’est plus qu’à 1,6 km comme l’indique un tout dernier panonceau. Le sentier s’éloigne du barrage en descendant vers la centrale électrique, traverse un petit bout de prairie et aboutit sur l’asphalte surchauffé de la D.118 puis de la D.52. Si la canicule qui règne fait fondre l’asphalte, dégageant une odeur âcre, ce n’est pas cette effluve qui me chagrine le plus. Non, ce qui me chagrine, c’est que ce parcours se termine déjà. Je suis toujours attristé de voir se terminer ce que j’ai aimé, même si je sais me faire une raison. Sentiments confus, je suis à la fois triste d’en terminer et heureux d’avoir parcouru ce merveilleux Tour du Capcir. Comme sur tous les tours précédents que j’ai accompli, une ou deux étapes supplémentaires ne m’auraient pas dérangé. La D.52 nous amène directement à Matemale en longeant l’Aude qui n’est encore ici qu’un étroit ruisseau de deux à trois mètres de large tout au plus. Toutefois, son lit est plus profond et ses ondes plus vives, mais c’est sans doute normal au pied du barrage qui en déverse ses eaux. Un cheval blanc est là sur l’autre rive de la rivière. Il baisse la tête puis la relève et semble aussi déconcerté que moi selon les postures qu’il adopte. Il paraît vieux, à moins qu’il ne soit que seulement las de cette température quasiment caniculaire. Les maisons de Matemale sont déjà là, son étonnante « Campanette », étrange chapelle car étroite et toute en hauteur, telle une tour, sa belle église avec son clocher lombard en fer forgé et voilà quelles sont les dernières visions que je garderais ce merveilleux Tour du Capcir. Il se termine ainsi et sous un soleil magnifiquement radieux. Un dernier virage et le parking d’où nous sommes partis apparaît juste un peu plus haut. Ma voiture est encore là et on va tous pouvoir aller « piquer une tête » dans les bains chauds de Saint Thomas. Une eau très fraîche serait peut-être préférable ? Enfin, nous verrons bien ! Un chose est certaine : mon bonheur va encore se poursuivre pendant quelques heures. Enfin, c’est le cas pour moi. Ce bien-être, je suis conscient de le devoir à Jérôme et à ses amis qui ont accepté ce « challenge » de venir marcher avec moi. Je la dois à Blek le Roc qui est sorti de ma mémoire comme un beau papillon sort de sa chrysalide. Je la dois à ma mère qui n’aurait jamais imaginé l’impact que ce personnage de bandes dessinées aurait sur les vertus et les passions de mon existence. Alors c’est décidé, ce récit je vais l’intitulé « La Balade de Blek le Roc ou le Tour du Capcir en 4 jours.

 

Selon mes calculs et tel qu’expliqué ici, ce Tour du Capcir a été long de 79,6 km pour des montées cumulées de 4.556 m. Le point culminant a été Le Madres à 2.469 m. Après avoir accompli ce tour et grâce aux nombreux refuges gardés ou non gardés que j’ai pu observer, je me suis dit que ce parcours est parfaitement réalisable de diverses manières et donc avec divers points de départ. Il me paraît donc utile de vous donner la liste de ses principaux refuges dont vous trouverez aisément les caractéristiques sur Internet et auxquels il faudrait rajouter les gîtes d’étapes présents dans les différentes communes traversées ou approchées que sont Matemale, Puyvalador, Rieutort,  Fontrabiouse, Espousouille, Les Bouillouses, Les Angles et à un degré moindre sur le plan éloignement avec Odello, Réal, Vilanova et FormiguèresLes Estagnols au col de Sansa, la Maison pastorale du Pla de Gril, le refuge de la Font de la Perdrix, le refuge Oller, le refuge de Becet, les barraques de la Jacette et celle de Jasse de la Llosa, refuge des Camporells, refuge de la Balmette, abris de la Jasse de Bernardi et du Pla del Buc. Renseignez-vous bien sûr quant à leur utilisation possible et de quelle manière. Je fais volontairement abstraction de quelques orris habitables mais vous les trouverez sur l’excellent site : Pyrénées-refuges.com. Le site Refuges.info est également super ! A l'aide de ce récit et des renseignements fournis, vous n'aurez, je l'espère, aucun mal à marcher dans nos pas ! Ce récit est aussi fait pour ça !

 

Nota : Au cours de ce Tour du Capcir, j'ai beaucoup pensé à ma mère car j'ai fini par comprendre que c'était bien grâce à elle que j'avais acquis cette passion pour la randonnée pédestre et la Nature. J'ai donc voulu lui rendre hommage au travers de ce poème. Elle est décédée en novembre 2014, un peu plus d'un an après.

 

Merci Blek le Roc et merci maman.

 

C’est maman en cachette qui achetait Kiwi,

Et qu’elle prenait soin de mettre dans mon lit.

Blotti dans la douceur des chaudes couvertures,

Je dévorais sans bruit le « Comics » d’aventures.

 

Il y avait Ranger, Zembla ou bien Zagor,

Mais de tous ces héros, Blek était le plus fort,

Parmi tous ces géants,  c’était ma préférence,

Je mettais dans ses traces les pas de mon enfance.

 

Blek était grand et fort et dur comme une table,

Mais il tenait pourtant au fond de mon cartable.

Dans mes jeunes années, il m’a tout inculqué,

L’honneur et le respect, l’esprit de liberté.

 

Je préférais le Blek et délaissais le Bled,

Et lui seul en français survenait à mon aide.

Et en ce jour encore, si j’ai le goût d’écrire,

Blek m’a offert aussi cette passion de lire.

 

Le trappeur intrépide pourchassait les Anglais,

Et il n’avait de cesse que de les déloger.

Sa principale action, faire de la résistance,

Et j’ai gardé de lui ce penchant de constance.

 

Du Nord de l’Amérique qu’ils voulaient dominer,

Sans partage, sans vergogne et trop d’autorité.

Blek ne pouvait souffrir cette morgue des Rouges

Et avec lui c’est sûr, il fallait que ça bouge.

 

Des français, des indiens, il était leur ami,

Fidèle à ses principes et au jeune Roddy.

Ces combats à poings nus durs comme des blocs,

C’était là la raison de son nom Blek le Roc.

 

Enfant j’ai adoré ce héros d’aventures

Qui m’a donné en sus le goût de la Nature,

Et si je lui dois tout à toutes les époques,

Je dis Maman merci et merci Blek le Roc

 

Fin du Tour du Capcir, lien pour retourner à la page d'accueil.

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La Boucle des Etangs du Carlit depuis Les Bouillouses.

Publié le par gibirando

 Le diaporama est agrémenté avec des musiques du compositeur allemand Oliver Heuss extraites de ses albums "Amerikas Naturwunder"

La Boucle des Etangs du Carlit depuis Les Bouillouses.

La Boucle des Etangs du Carlit depuis Les Bouillouses.


 

Parce que je n’ai pas été l’initiateur de cette « Boucle aux Etangs du Carlit » réalisée le 25 août 2019, je l’avais complètement oubliée dans ma chronologie. Pourtant, ce jour-là, j’avais fait en sorte de prendre les photos indispensables au reportage habituel de mon blog. Ce n’est donc que partie remise et voilà ci-après le récit de cette merveilleuse journée en famille. C’est Carole ma fille, presque sur un coup de tête, qui nous a invité à cette sortie capciroise. Alors bien sûr, il nous « faut tomber du lit », se préparer dare-dare afin d’être prêts pour démarrer tous ensemble vers ces merveilleuses Pyrénées qui nous attendent et que nous aimons tant. Tout ce passe comme prévu, mais malgré ça, il est déjà 11h quand on gare nos voitures sur le parking du Pla de Barrès. Là, à la belle saison, commence la route réglementée menant au site classé des Bouillouses. Le parking étant déjà bien plein, on s’inquiète un peu. Pourtant tout paraît bien rodé et en moins de 10 mn, nous voilà déjà dans la navette, un bus très confortable ; alors que la route ne l’est pas du tout ; direction le fameux barrage alimentée par la Têt depuis 1910. Une demi-heure plus tard, et bien que beaucoup chahutés à cause des nombreux virages, nous débarquons entiers et en bonne forme. Aussitôt, voilà notre petite équipe déjà à pied d’œuvre, filant en direction de l’hôtel-restaurant Les Bones Hores, car c’est là que commence l’itinéraire menant à nos futurs objectifs. Ici, et bien que de très nombreux souvenirs, plus ou moins récents, resurgissent en moi, je ne peux guère m’éterniser. Pourtant, et en essayant de me les remémorer, les 3 principaux reviennent chronologiquement presque naturellement. Il y a août 2001 où Dany et moi n’avions fait que passer lors d’une étape mémorable sur le G.R.10 entre Mérens-les-Vals et Mantet. Mémorable car ce périple avait duré 8 jours, mais surtout parce que cette étape entre le lac du Lanoux et Bolquère, bien trop longue, avait mis à vif les pieds de Dany. C’est d’ailleurs à cause de ça, que nous avions terminé à Mantet plutôt qu’à Prades comme initialement prévu. Puis en juin 2005, déjà ma fille et mon gendre JC avaient décrété de nous faire gravir le Carlit. Ce jour-là, si j’avais réussi l’ascension sans trop de problèmes, la descente sans doute trop rapide avait engendré dans mon crâne de terribles maux de tête. Alors je m’en souviens aussi parfaitement. Les étangs vers lesquels nous partons aujourd’hui, depuis le sommet du Carlit, je les avais décrit comme « une constellation de lacs dans une galaxie granitique ». Aujourd’hui, je tire néanmoins un constat : j’ai vieilli de 14 ans, depuis ma fille et mon gendre ont eu deux beaux enfants, et de ce fait et par bonheur, j’ai deux adorables petits-enfants de 11 et 9 ans qui m’accompagnent et marchent bien mieux que moi. Enfin, en septembre 2013, les Bones Hores nous avaient accueilli pour notre dernière soirée sur un incroyable Tour du Capcir (à paraître) réalisé en 4 jours avec mon fils Jérôme et un couple d’amis. Alors même si je ne m’arrête pas devant l’hôtel, je ne peux m’empêcher de l’immortaliser, car tout comme le barrage, cet hôtel est la représentation matérielle de tout ce passé à la fois si lointain mais encore si frais dans ma mémoire. Les seuls arrêts, je les consacre presque exclusivement à photographier les décors car si la faune et la flore sont un peu présentes, le rythme de marche qui m’est imposé par tous ces jeunes n’est pas celui que je pratique habituellement. Alors que nous en sommes à regarder des panonceaux,  mon gendre m’indique  qu’il a fait le choix d’une variante plus courte que celle des 9 ou 12 étangs. « Ça me conviendra très bien » lui dis-je en regardant le panonceau indiquant 2h30 pour les 9. D’emblée, comme l’itinéraire ne fait que monter, je me contente de suivre ce petit groupe de jeunes en essayant de ne pas me laisser distancer. J’y parviens mais aux prix d’efforts peu habituels pour moi. D’ailleurs, de temps à autres, j’éprouve la nécessité de quelques arrêts pour souffler un peu. Je ne suis pas le seul. Dany, elle, est dans une forme quasi-similaire à la mienne, mais nous avançons correctement et c’est bien là l’essentiel. Rien ne presse après tout car la balade est courte et puis il faut aussi penser aux enfants, peu habitués à marcher en altitude. Par bonheur, car la faim me tenaille, le premier estany, celui del Viver (ou Vivès), est décrété comme étant le lieu idéal d’un pique-nique. Tout le monde adhère à cette lumineuse proposition. Ici, je peux enfin me livrer à ma passion pour la photo naturaliste. Oh, ce n’est pas un zoo mais les quelques colverts et les dizaines de libellules noires qui occupent le rivage suffisent à mon bonheur. Prendre des couples de libellules qui ont décidé de s’unir n’est jamais facile. J’y passe du temps. Quand aux colverts, ils paraissent tous identiques et leurs plumages plutôt ternes pourraient laisser croire qu’il ne s’agit que de femelles. En réalité, quand on les observe plus précisément, on peut noter quelques modestes différences. Ils ont revêtu leur plumage d’éclipse, celui qui suit la période nuptiale, avec comme principale conséquence celle des mâles qui « perdent la tête » et leur merveilleuse couleur verte irisée. De plus, la quasi-absence de miroir alaire car invisible dans leur façon placide de barboter rend impossible la moindre évaluation de leur âge. De ce fait, il y a-t-il quelques jeunes canards parmi eux ? Difficile à dire ! Voilà à quoi je pense et m’occupe en dévorant mes sandwichs. Le pique-nique terminé, nous repartons. Le balisage est bon et la qualité du sentier très variable mais dans cette partie-là,  les petits lacs s’enchaînent assez rapidement : étang Noir, étang de la Coumasse et étang Sec. Malgré le rythme imposé, je continue à être aux aguets et si quelques oiseaux et papillons sont bien présents, dans l’immédiat, je n’immortalise que ces derniers, toujours les mêmes apparemment et de la famille des « Moirés ». Par bonheur, une centaine de mètres plus loin, un très beau Bec-croisé des sapins vient se poser au sommet d’un pin à crochets. Malgré qu’il soit un peu loin, je parviens néanmoins à le photographier car il est occupé à son déjeuner, consistant à picorer les aiguilles les plus jeunes. Il s’agit d’un mâle avec son beau plumage rouge. Après l’étang Sec, une longue ligne quasiment droite file vers l’étang de Bailleul. Selon mon bout de carte IGN, il faudrait monter le talus puis traverser le plateau pour aller voir les étangs Llat et Llong mais apparemment personne n’y semble décidé. Pourtant, ils ne me paraissent pas très loin. 300 ou 400 m tout au plus. Si j’étais seul, pas de doute, j’irais les voir mais aujourd’hui je suis le mouvement et ce d’autant que c’est moi qui ferme constamment la marche. Je ne parviens qu’à rattraper les autres car ma petite-fille Eulalie semble être tombée sous le charme des cairns qui jalonnent le sentier. A chacun des gros cairns, elle ajoute des pierres aux édifices et quand ils sont tout petits, elle prend un malin plaisir à les redresser presque intégralement. Je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est peut-être ainsi qu’on attrape le virus de la randonnée pédestre. L’arrivée à l’étang de Bailleul est l’occasion d’une nouvelle pause où le petit torrent déversoir offre à tous la possibilité d’un bain de pied « fraîchement » réconfortant.  Moi, comme j’ai aperçu deux bergeronnettes grises courant sur la berge, je pars pour tenter de les photographier. J’y parviens à force de patience et parce que j’accepte de faire la moitié du tour de l’étang mais j’avoue que quelques fleurs communes à ce milieu humide sont plus faciles à immortaliser. Nous profitons aussi de cet arrêt pour finir nos casse-croûtes respectifs. C’est à cet instant que j’aperçois un couple, qui droit devant moi, est entrain de gravir les gros pierriers. Je les observe. Mais où vont-ils au juste ? Finalement, en regardant mon bout de carte, je comprends qu’ils ont choisi la ligne la plus droite pour rejoindre les autres étangs qui sont plus hauts : Castellà, d’En Gombau, Trebens et Sobirans. Nous repartons. L’étang de Bailleul étant amplement recouvert de très longues plantes aquatiques, j’en suis à me demander si cette prolifération n’est pas le début d’une inéluctable eutrophisation ?  Tout au cours du chemin, j’ai déjà remarqué pas mal de petites cuvettes complètement asséchées et je suis à peu près certain qu’il fut un temps où elles devaient héberger d’autres étangs aussi remplis que ceux que nous visitons. Jusqu’à l’étang de Les Dougnes, puis encore bien après, rien de notable, or mis une « grosse gamelle » sans gravité dans une descente menant à une petite passerelle. Ça fait rire les enfants Robin et Eulalie de me voir les « quatre fers en l’air », mais les adultes un peu moins. Ils s’inquiètent immédiatement de mon sort.  J’ai glissé sur une roche et suis  tombé sur le dos mais par bonheur mon sac a totalement amorti le choc. Je n’ai absolument rien. Je repars en me souvenant qu’après de très nombreuses chutes à répétition dont une plutôt grave, je ne suis plus tombé depuis une randonnée « très spéciale car orientée » qui m’avait mené au « conjurador de Serralongue » en février 2017. J’avais appelé cette randonnée qui m’avait été vivement conseillé par un inconnu rencontré à Urbanya « Les chemins ruraux de Serralongue depuis le Tech ». La magie de la conjuration avait bien fonctionné jusqu’à présent mais aujourd’hui une toute petite pierre granitique qui a glissé son mon pied droit est venu contrarier cet ordre qui semblait pourtant bien établi. Il faut dire que je l’ai un peu cherché car au lieu de suivre le sentier le plus fréquenté comme le faisait tout le monde, j’ai fait le choix de marcher au plus près du ruisseau qui lui est parallèle. Le ruisseau de la Bouque de Capcir il s’appelle et il fait le lien entre l’étang de Les Dougnes et celui del Viver. Par la force des choses, les pierres y sont plus humides mais moi je voulais voir si j’y apercevais des grenouilles dont je sais qu’elles sont présentes régulièrement. Alors ces grenouilles que je n’ai pas vu, m’ont-elles jetées un mauvais sort ? Je n’y crois pas une seconde même si je sais que depuis l’Antiquité, les grenouilles et les amphibiens en général sont considérés comme des êtres maléfiques. Au Moyen-Âge, le crapaud et surtout sa bave sont très souvent le composant préféré des potions magiques des sorcières. Les grenouilles, salamandres et autres tritons sont des animaux diaboliques. Mais le Moyen-Âge est loin et si l’Histoire, celles des sorcières notamment et les légendes m’intéressent, je garde les pieds sur terre. Enfin, pas toujours ! Et surtout quand les semelles sont détrempés ! D’ailleurs, la chance me sourit enfin avec une mésange huppée qui vient très gentiment se laisser photographier en se posant au sol à quelques mètres de moi. A hauteur de la passerelle en bois puis juste après, le cas d’étangs ayant subi une ancienne eutrophisation semble se confirmer avec deux ou trois zones amplement envahies presque uniquement par des tourbières. Elles doivent sans doute se remplir que dans le cas de très puissantes précipitations pluvieuses. Les étonnantes Linaigrettes et les jolies Parnassies des marais s’y complaisent. Apparemment, les Populages des marais et les Séneçons des Pyrénées semblent préférer le bord des ruisseaux.  Finalement, après la traversée d’un petit bois de pins à crochets et une nouvelle descente un peu scabreuse, nous retrouvons l’étang del Viver et ses colverts. Pas d’arrêt cette fois et juste le temps de quelques photos des volatiles simplement pour le plaisir. Comme c’est le dernier étang, par la force des choses, la suite et la fin de la boucle deviennent plus monotones. Pour moi, seul un lézard des murailles qui est écrasé comme une crêpe contre un rocher vient compléter mon court bestiaire photographique. J’en suis donc à chercher quelques fleurs oubliées à l'aller pour terminer en beauté. Comme il n’y a plus que des descentes et que les Bouillouses ne sont plus très loin, tous les randonneurs ; et ils sont nombreux à cette heure-ci ; semblent accélérer le pas. Parmi eux, un vieil homme, avec lequel j’entame une cordiale conversation, marche beaucoup plus lentement que tous les autres. Et pour cause ! Il a 84 ans et vient de gravir dans la journée le Carlit et ses 2.921,66 m avec son fils et son petit-fils.  « Chapeau bas ! » lui dis-je en apprenant cela puis voyant qu’il finit quand même bien fatigué et le pas un peu incertain car hésitant, je rajoute tant bien que mal un proverbe qui me vient  à l’esprit : « Ne vous pressez pas !  La lenteur arrive toujours au but alors que la précipitation s’empêtre souvent en chemin »,  avant très paradoxalement d’accélérer mes propres foulées pour rattraper le retard que j’ai pris sur ma petite famille. Il est 16 h tapantes quand nous arrivons aux Bones Hores. Estimant que nous le méritons bien, je propose que l’on prenne une boisson fraîche sur la terrasse de l’hôtel. A la fois histoire de se dessécher le gosier mais aussi de garder un souvenir mémorable de cette magnifique journée. J’ai gardé tous les autres en tête alors pourquoi pas celui-ci avec ma fille et mes deux amours de petits-enfants ? Malgré la foule qui se détend autour des nombreuses tables, il règne ici comme un immense flegme, une espèce de placidité ambiante. Un peu comme si les gens voulaient garder de leur journée ici, dans cette belle du Capcir, dans ce site exceptionnel des Bouillouses et du Carlit, une grande quiétude. Même les serveurs ne semblent jamais pressés. Pourtant quand je les observe, je m’aperçois qu’ils n’arrêtent jamais, se démenant en tous sens mais toujours avec une débonnaire jovialité. Ils ne nous restent plus qu’à rejoindre la navette et si ce matin nous avions fait le choix de passer sous la voûte du barrage, cette fois nous passons dessus. Force est de reconnaître que c’est bien plus beau. C’est donc avec de multiples coups d’œil et photos sur le superbe lac que nous finissons cette balade en famille. Le temps de quelques minutes passées à observer deux pêcheurs lançant leur cuillère à la limite du canal déversoir puis très vite les rares maisons des Bouillouses sont là. Deux navettes sont déjà présentes et c’est avec une belle discipline que tout le monde se plie à leur remplissage respectif en fonction de l’ordre des arrivées. Ainsi se termine cette très belle journée en famille. Oui, il avait raison Jean Ferrat « que la montagne est belle ! ». Telle que racontée ici, cette randonnée a été longue de 9 km pour des montées cumulées de 380 m. Le dénivelé est de 247 m entre le point le plus bas au départ des Bouillouses (1.992 m) et le plus haut sur le petit plateau de l’étang des Dougnes (2.239 m) Carte IGN 2249 ET Font-Romeu - Capcir Top 25.

Description et toponymies des étangs visités - Les lacs supérieurs des Bouillouses

  • Etang ou estany del Viver: Situé à une altitude de 2.139 m pour une superficie de 3 ha et une profondeur de 10 m, c’est le tout premier que l’on découvre sur cette boucle des étangs du Carlit. On le trouve parfois sous la dénomination de Le Vivé ou del Vivé.  La toponymie de ces mots est très simple car bien évidemment elle est à rapprocher du verbe français « vivre » qui a pour origine le latin « vivere ».  Il serait bien trop long d’énumérer ici tous les mots,  noms propres ou de familles qui en sont issus mais en voici quelques uns parmi les plus communs : Vivant, vivier, vivacité, vivoter, Vivès, Vivet, Vivien, Vivern, Vivo, Viviani, etc….Alors reste à savoir pourquoi l’étang porte-t-il ce nom ? On ne peut que faire des suppositions entre le fait qu’il aurait été un vivier à poissons pour les pêcheurs ou bien qu’il aurait été l’étang le plus vivant car son ruisseau est le plus proche de celui des Bouillouses par exemple. On peut je pense éliminer le nom d’une personne.
  • Etang Noir ou Estany Negre : Situé à une altitude de 2.140 m pour une superficie de 4,5 ha et une profondeur de 7 m, sa toponymie est tout simplement due à la couleur de ses eaux engendrée ici par une sombre forêt de sapins qui l’entoure et s’y reflète. Il faut noter que dans les Pyrénées, il y a d’autres lacs ou étangs portant ce même nom de « Negre » et notamment un autre tout proche des Bouillouses au lieu-dit Les Esquits. Pour le différencier du nôtre, ce dernier est parfois appelé Etang Noir d’en Bas. A ne pas confondre donc. 
  • Etang de la Coumasse : Situé à une altitude de 2.160 m pour une superficie de 4 ha et une profondeur de 10 m, sa toponymie d’estany « de la Comassa » signifierait « étang de la grande combe » (Source Wikipédia). On peut faire confiance à cette définition puisque le mot catalan « coma » signifie « combe » et que le suffixe « asse » à souvent une valeur augmentative. Dans la toponymie pyrénéenne, le mot ou nom propre « coume » qui signifie également « combe » est très présent.
  • Etang Sec ou estany Sec : Situé à une altitude de 2.140 m pour une superficie de 2 ha et une profondeur de 7 m, sa toponymie aurait pour origine un îlot rocheux d’une vingtaine de mètres carrés (Source Wikipédia). Toutefois, sa faible profondeur peut également laisser imaginer qu’il aurait connu, sinon une période de totale sécheresse, tout du moins un très bas niveau de ses eaux. Ce constat se vérifie par la couleur vert pâle de ses eaux que n’ont pas les autres étangs et que l’on peut aisément observer sur une vue aérienne (Géoportail).
  • Estany Llat : Situé à une altitude de 2.174 m pour une superficie de 10 ha et une profondeur de 14 m, ce lac constituait à la fin du 19eme siècle le centre d’un domaine piscicole affermé par les frères Aymar, pêcheurs professionnels (source Wikipédia). Sur les cartes IGN, une cabane portant ce nom est le témoignage encore présent de ce passé révolu. D’autres vestiges comme des sillons creusés pour déplacer les truites ou les saumons de fontaine sont encore visibles. Le mot catalan « Llat » signifie « large » et serait une contraction « cerdane » de « llarg » (large) et du mot « plat ». L’estany Llat serait donc large et plat, ce qu’il est en réalité si l’on en juge par l’écart de seulement 1 m entre ses altitudes nord/sud les plus opposées et sur une distance de plus de 300 m.
  • Estany Llong : Situé à une altitude de 2.184 m pour une superficie de 5 ha, son nom de « long » a pour origine ses mensurations : 500 m de long et 170 m de large. Avec un îlot rocheux en son centre et la couleur olivâtre mais plutôt claire de ses eaux, sa profondeur non mentionnée est probablement une des plus faibles de tous les lacs supérieurs des Bouillouses. Une photo aérienne sur Géoportail témoigne de ce constat et il paraît même coupé en deux par une végétation aquatique envahissante. Début d’une eutrophisation ? Je n’ai rien trouvé à ce propos.
  • Etang de Bailleul ou estany de Vallell : Situé à une altitude de 2.230 m pour une superficie de 1,5 ha, il est le plus petit des lacs visités lors de la réalisation de la boucle accomplie. Un peu comme l’étang Llong sa profondeur non mentionnée est probablement très faible. Envahi par de longues plantes aquatiques de surface, sa profondeur ne doit pas excéder 2 à 3 m. Encaissé entre deux crêtes rocheuses, sa toponymie de « Vallell » en catalan ou de « Bailleul » en français a forcément pour origine les mots « vallée » ou « vallon ».
  • Etang des Dougnes ou Estany de Les Dugues : Situé à une altitude de 2.243 m pour une superficie de 3,8 ha et une profondeur de 5 m, cet étang à la particularité de posséder deux déversoirs s’écoulant simultanément vers les bassins de l’Ebre et de la Têt. Cette particularité, il la doit à deux petits ruisseaux. Un premier qui a pour nom « Ruisseau de la Bouque (ou Boca) de Capcir » s’écoulant vers l’étang del Viver qui lui-même se déverse ensuite dans le lac des Bouillouses et donc dans la Têt et un second qui finit par prendre le nom de « Rec de l’Estany » mais seulement après s’être déversé successivement dans les étangs de Bailleul, Llong, Llat et Basses d’en Gombau. Au fil de son cheminement et de multiples ruisseaux affluents, le Rec de l’Estany change de dénominations mais leurs eaux communes finissent leur course dans la rivière d’Angoustrine, elle-même affluent du Sègre et donc sous affluent de l’Ebre, plus long fleuve exclusivement espagnol avec une longueur de 928 km. Selon le toponymiste Robert Aymard, le mot « dugues » ou « dougnes » en français ou « dourgues » en occitan signifierait « trou d’eau ». De très nombreux noms propres commençant ou contenant la racine « dou », ont un rapport avec l’eau (Les noms de lieux en France. Glossaire de termes dialectaux). C’est ainsi qu’en vieux breton le mot « dour » signifie « eau ». En occitan le mot « douts » ou « dotz » signifie « source ». Idem dans la toponymie gasconne où les mots « Doux », « Douch » ou « doutz » sont également une « source ». Et l’on pourrait allègrement rallonger ces exemples.
  • Le lac des Bouillouses : (encatalanEstany de la Bullosa ou de la Bollosa ) est un lac artificiel d'une superficie de 149 ha des Pyrénées, en Haut-Conflent, dans les Pyrénées-Orientales. Le mot catalan « bollosa » est probablement l'adjectif fabriqué « bullosa » dérivant de « bulli » et qui signifie « qui fait des bulles ». En effet, le lac des Bouillouses occupe la partie marécageuse appelée la Grande Bouillouse ou la Bouillouse sur certaines cartes anciennes. La Petite Bouillouse existe toujours, sur la Têt, à 200 m en aval du barrage, appelée « Bolloseta » sur les cartes IGN dans l'édition 2010. En 1896, Emmanuel Brousse mentionne la Bouillouse et la Bouillousette, et appelle les Bouillouses l'ensemble de ces deux lieux. Il ajoute que « la Bouillousette et surtout la Bouillouse sont d'immenses réservoirs naturels dans lesquels il serait facile de retenir les eaux ». (Extraits du site Wikipédia). Pour en savoir plus, rendez-vous directement vers l’encyclopédie libre en cliquant ici.  Le toponymiste pyrénéen Robert Aymard dans son livre « Toponymes Pyrénéens » y voit clairement un rapport avec le mot latin « bulla »  signifiant « bulle », le mot béarnais « boulhou » signifiant « bouillon » et le français « bouillonnant ».
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Le Circuit des Hautes Garrotxes (1.917 m) depuis Sansa (1.410 m)

Publié le par gibirando


Diaporama sur la merveilleuse musique "Etude en E Mineur" de Francisco Tárrega jouée successivement par les guitaristes suivants :

Jurgen Schenk, Bernard Piris, Evgeniya Alaeva Kirilyuk, Manuela Grabsch, Miguel Mota Pinto, Peter Notfall, Samatha Muir,

la fin étant un mixage de ces différentes musiques toutes extraites du site "You Tube".

Le Circuit des Garrotxes (1.915 m) depuis Sansa (1.410 m)

Le Circuit des Garrotxes (1.915 m) depuis Sansa (1.410 m)

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.


 

Les personnes qui dans les topo-guides donnent des noms à des randonnées n’imaginent pas toujours l’importance que peut revêtir un simple intitulé. Exemple ici, pour cette randonnée, que j’ai intitulé «  le Circuit des Hautes Garrotxes (*) ». Il faut prononcer "garrotches". Elle existe, depuis très longtemps déjà, dans un petit fascicule intitulé « 32 randonnées pédestres en Capcir et Haut-Conflent » sous la dénomination « Du col de Sansa au col de Creu », et autant l’avouer cette désignation n’avait jamais aiguisé mon intérêt pour elle. De ce fait, je n’étais jamais allé plus loin que la simple lecture de son intitulé.  Pourquoi me direz-vous ? D’abord parce que je connaissais bien ces deux cols. Le premier pour y être passé à de nombreuses reprises lors de balades vers les sommets du Madres ou du pic de la Pelade puis encore lors d’un mémorable Tour du Capcir. Le second, je ne le connaissais que comme col routier, mais je l’avais toujours vu très fréquenté comme lieu de pique-nique dès les premiers beaux jours. Alors, j’avais imaginé cette randonnée comme une simple liaison de ces deux cols et de surcroît comme une rébarbatif aller et retour par des pistes forestières.  Rien de folichon en perspective. Force est de reconnaître que je me trompais sur toute la ligne ! Entre Haut-Conflent et Capcir, cette confidentielle et enclavée région des Hautes Garrotxes est un magnifique écrin naturel et ce « circuit » au départ de Sansa est un bijou de randonnée et voilà la raison pour laquelle, j’ai préféré lui donner un nom un peu plus attractif.  Enfin j’espère ? Tous les étages montagnards sont passés en revue et ce malgré des altitudes plutôt modestes oscillant entre 1.400 et 2.000 mètres. On y trouve bien évidemment tous les écosystèmes qui vont avec. Une couverture végétale et une biodiversité très variées et bien évidemment des paysages et des décors bien différents selon l’exposition au soleil. Et comme l’itinéraire passe d’un paysage à l’autre, d’un versant à l’autre, parfois au plus haut de la montagne, les panoramas y sont tout bonnement exceptionnels. Qui dit « confidentiel » dit « quiétude » et « solitude » et je vous garantis que sur ce parcours, ce n’est jamais la cohue. Comme déjà mentionné plus haut, le départ s’effectue du hameau de Sansa, direction le col éponyme par le Pla de l’Orri et les Estagnols. Le vallon qu’il faut remonter, c’est celui de la rivière de Cabrils,  alimentée ici par deux ruisseaux plus modestes que sont les recs de l’Oratori et des Manès. En réalité, sa vraie source s’écoule depuis le lieu-dit « Passeduc », à 2.284 m d’altitude, sur le flanc nord-ouest du pic de la Pelade et s’intitule le Rec de Pinouseil. Il rencontre un peu plus bas un bras du torrent « Coume de Ponteils ». Tous ses lieux, je les connais par cœur et font partie d’itinéraires vers le Massif du Madres ou le Pla des Gourgs., déjà expliqués dans mon blog. La rivière de Cabrils finit sa course dans la Têt à Olette. Au départ du hameau, deux alternatives se présentent : soit on emprunte immédiatement la piste qui monte vers le col de Sansa, soit on choisit le chemin qui se trouve sur la gauche en contrebas et qui est l’itinéraire proposé par le topo-guide évoqué plus haut. Nous avons fait ce dernier choix et malheureusement, nous nous sommes empêtrés dans les hautes herbes à la confluence des rivières évoquées plus haut. En me fiant à mon tracé G.P.S, nous sommes passés outre les hautes herbes et finalement nous avons atteint un premier panonceau mentionnant la bonne direction : « Col de Sansa 4,3 km – Pla de l’Orri 1,5 km ». Un coup d’œil sur la carte I.G.N pour constater qu’en prenant la piste, nous serions arrivés au même résultat sans galérer et sans détremper nos godillots. Désormais le chemin est bon et agréable car herbeux et fleuri à souhaits. Il s’élève tout doucement dans un décor étonnant où vieilles terrasses abandonnées se partagent l’espace avec de gros blocs de granite aux formes arrondies. Ici, le mot « garrotxe (*)» signifiant « terre rocailleuse et difficile » prend tout son sens (**). Le Pla de l’Orri est atteint et l’on y découvre l’étonnant cortal connu sous le nom de Delcasso et dont l’Histoire est contée dans l’encyclopédie Wikipédia au mot « cortal ». Ici, on peut poursuivre la piste directement vers le col de Sansa mais si vous ne connaissez pas le site des Estagnols, quel dommage d’y passer à côté sans apprécier ce petit endroit tellement charmant et blotti dans une clairière. Il est à 1,2 km seulement. Il faut suivre le panonceau directionnel et le chemin s’élève très vite en forêt. C’est le Bois de la Sourde. Une clairière plus vaste se présente et les Estagnols sont déjà là. Au loin, le Madres fait son cirque. Comme l’indique le patronyme « estagnols », il s’agit de deux petits étangs aux eaux bleutées. Un minuscule refuge les domine. On y trouve aussi un tipi où les enfants peuvent jouer aux Indiens. Pour y passer une nuit, il faut récupérer les clés à la Maison du Capcir à la Llagonne. Après cette jolie découverte, il faut rejoindre la piste commune avec la Tour pédestre du Capcir. On prend à gauche et le col de Sansa est à moins de 2 km. Les panoramas s’entrouvrent. Ils sont aériens sur le Vallon de Cabrils et si l’on se retourne, on peut découvrir le pic de la Pelade et ô combien sa  dénomination est si appropriée. Un vrai mont pelé !  Sa pelade serait assez ancienne car due à des coupes trop intensives des arbres pour la fabrication du charbon de bois. Mais le plus beau reste à venir. Au col de Sansa, on choisit la direction « Col de Creu 3,6 km – col des Agrellons 1,2 km » et même si elle est très bien mentionnée, attention aux étourderies car il y a tout de même six directions bien distinctes. La large piste forestière s’élève en deux lacets passant de l’ubac de Cabrils à l’adret de l’Aude, sans pour autant qu’une différence arbustive s’entrevoit. Ici, on chemine la belle et grandiose forêt domaniale de Cami Ramader surtout composée de pins à crochets, pins sylvestres et sapins mais aussi de quelques épicéas et mélèzes et de nombreux feuillus sur d’autres versants selon l’altitude, l’exposition et l’hygrométrie. Quand la piste devient plus rectiligne, il faut profiter des panoramas extraordinaires sur la Vallée de l’Aude et le Capcir. Ils sont très aériens et par temps clair, suffisamment lointains pour être époustouflants. Les bois, les prairies, les prés et les champs, ces derniers si renommés pour leurs patates, celles de Matemale, forment un patchwork chamarré. Le lac de Matemale apporte une touche de bleu dans toutes ces nuances olivâtres, rousses ou couleur paille. Les quelques villages ressemblent à des maquettes en modèles réduits et pour les plus petits d’entre-eux à des crèches.  Pour moi, de très nombreuses vues sont synonymes d’autres randonnées ou de lieux cheminés lors d’un Tour du Capcir, effectué en 2013 et en 4 jours. A hauteur du col des Agrellons (1.870 m) les panoramas disparaissent mais comme le chemin bascule très vite sur le versant opposé, on embrasse de nouveaux décors. C’est de nouveau le Vallon de Cabrils et les montagnes qui l’entourent mais sous d’autres angles, et beaucoup plus loin, ce sont les arides Garrotxes méridionales où les contrées creusées de multiples ravines forment l’essentiel du paysage. Encore plus loin, c’est le Massif du Canigou et les premiers hauts pics pyrénéens avec leurs têtes dépouillées et en dessous un long ruban de forêts émeraudes. Une fois encore, il faut profiter de ces vues incroyables car malheureusement, les fenêtres se referment très vite et l’itinéraire se dirigeant vers le col de Creu est essentiellement forestier. Comme les papillons sont légions, j’en profite pour prendre un peu plus de temps à les photographier. L’arrivée au Col de Creu (1.708 m) me confirme ce que je connaissais de lui : beaucoup de voitures et donc beaucoup de visiteurs. La plupart pique-niquent mais je suppose que ce n’est que la partie visible des activités pratiquées dans ce secteur. Rien de spécial ne nous retient alors on poursuit la boucle prévue. Elle file vers l’est en empruntant le D.4 sur 400 à 500 mètres puis à hauteur d’une table d’orientation et d’une croix, il faut quitter le bitume au profit d’un sentier qui longe un enclos se trouvant sur la gauche. Il s’agit de la piste DFCI C073. Ce chemin herbeux est très agréable car il nous change des pistes terreuses arpentées jusqu’à présent. Il l’est d’autant plus qu’il est souvent très bon, large et contrasté alternant des milieux bien différents, tout en offrant de jolies vues sur le Vallon du Rec de Railleu. Pour moi, cette portion du chemin présente un autre avantage qui est celui d’y maintenir une flore et une faune beaucoup plus concentrée que celles aperçues jusqu’à présent. A l’approche du col du Dragon, le chemin devient plus étroit et comme il se faufile au sein de hauts genêts et de quelques magmas rocheux, l’itinéraire devient plus alambiqué. Il reste praticable. Il faut prêter attention au balisage jaune encore présent mais pas toujours facile à repérer. Une échelle permet d’enjamber une clôture et peu de temps après le col du Dragon est atteint. Nous l’avions déjà découvert lors d’une autre balade intitulée « A la rencontre des cervidés ». Ici pas de dragon ni de cervidés mais la belle surprise d’y surprendre un sanglier solitaire. Une laie sans doute à cause de sa taille peu massive et de son groin très allongé presque similaire à celle d’un tapir, avec lequel j’y trouve une certaine ressemblance. Bien occupée à fouir la terre de son butoir, j’ai la quasi certitude qu’elle ne nous a pas vu et de ce fait, j’ai largement le temps de prendre plusieurs photos avant qu’enfin, elle devine notre présence et détale. Après le col, de superbes vues se dévoilent sur Sansa, magnifiquement dominé par la pic de la Pelade et le Puig d’Escoutou. On y distingue ses deux églises, étrange particularité pour un hameau qui n’a toujours compté qu’un nombre réduit d’habitants. La fin de la randonnée tout en sous bois et en descente nous paraît un peu longue et ce n’est qu’en atteignant la rivière de Cabrils que nous prenons conscience d’une arrivée imminente. Deux pancartes agrémentées de plans et incitant à se lancer à la recherche d’un passé évoquent la Molina Serradora, ingénieuse « scierie battante de Sansa » datant de 1826 et dont la fonction consistait à transformer en planches les arbres des Garrotxes. Il est presque 17h et le temps nous manque pour partir à la chasse aux trésors. On entre dans le village. Il nous semble désert. Alors on flâne dans ses ruelles pour en découvrir tous ces recoins, tous ses mystères jusqu’à tomber sur un vieux monsieur bien occupé à son jardin fleuri. La conversation porte sur ses magnifiques roses trémières aux couleurs si vives. Il nous invite à rentrer chez lui, histoire de nous offrir quelques graines des fameuses roses. Apparemment, il a envie de parler alors il enchaîne sur tous les travaux qu’il a été amené à réaliser dans sa maison, nous faisant visiter au passage l’ensemble des pièces.  De sa chambre à coucher jusqu’au salon, en passant par la cuisine, les toilettes et la salle de bains nous allons de manière assez surprenante entrer d’un côté de la maison et sortir de l’autre. Son épouse assise à la table du salon, bien occupée à « flécher des mots », ne semble pas plus surprise que ça de nous voir descendre tous les trois de la chambre à coucher. Son époux doit être coutumier du fait. Etrange, éphémère et si plaisante rencontre. Nous sommes entrés dans leur vie pendant quelques minutes et nous en sortons comme si nous nous étions toujours connus alors que l’on ne s’était jamais vu auparavant. Pourtant tout aurait pu être différent car Sansa est leur résidence secondaire et ô surprise, ils habitent la même commune que nous : Saint-Estève ! On se quitte en se promettant de se retrouver un jour ou l’autre en haut ou en bas de nos belles Pyrénées-Orientales. Le monde est petit mais les Hautes Garrotxes ont été grandes, suffisamment grandes pour que l’on ait pris plaisir à les cheminer tout au long de la journée. Suffisamment grandes pour qu’on ait envie d’y revenir pour une autre balade. Telle qu’expliquée ici, cette randonnée est longue de 14,5.km. Le dénivelé est de 507  mètres et les montées cumulées sont longues de 1.300 mètres environ. Carte I.G.N 2249 ET Font-Romeu – Capcir Top 25.

(*) Les Garrotxes, qu’il faut prononcer « garrotches », est une contrée très enclavée faisant partie de la région du Conflent. On peut dire qu’elle correspond en grande partie à la dépression géographique creusée par la rivière de Cabrils. En "Sciences de la Terre", on appelle cela un bassin versant. Comme toutes les vallées, elle est entourée de sommets plus ou moins hauts et de ravines secondaires séparées par des cols. Ses principales frontières naturelles sont d’autres vallées : au nord-ouest, la vallée de l’Aude dans la région du Capcir, à l’est, la vallée de la rivière d’Evol et au sud, la vallée de la Têt. 5 villages seulement y sont présents : Sansa, Railleu, Caudiès-de-ConflentAyguatébia-Talau et Oreilla. Les toponymistes semblent d’accord pour dire que le mot est formé  de la racine « gar » ou « car » signifiant « pierre » ou « rocher » et du suffixe « otxa » lequel ici doit être traduit en « terre ». Dans de très nombreuses langues ou dialectes et notamment pyrénéens, on retrouve ces suffixes (otx, otxa, ozt, ost, oust, os, oussa, osa, ossa, ousse, osse en français) qui ont sans doute une même origine et peuvent signifier au sens large, un « domaine »,  un « lieu », une « région » ou une « terre ». On les retrouve également comme suffixe dans des noms de familles mais c’est normal car très souvent aux temps anciens, on désignait une personne ou une fratrie par le nom du lieu où elle résidait. On note qu’en français, on trouve le verbe « garrocher » signifiant « jeter une pierre », lequel bien évidemment à sensiblement la même étymologie. Alors tous les toponymistes et géographes sont d’accord pour affirmer que "les « Garrotxes » désignent une terre rude, pauvre et rocailleuse, escarpée et difficile d’accès" (Joan Bécat 1984). «Les Garroches, chaos de pierrailles où l’on trébuche sur les galets granitiques, où l’on se coupe les pieds aux éclats de schiste : on ne peut rendre l’expression d’horreur avec laquelle ce nom est prononcé dans le haut Conflent » écrivait le géographe Maximilien Sorre dans « Les Pyrénées méditerranéennes ; étude de géographie biologique » en 1913. Je tiens également à préciser que c'est avec un grand intérêt et beaucoup de plaisir que j'ai lu le mémoire de Lenny Pol consacré aux Garrotxes, sans doute le document le plus complet consacré à cette superbe région sur le Net. Je l'en remercie.

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Le Sentier Forestier des Rhododendrons (1.890m) depuis Rieutort (1.517 m)

Publié le par gibirando


Diaporama sur la divine musique de Jerry Goldsmith : "Love Theme from Forever Young"

Le Sentier Forestier des Rhododendrons (1.890m) depuis Rieutort (1.517 m)

Le Sentier Forestier des Rhododendrons (1.890m) depuis Rieutort (1.517 m)


 

C’est en septembre 2013 et dans le joli petit hameau de Rieutort que j’ai découvert ce « Sentier Forestier des Rhododendrons ». Enfin, j’avais surtout découvert des panonceaux évoquant cette randonnée et comme je le fais la plupart du temps, j’en avais pris une photo, histoire qu’elle reste plus facilement dans un coin de mes souvenirs. Dans le cas présent, cette photo n’a jamais été bien utile car ma mémoire ne m’a jamais fait défaut. En effet, comme aurais-je pu oublier ce Tour du Capcir effectué en 4 jours et resté pour moi si mémorable ? Rieutort et son remarquable gîte Le Moulin constituaient le terme de la deuxième étape. Oublier ces panonceaux équivalait à oublier beaucoup de choses : Oublier ce merveilleux tour effectué avec mon fils et ses amis ?  Oublier cette étape si belle passant par le Massif du Madres où nous avions aperçu des cervidés à profusion ? Oublier cette après-midi et cette formidable soirée que nous avions passée au gîte, chez les chaleureux Sia et Alexandre ? Pour bien d’autres raisons, dont certaines remontant à mon enfance, ce Tour du Capcir est toujours resté bien présent dans ma tête et avec lui « les Rhododendrons ». Le récit de ce tour est encore en cours d’écriture et j’ai bon espoir de le publier sur mon blog d’ici quelques temps. Mais revenons à ce 2 août 2016, jour où nous avions décidé de partir découvrir ce « Sentier des Rhododendrons ».  Il est déjà 11 h quand nous garons notre voiture sur la place de Rieutort. Un ciel bleu d’une incroyable pureté nous accueille. Ça piaille de tous les côtés. Il y a les inévitables moineaux bien sûr, en grand nombre ici, mais surtout deux rapaces dont les cris nous font lever la tête. Ce sont deux circaètes Jean-le-Blanc planant dans de amples circonvolutions qui ont fait de ce firmament si bleu leur terrain de jeu. Un couple en quête de sentiments amoureux sans doute ? Sur le petit pont qui enjambe le ruisseau, les panonceaux déjà vus voilà 3 ans sont toujours là : « BOUCLE P.R.31 – Riutort – Les Rhododendrons – 7 km – +373 m de dénivelé – 2h30 – difficulté moyenne » et balisage jaune apparemment.  Un autre petit panonceau nous laisse plus perplexe et demande réflexion : « Les Rhododendrons – 2,5 km – P.R.31 » et dessous « Station de ski – 1,5 km –P.R.31 ».  Je crois comprendre que l’on peut démarrer d’ici mais que le vrai départ de la boucle les « Rhododendrons » se situerait un kilomètre plus loin que le station de ski. Cette station, c’est celle de Puyvalador comme le précise le bout de carte I.G.N que j’ai cru bon de prendre en sus d’un tracé G.P.S. Nous empruntons le pont où s’écoule le Rec del Cirerol, passons devant le gîte et démarrons non sans quelques hésitations, car peu après, deux itinéraires s’offrent aux randonneurs. Un chemin herbeux part à gauche et la route asphaltée continue et l’on n’aperçoit pas de balisage. Le G.P.S entre déjà action et nous comprenons bien vite qu’il faut emprunter la rue du Bac puis l’allée éponyme qui se transforme naturellement en un chemin herbeux. Deux grands panneaux de la Communauté des communes du Capcir Haut-Conflent aident les randonneurs de passage et apportent quelques précisions quand à la balade des « Rhododendrons ». On lit toutes ces précisions et les quelques recommandations qui les accompagnent puis l’on poursuit désormais sur un large chemin encadré d’une végétation luxuriante. Les insectes et notamment les papillons y sont légions et semblent trouver leur bonheur dans cet écosystème alliant soleil et fraîcheur. Les oiseaux aussi. Mon appareil photo qui n’avait pourtant pas chômé jusque là s’en donne déjà à cœur joie. Je flâne mais aujourd’hui Dany semble vouloir adopter le même rythme et ça me convient parfaitement car la balade est plutôt courte. D’ailleurs, elle estime très vite que l’heure du pique-nique a déjà sonné car je la vois déposer son sac à dos et s’installer sur l’herbe sans aucune hésitation. Soleil au zénith, ciel azur, absence de vent, sérénité, bruits de la nature, jolis décors verdoyants, beaux panoramas, tout est réuni pour mettre à profit ce que nous aimons en randonnée : relaxation, méditation et contemplation. Une heure plus tard, nous repartons. Aucun rhododendron dans l’immédiat mais la végétation est toujours omniprésente même si parfois elle est bien différente car alternant bois de conifères, boqueteaux de feuillus,  clairières et prairies. Une flore variée y est ubiquiste et je fige de nombreuses fleurs dans mon numérique. On continue de flâner car rien ne presse. Le chemin devenu sentier aboutit sur une piste forestière. Un nouveau panonceau nous conforte dans cette idée que rien ne sert de courir : « les Rhododendrons -0,9 km » et « Station de ski – 0,2 km ». La station de ski de Puyvalador ne serait plus qu’à 200 mètres et même si je doute assez fortement de l’exactitude de cette information, il est vrai qu’elle n’est plus très loin car on commence à en distinguer les premiers chalets. D’ailleurs, quelques minutes plus tard, nous coupons puis empruntons la route asphaltée qui y mène. A l’entrée du village, nous ne trouvons pas de nouvelles indications ni aucun balisage alors je choisis de faire confiance à mon tracé G.P.S qui est très incertain et que j’ai réalisé à partir d’un vieux topo-guide de 2002 « Les Sentiers d’Emilie en Cerdagne et Capcir ». Il nous indique d’emprunter le bitume de la route principale puis celui de la rue des Ecureuils et je lui fais confiance car c’est bien les indications que j’ai lu dans le topo-guide. Je sais d’avance qu’il nous mènera jusqu’au « Sentier des Rhododendrons ». En haut de la rue, un nouveau panonceau se présente nous indiquant les « Rhododendrons » à 200 m et devant ce dernier, je comprends soudain qu’il y a bien désormais un autre itinéraire. Le sentier est là, à droite, dans la forêt et en contrebas. Je note déjà que le retour vers Rieutort s’effectuera par là.  La suite s’élève derrière les derniers chalets de la station et nous voilà enfin sur la ligne de départ. Un sentier parfaitement balisé avec un grand panneau directionnel nous invite à rentrer dans une sombre forêt de grands conifères. Le vrai « Sentier Forestier des Rhododendrons » commence ici et toute la démarche depuis Rieutort ne serait que subsidiaire. Subsidiaire mais pas accessoire et évidemment complémentaire quand comme nous, on a envie de marcher un peu plus que les 2,2 km qui composent cette petite boucle. D’ailleurs, un autre panneau mentionne bien qu’il s’agit d’un « Chemin d’Emilie » avec un aller/retour d’1h15 et c’est dire si cette petite balade est modeste et s’adresse au plu grand nombre. Nous rentrons dans la forêt en suivant les marques de peinture jaune sur les arbres et des panonceaux indiquant la « Route forestière du Pla del Bosc » toujours agrémentés de la mention P.R.31. Ce P.R.31 est semble t-il le fil conducteur. Le balisage est bien présent et la marche s’effectue sans difficulté et sans nécessité de garder le G.P.S allumé. Le chemin s’élève prestement mais c’est normal si je me fie à mon bout de carte car nous cheminons le Serrat de la Cornera. Le chemin alterne les sous-bois forestiers, quelques clairières et de rares passages au milieu de gros rocs de granit. Les ouvertures sont quasiment absentes et de ce fait, les seuls arrêts que je m’octroie sont réservés aux photos de quelques fleurs. Si les rhododendrons sont bien présents, ici c’est par miracle que j’en trouve un encore un peu fleuri. Ça sera le seul malgré l’attention que je porte à tenter d’en découvrir d’autres. Ne me demander pas pourquoi, mais je pense que début août c’est déjà bien trop tard.  Après une dernière montée au milieu de grands résineux semblant avoir soufferts d’une vieille tempête, quelques vues s’entrouvrent sur quelques hauts magmas rocheux. En contrebas, on entend chanter un petit torrent. C’est toujours le Rec del Cirerol, celui là même que nous avons enjambé au départ de Rieutort. Le chemin finit par déboucher sur  la « Route forestière du Pla del Bosc » à 1.890 m d’altitude. C’est le point culminant matérialisé ici par un magnifique petit plan d’eau aux eaux cristallines et dont le tour offre quelques panoramas lointains sur le Capcir et vers la Cerdagne. On s’y repose une bonne demi-heure et si à la première vision de cette mare limpide, j’ai aussitôt eu dans la tête l’envie d’y piquer une tête voire plus simplement de m’y rafraîchir, les panneaux d’interdiction conjugués à la présence d’un agent de l’O.N.F m’en ont rapidement dissuadé. A l’extrémité du plan d’eau, côté est, un panonceau propose le retour vers Rieutort : « Riutort – 3,4 km – P.R.31 ». Il suffit de suivre cette direction et de ne plus quitter le sentier le plus évident. Balisé également en jaune, il s’élève au milieu des pins à crochets presque au plus haut de la crête, coupe une petite clairière herbeuse, s’enfonce à nouveau en forêt, file en balcon offrant quelques vues sublimes sur la Vallée de l’Aude et les belles forêts du Capcir et retrouve l’itinéraire pris à l’aller. Nous aurons le bonheur d’y surprendre un jeune chevreuil et la chance incroyable qu’il figure sur une photo que j’ai prise à la volée dans un sombre sous-bois. On retrouve les chalets du haut de la rue des Ecureuils puis le fameux sentier qui descend rudement dans la forêt. Il atterrit sur une piste forestière où se dévoilent les plus beaux panoramas de la journée : vue plongeante vers Rieutort et ses vertes prairies, vue lointaine sur le lac de Puyvalador, le Massif du Madres et le pic de la Pelade, autant de beaux et bons souvenirs d’autres merveilleuses randonnées. Au bout de cette piste, on retrouve la route menant à la station de ski et le parcours pris à l’aller. Il nous amène tout doux à Rieutort en 40 minutes. J’aurais bien voulu saluer Sia et Alexandre mais apparemment ils n’étaient pas au gîte, alors nous nous sommes « vengés » en allant cueillir quelques grosses framboises bien mûres. Elles étaient légions tout au long du Cirerol. Est-ce logique ou pas ? Je ne sais pas car je me suis laissé dire que les « cirerols » seraient des petits fruits ronds et rouges ressemblant à des cerises. Peut-être le fruit du merisier. A vérifier !  Carte IGN 3540 OT Top 25. Variante : si à partir du plan d'eau, vous ne souhaitez pas revenir par le Serrat de la Cornera et la station de Puyvalador, il y a la possibilité d'emprunter la piste forestière qui se trouve en contrebas. Elle fait une large boucle autour de la station de ski puis retourne à Rieutort par le Bac Extremer.

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Le Lac et la Jasse d'En Calvet depuis la Llagonne

Publié le par gibirando

Diaporama avec la musique "Anonimo veneziano" de Stelvio Cipriani jouée par l'Orchestre de Franck Pourcel

Le Lac et la Jasse d'En Calvet depuis la Llagonne

Le Lac et la Jasse d'En Calvet depuis la Llagonne


Depuis que j’ai mis en route mon blog « Mes Belles Randonnées Expliquées », j’essaie d’être organisé dans les futures balades que je vais effectuer. C’est ainsi que dès le mois de janvier, je dresse une liste d’une vingtaine de randonnées que je me fixe de réaliser dans l’année. A cette liste, il faudra rajouter quelques balades pédestres effectuées au cours des vacances ici dans le département des Pyrénées-Orientales ou ailleurs. C’est donc une balade tous les 15 jours environ et en tous cas, jamais aucune que j’ai déjà expliquée sur mon blog, sauf à de très rares exceptions près, mais même dans ce cas, il y aura toujours une variante dans l’itinéraire. Dans cette liste, il y a des balades de tous niveaux et pour tous les goûts, mais j’essaie, autant qu’il est possible, qu’il y ait des découvertes à y faire. Il y en aura donc de très faciles et des plus compliquées, des courtes et des longues, des « incontournables » et des moins connues mais je fais toujours en sorte que Dany puisse en accomplir au moins la moitié si ces problèmes articulaires la laissent tranquille. Après quand le jour « J » se présente, nous soupesons le pour et le contre et nous voyons ensemble si elle est « partante ». Voilà en général et le plus souvent comment ça se passe. Là, dans le cas présent, quand depuis le village de La Llagonne (***), nous avons envisagé d’aller randonner jusqu’au petit lac de Calvet, lieu plus communément appelé la « Jasse d’en Calvet (*) », nous avons d’abord regardé ensemble les aspects de cette balade mais une fois cette étude accomplie, nous n’avons plus hésité un seul instant. La Jasse (**) de Calvet depuis La Llagonne est une petite randonnée, désormais bien connue, que l’on trouve dans de nombreux topo-guides régionaux. C’est d’ailleurs ainsi que je l’ai découverte moi-même et si Dany et moi n’avons pas hésité une seconde, c’est parce qu’elle présente toutes les caractéristiques de ce que nous aimons tous les deux : le Capcir, avec ses décors naturels merveilleux et reposants, c'est-à-dire ses paysages vallonnés de prairies et de montagnes, ses ténébreuses forêts de sapins, ses panoramas lointains vers la Cerdagne, le Haut-Conflent et l’Ariège, sa faune et sa flore et pour terminer ici, un joli petit lac aux eaux paisibles où une table de pique-nique nous attendait bien sagement. Aucun problème donc dans cette décision d’y aller voir et une fois encore, nous étions sur la même longueur d’onde et ce d’autant qu’une journée extraordinaire était prévue par Météo France. Quand nous démarrons de La Llagonne, force est de reconnaître, que pour une fois les météorologistes ne se sont pas trompés. Un soleil implacable et un ciel bleu immaculé se sont donnés rendez-vous sur l’esplanade de l’hôtel de ville. La journée s’annonce radieuse. Un panonceau accroché à la façade de la mairie indique les premiers détails de la balade : « P.R.19 - 10,2 km – 170 m de dénivelé – 3 h –difficulté moyenne – départ Av. Cambre d’Aze » suivi d’un fléchage nous indiquant de poursuivre la « Promenade du Pré de la Ville », boulevard où nous nous trouvons. Petit détail mais qui peut avoir son importance, vous ne trouverez pas d’ « avenue du Cambre d’Aze » comme indiqué sur le panonceau, mais une « promenade du Cambre d’Aze » puis une « rue du Cambre d’Aze ». Il vous faudra suivre les deux jusqu’à « Cami d’en Tartes » (Chemin des Pierriers), dernière voie urbaine entraînant le randonneur hors du village. Mais n’ayez aucune crainte, au préalable d’autres panonceaux vous auront aidé dans ce cheminement. Ce P.R.19 est souvent mentionné comme étant une portion du Tour du Capcir mais non, il n’est en réalité qu’une liaison y menant voire une variante. Le Tour du Capcir pour l’avoir accompli en 2013 passe plus au nord du côté de Matemale ou des Angles, mais c'est vrai que de nombreuses variantes restent possibles. Ici, l’itinéraire qui s’élève permet d’ores et déjà de magnifiques panoramas sur la Cerdagne et le Conflent. Dès la sortie du village, c’est aussitôt un vrai grand bonheur pour moi car dans les prés et à l’orée des bois, il y a déjà quelques papillons mais surtout des centaines de passereaux et c’est un régal que d’essayer de les photographier. Tariers, Rougequeues, Gobe-mouchesPouillots et Accenteurs notamment se régalent d’innombrables graines dont la fanaison est déjà bien avancée. Beaucoup plus haut dans le ciel, ce sont deux Circaètes Jean-le-Blanc qui effectuent des circonvolutions répétées. Ils planent, s’immobilisent brusquement, battent leurs ailes de mouvements rapides puis se bloquent et effectuent pendant quelques instants un incroyable surplace. Ils paraissent comme en équilibre, suspendus à un fil invisible, puis ils repartent et recommencent cet insolite manège un peu plus loin. Malheureusement et alors que je m’évertue à les photographier au mieux, un gros et bruyant hélicoptère traverse le ciel et les fait fuir. Dany, elle, a déjà pris de l’avance et s’est enfui dans les prés et les bois en direction du Col del Mel et de la Font de la Vernada. Quand je la rattrape, elle est occupée à observer d’énormes coulemelles que je la dissuade de ramasser pour l’instant car nous pourrons le faire lors du retour. Après la Font de la Vernada, les décors se transforment. Les près disparaissent et les petits pins à crochets laissent la place à des résineux bien plus imposants. Dans cette forêt plus compacte, quelques clairières s’entrouvrent et l’itinéraire reste encore bien agréable car la marche s’effectue entre ombrage et soleil. Or mis quelques Mésanges huppées très difficiles à photographier, les passereaux sont plutôt rares et mon appareil photo se penche désormais sur chacune des fleurs rencontrées : pensées sauvages, campanules, crocus, achillées et bien d’autres fleurs sont encore présentes malgré le tout proche avènement de l’automne. Mon herbier photographique va encore s'amplifier. A la clairière du Pla des Postes, je prête un peu plus d’attention à cette intersection de chemins car je sais qu’au retour, c’est ici que doit se refermer notre boucle. La piste continue d’être rectiligne mais très rapidement une autre part sur la droite. La végétation sous les arbres jusqu’à présent composée de graminées plutôt sèches laisse la place à des pelouses beaucoup plus vertes. Nous sommes au lieu-dit « Mollera cremada », textuellement les « Mouillères brûlées ». Sous les pins à crochets, on découvre des tourbières composées presque essentiellement de laîches et des sphaignes mais il y pousse aussi, paraît-il, la très rare et recherchée Potentille des marais encore appelée Comaret (Comarum palustre). Alors des clôtures ont été installées et sont là pour dissuader les promeneurs d’aller écraser cette végétation séculaire et fossile. Au sommet d’une modeste butte, le petit lac de Calvet apparaît en contrebas et entre les arbres. Quand nous l’atteignons, nous sommes agréablement surpris par le calme olympien qu’il y règne. Il n’y a pas âme qui vive. Le lac est complètement immobile et en approchant de la berge, seuls trois ou quatre gros poissons au ventre énorme s’enfuient bruyamment des roseaux où ils devaient dormir ou frayer. Pour nous diriger vers l’aire de pique-nique, nous prenons tout notre temps car de nombreux panneaux très ludiques sur le thème de la truite ont été disposés sur la partie ouest de la rive. Après quelques nouvelles photos de fleurs, de passereaux et de papillons, je m’installe à la table où Dany a trouvé place depuis un bon moment déjà. Nous en sommes à manger notre salade et à nous détendre dans un silence de cathédrale quand soudain une étrange cacophonie se fait entendre. Ce vacarme arrive des buissons se trouvant dans notre dos sous la forme d’un vingtaine de colverts se dirigeant droit sur nous. Les voilà maintenant autour de nous et même sous la table à caqueter, à nasiller ou à cancaner dans un concert étourdissant. Pas besoin ni d’un dessin ni d’un langage commun, ces volatiles ont faim et nous le font savoir. Alors que faire quand on n’a pour toute pitance qu’une salade de riz agrémentée de quelques quartiers de tomates, de grains de maïs et de miettes de thon ? A la volée, on leur jette quelques cuillerées bien pleines et le spectacle se met immédiatement en route. Un spectacle dont le volume du son monte immédiatement en décibels. Les canards se propulsent sur tout ce qui tombe puis quand il n’y a plus rien à becqueter, ils se tournent vers nous et nous regardent avec leurs yeux ténébreux et interrogateurs. Une fois encore, quand la salade est terminée, pas besoin d’un long discours, non, les colverts filent direct dans l’eau pour une baignade au milieu des roseaux. Occupés à planter leurs becs dans la vase, le silence revient peu à peu. Dany s’allonge sur le banc pour une sieste bienfaitrice et moi, appareil photo autour du cou, je pars pour un tour et une découverte du lac un peu plus approfondie. Quelques canards me suivent comme le ferait un petit chien et d’autres se lancent dans un ballet aérien digne de la Patrouille de France. Cette voltige se termine dans un explosif aquaplaning soulevant de magnifiques gerbes d’eau. Pendant que j’entame le tour du lac, un jeune homme est arrivé et s’est assis sur un banc avec une cargaison de pain dur. Aussitôt et comme un seul homme, tous les colverts filent direct vers lui. Ils semblent habitués à sa présence car certains canards montent sur le banc juste à côté de lui et viennent chiper les bouts de pains directement dans sa main. Le charivari se remet en route et prouve que les colverts ont encore faim malgré nos dons personnels. De mon côté, les photos du joli petit lac complètement immobile se succèdent tel un beau miroir bleuté. Une plaque commémorative est scellée sur un rocher et rend hommage à un forestier décédé. Attirées par mon appeau, quelques mésanges charbonnières ou bleues descendent des branches des pins et s’approchent de moi. Elles se laissent gentiment photographier. Plus loin, c’est une Grenouille rousse puis un Lézard des murailles qui se blottissent dans les hautes herbes pensant que je ne les vois pas. Le tour du lac tire à sa fin. Dany a déjà endossé son sac à dos et m’attend pour repartir vers La Llagonne. « Qui va à la chasse perd sa place » et même les canards ont fait leur ce dicton. En effet, de nombreux colverts sont venus se coucher sous la table et semblent eux aussi rechercher un peu d’ombre. Nous repartons, d’abord par un sentier qui au milieu d’un pré s’éloigne du lac puis nous empruntons aussitôt la piste en suivant un panonceau indiquant La Llagonne à 5,9 km. Quelques décamètres plus loin, nouvelle intersection et on ignore la piste qui sur la droite file vers la Jasse de Bernardi et le lac d’Aude. On poursuit tout droit en continuant de suivre les mentions « Pla des Postes » ignorant toutes les autres (Mas de la Borda, Pla de Barrès, etc…) Nouvelles mésanges, nouvelles fleurs, nouveaux papillons et jolis chevaux, tout est prétexte à ma flânerie et quand Dany prend trop d’avance, j’accélère le pas entre quelques clichés. On retrouve l’itinéraire pris ce matin : Pla des Postes, Col de Mel et Font de la Vernada. Dans le ciel, un rapace bien plus petit qu’un circaète tournoie dans le ciel et j’essaie non sans mal de le photographier. Dany, elle, s’est mise en tête de ramasser les coulemelles élevées aperçues ce matin dans un vaste pré mais il y en a tant et parfois de si grosses, qu’une bonne sélection s’avère très vite indispensable. Après cette récolte, La Llagonne est déjà là avec ses jolies villas, ses beaux chalets fleuris, son église et sa tour du Capil dominant le reste de la ville. Il ne nous reste plus qu’à rejoindre la voiture garée devant la mairie mais cette fois, tous les paysages sur la Cerdagne et du Conflent nous font face. Parmi tous ces panoramas, un seul retient vraiment notre attention, toujours le même quand nous venons par ici : le Col Mitja, sans doute le col le plus parfait que nous connaissions. Parfait à regarder en tous cas mais sans doute un peu moins quand il s’agit de le gravir comme nous l’avions fait en août 2001 avec un sac à dos de 20 kg lors de notre périple sur le G.R.10. Et comme l’a si justement écrit Marcel Proust « le souvenir d’une certaine image, n’est que le regret d’un certain instant » et il rajoute « tout est fugitif, hélas ! » Comme le sont les années ». Cette balade à la Jasse de Calvet est longue de 11 km environ, enfin telle qu’expliquée avec le tour du lac et le départ depuis la mairie. La déclivité ne dépasse pas une centaine de mètres pour des montées cumulées de 290 m. Carte IGN 2249 ET Font-Romeu - Capcir Top 25.


(*) Calvet est un nom de famille assez répandu dans les Pyrénées-Orientales comme dans tout le sud de la France. Dans son dictionnaire des noms de familles, l’historien Jean Tosti avance comme origine le mot latin « calvus » signifiant chauve et précise qu’au Moyen-Âge, « calvetus » était même un nom de baptême c'est-à-dire un prénom. De nos jours, on retrouve ce prénom Calvet mais sa popularité est vraiment insignifiante. Enfin, le nom « Calvet » comporte de nombreuses variantes avec par exemple « Chauvet », patronyme très répandu ou bien encore le nom « Calbet », changement traditionnel du « B » en « V » dans de nombreuses langues méridionales que les linguistes appellent « bétacisme ». De ce fait, on trouve également des « Calvet » en Espagne et au Portugal. Dans son ouvrage «Toponymes pyrénéens », le pyrénéiste Robert Aymard nous rappelle que le nom « Calvet » est très souvent attribué à une « clairière », son aspect « chauve » c'est-à-dire dénudé n’étant pas étranger à cette appellation. Pour terminer, on notera que le « d’En » qui dans le cas présent précède le nom « Calvet » était une particule honorifique, le plus souvent occitane, qui au Moyen-Âge était donné à un terroir, à un lieu-dit voire plus simplement à un mas ou à une ferme. Au fil du temps ce « d’En » est très souvent venu se rajouter au nom d’un lieu pour constituer un surnom et désigner quelqu’un venant d’un endroit précis où il résidait. Ainsi, le « d’en Calvet » qui nous intéresse ici peut très bien avoir été le nom ou le surnom d’une personne. On notera qu’ici dans ce coin du Capcir, outre la « jasse » et le « lac », c’est tout une contrée bien plus vaste qui porte ce nom, puisqu’on trouve également un sentier, une forêt et un « puig » portant cette dénomination.

(**) Le mot « jasse », en catalan « jaça » a pour origine le mot occitan « jassia » ou « jaç ». Une « jassia » était un endroit herbeux et clôturé où l’on parquait les moutons ou tout autre espèce de bétail, le plus souvent dans l’attente de la poursuite de la transhumance. En Provence, le mot « jas » était donné à une grande bergerie construite en pierres sèches. Elle accueillait et protégeait en toutes circonstances les moutons, les chiens et les bergers.

(***) Enfin, tous les spécialistes sont d’accord pour dire que la Llagonne, en catalan La Llaguna, c’est bien évidemment « la lagune ». Elle a bien existé mais cette dernière aurait été asséchée il y a moins d’un siècle pour laisser place à l’actuelle Route Nationale 118. Voilà pour l’étymologie la plus complète possible de ce merveilleux coin du Capcir. Si vous y allez, vous marcherez un peu moins « idiot » !

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La Vallée du Galbe (1.757 m) depuis Espousouille (1.523 m)

Publié le par gibirando

 
Ce diaporama est agrémenté de deux standards de jazz "Moanin'" et "Are Your Real ?" joué par Art Blakey et The Jazz Messengers, extraits de leur album "Moanin'"
Pour agrandir les photos, vous pouvez aussi cliquer dessus. 2 fois pour un plein écran

« La Vallée du Galbe. Quel beau nom pour une vallée si belle ! Ondulante, douce, offrant une multitude d’itinéraires variés et secrets, verte et fleurie, cette vallée est un joyau naturel » Voilà le début de la description qu’en fait le site Internet « Pyrénées Cerdagne.com ». La suite est du même acabit et bien évidemment ça donne envie d’y aller voir. Certains, et ils sont nombreux, vont la voir en voiture mais vous vous doutez bien que ce n’est pas ainsi que je vous propose de la découvrir. Moi, j’ai découvert la Vallée du Galbe en septembre 2013 lors d’un Tour pédestre du Capcir effectué en 4 jours, avec mon fils et un couple d’amis. Ce jour-là, c’était la 3eme étape et de très loin la plus longue et la plus difficile car elle nous avait amenés de Rieutort aux Bones Hores soit plus de 28 kilomètres. Nous avions d’abord longé le Galbe, puis il s’en était suivi une longue montée vers les Camporells et enfin une descente qui l’était tout autant vers les Bouillouses. Eh bien ce jour là, l’étape avait été si belle, qu’à l’arrivée je n’avais ressenti aucune fatigue ni aucune douleur ! Pourtant dieu sait si nous avions crapahuté et parfois sur de « bonnes » déclivités et sur des terrains pas toujours évidents et faciles ! Mais ce jour-là, tout avait défilé très vite car j’avais passé la quasi totalité de l’itinéraire dans la contemplation et je dirais presque comme dans un état second. Une flore et une faune magnifiques et surtout bien présentes, le tout dans des paysages magiques. A coup sûr, tant de beautés m’avaient fait oublier les difficultés. Cet émerveillement avait bien évidemment commencé à l‘entame de la Vallée du Galbe, c'est-à-dire dès le départ de l’étape, peu après Rieutort, raison pour laquelle j’ai eu envie d’y revenir et surtout d’y amener Dany. Le départ s’effectue du hameau d’Espousouille où près du petit cimetière, un vaste parking accueille les voitures. Ma balade ressemble en partie à celle indiquée sur un panonceau indicatif cloué à un petit chalet de rondins et s’intitulant « les Portes de la Vallée du Galbe », mais à deux différences non négligeables, c’est que la mienne est bien plus longue et que j’ai choisi de partir en empruntant le G.R.P Tour du Capcir plutôt que ce P.R.29 qui semble-t-il est un sentier d’Emilie dont la boucle fait demi-tour au « Pont dels Plans de l’Orriet ». De ce fait, nous sommes partis vers le village dont l’itinéraire passe d’abord devant l’imposante église dédiée à Sainte-Marie. Puis on déambule au milieu des belles et vieilles maisons aux pierres rouges ou grises typiques de la région. Du hameau, on en sort très vite en empruntant la rue de la Porteille puis en suivant le balisage jaune et rouge propre au Tour du Capcir. Un premier panonceau nous rassure quand à l’exactitude du chemin même si les mentions qu’il indique nous intéressent peu aujourd’hui : « Tour du Capcir- Refuge des Camporells 4h40 – les Bouillouses 7h15 ». Les vieilles maisons en pierres ont laissé la place à des chalets plus modernes et l’itinéraire grimpe désormais en direction d’une superbe et immense sapineraie. En entrant dans la forêt, le chemin se transforme en une belle et large piste forestière, qui après une courte montée, finit par s’aplanir. Ce type de piste forestière, large et terreuse et parfois agréablement herbeuse compose l’essentiel de notre balade, ce qui bien évidemment la rend ainsi très aisée mais pas vraiment monotone pour autant, à cause des beaux paysages qu’elle côtoie en permanence de part et d’autre. Ici, l’ubac et l’adret du vallon sont quasiment pareils, recouverts qu’ils sont de cette forêt verdoyante à souhait.  Pour moi, cette piste est d’autant moins monotone que la flore est encore omniprésente en ce début d’été. Cette présence n’est pas faite pour me déplaire ni à moi ni à mon appareil photo qui enregistre sans cesse de nombreuses fleurs donc quelques unes très nouvelles. Aujourd’hui, mon herbier photographique va encore prendre de l’embonpoint. Quand à la faune sauvage, si elle ne se résume qu’aux plus petites et visibles entités, à savoir oiseaux, insectes, papillons et lézards, on la devine ubiquitaire dans toute la vallée. Dans l’eau du torrent bien sûr, avec les « fameuses » mais protégées truites fario mais aussi avec la loutre et le « rarissime » et noctambule Desman des Pyrénées. Quant aux forêts domaniales, les cervidés y sont légions et je garde encore en mémoire les nombreux cerfs, mouflons et autres isards qui nous avions aperçus lors du Tour du Capcir, du côté de la Serra dels Arabs ou du Massif du Madres. Quand aux marmottes, on pourrait penser qu’elles occupent d’autres étages montagnards un peu supérieurs, mais non, ici elles sont bien présentes sur les flancs de la montagne et le Galbe n’est pas étranger à cette présence comme nous le constaterons au moment de faire demi-tour. Malgré la rectitude de la piste, les panonceaux de randonnées sont bien présents et ils indiquent les endroits les plus proches que l’on va découvrir : « Refuge de la Jaceta » et « Cabane de la Jasse de la Llose ». A ces informations, s’ajoutent quelques poteaux signalétiques mentionnant les lieux où l’on arrive et permettant de se situer par rapport au bout de carte I.G.N dormant le plus souvent au fond de ma poche : « Cortal Pujol – 1.620 m » ou « Pont dels Plans de l’Orriet - 1.625 m ». Au fil du cheminement, les vues s’entrouvrent ou se referment selon l’ordonnancement des arbres géants de cette magnifique forêt. Plus l’on avance et plus les versants de la vallée semblent se desserrer. La forêt se raréfie et de verdoyants pacages se font plus présents. L’étroit torrent fougueux et aux eaux écumeuses laisse la place à une rivière plus paisible et peu profonde où des galets de schistes d’or et d’argent resplendissent sous les rayons du soleil. Nonchalant, un aigle royal se dirige en planant vers le fond de la vallée. Sur les rives ou sur des aires aménagées, de nombreux randonneurs en sont déjà au déjeuner. Nous choisissons de faire de même mais seulement en arrivant au Refuge de la Jaceta où table et bancs arrivent à point nommé. Une demi-heure d’arrêt et nous voilà déjà repartis en direction de la Jasse de la Llose et de son refuge réservé le plus souvent aux bergers ou aux maquignons. Il vrai que sur cet itinéraire plutôt facile, nous n’éprouvons pas vraiment le besoin de nous reposer à moins que ce ne soit cette nature si admirable qui nous lance des appels irrésistibles ? La vallée s’entrouvre encore. Droit devant, le pic de Mortiers (2.605 m) dresse sa colossale pyramide encore tachetée de quelques blancs névés. Perchés au faîte des grands arbres, les pinsons mâles chantent à tue-tête en quête d’une future bien aimée, puis quand les couples se trouvent, ils se lancent dans des poursuites infernales puis s’arrêtent pour jouer ou se bécoter bien à l’abri des regards dans les branches des ténébreux sapins. Sur les pelouses, les premiers lys martagon dressent leur paradoxale floraison : la tige droite comme un « i » pointée vers le ciel et leurs belles et grosses clochettes roses nuancées de pourpres inclinées vers le sol. Le refuge de la Jasse de la Llose est là. Sur la berge de la rivière, un âne attaché à un pieu nous regarde passer d’un air triste pour ne pas dire accablé. Ses grandes oreilles aplaties telles des ailes d’avion lui donnent un air tout penaud. Ces maîtres, sans doute des randonneurs, l’ont abandonné pour partir courir la montagne. Voyant que nous ne pouvons pas grand-chose pour lui, or mis quelques caresses sur le museau, de dépit, il replonge la tête dans les hautes herbes. Manger pour oublier sa solitude voilà comment on risque de devenir obèse mais heureusement la marche lui semble bénéfique ! Nous aussi, la marche nous fait du bien, alors on poursuit bien après le refuge mais quand la piste se termine et qu’un étroit sentier prend finalement le relais tout en grimpant dans la montagne, Dany décide que la Vallée du Galbe se termine ici. En réalité et si on observe bien la carte I.G.N, le Galbe semble s’arrêter vraiment là et prend d’autres noms peu après : Correc dels Serras Verds et Rec de la Peira Escrita. C’est plutôt marrant car sans rien avoir dit à Dany au préalable, c’est à quelques mètres près, l’endroit même où j’avais décidé que mon itinéraire et mon tracé G.P.S s’arrêteraient. Nous faisons demi-tour mais en retrouvant le lit de la rivière, nous décidons de faire une pause sur sa berge, histoire de vider nos sacs respectifs en finissant nos casse-croûtes. Soudain, une marmotte laisse entendre son sifflet si strident mais comment l’apercevoir sur les flancs de cette montagne si majestueuse nous faisant face ? Un à un, j’observe chaque bout de pelouse, chaque rocher, chaque éboulis, chaque magma caillouteux toujours dans la direction d’où proviennent les sifflements, c'est-à-dire vers l’adret. Enfin, je la découvre, telle une grosse peluche, perchée sur un rocher entouré de quelques buissons ! Elle n’est pas très loin et je pense que l’objectif de mon numérique sera suffisamment puissant pour en obtenir une image satisfaisante. Je zoome vers elle, tente au mieux de faire une mise au point convenable mais quand j’appuie sur le déclencheur, elle détale, un peu comme si j’avais appuyé sur la gâchette d’un fusil. Je vérifie, la marmotte est « bien «  enregistrée. Nous attendons encore un peu mais le « siffleux » a du rejoindre son terrier alors nous repartons et il n’y aura pas d’autres photos de marmottes aujourd’hui. Sur le chemin du retour, force est de reconnaître que les panoramas sont tout aussi beaux que ceux de l’aller. J’avais prévenu Dany en lui disant « ne te retourne pas trop ainsi au retour tu profiteras pleinement des paysages ! ». Dans le « V » que forme la vallée, avec d’un côté la Serre de Mauri et de l’autre le Roc de Querubi, on distingue tout au loin le Canigou, seigneur du Roussillon, aujourd’hui étrangement habillé d’un bleu de chauffe tirant sur le gris. Un peu plus près sur la gauche, c’est le Pic de la Pelade, petit suzerain des Garrotxes à la tonsure sommitale si reconnaissable. Voilà pour les sommets les plus identifiables quand aux restes des autres collines, ce ne sont que quelques crêtes boisées servant de frontières entre le Capcir et le Conflent. D’ailleurs, ce « V » disparaît assez vite, caché qu’il est par la verdoyante forêt. On ne perd pas au change jusqu’à ce que cette forêt nous engloutisse sous sa sombre canopée. On retrouve le lieu-dit « Pont dels Plans de l’Orriet » et sur son pont, on change enfin d’itinéraire. En réalité, peu de choses changent car nous sommes toujours sur une large piste forestière essentiellement terreuse désormais. Ici, la forêt devient « forêt communale de Formiguères ». Dany, jusqu’à l’arrivée, trouvera cette piste plutôt lassante, moi pas. Il faut dire que je suis encore très occupé à photographier de nouvelles fleurs, qui bizarrement, ne sont pas les mêmes que celles aperçues ce matin sur la piste longeant la soulane. D’ailleurs, les quelques oiseaux que j’arrive à photographier ne sont pas les mêmes non plus. Ici, les mésanges paraissent plus nombreuses et semblent avoir remplacé très avantageusement les pinsons. Il faut dire que dans ce sous-bois, les essences sont plus diverses et les feuillus sont presque aussi nombreux que les résineux, ceci expliquant sans doute cela. Sur la gauche, le torrent laisse sans cesse entendre le fracas de ses cascades successives et à la première occasion, on tente de s’en rapprocher pour jeter un coup d’œil sur ces cataractes si bouillonnantes. Petites vasques aux eaux limpides ou marmites plus profondes sont autant de signes m’invitant à une baignade qui selon Dany ne serait pas vraiment raisonnable, en raison du fort courant et de la fraîcheur quasi certaine de l’eau. C’est d’autant moins sérieux que quelques unes de ses poches d’eau sont déjà bien occupées par les lignes de quelques « serial-no-killers » c'est-à-dire des pêcheurs relâchant obligatoirement leurs prises et donc sans mise à mort des truites qu’ils sont amener à prendre. Pour la truite sauvage poêlée aux amandes, le pêcheur devra passer au supermarché, ce qui tout compte fait n’est pas plus mal selon moi. Après quatre kilomètres effectués depuis le pont, les premières prairies verdoyantes d’Espousouille apparaissent au travers de quelques arbres. Puis c’est au tour des premières maisons. Après cette sauvage et paisible balade, on retrouve une agitation parfois un peu trop bruyante à notre goût. Un agriculteur juché sur son tracteur fauche tout son champ dans des va-et-vient incessants. Deux promeneuses ont fait des bouquets de fleurs champêtres et discutent bruyamment de leurs patronymes, semblant le plus souvent en total désaccord. Dans le tranquille ruisseau que forme ici le Galbe, un pêcheur « cuissardé » marche dans son lit lançant d’un geste gracieux le fil de sa ligne. L’opération semble se répéter à foison quand soudain, le scion de tête se courbe en premier puis c’est la canne toute entière. Le pêcheur a ferré sa prise et à l’autre bout du fil, une belle truite fario joue son va-tout et sa survie. J’applaudis à deux mains, quand sa vie, elle va la retrouver quelques minutes plus tard seulement. Enfin, en arrivant sur le parking, nous retrouvons notre voiture sous le regard singulier de quelques hirondelles posées sur des fils électriques. Elles se reposent plusieurs minutes et en groupe le plus souvent, puis, telles des fusées, elles repartent comme un seul homme vers le Galbe dont elles survolent le lit rutilant en quête des nombreux insectes qui en occupent les abords. Puis elles reviennent se poser et ainsi va la vie des hirondelles d’Espousouille. La balade est terminée mais nous aussi nous devons nous reposer un peu alors le premier endroit où poser nos fesses est le bon. Un bas muret se présente face à la verdoyante Vallée du Galbe et il nous retiendra encore quelques temps pour une dernière pause contemplative et bienfaisante. Dany a été ravie de cette journée. La Vallée du Galbe a été à la hauteur de sa réputation et conforme à la description que j’avais pu lire sur le site Internet de « Pyrénées Cerdagne.com » : « Ondulante, douce, verte et fleurie, cette vallée est un joyau naturel » avais-je lu ! Tout était vrai ! Mais ça, je le savais déjà ! Quand à offrir « une multitude d’itinéraires variés et secrets », cela ne fait aucun doute même si le plus souvent, on n’évoque que les moins mystérieux c'est-à-dire ceux menant vers les Camporells, la réserve d’Orlu ou bien encore vers l’étonnante « Peyre Escrita ». La balade, telle que décrite ici, a été longue d’une quinzaine de kilomètres environ. Le dénivelé de 250 mètres est très modeste quand aux montées cumulées, avec 840 mètres, elles demeurent très modérées aussi. Les pistes forestières sont plutôt bonnes et ne nécessitent pas un équipement de randonnée très sophistiqué. Quand à la rivière Le Galbe, j’ai voulu en savoir un peu plus sur elle mais or mis qu’elle est un affluent de l’Aude dont la confluence est le lac de Puyvalador et qu’elle serait longue de 14 km (source Wikipédia), je n’ai guère pu en savoir davantage. Certains prétendent que sa source se situerait à l’Etang du Diable au pied du pic de Mortiers mais à cet endroit-là sur la carte, il s’agit déjà du Rec de la Peira Escrita qui est un de ses nombreux petits affluents. Voilà, sur le plan de son hydronymie, c’est à peu près tout. Quand à sa toponymie, l’écrivain étymologiste Robert Aymard nous apprend dans son étude « L’Aragon, berceau de l’hydronymie ibéro-pyrénéenne » que le mot « galbe » aurait pour origine l’étymon « galua » signifiant « nappe d’eau ». On retrouve cette même origine dans de nombreux patronymes pyrénéens toujours liés à la présence de l’eau comme « Gaube », « Lagaube » « Gaoube » ou « Graoubole » et tout ça bien évidemment nous amène inévitablement vers la racine préceltique « gaba » signifiant « rivière » ou plus généralement tout « cours d’eau » et que l’on retrouve dans le mot gascon « gabe », en français le « gave ». Quand nature rime avec culture, pourquoi s’en priver ? Carte IGN 2249 ET Font-Romeu – Capcir Top 25.

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