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Tour du Capcir - Etape 1 Matemale - Refuge de la Font de la Perdrix

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 3 musiques d'Ennio Morricone extraites d'une compilation intitulée "Relaxing Moment". Elles ont pour titre : "La Califfa", "Giu'La Testa -A Fistful Of Dynamite", "Dal Mare - Version 2 (From Il Segreto".

Tour du Capcir - Etape 1 Matemale - Refuge de la Font de la Perdrix

Tour du Capcir - Etape 1 Matemale - Refuge de la Font de la Perdrix

Tour du Capcir - Etape 1 Matemale - Refuge de la Font de la Perdrix

   Pour agrandir les photos, cliquez dessus, 2 fois pour un plein écran


 

 

1ere étape – 11 septembre 2013 : de Matemale (1.500 m) au Refuge de la Font de la Perdrix (2.312 m) soit 14,4 km pour un dénivelé de 877 m et des montées cumulées de 1.261 m. Point culminant : le Roc des Gourgs 2.352 m – Point le plus bas : Pont de la Molina : 1.475 m.

 

9h30, la première impression est qu’il ne fait pas chaud et d’emblée, je sors ma veste en Goretex de mon sac à dos. Mes compagnons font de même et enfilent leurs vestes et anoraks respectifs. Nous démarrons, accoutrés tels d’imposants « bibendums » auxquels on aurait rajouté de volumineux sacs à dos. Le mien, une fois encore, j’ai tenté de l’alléger au maximum mais c’est tout de même 15 à 16 kilos environ que je vais devoir me « charrier » sur ces 4 jours. Idem pour mes compères. Pour ce Tour du Capcir, j’ai voulu être à la fois énergique et pragmatique et j’ai opté pour un modeste 40 litres remplaçant ainsi mon vieux 70 litres que j’avais trimballé lors de tous mes tours précédents : CoronatVallespir et Fenouillèdes. En procédant ainsi, j’ai gagné 5 à 6 kilos mais comme dans l’intervalle, j’ai aussi gagné quelques années supplémentaires mais aussi quelques kilos de mieux, c’est du « kif-kif » sur le plan physique. Nous démarrons direction les panonceaux que nous avons aperçus un peu plus bas dans le village. Les premiers indiquent quelques parcours VTT et la Tour de Creu par le P.R.22 dont je sais que c’est la bonne direction. Le deuxième est plus explicite et en plus de la Tour de Creu, le Tour du Capcir y est clairement mentionné. Par la rue de la Mouline, nous sortons de Matemale sous un ciel coupé en deux dans la sens de la vallée. A gauche, c'est-à-dire vers l’ouest et la Cerdagne, le ciel est extrêmement bas et recouvert d’un épais et grisâtre matelas nuageux. A droite, côté Madres et Haut-Conflent, le ciel est d’un bleu intense et pur et que je qualifierais d’encourageant car c’est de ce côté-là que nous allons. Cette large vallée avec aujourd’hui ce firmament tristement coupé en deux, c’est l’Aude qui l’a principalement creusée. Le fleuve n’est pourtant ici qu’un minuscule ruisseau de 2 à 3 mètres de large que l’on aperçoit sur notre droite dès  la sortie du village.  A la sortie du village, un dernier panonceau indicatif nous rassure définitivement : « Tour du Capcir – Col de Sansa -2h10 ». D’emblée, Cathy prend la tête du petit peloton et semble vouloir accélérer le pas pendant que nous, les trois hommes, flânons à l’arrière déjà plongés dans des discussions spontanées. Au cours de ces 4 jours, il en sera ainsi le plus souvent, car pour Cathy, c’est sa seule façon de marcher. Une façon très sportive, plutôt « speed » que Fred et Jérôme ne compenseront que dans les montées les plus rudes. Moi, qui suis un flâneur dans l’âme, je ne vais jamais essayer de lutter et de toute manière, je sais par avance que même si je le voulais, je ne le pourrais pas. Et puis de toute manière, mon appareil photo numérique est là, pendu à mon cou, m’arrêtant à tout bout de champ, comme un œil et un cerveau supplémentaire qui doit me permettre de ne rien oublier de ce nouveau « Tour pédestre du Bonheur ». Le premier de ces tours avait été un Tour des Fenouillèdes réalisé avec Jérôme en 2011. Au préalable, j’avais accompli d’autres tours pédestres, comme celui du Coronat en 2007 ou du Vallespir en 2009, mais toujours en solitaire, et donc avec enchantement certes, mais avec ce regret de ne pas partager toutes ces « petites choses » qui intensifient et démultiplient le bonheur. Toutefois, si une chose ne change jamais, c’est bien celle de ma passion pour la Nature et la photo. Depuis le départ, mon numérique est déjà amplement entré en action et il continue à chaque occasion : une fleur, un paysage, un papillon, un oiseau sur un fil, l’Aude, petit torrent que nous longeons désormais. Avant de venir, j’ai étudié le parcours de l’Aude car je sais que nous aurons l’occasion de côtoyer le fleuve. Ici, il vient de quitter le barrage de Matemale et descend vers celui de Puyvalador. Les deux barrages récupèrent et concentrent ses eaux dont la source ou plutôt les sources surgissent au pied du Mont Llaret (2.376 m) et du roc d’Aude (2.325 m), deux sommets débonnaires situés au dessus des Angles. Toutes ces sources s’écoulent en remplissant le lac d’Aude, situé à 2.154 mètres d’altitude, dont les eaux se déversent ensuite sous la forme d’un minuscule ru cherchant son chemin dans des prés humides et des tourbières. Au contact de quelques menus affluents, ce ru devient ruisseau puis torrent finissant sa course dans le lac de barrage de Matemale, le but final de cette récupération étant bien sûr de produire de l’électricité. De plus ou moins près, tous ces sites seront à l’ordre du jour de notre Tour du Capcir et feront partie, je n’en doute pas, des jolis souvenirs que nous en  garderons. Le pont de la Mouline qui enjambe le torrent est atteint. Un poteau en indique l’altitude à 1.475 mètres et comme je sais que le col de Sansa est situé à 1.775m, inutile d’être agrégé de mathématiques pour calculer le dénivelé restant pour atteindre ce premier jalon. En ce qui concerne notre objectif, le refuge de la Font de la Perdrix, situé, lui, à 2.312 mètres d’altitude, il y a belle lurette que le dénivelé pour y parvenir est ancré dans ma tête : 837 mètres ! En réalité, c’est légèrement plus que ça puisque le Roc des Gourgs que nous devons franchir en cours de route est situé, lui, à 2.352 mètres. Il faut donc rajouter 50 mètres de déclivité supplémentaire. Toutes ces informations repères et distances, je les connais presque par cœur, car voilà bientôt trois mois que j’analyse et réanalyse le parcours presque quotidiennement. Après accord de Jérôme, j’ai pris la décision de ne pas emprunter l’itinéraire classique du Tour du Capcir qui, depuis le col de Sansa, monte au refuge Oller, ni cette variante qui par la Coume de Ponteils rejoint notre objectif : le refuge de la Font de la Perdrix. Non, connaissant bien ce secteur du Madres, j’ai décidé d’emprunter la voie dite de Passeduc, petit col herbeux permettant de gagner quelques kilomètres. En réalité, ce n’est pas à cause de ce gain de distance que j’ai construit cet itinéraire mais tout simplement parce que je sais que les panoramas sur le Capcir et le Haut-Conflent y sont tout simplement extraordinaires. Mon idée est d’amener mes compagnons de voyage au sommet du Pic de la Pelade (2.370 m) d’où les vues à 360° sur le Roussillon et la Catalogne en général sont, par grand beau temps, tout bonnement époustouflants. Mais en traversant le pont de la Mouline, nous n’en sommes pas encore là et je me dis que j’aurais bien le temps d’y penser dans quelques heures. Après les prairies verdoyantes et fleuries de cette minuscule partie du val de l’Aude, un premier petit bois de conifères est traversé. En sortant de ce bois, on aperçoit la fameuse Torre de Creu ou tout de moins ce qu’il en reste, c'est-à-dire quelques pans de murs amplement ruinés et inclinés, une espèce de tour de Pise en miniature qui aurait subi un énorme tremblement de terre. En zoomant sur elle avec mon numérique, j’ai même le sentiment qu’elle est encore bien plus ruinée qu’en 2006 quand j’étais venu la découvrir pour la première fois. Aujourd’hui, un tracteur est à ses pieds et j’imagine que des ouvrages de consolidation sont en cours. On laisse la vielle tour des comtes de Cerdagne à ses travaux pour entrer de plein pied dans une sombre forêt de grands résineux. Sur les cartes, cette belle et immense forêt qui sépare le Capcir du Conflent c’est la forêt domaniale de Cami Ramader où l’on trouve principalement des pins à crochets, des pins sylvestres, des sapins mais des quantités d’autres essences selon l’étage montagnard où l’on se trouve. Ce nom de « Cami Ramader » étant comme chacun sait le nom donné aux anciens chemins pyrénéens de transhumance. Nos drailles à nous en quelque sorte.  Dans la longue montée vers le col de Sansa et après que Fred m’ait gentiment accompagné, pendant quelques temps, me voilà rapidement largué et pas seulement parce que je m’évertue à tenter de photographier le très beau lac de Puyvalador que l’on aperçoit en contrebas au travers des immenses pins. Non, mon cœur est un moteur diesel et le mettre en route avec de « bons » dénivelés dès le départ est toujours compliqué. Sans compter plusieurs kilos que j’ai amplement repris après une régime Dukan qui s’était avéré efficace mais seulement le temps des privations. Depuis ma « panse » a retrouvé une belle forme arrondie, arrondie mais pas idéale pour gravir des sommets. De ce fait,  suivre le rythme de ces trois jeunes gens est une réelle épreuve pour moi mais tout au long de ces quatre jours, ils auront la gentillesse, la délicatesse et je dirais même l’élégance de m’attendre très souvent. Enfin, j’ai très souvent espéré que ce n’était pas de la commisération tant j’ai eu parfois conscience de les retarder et de freiner leur cadence et leur ardeur. Juste avant le col de Sansa, les arbres ont la bonne idée de s’écarter pour laisser la place à de jolies vues sur le lac de Puyvalador et les petits villages environnants. Des vues réduites et assez ternes à cause de cette chape nuageuse qui chapeaute toute la vallée et une grande partie du Capcir. 11 heures, le col de Sansa est atteint. Par bonheur, ici, sur cette vaste esplanade, le soleil et le ciel bleu sont encore largement de la partie mais je suis plutôt inquiet car je m’aperçois tout de même que cette masse nuageuse que l’on pourrait croire immobile, se déplace tout doucement dans notre direction. Une fois encore, je peste contre Météo France car au cours de tous les jours précédents notre départ, les prévisions ont été uniquement favorables et puis hier « patatras », tout a soudain changé ! Mais bon, s’ils sont responsables des prévisions, peut-on les considérer comme garants du climat et du temps qu’il va faire ? Jérôme prétextant une fringale, nous stoppons pour prendre un petit en-cas.  Il est vrai que depuis Matemale nous n’avons observé aucune vraie pause et en plus, en me rappelant le temps de 2h10 que j’avais vu sur le panonceau, je suis étonné de constater que nous n’avons mis en réalité qu’1h30 pour atteindre le col. Alors, s’agit-il d’une vraie performance ou bien ne faut-il pas trop se fier aux temps indiqués sur les panonceaux ? Je ne sais pas répondre à cette question même si j’ai bien évidemment conscience que je suis monté bien plus vite qu’à mon habitude et que si j’avais été seul. Nous repartons et prenons la piste, variante du Tour du Capcir vers le Refuge des Estagnols. Ici, l’inclinaison de la piste est moindre et plutôt reposante. On profite pleinement des vues plongeantes sur la petite vallée de Cabrils ou l’on distingue le hameau de Sansa et le clocher de son église sous une vaste chape nuageuse. Mais mon regard est surtout attiré par le pic de la Pelade que j’ai gravi plusieurs fois et surtout par les quelques gros cumulus qui commencent à s’accumuler derrière lui. Ces nuages me tracassent car j’ai essentiellement axé cet itinéraire sur les panoramas que l’on peut y découvrir de là-haut. Peu après la bifurcation descendant vers le refuge des Estagnols, on délaisse définitivement l’itinéraire du Tour du Capcir dont le sentier suit sensiblement la Coume de Ponteils, petit torrent prenant sa source au pied du pic du Madres. On poursuit la piste qui zigzague au sein de la Jasse d’Ancréou, jasse dont je sais qu’elle va se terminer dans une vaste clairière où s’écoule le petit rec (ruisseau) dit de Pinouseil. Le Pinouseil est en réalité la vraie source de la rivière Cabrils dont on a aperçu le vallon peu après le col de Sansa.  Là, dans la montée, et dans la sinuosité de la piste, on tombe nez à nez avec plusieurs chasseurs assis à proximité de leurs 4x4. On apprend avec étonnement qu’ils viennent d’autres départements et parfois même de très loin, uniquement pour chasser les gros gibiers : cerfs, chevreuils, mouflons, bouquetins et isards essentiellement. Ils viennent d’arrêter leur battue et en sont déjà à l’heure du déjeuner. Bien évidemment, une conversation s’instaure sur la faune locale et ils nous informent avoir vu pas mal d’animaux mais qu’ils n’ont rien tiré car les bêtes aperçues étaient surtout des femelles et qu’ils sont respectueux d’une bonne gestion. Nous sommes ravis de rencontrer des chasseurs intelligents. Nous leur souhaitons un bon appétit et poursuivons notre marche. Quelques minutes plus tard, la belle et vaste clairière est là, et comme il est midi pile, à notre tour, nous estimons que l’heure du déjeuner est enfin arrivée. Nous nous installons sur l’herbe et malgré un temps devenant de plus en plus maussade,  la bonne humeur est de mise. Cathy s’enveloppant la tête d’un surprenant fichu en laine, bien évidemment les garçons ne la loupent pas et se moquent d’elle. Dans un ciel devenu mi-figue mi-raisin, deux grands rapaces tournoient au dessus de nos têtes en poussant des cris stridents. Pendant que les trois jeunes rigolent, moi, je suis plongé dans diverses pensées qui me préoccupent. La première, c’est la présence de ces chasseurs que nous venons de rencontrer et j’avoue que je n’avais pas pensé que la chasse était déjà ouverte à cette période. Ce qui me chiffonne, c’est que j’espère que le refuge non gardé de la Font de la Perdrix, qui est minuscule, ne sera pas déjà occupé par une troupe de ces « tartarins » ? En effet, si j’ai pensé à la présence d’éventuels randonneurs, cette idée ne m’a jamais vraiment inquiété car dans ce refuge, je n’y ai jamais vu personne installé, et en plus la saison des randonnées estivales est plutôt derrière nous. Mon deuxième tourment, c’est tous ces nuages qui arrivent sur nous, s’amoncellent et chapeautent la montagne. Parfois, la brume est si basse qu’une espèce de vapeur légère nous entoure et il en est ainsi au moment même où nous décidons de redémarrer. Ça m’inquiète d’autant plus que je connais très bien ce très rude dénivelé qui nous attend pour parvenir au col de Passeduc. Si l’itinéraire pour y parvenir est assez simple ; il suffit de suivre le rec de Pinouseil en grimpant dans la forêt puis dans les pelouses ; la déclivité, elle,  est assez terrible puisque c’est deux kilomètres d’ascension pour 420 mètres de dénivelé soit une pente presque continuelle à 21%. Si je vous dis que le pourcentage de pente moyen de l’Alpe d’Huez accompli lors du Tour de France est de moins de 8% et au maximum de 14%, ça vous donne une bonne idée du dur raidillon qui nous attend. Dire que je redoute cette montée est un doux euphémisme car si je l’ai déjà accompli à plusieurs reprises, jamais je ne l’ai gravie avec dans le dos un tel sac de 15 kilos et avec les kilos très superflus que je trimballe ! Je tente néanmoins de relativiser cette ascension en me disant qu’aucun délai ne m’est imparti pour rejoindre le col puis le refuge de la Font de la Perdrix. Non, ce qui me chagrine surtout ça serait d’arriver tout là-haut la tête dans les nuages et de ne rien voir de tous les panoramas que j’ai promis à mes compagnons. Mais bon, on verra bien ! Après quelques hésitations quant à l’itinéraire à suivre car ici les « caminoles » tracées par les animaux sont très nombreuses, on finit par trouver le bon sentier sur le côté droit du rec. Presque immédiatement, la pente devient très abrupte et bien évidemment les écarts se creusent aussitôt. Jérôme a pris la tête, suivi de près par Fred. Cathy, elle, est définitivement décramponnée mais semble monter à son rythme qui est régulier et bien plus correct que le mien. Bien sûr, je ferme la marche et ne tente en aucune manière de suivre mes compagnons. Non, comme je le fais assez souvent quand je souffre en randonnée, j’essaie de penser à autre chose qu’à la douleur et à la balade elle-même. J’avoue que je déconnecte assez vite et assez facilement et ça m’aide énormément. Parfois, les écouteurs enfoncés dans les oreilles, j’écoute de la musique sur mon baladeur MP3.  Mais là, je ne sais pas pourquoi, pas besoin de musique et mes pensées se transforment en un étrange questionnement du style : « Mais qu’est que je fous là à galérer avec ces trois jeunes gens bien plus en forme physique que moi ? » ou bien « j’ai mal dormi et le manque de sommeil se répercute sur ma forme physique mais est-ce une bonne excuse ? ». Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce questionnement, ce n’est ni du dépit, ni une repentance et encore moins un regret. Non, dans mon esprit, il n’y a aucune équivoque : « je suis très heureux d’être là, même si je galère comme jamais ! ». Alors ce sont des questions toutes simples dont je tente de trouver les réponses au plus profond de ma mémoire : « Pourquoi suis-je là à grimper cette montagne si abrupte ? » « Pourquoi,  suis-je heureux de le faire malgré la souffrance ? » « Pourquoi, j’aime les forêts de sapins ? » « Les petits torrents aux eaux limpides ? » « Les fleurs des champs et des montagnes ? » « Les papillons et les oiseaux ? » « Pourquoi, quand je me retourne suis-je en émerveillement devant cet immense panorama ? » « En extase en regardant le vol d’un rapace ou en écoutant le chant d’un pinson ou d’une mésange ? » « Devant le regard d’un chevreuil ou celui d’un écureuil ? » » Pourquoi, suis-je fasciné par le simple bourgeon duveteux et transparent d’un saule au printemps ? » En une simple phrase : « pourquoi suis-je transporté de bonheur d’être au sein de cette Nature sauvage ? » Voilà, le genre de questions que je me pose. Des questions qui me font oublier mon calvaire et le fait même de m’élever. L’élévation physique disparaît au profit d’une élévation intérieure. Des questions que j’ai déjà eu l’occasion de me poser à quelques reprises et dont j’ai très souvent éludé les réponses soit parce que je ne les trouvais pas sur l’instant soit parce que la souffrance s’arrêtait et avec elle mon questionnement.  Aujourd’hui, cette longue pente très raide va me laisser le temps du dénouement. Oui, la solution est à chercher dans mon enfance. J’ai soudain comme une révélation, sans doute parce que je souffre plus qu’à l’accoutumée et que l’épreuve durant en longueur, elle me laisse le temps pour une analyse suffisante. Concernant cet amour de la montagne et de la nature,  un nom surgit comme un diable sortant de sa boîte et ne me quitte plus. Il revient désormais sans cesse. Un personnage que j’ai aimé grâce à ma mère quand j’étais enfant. Ce personnage, c’est Blek le Roc, un héros de bandes dessinées dont je lisais tous les numéros que ma mère m’achetait chaque semaine. Aujourd’hui, on appelle ça des « comics books », petits fascicules de quelques pages racontant une nouvelle histoire à chaque numéro.  A l’époque, j’étais bien trop jeune pour parler l’anglais alors je disais « maman, donne-moi des sous pour Kiwi ! ». Car c’est bien dans ce petit périodique que j’ai découvert Blek le Roc pour la toute première fois. Sur les rayons du marchand de journaux de mon quartier de la Vieille-Chapelle à Marseille , les héros étaient plutôt nombreux à l’époque, car outre Blek le Roc, de très loin mon préféré, il y avait aussi Akim, Yuma, Kit Carson, Rodéo, Zagor, Nevada, etc… et j’en oublie bien d’autres…. Blek le Roc, c’était celui auquel je m’identifiais quand je partais jouer aux cow-boys et aux indiens avec une bande de copains de mon quartier dans les pinèdes et les sablières toutes proches du Massif de Marseilleveyre. Ces bandes dessinées, ma mère avait pris soin d’en lire quelques unes avant moi et elle savait qu’elles n’avaient aucun aspect négatif pour l’enfant que j’étais. Certes, on y trouvait des récits de batailles et de soldats mais jamais aucun mort et puis surtout la morale et la justice y étaient toujours présentes. Morale, justice, intrépidité, courage, adversité, tempérament et Nature, voilà quels étaient les ressorts permanents de ces bandes dessinées. Bien au-delà des justes et libertaires combats que Blek le Roc menait contre les « rouges » Anglais, les histoires se passaient aux Etats-Unis, au sein de magnifiques forêts de sapins et le plus souvent dans une prodigieuse Nature que mes fantasmes enfantins n’avaient aucun mal à imaginer et parfois même à enjoliver. Plus tard, voilà sans doute ce qui m’a donné ce goût pour la Nature sauvage, la montagne et ce plaisir sans cesse renouvelé d’atteindre un certain bien-être au travers des randonnées pédestres. J’en suis désormais convaincu. En grimpant vers ce terrible col de Passeduc, je suis entrain de rêver à tout ça, oubliant tout le reste, et j’en suis presque à m’imaginer que je suis un Blek le Roc vieillissant mais encore fringant, capable d’escalader les pentes les plus raides. Après tout, je viens de fêter mes 64 ans et c’est l’âge où mon père est décédé. « Sordide pensée » me dis-je au bout de cette dernière réflexion. En tous cas, il n’y a qu’un pas que je suis entrain de franchir, quand soudain deux hommes descendant la pelouse en courant me sortent de ma torpeur et presque à regrets de mes songes enfantins. Dans ma poitrine, mon cœur se met à nouveau à battre la chamade. En réalité, il devait battre depuis pas mal de temps déjà et j’éprouve aussitôt le besoin de m’arrêter pour me désaltérer. Mes acolytes sont bien au dessus de moi maintenant et je les aperçois bien loin sur la pelouse pentue. Je ne me remets en route qu’une fois les battements de mon cœur bien stabilisés. Au fur et à mesure que je grimpe, j’ai le sentiment que la pente s‘accentue mais à un moment et en regardant sur le côté droit, je constate que les petits pins ont carrément disparus et ont laissé la place à un sol aride et pierreux. Aussitôt, je reconnais les flancs du pic de la Pelade et je sais que Passeduc n’est plus très loin maintenant. D’ailleurs, en levant la tête, j’aperçois Jérôme qui accourt vers moi et quand il arrive à ma hauteur, il me dit : « Eh, tu es bien pâle ! ». « Tu es même très blanc ! » et il rajoute « tu te sens bien ? » et dans la foulée, il me dépossède de mon sac à dos et remonte aussitôt vers le col que Fred et Cathy ont déjà atteint depuis de longues minutes.  Oui, c’est vrai, je suis très essoufflé mais je me sens plutôt bien physiquement et en plus, il ne me reste plus qu’une centaine de mètres à accomplir. Mes jambes vont bien et je mets cet essoufflement plus sur le compte de l’altitude que d’une vraie fatigue même si ce n’est pas « le top » aujourd’hui. Comme toujours avant l’accomplissement d’un projet tel que celui-ci, j’ai assez mal dormi cette nuit.  A vrai dire très peu et il faudrait que je récupère. Mais le pire est surtout au moral. Là, en regardant le ciel, je prends vraiment un gros coup sur la tête. Je suis complètement dégoûté car une brume humide mais heureusement sans pluie recouvre toute la crête. Le sommet du pic de la Pelade pourtant tout proche est invisible et quand je propose son ascension, j’essuie un refus catégorique de tous car personne ne trouve d’intérêt à s’y rendre dans cette brume qui enveloppe tout. Comment leur en vouloir ? Sur l’autre versant du col, les vues sur le Conflent sont amplement bouchées et on ne distingue pas le millième des beaux panoramas que j’ai vu lors de mes précédentes venues. A nos pieds mais sous une épaisse couche nuageuse, seules les vues plongeantes sur les Mouillères, vers le Pla de la Baillette et le col du Portus sont visibles. Au dessus, le Mont Coronat et le Puig d’Escoutou apparaissent et disparaissent au gré des nuages qui filent vers l’est. Je suis écoeuré et triste à crever car bien avant le départ, j’ai souvent imaginé décrire à mes compagnons toutes ces beautés qui, par grand beau temps, se dévoilent jusqu’à la Méditerranée. Je prends aussitôt la tête de la marche car sur ce Pla des Gourgs je connais bien les petites caminoles qu’il faut prendre pour atteindre le bord du cirque afin d’avoir au moins de jolies vues plongeantes à regarder. Par temps clair, on voit très loin mais on prend également plaisir à regarder en contrebas les prairies et le lac d’Evol encore appelée Gorg Nègre.  Mais Jérôme qui ne marche qu’avec son G.P.S me rappelle à l’ordre et décide de suivre le tracé qu’il a enregistré. Ce tracé, c’est le chemin le plus droit, le plus direct et donc le plus court, mais c’est aussi celui qui passe le plus à l’intérieur du plateau. Mais comme avec cette météo maudite, mon moral en a déjà pris un coup, je ne dis rien, je rentre dans le rang et suis les autres bien sagement comme je l’ai fait depuis Matemale. Je ne dis d’autant rien que je sais que les vues espérées sur le lac s’entrouvriront un peu plus tard et bien mieux encore depuis le refuge de la Font de la Perdrix. Dès le Roc des Gourgs atteint, le Gorg Nègre, objet de tant de mauvaises légendes, fait son apparition. Dans la foulée, Jérôme aperçoit au loin le refuge de la Font de la Perdrix avec sa toiture rouge. L’arrivée de cette première étape n’est plus très loin maintenant mais je sais que le chemin n’est pas très facile pour l’atteindre. Ici, il faut en permanence zigzaguer au milieu des tourbières et des fondrières pas toujours très praticables. De surcroît, après cette zone humide, les magmas rocheux granitiques prennent le relais. Il faut très souvent les contourner ou bien les gravir, se méfier des petits genévriers très ras, nombreux, touffus, piquants et ligneux quand ils sont secs. Quand le refuge apparaît, là, tout proche, j’ai une sensation de soulagement, du devoir accompli. En tous cas, c’est mon sentiment personnel. 14h45, le refuge est là et j’avoue que je suis ravi de constater que nous sommes les premiers à l’occuper.  Dans l’espoir que nous continuerons à être les seuls occupants, la première initiative de chacun de nous est de choisir son emplacement pour la nuit. Jérôme s’approprie le bat-flanc du haut, alors que Cathy opte pour celui du bas dans le coin contre le mur du fond. Bien évidemment, Fred sera à côté d’elle et moi, je dormirais à côté de Fred et je serais ainsi au plus près de la fenêtre mais surtout de la porte, ce qui me convient très bien dans le cas où je serais pris d’une envie pressante pendant mon sommeil. C’est bien rare que ça n’arrive pas au moins une fois dans la nuit ! Après quelques photos des positions de chacun d’entre nous, je constate que la porte en métal n’est pas d’une herméticité exemplaire mais j’ai bon espoir que le poêle qui se trouve dans le coin opposé sera suffisamment puissant pour réchauffer toute la pièce, qui par bonheur est de taille plutôt réduite. D’ailleurs, dans un ensemble quasi parfait, nous décidons que la deuxième résolution qui s’impose est d’aller chercher un maximum de bois. Alors que je m’apprête à partir avec eux, les garçons me demandent de rester au refuge pour surveiller les affaires. Les garçons disparaissent derrière le refuge alors que Cathy part à l’opposé. Je la vois qui descend à même le flanc du vieux cirque glaciaire en quête de petits branchages bien secs de genévriers. J’avoue que je stresse un peu de la voir là, en équilibre précaire et périlleux, sur les pentes du gourg et je ne peux m’empêcher de lui faire observer qu’il n’est peut-être pas utile de prendre autant de risques pour un peu de bois. Mais, se retournant vers moi, elle m’affirme qu’elle a le pied sûr et avec une platitude déconcertante, elle continue sa besogne, comme si de rien n’était. Elle revient au refuge chargée de bois puis repart, me laissant avec mes craintes car même si j’ai acquis la certitude que ses pieds sont d’une incroyable assurance, le propre d’un accident est d’être imprévisible. En randonnée, je tombe régulièrement et sais que ce n’est jamais voulu ! En d’autres occasions, elle me prouvera sa grande assurance, son absence de vertige et de toute appréhension des « écueils » de la montagne. A cet instant, et alors que je suis assis sur le palier de la porte, un oiseau vient se poser à quelques mètres de moi, bien en évidence sur un bloc de granit. En l’observant, je m’aperçois que son poitrail a les mêmes colorations que le granit, gris tacheté de petits points noirs et je me demande si c’est une coïncidence ou bien du mimétisme. Sans crainte, il se laisse gentiment photographier de longues minutes, puis effrayé par les garçons qui reviennent les bras amplement chargés de bois, il s’enfuit. Je vérifie et constate qu’il est magnifiquement enregistré dans mon numérique et plus tard je l’identifierais comme un Accenteur Mouchet (Prunella modularis). Quelques minutes plus tard, d’autres oiseaux passent au dessus de ma tête et viennent se poser au sommet d’un petit pin situé à l’arrière du refuge. Eux sont plus reconnaissables avec leurs gros becs croisés dont ils ont reçu le nom. Ces deux Gros becs croisés des sapins (Loxia curvirostra) auront eux aussi les honneurs de mon numérique. Après la moisson de bois que nous avons entreposé devant le refuge dans un endroit adapté à cet effet, Fred s’est mis en tête de partir à la découverte de la fameuse « Font de la Perdrix », source coulant des entrailles de la terre par un petit tuyau de PVC et que j’avais moi-même découvert par hasard lors d’une précédente visite. Il trouve la source mais il met de longues minutes à remplir une simple gourde tant le filet qui s’en écoule est fluet en cette fin d’été. Entre occupations, courtes balades autour du refuge et photos, l’après-midi passe bien vite. Vers 17 heures, le ciel, qui jusqu’à présent, avait été plutôt clément, devient carrément pourri. La brume qui nous avait enveloppée au col de Passeduc, mais qui avait eu la délicatesse de nous épargner depuis notre arrivée au refuge, refait sa réapparition. Encore plus dense et surtout plus humide et plus frais car poussé par un petit vent du nord plutôt farouche,  ce brouillard monte du Capcir, enveloppe le Madres et redescend dans les vallées du Conflent. Ce petit vent glacial, ici, en Capcir, on l’appelle le « Carcanet » et tel un petit carcan, il vous enveloppe sans vergogne d’une froidure et d’une brume grisâtre. Avec ce Carcanet et cette affreuse météo, nous sommes contraints de rester à l’intérieur du refuge. D’ailleurs, cette fraîcheur extérieure se fait aussitôt sentir à l’intérieur mais heureusement, après de longs essais infructueux pour allumer le poêle, ce dernier a la bienveillance de démarrer. Il faut reconnaître que ce poêle tire à merveilles et même au-delà de nos espérances, dégageant une agréable chaleur ambiante.  C’est dans cette douce tiédeur que la soirée se termine entre parties de solitaire faites de petits cailloux et alimentation en bois permanente du poêle. Nous sommes en septembre, la nuit tombe bien vite et vers 19h, l’heure du souper sonne déjà. Même si l’étape n’a pas été très longue, la bonne montée vers le col de Sansa puis celle plus terrible vers le col de Passeduc ont laissé quelques traces de lassitude sur nos organismes et personne ne rechigne à intégrer rapidement son duvet. Demain sera un autre jour. Personnellement, et avant de m’endormir, je croise les doigts pour que les trois prochaines journées soient bien meilleures sur le plan météo.  Il faut impérativement que le beau temps soit de la partie car connaissant bien le Madresles étangs des Camporells et le lac des Bouillouses, je sais que c’est la condition sine qua none pour que ce Tour du Capcir soit une vraie réussite. Il y a un an, Fred et Jérôme sont déjà venus dans le Capcir faire du VTT et ils avaient eu une météo pourrie alors ne serait-ce que pour eux, je ne souhaiterais pas que cette mauvaise expérience se renouvèle. Dans le silence du refuge, mes pensées s’emmêlent entre mes désirs d’un temps meilleur et mes souvenirs d’enfance qui sont remontés à la surface comme une grosse bulle d’air. J’ai fini par mettre le nom de Blek le Roc à cette question qui me turlupinait : « pourquoi j’aime autant la randonnée pédestre ? » Force est de reconnaître que dans ma tête, Blek retrouve la place qu’il avait quand j’étais enfant. D’un autre côté, avoir obtenu une réponse à mon questionnement me rassure.  Quand je pense à lui et me remémore mes vieilles lectures enfantines, je me souviens d’un homme qui ne doutait jamais de lui. Il ne connaissait que le succès ! Alors j’essaie de m’endormir avec des certitudes similaires et me voilà de nouveau plongé dans la peau de mon héros favori. Quand des rêves de gamin reviennent 50 voire 55 ans plus tard, c’est un pur plaisir. Merci maman, tu avais vu juste en m’achetant sans cesse Blek le Rock. Ces bandes dessinées parlaient de batailles mais elles étaient surtout bourrées de justice, de sagesse, de morale, de civisme et de Nature, et apparemment c’est surtout cela que j’en ai retenu !  Je m’endors avec Blek le Roc gambadant à mes côtés, en plein soleil sous un immense ciel bleu ! Les rêves enfantins ne meurent jamais. Ils ont la vie dure et me remémorer tout ça aujourd’hui ajoute probablement à mon bonheur d’être là,  à faire ce Tour du Capcir avec Jérôme et ses sympathiques et très gentils amis, même si je garde tous ces souvenirs pour moi. Mais comme un bonheur n’arrive jamais seul, je veux rester positif. Je sais qu’il y en aura d’autres et découvrir avec eux cette superbe région me rend très heureux.

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La Boucle des Etangs du Carlit depuis Les Bouillouses.

Publié le par gibirando

 Le diaporama est agrémenté avec des musiques du compositeur allemand Oliver Heuss extraites de ses albums "Amerikas Naturwunder"

La Boucle des Etangs du Carlit depuis Les Bouillouses.

La Boucle des Etangs du Carlit depuis Les Bouillouses.


 

Parce que je n’ai pas été l’initiateur de cette « Boucle aux Etangs du Carlit » réalisée le 25 août 2019, je l’avais complètement oubliée dans ma chronologie. Pourtant, ce jour-là, j’avais fait en sorte de prendre les photos indispensables au reportage habituel de mon blog. Ce n’est donc que partie remise et voilà ci-après le récit de cette merveilleuse journée en famille. C’est Carole ma fille, presque sur un coup de tête, qui nous a invité à cette sortie capciroise. Alors bien sûr, il nous « faut tomber du lit », se préparer dare-dare afin d’être prêts pour démarrer tous ensemble vers ces merveilleuses Pyrénées qui nous attendent et que nous aimons tant. Tout ce passe comme prévu, mais malgré ça, il est déjà 11h quand on gare nos voitures sur le parking du Pla de Barrès. Là, à la belle saison, commence la route réglementée menant au site classé des Bouillouses. Le parking étant déjà bien plein, on s’inquiète un peu. Pourtant tout paraît bien rodé et en moins de 10 mn, nous voilà déjà dans la navette, un bus très confortable ; alors que la route ne l’est pas du tout ; direction le fameux barrage alimentée par la Têt depuis 1910. Une demi-heure plus tard, et bien que beaucoup chahutés à cause des nombreux virages, nous débarquons entiers et en bonne forme. Aussitôt, voilà notre petite équipe déjà à pied d’œuvre, filant en direction de l’hôtel-restaurant Les Bones Hores, car c’est là que commence l’itinéraire menant à nos futurs objectifs. Ici, et bien que de très nombreux souvenirs, plus ou moins récents, resurgissent en moi, je ne peux guère m’éterniser. Pourtant, et en essayant de me les remémorer, les 3 principaux reviennent chronologiquement presque naturellement. Il y a août 2001 où Dany et moi n’avions fait que passer lors d’une étape mémorable sur le G.R.10 entre Mérens-les-Vals et Mantet. Mémorable car ce périple avait duré 8 jours, mais surtout parce que cette étape entre le lac du Lanoux et Bolquère, bien trop longue, avait mis à vif les pieds de Dany. C’est d’ailleurs à cause de ça, que nous avions terminé à Mantet plutôt qu’à Prades comme initialement prévu. Puis en juin 2005, déjà ma fille et mon gendre JC avaient décrété de nous faire gravir le Carlit. Ce jour-là, si j’avais réussi l’ascension sans trop de problèmes, la descente sans doute trop rapide avait engendré dans mon crâne de terribles maux de tête. Alors je m’en souviens aussi parfaitement. Les étangs vers lesquels nous partons aujourd’hui, depuis le sommet du Carlit, je les avais décrit comme « une constellation de lacs dans une galaxie granitique ». Aujourd’hui, je tire néanmoins un constat : j’ai vieilli de 14 ans, depuis ma fille et mon gendre ont eu deux beaux enfants, et de ce fait et par bonheur, j’ai deux adorables petits-enfants de 11 et 9 ans qui m’accompagnent et marchent bien mieux que moi. Enfin, en septembre 2013, les Bones Hores nous avaient accueilli pour notre dernière soirée sur un incroyable Tour du Capcir (à paraître) réalisé en 4 jours avec mon fils Jérôme et un couple d’amis. Alors même si je ne m’arrête pas devant l’hôtel, je ne peux m’empêcher de l’immortaliser, car tout comme le barrage, cet hôtel est la représentation matérielle de tout ce passé à la fois si lointain mais encore si frais dans ma mémoire. Les seuls arrêts, je les consacre presque exclusivement à photographier les décors car si la faune et la flore sont un peu présentes, le rythme de marche qui m’est imposé par tous ces jeunes n’est pas celui que je pratique habituellement. Alors que nous en sommes à regarder des panonceaux,  mon gendre m’indique  qu’il a fait le choix d’une variante plus courte que celle des 9 ou 12 étangs. « Ça me conviendra très bien » lui dis-je en regardant le panonceau indiquant 2h30 pour les 9. D’emblée, comme l’itinéraire ne fait que monter, je me contente de suivre ce petit groupe de jeunes en essayant de ne pas me laisser distancer. J’y parviens mais aux prix d’efforts peu habituels pour moi. D’ailleurs, de temps à autres, j’éprouve la nécessité de quelques arrêts pour souffler un peu. Je ne suis pas le seul. Dany, elle, est dans une forme quasi-similaire à la mienne, mais nous avançons correctement et c’est bien là l’essentiel. Rien ne presse après tout car la balade est courte et puis il faut aussi penser aux enfants, peu habitués à marcher en altitude. Par bonheur, car la faim me tenaille, le premier estany, celui del Viver (ou Vivès), est décrété comme étant le lieu idéal d’un pique-nique. Tout le monde adhère à cette lumineuse proposition. Ici, je peux enfin me livrer à ma passion pour la photo naturaliste. Oh, ce n’est pas un zoo mais les quelques colverts et les dizaines de libellules noires qui occupent le rivage suffisent à mon bonheur. Prendre des couples de libellules qui ont décidé de s’unir n’est jamais facile. J’y passe du temps. Quand aux colverts, ils paraissent tous identiques et leurs plumages plutôt ternes pourraient laisser croire qu’il ne s’agit que de femelles. En réalité, quand on les observe plus précisément, on peut noter quelques modestes différences. Ils ont revêtu leur plumage d’éclipse, celui qui suit la période nuptiale, avec comme principale conséquence celle des mâles qui « perdent la tête » et leur merveilleuse couleur verte irisée. De plus, la quasi-absence de miroir alaire car invisible dans leur façon placide de barboter rend impossible la moindre évaluation de leur âge. De ce fait, il y a-t-il quelques jeunes canards parmi eux ? Difficile à dire ! Voilà à quoi je pense et m’occupe en dévorant mes sandwichs. Le pique-nique terminé, nous repartons. Le balisage est bon et la qualité du sentier très variable mais dans cette partie-là,  les petits lacs s’enchaînent assez rapidement : étang Noir, étang de la Coumasse et étang Sec. Malgré le rythme imposé, je continue à être aux aguets et si quelques oiseaux et papillons sont bien présents, dans l’immédiat, je n’immortalise que ces derniers, toujours les mêmes apparemment et de la famille des « Moirés ». Par bonheur, une centaine de mètres plus loin, un très beau Bec-croisé des sapins vient se poser au sommet d’un pin à crochets. Malgré qu’il soit un peu loin, je parviens néanmoins à le photographier car il est occupé à son déjeuner, consistant à picorer les aiguilles les plus jeunes. Il s’agit d’un mâle avec son beau plumage rouge. Après l’étang Sec, une longue ligne quasiment droite file vers l’étang de Bailleul. Selon mon bout de carte IGN, il faudrait monter le talus puis traverser le plateau pour aller voir les étangs Llat et Llong mais apparemment personne n’y semble décidé. Pourtant, ils ne me paraissent pas très loin. 300 ou 400 m tout au plus. Si j’étais seul, pas de doute, j’irais les voir mais aujourd’hui je suis le mouvement et ce d’autant que c’est moi qui ferme constamment la marche. Je ne parviens qu’à rattraper les autres car ma petite-fille Eulalie semble être tombée sous le charme des cairns qui jalonnent le sentier. A chacun des gros cairns, elle ajoute des pierres aux édifices et quand ils sont tout petits, elle prend un malin plaisir à les redresser presque intégralement. Je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est peut-être ainsi qu’on attrape le virus de la randonnée pédestre. L’arrivée à l’étang de Bailleul est l’occasion d’une nouvelle pause où le petit torrent déversoir offre à tous la possibilité d’un bain de pied « fraîchement » réconfortant.  Moi, comme j’ai aperçu deux bergeronnettes grises courant sur la berge, je pars pour tenter de les photographier. J’y parviens à force de patience et parce que j’accepte de faire la moitié du tour de l’étang mais j’avoue que quelques fleurs communes à ce milieu humide sont plus faciles à immortaliser. Nous profitons aussi de cet arrêt pour finir nos casse-croûtes respectifs. C’est à cet instant que j’aperçois un couple, qui droit devant moi, est entrain de gravir les gros pierriers. Je les observe. Mais où vont-ils au juste ? Finalement, en regardant mon bout de carte, je comprends qu’ils ont choisi la ligne la plus droite pour rejoindre les autres étangs qui sont plus hauts : Castellà, d’En Gombau, Trebens et Sobirans. Nous repartons. L’étang de Bailleul étant amplement recouvert de très longues plantes aquatiques, j’en suis à me demander si cette prolifération n’est pas le début d’une inéluctable eutrophisation ?  Tout au cours du chemin, j’ai déjà remarqué pas mal de petites cuvettes complètement asséchées et je suis à peu près certain qu’il fut un temps où elles devaient héberger d’autres étangs aussi remplis que ceux que nous visitons. Jusqu’à l’étang de Les Dougnes, puis encore bien après, rien de notable, or mis une « grosse gamelle » sans gravité dans une descente menant à une petite passerelle. Ça fait rire les enfants Robin et Eulalie de me voir les « quatre fers en l’air », mais les adultes un peu moins. Ils s’inquiètent immédiatement de mon sort.  J’ai glissé sur une roche et suis  tombé sur le dos mais par bonheur mon sac a totalement amorti le choc. Je n’ai absolument rien. Je repars en me souvenant qu’après de très nombreuses chutes à répétition dont une plutôt grave, je ne suis plus tombé depuis une randonnée « très spéciale car orientée » qui m’avait mené au « conjurador de Serralongue » en février 2017. J’avais appelé cette randonnée qui m’avait été vivement conseillé par un inconnu rencontré à Urbanya « Les chemins ruraux de Serralongue depuis le Tech ». La magie de la conjuration avait bien fonctionné jusqu’à présent mais aujourd’hui une toute petite pierre granitique qui a glissé son mon pied droit est venu contrarier cet ordre qui semblait pourtant bien établi. Il faut dire que je l’ai un peu cherché car au lieu de suivre le sentier le plus fréquenté comme le faisait tout le monde, j’ai fait le choix de marcher au plus près du ruisseau qui lui est parallèle. Le ruisseau de la Bouque de Capcir il s’appelle et il fait le lien entre l’étang de Les Dougnes et celui del Viver. Par la force des choses, les pierres y sont plus humides mais moi je voulais voir si j’y apercevais des grenouilles dont je sais qu’elles sont présentes régulièrement. Alors ces grenouilles que je n’ai pas vu, m’ont-elles jetées un mauvais sort ? Je n’y crois pas une seconde même si je sais que depuis l’Antiquité, les grenouilles et les amphibiens en général sont considérés comme des êtres maléfiques. Au Moyen-Âge, le crapaud et surtout sa bave sont très souvent le composant préféré des potions magiques des sorcières. Les grenouilles, salamandres et autres tritons sont des animaux diaboliques. Mais le Moyen-Âge est loin et si l’Histoire, celles des sorcières notamment et les légendes m’intéressent, je garde les pieds sur terre. Enfin, pas toujours ! Et surtout quand les semelles sont détrempés ! D’ailleurs, la chance me sourit enfin avec une mésange huppée qui vient très gentiment se laisser photographier en se posant au sol à quelques mètres de moi. A hauteur de la passerelle en bois puis juste après, le cas d’étangs ayant subi une ancienne eutrophisation semble se confirmer avec deux ou trois zones amplement envahies presque uniquement par des tourbières. Elles doivent sans doute se remplir que dans le cas de très puissantes précipitations pluvieuses. Les étonnantes Linaigrettes et les jolies Parnassies des marais s’y complaisent. Apparemment, les Populages des marais et les Séneçons des Pyrénées semblent préférer le bord des ruisseaux.  Finalement, après la traversée d’un petit bois de pins à crochets et une nouvelle descente un peu scabreuse, nous retrouvons l’étang del Viver et ses colverts. Pas d’arrêt cette fois et juste le temps de quelques photos des volatiles simplement pour le plaisir. Comme c’est le dernier étang, par la force des choses, la suite et la fin de la boucle deviennent plus monotones. Pour moi, seul un lézard des murailles qui est écrasé comme une crêpe contre un rocher vient compléter mon court bestiaire photographique. J’en suis donc à chercher quelques fleurs oubliées à l'aller pour terminer en beauté. Comme il n’y a plus que des descentes et que les Bouillouses ne sont plus très loin, tous les randonneurs ; et ils sont nombreux à cette heure-ci ; semblent accélérer le pas. Parmi eux, un vieil homme, avec lequel j’entame une cordiale conversation, marche beaucoup plus lentement que tous les autres. Et pour cause ! Il a 84 ans et vient de gravir dans la journée le Carlit et ses 2.921,66 m avec son fils et son petit-fils.  « Chapeau bas ! » lui dis-je en apprenant cela puis voyant qu’il finit quand même bien fatigué et le pas un peu incertain car hésitant, je rajoute tant bien que mal un proverbe qui me vient  à l’esprit : « Ne vous pressez pas !  La lenteur arrive toujours au but alors que la précipitation s’empêtre souvent en chemin »,  avant très paradoxalement d’accélérer mes propres foulées pour rattraper le retard que j’ai pris sur ma petite famille. Il est 16 h tapantes quand nous arrivons aux Bones Hores. Estimant que nous le méritons bien, je propose que l’on prenne une boisson fraîche sur la terrasse de l’hôtel. A la fois histoire de se dessécher le gosier mais aussi de garder un souvenir mémorable de cette magnifique journée. J’ai gardé tous les autres en tête alors pourquoi pas celui-ci avec ma fille et mes deux amours de petits-enfants ? Malgré la foule qui se détend autour des nombreuses tables, il règne ici comme un immense flegme, une espèce de placidité ambiante. Un peu comme si les gens voulaient garder de leur journée ici, dans cette belle du Capcir, dans ce site exceptionnel des Bouillouses et du Carlit, une grande quiétude. Même les serveurs ne semblent jamais pressés. Pourtant quand je les observe, je m’aperçois qu’ils n’arrêtent jamais, se démenant en tous sens mais toujours avec une débonnaire jovialité. Ils ne nous restent plus qu’à rejoindre la navette et si ce matin nous avions fait le choix de passer sous la voûte du barrage, cette fois nous passons dessus. Force est de reconnaître que c’est bien plus beau. C’est donc avec de multiples coups d’œil et photos sur le superbe lac que nous finissons cette balade en famille. Le temps de quelques minutes passées à observer deux pêcheurs lançant leur cuillère à la limite du canal déversoir puis très vite les rares maisons des Bouillouses sont là. Deux navettes sont déjà présentes et c’est avec une belle discipline que tout le monde se plie à leur remplissage respectif en fonction de l’ordre des arrivées. Ainsi se termine cette très belle journée en famille. Oui, il avait raison Jean Ferrat « que la montagne est belle ! ». Telle que racontée ici, cette randonnée a été longue de 9 km pour des montées cumulées de 380 m. Le dénivelé est de 247 m entre le point le plus bas au départ des Bouillouses (1.992 m) et le plus haut sur le petit plateau de l’étang des Dougnes (2.239 m) Carte IGN 2249 ET Font-Romeu - Capcir Top 25.

Description et toponymies des étangs visités - Les lacs supérieurs des Bouillouses

  • Etang ou estany del Viver: Situé à une altitude de 2.139 m pour une superficie de 3 ha et une profondeur de 10 m, c’est le tout premier que l’on découvre sur cette boucle des étangs du Carlit. On le trouve parfois sous la dénomination de Le Vivé ou del Vivé.  La toponymie de ces mots est très simple car bien évidemment elle est à rapprocher du verbe français « vivre » qui a pour origine le latin « vivere ».  Il serait bien trop long d’énumérer ici tous les mots,  noms propres ou de familles qui en sont issus mais en voici quelques uns parmi les plus communs : Vivant, vivier, vivacité, vivoter, Vivès, Vivet, Vivien, Vivern, Vivo, Viviani, etc….Alors reste à savoir pourquoi l’étang porte-t-il ce nom ? On ne peut que faire des suppositions entre le fait qu’il aurait été un vivier à poissons pour les pêcheurs ou bien qu’il aurait été l’étang le plus vivant car son ruisseau est le plus proche de celui des Bouillouses par exemple. On peut je pense éliminer le nom d’une personne.
  • Etang Noir ou Estany Negre : Situé à une altitude de 2.140 m pour une superficie de 4,5 ha et une profondeur de 7 m, sa toponymie est tout simplement due à la couleur de ses eaux engendrée ici par une sombre forêt de sapins qui l’entoure et s’y reflète. Il faut noter que dans les Pyrénées, il y a d’autres lacs ou étangs portant ce même nom de « Negre » et notamment un autre tout proche des Bouillouses au lieu-dit Les Esquits. Pour le différencier du nôtre, ce dernier est parfois appelé Etang Noir d’en Bas. A ne pas confondre donc. 
  • Etang de la Coumasse : Situé à une altitude de 2.160 m pour une superficie de 4 ha et une profondeur de 10 m, sa toponymie d’estany « de la Comassa » signifierait « étang de la grande combe » (Source Wikipédia). On peut faire confiance à cette définition puisque le mot catalan « coma » signifie « combe » et que le suffixe « asse » à souvent une valeur augmentative. Dans la toponymie pyrénéenne, le mot ou nom propre « coume » qui signifie également « combe » est très présent.
  • Etang Sec ou estany Sec : Situé à une altitude de 2.140 m pour une superficie de 2 ha et une profondeur de 7 m, sa toponymie aurait pour origine un îlot rocheux d’une vingtaine de mètres carrés (Source Wikipédia). Toutefois, sa faible profondeur peut également laisser imaginer qu’il aurait connu, sinon une période de totale sécheresse, tout du moins un très bas niveau de ses eaux. Ce constat se vérifie par la couleur vert pâle de ses eaux que n’ont pas les autres étangs et que l’on peut aisément observer sur une vue aérienne (Géoportail).
  • Estany Llat : Situé à une altitude de 2.174 m pour une superficie de 10 ha et une profondeur de 14 m, ce lac constituait à la fin du 19eme siècle le centre d’un domaine piscicole affermé par les frères Aymar, pêcheurs professionnels (source Wikipédia). Sur les cartes IGN, une cabane portant ce nom est le témoignage encore présent de ce passé révolu. D’autres vestiges comme des sillons creusés pour déplacer les truites ou les saumons de fontaine sont encore visibles. Le mot catalan « Llat » signifie « large » et serait une contraction « cerdane » de « llarg » (large) et du mot « plat ». L’estany Llat serait donc large et plat, ce qu’il est en réalité si l’on en juge par l’écart de seulement 1 m entre ses altitudes nord/sud les plus opposées et sur une distance de plus de 300 m.
  • Estany Llong : Situé à une altitude de 2.184 m pour une superficie de 5 ha, son nom de « long » a pour origine ses mensurations : 500 m de long et 170 m de large. Avec un îlot rocheux en son centre et la couleur olivâtre mais plutôt claire de ses eaux, sa profondeur non mentionnée est probablement une des plus faibles de tous les lacs supérieurs des Bouillouses. Une photo aérienne sur Géoportail témoigne de ce constat et il paraît même coupé en deux par une végétation aquatique envahissante. Début d’une eutrophisation ? Je n’ai rien trouvé à ce propos.
  • Etang de Bailleul ou estany de Vallell : Situé à une altitude de 2.230 m pour une superficie de 1,5 ha, il est le plus petit des lacs visités lors de la réalisation de la boucle accomplie. Un peu comme l’étang Llong sa profondeur non mentionnée est probablement très faible. Envahi par de longues plantes aquatiques de surface, sa profondeur ne doit pas excéder 2 à 3 m. Encaissé entre deux crêtes rocheuses, sa toponymie de « Vallell » en catalan ou de « Bailleul » en français a forcément pour origine les mots « vallée » ou « vallon ».
  • Etang des Dougnes ou Estany de Les Dugues : Situé à une altitude de 2.243 m pour une superficie de 3,8 ha et une profondeur de 5 m, cet étang à la particularité de posséder deux déversoirs s’écoulant simultanément vers les bassins de l’Ebre et de la Têt. Cette particularité, il la doit à deux petits ruisseaux. Un premier qui a pour nom « Ruisseau de la Bouque (ou Boca) de Capcir » s’écoulant vers l’étang del Viver qui lui-même se déverse ensuite dans le lac des Bouillouses et donc dans la Têt et un second qui finit par prendre le nom de « Rec de l’Estany » mais seulement après s’être déversé successivement dans les étangs de Bailleul, Llong, Llat et Basses d’en Gombau. Au fil de son cheminement et de multiples ruisseaux affluents, le Rec de l’Estany change de dénominations mais leurs eaux communes finissent leur course dans la rivière d’Angoustrine, elle-même affluent du Sègre et donc sous affluent de l’Ebre, plus long fleuve exclusivement espagnol avec une longueur de 928 km. Selon le toponymiste Robert Aymard, le mot « dugues » ou « dougnes » en français ou « dourgues » en occitan signifierait « trou d’eau ». De très nombreux noms propres commençant ou contenant la racine « dou », ont un rapport avec l’eau (Les noms de lieux en France. Glossaire de termes dialectaux). C’est ainsi qu’en vieux breton le mot « dour » signifie « eau ». En occitan le mot « douts » ou « dotz » signifie « source ». Idem dans la toponymie gasconne où les mots « Doux », « Douch » ou « doutz » sont également une « source ». Et l’on pourrait allègrement rallonger ces exemples.
  • Le lac des Bouillouses : (encatalanEstany de la Bullosa ou de la Bollosa ) est un lac artificiel d'une superficie de 149 ha des Pyrénées, en Haut-Conflent, dans les Pyrénées-Orientales. Le mot catalan « bollosa » est probablement l'adjectif fabriqué « bullosa » dérivant de « bulli » et qui signifie « qui fait des bulles ». En effet, le lac des Bouillouses occupe la partie marécageuse appelée la Grande Bouillouse ou la Bouillouse sur certaines cartes anciennes. La Petite Bouillouse existe toujours, sur la Têt, à 200 m en aval du barrage, appelée « Bolloseta » sur les cartes IGN dans l'édition 2010. En 1896, Emmanuel Brousse mentionne la Bouillouse et la Bouillousette, et appelle les Bouillouses l'ensemble de ces deux lieux. Il ajoute que « la Bouillousette et surtout la Bouillouse sont d'immenses réservoirs naturels dans lesquels il serait facile de retenir les eaux ». (Extraits du site Wikipédia). Pour en savoir plus, rendez-vous directement vers l’encyclopédie libre en cliquant ici.  Le toponymiste pyrénéen Robert Aymard dans son livre « Toponymes Pyrénéens » y voit clairement un rapport avec le mot latin « bulla »  signifiant « bulle », le mot béarnais « boulhou » signifiant « bouillon » et le français « bouillonnant ».
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Le Lac de Nohèdes (2.022 m) par le canal de Jujols depuis Nohèdes (990 m)

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de la merveilleuse musique d'Ennio Morricone "Giù la testa" (en français, "Il était une fois la révolution") jouée ici par divers artistes avec 5 morceaux aux sonorités variées : 1- Jerome Allain (piano), 2-l'Orchestre du maître Diego Basso en hommage au compositeur, 3-Andrea Griminelli (flûte) et l'Octa Jazz Quartet, 4- Ennio Morricone et son orchestre lors d'un concert à Venise en 2007, 5- Ennio Morricone et son orchestre lors d'un concert en 2015 à Nîmes.

Le Lac de Nohèdes (2.022 m) par le canal de Jujols depuis Nohèdes (990 m)

Le Lac de Nohèdes (2.022 m) par le canal de Jujols depuis Nohèdes (990 m)

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Voilà déjà très longtemps que je voulais atteindre le « Lac de Nohèdes par le canal de Jujols ». En réalité et à bien y réfléchir, l’idée m’était déjà venue en 2007. 10 ans déjà, car cette éventualité, je l’avais envisagée en préparant la première partie de mon « Tour du Coronat » (*). Comme souvent quand je prépare une longue randonnée, j’avais tenter de lire tout ce qu’il était possible de lire à propos de ce canal de Jujols (***) mais pour être franc, cela se résumait à l’époque à quelques textes dans de rares bulletins municipaux ou organismes gestionnaires de la Nature. Depuis un livre a fait son apparition sur Internet. C’est celui d’Yvon Robert, ancien maire de Jujols de 1979 à 1995 (**) et on y apprend toute une Histoire. Histoire du village certes, du canal aussi, mais surtout Histoire de l’eau (***) à Jujols. Les vieux canaux de montagnes m’ont toujours intéressé et même intrigué et celui de Jujols ne fait pas exception à la règle. Les travaux colossaux qu’ils ont engendrés avec les moyens d’alors ne sont pas étrangers à cet intérêt et puis le plus souvent un sentier de randonnée y est parallèle. C’était d’ailleurs un des atouts du Tour du Coronat (*) que de suivre une partie du canal de Jujols (**) jusqu’au col du Portus. J’avais donc découvert cette partie mais le morceau jamais accompli entre le col du Portus et le lac de Nohèdes restait donc à faire. Mardi 22 août et alors que je réside à Urbanya, me voilà fin prêt à combler cette lacune. Depuis presque deux mois, mes randonnées se cantonnent à faire le tour de la vallée d’Urbanya et j’ai bien envie de faire autre chose. 9h30, je démarre de Nohèdes et plus précisément de sa centrale hydroélectrique. Le temps est superbe et Météo France annonce un anticyclone pour toute la journée. Si la découverte du canal et sa prise d’eau qu’est le lac de Nohèdes font partie de l’objectif, une fois encore la faune et la flore de ce secteur ne seront pas oubliées. Je connais ce démarrage comme ma poche et comment souvent, entraîné  par ma passion pour la Nature, je me laisse aller à une flânerie exagérée. Il y a du classique avec des fleurs, des oiseaux et des papillons mais cerises sur le gâteau voilà un beau lézard ocellé peu farouche, puis à hauteur de Montailla, un chevreuil qui, lui, l’est un peu plus. Quelques minutes plus tard, en voilà un deuxième au sein de la forêt de la Fajouge du Pla d’Avall. Cette fois, il détale et comme les immenses pins constituent une barrière naturelle, il m’est impossible de le photographier correctement. Une photo agrandie et corrigée avec Photoshop laissera apparaître une silhouette floue. 11h30, j’effectue une longue pause à la bergerie en ruines du Pla d’Avall. J’y découvre avec étonnement un psammodrome, lézard avec une queue démesurée dont je pensais que leur habitat était essentiellement en plaine. Quelques mésanges et un geai probablement attirées par la source de la Font de la Pèga s’amusent à loisirs à déjouer mon envie de les photographier. Je me cache au sein des ruines pour les surprendre. Ces parties de cache-cache m’amusent pendant une demi-heure puis finissent par m’agacer alors je repars, direction le col du Portus, sans trop savoir si mes photos sont réussies.  Ce tronçon de la piste est littéralement envahie par des grives draine et quand je m’approche de l’endroit où je les ai aperçues, je me demande toujours pourquoi elles étaient là, à cet endroit précis où rien de particulier ne semble visible et justifier une telle présence ? Au col du Portus, je prends la décision de m’arrêter pour pique-niquer. De manière assez inattendue, cette pause devient assez cocasse et même désopilante. Alors que je mange sur l’herbe derrière une voiture, berline blanche toute simple, un couple de randonneurs arrive. D’emblée, ils se mettent à me parler de la route montant ici depuis Evol. Ils sont en colère et n’arrêtent pas de ronchonner contre l’exécrable qualité de celle-ci. Ils se plaignent que le bitume n’existe plus, que la route soit constamment défoncée et que les pouvoirs publics ne fassent rien. Connaissant bien cette route et sachant qu’elle est effectivement truffée de nids de poule et d’ornières, j’abonde dans leur sens. Ils finissent par me dire qu’ils ont emprunté cette route avant d’abandonner par crainte d’une crevaison ou d’une casse préférant continuer à pied, raison apparente de leur courroux. Au bout de 10 minutes, nous en sommes toujours à évoquer cette route. Enfin, surtout eux, car moi je me contente de les écouter.  Finalement, la dame semble me faire le reproche d’être là, assis tranquille, à pique-niquer derrière cette berline blanche quand elle me dit « vous avez réussi monté jusqu’ici vous ? » et là, je finis par comprendre qu’ils pensent que la voiture m’appartient. Alors, j’éclate de rire et je suis bien obligé de leur dire que j’arrive à pied depuis Nohèdes. Ils sont surpris, presque ébranlés et pendant un instant, je les sens même dans le doute se disant probablement que je leur raconte des craques. Alors, je suis contraint d’insister et quand ils partent, je les sens presque déçus que cette voiture n’ait pas été la mienne. A mon tour, je quitte le col du Portus, sourire aux lèvres de cet incroyable quiproquo qui a duré presque une demi-heure bien malgré moi. J’emprunte la direction du Gorg Estelat par le rec de Jujols comme le mentionne très clairement un panonceau. Quelques reconnaissables rouges-queues noirs et d’autres oiseaux moins évidents à définir jouant dans les pins et les buissons freinent mon ardeur.  Mais voilà déjà qu’un nouveau panonceau se présente. « Rec de Jujols » il est écrit et un fléchage m’indique clairement de quitter la piste forestière pour partir vers la droite. « Pourtant où est-il ce fameux rec ? Où est le balisage ? Un étroit sentier pas toujours évident car mal débroussaillé déambule au milieu des pins et des bas genêts. Passe encore avec cette végétation-là mais quand les fétuques en mottes et les genévriers nains entrent dans la partie, les mollets sont mis à rude épreuve. Heureusement, de temps à autres des clairières s’ouvrent et laissent la place à un sentier plus facile à cheminer. Les cirses laineux en fleurs y poussent à profusion et sont butinés par une ribambelle de papillons dont le fameux Moro Sphinx ou Sphinx colibri, à l’étonnant vol stationnaire.  Le balisage est toujours absent ? Je le retrouve un peu plus haut tout comme les vestiges du vieux canal, vestiges qui soit dit en passant, resteraient invisibles aux yeux du profane.  Quelques dalles de schistes posées sur le sol, d’autres plantées dans la terre telles de grosses canines, quelques ruissellements deci delà sur un sol le plus souvent très asséché, enfin rien de vraiment évident ni de folichon quand on s’est fixé pour objectif de découvrir un canal. Il ne faut pas compter s’y rafraîchir et encore s’y désaltérer. Finalement, quand la bonne déclivité cesse et que le terrain se stabilise, mon regard délaisse presque naturellement le canal au profit des panoramas grandioses qui s’entrouvrent. Pourtant, c’est à partir d’ici qu’il devient le plus visible, hésitant sans cesse entre canal enseveli recouvert de lauzes et tranchée artificielle défoncée par le temps. Cette portion file désormais en balcon, alors ce qui n’était qu’hésitation devient renonciation. Le canal, je ne le vois plus.  Les beaux paysages captivent le regard mais le plus beau est là, juste à mes pieds, sous les traits d’un coeur bleu acier qu’offre l’Estany del Clot posé sur le Pla d’Avall. Alors je m’assieds et je regarde. Je connais parfaitement ce petit lac mais force est d’avouer que d’ici, sa vision est exceptionnelle. Cette seule vue suffit à me réjouir quand au choix de cet itinéraire laborieux et pourtant des vues, il y en a bien d’autres, plus lointaines il est vrai. Droit devant, c’est la sinueuse vallée de Nohèdes dont je ne vois pas très bien où elle se termine dans ce dédale de reliefs qu’elle a contribué à créer. Dans la Vallée de la Têt, la plaine du Roussillon puis dans la Méditerranée ? C’est en tous cas la perception que j’en ai dans cette grisaille lointaine et bleutée plombant peu à peu cet horizon qui finit par disparaître. Sur la droite, le Mont Coronat, toujours le même malgré les dix années qui se sont écoulées depuis mon Tour éponyme et je garde toujours en mémoire cette description si jolie et si conforme d’Antoine Glory : « une montagne fascinante s'il en est, drapée dans la chape sombre et mystérieuse de ses pins noirs à crochets ». Rien n’a changé. Enfin apparemment et vu d’ici, car je me souviens y être monté en 2013 et de nombreux arbres avaient été abattus probablement par les tempêtes successives. Sur la gauche, c’est un long chapelet de monts pelés et quand je les regarde, je ne peux m’empêcher de penser « espérons que le Coronat ne deviendra jamais comme ça ! ». Si je délaisse le canal c’est aussi parce que outre les paysages, trois rapaces bien différents se sont donnés le mot pour me distraire. Les deux derniers sont parfaitement reconnaissables mais je peine à donner un nom au premier. Finalement, une fois à la maison, une photo de lui m’apportera l’intime conviction qu’il s’agit probablement d’un milan royal au plumage roussâtre. Quand aux deux autres, l’ornithologue amateur que je suis sait identifier un gypaète et un vautour fauve. Les trois vont à tour de rôle et toujours dans les hauteurs du Pic de la Creu se lançaient dans des circonvolutions amples et lentes, disparaissant de mon regard très souvent et parfois trop vite à mon goût mais revenant comme si la curiosité vis-à-vis de moi guidait leur vol. Quand un disparaît définitivement, l’autre semble prendre sa place, comme dans un tour de passe-passe  orchestré par un invisible magicien. Force est d’avouer que c’est la première fois que je vois volé trois rapaces si antinomiques dans un espace aussi restreint. Finalement le balcon cesse, le sentier entre dans un bois de pins à crochets et j’atteins une zone amplement occupée par des tourbières. Il faut dire qu’ici s’écoule un étroit torrent et c’est bien là aussi que se trouve l’embranchement avec le canal de Jujols, peu évident, il est vrai si on n’y prend pas garde. En tous cas, de la prise d’eau ancestrale, je ne vois rien et je n’ai découvert qu’un bout d’une roue métallique et quelques câbles en acier sur le sentier. Probablement ce matériel devait-il servir à manipuler une vanne. Je décide de suivre le torrent mais je m’aperçois trop tard que ce n’est pas une sinécure. Il n’y a plus réellement de sentier et il s’agit d’une longue succession d’énormes marches que composent des gros blocs de granit. Tant pis, mais je n’ai pas trop envie de faire demi-tour et quand j’atteins le Pla d’Amont, sa zone humide, son entrelacs de ridules asséchées et son ruisseau principal, c’est une vraie satisfaction même si marcher sur ce compost naturel nécessite une vigilance de tous les instants. Le lac n’est pas gagné non plus car dans un véritable dédale de buissons, d’arbres morts ou vivants et de branchages le rejoindre reste une petite épopée. Quand je l’atteins, voilà enfin le vrai soulagement mais finalement, j’oublie très vite les difficultés pour me souvenir de la seule beauté du petit ruisseau qui zigzaguait continuellement. A ma vue, d’innombrables truitelles décampaient à toute vitesse et sous le soleil, cette fuite désordonnée des petits poissons ressemblait à des flèches d’argent. C’était vraiment un beau spectacle ! Au bord du lac, personne ! Alors je me déshabille pour un bain intégral et dénudé mais nul doute que ma nudité doit attirer les curieux comme un aimant car il n’y a pas deux minutes que je barbote qu’une femme et deux hommes se présentent sur la rive, à l’endroit même où j’ai déposé toute ma tenue vestimentaire. Situation peu confortable pour moi qui suis un grand pudique. En plus, ce n’est pas la première fois que je connais ce type de mésaventure et au fond de moi je me dis que j’aurais du me méfier. Mais que voulez-vous, j’ai cette fâcheuse habitude de vouloir mettre la tête, et parfois tout le reste, dès que j’aperçois la moindre flaque d’eau ! Les visiteurs sont espagnols mais comme ils parlent parfaitement le français, comment ne pas répondre à de simples questions comme « elle est froide ? » ou bien « le fond est-il vaseux ? ». Finalement, je réponds aux questions dans cette position couchée très embarrassante car l’eau est plutôt fraîche, le fond sableux mais un peu vaseux aussi mais surtout insignifiant quand à sa profondeur. Ouf ! Ils partent et s’éloignent de quelques dizaines de mètres. Je me précipite pour enfiler mon « boxer » car j’ai bien envie d’y flemmarder au bord de ce lac et surtout d’y passer du bon temps. J’ai tant emmagasiné de souvenirs dans ce secteur : Tour du Coronat en 2007, plusieurs balades d’une journée, Tour du Capcir en 2013 où nous avions déambulé tout là-haut sur les crêtes puis couché au Refuge de la Perdrix. D’ailleurs, n’y a-t-il pas ici un panonceau « Refuge de la Perdiu – CAF » me rappelant à ces bons souvenirs ? En outre, j’ai aperçu des bergeronnettes et quelques autres oiseaux qui occupent les berges et je voudrais bien les photographier. Dans l’immédiat, tenue correcte oblige, je retourne finir mon bain et là, vous ne me croirez pas ? Sans autre forme de procès, les trois espagnols se mettent complètement à poils et entreprennent plongeons sur plongeons comme trois gamins à la plage. « Quel spectacle ! » Et surtout « quel crétin je suis ! », voilà ce que je me dis. Après ce nouvel intermède cocasse, je me rhabille, mange un peu puis file vers l’autre bout du lac. J’y photographie de microscopiques grenouilles aux couleurs variées, des bergeronnettes plutôt craintives, des papillons mais également un vautour fauve posé très haut sur un piton rocheux. A cause des grenouilles, j’essaie de regarder où je mets les pieds dès lors que je marche sur la grève. Je passe ainsi plus d’une heure à gambader absorbé que je suis par cette passion de la photo naturaliste. Quand je m’en aperçois, je me dis qu’il est temps de repartir car le chemin jusqu’à Nohèdes est encore très long même si celui-ci je le connais parfaitement. Je sais qu’il y aura encore d’autres bonnes justifications à ralentir voire à s’arrêter. Le sentier file à gauche du cirque glaciaire et je n’ai aucun mal à le trouver même si c’est la toute première que je le réalise dans ce sens.  J’en connais les difficultés et sais que dans cette descente scabreuse et caillouteuse, il faut constamment être attentif. J’avais vu juste et un tas de bonnes raisons me ralentissent dans cette descente. La faune toujours la faune qui est omniprésente quelque soit l’altitude.   Pla del Mig, Jasse de la Ribe et pour finir l’Estany del Clot où je prends encore du bon temps à l’endroit même où j’avais bivouaqué au bord du lac en 2007. Quel bonheur ! Les souvenirs ressurgissent et les revoir dans ma tête me fait du bien. Il ne me reste plus qu’à rejoindre Nohèdes et sa centrale électrique où ma voiture m’attend. Il est 19h45 quand je l’atteins et voilà plus de 10 heures que je suis en marche. Il faut que je recharge les accus mais je sais déjà que demain sera un autre jour.  Un  jour à Urbanya. Jour sans randonnée assurément, jour de farniente et de lecture à coup sûr. Tout en roulant vers Urbanya, je repense au canal et au cinéma que je m’en étais fait, mais finalement à bien y réfléchir, je ne suis pas déçu de cette balade. Trop enterré, jamais plus entretenu depuis de trop longues années, le canal de Jujols n’a pas livré tous ses secrets, mais je n’ai aucune déception car à vrai dire connaissant le tronçon Jujols-Col du Portus, je m’étais préparé à cette désillusion. Formidables néanmoins, voilà un adjectif dont on peut affubler ceux qui l’ont construit, à la force de leur bras et de « leurs jarrets » et à la sueur de leur front. Bravo à eux et merci ! J’ose espérer que ce patrimoine survivra encore longtemps et surtout qu’un sentier continuera de le longer pour amener les curieux comme moi vers les étoiles de ce magnifique lac qu’est le lac de Nohèdes…..le Gorg Estelat…ce gouffre aux reflets scintillants comme des étoiles comme l’ont si bien écrit Louis Companyo en 1861 (Histoire Naturelle du département des Pyrénées-Orientales) et Victor Dujardin (Souvenirs du Midi - Le Roussillon – Voyages aux Pyrénées) trente ans plus tard. Lac étoilé pour les uns, palais des démons et des légendes (****) pour les autres, les bonnes raisons d’aller le découvrir ne manqueront jamais et si le canal de Jujols peut constituer un plus tant mieux ! Telle qu’expliquée ici, cette balade a été longue de 23,5 km pour des montées cumulées de 1.874 m. Le dénivelé est de 1.032 m entre le point le plus bas à 990 m à le centrale électrique de Nohèdes et le plus haut à 2.022 m au Gorg Estelat. Cette balade est donc plutôt difficile. Carte I.G.N 2249 ET Font-Romeu – Capcir Top 25.

 

(*) Mon Tour du Coronat et quelques réflexions à propos du canal de Jujols : Le Tour du Coronat, je l’ai réalisé en 2007 et en deux parties bien distinctes. D’abord le 30 et le 1er juillet pour découvrir les lacs (Estany del Clot, gorgs Estelat et Nègre) puis encore en 4 jours à partir du 15 août selon l’itinéraire que j’avais découvert sur le topo-guide « 5 grandes randonnées en Pyrénées-Orientales ». Voilà quelques réflexions que j’avais dressées à propos du canal de Jujols. Lors de cette première partie, j’avais essentiellement emprunté la piste forestière pour rejoindre le col du Portus et de cette manière, j’avais renoncé à suivre le vrai tracé que longe le canal. Au col, j’avais pris l’option d’aller bivouaqué à l’Estany del Clot et donc là aussi, j’avais renoncé à atteindre le « Lac de Nohèdes par le canal de Jujols ». Le retour s’effectuant en boucle avec le découverte des gorgs Estelat et Nègre, là encore j’avais évité le canal sur sa partie haute me contentant d’en avoir un rapide aperçu du Col du Portus à Jujols. En effet, ce jour-là, la météo devenant maussade, j’avais été contraint de speeder et je n’avais pas réellement pris le temps d’apprécier le canal, qui soit dit en passant est enterré constamment. Il m’avait donc fallu attendre la deuxième partie et les 4 jours réellement consacré au Tour du Coronat selon l’itinéraire conseillé par le guide Antoine Glory dans le topo-guide pour avoir une meilleure idée de ce qu’il était réellement. Mais ce topo-guide était déjà ancien et le Tour du Coronat était censé ne plus exister. D’ailleurs des responsables de la Fédération Française de Randonnée Pédestre ne m’avaient-ils pas déconseillé ce « périple » ? Ne les écoutant pas, je m’étais néanmoins lancé dans cette « aventure annoncée » avec l’envie de découvrir. J’avais donc découvert un système alimentant une retenue d’eau au dessus de Jujols. Nous étions le 15 août et cette retenue était encore pleine comme elle l’était déjà fin juin lors de la première partie. C’était encourageant. Et puis, ne m’étais-je pas douché normalement au gîte les Ocells, ce qui prouvait que l’eau n’était peut-être plus un problème à Jujols ? Cette fois, j’avais délaissé très vite la piste et j’avais suivi un bout du canal jusqu’au col Diagre. Là, une eau limpide arrivait dans une auge décatie qui semblait faire office à la fois de raccordement et de déversoir. Cette auge semblait être alimentée par une canalisation souterraine descendant des Mollères. Là, au col Diagre, j’avais ignoré la piste et j’étais monté vers la Sola des Mollères où j’avais retrouvé un sentier longeant le canal de Jujols. Constamment enterré jusqu’au col du Portus, j’avais été étonné de cet « ensevelissement » contrairement aux autres canaux de montagne que je connaissais. Je n’y avais pas constaté de fuites, mais en plus, il m’arrivait parfois d’entendre l’eau chanter sous les lauzes. Quand l’occasion m’avait été donnée de soulever une lauze sans pour autant détériorer l’ouvrage, j’avais été agréablement surpris de son débit parfois si fougueux. Je savais que l’eau avait toujours manqué à Jujols et que les efforts pour l’y amener avaient été constants tout comme les querelles avec les villages voisins pour s’approprier ce bien si précieux. Le lac de Nohèdes est comme son nom l’indique situé sur la commune de Nohèdes et que les Jujoliens aient voulu s’en emparer de son eau n’a jamais été accepté des habitants de l’autre vallée, celle de Nohèdes.  Ce débit en pleine forêt m’avait semblé contradictoire, surtout en août, mais il est vrai qu’en 2007, je ne connaissais pas toute l’Histoire et en plus, je n’ai jamais été un spécialiste en hydrométrie. Je savais que les sources étaient très nombreuses sur les flancs du Coronat mais ce n’est qu’ultérieurement avec la lecture du livre d’Yvon Robert que j’ai appris que la plupart étaient insuffisantes à la vie entière du village, tout comme l’eau du seul canal d’ailleurs. Les sources se résumaient à celle de Font Frède. En outre, les moyens de les trouver étaient plutôt récents quand aux méthodes pour les canaliser, elles étaient loin d’être évidentes tant le relief et l’éloignement ont toujours été des obstacles et des freins naturels. Quelques personnes s’y sont pourtant essayées en réalisant des réseaux secondaires mais ensuite encore fallait-il les entretenir. Voilà ce que j’avais découvert sur le terrain et dans mes lectures. Et puis lors de cette deuxième partie du Tour du Coronat, ma découverte s’était arrêtée au col du Portus car la suite m’avait entraîné vers Nohèdes.  Le morceau jamais accompli entre le col du Portus et le lac de Nohèdes restait donc à faire. C’est ce que j’ai fait cette fois-ci.

 

(**) Le livre de l’ancien maire Yvon Robert s’intitule « Jujols de 1974 à 1986 – Gens de Jujols, je vais vous raconter comment ça s’est vraiment passé ». Il est consultable sur le site Calaméo et présenté par son fils Alain Michel Robert sous le titre « La véritable histoire de Jujols de 1974 à 1986 ». Yvon Robert est né en 1933 à Toucy dans l’Yonne et est décédé à Jujols en 2013. Il a été maire de Jujols de 1979 à 1987 puis de 1989 à 1995. Ereinté par des querelles intestines, divers problèmes personnels et le décès d’un enfant qui lui était proche, il passe temporairement le flambeau à son fils Olivier qui devient maire de 1987 à 1989. Dans son livre, il raconte sa vie avant Jujols. Son arrivée en 1974 et les difficultés d’installation qu’il rencontre dans ce village de montagne du Haut-Conflent oublié de tous. Ce désir fou de vouloir sortir le village de son isolement et son implication totale, année après année, dans sa fonction de maire pour y parvenir. Il règle des comptes avec des gens qui n’ont eu de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues. Enfin, la dernière partie de l’ouvrage est consacrée aux problèmes séculaires que le village a connu pour s’approvisionner en eau jusqu’à la solution bénéfique et durable finalement trouvée. Le chapitre s’intitule « Les problèmes d’eau d’arrosage de 1830 à 1987 » et bien évidemment on y évoque le canal.

 

(***) L’Histoire du canal de Jujols et de l’eau au village : Depuis des temps immémoriaux, capter l’eau et l’amener au village ont été des problèmes majeurs pour les Jujoliens, voilà ce que nous apprend une notice historique de l’abbé Giralt, curé de Fuilla, parue dans un bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire de 1911. On ne sait rien de toute antériorité à 1830. En 1830, on sait que les Jujoliens dérivent l’eau du Ravin de Font Frède (la Source Froide) et l’amène dans un abreuvoir au Col Diagre. Souci néanmoins car cette eau descend jusqu’à présent sur la commune d’Evol par le ravin du Riel, et ce malgré que l’approvisionnement d’Evol soit moins problématique car le torrent d’Evol et bien d’autres ruisseaux secondaires aboutissent dans ce village. Les Jujoliens trouvent donc normal ce prélèvement. En 1840, lors d’un Conseil municipal, les Jujoliens décident d’amener l’eau de Font Frède directement au village. Les travaux sont réalisés mais au fil des ans, le seul débit de cette source s’avère insuffisant pour répondre à tous les besoins des villageois. En 1870, une association syndicale est créée et son objectif est d’imaginer la captation des rivières de Nohèdes et d’Evol. Suite à une demande dans ce sens datant de 1871, le 12 juillet 1873, le président de la République le maréchal Mac-Mahon signe un décret autorisant la construction d’un canal d’irrigation permettant de capter dans la rivière de Nohèdes, un volume de 50 litres par seconde mais sur une période limitée du 1er mars au 30 juin. En novembre de la même année, un arrêté préfectoral crée une Association Syndicale Autorisée et l’autorisation annuelle de dériver l’eau de la rivière de Nohèdes est confirmée pour arroser une surface agricole de 88 hectares de la commune de Jujols. Cette association est créée sous le nom de « Société du Canal de Jujols » dont l’objet poursuivi est de construire puis d’exploiter un futur canal de 8,7 km de long entre le Gorg Estelat situé à la côte 1911 sur la commune de Nohèdes jusqu’au lieu-dit Ravin de Font Frède à la côte 1557. Les travaux sont immédiatement lancés et le canal voit le jour mais aucun dossier n’a été retrouvé, ni dans les archives des Ponts et Chaussées ni dans celles de la Direction Départementale de l’Agriculture. Il faut noter néanmoins que cette captation de l’eau de Nohèdes par les habitants de Jujols n’a jamais été acceptée par les villageois de la vallée de Nohèdes (Nohèdes, Bettlans, Conat et Ria) et les querelles n’ont jamais cessé depuis. Quant aux Jujoliens, ils ne sont pas satisfaits non plus de se voir privés d’eau dès le 1er juillet car c’est à cette période que les plus gros besoins se font sentir. En 1888, des pétitions sont lancées et des compromis sont trouvés par les autorités. Par décret, le président de la République Sadi Carnot donne une autorisation supplémentaire aux Jujoliens si le débit à l’endroit de la prise d’eau est supérieur à 60 litres par seconde. Un marché de dupes apparemment. Le plus souvent, les vanniers chargés de l’ouverture et de la fermeture des vannes  ne respectent pas les différentes autorisations et la solidarité est un vain mot. De ce fait, les mauvaises relations entre villages s’amplifient engendrant des différents, des altercations, des discordes, des plaintes et des procès. Ces relations exécrables ne cesseront jamais tout comme l’exode rural  qui a déjà commencé dans les années 1860/1870 dans la plupart des villages du Haut-Conflent. Paradoxalement, c’est l’amélioration des voies de circulation, la création des routes et des chemins de fer qui sont à l’origine de cet exode. Jujols passe de 242 résidents en 1806 à 86 en 1921. La population décroît et avec elle les besoins en eau. En 1898, les Jujoliens sont priés de réparer la prise d’eau située sous le Gorg Estelat à la côte de 1.911 m d’altitude. Les documents retrouvés ont permis de se faire une très bonne idée de ce qu’étaient les labeurs en montagne pour acheminer le matériel nécéssaire. Au delà du prix de revient et du tarif journalier des intervenants (2F50 pour les hommes et 1F75 pour les femmes), la partie intéressante et saisissante est de savoir que 30 personnes (28 hommes et 2 femmes) et une ânesse par pièce ont participé à cette expédition démarrant d’Evol à 815 m d’altitude et se terminant à la prise d’eau. Inutile de préciser que cette opération s’effectue à pieds par des sentiers muletiers, probablement le fameux Cami Ramader, et quand on connaît le relief et la distance, on a immédiatement une très bonne idée de ce qu’était la pénibilité à cette époque. Les années passent et les mêmes difficultés et problèmes demeurent et le canal nécessite un entretien régulier. En 1939, 25 tenanciers d’Evol se plaignent de la captation de l’eau du ravin de Font Frède. L’affaire reste sans suite et c’est cette année-là que les Jujoliens choisissent pour construire un réservoir de 40 à 50 m3, au dessus et non loin du village alimenté par une buse depuis le col Diagre. En 1962, l’eau potable arrive dans le village grâce à l’édification d’un petit château d’eau mais le réseau et les différentes installations ne seront jamais d’une grande fiabilité.  La population s’amenuise encore et toujours, passant de 159 habitants en 1881 à 8 en 1973. C’est en septembre de cette année-là que l’Association Syndicale Autorisée du Canal de Jujols créée en 1873 est dissoute par arrêté préfectoral. Elle aura duré 100 ans et c’est une perte considérable pour le village car elle perd définitivement son droit sur l’eau du Gorg Estelat obtenu de haute lutte. Il ne lui reste que les yeux pour pleurer et l’eau de Font Frède, et encore de lourds travaux sont indispensables. Fin des années 1970, début 80, Jujols semble renaître de ses cendres et de nouvelles familles s’installent, le maire Yvon Robert est le chef de file de ce renouveau. En 1983, le maire souhaite récupérer le droit sur l’eau du Gorg Estelat mais il essuie un refus catégorique des habitants de Nohèdes alors il se tourne vers ceux d’Evol et demande à dériver 6 litres par seconde de la rivière d’Evol au lieu-dit La Mouline. Il essuie un second refus sous le tollé général des Olettois qui s’oppose en majorité à ce projet. Il faut donc se retrousser les manches et chercher d’autres solutions ou l’inverse. C’est ce qui sera fait dans les années 84/87 toujours à partir de la source principale de Font Frède mais avec d’autres sources moins importantes aussi. Yvon Robert fait venir des spécialistes comme le célèbre spéléo Dédé Lachambre. Ensemble, ils cherchent d’autres sources, se lancent dans de nouveaux travaux de captations et de canalisations, réparent les anciennes, celles du col Diagre et de la boutasse. Des systèmes d’aspersion sous pression sont installés pour arroser des cultures proches du village.  Des bénévoles, des enfants en vacances l’aident dans cette tâche incommensurable pour capter de l’eau et l’amener au village. En 1983, des amis spéléos descendent dans l’Aven des Chiens, un groupe électrogène est acheté et monté là-haut pour y pomper de l’eau mais le matériel est finalement volé et le projet abandonné. Une idée de 1981 de construire une retenue collinaire plus importante permettant de capter au maximum les eaux ruisselantes dévalant du Mont Coronat est avalisé en 1989. Le projet est lancé et les travaux démarrent  en 1991. La capacité sera de 11.080 m3. C’est cette fameuse retenue que j’aperçois en 2007 et que j’évoque dans le paragraphe consacré au Tour du Coronat. Jujols a-t-il résolu tous ses problèmes d’eau ? Yvon Robert n’aura de cesse de s’intéresser à ce problème et voilà pour terminer ce qu’on peut lire dans son livre « Ce manque d’eau fut un véritable casse-tête pendant des années. Les Jujolsiens d’aujourd’hui 2008 sont des enfants gâtés. Ils ne se figurent pas la peine que nous avons eue pour avoir l’eau sous pression en abondance dans tous les jardins et les champs cultivés, à toute heure, jour et nuit, sans rôle ». J’en parlerai au fur et à mesure. Mais que l’on sache que ce fut la construction de la retenue collinaire en 1991 qui nous mit à l’abri de la pénurie. Sans cette eau, Jujols serait comme il fut pendant des siècles : un village quasi désertique. Que ceux qui veulent savoir ouvrent les cahiers de délibération d’antan de 1860 à 1900 et ils verront régulièrement les problèmes d’eau resurgir…. » (L'essentiel de cet historique a été extrait du livre d'Yvon Robert, ancien maire de Jujols).

 

(****) Les légendes du lac de Nohèdes et du lac d’ Evol : Beaucoup de légendes sont liées aux étangs dits de Nohèdes, en particulier le Gorg Negre ou lac d’Évol. Par exemple, le seul fait d'y jeter une pierre pouvait suffire à provoquer une épouvantable tempête ; ou encore, les truites qu'on y pêchait sautaient de la poêle quand on les faisait cuire et repartaient par la cheminée. L'une des plus jolies légendes concerne la création des trois étangs. Dieu, après avoir créé le monde, cherchait en bon perfectionniste à améliorer son oeuvre. Il passa un jour par Évol, et rencontra dans la montagne d'horribles sorcières. Il leur demanda malgré tout ce qu'elles désiraient pour embellir leur séjour, et elles souhaitèrent avoir un étang. Dieu s'exécuta, mais il le fit sombre, ténébreux, à l'image de leur âme. Ce fut le Gorg Negre. Cependant, non loin de là, à Nohèdes, vivaient des fées aimables et gracieuses que Dieu voulut récompenser : il déroba un morceau de l'étang qu'il venait de créer et le répandit sur le territoire des fées, tout en y ajoutant une poignée d'étoiles qu'il décrocha du ciel. Ce fut évidemment le Gorg Estelat. Il s'aperçut alors que, pendant ses travaux, il avait laissé tomber une petite flaque d'eau au creux d'un rocher. Il la trouva jolie, l'agrandit un peu et la colora avec le bleu du ciel. Ce fut le Gorg Blau. Les sorcières, voyant le travail du Créateur, manifestèrent leur jalousie. Mais Dieu, excédé par ces mégères, versa dans leur étang une grande quantité d'encre, et planta tout autour des pins tout noirs, encore plus noirs que la nuit. Le Gorg Negre devint encore plus sombre qu'il ne l'était et le demeura éternellement. (Texte extrait de l’ouvrage de Didier Payré - Mémoires de Nohèdes).

Le seigneur de Paracolls, dont le château s’élevait dans la vallée de la Castellane, partant pour une longue absence, la croisade peut-être, prit la précaution de cacher ses trésors, qui étaient grands, sur une île au milieu du Gorg Negre, dans une grotte fermée par une solide porte de fer. Il en confia la clef à sa nièce qu’il savait courageuse et fidèle. La notoriété de ce trésor avait éveillé bien des convoitises, notamment celle du comte de Cerdanya (la légende ne dit pas le nom de ce comte, ni la date des évènements). Il envoya une troupe en armes, qui se présenta devant le château de Paracolls qui n’était gardé que par quelques hommes. La jeune fille comprit que toute résistance était inutile. Elle fut forcée de révéler le lieu de la cachette et accepta de conduire la troupe jusqu’à la chambre souterraine dont la clef lui avait été confiée. Mais tout en les conduisant, elle priait le ciel et la Vierge de lui donner le moyen de ne pas trahir la confiance que lui avait manifestée son oncle. Les soudards entreprirent de couper des arbres dans la forêt pour en faire des radeaux et s’embarquèrent pour atteindre l’île au trésor. Soudain ils entendirent un bruissement d’ailes et virent un aigle noir dont le vol immense obscurcissait le ciel. Un des soldats lui lança une pierre. Geste malencontreux ! La pierre en tombant à l’eau déclencha une tempête de fin de monde : éclairs, tonnerre, vents et nuages de grêle se déchaînèrent. Les vagues en furie eurent tôt fait d’engloutir le radeau et ses occupants. Le trésor du sire de Paracolls était sauf, et, bien plus précieux, l’honneur de la gente jouvencelle. Morale de l’histoire : ne convoitez pas le bien d’autrui, et, si vous entreprenez un « hold-up », ne vous avisez pas de jeter des pierres n’importe où ! (Extraits du livre Lieux et Légendes du Roussillon et des Pyrénées CatalanesJean Abélanet)

 

 

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