LE REALISME :Qui s’assied au fond d’un puits pour contempler le ciel, le trouvera petit. Han Yu (écrivain chinois).
3eme JOUR MARDI 7 AOÛT 2001 -ETANG DU LANOUX (2220 m) - BOLQUERE (1629m)
Le Lac du Lanoux, un véritable écrin
Sept heures, nous émergeons difficilement de notre tube de toile, le soleil se cache encore derrière le Pic de la Grava. Malgré les difficultés à trouver du bois, je réussis à allumer un feu avec quelques brindilles et des herbes bien sèches. Nous faisons chauffer l'eau pour l'habituel "Cappuccino" du matin accompagné de pains aux chocolats et de brioches. Nous apprécions le silence et la quiétude de l'aube et profitons pleinement des merveilleux panoramas qui nous entourent.
Les crêtes du Portella d'Orlu nous font face. Tout à coup, dans la pénombre, la silhouette d'un isard se détache sur l'arête d'un piton. Un deuxième isard arrive, puis un troisième, puis un quatrième. Au fur et à mesure que le jour pointe, nous avons la chance d'en apercevoir tout un groupe sautant de rochers en rochers. Vite les jumelles ! Ils apparaissent puis disparaissent derrière les cimes que le soleil levant commence à illuminer. Ils réapparaissent un peu plus loin, broutant une herbe certainement rare à cet endroit mais mouillée d'une fraîche rosée. Quel spectacle !
Il est temps de partir pour la plus longue étape de notre voyage. Dany range les sacs et la tente pendant que je m'affaire à la vaisselle au bord d'une minuscule cascade. Un dernier regard pour vérifier si nous n'oublions rien et nous entamons la descente vers le Lanoux. Nous franchissons le petit étang du Lanoset. Quelques photos avec vues sur l'étang, et nous poursuivons notre route. Un panneau nous indique la direction du Portella d'Orlu, mais les traces blanches et rouges, présentes au départ, disparaissent brutalement. Avons-nous perdu le GR10 ? Un anglais qui campe à proximité des marécages nous fait remarquer plusieurs cairns. Est-ce le bon chemin? Pendant que Dany se renseigne auprès d'autres campeurs, je consulte le topo-guide. Pas d'inquiétude, nous sommes dans la bonne direction.
Après ces quelques minutes d'angoisse, nous apercevons la cabane du Rouzet, puis retrouvons le balisage qui s'oriente à l'Est vers une rampe herbeuse au fort dénivelé. La montée est terrible car il fait déjà très chaud et nos sacs ont la fâcheuse tendance à vouloir nous tirer vers le bas. Nous atteignons enfin le Col du Portella de la Grava. Quel soulagement ? De ce col jusqu'à Bolquère, nous savons pertinemment que nous n'aurons plus qu'un terrain plat et des descentes.
Par une pente terreuse très abrupte, nous filons vers l'Etang de l'Estanyol que nous apercevons tout en bas, grand comme un bassin. En sens inverse, quelques randonneurs peinent dans leur progression. A notre arrivée sur le plat, nous faisons une pose pour contempler de magnifiques chevaux de Mérens qui s'ébattent dans l'eau limpide de l'étang. Massifs, avec de grandes et belles crinières, ils semblent nous observer pendant que nous faisons notre toilette. Le temps d'une photo et nous repartons dans la grandiose et interminable vallée de la Grava, véritable paradis pour les vaches et les chevaux.
Il est midi, les pieds échauffés par les multiples descentes, nous décidons de nous arrêter à l'ombre de quelques pins pour déjeuner.
Les Bouillouses sont encore à plus d'une heure de marche. Sur notre mini réchaud, un riz cantonnais en train de cuire sera le bienvenu dans nos estomacs affamés. Une compote et quelques fruits secs viennent terminer ce frugal repas. Les pieds dans la fraîche et revigorante eau de la Grava, je fais la vaisselle pendant que Dany, allongée sur l'herbe tente de trouver un sommeil réparateur. Malheureusement, la route est encore longue et la sieste, il ne peut pas en être question aujourd'hui. Nous repartons et après une heure et demi de marche, nous arrivons au magnifique Lac des Bouillouses bordés de toute part d'une flore explosive où se côtoient pins, sapins, genêts, genévriers, roseaux et bouleaux.
Quel changement ! Après avoir marché deux jours sans rencontrer presque personne, nous sommes obligés, pour avancer, de slalomer entre des centaines de touristes qui déambulent en bordure du lac. Nous arrivons à proximité du barrage et faisons une halte pour tremper nos pieds endoloris dans l'eau fraîche d'une petite plage. Nous hésitons. Devons-nous repartir ou bien nous installer par-là ? Dans notre tente ou bien au refuge des Bonnes Hores ? La promiscuité de cette foule grouillante nous incite à partir. Nous traversons le barrage puis descendons sur quelques centaines de mètres la D.60.
Le GR10 oblique à droite, puis à travers des près et des bois, nous rejoignons le sentier qui longe l'étang de la Pradella. Nous croisons de gros chevaux et quelques poulains qui gambadent à travers cette généreuse végétation. Devons-nous camper par-là ? A cet endroit encore, l'abondance de touristes représente trop la société que nous voulions quitter en choisissant de faire cette randonnée. Une fois de plus, nous hésitons. Devons-nous prendre le télésiège tout proche qui va vers Font-Romeu ? Selon les renseignements recueillis, Bolquère est malgré tout à deux heures et demi de marche. Il est seize heures trente, le temps d'une pause café et notre décision est prise. Nous irons à Bolquère.
A la fin d'un interminable sentier forestier, tout en descente, nous rejoignons la D.10. Il est 19 heures, voilà onze heures que nous avons démarré du Lanoux. Par quelques raccourcis, nous entrons éreintés dans Bolquère pour nous diriger vers les deux auberges du village. Il est 20 heures, et il n'y a plus aucune chambre de disponible. Dany demande à un paysan si nous pouvons dresser notre tente dans son champ. Il lui répond d'une manière assez bourrue et elle essuie un refus. Un homme occupé dans son jardin potager nous conseille de sortir du village où dit-il, nous n'aurons aucune peine à trouver un pré où nous installer.
Campement au dessus du Lanoux, au loin le CarlitArrivée au Col du Portella de la Grava
Nous sortons par la route goudronnée. Dans un virage, un chemin de terre semble se faufiler à travers champs. Nous l'empruntons. Il s'agit du sentier qui suit le parcours du "Petit Train Jaune" que nous ne tardons pas à apercevoir, une cinquantaine de mètres en contrebas. Nous remarquons un champ qui vient d'être fraîchement fauché. Quelques haies et trois meules de foin. Voilà l'endroit idéal où nous abriter ! Il était temps de nous arrêter. Nos pieds sont chauds et meurtris par tant d'heures de marche.
Les bretelles de nos sacs entament nos épaules. La tente est rapidement dressée. La nuit tombe et il n'est plus question de sortir le réchaud. Nous avalons hâtivement une salade de thon en conserves et une compote.
Le temps de regarder un dernier "Petit Train Jaune" redescendre à vide et nous sommes déjà blottis dans nos sacs de couchage. La journée a été terrible, douze heures sur les chemins ! Mais, nous n'y pensons déjà plus. Seules les images des magnifiques sites traversés demeurent dans nos têtes. Courbaturés, mais heureux c'est ainsi que nous nous endormons. Comme le dit une célèbre expression "demain sera un autre jour !".
Au dessus du petit lac d'Estanyol
Chevaux sauvages au lac d'Estanyol
La Vallée de la Grava, paradis des chevaux
Déjeuner au bord de la Grava
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Parce que je n’ai pas été l’initiateur de cette « Boucle aux Etangs du Carlit » réalisée le 25 août 2019, je l’avais complètement oubliée dans ma chronologie. Pourtant, ce jour-là, j’avais fait en sorte de prendre les photos indispensables au reportage habituel de mon blog. Ce n’est donc que partie remise et voilà ci-après le récit de cette merveilleuse journée en famille. C’est Carole ma fille, presque sur un coup de tête, qui nous a invité à cette sortie capciroise. Alors bien sûr, il nous « faut tomber du lit », se préparer dare-dare afin d’être prêts pour démarrer tous ensemble vers ces merveilleuses Pyrénées qui nous attendent et que nous aimons tant. Tout ce passe comme prévu, mais malgré ça, il est déjà 11h quand on gare nos voitures sur le parking du Pla de Barrès. Là, à la belle saison, commence la route réglementée menant au site classé des Bouillouses. Le parking étant déjà bien plein, on s’inquiète un peu. Pourtant tout paraît bien rodé et en moins de 10 mn, nous voilà déjà dans la navette, un bus très confortable ; alors que la route ne l’est pas du tout ; direction le fameux barrage alimentée par la Têt depuis 1910. Une demi-heure plus tard, et bien que beaucoup chahutés à cause des nombreux virages, nous débarquons entiers et en bonne forme. Aussitôt, voilà notre petite équipe déjà à pied d’œuvre, filant en direction de l’hôtel-restaurant Les Bones Hores, car c’est là que commence l’itinéraire menant à nos futurs objectifs. Ici, et bien que de très nombreux souvenirs, plus ou moins récents, resurgissent en moi, je ne peux guère m’éterniser. Pourtant, et en essayant de me les remémorer, les 3 principaux reviennent chronologiquement presque naturellement. Il y a août 2001 où Dany et moi n’avions fait que passer lors d’une étape mémorable sur le G.R.10 entre Mérens-les-Vals et Mantet. Mémorable car ce périple avait duré 8 jours, mais surtout parce que cette étape entre le lac du Lanoux et Bolquère, bien trop longue, avait mis à vif les pieds de Dany. C’est d’ailleurs à cause de ça, que nous avions terminé à Mantet plutôt qu’à Prades comme initialement prévu. Puis en juin 2005, déjà ma fille et mon gendre JC avaient décrété de nous faire gravir le Carlit. Ce jour-là, si j’avais réussi l’ascension sans trop de problèmes, la descente sans doute trop rapide avait engendré dans mon crâne de terribles maux de tête. Alors je m’en souviens aussi parfaitement. Les étangs vers lesquels nous partons aujourd’hui, depuis le sommet du Carlit, je les avais décrit comme « une constellation de lacs dans une galaxie granitique ». Aujourd’hui, je tire néanmoins un constat : j’ai vieilli de 14 ans, depuis ma fille et mon gendre ont eu deux beaux enfants, et de ce fait et par bonheur, j’ai deux adorables petits-enfants de 11 et 9 ans qui m’accompagnent et marchent bien mieux que moi. Enfin, en septembre 2013, les Bones Hores nous avaient accueilli pour notre dernière soirée sur un incroyable Tour du Capcir(à paraître) réalisé en 4 jours avec mon fils Jérôme et un couple d’amis. Alors même si je ne m’arrête pas devant l’hôtel, je ne peux m’empêcher de l’immortaliser, car tout comme le barrage, cet hôtel est la représentation matérielle de tout ce passé à la fois si lointain mais encore si frais dans ma mémoire. Les seuls arrêts, je les consacre presque exclusivement à photographier les décors car si la faune et la flore sont un peu présentes, le rythme de marche qui m’est imposé par tous ces jeunes n’est pas celui que je pratique habituellement. Alors que nous en sommes à regarder des panonceaux, mon gendre m’indique qu’il a fait le choix d’une variante plus courte que celle des 9 ou 12 étangs. « Ça me conviendra très bien » lui dis-je en regardant le panonceau indiquant 2h30 pour les 9. D’emblée, comme l’itinéraire ne fait que monter, je me contente de suivre ce petit groupe de jeunes en essayant de ne pas me laisser distancer. J’y parviens mais aux prix d’efforts peu habituels pour moi. D’ailleurs, de temps à autres, j’éprouve la nécessité de quelques arrêts pour souffler un peu. Je ne suis pas le seul. Dany, elle, est dans une forme quasi-similaire à la mienne, mais nous avançons correctement et c’est bien là l’essentiel. Rien ne presse après tout car la balade est courte et puis il faut aussi penser aux enfants, peu habitués à marcher en altitude. Par bonheur, car la faim me tenaille, le premier estany, celui del Viver (ou Vivès), est décrété comme étant le lieu idéal d’un pique-nique. Tout le monde adhère à cette lumineuse proposition. Ici, je peux enfin me livrer à ma passion pour la photo naturaliste. Oh, ce n’est pas un zoo mais les quelques colverts et les dizaines de libellules noires qui occupent le rivage suffisent à mon bonheur. Prendre des couples de libellules qui ont décidé de s’unir n’est jamais facile. J’y passe du temps. Quand aux colverts, ils paraissent tous identiques et leurs plumages plutôt ternes pourraient laisser croire qu’il ne s’agit que de femelles. En réalité, quand on les observe plus précisément, on peut noter quelques modestes différences. Ils ont revêtu leur plumage d’éclipse, celui qui suit la période nuptiale, avec comme principale conséquence celle des mâles qui « perdent la tête » et leur merveilleuse couleur verte irisée. De plus, la quasi-absence de miroir alaire car invisible dans leur façon placide de barboter rend impossible la moindre évaluation de leur âge. De ce fait, il y a-t-il quelques jeunes canards parmi eux ? Difficile à dire ! Voilà à quoi je pense et m’occupe en dévorant mes sandwichs. Le pique-nique terminé, nous repartons. Le balisage est bon et la qualité du sentier très variable mais dans cette partie-là, les petits lacs s’enchaînent assez rapidement : étang Noir, étang de la Coumasse et étang Sec. Malgré le rythme imposé, je continue à être aux aguets et si quelques oiseaux et papillons sont bien présents, dans l’immédiat, je n’immortalise que ces derniers, toujours les mêmes apparemment et de la famille des « Moirés ». Par bonheur, une centaine de mètres plus loin, un très beau Bec-croisé des sapins vient se poser au sommet d’un pin à crochets. Malgré qu’il soit un peu loin, je parviens néanmoins à le photographier car il est occupé à son déjeuner, consistant à picorer les aiguilles les plus jeunes. Il s’agit d’un mâle avec son beau plumage rouge. Après l’étang Sec, une longue ligne quasiment droite file vers l’étang de Bailleul. Selon mon bout de carte IGN, il faudrait monter le talus puis traverser le plateau pour aller voir les étangs Llat et Llong mais apparemment personne n’y semble décidé. Pourtant, ils ne me paraissent pas très loin. 300 ou 400 m tout au plus. Si j’étais seul, pas de doute, j’irais les voir mais aujourd’hui je suis le mouvement et ce d’autant que c’est moi qui ferme constamment la marche. Je ne parviens qu’à rattraper les autres car ma petite-fille Eulalie semble être tombée sous le charme des cairns qui jalonnent le sentier. A chacun des gros cairns, elle ajoute des pierres aux édifices et quand ils sont tout petits, elle prend un malin plaisir à les redresser presque intégralement. Je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est peut-être ainsi qu’on attrape le virus de la randonnée pédestre. L’arrivée à l’étang de Bailleul est l’occasion d’une nouvelle pause où le petit torrent déversoir offre à tous la possibilité d’un bain de pied « fraîchement » réconfortant. Moi, comme j’ai aperçu deux bergeronnettes grises courant sur la berge, je pars pour tenter de les photographier. J’y parviens à force de patience et parce que j’accepte de faire la moitié du tour de l’étang mais j’avoue que quelques fleurs communes à ce milieu humide sont plus faciles à immortaliser. Nous profitons aussi de cet arrêt pour finir nos casse-croûtes respectifs. C’est à cet instant que j’aperçois un couple, qui droit devant moi, est entrain de gravir les gros pierriers. Je les observe. Mais où vont-ils au juste ? Finalement, en regardant mon bout de carte, je comprends qu’ils ont choisi la ligne la plus droite pour rejoindre les autres étangs qui sont plus hauts : Castellà, d’En Gombau, Trebens et Sobirans. Nous repartons. L’étang de Bailleul étant amplement recouvert de très longues plantes aquatiques, j’en suis à me demander si cette prolifération n’est pas le début d’une inéluctable eutrophisation ? Tout au cours du chemin, j’ai déjà remarqué pas mal de petites cuvettes complètement asséchées et je suis à peu près certain qu’il fut un temps où elles devaient héberger d’autres étangs aussi remplis que ceux que nous visitons. Jusqu’à l’étang de Les Dougnes, puis encore bien après, rien de notable, or mis une « grosse gamelle » sans gravité dans une descente menant à une petite passerelle. Ça fait rire les enfants Robin et Eulalie de me voir les « quatre fers en l’air », mais les adultes un peu moins. Ils s’inquiètent immédiatement de mon sort. J’ai glissé sur une roche et suis tombé sur le dos mais par bonheur mon sac a totalement amorti le choc. Je n’ai absolument rien. Je repars en me souvenant qu’après de très nombreuses chutes à répétition dont une plutôt grave, je ne suis plus tombé depuis une randonnée « très spéciale car orientée » qui m’avait mené au « conjurador de Serralongue » en février 2017. J’avais appelé cette randonnée qui m’avait été vivement conseillé par un inconnu rencontré à Urbanya « Les chemins ruraux de Serralongue depuis le Tech ». La magie de la conjuration avait bien fonctionné jusqu’à présent mais aujourd’hui une toute petite pierre granitique qui a glissé son mon pied droit est venu contrarier cet ordre qui semblait pourtant bien établi. Il faut dire que je l’ai un peu cherché car au lieu de suivre le sentier le plus fréquenté comme le faisait tout le monde, j’ai fait le choix de marcher au plus près du ruisseau qui lui est parallèle. Le ruisseau de la Bouque de Capcir il s’appelle et il fait le lien entre l’étang de Les Dougnes et celui del Viver. Par la force des choses, les pierres y sont plus humides mais moi je voulais voir si j’y apercevais des grenouilles dont je sais qu’elles sont présentes régulièrement. Alors ces grenouilles que je n’ai pas vu, m’ont-elles jetées un mauvais sort ? Je n’y crois pas une seconde même si je sais que depuis l’Antiquité, les grenouilles et les amphibiens en général sont considérés comme des êtres maléfiques. Au Moyen-Âge, le crapaud et surtout sa bave sont très souvent le composant préféré des potions magiques des sorcières. Les grenouilles, salamandres et autres tritons sont des animaux diaboliques. Mais le Moyen-Âge est loin et si l’Histoire, celles des sorcières notamment et les légendes m’intéressent, je garde les pieds sur terre. Enfin, pas toujours ! Et surtout quand les semelles sont détrempés ! D’ailleurs, la chance me sourit enfin avec une mésange huppée qui vient très gentiment se laisser photographier en se posant au sol à quelques mètres de moi. A hauteur de la passerelle en bois puis juste après, le cas d’étangs ayant subi une ancienne eutrophisation semble se confirmer avec deux ou trois zones amplement envahies presque uniquement par des tourbières. Elles doivent sans doute se remplir que dans le cas de très puissantes précipitations pluvieuses. Les étonnantes Linaigrettes et les jolies Parnassies des marais s’y complaisent. Apparemment, les Populages des marais et les Séneçons des Pyrénées semblent préférer le bord des ruisseaux. Finalement, après la traversée d’un petit bois de pins à crochets et une nouvelle descente un peu scabreuse, nous retrouvons l’étang del Viver et ses colverts. Pas d’arrêt cette fois et juste le temps de quelques photos des volatiles simplement pour le plaisir. Comme c’est le dernier étang, par la force des choses, la suite et la fin de la boucle deviennent plus monotones. Pour moi, seul un lézard des murailles qui est écrasé comme une crêpe contre un rocher vient compléter mon court bestiaire photographique. J’en suis donc à chercher quelques fleurs oubliées à l'aller pour terminer en beauté. Comme il n’y a plus que des descentes et que les Bouillouses ne sont plus très loin, tous les randonneurs ; et ils sont nombreux à cette heure-ci ; semblent accélérer le pas. Parmi eux, un vieil homme, avec lequel j’entame une cordiale conversation, marche beaucoup plus lentement que tous les autres. Et pour cause ! Il a 84 ans et vient de gravir dans la journée le Carlit et ses 2.921,66 m avec son fils et son petit-fils. « Chapeau bas ! » lui dis-je en apprenant cela puis voyant qu’il finit quand même bien fatigué et le pas un peu incertain car hésitant, je rajoute tant bien que mal un proverbe qui me vient à l’esprit : « Ne vous pressez pas ! La lenteur arrive toujours au but alors que la précipitation s’empêtre souvent en chemin », avant très paradoxalement d’accélérer mes propres foulées pour rattraper le retard que j’ai pris sur ma petite famille. Il est 16 h tapantes quand nous arrivons aux Bones Hores. Estimant que nous le méritons bien, je propose que l’on prenne une boisson fraîche sur la terrasse de l’hôtel. A la fois histoire de se dessécher le gosier mais aussi de garder un souvenir mémorable de cette magnifique journée. J’ai gardé tous les autres en tête alors pourquoi pas celui-ci avec ma fille et mes deux amours de petits-enfants ? Malgré la foule qui se détend autour des nombreuses tables, il règne ici comme un immense flegme, une espèce de placidité ambiante. Un peu comme si les gens voulaient garder de leur journée ici, dans cette belle du Capcir, dans ce site exceptionnel des Bouillouses et du Carlit, une grande quiétude. Même les serveurs ne semblent jamais pressés. Pourtant quand je les observe, je m’aperçois qu’ils n’arrêtent jamais, se démenant en tous sens mais toujours avec une débonnaire jovialité. Ils ne nous restent plus qu’à rejoindre la navette et si ce matin nous avions fait le choix de passer sous la voûte du barrage, cette fois nous passons dessus. Force est de reconnaître que c’est bien plus beau. C’est donc avec de multiples coups d’œil et photos sur le superbe lac que nous finissons cette balade en famille. Le temps de quelques minutes passées à observer deux pêcheurs lançant leur cuillère à la limite du canal déversoir puis très vite les rares maisons des Bouillouses sont là. Deux navettes sont déjà présentes et c’est avec une belle discipline que tout le monde se plie à leur remplissage respectif en fonction de l’ordre des arrivées. Ainsi se termine cette très belle journée en famille. Oui, il avait raison Jean Ferrat « que la montagne est belle ! ». Telle que racontée ici, cette randonnée a été longue de 9 km pour des montées cumulées de 380 m. Le dénivelé est de 247 m entre le point le plus bas au départ des Bouillouses (1.992 m) et le plus haut sur le petit plateau de l’étang des Dougnes (2.239 m) Carte IGN 2249 ET Font-Romeu - Capcir Top 25.
Etang ou estany del Viver: Situé à une altitude de 2.139 m pour une superficie de 3 ha et une profondeur de 10 m, c’est le tout premier que l’on découvre sur cette boucle des étangs du Carlit. On le trouve parfois sous la dénomination de Le Vivé ou del Vivé. La toponymie de ces mots est très simple car bien évidemment elle est à rapprocher du verbe français « vivre » qui a pour origine le latin « vivere ». Il serait bien trop long d’énumérer ici tous les mots, noms propres ou de familles qui en sont issus mais en voici quelques uns parmi les plus communs : Vivant, vivier, vivacité, vivoter, Vivès, Vivet, Vivien, Vivern, Vivo, Viviani, etc….Alors reste à savoir pourquoi l’étang porte-t-il ce nom ? On ne peut que faire des suppositions entre le fait qu’il aurait été un vivier à poissons pour les pêcheurs ou bien qu’il aurait été l’étang le plus vivant car son ruisseau est le plus proche de celui des Bouillouses par exemple. On peut je pense éliminer le nom d’une personne.
Etang Noir ou Estany Negre : Situé à une altitude de 2.140 m pour une superficie de 4,5 ha et une profondeur de 7 m, sa toponymie est tout simplement due à la couleur de ses eaux engendrée ici par une sombre forêt de sapins qui l’entoure et s’y reflète. Il faut noter que dans les Pyrénées, il y a d’autres lacs ou étangs portant ce même nom de « Negre » et notamment un autre tout proche des Bouillouses au lieu-dit Les Esquits. Pour le différencier du nôtre, ce dernier est parfois appelé Etang Noir d’en Bas. A ne pas confondre donc.
Etang de la Coumasse : Situé à une altitude de 2.160 m pour une superficie de 4 ha et une profondeur de 10 m, sa toponymie d’estany « de la Comassa » signifierait « étang de la grande combe » (Source Wikipédia). On peut faire confiance à cette définition puisque le mot catalan « coma » signifie « combe » et que le suffixe « asse » à souvent une valeur augmentative. Dans la toponymie pyrénéenne, le mot ou nom propre « coume » qui signifie également « combe » est très présent.
Etang Sec ou estany Sec :Situé à une altitude de 2.140 m pour une superficie de 2 ha et une profondeur de 7 m, sa toponymie aurait pour origine un îlot rocheux d’une vingtaine de mètres carrés (Source Wikipédia). Toutefois, sa faible profondeur peut également laisser imaginer qu’il aurait connu, sinon une période de totale sécheresse, tout du moins un très bas niveau de ses eaux. Ce constat se vérifie par la couleur vert pâle de ses eaux que n’ont pas les autres étangs et que l’on peut aisément observer sur une vue aérienne (Géoportail).
Estany Llat :Situé à une altitude de 2.174 m pour une superficie de 10 ha et une profondeur de 14 m, ce lac constituait à la fin du 19eme siècle le centre d’un domaine piscicole affermé par les frères Aymar, pêcheurs professionnels (source Wikipédia). Sur les cartes IGN, une cabane portant ce nom est le témoignage encore présent de ce passé révolu. D’autres vestiges comme des sillons creusés pour déplacer les truites ou les saumons de fontaine sont encore visibles. Le mot catalan « Llat » signifie « large » et serait une contraction « cerdane » de « llarg » (large) et du mot « plat ». L’estany Llat serait donc large et plat, ce qu’il est en réalité si l’on en juge par l’écart de seulement 1 m entre ses altitudes nord/sud les plus opposées et sur une distance de plus de 300 m.
Estany Llong :Situé à une altitude de 2.184 m pour une superficie de 5 ha, son nom de « long » a pour origine ses mensurations : 500 m de long et 170 m de large. Avec un îlot rocheux en son centre et la couleur olivâtre mais plutôt claire de ses eaux, sa profondeur non mentionnée est probablement une des plus faibles de tous les lacs supérieurs des Bouillouses. Une photo aérienne sur Géoportail témoigne de ce constat et il paraît même coupé en deux par une végétation aquatique envahissante. Début d’une eutrophisation ? Je n’ai rien trouvé à ce propos.
Etang de Bailleul ou estany de Vallell :Situé à une altitude de 2.230 m pour une superficie de 1,5 ha, il est le plus petit des lacs visités lors de la réalisation de la boucle accomplie. Un peu comme l’étang Llong sa profondeur non mentionnée est probablement très faible. Envahi par de longues plantes aquatiques de surface, sa profondeur ne doit pas excéder 2 à 3 m. Encaissé entre deux crêtes rocheuses, sa toponymie de « Vallell » en catalan ou de « Bailleul » en français a forcément pour origine les mots « vallée » ou « vallon ».
Etang des Dougnes ou Estany de Les Dugues : Situé à une altitude de 2.243 m pour une superficie de 3,8 ha et une profondeur de 5 m, cet étang à la particularité de posséder deux déversoirs s’écoulant simultanément vers les bassins de l’Ebre et de la Têt. Cette particularité, il la doit à deux petits ruisseaux. Un premier qui a pour nom « Ruisseau de la Bouque (ou Boca) de Capcir » s’écoulant vers l’étang del Viver qui lui-même se déverse ensuite dans le lac des Bouillouses et donc dans la Têt et un second qui finit par prendre le nom de « Rec de l’Estany » mais seulement après s’être déversé successivement dans les étangs de Bailleul, Llong, Llat et Basses d’en Gombau. Au fil de son cheminement et de multiples ruisseaux affluents, le Rec de l’Estany change de dénominations mais leurs eaux communes finissent leur course dans la rivière d’Angoustrine, elle-même affluent du Sègre et donc sous affluent de l’Ebre, plus long fleuve exclusivement espagnol avec une longueur de 928 km. Selon le toponymiste Robert Aymard, le mot « dugues » ou « dougnes » en français ou « dourgues » en occitan signifierait « trou d’eau ». De très nombreux noms propres commençant ou contenant la racine « dou », ont un rapport avec l’eau (Les noms de lieux en France. Glossaire de termes dialectaux). C’est ainsi qu’en vieux breton le mot « dour » signifie « eau ». En occitan le mot « douts » ou « dotz » signifie « source ». Idem dans la toponymie gasconne où les mots « Doux », « Douch » ou « doutz » sont également une « source ». Et l’on pourrait allègrement rallonger ces exemples.
Le lac des Bouillouses :(encatalan, Estany de la Bullosa ou de la Bollosa ) est un lac artificiel d'une superficie de 149 ha des Pyrénées, en Haut-Conflent, dans les Pyrénées-Orientales. Le mot catalan « bollosa » est probablement l'adjectif fabriqué « bullosa » dérivant de « bulli » et qui signifie « qui fait des bulles ». En effet, le lac des Bouillouses occupe la partie marécageuse appelée la Grande Bouillouse ou la Bouillouse sur certaines cartes anciennes. La Petite Bouillouse existe toujours, sur la Têt, à 200 m en aval du barrage, appelée « Bolloseta » sur les cartes IGN dans l'édition 2010. En 1896, Emmanuel Brousse mentionne la Bouillouse et la Bouillousette, et appelle les Bouillouses l'ensemble de ces deux lieux. Il ajoute que « la Bouillousette et surtout la Bouillouse sont d'immenses réservoirs naturels dans lesquels il serait facile de retenir les eaux ». (Extraits du site Wikipédia). Pour en savoir plus, rendez-vous directement vers l’encyclopédie libre en cliquant ici. Le toponymiste pyrénéen Robert Aymard dans son livre « Toponymes Pyrénéens » y voit clairement un rapport avec le mot latin « bulla » signifiant « bulle », le mot béarnais « boulhou » signifiant « bouillon » et le français « bouillonnant ».
Avec ses 2921 m, le Carlit est le plus haut mont des P.O mais pas le plus fréquenté, car les Catalans lui préfèrent le mythique Canigou. Mais il est sans hésiter le pic du département où les panoramas sont les plus insolites. De bas en haut, de droite à gauche, le chemin est une constellation de lacs dans une galaxie granitique. Le premier, le plus grand, est celui des Bouillouses (2000 m), enjambez-le pour trouver la sente qui part près des Bones Hores. Les traces jaunes qui signalent le "puig" sont faciles à trouver. En plus, partez sans crainte, à partir du printemps et selon l'enneigement, il y a peu de chance que vous soyez seul à grimper! Le sentier file au nord puis monte vite vers l'ouest en se faufilant dans un vallon. Il zigzague au milieu des "estanys" Nègre, del Viver, Sec, de la Commassa. A 2200 m, vous atteignez un dôme et le Carlit se dévoile enfin, pas vraiment impressionnant d'ici. Par un petit pont, vous coupez un ru qui fait le lien entre les étangs de las Dugues et de Vallell au nord et Llong et Llat au sud. La sente est plus raide et contourne par la droite un piton rocheux. Vous atteignez un collet, d'autres lacs, et enfin un replat où vous pouvez souffler. A l'ombre du Tossal Colomer (2673 m), la rampe jonchée d'éboulis s'accentue encore. A 2598m, près d'un torrent, vous prenez conscience du chemin parcouru, de la beauté des paysages mais aussi du raidillon à escalader pour vaincre l'objectif. Ménagez vos efforts, grimpez en douceur, marquez bien vos appuis, tentez d'analyser les dangers potentiels (chutes de pierres, névés, etc...) cette dernière portion est plus technique mais ne nécessite pas un savoir-faire spécial. Soyez néanmoins prudents, j'ai vu des marcheurs chevronnés redescendrent sanguinolents! Bien sûr, il faut parfois vous aider autant de vos mains que de vos pieds mais le bonheur d'un spectacle grandiose est là tout près. Arrêts inclus, prévoyez la journée. Carte IGN 2249ET Font-Romeu Capcir Top 25.