Ma sœur Nicole étant venue nous voir à Urbanya où nous étions toujours en villégiature, en ce 9 août 2023, nous avions décidé d’aller déjeuner à pied au restaurant Cal Guillem de Nohèdes. Une balade que j’ai voulu intituler « La Boucle "Il était une fois" d’Urbanya à Nohèdes ». Lisez la suite et la fin et vous comprendrez pourquoi. Après la courte randonnée de la veille à Escaro(Le Circuit découverte Escaro-Aytua), nous étions de nouveau partant pour accomplir environ 8 à 9 km, peut-être plus selon les formes physiques. Avec Dany, cette agréable balade, nous commencions à bien la connaître et nous avions envie d’en faire profiter Nicole. Nous la connaissions d’autant mieux que j’avais déjà eu l’occasion de vous la présenter sur mon blog sous diverses versions et intitulées « Le Circuit des Maisons » ou encore « La Boucle Minutes-Papillons ». Par précaution, ce matin-là, j’avais téléphoné au restaurant pour m’assurer qu’il était bien ouvert et pour réserver nos 3 places. Il est 9h45 quand nous quittons la maison, direction la piste DFCI C60 démarrant sous l’église d’Urbanya. La flânerie est de mise car j’ai calculé que même en musardant beaucoup, nous devrions être à Nohèdes à l’heure indiquée à notre hôte, c’est-à-dire vers 12h. Comme à mon habitude, je peux donc me livrer à ma passion pour la photo naturaliste sans la crainte d’ennuyer mes acolytes de marche. Fleurs en grand nombre, papillons, criquets et passereaux viendront compléter le reportage de cette boucle champêtre et montagnarde. Si je connais parfaitement le tracé passant par La Devesa, le vallon de la Coma, et le col de Marsac, je ne m’attendais pas à trouver, au lieu-dit Les Llebreres, une forêt totalement dévastée. Que s’est-il passé ? Je ne verrais l’étendue du désastre que le lendemain en retournant dans la montagne. Cette forêt de La Matte si belle, si diversifiée en essences et si épaisse et que j’aimais tant pour l’avoir arpenter un nombre incalculable de fois, a été totalement saccagée sous la forme de grandes cicatrices. En terme forestier, on appelle ça des layons. Des plus grands arbres au plus vieux et des moyens jusqu’aux plus jeunes, aucun n’a réchappé à cette machine de bucheronnage dévastatrice que l’on appelle « une abatteuse/ébrancheuse de déforestation ». Elle coupe tout, puis avec de grandes pinces, elle amène le tronc dans une mâchoire à ébrancher. Après ce travail, le grume ressort taillé tel un simple crayon d’écolier. Il ne reste plus qu’à aligner les troncs ainsi écimés et ébranchés sous forme d’empilements dans l’attente de leur transport vers des scieries. J’ai ouï dire que c’était l’ONF qui avait orchestré ce massacre forestier. Pourquoi ? N’y entendant rien en exploitation forestière, je ne sais pas répondre à cette question sauf que je sais que la Nature ; faune et flore sans exception ; a forcément souffert de ce cataclysme écologique. Toujours est-il qu’aujourd’hui, le sentier balisé en jaune que je connaissais si bien a complétement disparu et a été remplacé par un large layon où plus aucun végétal n’a survécu. Ce layon est d’ailleurs amplement encombré de branchages de toutes sortes mais aussi de gros morceaux d’écorces ainsi que d’un fatras de buissons secs de toutes sortes car rien n’a échappé à cet engin de mise à mort de la forêt. Dans ce malheur, je garde un espoir : que ce layon qui s’élève dans la colline puisse nous amener au col de Marsac, puis de là jusqu’à Nohèdes. Par bonheur, il va en être ainsi et il est 12h quand nous nous présentons au restaurant Cal Guillem. Comme à chaque fois, nous sommes accueillis sans chichi mais avec une prévenance bien sympathique. Et cette année, pour nous faire plaisir, nous avons eu droit à un remarquable tournedos de magret puis comme dessert soit à des profiteroles « maison » soit à un café gourmand. De quoi reprendre le chemin vers Urbanya le ventre pas vraiment tendu mais pas vide non plus. Un juste milieu que nous apprécierons d’autant mieux qu’un bon dénivelé nous attend sous un cagnard de plomb. Ce dénivelé, par les hauts de Nohèdes, nous amène vers le col et le pic de la Serra à 1.221m d’altitude soit presque 300m plus haut que le village. Là, au col de la Serra, nous prendrons ensuite l’ancien tracé du Tour du Coronat ; si cher à mes souvenirs; avec néanmoins une variante consistant à raccourcir le parcours prévu initialement. Eh oui que voulez-vous ? Après 2 jours de marche et un bon resto, n’était-il pas normal « d’en avoir un peu plein les pattes » au point de vouloir raccourcir ce parcours ? Ainsi se termina cette boucle que j’ai intitulée « Il était une fois d’Urbanya à Nohèdes ». Et vous savez pourquoi ? Parce quelques mois plus tard, en décembre 2023 exactement, nous avons vendu notre maison d’Urbanya que nous avions tant aimée. Pendant 10 années, nous l’avions restaurée avec amour et nous en avions amplement profité mais tout devenait trop compliqué. L’ambiance au village avait quelque peu changé, nous nous sentions quelque peu esseulés. Depuis le décès de son amie, notre gentille voisine Alix venait moins souvent. Idem pour nos amis anglais Julie et Jamal depuis le Brexit et quelques problèmes familiaux. Idem pour les West, nos autres amis anglais. Avec la sécheresse, les débroussaillages et les élagages étaient devenus plus récurrents. La grande tranquillité et le silence que nous étions venus chercher ici et que nous avions tant apprécié les premières années avaient quelque peu disparus sous le bruit des moteurs des tronçonneuses et autres débroussailleuses. Plus possible de tenir un jardin potager car il ne pleuvait pas suffisamment et l’eau dans la commune était devenue une denrée rare à n’utiliser qu’avec parcimonie. Sans compter les sangliers, les chevreuils et quelques minuscules coléoptères qui très souvent attendaient de se régaler des premières pousses de nos salades, pommes de terre ou haricots verts. Tout cela devenait décourageant. Les oiseaux que j’aimais tant photographier passaient de moins en moins, et en tous cas ils se raréfiaient grandement années après années. Même nos nichoirs restaient sans plus aucun volatile alors qu'ils avaient toujours été bien occupés par les mésanges, moineaux et autres rougequeues noirs. En 2021, nous avions eu droit à un loir dans un nichoir et à plusieurs renards affamés mais dociles venant manger les croquettes de nos chats. Un jour, un d'entre eux s'était endormi à même mon potager. Toute cette merveilleuse Nature qui avait constamment tenu tous nos sens en éveil semblait avoir disparu en cette année 2023. La forêt de La Matte où j’allais me promener presque quotidiennement avait été amplement décimée au cours de l'été. Relation de cause à effet ? Je l'ai pensé ! Et puis surtout, nous prenions de la bouteille pour entretenir 2 maisons. Oui, nous avons mûrement réfléchi cette décision. Cela veut-il dire que n’irons plus jamais randonner à Urbanya ? Difficile à dire. Alors imitons Napoléon III et disons « qu’il ne faut jamais dire jamais ! ». Parce que je la connaissais parfaitement, je n’ai pris ni GPS ni mesures lors de ce parcours. Toutefois, étant sensiblement identique à « La Boucle Minutes papillons ou le Circuit des Maisons saison 2 », on peut l’estimer à environ 8,6km. Seules différences, le layon rectiligne arraché à la forêt gravi avant le col de Marsac (au lieu de l’ancien sentier balisé en jaune non retrouvé) et aussi un peu moins d’errements dans Nohèdes. Pour le reste, tout est à peu près identique. Le dénivelé est de 352 m entre le point le plus haut à 1.221 m au-dessus du col de la Serra et le plus bas à 869 m près de l’église d’Urbanya. Carte IGN 2348ET Prades – Saint-Paul-de-Fenouillet Top 25.
Peintures de l'église d'Urbanya figurant dans ma vidéo :
A propos des peintures intérieures de l'église d'Urbanya, voici quelques explications que mon ami Olivier Escuder m'a soumises.
Selon lui, elles concernant les différentes étapes de la Passion :
1 : les dés que les soldats romains ont utilisés pour savoir qui aurait les vêtements du Christ
2 : la lance utilisée pour perforer le flanc du Christ, afin de savoir s'il était mort ou encore vivant
3 : l'éponge imbibée de vinaigre tendue au Christ qui réclamait à boire
4 : probablement la bourse (avec les trente pièces d'argent) donnée à Judas pour le récompenser d'avoir désigné le Christ aux grands prêtres.
5 : l'échelle ayant servi à descendre le corps du Christ
6 : le marteau ayant servi à enfoncer les clous dans le corps du Christ
7 : une tenaille, ayant probablement servi à retirer les clous du corps du Christ.
Autrefois, lorsque les gens ne savaient ni lire ni écrire, ces peintures servaient d'illustration aux prêtres pour faire leur catéchisme.
Ces choses peintes sont aussi très souvent représentées sur les calvaires, surtout en Espagne (donc chez nous, en Pays catalan), et sont appelés les "Instruments de la Passion". On les retrouve sur le site Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Croix_de_la_Passion
Ce diaporama est agrémenté d'une musique du duo irlando-norvégien Secret Garden intitulée "Papillon". Il s'agit d'une version longue (extended)
Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.
Ce circuit pédestre que je vous propose ici, je l’ai intitulé « La Boucle "Minutes Papillons" d'Urbanya à Nohèdes ou le Circuit des Maisons saison 2 ». Ce titre est bien évidemment à rapprocher de l’expression bien connue « minute papillon » (*) dont l’origine est incertaine et donc controversée. Vous noterez que j’ai mis volontairement un « S » à « minute » ainsi qu’à « papillon » car l’objectif premier de cette balade était de photographier un maximum de papillons et j’avais donc la certitude ; avant même de démarrer ; d’être contraint d’y consacrer de très longues minutes. Voilà pour l’explication de la première partie du titre. Ce circuit pédestreest né d'un inconvénient et d'une double motivation, inconvénient et motivations intrinsèques étroitement liées entre elles d'ailleurs. En ce dimanche 31 juillet, Dany étant partie pendant 3 jours au zoo de Beauval avec les petits-enfants, je n'ai pas de voiture pour m'échapper d'Urbanya. Voilà pour l'inconvénient. D'un autre côté, il est hors de question que je reste à la maison les bras croisés à attendre son retour et ce d'autant que la météo est annoncée comme très belle. Alors bien sûr, partir randonner depuis ma maison est ma première motivation. La seconde que j'ai un peu honte à divulguer est que cuisiner n'a jamais été mon fort. Je ne sais pas faire grand-chose devant un fourneau. Derrière non plus d'ailleurs ! Alors comment faire quand on se retrouve seul devant le dilemme d'être dans l'impossibilité de se préparer la moindre salade, le moindre panier-repas, le moindre sandwich et que de surcroît on vit à Urbanya, petit village où il n'y a aucun commerce alimentaire pouvant palier à ce tracas ? Oui, je n’ai pas de pain pour faire un sandwich quand à faire une salade, encore aurait-il fallu que j’y réfléchisse avant ! Oui, comment faire ? Aller au restaurant ? Pourquoi pas après tout ? Mais il y a une triple condition : que la randonnée envisagée m'amène vers un restaurant et que ce dernier soit ouvert et enfin qu'il accepte ma venue. Or ici, quand on est à Urbanya, la seule solution est d'aller au restaurant de Nohèdes et que ce dernier soit ouvert. C'est le plus proche, le seul présent des deux vallées contiguës et l'an dernier j'avais fait de cette excursion au bistrot Cal Guillem un reportage intitulé « le Circuit des Maisons ». Voilà pour l’explication du sous-titre « le Circuit des Maisons saison 2 ». Il est 8h30 du matin quand j'appelle le restaurant Cal Guillem pour réserver. Une homme très gentil me répond en disant qu'il accepte ma réservation mais si j'accepte de manger une pizza exclusivement. Il me précise qu’il ne fera que ça ce midi. J'accepte. Il rajoute que Guillem est parti faire la saison en Corse, qu'il est son père, qu’il se retrouve seul à gérer le resto et qu'il n'est pas certain qu'il pourra continuer ainsi tout l'été. Comprenant aisément les difficultés qu'il m'énumère, j'acquiesce à toutes ses demandes, le rassurant sur mon côté peu exigeant. Je lui précise simplement que je viens à pieds depuis Urbanya et que je serais chez lui entre 12h et 12h30. Il accepte me précisant qu'il attend un petit groupe mais qu'étant tout seul, je ne suis pas un problème. « Arrivez quand vous voulez » me dit-il. Cette latitude très souple m’arrange. Elle m’arrange d’autant plus qu’outre le plaisir de flâner, l’objectif de photographier un maximum de papillons que je me suis fixé peut parfois nécessiter des délais conséquents car aléatoires. Si c’est probablement la meilleure saison, car aux papillons les plus classiques viennent s’ajouter les Satyrinae nettement plus saisonniers et dont les périodes d’apparitions sont souvent très limitées pour certains d’entre eux, les lépidoptères sont des animaux qui bougent et de ce fait, les photographier correctement reste une activité plus qu’hasardeuse. Certes je photographie régulièrement des papillons au cours de mes randonnées mais cet objectif-là d’en photographier le plus possible est tout de même très nouveau. Il va me falloir une concentration plus importante qu’à l’accoutumé et surtout être attentif à des petites choses comme observer certains végétaux même s’ils ne sont pas fleuris. Mais cette idée me rend heureux car elle me permet de marcher autrement qu’avec le seul plaisir d’aller déjeuner au restaurant Cal Guillem. Il est 9h20 quand je quitte la maison non sans avoir au préalable tout prévu pour nos 3 chats : croquettes, eau, litière propre et surtout ouverture de la chatière afin qu’ils soient libres d’aller et venir. Si les 2 chats de ma fille que sont Kiwwie et Sissi dorment encore, mon chat Flip lui a bien compris que j’allais partir. Il vient se frotter dans mes jambes et me regarde me préparer avec des yeux ronds et perçants. Je démarre à peine mais déjà une couleuvre à échelons et un lézard vert me surprennent dans la descente du chemin de Sarrat menant au bas du village. Si la couleuvre file et disparaît rapidement entre les pierres du chemin, le lézard vert est immobile et n'a pas l’air en forme. Je me dis qu’un prédateur ; probablement un chat ; a dû jouer avec lui puis l’a abandonné là à son sort. Il se laisse attraper mais gigote dans main et je me dis qu’il a encore quelques signes de vie plutôt encourageants. Sans doute a-t-il été fortement apeuré préférant faire le mort ? Je l’emmène vers les vieilles ruines se trouvant derrière ma maison en me disant que là il sera plus en sécurité. Je redémarre seulement arrêté par quelques papillons déjà très matinaux et par des passereaux que sont les moineaux, les merles, les rougequeues noirs et les gobe-mouches, tous plutôt communs ici à cette période de l’année. Malgré cette belle présence, je n'arrive pas à les photographier car ce matin ils ne tiennent pas en place. A ces derniers, viennent s’ajouter des passereaux qui se déplacent en groupe depuis quelques jours et que j’ai un mal fou à identifier. En ce moment, je les vois régulièrement autour de ma maison soit sur le figuier ou le buis soit entrain de picorer les abords du chemin car c’est là que toutes sortes de graines se rassemblent et notamment celles des amarantes et des pariétaires apparemment les plus nombreuses. Dans certains coins du chemin, feuilles et graines forment de petits polochons où de nombreux oiseaux granivores viennent se vautrer et se goinfrer. Arrivant à photographier un spécimen près de l’église, je me mets en quête de chercher de quel oiseau il s’agit sur diverses applications de mon smartphone (Seek, Lens, etc….). Le mot « Linotte » revenant régulièrement, je finis par comprendre que ces oiseaux que j’aperçois sont tout simplement des Linottes mélodieuses. Si le plumage des mâles est souvent d’un beau rouge vif en période nuptiale, ici la plupart des oiseaux observés sont soit de juvéniles soit des adultes dans une période où leur plumage est déjà changeant et plutôt terne car grisâtre. On appelle cela le plumage éclipse. Finalement et malgré la satisfaction d’avoir identifié ces passereaux, je prends conscience qu’il faut que j’avance et surtout que je me suis fixé comme objectif de photographier les papillons en priorité. Mais avec mon appareil-photo autour du cou, c’est plus fort que moi, il faut que les clichés naturalistes et paysagers se succèdent. Avancer mais ne rien oublier de la Nature pour mon reportage me paraît toujours aussi important. Dès le départ de la piste DFCI CO60 montant vers le lieu-dit La Devèse, les papillons se font nombreux. Je n’ai aucune difficulté pour figer la plupart des espèces présentes. Comme les papillons sont souvent les mêmes, je me contente de 3 ou 4 clichés, ailes ouvertes ou fermées et arrête de photographier cette espèce-là. Ici, sur ce versant ubac du vallon, la végétation n’a pas encore totalement souffert de la sécheresse et quelques petits buissons encore bien verts me permettent de photographier quelques « géomètres nocturnes ». Au lieu-dit la Devèse, je bascule dans le vallon du Correc de la Coma et là débutent d’autres biotopes à la fois plus verdoyants au début puis plus boisés ensuite. Qui dit d’autres biotopes dit d’autres papillons ou bien pas de papillons du tout. Quand ce dernier cas se présente, notamment dans la sombre pessière, j’en profite pour allonger mes pas. Il me faut atteindre le col de Marsac pour retrouver le nombre de lépidoptères que j’escomptais et notamment des Mélitées et des Satyrinae. Tous ces papillons-là vont être bien présents sur ce sentier en balcon menant vers Nohèdes avec parfois de belles surprises comme un Chevron blanc et une Mélitée des Linaires, papillons plutôt rares par ici. Mais l’attraction de cette partie du parcours reste un magnifique Morio. Depuis 12 ans que je viens à Urbanya, c’est seulement le quatrième que j’aperçois dans ces montagnes, mais surtout le premier que je réussis à photographier très correctement. Quand à 12h15, j’entre dans Nohèdes et bien qu’ignorant le nombre exact de lépidoptères photographiés, je suis déjà bien enchanté de mon recensement. Au restaurant Cal Guillem, étant le premier client, je suis accueilli cordialement par Bernard. Comme de nouveau il évoque le départ de son fils Guillem en Corse pour la saison et qu’il semble un peu inquiet de cette situation qu’il ne pourra sans doute pas assuré tout l’été, je le mets immédiatement à l’aise en lui rappelant que c’est moi qui l’ai appelé ce matin depuis Urbanya pour réserver une table. Je lui confirme que je suis seul et disposé à déjeuner d’une pizza. Il paraît soulagé et m’installe à une table sur la terrasse ombragée. Avec ses lunettes rondes posées sur son nez et son côté un peu précautionneux de prime abord, il me rappelle étrangement Dustin Hoffman dans le film « Papillon » jouant le rôle du timide faussaire Louis Delga à côté de Steve McQueen qui lui tient le rôle d’Henri Charrière, le forte-tête prêt-à-tout. Enfin, quand la pizza « royale » arrive, force est d’admettre que la comparaison avec le faussaire marseillais s’arrête là. Ici, pas de fausse-note, la pizza est un vrai régal avec une pâte blanche un peu épaisse mais à la fois cuite à point et un peu croustillante. C’est comme ça que j’aime les pizzas ! Quant à la garniture, si ma légendaire gourmandise me l’autorisait, je pourrais presque qu’il y en a de trop ! Mais non, la pizza du gentil Bernard est parfaite et la bière blonde pression qui l’accompagne ne l’est pas moins. C’est à cet instant qu’un groupe de jeunes gens arrive accompagné d’un guide de la réserve naturelle. Aussitôt un brouhaha ambiant se met en place. Ayant un mal fou à suivre la moindre conversation, je finis par déconnecter pour m’enfoncer dans ma bulle « naturaliste ». Elle se présente sous les traits du petit écran de mon appareil-photo sur lequel je me mets en quête d’analyser tous les clichés déjà enregistrés. Je ne sors de cette torpeur que de longues minutes plus tard lorsque Bernard arrive les bras chargés de tranches de pastèques qu’il ne sait où déposer, toutes les tables de ses clients étant déjà amplement occupées par de multiples assiettes et plats de pizzas. Je lui propose de les mettre sur ma table qui est déserte depuis que j’ai fini ma pizza. Il dépose le tout sur ma table en me disant « servez-vous si ça vous chante ! ». Mais je refuse gentiment lui demandant par la même occasion « 2 boules de glace est-ce possible ? »« Oui », me répond-il. Après l’énumération de plusieurs parfums, mon choix se porte sur la vanille et le café. Bien que cette terrasse respire la jouvence et la convivialité, je languis de retourner vers plus de quiétude. J’ai fini ma glace, toutes les tranches de pastèque ont disparu de ma table et j’estime que le temps est venu de me remettre en route. Je remercie Bernard pour la qualité de son accueil et de sa cuisine, paye ma note et me voilà déjà dehors à errer sur la route principale du village. Quelques bruits provenant de la piscine m’incitent à aller voir, mais cette dernière est inoccupée et seules 2 jeunes filles jouent à la pétanque sur le terrain de boules mitoyen. Cette piscine me rappelle Mon Tour du Coronat de 2007 et mon arrivée au Presbytère lors de la 3eme étape où une « suite » m’avait été octroyée. En réalité, il s’agissait d’une chambre plutôt normale mais sans doute plus spacieuse que les autres avec un grand lit et une salle de bain privative. Ma fenêtre donnait directement sur la piscine où je pouvais voir les gens se baigner. Là, en arrivant, j’avais raconté mon parcours pédestre depuis Jujols au patron du Presbytère qui m’avait aussitôt dit « allez-vous baigner à la piscine, cela vous fera le plus grand bien ! ». Mais j’avais refusé cette offre pourtant bien tentante car les bains avaient déjà largement jalonné ma journée : aspersion dans une baignoire réservée aux animaux bien avant le col du Portus, rafraîchissement dans la rivière d’Evol, puis bain dans l’Estany del Clot et enfin dans la rivière de l’Homme Mort. La baignoire de ma chambre avait été suffisante pour supprimer les poussières des derniers kilomètres de cette journée ô combien suffocante où j’avais réussi le tour de force jamais égalé ensuite de boire 7 litres d’eau ! Très naturellement, toutes ces vieilles pensées m’entraînent vers la ruelle Carrer Iglesi Sant Marti où se trouve l’entrée du presbytère. Mais 15 années ont passé et je ne retrouve rien de cette période et notamment pas cette enseigne en ardoise joliment peinte où un curé joyeux chevauchait un âne qui l’était tout autant. Un petit tour autour de l’église, un arrêt devant la devanture d’un marchand de légumes bio ; en réalité un garage ; et me voilà déjà entrain de m’élever vers l’itinéraire du retour vers Urbanya : Pujador dels Carboners, Carrer del Rocater, Carrer dels Caps de Bous. Comme souvent le féru que je suis de toponymes catalans prend plaisir à examiner ces signalétiques si évocatrices d’un passé disparu. Sous un soleil de plomb, j’’enchaîne les ruelles à un train de sénateur, trouvant toujours une bonne raison pour flâner à outrance : un objet amusant, une fleur, un couple de moineaux et bien sûr des papillons. Quand je finis par atteindre le panonceau « Coll de la Serra », voilà déjà plus d’une demi-heure que j’ai quitté Cal Guillem. Dès le départ du sentier, un portail très rudimentaire constitué de bouts de cordes et de fils barbelés m’inquiète un peu. « J’espère qu’il n’y aura pas un troupeau et des patous » me dis-je au fond de moi. Je passe outre cet obstacle hétéroclite et chiant à l’extrême, autant pour le démonter que pour le remonter ensuite à l’identique. Tant bien que mal, j’ai refermé le portail derrière moi mais désormais je marche aux aguets d’un éventuel troupeau car par ici j’ai été confronté au moins deux ou trois fois à des ovins ou caprins accompagnés de patous souvent très agressifs. Ils étaient d’autant plus agressifs que le berger semblait absent. Je reste donc sur mes gardes, ce qui complique ma tâche d’être également attentif aux papillons et à la Nature en général. Mais ce versant « solana » de la vallée de Nohèdes a cet avantage d’être très dénudé en végétation et la vision lointaine en est d’autant plus facilitée. Quand finalement, j’atteins le col de la Serra, aucun patou n’est venu perturber mon ascension. Seul un « cagnard » de dingue m’a contraint à marcher lentement et à boire plus qu’il ne faut. Mes 2,5 litres d’eau emportés au départ sont désormais presque épuisés et je sais que rien ne viendra modifier cet état de fait. Par bonheur, sur ce flanc plutôt sec de la montagne, de nouveaux papillons sont venus s’ajouter à mon bestiaire photographique ainsi que quelques nouveaux passereaux. L’arrivée au col la Serra est à la fois synonyme d’ombres bienvenues et de basculement vers l’ubac d’Urbanya. Au milieu de la lande de genêt, il y a bien un orri pour m’abriter mais le premier pin venu a largement ma préférence. Je m’y allonge près de son tronc puis m’y restaure de quelques fruits secs et biscuits que je fais descendre dans ma gorge avec une seule gorgée d’eau que le soleil a amplement réchauffée. Tout autour du pin, des fleurs sont encore bien présentes et attirent plusieurs papillons. Je ne repars qu’une demi-heure plus tard plutôt bien reposé et avec quelques fleurs et lépidoptères supplémentaires. Je franchis la crête séparant les deux vallées non sans mal car là aussi une clôture de fils de fer en tous genres; barbelés et autres ; agrémentée de fils électrifiés m’empêche d’atteindre la piste qui se trouve de l’autre côté. Bien que déjà bien déglinguée ; sans doute par d’autres randonneurs ; la clôture reste difficile à enjamber. Par bonheur, les fils électriques sont inopérants alors je tente le franchissement avec cette idée première de ne pas abîmer la clôture plus qu’elle ne l’est déjà. Après quelques tentatives infructueuses car le but est aussi de passer sans y laisser des balafres ou des bouts de vêtements, je réussis cet « examen de passage ». La bascule vers l’ubac de la Mata d’Urbanya me fait changer totalement de décors. Epaisse forêt de résineux et de feuillus, végétation plus verdoyante, fleurs nouvelles, papillons nouveaux mais aussi chevreuil, marcassins et nouveaux oiseaux viennent s’ajouter à la carte-mémoire de mon appareil-photo. Si les photos du chevreuil ne sont pas une réussite, quelques branches m’empêchant de faire une mise au point parfaite sur l’animal, les marcassins, eux, sont plus faciles à immortaliser. J’en compte au moins cinq mais parmi eux, il y en a deux carrément au milieu du chemin qui ne bougent pratiquement pas. Je fixe l’objectif de mon appareil-photo sur ces deux-là. De leur petit groin, ils fouissent sans cesse le sol là où passe le ruisseau Correc de Sant Estève. Seul problème, ils ne lèvent jamais la tête. Ici, ce n’est encore qu’un ru boueux mais cette gadoue semble parfaitement les satisfaire. Assez étonnamment, je ne vois aucun sanglier adulte. Pourtant, dès lors que les marcassins prennent conscience de ma présence, c’est une débandade impressionnante et bruyante qui se déroule devant mes yeux. Les adultes qui étaient cachés dans les genêts détalent et grimpent sur les premiers flancs du pic Lloset. Ils disparaissent dans les hautes fougères. Les petits, eux, partent en étoile, avant de se raviser et de comprendre que leur salut est de rejoindre leurs mères. Je ne bouge plus, me contentant d’observer ce spectacle désordonné et attendant que tout ce remue-ménage ait cessé. Un marcassin retardataire traverse le chemin, les derniers grognements cessent mais j’attends encore un peu prenant conscience que j’ai amplement dérangé toute une famille qui cherchait un peu de fraîcheur et des ressources alimentaires pour leur progéniture. Quelques papillons viennent se ressourcer en sels minéraux et pour cela, ils viennent se jucher sur les tas de boue que les marcassins ont engendré. J’ai l’espoir que d’autres papillons arrivent mais la chaleur reste de mise et je décide de repartir. Un peu plus loin, j’emprunte un raccourci longeant une clôture. N’ayant plus d’eau, c’est une sage décision qui me fait gagner 2km environ. Un peu plus bas encore, je retrouve le Correc de Saint-Estève où des eupatoires à feuilles de chanvre poussent à profusion au sein de son lit. Ils sont des objectifs à ne pas ignorer car ces fleurs-là sont de véritables aimants à papillons. Après ce nouvel arrêt, je sais parfaitement que ma maison n’est plus très loin mais comme les photos naturalistes continuent d’être encore très nombreuses, j’en suis à me demander à quelle heure je vais terminer ? Je passe outre l’interdiction menant à la ferme à Philippe. Ce n’est plus Philippe qui la gère mais d’autres vachers que je ne connais pas mais je continue à faire comme par le passé. Après tout, je ne fais que randonner, marche avec prudence et quand des animaux se présentent, ici des ânes ou des bovins, je m’écarte comme je l’ai toujours fait auparavant. Comme souvent l’arrivée à la ferme est synonyme de nombreux passereaux. Ils sont attirés par les dépôts de fumier et moi par leur génie à essayer d’éviter mon appareil-photo. Finalement, il est 17h15 quand j’atteins la citerne du château d’eau et les pylônes et antennes dominant ma maison. Quelques derniers papillons sont là à chercher quelques fleurs à butiner. Un corbeau et un joli traquet sont juchés sur les antennes. Ils ne seront pas les derniers animaux immortalisés de cette journée ô combien tournée vers cette Nature dont je ne me lasse pas. Avec 66 lépidoptères photographiés, le bilan de cette journée « Minutes Papillons » est bien au-delà de ce que j’avais pu imaginer et même si certaines photos ne sont pas parfaites, j’ai bien l’intention de les garder dans ma vidéo. Cette randonnée a été longue de 8,8 km, cette distance incluant mes errements dans Nohèdes. Le dénivelé est de 352 m entre le point le plus haut à 1.221 m au-dessus du col de la Serra et le plus bas à 869 m près de l’église d’Urbanya. Les montées cumulées ont été de 881 m. Carte IGN 2348ET Prades – Saint-Paul-de-Fenouillet Top 25.
(*) Expression « Minute papillon » :Sur le site de çaminteresse.fr, on peut lire les explications suivantes : « L’origine de cette expression, apparue pour la première fois au XXe siècle, reste controversée. Pour certains historiens, il pourrait s’agir d’une allusion à ces jolis insectes volants qui, trop rapides, ne se posent jamais très longtemps. Une autre explication plus amusante attribue son origine aux années 1930 et à un serveur de café parisien nommé « Papillon ». Interpellé par des journalistes de son quartier qui fréquentaient régulièrement son établissement, il répondait chaque fois : « Minute, j’arrive. » Il aurait alors rapidement été surnommé « Minute Papillon ». Aujourd’hui, l’expression est employée pour signifier que l’on souhaite que son interlocuteur soit patient ». Le dictionnaire web « Wiktionnaire »,nous informe que cette expression a été reprise dans diverses œuvres littéraires quant à l’encyclopédie Wikipédia, elle cite le titre d’autresœuvres intitulées « Minute papillon » et précise que le café parisien cité plus haut serait le café du Cadran.
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Cette « Boucle du Col de Marsac(*) depuis Urbanya » est sans doute la randonnée pédestre la plus élémentaire que je connaisse au départ du village. Elle est en tous cas une des plus courtes si l’on veut rester dans le domaine d’une vraie randonnée pédestre. Oui, c’est une véritable randonnée et pas vraiment une promenade de santé. Elle s’adresse donc à tous ceux qui viennent à Urbanya, qui ont le désir de marcher sans pour autant y passer la journée, sans pour autant avoir envie de se lancer dans de longues distances ou dans des dénivelés désespérants. Selon la condition physique de chacun, il ne vous faudra qu’entre 1h30 et 2h30 pour l’accomplir voire plus, si tout comme nous vous flânez à outrance. Ce col de Marsac, à 1.050 m d’altitude, que l’on trouve parfois écrit Marçac (aussi bien en catalan qu’en occitan) sur des panonceaux directionnels, je l’ai déjà évoqué à diverses reprises (**). Normal, car depuis des siècles, il constitue un passage essentiel pour les hommes. A cause de nombreuses roches gravées et des nombreux dolmens retrouvés dans ce secteur, d’éminents archéologues admettent que des lieux de passage existaient déjà au néolithique dans ce secteur de la montagne. Plus tard, le col de Marsac a permis la liaison entre les communes d’Urbanya, de Nohèdes et de Conat. Avant que la route D.26 ne soit créée, c’est par là que passait un sentier muletier reliant les 3 communes. Ce sentier existe toujours même si certains bergers se le sont en partie accaparé (voir ma randonnée intitulée Le Sarrat de Marsac (1.088 m) et les Cortalets depuis Urbanya (856 m)). D’ailleurs, il suffit de regarder une carte IGN pour constater que de nos jours, le col est situé pile-poil sur la limite administrative séparant les 3 communes. Outre le col, il y a également un roc de Marsac à 20m au-dessus et à 1.056m d’altitude ainsi qu’un serrat, même si ces deux notions ont peu à peu disparu des nouvelles cartes géographiques. Le départ vers le col s’effectue de l’église d’Urbanya où il faut emprunter la piste DFCI C060. Elle s’élève doucement et de manière plutôt rectiligne jusqu’à un large virage en épingles à cheveux. Là, sur le côté gauche, le virage domine un vallon du nom de La Devesa sur la carte IGN. Ce vallon est parcouru par un ruisseau du nom de « Correc de La Coma » et au-dessus et en face vous apercevez un bois d’épicéas et tout autour des forêts de feuillus et de diverses essences. Si je vous précise tout cela c’est parce que la suite du chemin passe au sein de ce bois d’épicéas que je cite mais qu’il y a 2 manières de l’atteindre. La première est de suivre le balisage jaune qui part du virage de La Devesa même et monte à gauche dans les genêts. J’y galère régulièrement sans doute parce que les genêts s’étoffent en volume et que des débroussaillages réguliers devraient y être faits mais ne le sont pas toujours ! Enfin je pense ! La seconde, celle que je choisis personnellement est de descendre vers le vallon par un petit goulet rocheux que vous n’aurez aucun mal à trouver. Il atterrit sur un sentier herbeux qu’il faut poursuivre jusqu’au ruisseau. En réalité un ru au regard de sa taille. Là, il suffit de remonter ce ru vers la droite jusqu’à atteindre sur la gauche des bas murets en pierres sèches qui l’encadrent Inévitablement, vous allez tomber soit sur la suite du balisage jaune cité ci-dessus, et qu’il va falloir suivre, soit sur une rampe constituée de pierres sèches montant dans la pessière. Là, dans le sombre sous-bois, les marques de peinture jaune du balisage se font plus présentes. Ne les perdez jamais de vue et si c’est le cas revenez jusqu’à la marque jaune précédente. De nombreux cairns s’ajoutent à cette signalétique et viennent faciliter la marche à suivre. Il va en être ainsi jusqu’à atteindre le col de Marsac. Il est donc important d’avancer en gardant à l’esprit que le balisage est très important. Dans le cas contraire, vous risquez de vous perdre dans ce bois pas toujours facile à cheminer. Peut-être aurez-vous la chance d’apercevoir un cervidé voire plusieurs ou une harde de sangliers, ces animaux fréquentant souvent les lieux, or période de chasse notamment. Moi, s’il m’arrive d’en voir et d’en photographier régulièrement, le plus souvent les oiseaux, les papillons et les fleurs suffisent à combler de bonheur le passionné de Nature et de photos naturalistes que je suis. Au col de Marsac, il ne faut pas hésiter de gravir la petite butte car elle permet de bénéficier d’incroyables panoramas malgré la modeste élévation. Ici à la côte 1.056 de la carte IGN, c’est à 360° que les principaux massifs montagneux environnants se dévoilent : le tout proche et très boisé Mont Coronat bien sûr, le Madres et le Canigou en sont les principaux car les plus hauts en altitude. Ils sont tous entrecoupés d’une géologie étonnante car constituée de ravines, de vallées et de gorges plus ou moins profondes et encaissées, elles-mêmes dominées par des pics un peu moins hauts que ceux cités précédemment : Serra, Lloset, Moscatosa, Portepas, Torrelles, Torn, Rocater, Gran et Jornac. Autant de sommets où j'ai pris plaisir à m'élever car avec une Nature sans cesse renouvelée et des panoramas jamais pareils selon les différentes saisons. Une multitude de rus qu’on appelle « correcs », de ruisseaux, de torrents, de rivières canalisent toutes les eaux pluviales, eaux finissant leurs courses tout en bas dans la vallée et dans le fleuve Têt. Pour la suite du parcours, il suffit de prendre la piste qui part vers le nord-ouest, direction le pic de la Serra que l'on a aperçu depuis le roc. Elle longe une clôture se trouvant à main gauche, s’en éloigne un peu vers la droite, continue un peu de monter et parvient à un nouveau collet. Là, à cette intersection de deux pistes, il faut prendre la piste à droite qui redescend un peu. Celle de gauche étant celle de l’ancien tracé du « Tour du Coronat » permettant d’accomplir la randonnée que j’avais intitulée « Le Circuit de la Matte ». La large piste sur laquelle vous vous trouvez va vous permettre de revenir très facilement à Urbanya, la seule difficulté étant de retrouver la piste DFCI C060 partant à droite à la prochaine intersection. Si vous avez un doute, sachez que cette intersection où il faut prendre à droite est agrémentée d’un panneau estampillé « Forêt domaniale d’Urbanya ». Comme indiqué en préambule, il ne vous faudra guère plus de 2 heures pour accomplir cette jolie boucle très représentative des décors et de la Nature que l’on peut trouver tout autour du vallon d’Urbanya. A titre d’exemple, le jour de cette balade, nous avons eu la chance d’apercevoir un chevreuil puis lors du retour une biche. Nous avons également observé de très nombreux rapaces mais aussi une couleuvre et un triton dans le Correc de Coma. Quant aux oiseaux, papillons et fleurs, il suffit de regarder ma vidéo pour être convaincu de leur belle présence en cette saison printanière. Au lieu-dit les Llebreres, à la limite du bois d’épicéas et des feuillus, j’ai été agréablement surpris de constater un nombre incroyable de mésanges et quelques rougequeues noirs. Concernant les mésanges, toutes celles que l’on peut trouver ici étaient présentes : charbonnière, huppée, nonnette, longue queue et noire. Plus haut, du col de Marsac et en longeant la clôture montant vers le pic de la Serra beaucoup de fauvettes étaient visibles. Sur la piste du retour, j’ai également aperçu merles, geais, bruants et pinsons, c’est dire si une avifaune était présente , ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas car en France et ici aussi les oiseaux sont en nette régression. Comme expliquée ici, cette balade a été longue de 6,6km pour des montées cumulées de 458m et un dénivelé de 225m. En effet, le point le plus haut n'est pas le roc de Marsac à 1.056m d'altitude mais l'intersection des chemins (GRP Tour du Coronat et la Matte) à 1.081m. Le plus bas est à Urbanya à 856m. Carte IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul-de Fenouillet Top 25.
(*) Marsac : Le toponyme « Marsac » est assez bien connu car assez courant. Plusieurs communes françaises portent ce nom quant aux lieux-dits ils sont légions. En plaisantant, je pourrais presque dire « normal » puisqu’ une majorité des linguistes toponymistes s’accordent sur le fait que ce mot serait issu des anthroponymes « Martius » ou « Marcius » d’origine romaine et plus tard gallo-romaine. A l’antiquité, ces noms de famille étaient plutôt répandus et pour s’en convaincre il suffit de lire l’article de Wikipédia consacré au nom « Marcii ». Bien évidemment et s’agissant des Romains, ces noms de famille seraient étroitement liés à la mythologie et ici en l’occurrence au dieu Mars.
(**) Randonnées déjà proposées passant par le col de Marsac :
Quand vous lirez le récit de cette randonnée, sans doute que la première question que vous vous poserez sera « pourquoi un Circuit des Maisons ? ». Alors je ne vais pas vous tenir plus longtemps en haleine. Quand nous avons décidé de faire cette balade en boucle depuis Urbanya, la raison première est que la veille nous avions réservé pour 12h30 une table au restaurant le « Cal Guillem » de Nohèdes. Nous y rendre à pieds sous la forme d’un circuit était donc le deuxième challenge et seule une météo complétement pourrie aurait pu nous contraindre de nous y rendre autrement, c’est-à-dire en voiture. En ce 6 août, la météo n’est pas géniale, le ciel bien couvert mais j’estime qu’elle n’est pas complétement pourrie alors nous démarrons, et ce d'autant que Météo France n'annonce pas de pluie pour la journée (pour une fois, les prévisions seront totalement tenues). Chemin et reportage faisant, je me demande quel nom je vais bien pouvoir donner à cette balade dès lors que nous l’aurons terminée. Bien évidemment, j’exclus la possibilité d’y mentionner le nom du restaurant, non pas que je ne veuille pas lui faire de la pub ( à l’instant où je pense à cela, je n’y ai encore jamais mis les pieds !) mais je trouve que ce n’est très convenable car le nom d’une enseigne à un caractère personnel. Ensuite parce que j’ignore tout de ce restaurant et en premier lieu pourquoi « Cal Guillem » ? . Je ne suis pas catalan, je ne connais pas la signification du mot « cal » quant à Guillem, si je sais qu’il peut s’agir d’un prénom équivalent au français « Guillaume », mais également d’un nom de famille. Celui qui me vient à l’esprit à cet instant c’est « Guillem de Combret » dont je sais qu’il est devenu saint de manière empirique car jamais avalisé par l’Eglise catholique. D’ailleurs, je crois savoir aussi que les avis historiques sont très partagés entre la provenance de ces différents Guillem, celui de Gellone et de Llivia étant les plus souvent évoqués. Je pense à lui car à maintes reprises j’ai eu l’occasion d’aller cheminer vers la « fameuse » chapelle Saint-Guillem de Combret et notamment lors d’un mémorable Tour du Vallespir en 6 jours et en solitaire où j’avais couché dans le refuge mitoyen. Il y a aussi le bien connu Pla Guillem mais j’ai lu que ce dernier et celui de Combret aurait peut-être une origine toponymique identique. Voilà à quoi je pense tout en marchant en direction de Nohèdes. Finalement, j’abandonne ces pensées-là car j’estime qu’il y a trop d’inconnues pour l’instant. Ce n’est qu’une fois au restaurant que je vais apprendre que Guillem c’est le prénom du jeune patron et une fois rentré à la maison que le mot « cal » est une contraction de « a casa del » signifiant « à la maison de »(*) ou plus simplement encore « chez ». Partant de ma propre maison jusqu’à la « maison de Guillem », voilà pour l’explication de cette appellation de « Circuit des Maisons ». Il est 8h30 quand nous démarrons sous un ciel plombé. J’ai décidé de partir tôt car Dany a mal aux hanches et je préfère qu’on garde du temps pour ne pas avoir à speeder. Malgré ses souffrances, elle veut à tout prix marcher, estimant qu’il est préférable qu’elle bouge. Pendant que Dany s'affère à s'assurer de la présence de notre chat Flip et le cherche, moi je ne quitte pas la maison sans aller voir un petit loir gris qui a élu domicile dans un nichoir que j’avais initialement fabriqué pour d’éventuels pics verts. Il est bien là, me regarde fixement de ces gros yeux ronds et ça me rassure car j’ai toujours la crainte qu’un chat le repère et en fasse son déjeuner. Les prédateurs félins, et notamment errants, sont assez nombreux autour de la maison mais je garde bon espoir que le loir soit plus agile. Il est là tranquille et je pars rassuré. Si j’ai décidé de faire en partie le même itinéraire qu’une balade que j’avais intitulée « Le Pic de la Serra », c’est-à-dire en passant par la forêt de La Mata puis par le pic et le col de la Serra, j’ai néanmoins changé le départ en raccourcissant la montée vers la ferme à Philippe. J’ai décidé de grimper par la forêt et non pas par la piste qui est très embroussaillée par des genêts et des ronciers. C’est plus raide mais beaucoup plus court. Malgré un temps très maussade et l’heure matinale, une petite faune est déjà bien présente. Elle se présente d’emblée sous les traits de multiples passereaux et de quelques papillons. La flore, elle, ne semble pas se plaindre de cette journée qui s’annonce humide mais que nous n’espérons pas mouillée. Si Dany arrive à la ferme de Philippe exténuée à cause de la pente sévère que nous venons de grimper, par bonheur son allure va s’améliorer au fil du cheminement. Finalement, je regrette d’être passé par la forêt car je m’aperçois que la piste que je n’ai pas voulu emprunter a été totalement dérochée ces derniers jours et par là-même débroussaillée des multiples genêts, ronciers et autres chardons-Marie qui l’entravaient. Si la ferme de Philippe est inactive suite à la vente totale de son troupeau l’an dernier, les entassements de vieux fumiers continuent à attirer de très nombreux oiseaux et notamment des merles et des pinsons mais surtout un magnifique geai. J’en profite pour quelques photographies pendant que Dany récupère de son « exténuante » montée. Finalement elle va trouver son « rythme de croisière », quant à moi tous les clichés que je prends engendrent de manière automatique une flânerie fortuite mais bien en adéquation avec ma condition physique du moment. Il est presque déjà 11h quand nous arrivons au col de la Serra et à ses 1.200m, c’est-à-dire que nous avons mis 2h30 pour accomplir 5 km et les 330m de dénivelé, c’est dire si le mot « flânerie » n’est pas excessif ! Enfin peu importe aussi car le but est d’être à 12h30 au resto « Cal Guillem » et je pense que c’est très facilement réalisable car pour l’essentiel nous n’avons plus que de la descente et un peu du plat. Enfin peu importe également car la mémoire de mon numérique s’est bien remplie de fleurs, de papillons et de quelques oiseaux mais aussi d’un chevreuil et d’un sanglier, même si pour ces derniers, leur vision a été très furtive. Par contre, ici au col de la Serra, la Nature est plutôt agaçante car les mouches pullulent. Pourquoi ? Je l’ignore mais je comprends mieux pourquoi il y a un pic juste au dessus de nous dénommé « Moscatosa » ou « Mousquatouse » signifiant « lieu où les mouches abondent ! ». On marche pour cela, observer et côtoyer la Nature et même les mouches énervantes il faut les accepter. Par bonheur, elles disparaissent quelques lieues plus loin. Certes les panoramas sont très limités à cause de cette mauvaise météo, avec un Massif du Coronat coupé en deux par une lourde chape de nuages et un Massif du Canigou aux abonnés absents, mais le plaisir de marcher reste le même malgré ces carences. Et puis nous ne sommes venus qu’une seule fois et il y a fort longtemps sur ce sentier qui descend vers Nohèdes en coupant le Ravin de la Font de l’Aram, alors nous en sommes presque à le découvrir. A titre d’exemple, j’y découvre une croix néolithique gravée sur une roche jamais vue auparavant. Cette sente est peu facile car souvent étroite, caillouteuse et même parfois carrément rocheuse mais pas désagréable à cheminer car constamment en balcon de la Vallée de Nohèdes. Il est finalement 11h40 quand nous atteignons le village près de la source captée de la Vernosa. Nous sommes bien en avance et nous rendre au restaurant « Cal Guillem » n’est plus qu’une formalité. Bien qu’ayant largement visité Nohèdes en 2007 lors d’une étape du Tour du Coronat, je propose à Dany de flâner un peu dans le village qu’elle ne connaît pratiquement pas. Les souvenirs remontent dans ma tête mais mon estomac n’en n'a que faire dès lors que le restaurant se présente. Nous nous attablons dans un coin de la terrasse du restaurant dans l’attente de l’arrivée d’un serveur. Nous ne sommes que deux couples. Quand le jeune et sympathique serveur arrive, nous passons immédiatement commande. Ça sera deux ardoises de charcuterie catalane et deux burgers maison « Cal Guillem », ce qui finalement nous fera manger beaucoup de pain car la charcuterie est accompagnée de « pan con tomate », ce qui n’était pas mentionné sur la carte. Enfin, or mis ce léger inconvénient, tout s’avère très bon. La charmante dame du couple qui est en face de moi me regarde avec insistance. Je me demande bien pourquoi ? Et ce d’autant que quand je la regarde à mon tour, elle baisse les yeux avec beaucoup de timidité. Finalement, ce n’est qu’au moment où ils quittent le restaurant que je comprends pourquoi cette dame me regardait car la conversation s’installe entre nous. Non, malheureusement ce n’était pas pour ma beauté qu’elle me regardait ! Ils sont anglais ; ça je l’avais bien compris lorsqu’ils s’adressaient au serveur, même s’ils parlent un remarquable français ; possèdent une maison dans le Gers et sont venus visiter la région et bien sûr Nohèdes. Or, cette dame m’affirme qu’en cherchant des infos sur Nohèdes, elle est tombée sur certaines de mes photos puis de fil en aiguille sur mon blog. Elle nous a donc reconnu Dany et moi. Nous papotons mais en restons là car ils ne sont pas spécialement randonneurs. Mais la suite va nous démontrer que nous ne sommes pas au bout de « nos surprises » quant à notre célébrité « déambulatrice» . Le couple anglais aussitôt parti en voilà un autre qui entre. Etrangers eux aussi. Ils partent s’installer au fond de la terrasse. Et là, d’une manière aussi incroyable qu’inattendue, le couple se lève, arrive vers nous, la dame avec un immense visage radieux, un peu comme si elle avait vu une apparition tant espérée, elle s’avance vers nous, se plante devant notre table et avec un accent indécelable, elle nous demande sous la forme affirmative : « Mais vous êtes bien Monsieur et Madame Jullien ? ». Heureusement que nous sommes bien assis et que nos chaises sont stables car sinon nous tomberions à la renverse ! Nous trouvons cette demande si exceptionnelle ! Finalement, je réponds « Oui bien sûr ! », un peu comme si c’était une évidence alors que c’est très loin d’être le cas. Pour finir, nous apprenons qu’ils sont allemands, qu’ils viennent régulièrement en vacances dans les Pyrénées-Orientales, qu’ils adorent les randonnées pédestres et qu’ils sont de très fidèles et fervents visiteurs de mon blog. Ils sont à Nohèdes aujourd’hui, car ce matin, ils ont accompli une petite balade qui s’intitule « le Sentier de Carbodell » suivant ainsi les indications et le tracé de mon site Internet. Quand ils repartent vers leur table, avec Dany nous nous regardons en souriant, évitant de pouffer de rire pour ne pas les blesser, mais encore époustouflés de cette impensable et inimaginable notoriété. Mais cette dernière, où plutôt celle de mon blog, va encore avoir l’occasion d’être à l’honneur quand un couple accompagné de deux jeunes enfants s’installe sur la terrasse en face de nous. Ils randonnent avec un âne depuis ce matin et arrivent de Ria par la route et doivent se rendre à Mosset. N’ayant apparemment aucune idée de la distance et des difficultés qui les attendent, malgré un itinéraire tracé sur une carte IGN, le père de famille s’adresse d’abord au serveur, mais lequel n’y connaissant rien en marche pédestre, les renvoie gentiment vers nous. C’est ainsi qu’en me montrant l’itinéraire qu’il a choisi pour se rendre à Mosset par le col de Jau puis par un chemin que je ne connais pas passant au pied du pic Dourmidou puis par la forêt de Salvanère, je suis contraint de lui dire que je suis très pessimiste quant à son arrivée ce soir à Mosset. Certes les journées sont encore un peu longues mais la distance est assez considérable avec deux enfants très jeunes et puis surtout de fortes pluies sont attendues dans la soirée. Je lui déconseille de se lancer dans un tel périple. Mais il semble décidé à faire la distance car ils ont réservé et sont donc attendus dans la soirée dans un gite mossétan. De ce fait, je lui indique de passer plutôt par le Domaine de Cobazet puis direction le Pla de Vallenso et Campôme, une bonne piste les amenant plus directement à Mosset. Seul inconvénient, je lui conseille d‘éviter le col de Les Bigues car le portail donnant sur le Domaine de Cobazet est toujours fermé et donc infranchissable pour son âne, et ce d’autant qu’à côté de ce portail les clôtures sont trop hautes et faites de fils barbelés. Là, il me regarde et me dit « j’ai l’impression que vous connaissez parfaitement le secteur ». Je lui réponds « Oui, je le connais parfaitement même si j’admets ne pas tout connaître comme par exemple cet itinéraire passant au pied du Dourmidou » en le lui montrant du doigt. Dans la foulée, je rajoute « depuis une dizaine d’années, j’ai développé un site Internet où je recense toutes les randonnées que je réalise, cela afin de faire aimer la marche pédestre au plus grand nombre ». Il me demande « Comment s’appelle-t-il ? » et je lui réponds « Mes Belles Randonnées Expliquées ». Et là il s’exclame « c’est pas vrai, c’est en grande partie grâce votre site et à deux ou trois autres que je me suis décidé à faire ce grand tour du Haut-Conflent avec mon épouse et mes enfants » Puis il continue en s’exclamant « sur le vôtre, j’y ai lu tant de récits intéressants ! » Je n’en reviens pas mais ne lui montre pas, car je l’avoue, je suis plus préoccupé par ce périple vers Mosset qu’il doit entreprendre en famille. Pendant un instant, je pense même à les inviter à la maison ce soir mais je n’ai pas d’abri pour leur âne, alors j’oublie rapidement cette idée. Mais il a quand même l’air décidé à partir vers Mosset par l’itinéraire qu’il m’a montré, alors je lui donne un dernier conseil « décommandez Mosset pour ce soir, arrêtez-vous à Urbanya car vous n’aurez aucun mal à y trouver un gite pour vous et votre âne ; il y en a plusieurs ; puis vous ferez l’étape vers Mosset dès demain ». Il me dit qu’il va réfléchir. M’a-t-il écouté ? Je l’ignore car c’est sur ces paroles que nous nous séparons, puis que nous payons l’addition et quittons le restaurant « Cal Guillem », toujours aux chants à tue-tête du patron qui est un véritable « Caruso ». Caruso pour ses chants et Escoffier du burger, il a du se tromper d'époque ! Mes dernières paroles ont-elles été les bonnes ? J’essaie d’oublier ce tourment. Nous prenons le bitume de la route puis le sentier qui monte vers le col de Marsac. Le temps est toujours aussi maussade mais assez paradoxalement les randonneurs plutôt nombreux. Il ne pleut pas et c’est bien là l’essentiel. Ce parcours jusqu’à Urbanya et les paysages qu’il propose, je les connais si bien que je ne m’arrête que pour photographier une fleur, un criquet, un papillon ou un oiseau. A Dany, je lui fais découvrir les quelques roches gravées de croix et de cupules datant du néolithique auxquelles l’archéologue Jean Abélanet(**) a donné le nom de « Les Rocs de Les Creus ». En français « les Rochers aux Croix ». Plusieurs roches gravées du Conflent portent ce nom. Au col de Marsac, nous empruntons l’étroit sentier qui descend dans le petit sous-bois des Llebreres vers la Devesa. Puis c’est la piste forestière qui descend vers le village où rien de notable est à photographier or mis encore et toujours des fleurs et des papillons et une buse qui chasse en rase-mottes au-dessus de la vallée. Au village, c’est une Bergeronnette des ruisseaux et un oiseau plutôt rare qu’on appelle le « Cincle plongeur » que j’aperçois tous deux dans la rivière et que je réussis à photographier. Ainsi se termine, ce « Circuit des Maisons d’Urbanya à Nohèdes » mais il nous reste encore à grimper la rude montée du chemin de Sarrat. Elle nous amène à la maison mais est toujours la dernière vraie difficulté pour l’atteindre. Ce circuit a été long de 10,5 km pour des montées cumulées de 1.056m. Le dénivelé est de 350 m avec le point le plus haut à 1.223m au dessus du col de la Serra et le plus bas à 873m à l’église d’Urbanya. Carte IGN 2348ET Prades – Saint-Paul-de-Fenouillet Top 25.
(*) Les contractions catalanes Can et cal : Voilà ce qu’écrit le célèbre géographe et linguiste Jean Becat dans son ouvrage « La correction toponymique du cadastre et des cartes au 1:25.000 de l'Institut Géographique National dans l'aire catalane (Pyrénées-Orientales). Bilan 1983-2006 » paru dans La Nouvelle Revue Onomastique N°47-48 de 2007 page 18 : « Pour l'aire catalane en France, nous avons toujours respecté les normes graphiques et linguistiques de l'Académie de la langue catalane, quel que soit le toponyme et sa forme ou sa variante dans telle ou telle commune. Mais également, et cela ne pouvait être autrement, la transcription des toponymes, telle que nous l'avons toujours proposée, respecte la forme dialectale ou l'usage local. Par exemple pour les mas, nous utiliserons toujours la forme en usage, sans jamais systématiser. Selon les régions ou les vallées, ce seront des formes plus générales comme Can ou Cal , Mas del ou Mas d'en, ou des roussillonismes comme Xo'n ou Xo’l »……puis en bas de page il rajoute « En Vallespir domine la forme Can (a casa d’en) : Can Rei, Can Panna, Can Santenac, Can Mateu (Arles et Saint-Laurent-de-Cerdans sur la carte 1 :25000 de Céret), Can Deina, Can Jepó, Can Vaquer, Can Vilafort (Corsavy, sur la carte Massif du Canigou). Mais Can et Cal {a casa del) peuvent se côtoyer : Cal Parent, Cal Rei, Cal Baille, et Can Figa, Can Batlle, Can Cabanyó (Lamanère, sur la carte Massif du Canigou) Cal est fréquent en Confient : Cal Romeu, Cal Trellis (Ayguatébia, sur la carte Font-Romeu)……
(**) Le Roc de Les Creus de Nohèdes : A propos de ce rocher aux croix, voilà ce que nous révèle l’archéologue Jean Abélanet (1925-2019) dans son livre « Lieux et Légendes du Roussillon et des Pyrénées-Catalanes » page 144 : « Un jour, j’étais occupé à faire le relevé des gravures du Roc de les Creus de Nohèdes, qui borde le chemin escarpé qui mène au Coll de Marsac. Passe une paysanne, avec son cotillon noir serré à la taille , son fichu noué sur la tête, une énorme borrassa (ballot) d’herbe pour ses lapins ou ses chèvres. Je lui demande si elle connaît la raison d’être de ces croix : « il y a très longtemps de cela , me dit-elle, un cavalier passait par là : il est tombé dans le précipice avec son cheval ( se van embaussar). C’est en souvenir de ce triste événement qu’on a gravé ces croix sur ce rocher ». Mais elle ne savait pas qui était ce cavalier, ni pour quelle raison – naturelle ou surnaturelle – ce malheur lui était arrivé. » Histoire véridique ? Légende ? Pure affabulation de cette paysanne pour tenir la conversation ?
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Urbanya le 9 juin 2021. Voilà ci-après comment nous avons réalisé cette randonnée que j'ai intitulée « Les Chemins de l'Ourriet et des Escocells (*) ». Quand avec Dany nous avons démarré cette balade, je m’étais fixé le but d’atteindre le lieu-dit l’Orriet. Ce lieu-dit, qui est la ruine d’un très vieux mas de montagne, j’ai déjà eu l’occasionde l’évoquer dans une autre balade que j’avais intitulée « Le Chemin de l’Ourriet depuis Urbanya ». Situé à 1.074 m d’altitude et Dany ne connaissant pas les lieux, je me disais que cette modeste élévation suffirait à son bonheur. En effet, si modeste soit-elle, cette déclivité offre de superbes et amples panoramas sur le vallon d’Urbanya. En montagne, la vision de grands espaces, Dany adore ça et moi aussi. La météo est superbe et au sein d’un printemps plutôt mi-figue mi-raisin, on se dit qu’il faut profiter des journées comme aujourd’hui. Si je ne me fixe pas d’objectif plus lointain c’est parce que je sais que nos formes physiques respectives ne sont pas au top. Dany souffre régulièrement de sa polyarthrite chronique et principalement aux hanches, quant à moi avec des dyspnées et des sifflements respiratoires, je suis très loin d’avoir totalement récupéré de mon embolie pulmonaire du mois de mars. Malgré tout ça nos volontés et surtout nos envies de randonner sont restées intactes. Il est 12h30 quand nous démarrons sous un ciel bleu ciel que quelques nuages blancs se complaisent à maculer. Ce chemin qui s’élève au-dessus de la rivière je le connais par cœur. Je sais que je vais y rencontrer un tas de fleurs et que parmi elles, il me faudra faire des choix et ne retenir que celles qui me paraissent les plus intéressantes pour mon reportage photos. Les plus intéressantes seront bien sûr les plus belles : celles qui touchent à ma sensibilité : mais surtout les plus rares ou les plus saisonnières, celles qu’il faut parfois chercher pour les trouver si le hasard ne le fait pas pour moi. Les fleurs bien sûr, mais aussi celles qui volent et que les entomologistes appellent « papillons ». Ici, ils sont pléthores mais les photographier n’est jamais évident quand une petite brise est de la partie comme aujourd’hui. Pour tout le reste de la faune ; et Dieu sait si elle peut être présente et variée ; je sais que le hasard, la chance, mon abnégation et ma patience feront ce qu’il faut. Comme je le prévoyais, les premiers décamètres sont les plus pénibles et les plus éprouvants. Toutes les levées de genoux plus hautes que la normale deviennent une épreuve, et cela, aussi bien pour Dany que pour moi. Alors rien ne presse et je dis à Dany de prendre son temps et ce d’autant que tous les clichés que je m’autorise me permettent de prendre le mien. Nous avons atteint le niveau de la cascade d’Urbanya et nous sommes d’accord pour dire que ça va déjà bien mieux. Il va en être ainsi au fil de notre cheminement et quand l’Orriet est atteint, je suis très surpris d’entendre Dany me dire « et après qu’est-ce qu’il y a ? ». Elle s’assoie néanmoins pour m’entendre lui répondre « il y a 2 ruisseaux formant comme une clairière » puis « plus haut il y a une piste forestière permettant éventuellement d’effectuer une boucle ». « Allons jusqu’à la clairière » me dit-elle. Et nous voilà repartis pour quelques décamètres supplémentaires. Quand nous arrivons à la jonction du Correc du Col del Torn avec celui de Sardana, je lui annonce que nous sommes parvenus à la clairière. Elle bougonne gentiment et je me dis que c’est plutôt bon signe : « Tu appelles cela une clairière ? » s’exclame-t-elle, rajoutant aussitôt « j’appelle ça un sous-bois ! » « Les arbres ont poussé » lui dis-je en guise de réponse puis le silence s’installe. Pas très longtemps et la phrase que j’attendais survient « Et la piste dont tu m’as parlé, elle est loin ? »« Non pas très loin, à 200, 250 m tout au plus, mais je te préviens, il n’y a pas vraiment de sentier et il faut pas mal zigzaguer au sein du maquis pour l’atteindre ! » « Et tu es sûr de la trouver ? » « Oui, je suis sûr car il suffit de suivre le Correc du Col del Torn ». « Allons-y ! » me dit-elle d’un air bien décidé. Je suis sur le point de lui dire de ne pas râler si les choses ne se passent pas comme elle le veut mais finalement je me retiens. Je ne veux rien gâcher de ce bel après-midi qui se passe formidablement bien et en tous cas au-delà de mes espérances initiales. Je vois qu’elle prend plaisir à marcher, à découvrir des panoramas qui lui étaient inconnus et comme je sais qu’il y en aura bien d’autres encore plus beaux si nous atteignons cette « fameuse » piste, j’ouvre ce « chemin évanoui » sans ne plus rien rajouter. Oui, un chemin a bien existé et quelques grosses pierres sont encore là pour prouver qu’il était creux. Mais le temps, la végétation et le désintérêt des hommes ont fait leur œuvre de sabotage. En garder un quelconque fil est totalement impossible. Alors Dany me suit, ne peste pas me demandant seulement de l’attendre dès lors que je prends un peu trop d’avance dans ce dédale où il faut constamment slalomer entre les rochers de schistes, les genêts, les prunelliers et les églantiers.Ici, hors de question de m’amuser à faire des photos et je suis essentiellement concentré à chercher l’itinéraire le plus court mais également le plus praticable, tâche pas si aisée que ça même si c’est la énième fois que je m’y attelle. Finalement la piste si convoitée est là et franchement elle est très belle car très verdoyante avec de surcroît un panorama magique. Elle est en plus un étage végétatif car ici commence la forêt de pins à crochets et quelques autres résineux. On oublie très vite les difficultés qu’il nous a fallu franchir pour arriver jusqu’ici. Malgré un décalage évident, le « V » que forme la vallée d’Urbanya ajoutée à celle de Nohèdes est presque d’une symétrie parfaite avec le « V » inversé du Massif du Canigou. Des fleurs, quelques papillons souvent les mêmes et de nombreux oiseaux mais ici moins craintifs sont des offrandes permanentes à ma passion pour la photo. Une fois encore, le clou de ce spectacle grandeur Nature se présente sous les traits d’un chevreuil qui se régale de jeunes pousses. Deux photos et le voilà qui s’éclipse dans cette végétation exubérante. Le large chemin verdoyant que nous cheminons est une invitation à flâner. Il s’élève en douceur jusqu’au col de Les Bigues mais afin de raccourcir cette randonnée qu’au départ je n’aurais jamais imaginé aussi longue, je fais le choix de redescendre par le sentier des Escocells. Plutôt pentu, ce sentier consiste à suivre une longue clôture qui se termine à seulement quelques encablures du village. C’est le chemin le plus court pour rejoindre Urbanya. S’il est plutôt bien débroussaillé au départ, c’est de moins en moins le cas au fil de la descente où les genêts l’envahissent très souvent. S’il faut parfois les écarter ou les enjamber pour passer, poser nos pieds sur les branches est souvent synonyme de glissades et de chutes par bonheur sans conséquence. Si nous redoublons d’attentions pour éviter de tomber, chaque petite « gamelle »se transforme désormais en éclats de rire et en franches rigolades. Oui, pas de doute, les ramures des genêts sont de vrais savonnettes ! Ce n’est pourtant pas à cause de ça qu’on les surnomme « à balais » ! Finalement la clôture se termine, les broussailles s’amplifient et après un très bref égarement, je réussis à retrouver le sentier qui débouche à hauteur du Correc del Menter, non loin de la cascade que nous rejoignons. Nous y passons de longues minutes bien agréables car l’endroit est reposant et rafraichissant. Après cette longue descente sur le chemin des Escocells, cette pause n’est pas superflue. Dans les petites vasques creusées par les jets d’eau de la cascade, deux minuscules truitelles et de remuantes « demoiselles » m’occupent encore longtemps à la photographie. Après la passerelle, le large chemin nous entraîne très rapidement vers le village. De nombreux clichés dont ceux d’une couleuvre vipérine cherchant pitance dans la rivière viennent s’ajouter à mon reportage-photos. En arrivant à la maison, les paroles que nous échangeons Dany et moi ne laissent planer aucune équivoque. Nous sommes à la fois ravis et incroyablement étonnés d’avoir réussi cette balade au regard de nos conditions physiques que l’on pensait sinon pitoyables du tout moins très mauvaises. Qui l’aurait cru au départ ? En tous cas, nous considérons cette randonnée à la fois comme une prouesse et une promesse. Cette balade a été longue de 7 km. Le dénivelé est de 475 m entre le point le plus bas à 870 m à Urbanya et le plus haut à 1.345 m juste avant le descente vers Les Escocells. Les montées cumulées sont de 680 m. Carte I.G.N 2348 ET Prades- Saint-Paul-de Fenouillet - Top 25.
(*) Escocells : Si j'ai longuement tenté d'expliquer les mots "Ourriet" et "Orriet" dans une balade précédente intitulée « Le Chemin de l'Ourriet (1.359 m) depuis Urbanya (856 m) » sans que cela soit trop compliqué, donner une signification formelle au mot "Escocells" sur la commune d'Urbanya a été nettement plus complexe. Cette complexité commence par le fait même qu'il n'existe pas de traduction française à ce mot dans la langue espagnole. Quant à la langue catalane ; celle qui nous intéresse ici ; le traducteur de Google indique qu'il s'agit d'une "garderie" quand le mot "escocell" est au singulier et de "pépinières" quand le mot est mis au pluriel. De prime abord, on voit mal le rapport qu'il peut y avoir entre une garderie et des pépinières mais en réfléchissant un peu, on peut néanmoins se dire qu'une garderie est faite pour garder un groupe de personnes et le plus souvent de jeunes enfants et une pépinière prise hors de son contexte agricole ou forestier un lieu où l'on trouve également un groupe de personnes et qui en l'occurrence peut être composé d'enfants. Exemple : une pépinière de jeunes agriculteurs, une pépinière d'informaticiens, une pépinière de surdoués. Comme on le voit, la recherche dans sa méthode la plus moderne ne permet pas d'apporter une explication concrète à la toponymie trouvée sur la géographie d'Urbanya. Il m'a fallu continuer mes recherches et c'est le mot "escocell" dans le Wikipedia catalan qui m'a finalement apporté une explication plus plausible. En effet, traduit en français, il donne "une grille d'arbre", ces fameuses grilles que l'on trouve de nos jours tout autour des arbres sur tous les grands boulevards arborés. L'Encyclopédie catalane donne la même explication. Toutefois, l'article en question développe le sujet et indique qu'il peut s'agir aussi d'un simple trou circulaire autour d'un arbre. L'Institut d'Estudis Catalans (Intitut des Etudes Catalanes) dans son dictionnaire catalan/valencien/baléare donne la signification suivante : « Fossé que le vigneron fait autour d'une vigne en travaillant la terre et que la charrue n'a pas pu atteindre lorsque les agriculteurs sont passés (Rosselló, Conflent). Comme on le voit ici, la région du Conflent est carrément nommée et on peut donc supposer sans trop de risques de se tromper que les Escocells d'Urbanya ou d'ailleurs soient plus largement des fossés, des rigoles voire des tranchées autour d'un champ ou d'un pré permettant de gérer l'eau qui s'y écoule. On notera d'ailleurs que le mot "écoulements" a une lointaine mais certaine ressemblance avec le mot "escocell" que les linguistes et les géographes ont parfois écrit sur leur carte en "Escaussels" ou "Escausseils" mais le plus souvent en "Escauccels" . Concernant ce dernier mot, l'IEC donne la signification suivante : « Excavation faite en grattant le sol. Dans les montagnes, le pommier étant planté dans n'importe quelle zone de terre, il est nécessaire que ces excavations soient faites autour des souches du tronc afin que l'eau puisse les irriguer avec le plus de justesse ». Fosses, fossés, rigoles, tranchées, trous, excavations, il ne fait plus aucun doute, les Escocells d'Urbanya étaient sans doute de petites canalisations permettant d'irriguer avec justesse et parcimonie de l'eau des vergers ou des vignes. Oui, l'eau était déjà un bien très précieux. Il le sera de plus en plus !
Autant que je m'en souvienne, il me semble que ce Tour du Capcir a pris forme lors d’une conversation téléphonique avec mon fils Jérôme. A brûle-pourpoint, Jérôme m’a dit, j’ai un couple d’amis qui aimerait venir marcher dans les Pyrénées-Orientales et de préférence en montagne dans le Capcir, alors serais-tu partant pour l’organiser et le cas échéant venir avec nous ? Je suppose que Jérôme gardait encore en mémoire le Tour des Fenouillèdes que j’avais organisé (non sans mal !) sur 5 jours deux ans auparavant. Jérôme et son ami Fred étant déjà venus faire du VTT dans la région Cerdagne-Capcir l'année suivante, sans doute voulaient-ils revenir pour une randonnée pédestre ? Oui, je crois que c’est sur ces bases-là que tout a démarré même si la mémoire peut me faire défaut.
Pourquoi ce titre de « La Balade de Blek le Roc » ?
Pourquoi ce titre avec ce nom Blek le Roc ? Vous ne l’apprendrez bien sûr qu’en lisant ce long récit et en tous cas la première étape.
Préambule
11 septembre 2013, 9h20, nous entrons dans le joli petit village de Matemale. Depuis Saint-Estève, voilà presque une heure trente que nous roulons direction le Capcir. Si nous sommes là, Cathy, Fred, Jérôme et moi, c’est justement pour découvrir cette belle région : le Capcir. Notre dessein est de le découvrir en marchant et dont en effectuant son tour : le Tour pédestre du Capcir. Selon les différentes variantes empruntées, il peut être réalisé en 5 à 6 jours. Nous souhaitons lui en consacrer quatre. Cathy et Fred sont un couple d’amis à mon fils Jérôme. Un couple charmant, d’une grande gentillesse et des passionnés de sports et de voyages, qui comme moi, sont des amoureux de la Nature. Découvrir la nature en faisant un peu de sport, c’est bien l’objet que nous nous sommes fixés en voulant accomplir ce Tour pédestre. Selon les desideratas de mes compagnons puis avec l’assentiment de Jérôme, je l’ai programmé sous la forme de 4 étapes et donc en 4 jours. Personnellement, j’aurais préféré 5 jours, pour réduire un peu les étapes et par là même les difficultés, mais mes partenaires ne pouvaient pas. Normal, eux ont 20 ans de moins que moi et ils bossent et de ce fait, ils ont d’autres obligations que moi je n’ai pas. Je suis à la retraite depuis 5 ans et marcher, je pourrais presque dire que je n’ai que ça à faire. Le première étape, doit nous mener de Matemale à 1.500 m d’altitude jusqu’au refuge de la Font de la Perdrix, minuscule abri du Club Alpin Français situé lui à 2.312 m au pied du pic du Madres qui lui est un peu plus haut à 2.469 m. Selon le tracé réalisé sur mon logiciel CartoExploreur au format carte I.G.N top 25 c’est une quinzaine de kilomètres qu’il nous faudra accomplir. Depuis ce refuge, la deuxième étape de 17,600 km consistera à atteindre le Madres puis après une longue descente de son flanc ouest, à rejoindre Rieutort (1.517 m), un hameau situé près du barrage et du village de Puyvalador. J’ y ai réservé des chambres au gîte Le Moulin. Le but de la troisième étape, la plus longue de toutes avec 28 km est de rallier le lac des Bouillouses par la superbe Vallée du Galbe et les étincelants « estanys » des Camporells. Là, aux Bouillouses, j’ai retenu une nuitée en demi-pension à l’hôtel des Bones Hores (2.035m). Enfin, la dernière étape consistera à regagner Matemale par le lac d’Aude (2.130 m) puis par la station de ski du Pla del Mir et Les Angles (1.630 m) soit environ 20 km mais un peu plus si on envisage une visite du village. D’après les différents relevés que j’ai fait de l’itinéraire, ces 4 étapes, c’est donc environ 80 kilomètres à parcourir et au bas mot 4.500 mètres de montées cumulées. Autant l’avouer, j’appréhende un peu ce parcours car même si mon entraînement estival m’a amené à accomplir de nombreuses randonnées donc quelques unes assez difficiles comme l’ascension du Mont Coronat (2.172 m), le Balcon de la Coumelade (1.808 m) ou le Pilon de Belmatx (1.280 m), les 20 ou 25 ans de différence d’âge qui me séparent de mes trois « compères » seront sans doute là à chaque ascension et peut-être même dès la première déclivité d’importance. J’en suis conscient. Et puis, à bien y réfléchir, tout ce que j’ai pu accomplir, c’est un peu de la « gnognotte » au regard des 4 jours qui m’attendent car j’ai toujours tendance à flâner plutôt qu’à marcher quand je suis seul. Là, en groupe, la situation ne sera plus la même et je ne pourrais pas me permettre de ralentir exagérément mes compagnons. C’est donc dans cet état d’esprit que je suis quand je gare ma voiture sur le parking au centre du village de Matemale, me posant cette question qui me taraude : vais-je tenir le choc face à ces trois jeunes « flèches » ? Une fois la voiture garée, l’indispensable harnachement de mon gros sac à dos et la nécessité de me vêtir de la manière la plus confortable possible me font aussitôt oublier ces quelques tourments que je rumine depuis quelques semaines. Mais je ne me fais aucune illusion, ils reviendront à la première occasion et la première occasion, elle va se présenter dès aujourd’hui. Ici, à Matemale, quelques panonceaux de randonnées ont déjà été repérés et de toute manière, je ne suis pas inquiet car je connais la direction du départ pour y être déjà venu accomplir une jolie petite balade à la Tour de Creu et autour du magnifique lac de barrage.
Alors voilà comment se sont passées ces 4 étapes. Enfin ce que ma mémoire en a gardée, bien aidée il est vrai par les nombreuses photos que nous avons prises.
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1ere étape – 11 septembre 2013 : de Matemale (1.500 m) au Refuge de la Font de la Perdrix (2.312 m) soit 14,4 km pour un dénivelé de 877 m et des montées cumulées de 1.261 m. Point culminant : le Roc des Gourgs 2.352 m – Point le plus bas : Pont de la Molina : 1.475 m.
9h30, la première impression est qu’il ne fait pas chaud et d’emblée, je sors ma veste en Goretex de mon sac à dos. Mes compagnons font de même et enfilent leurs vestes et anoraks respectifs. Nous démarrons, accoutrés tels d’imposants « bibendums » auxquels on aurait rajouté de volumineux sacs à dos. Le mien, une fois encore, j’ai tenté de l’alléger au maximum mais c’est tout de même 15 à 16 kilos environ que je vais devoir me « charrier » sur ces 4 jours. Idem pour mes compères. Pour ce Tour du Capcir, j’ai voulu être à la fois énergique et pragmatique et j’ai opté pour un modeste 40 litres remplaçant ainsi mon vieux 70 litres que j’avais trimballé lors de tous mes tours précédents : Coronat, Vallespir et Fenouillèdes. En procédant ainsi, j’ai gagné 5 à 6 kilos mais comme dans l’intervalle, j’ai aussi gagné quelques années supplémentaires mais aussi quelques kilos de mieux, c’est du « kif-kif » sur le plan physique. Nous démarrons direction les panonceaux que nous avons aperçus un peu plus bas dans le village. Les premiers indiquent quelques parcours VTT et la Tour de Creu par le P.R.22 dont je sais que c’est la bonne direction. Le deuxième est plus explicite et en plus de la Tour de Creu, le Tour du Capcir y est clairement mentionné. Par la rue de la Mouline, nous sortons de Matemale sous un ciel coupé en deux dans la sens de la vallée. A gauche, c'est-à-dire vers l’ouest et la Cerdagne, le ciel est extrêmement bas et recouvert d’un épais et grisâtre matelas nuageux. A droite, côté Madres et Haut-Conflent, le ciel est d’un bleu intense et pur et que je qualifierais d’encourageant car c’est de ce côté-là que nous allons. Cette large vallée avec aujourd’hui ce firmament tristement coupé en deux, c’est l’Aude qui l’a principalement creusée. Le fleuve n’est pourtant ici qu’un minuscule ruisseau de 2 à 3 mètres de large que l’on aperçoit sur notre droite dès la sortie du village. A la sortie du village, un dernier panonceau indicatif nous rassure définitivement : « Tour du Capcir – Col de Sansa -2h10 ». D’emblée, Cathy prend la tête du petit peloton et semble vouloir accélérer le pas pendant que nous, les trois hommes, flânons à l’arrière déjà plongés dans des discussions spontanées. Au cours de ces 4 jours, il en sera ainsi le plus souvent, car pour Cathy, c’est sa seule façon de marcher. Une façon très sportive, plutôt « speed » que Fred et Jérôme ne compenseront que dans les montées les plus rudes. Moi, qui suis un flâneur dans l’âme, je ne vais jamais essayer de lutter et de toute manière, je sais par avance que même si je le voulais, je ne le pourrais pas. Et puis de toute manière, mon appareil photo numérique est là, pendu à mon cou, m’arrêtant à tout bout de champ, comme un œil et un cerveau supplémentaire qui doit me permettre de ne rien oublier de ce nouveau « Tour pédestre du Bonheur ». Le premier de ces tours avait été un Tour des Fenouillèdes réalisé avec Jérôme en 2011. Au préalable, j’avais accompli d’autres tours pédestres, comme celui du Coronat en 2007 ou du Vallespir en 2009, mais toujours en solitaire, et donc avec enchantement certes, mais avec ce regret de ne pas partager toutes ces « petites choses » qui intensifient et démultiplient le bonheur. Toutefois, si une chose ne change jamais, c’est bien celle de ma passion pour la Nature et la photo. Depuis le départ, mon numérique est déjà amplement entré en action et il continue à chaque occasion : une fleur, un paysage, un papillon, un oiseau sur un fil, l’Aude, petit torrent que nous longeons désormais. Avant de venir, j’ai étudié le parcours de l’Aude car je sais que nous aurons l’occasion de côtoyer le fleuve. Ici, il vient de quitter le barrage de Matemale et descend vers celui de Puyvalador. Les deux barrages récupèrent et concentrent ses eaux dont la source ou plutôt les sources surgissent au pied du Mont Llaret (2.376 m) et du roc d’Aude (2.325 m), deux sommets débonnaires situés au dessus des Angles. Toutes ces sources s’écoulent en remplissant le lac d’Aude, situé à 2.154 mètres d’altitude, dont les eaux se déversent ensuite sous la forme d’un minuscule ru cherchant son chemin dans des prés humides et des tourbières. Au contact de quelques menus affluents, ce ru devient ruisseau puis torrent finissant sa course dans le lac de barrage de Matemale, le but final de cette récupération étant bien sûr de produire de l’électricité. De plus ou moins près, tous ces sites seront à l’ordre du jour de notre Tour du Capcir et feront partie, je n’en doute pas, des jolis souvenirs que nous en garderons. Le pont de la Mouline qui enjambe le torrent est atteint. Un poteau en indique l’altitude à 1.475 mètres et comme je sais que le col de Sansa est situé à 1.775m, inutile d’être agrégé de mathématiques pour calculer le dénivelé restant pour atteindre ce premier jalon. En ce qui concerne notre objectif, le refuge de la Font de la Perdrix, situé, lui, à 2.312 mètres d’altitude, il y a belle lurette que le dénivelé pour y parvenir est ancré dans ma tête : 837 mètres ! En réalité, c’est légèrement plus que ça puisque le Roc des Gourgs que nous devons franchir en cours de route est situé, lui, à 2.352 mètres. Il faut donc rajouter 50 mètres de déclivité supplémentaire. Toutes ces informations repères et distances, je les connais presque par cœur, car voilà bientôt trois mois que j’analyse et réanalyse le parcours presque quotidiennement. Après accord de Jérôme, j’ai pris la décision de ne pas emprunter l’itinéraire classique du Tour du Capcir qui, depuis le col de Sansa, monte au refuge Oller, ni cette variante qui par la Coume de Ponteils rejoint notre objectif : le refuge de la Font de la Perdrix. Non, connaissant bien ce secteur du Madres, j’ai décidé d’emprunter la voie dite de Passeduc, petit col herbeux permettant de gagner quelques kilomètres. En réalité, ce n’est pas à cause de ce gain de distance que j’ai construit cet itinéraire mais tout simplement parce que je sais que les panoramas sur le Capcir et le Haut-Conflent y sont tout simplement extraordinaires. Mon idée est d’amener mes compagnons de voyage au sommet du Pic de la Pelade (2.370 m) d’où les vues à 360° sur le Roussillon et la Catalogne en général sont, par grand beau temps, tout bonnement époustouflants. Mais en traversant le pont de la Mouline, nous n’en sommes pas encore là et je me dis que j’aurais bien le temps d’y penser dans quelques heures. Après les prairies verdoyantes et fleuries de cette minuscule partie du val de l’Aude, un premier petit bois de conifères est traversé. En sortant de ce bois, on aperçoit la fameuse Torre de Creu ou tout de moins ce qu’il en reste, c'est-à-dire quelques pans de murs amplement ruinés et inclinés, une espèce de tour de Pise en miniature qui aurait subi un énorme tremblement de terre. En zoomant sur elle avec mon numérique, j’ai même le sentiment qu’elle est encore bien plus ruinée qu’en 2006 quand j’étais venu la découvrir pour la première fois. Aujourd’hui, un tracteur est à ses pieds et j’imagine que des ouvrages de consolidation sont en cours. On laisse la vielle tour des comtes de Cerdagne à ses travaux pour entrer de plein pied dans une sombre forêt de grands résineux. Sur les cartes, cette belle et immense forêt qui sépare le Capcir du Conflent c’est la forêt domaniale de Cami Ramader où l’on trouve principalement des pins à crochets, des pins sylvestres, des sapins mais des quantités d’autres essences selon l’étage montagnard où l’on se trouve. Ce nom de « Cami Ramader » étant comme chacun sait le nom donné aux anciens chemins pyrénéens de transhumance. Nos drailles à nous en quelque sorte. Dans la longue montée vers le col de Sansa et après que Fred m’ait gentiment accompagné, pendant quelques temps, me voilà rapidement largué et pas seulement parce que je m’évertue à tenter de photographier le très beau lac de Puyvalador que l’on aperçoit en contrebas au travers des immenses pins. Non, mon cœur est un moteur diesel et le mettre en route avec de « bons » dénivelés dès le départ est toujours compliqué. Sans compter plusieurs kilos que j’ai amplement repris après une régime Dukan qui s’était avéré efficace mais seulement le temps des privations. Depuis ma « panse » a retrouvé une belle forme arrondie, arrondie mais pas idéale pour gravir des sommets. De ce fait, suivre le rythme de ces trois jeunes gens est une réelle épreuve pour moi mais tout au long de ces quatre jours, ils auront la gentillesse, la délicatesse et je dirais même l’élégance de m’attendre très souvent. Enfin, j’ai très souvent espéré que ce n’était pas de la commisération tant j’ai eu parfois conscience de les retarder et de freiner leur cadence et leur ardeur. Juste avant le col de Sansa, les arbres ont la bonne idée de s’écarter pour laisser la place à de jolies vues sur le lac de Puyvalador et les petits villages environnants. Des vues réduites et assez ternes à cause de cette chape nuageuse qui chapeaute toute la vallée et une grande partie du Capcir. 11 heures, le col de Sansa est atteint. Par bonheur, ici, sur cette vaste esplanade, le soleil et le ciel bleu sont encore largement de la partie mais je suis plutôt inquiet car je m’aperçois tout de même que cette masse nuageuse que l’on pourrait croire immobile, se déplace tout doucement dans notre direction. Une fois encore, je peste contre Météo France car au cours de tous les jours précédents notre départ, les prévisions ont été uniquement favorables et puis hier « patatras », tout a soudain changé ! Mais bon, s’ils sont responsables des prévisions, peut-on les considérer comme garants du climat et du temps qu’il va faire ? Jérôme prétextant une fringale, nous stoppons pour prendre un petit en-cas. Il est vrai que depuis Matemale nous n’avons observé aucune vraie pause et en plus, en me rappelant le temps de 2h10 que j’avais vu sur le panonceau, je suis étonné de constater que nous n’avons mis en réalité qu’1h30 pour atteindre le col. Alors, s’agit-il d’une vraie performance ou bien ne faut-il pas trop se fier aux temps indiqués sur les panonceaux ? Je ne sais pas répondre à cette question même si j’ai bien évidemment conscience que je suis monté bien plus vite qu’à mon habitude et que si j’avais été seul. Nous repartons et prenons la piste, variante du Tour du Capcir vers le Refuge des Estagnols. Ici, l’inclinaison de la piste est moindre et plutôt reposante. On profite pleinement des vues plongeantes sur la petite vallée de Cabrils ou l’on distingue le hameau de Sansa et le clocher de son église sous une vaste chape nuageuse. Mais mon regard est surtout attiré par le pic de la Pelade que j’ai gravi plusieurs fois et surtout par les quelques gros cumulus qui commencent à s’accumuler derrière lui. Ces nuages me tracassent car j’ai essentiellement axé cet itinéraire sur les panoramas que l’on peut y découvrir de là-haut. Peu après la bifurcation descendant vers le refuge des Estagnols, on délaisse définitivement l’itinéraire du Tour du Capcir dont le sentier suit sensiblement la Coume de Ponteils, petit torrent prenant sa source au pied du pic du Madres. On poursuit la piste qui zigzague au sein de la Jasse d’Ancréou, jasse dont je sais qu’elle va se terminer dans une vaste clairière où s’écoule le petit rec (ruisseau) dit de Pinouseil. Le Pinouseil est en réalité la vraie source de la rivière Cabrils dont on a aperçu le vallon peu après le col de Sansa. Là, dans la montée, et dans la sinuosité de la piste, on tombe nez à nez avec plusieurs chasseurs assis à proximité de leurs 4x4. On apprend avec étonnement qu’ils viennent d’autres départements et parfois même de très loin, uniquement pour chasser les gros gibiers : cerfs, chevreuils, mouflons, bouquetins et isards essentiellement. Ils viennent d’arrêter leur battue et en sont déjà à l’heure du déjeuner. Bien évidemment, une conversation s’instaure sur la faune locale et ils nous informent avoir vu pas mal d’animaux mais qu’ils n’ont rien tiré car les bêtes aperçues étaient surtout des femelles et qu’ils sont respectueux d’une bonne gestion. Nous sommes ravis de rencontrer des chasseurs intelligents. Nous leur souhaitons un bon appétit et poursuivons notre marche. Quelques minutes plus tard, la belle et vaste clairière est là, et comme il est midi pile, à notre tour, nous estimons que l’heure du déjeuner est enfin arrivée. Nous nous installons sur l’herbe et malgré un temps devenant de plus en plus maussade, la bonne humeur est de mise. Cathy s’enveloppant la tête d’un surprenant fichu en laine, bien évidemment les garçons ne la loupent pas et se moquent d’elle. Dans un ciel devenu mi-figue mi-raisin, deux grands rapaces tournoient au dessus de nos têtes en poussant des cris stridents. Pendant que les trois jeunes rigolent, moi, je suis plongé dans diverses pensées qui me préoccupent. La première, c’est la présence de ces chasseurs que nous venons de rencontrer et j’avoue que je n’avais pas pensé que la chasse était déjà ouverte à cette période. Ce qui me chiffonne, c’est que j’espère que le refuge non gardé de la Font de la Perdrix, qui est minuscule, ne sera pas déjà occupé par une troupe de ces « tartarins » ? En effet, si j’ai pensé à la présence d’éventuels randonneurs, cette idée ne m’a jamais vraiment inquiété car dans ce refuge, je n’y ai jamais vu personne installé, et en plus la saison des randonnées estivales est plutôt derrière nous. Mon deuxième tourment, c’est tous ces nuages qui arrivent sur nous, s’amoncellent et chapeautent la montagne. Parfois, la brume est si basse qu’une espèce de vapeur légère nous entoure et il en est ainsi au moment même où nous décidons de redémarrer. Ça m’inquiète d’autant plus que je connais très bien ce très rude dénivelé qui nous attend pour parvenir au col de Passeduc. Si l’itinéraire pour y parvenir est assez simple ; il suffit de suivre le rec de Pinouseil en grimpant dans la forêt puis dans les pelouses ; la déclivité, elle, est assez terrible puisque c’est deux kilomètres d’ascension pour 420 mètres de dénivelé soit une pente presque continuelle à 21%. Si je vous dis que le pourcentage de pente moyen de l’Alpe d’Huez accompli lors du Tour de France est de moins de 8% et au maximum de 14%, ça vous donne une bonne idée du dur raidillon qui nous attend. Dire que je redoute cette montée est un doux euphémisme car si je l’ai déjà accompli à plusieurs reprises, jamais je ne l’ai gravie avec dans le dos un tel sac de 15 kilos et avec les kilos très superflus que je trimballe ! Je tente néanmoins de relativiser cette ascension en me disant qu’aucun délai ne m’est imparti pour rejoindre le col puis le refuge de la Font de la Perdrix. Non, ce qui me chagrine surtout ça serait d’arriver tout là-haut la tête dans les nuages et de ne rien voir de tous les panoramas que j’ai promis à mes compagnons. Mais bon, on verra bien ! Après quelques hésitations quant à l’itinéraire à suivre car ici les « caminoles » tracées par les animaux sont très nombreuses, on finit par trouver le bon sentier sur le côté droit du rec. Presque immédiatement, la pente devient très abrupte et bien évidemment les écarts se creusent aussitôt. Jérôme a pris la tête, suivi de près par Fred. Cathy, elle, est définitivement décramponnée mais semble monter à son rythme qui est régulier et bien plus correct que le mien. Bien sûr, je ferme la marche et ne tente en aucune manière de suivre mes compagnons. Non, comme je le fais assez souvent quand je souffre en randonnée, j’essaie de penser à autre chose qu’à la douleur et à la balade elle-même. J’avoue que je déconnecte assez vite et assez facilement et ça m’aide énormément. Parfois, les écouteurs enfoncés dans les oreilles, j’écoute de la musique sur mon baladeur MP3. Mais là, je ne sais pas pourquoi, pas besoin de musique et mes pensées se transforment en un étrange questionnement du style : « Mais qu’est que je fous là à galérer avec ces trois jeunes gens bien plus en forme physique que moi ? » ou bien « j’ai mal dormi et le manque de sommeil se répercute sur ma forme physique mais est-ce une bonne excuse ? ». Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce questionnement, ce n’est ni du dépit, ni une repentance et encore moins un regret. Non, dans mon esprit, il n’y a aucune équivoque : « je suis très heureux d’être là, même si je galère comme jamais ! ». Alors ce sont des questions toutes simples dont je tente de trouver les réponses au plus profond de ma mémoire : « Pourquoi suis-je là à grimper cette montagne si abrupte ? » « Pourquoi, suis-je heureux de le faire malgré la souffrance ? » « Pourquoi, j’aime les forêts de sapins ? » « Les petits torrents aux eaux limpides ? » « Les fleurs des champs et des montagnes ? » « Les papillons et les oiseaux ? » « Pourquoi, quand je me retourne suis-je en émerveillement devant cet immense panorama ? » « En extase en regardant le vol d’un rapace ou en écoutant le chant d’un pinson ou d’une mésange ? » « Devant le regard d’un chevreuil ou celui d’un écureuil ? » » Pourquoi, suis-je fasciné par le simple bourgeon duveteux et transparent d’un saule au printemps ? » En une simple phrase : « pourquoi suis-je transporté de bonheur d’être au sein de cette Nature sauvage ? » Voilà, le genre de questions que je me pose. Des questions qui me font oublier mon calvaire et le fait même de m’élever. L’élévation physique disparaît au profit d’une élévation intérieure. Des questions que j’ai déjà eu l’occasion de me poser à quelques reprises et dont j’ai très souvent éludé les réponses soit parce que je ne les trouvais pas sur l’instant soit parce que la souffrance s’arrêtait et avec elle mon questionnement. Aujourd’hui, cette longue pente très raide va me laisser le temps du dénouement. Oui, la solution est à chercher dans mon enfance. J’ai soudain comme une révélation, sans doute parce que je souffre plus qu’à l’accoutumée et que l’épreuve durant en longueur, elle me laisse le temps pour une analyse suffisante. Concernant cet amour de la montagne et de la nature, un nom surgit comme un diable sortant de sa boîte et ne me quitte plus. Il revient désormais sans cesse. Un personnage que j’ai aimé grâce à ma mère quand j’étais enfant. Ce personnage, c’est Blek le Roc, un héros de bandes dessinées dont je lisais tous les numéros que ma mère m’achetait chaque semaine. Aujourd’hui, on appelle ça des « comics books », petits fascicules de quelques pages racontant une nouvelle histoire à chaque numéro. A l’époque, j’étais bien trop jeune pour parler l’anglais alors je disais « maman, donne-moi des sous pour Kiwi ! ». Car c’est bien dans ce petit périodique que j’ai découvert Blek le Roc pour la toute première fois. Sur les rayons du marchand de journaux de mon quartier de la Vieille-Chapelle à Marseille , les héros étaient plutôt nombreux à l’époque, car outre Blek le Roc, de très loin mon préféré, il y avait aussi Akim, Yuma, Kit Carson, Rodéo, Zagor, Nevada, etc… et j’en oublie bien d’autres…. Blek le Roc, c’était celui auquel je m’identifiais quand je partais jouer aux cow-boys et aux indiens avec une bande de copains de mon quartier dans les pinèdes et les sablières toutes proches du Massif de Marseilleveyre. Ces bandes dessinées, ma mère avait pris soin d’en lire quelques unes avant moi et elle savait qu’elles n’avaient aucun aspect négatif pour l’enfant que j’étais. Certes, on y trouvait des récits de batailles et de soldats mais jamais aucun mort et puis surtout la morale et la justice y étaient toujours présentes. Morale, justice, intrépidité, courage, adversité, tempérament et Nature, voilà quels étaient les ressorts permanents de ces bandes dessinées. Bien au-delà des justes et libertaires combats que Blek le Roc menait contre les « rouges » Anglais, les histoires se passaient aux Etats-Unis, au sein de magnifiques forêts de sapins et le plus souvent dans une prodigieuse Nature que mes fantasmes enfantins n’avaient aucun mal à imaginer et parfois même à enjoliver. Plus tard, voilà sans doute ce qui m’a donné ce goût pour la Nature sauvage, la montagne et ce plaisir sans cesse renouvelé d’atteindre un certain bien-être au travers des randonnées pédestres. J’en suis désormais convaincu. En grimpant vers ce terrible col de Passeduc, je suis entrain de rêver à tout ça, oubliant tout le reste, et j’en suis presque à m’imaginer que je suis un Blek le Roc vieillissant mais encore fringant, capable d’escalader les pentes les plus raides. Après tout, je viens de fêter mes 64 ans et c’est l’âge où mon père est décédé. « Sordide pensée » me dis-je au bout de cette dernière réflexion. En tous cas, il n’y a qu’un pas que je suis entrain de franchir, quand soudain deux hommes descendant la pelouse en courant me sortent de ma torpeur et presque à regrets de mes songes enfantins. Dans ma poitrine, mon cœur se met à nouveau à battre la chamade. En réalité, il devait battre depuis pas mal de temps déjà et j’éprouve aussitôt le besoin de m’arrêter pour me désaltérer. Mes acolytes sont bien au dessus de moi maintenant et je les aperçois bien loin sur la pelouse pentue. Je ne me remets en route qu’une fois les battements de mon cœur bien stabilisés. Au fur et à mesure que je grimpe, j’ai le sentiment que la pente s‘accentue mais à un moment et en regardant sur le côté droit, je constate que les petits pins ont carrément disparus et ont laissé la place à un sol aride et pierreux. Aussitôt, je reconnais les flancs du pic de la Pelade et je sais que Passeduc n’est plus très loin maintenant. D’ailleurs, en levant la tête, j’aperçois Jérôme qui accourt vers moi et quand il arrive à ma hauteur, il me dit : « Eh, tu es bien pâle ! ». « Tu es même très blanc ! » et il rajoute « tu te sens bien ? » et dans la foulée, il me dépossède de mon sac à dos et remonte aussitôt vers le col que Fred et Cathy ont déjà atteint depuis de longues minutes. Oui, c’est vrai, je suis très essoufflé mais je me sens plutôt bien physiquement et en plus, il ne me reste plus qu’une centaine de mètres à accomplir. Mes jambes vont bien et je mets cet essoufflement plus sur le compte de l’altitude que d’une vraie fatigue même si ce n’est pas « le top » aujourd’hui. Comme toujours avant l’accomplissement d’un projet tel que celui-ci, j’ai assez mal dormi cette nuit. A vrai dire très peu et il faudrait que je récupère. Mais le pire est surtout au moral. Là, en regardant le ciel, je prends vraiment un gros coup sur la tête. Je suis complètement dégoûté car une brume humide mais heureusement sans pluie recouvre toute la crête. Le sommet du pic de la Pelade pourtant tout proche est invisible et quand je propose son ascension, j’essuie un refus catégorique de tous car personne ne trouve d’intérêt à s’y rendre dans cette brume qui enveloppe tout. Comment leur en vouloir ? Sur l’autre versant du col, les vues sur le Conflent sont amplement bouchées et on ne distingue pas le millième des beaux panoramas que j’ai vu lors de mes précédentes venues. A nos pieds mais sous une épaisse couche nuageuse, seules les vues plongeantes sur les Mouillères, vers le Pla de la Baillette et le col du Portus sont visibles. Au dessus, le Mont Coronat et le Puig d’Escoutou apparaissent et disparaissent au gré des nuages qui filent vers l’est. Je suis écoeuré et triste à crever car bien avant le départ, j’ai souvent imaginé décrire à mes compagnons toutes ces beautés qui, par grand beau temps, se dévoilent jusqu’à la Méditerranée. Je prends aussitôt la tête de la marche car sur ce Pla des Gourgs je connais bien les petites caminoles qu’il faut prendre pour atteindre le bord du cirque afin d’avoir au moins de jolies vues plongeantes à regarder. Par temps clair, on voit très loin mais on prend également plaisir à regarder en contrebas les prairies et le lac d’Evol encore appelée Gorg Nègre. Mais Jérôme qui ne marche qu’avec son G.P.S me rappelle à l’ordre et décide de suivre le tracé qu’il a enregistré. Ce tracé, c’est le chemin le plus droit, le plus direct et donc le plus court, mais c’est aussi celui qui passe le plus à l’intérieur du plateau. Mais comme avec cette météo maudite, mon moral en a déjà pris un coup, je ne dis rien, je rentre dans le rang et suis les autres bien sagement comme je l’ai fait depuis Matemale. Je ne dis d’autant rien que je sais que les vues espérées sur le lac s’entrouvriront un peu plus tard et bien mieux encore depuis le refuge de la Font de la Perdrix. Dès le Roc des Gourgs atteint, le Gorg Nègre, objet de tant de mauvaises légendes, fait son apparition. Dans la foulée, Jérôme aperçoit au loin le refuge de la Font de la Perdrix avec sa toiture rouge. L’arrivée de cette première étape n’est plus très loin maintenant mais je sais que le chemin n’est pas très facile pour l’atteindre. Ici, il faut en permanence zigzaguer au milieu des tourbières et des fondrières pas toujours très praticables. De surcroît, après cette zone humide, les magmas rocheux granitiques prennent le relais. Il faut très souvent les contourner ou bien les gravir, se méfier des petits genévriers très ras, nombreux, touffus, piquants et ligneux quand ils sont secs. Quand le refuge apparaît, là, tout proche, j’ai une sensation de soulagement, du devoir accompli. En tous cas, c’est mon sentiment personnel. 14h45, le refuge est là et j’avoue que je suis ravi de constater que nous sommes les premiers à l’occuper. Dans l’espoir que nous continuerons à être les seuls occupants, la première initiative de chacun de nous est de choisir son emplacement pour la nuit. Jérôme s’approprie le bat-flanc du haut, alors que Cathy opte pour celui du bas dans le coin contre le mur du fond. Bien évidemment, Fred sera à côté d’elle et moi, je dormirais à côté de Fred et je serais ainsi au plus près de la fenêtre mais surtout de la porte, ce qui me convient très bien dans le cas où je serais pris d’une envie pressante pendant mon sommeil. C’est bien rare que ça n’arrive pas au moins une fois dans la nuit ! Après quelques photos des positions de chacun d’entre nous, je constate que la porte en métal n’est pas d’une herméticité exemplaire mais j’ai bon espoir que le poêle qui se trouve dans le coin opposé sera suffisamment puissant pour réchauffer toute la pièce, qui par bonheur est de taille plutôt réduite. D’ailleurs, dans un ensemble quasi parfait, nous décidons que la deuxième résolution qui s’impose est d’aller chercher un maximum de bois. Alors que je m’apprête à partir avec eux, les garçons me demandent de rester au refuge pour surveiller les affaires. Les garçons disparaissent derrière le refuge alors que Cathy part à l’opposé. Je la vois qui descend à même le flanc du vieux cirque glaciaire en quête de petits branchages bien secs de genévriers. J’avoue que je stresse un peu de la voir là, en équilibre précaire et périlleux, sur les pentes du gourg et je ne peux m’empêcher de lui faire observer qu’il n’est peut-être pas utile de prendre autant de risques pour un peu de bois. Mais, se retournant vers moi, elle m’affirme qu’elle a le pied sûr et avec une platitude déconcertante, elle continue sa besogne, comme si de rien n’était. Elle revient au refuge chargée de bois puis repart, me laissant avec mes craintes car même si j’ai acquis la certitude que ses pieds sont d’une incroyable assurance, le propre d’un accident est d’être imprévisible. En randonnée, je tombe régulièrement et sais que ce n’est jamais voulu ! En d’autres occasions, elle me prouvera sa grande assurance, son absence de vertige et de toute appréhension des « écueils » de la montagne. A cet instant, et alors que je suis assis sur le palier de la porte, un oiseau vient se poser à quelques mètres de moi, bien en évidence sur un bloc de granit. En l’observant, je m’aperçois que son poitrail a les mêmes colorations que le granit, gris tacheté de petits points noirs et je me demande si c’est une coïncidence ou bien du mimétisme. Sans crainte, il se laisse gentiment photographier de longues minutes, puis effrayé par les garçons qui reviennent les bras amplement chargés de bois, il s’enfuit. Je vérifie et constate qu’il est magnifiquement enregistré dans mon numérique et plus tard je l’identifierais comme un Accenteur Mouchet (Prunella modularis). Quelques minutes plus tard, d’autres oiseaux passent au dessus de ma tête et viennent se poser au sommet d’un petit pin situé à l’arrière du refuge. Eux sont plus reconnaissables avec leurs gros becs croisés dont ils ont reçu le nom. Ces deux Gros becs croisés des sapins (Loxia curvirostra) auront eux aussi les honneurs de mon numérique. Après la moisson de bois que nous avons entreposé devant le refuge dans un endroit adapté à cet effet, Fred s’est mis en tête de partir à la découverte de la fameuse « Font de la Perdrix », source coulant des entrailles de la terre par un petit tuyau de PVC et que j’avais moi-même découvert par hasard lors d’une précédente visite. Il trouve la source mais il met de longues minutes à remplir une simple gourde tant le filet qui s’en écoule est fluet en cette fin d’été. Entre occupations, courtes balades autour du refuge et photos, l’après-midi passe bien vite. Vers 17 heures, le ciel, qui jusqu’à présent, avait été plutôt clément, devient carrément pourri. La brume qui nous avait enveloppée au col de Passeduc, mais qui avait eu la délicatesse de nous épargner depuis notre arrivée au refuge, refait sa réapparition. Encore plus dense et surtout plus humide et plus frais car poussé par un petit vent du nord plutôt farouche, ce brouillard monte du Capcir, enveloppe le Madres et redescend dans les vallées du Conflent. Ce petit vent glacial, ici, en Capcir, on l’appelle le « Carcanet » et tel un petit carcan, il vous enveloppe sans vergogne d’une froidure et d’une brume grisâtre. Avec ce Carcanet et cette affreuse météo, nous sommes contraints de rester à l’intérieur du refuge. D’ailleurs, cette fraîcheur extérieure se fait aussitôt sentir à l’intérieur mais heureusement, après de longs essais infructueux pour allumer le poêle, ce dernier a la bienveillance de démarrer. Il faut reconnaître que ce poêle tire à merveilles et même au-delà de nos espérances, dégageant une agréable chaleur ambiante. C’est dans cette douce tiédeur que la soirée se termine entre parties de solitaire faites de petits cailloux et alimentation en bois permanente du poêle. Nous sommes en septembre, la nuit tombe bien vite et vers 19h, l’heure du souper sonne déjà. Même si l’étape n’a pas été très longue, la bonne montée vers le col de Sansa puis celle plus terrible vers le col de Passeduc ont laissé quelques traces de lassitude sur nos organismes et personne ne rechigne à intégrer rapidement son duvet. Demain sera un autre jour. Personnellement, et avant de m’endormir, je croise les doigts pour que les trois prochaines journées soient bien meilleures sur le plan météo. Il faut impérativement que le beau temps soit de la partie car connaissant bien le Madres, les étangs des Camporells et le lac des Bouillouses, je sais que c’est la condition sine qua none pour que ce Tour du Capcir soit une vraie réussite. Il y a un an, Fred et Jérôme sont déjà venus dans le Capcir faire du VTT et ils avaient eu une météo pourrie alors ne serait-ce que pour eux, je ne souhaiterais pas que cette mauvaise expérience se renouvèle. Dans le silence du refuge, mes pensées s’emmêlent entre mes désirs d’un temps meilleur et mes souvenirs d’enfance qui sont remontés à la surface comme une grosse bulle d’air. J’ai fini par mettre le nom de Blek le Roc à cette question qui me turlupinait : « pourquoi j’aime autant la randonnée pédestre ? » Force est de reconnaître que dans ma tête, Blek retrouve la place qu’il avait quand j’étais enfant. D’un autre côté, avoir obtenu une réponse à mon questionnement me rassure. Quand je pense à lui et me remémore mes vieilles lectures enfantines, je me souviens d’un homme qui ne doutait jamais de lui. Il ne connaissait que le succès ! Alors j’essaie de m’endormir avec des certitudes similaires et me voilà de nouveau plongé dans la peau de mon héros favori. Quand des rêves de gamin reviennent 50 voire 55 ans plus tard, c’est un pur plaisir. Merci maman, tu avais vu juste en m’achetant sans cesse Blek le Rock. Ces bandes dessinées parlaient de batailles mais elles étaient surtout bourrées de justice, de sagesse, de morale, de civisme et de Nature, et apparemment c’est surtout cela que j’en ai retenu ! Je m’endors avec Blek le Roc gambadant à mes côtés, en plein soleil sous un immense ciel bleu ! Les rêves enfantins ne meurent jamais. Ils ont la vie dure et me remémorer tout ça aujourd’hui ajoute probablement à mon bonheur d’être là, à faire ce Tour du Capcir avec Jérôme et ses sympathiques et très gentils amis, même si je garde tous ces souvenirs pour moi. Mais comme un bonheur n’arrive jamais seul, je veux rester positif. Je sais qu’il y en aura d’autres et découvrir avec eux cette superbe région me rend très heureux.
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Urbanya, 5 août 2020. Il est 6h30. Assis sur le canapé avec mon plateau repas sur les genoux, je déjeune devant la TV comme je le fais parfois. Si je dis parfois, c’est parce qu’assez souvent je déjeune plutôt sur la terrasse, surtout quand il fait très beau comme c’est le cas aujourd’hui. En réalité, aujourd’hui, rien n’est comme d’habitude. Mon sac à dos est déjà prêt et je m’apprête à partir pour une balade qui doit m’amener au « Roc et au Bac de Torrelles (*) ». Voilà déjà plusieurs jours que je me prépare à cette longue randonnée sans doute pas facile pour mes vieilles jambes. Il y a 6 ans déjà, en août 2014, je m’étais rendu dans ce secteur de la montagne conflentoise pour une randonnée que j’avais intitulée « Le Canal d’Urbanya ». Si j’ai envie d’y retourner, ce n’est plus pour le canal que je connais désormais mais parce qu’à l’époque, ce Bac de Torrelles, je l’avais décrit comme un « sanctuaire ornithologique ». En effet, j’y avais aperçu tant d’espèces différentes de passereaux que c’était le seul vocable que j’avais trouvé pour décrire ce lieu de rassemblement avien. A l’époque, le zoom de mon appareil-photo ne m’avait pas permis de photographier tous ces oiseaux comme je l’aurais voulu. D’ailleurs, autant l’avouer, on ne photographie jamais les oiseaux comme on le veut ! Depuis, j’ai changé d’appareil et j’ai donc envie d’y retourner. Ça c’est la première raison. La deuxième, c’est que je constate d’années en années qu’il y a de moins en moins de passereaux à Urbanya et dans ses alentours. Je sais que cette situation est générale mais je ne me fais pas à cette idée de voir disparaitre les oiseaux et plus globalement la faune quelle qu’elle soit. Ici à Urbanya, je marche quand même beaucoup, je fais constamment ce constat et je veux aller voir s’il se vérifie également à une altitude plus élevée. Comme vous l’aurez compris, je veux consacrer l’essentiel de cette longue excursion à photographier les oiseaux mais par expérience je sais qu’il n’y aura pas que ça ! Comme toujours, le plaisir de marcher sera là et les occasions de découvrir bien d’autres choses aussi. Voilà pour les objectifs.
Alors que je me lève du canapé et regarde vers la porte d’entrée, je suis intrigué, car au travers de la vitre et du rideau qui la protège, je crois voir un chat que je ne connais pas. Il est entrain de manger dans la coupelle des deux chats que nous gardons. Les deux nôtres sont Kiwwie, la chatte de ma fille, et Flip le chat du vacher Philippe. Tous les deux sont très noirs et celui-ci est roux. En réalité, et alors que je m’approche de la porte, je constate qu’il ne s’agit pas d’un chat mais d’un renard sans doute très affamé. Il est d’un roux plutôt clair. Par bonheur, mon appareil-photo est posé sur un meuble, je m’en saisis et peux immortaliser cette image insolite d’un renard mangeant sur le balcon. Il est temps que je parte car l’itinéraire que j’ai programmé est long, difficile et probablement incertain, car en 6 ans, les parties hors-pistes, hors chemins et hors sentiers balisés risquent d’avoir quelque peu évolué défavorablement. Dans nos montagnes, les débroussaillages ne sont plus ce qu’ils étaient il y a quelques années. Je le constate régulièrement sans pour autant me l’expliquer. De plus, photographier les oiseaux nécessitent que je m’attarde très souvent, et bien évidemment, cet état de fait est peu compatible quand il y a une longue distance à parcourir. Enfin, à partir du pic Lloset (1.371 m), j’ai décidé d’éviter les pistes et d’enchaîner avec le pic de la Moscatosa (1.457m) et le Roc de Peirafita (1.535 m) en montant direct puis en longeant les clôtures. Si je connais bien tous ses modestes sommets, je sais qu’il faut très peu de temps pour que la végétation reprenne ses droits. Je ne crois pas si bien dire ! Un bisou à Dany et je démarre. Il est 7h tapantes. Le vallon d’Urbanya est encore à moitié dans la pénombre. Dès les premiers mètres, une couleuvre à échelons arrête mes pas. Elle est immobile contre un mur. J’ai tout loisir de la photographier. Je la titille du bout de mon bâton de marche mais elle semble insensible. Finalement et alors que je m’y attends le moins, elle part se réfugier entre les pierres d’un muret. Je démarre vraiment. Un peu plus haut, quelques papillons et surtout plusieurs oiseaux m’arrêtent encore me faisant déjà mentir quant à leur raréfaction. Je l’avoue, je suis indécis quant à cette balade et au reportage que je dois en faire. D’un côté, j’ai une envie folle de photographier un maximum d’oiseaux et de l’autre, ma crainte est que si j’y parviens, mon reportage soit contraire à ce que je constate le plus souvent, c’est-à-dire une forte diminution de leur contingent. Cette longue montée vers le pic Lloset, je la connais bien. J’en connais chaque secteur et sais où je peux éventuellement photographier chaque espèce d’oiseaux. Si les moineaux, les rouges-queues noirs et les merles ne dédaignent pas les habitations et donc la proximité de l’homme, les épineux sont les repaires des fauvettes, tariers et autres accenteurs. Les bruants et les traquets ont une nette préférence pour des buissons plus élevés, style hauts genêts et buissons à baies. Les pinsons, les gobe-mouches et les bouvreuils préfèrent les arbres légèrement plus hauts sans distinction. Les mésanges sont plus sélectives selon les espèces, certaines préférant les feuillus et d’autres les résineux. Idem pour les roitelets. Les pics, les geais et les sitelles sont plus enclins à faire leurs nids au faîte des arbres les plus hauts d’une forêt. Encore que cette règle soit constamment contredite car aucun oiseau ne rechigne à évoluer parterre s’il y trouve une nourriture à son goût. La nourriture parlons-en, car il y a des insectivores, des frugivores, des granivores et des omnivores. Ces derniers que l’on peut également qualifier d’opportunistes sont les mieux préparés pour affronter des conditions climatiques contraires à leurs habitudes. Ajoutons à ces différents aspects, le fait que certains oiseaux sont seulement visibles à certaines altitudes, d’autres préfèrent la proximité de secteurs rocheux, d’autres vivent dans des zones humides, d’autres ne sortent que la nuit, etc… Oui, rien n’est jamais simple quand on veut photographier les oiseaux, mais je sais surtout qu’il faut marcher avec discrétion, silence et bien sûr constamment aux aguets. C’est donc en essayant de respecter au mieux toutes ces conditions que je m’élève vers le pic Lloset. Après la ferme de Philippe, la chance est avec moi sous les traits d’un chevreuil que je réveille mais qui finalement s’arrête pour me regarder avant de rebondir de nouveau. Cet arrêt lui aurait été fatal si j’avais été chasseur. Cette fois, il s’en tire à bon compte et aura sa « bobine » dans mon diaporama. En cette saison, la végétation étant fournie quel que soit l’étage montagnard, le nombre d’observations d’oiseaux et la chance de réaliser une belle photo sont des paramètres que l’on ne peut pas maîtriser mais seulement favoriser en respectant du mieux possible les conditions précitées. C’est ce que je fais avec plus ou moins de bonheur sans négliger le reste de la faune mais également la flore que j’aime à recenser en toutes saisons car je ne suis jamais à l’abri d’une agréable surprise. C'est le cas notamment avec une campanule blanche jamais vue jusqu'à présent et une mauve alcée plutôt rare par ici. Il est 9h20 quand j’atteins la crête à proximité du pic Lloset. J’estime à une quinzaine le nombre de clichés d’oiseaux, sans pour autant en connaître la qualité. Si un tiers est réussi je serais satisfait. Le clou de cette montée étant toutefois un deuxième magnifique chevreuil qui s’est immobilisé longuement sur la piste à une trentaine de mètres de moi me laissant toute latitude pour l’immortaliser. Ici, je délaisse la piste qui continue à droite, enjambe la clôture et me dirige vers le tout nouveau pylône dont j’ai appris qu’il avait été installé par Bouygues pour développer son réseau mobiles. Je le rejoins et poursuis tout droit en direction du pic de la Moscatosa. 3 oiseaux sortent des graminées et vont se jucher dans les grands sapins dominant la piste. Je m’y dirige. Il s’agit de grives musiciennes et c’est avec bonheur que je parviens à photographier la plus visible qui a fait le choix de se poser vers le bas du sapin le plus proche. Rien de notable jusqu’au pic de la Moscatosa or mis quelques papillons et un imposant criquet du nom d’Ephippigère des vignes. Si la faune et la flore agrémentent ma randonnée, les paysages grandioses vers les massifs du Canigou, du Coronat et du Madres ne sont pas en reste. Je ne m’en lasse pas. Vers le nord, la vision approximative mais lointaine que j’ai du Roc de Torrelles ne me décourage pas. Il est tôt et j’ai la journée devant moi. Rien de notable non plus dans la descente très boisée du pic de la Moscatosa or mis de nombreux papillons dans les rares parties en clairière et donc moins ombragées. Il suffit de longer la clôture pour rejoindre un chemin qui monte vers le Roc de Peirafita. Ici, et comme je le craignais, la végétation a repris ses droits. Depuis 2014, aucun débroussaillement n’a été entrepris et les genêts s’étant puissamment développés en hauteur et en largeur, ils forment une barrière presque infranchissable. Si je dis « presque », c’est parce qu’à force d’insister dans les trois directions envisageables, je finis par trouver une vieille clôture faite de gros pieux et de fils de fer. Dès lors que je la franchis, tout redevient normal. Très vite, les genêts laissent la place à un nouvelle forêt de résineux où s’égayent d’innombrables pinsons. Finalement, j’atteins la clairière où le Correc de la Pinosa et le canal d’Urbanya font une jonction. Il est 11h30. Dans ce lieu isolé, la présence d’une imposante pelle mécanique m’interpelle. Pas pour longtemps, car dès lors que j’emprunte le petit sentier longeant le canal, je comprends très vite que l’engin est là pour le réhabiliter. Je ne sais pas si ce travail est compliqué mais je ne vois pas dans cette nouvelle rigole une grosse différence avec celle que j’avais suivie en 2014. Bien au contraire. Elle est un peu plus large certes mais l’eau n’y circule pas plus mais surtout le sentier qui suivait le séculaire canal qui était plane et rectiligne, n’est désormais qu’une masse informe faite de glaise, de grosses pierres et de mottes de carex. Les parties encore planes et régulières sont rares et quand ce n’est pas le cas, l’emprunter équivaut à cheminer de petites montagnes russes inconfortables car peu stables voire carrément glissantes et « casses-gueules ». Au fur et à mesure que j’avance, mon constat est toujours le même : l’eau n’y circule pas mieux et pas plus. En tous cas pas aujourd’hui. Pourtant le printemps a été relativement pluvieux. Pour atteindre le Bac de Torrelles, à l’endroit même où ce lieu-dit devient une zone humide, je mets le double de temps par rapport à 2014 et ce, sans que les oiseaux en soient vraiment les responsables, même si leur présence est constamment là. Dans cet enchevêtrement peu aisé à arpenter, ma seule satisfaction est de voir des oiseaux. Il est midi et si les oiseaux sont certes présents, je ne retrouve pas ni en nombres d’espèces ni en nombre tout court, le « sanctuaire ornithologique » de 2014 ! Je détiens la preuve que l’avifaune se raréfie à tous les étages montagnards. Indifférent à ma présence, une Buse variable traverse le petit vallon du bac sans s’arrêter, ce qui signifie peut-être que son garde à manger est situé ailleurs. A l’ombre d’un grand pin à crochets et face au Canigou, je stoppe pour piqueniquer. Alors que j’ai d’abord choisi cet endroit comme étant le plus sec possible, en quelques minutes, il devient un bel et inattendu observatoire. Pinsons, tariers, fauvettes, accenteurs, mésanges, pouillots, bruants, gobe-mouches et linottes tournoient autour de moi et de cet « arbre de vie » de manière inespérée. Tous ne se laissent pas photographier facilement mais peu importe je suis satisfait de les observer. Pour preuve, dès lors que le piquenique est terminé et que je pars patauger dans les tourbières, tout devient plus compliqué car les passereaux se font plus discrets. Je me rattrape un peu avec la flore discrète de cette zone humide. 13h15, Il est temps de me mettre en route vers le Roc de Torrelles. Je continue à suivre le ruisseau de Torrelles jusqu’à ce qu’il devienne un étroit mais fougueux torrent descendant dans le vallon. J’allume mon GPS pour en retrouver le tracé que j’y ai enregistré. Ici, ce tracé est censé suivre des pointillés c’est-à-dire un sentier que j’ai observé sur la carte IGN, mais malheureusement même en respectant ce dernier il n’y a rien de concret sur le terrain. La carte IGN de mon logiciel CartoExploreur datant de 1997, elle est devenue obsolète et depuis, les pins ont tout envahi. Je comprends immédiatement qu’il ne faut pas que je continue dans cette voie et surtout qu’il faut que j’arrive à m’extraire de cette partie trop boisée. Je m’élève un peu et finis par trouver un semblant de sentier. Il se faufile dans un bois moins dense et surtout il finit par apparaître comme un vrai sentier, certes pas fréquenté du tout par les hommes et uniquement par des animaux, mais peu importe, il est bien visible sur cette pelouse faite de très bas genêts et de fétuques. Dans les Pyrénées, ces petits sentiers sont parfois appelés « caminoles », quant à ces graminées, il s’agit du très présent « gispet » (Festuca eskia ou flavescens). Le « gispet » pousse en mottes. Autant dire que cheminer ce sentier tout bosselé est aussi compliqué sinon plus que les monticules de glaise du canal. Mais mon objectif final, c’est-à-dire la crête du Bac de Torrelles étant toute proche, je ne désespère pas de l’atteindre. De plus, l’endroit étant fréquenté par plusieurs Becs croisés des sapins et quelques fauvettes huppées, le temps passe plus vite. En 30 minutes, c’est chose faite, sauf que j’ai loupé le Roc de Torrelles que j’aperçois juste en contrebas à une centaine de mètres. Un coup d’œil sur mon GPS et je ne suis pas à 1.745 m d’altitude comme l’indique mon bout de carte IGN mais bien 91 m plus haut à 1.836 m exactement sur un éperon rocheux sans nom. Une fois encore peu importe car mon objectif était d’abord d’atteindre cette ligne de crête où les vues s’entrouvrent de manière incroyablement grandiose sur la vallée de Nohèdes et tous ses alentours. Sur ma droite, l’horizon lointain est constitué d’un petit bout de la chaine pyrénéenne qui se détache au-dessus du col du Portus. Plus près le Puig d’Escoutou et le Pic Pelade, déjà gravis en d’autres occasions. En dessous, le Pic de la Creu avec à son pied l’Estany del Clot à peine perceptible. Devant moi, le Mont Coronat, dont j’ai une représentation encore jamais vue sous cet angle, et surtout plus imposante et massive que toutes celles aperçues jusqu’à à ce jour. Au loin, la Méditerranée, l’éternel et majestueux Canigou. Sur ma gauche le pic de Portepas. Enfin autant d'endroits plus ou moins faciles que j'ai déjà cheminés un jour mais également une grande partie du parcours effectué ce matin (Lloset, Moscatosa, Peirafita). Juste au-dessus le Roc de l’Aigle et ses 1.931 m que j’avais envisagé un instant de gravir avant de me raviser car j’estimais qu’il ne m’apporterait rien de plus si ce n’est une déclivité supplémentaire. Bien m’en a pris car après m’être octroyé une demi-heure de repos, me voilà déjà sur le chemin du retour. Est-ce la répétition de ce sentier très bosselé mais je n’ai pas fait 100 m qu’une violente douleur surgit dans l’aine côté gauche ? Ma jambe gauche est quasiment paralysée, je ne peux la tendre ni poser le pied à terre. Je m’allonge sur l’herbe, bois une grande gorgée d’eau et attend 5 minutes. La douleur s’estompe puis disparaît. Je repars avec une inquiétude certaine. A juste titre, car 30 m plus loin c’est autour de l’aine droite avec une douleur similaire. Re-repos, nouvelle gorgée d’eau et je repars une deuxième fois pour 100 m de mieux. Nouvelles douleurs mais cette fois dans les deux aines simultanément. C’est quoi ces douleurs ressemblant à des tendinites ? Là, je me dis que je suis mal barré, tout seul et nulle part au milieu de la montagne même si mon smartphone dort au fond de ma poche. J’y jette néanmoins un coup d’œil et comme je m’y attends souvent en pareil cas, seuls les appels d’urgence sont joignables. Pourtant une amie vient de m’appeler par erreur 20 minutes auparavant. C’est incompréhensible et c’est bien la peine d’avoir pris un forfait Bouygues, ce même Bouygues qui vient d’installer un pylône au pic Lloset à quelques kilomètres à vol d’oiseau me dis-je ! J’essaie de positiver en oubliant un éventuel appel au secours, de garder mon sang-froid et m’allonge une nouvelle fois. Plus longtemps cette fois-ci. 15 bonnes minutes. Les gorgées d’eau se succèdent et par bonheur, j’ai encore de l’eau en quantité suffisante. Les aliments également. Les douleurs disparaissent très vite une fois encore mais je fais le choix d’attendre quelques minutes de plus. Un Bec croisé femelle vient se poser à quelques mètres de moi et m’observe comme pour me défier. Je n’oublie pas que je suis là en partie à cause de lui. Je le photographie puis redémarre. Plus prudemment que jamais, posant mes pieds bien à plat autant que c’est possible. Les douleurs ne reviennent pas. L’heure a tourné, tourne encore mais il n’est que 14h15 quand je retrouve la rivière de Torrelles. Je me dis que si les douleurs ne reviennent plus, j’ai largement le temps de retourner à Urbanya, même à cloche-pied. Je fais le choix de transformer ma flânerie habituelle en un « train de sénateur » que j’espère « thérapeutique ». J’ai l’âge pour ça ! Je fais également le choix de ne plus sortir de l’itinéraire normal même pour photographier la faune. Ça c’est plus difficile et ce d’autant plus que pour la première fois, j’aperçois deux lézards au Bac de Torrelles. Probablement des « vivipares » au regard de leur aspect plus ramassé que celui du Lézard des murailles. Je ne résiste pas à les suivre pour tenter de les photographier. Un seul aura le privilège de faire partie de mon bestiaire. Idem pour un Bruant fou qui sort de son bain et vient se sécher au soleil sur une branche dénudée. Ce sont mes derniers écarts et dès lors que les tourbières puis que le canal d’Urbanya se présentent, je ne peux plus guère faire le fou. Ici la prudence est de mise si je ne veux pas retrouver ces douleurs qui m’étaient jusqu’à présent inconnues. Je réveille un dernier cervidé mais celui-ci échappe à mon appareil-photo me laissant juste son arrière-train comme ultime souvenir. Je termine le canal sans problème et je fais le choix de continuer à descendre en suivant le Correc de la Pinosa. Je sais que c’est la manière la plus courte pour couper le Bac éponyme et retrouver la piste forestière la plus proche et surtout la plus praticable. Celle de la Fajosa. A 15h40, c’est chose faite. Définitivement rassuré, je finis mon casse-croûte au bord de la rivière Urbanya tout près de la jolie citerne DFCI. Immanquablement, cette citerne me rappelle mon Tour du Coronat effectué en 2007. Joliment peinte en vert avec des dessins d’animaux, sanglier et cerf notamment, à l’époque c’était la toute première que je la voyais. La suite et la fin sont presque sans intérêt tant j’avais fait du Roc et du Bac de Torrelles mes objectifs majeurs. Sans les embroussaillements nombreux, sans les difficultés répétitives en longeant le canal puis sur les gispets, sans mes douleurs aux aines et avec une avifaune aussi présente qu’en 2014, j’y aurais sans doute passé une heure voire une heure et demi de plus. Quantitativement, j’ai vu moins de passereaux mais plus d’espèces même si certaines n’ont pas été observées. C’est le cas de pipits, de roitelets, de grimpereaux, de pies-grièches et d’alouettes aperçus en 2014. C’est aussi le cas des bruants proyers qu’à l’époque j’avais vu en grand nombre sur la crête des pics Lloset et Moscatosa. C’est donc avec un sentiment mitigé que je termine ce vagabondage « perso ». Si j’écris « vagabondage perso », c’est parce que ce parcours n’est pas une vraie randonnée même si en terme de décors, il mérite largement que tout randonneur y consacre une belle journée. Pour moi, cette journée se termine en une sorte d’apothéose ornithologique. En effet, alors que je rejoins ma petite maison, des milliers d’hirondelles des fenêtres ont choisi le ciel d’Urbanya et surtout les grands frênes et noyers qui sont juste devant ma maison comme étapes à leur long voyage qui va les entraîner sans doute vers l’Afrique sub-saharienne. En conclusion, et même si la raréfaction des passereaux que j’appréhendais était fondée, je vais garder ces belles images très encourageantes de milliers d’hirondelles tournoyant dans le ciel d’Urbanya. Il est 17h50. J’ai été sur les sentiers pendant 7h50. Telle qu’expliquée ici, la distance parcourue a été de 19,5 km pour des montées cumulées de 1.458 m. Le dénivelé a été de 961 m entre le point le plus bas à ma maison d’Urbanya à 875 m d’altitude et la ligne de crête atteinte au-dessus du Roc de Torrelles à 1.836 m. Cartes IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul-de-Fenouillet et IGN 2249 ET Font-Romeu – Capcir Top 25.
(*) Toponymie et étymologie du nom « Torrelles » : Il semble que cette toponymie ne pose guère de difficulté. C’est ainsi que la page de Wikipédia consacrée à la commune de Torreilles on peut lire ceci : « Ce nom apparaît dès 956 sous la forme Turrilias. Du xe au xiie siècle, cette graphie coexiste avec Torrelias. En 1122, on trouve aussi la forme actuelle en catalan, Torrelles.
De nos jours, en catalan, le nom de la commune est Torrelles de la Salanca.
Étymologie
La Torre désigne bien sûr une tour ou un ouvrage défensif, mais aussi par extension toute maison rurale dotée d'une tour de refuge. Le suffixe latin -ellu (que l'on retrouve aussi dans le nom de Saleilles, à proximité) est un diminutif. Mis au pluriel sous la forme Les Torrelles, le nom peut alors désigner un ensemble de petites fermes équipées de tours défensives ou de refuge.
Sur son site Internet et toujours à propos de Torreilles, l’historien Jean Tosti confirme plus précisément cette idée en indiquant qu’« on a affaire à des petites tours (en français tourelles), sans doute un groupe de petites fermes ayant chacune son propre système défensif.
Dans son ouvrage « La colonisation agricole romaine à travers les toponymes des Pyrénées Orientales », Henri Guiter nous apprend que plus avant (de métairies romaines proches de la côte méditerranéenne) se trouvaient des ouvrages de signalisation ou de protection du rivage « Torrilias en 898 provenant de Turriculas ». Outre les définitions précitées, le Dicolatin nous apprend que le mot « Turricula » désigne un « pigeonnier ». De ce latin « turricula », le français en a tiré l’adjectif « turriculé » qui signifie « qui a l’aspect d’une petite tour » en évoquant des coquillages.
Notons enfin que lorsque on tape « torrelles » dans Google recherche, le premier site qui se présente est dédié à des communes espagnoles situées toutes les deux en Catalogne et dans la province de Barcelone. Elles ont pour noms Torrelles de Foix et Torrelles de Llobregat. En espagnol « Torrellas ». Si dans l’étude rapide que j’ai réalisée de ces deux communes, rien ne précise l’origine de leur toponymie, notons que le blason de la première est constitué de 2 tours noires crénelées sur un fond bleu et que sur le blason de la seconde sont visibles 3 tours bleus toujours crénelées sur un fond jaune. De manière surprenante, ce blason est quasi similaire à celui de Torreilles que l’on peut trouver sur Wikipédia dans la page consacrée à l’Armorial des communes des Pyrénées-Orientales. Sans contestation aucune, le nom « torrelles » a bien pour origine de « petites tours défensives ». Nohèdes et Urbanya n’ont apparemment pas de blason.
Le Roc et le Bac de Torrelles étant situés sur la commune de Nohèdes, aucune indication dans l’Histoire de cette commune nous laisse supposer la présence de petites tours défensives voire de fermes équipées d’un système de protection. Néanmoins, en longeant le canal dit d’Urbanya, on peut constater la présence de murets, de cabanes et de cortals en pierres sèches. Il y en a quelques autres dans les proches alentours. S’agit-il là de ces fameuses « torrelles » désormais effondrées ou plus simplement de vestiges d'un pastoralisme d'antan ? La question reste posée ! Rappelons-nous toutefois que se protéger a toujours été un des besoins fondamentaux de l’Homme. Dès lors que ce dernier a su élever un habitat, ce besoin a été exprimé dans les diverses architectures : oppidum, castellum, turris sont des mots reflétant ce besoin constant quelque soit l’époque.
Enfin, si l’Histoire de Nohèdes vous intéresse vraiment, sachez qu’elle a été parfaitement contée et résumée par divers historiens. On y apprend par exemple qu’il y aurait eu un village plus important que celui de Nohèdes mais qu’il aurait disparu lors d’une catastrophe naturelle. Nos « torrelles » auraient-elles disparues à cette période elles aussi ? Voici les liens vers leurs sites Internet :
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Située dans le creux d’une vallée du Haut-Conflent, la petite commune d’Urbanya a pour les randonneurs un gros défaut. Ce défaut est, qu’au départ du village, aucun sentier, aucun chemin ne descend jamais. La seule voie qui descend, et encore, c’est la route bitumée D.26b. Si vous l’empruntez, elle vous mènera vers Bettlans, Conat puis Ria et Prades. Sinon au départ d’Urbanya et où que vous vouliez aller randonner, ça commence toujours par monter. Alors bien sûr, monter signifie que l’on va être confronté à divers échelons possibles, à diverses altitudes réalisables et selon les capacités physiques et sportives de chacun. Ici, tout autour du village, et pour effectuer une balade sur une seule journée, cette échelle des valeurs est vaste par le fait même que le village est situé à 856 m d’altitude et que le sommet le plus élevé atteignable en une longue journée est le Madres pointant son pic à 2.469 m. Par ce fait même, les objectifs sont innombrables et en choisir un ne pose donc aucun problème, or mis bien sûr si « monter » et « marcher » en sont pour vous. C’est ainsi que pour la reprise d’après confinement de Dany, j’avais choisi le « Pic de la Serra » situé à l’altitude de 1.208 m. Ce sommet est un très modeste mamelon situé sur le flanc sud-est du Pic Lloset (1.371m). Avec ce dernier, le pic de la Moscatosa (1.457m) et le roc de Peirafita (1.535m), ils composent tous les quatre la crête frontière entre les communes d’Urbanya et de Nohèdes. Ce pic de la Serra est d’ailleurs si modeste, qu’il faut un certain recul pour constater qu’il est un véritable pic. Ce recul, on peut par exemple l’avoir au col de Marsac, ce col constituant un jalon de cette balade. Pourtant, s’il est modeste, plusieurs raisons m’ont encouragé dans ce choix : des montées essentiellement par des pistes forestières, agréablement herbeuses assez souvent, l’assurance de traverser des décors variés (ubac avec une forêt de feuillus puis de résineux puis soulane avec des landes de genêts, puis sous-bois d’épicéas) garantie de pourvoir observer de beaux et amples panoramas, le gage d’une flore printanière encore bien épanouie et l’espoir d’apercevoir une faune que je soupçonne bien présente car plutôt très tranquille depuis quelques mois. Il est 13h quand nous démarrons. Dès le démarrage, cette faune se présente sous les traits de 2 couleuvres à échelons entrain de s’accoupler au pied de la maison de Moïra et Alan, nos voisins « so british » mais « so nice ». Nous observons les reptiles dans leurs ébats amoureux, ébats consistant à se tortiller en se frétillant mais vous dire laquelle est la femelle et lequel est le mâle, là j’avoue que c’est coton. Normal ! Rien ne ressemble plus à un serpent qu’un autre serpent ! On peut imaginer que le mâle est dessus comme souvent en pareil cas dans le monde animal, mais ici comment savoir qui est dessus et l’autre dessous dans ces étreintes torsadées permanentes ? Et vas-y que je m’enlace ! Et vas-y que je m’enroule ! Se trémousser devant nous n’a pas l’air de les gêner sauf lorsque du bout de mon bâton de marche, j’en titille un des deux. Là, celui que je viens de picoter ne semble pas d’accord mais redouble simplement sa trémulation. Finalement, trop de picotements c’est trop et il quitte sa moitié et part se réfugier dans le gros orifice d’un mur de pierres. Le second, sans doute surpris, de cette dérobade soudaine, ne bouge pas sur l’instant. Puis, constatant probablement qu’il lui manque quelque chose quelque part, il grimpe au mur et s’immobilise. L’instinct le pousse-t-il à se cacher ou bien a-t-il deviné que sa moitié était dans ce trou qui est si près de lui ? Il s’y précipite. Les deux couleuvres ayant disparu, il est temps de démarrer cette balade. Souhaitons aux deux partenaires qu’ils continuent leur batifolage et que de très nombreuses petites couleuvres à échelons naîtront de cette union. Elles sont si inoffensives pour l’homme malgré leur taille souvent impressionnante car pouvant atteindre 1,50 m voire parfois un peu plus. Malheureusement leur taille et la méconnaissance que l’on a de ces reptiles leur sont trop souvent fatales et il faut le regretter. Le chemin vers la ferme à Philippe s’élève constamment au milieu des genêts et comme Dany n’avance pas très vite, j’en profite pour tenter de photographier quelques oiseaux et une petite faune entomologique bien présente. Jolis papillons en composent l’essentiel même si je pourrais également photographier de très nombreux criquets. Je fais l’impasse de ces derniers car je perdrais trop de temps. La ferme est là et nous la traversons sous les aboiements rageurs mais peu belliqueux de deux chiens qui font leur travail de garde. Aucune vache aujourd’hui ce qui signifie qu’elles seront peut-être plus haut dans la montagne car ici c’est la liberté qui prime, pour nous bien sûr, mais y compris pour les bovins. Un peu de liberté avant l’abattoir, voilà la vie promise aux jeunes veaux des Pyrénées catalanes. Une vie pas longtemps très rose, 6 à 8 mois, pour une indication géographique protégée auxquels les professionnels ont donné le nom plutôt paradoxal de Rosée des Pyrénées. Après la ferme, la piste terreuse continue en zigzaguant. Elle commence à nous offrir des vues à presque 360 degrés. Village, forêts environnantes, Canigou, Pic Lloset ou del Torn, les beaux panoramas se succèdent. C’est ainsi que sur l’autre versant de la vallée, Dany avec sa vue infaillible aperçoit un gros sanglier dans un pré au-dessus du village. Quelques photos de l’animal et nous repartons. Une fois visionnées, les photos pas toujours très nettes à cause de l’éloignement, nous constaterons qu’il s’agit d’une laie accompagnée d’au moins deux tout petits marcassins. Cette femelle sanglier, depuis une grosse semaine, nous avons pris l’habitude de l’observer depuis notre maison, toujours au même horaire, entre 12 et 14 h. Le nez toujours enfoui dans les hautes herbes, elle a fait de ce grand pré son garde-manger. A hauteur du lieu-dit La Travessa, nous quittons la piste terreuse au profit d’un large chemin très herbeux et bien plus agréable à cheminer. Ici, on retrouve et on continue l’itinéraire déjà parcouru lors du Circuit de la Mata. C’est une portion de l’ancien Tour du Coronat. Dans ce secteur, les petits oiseaux de la forêt sont plus présents. La période des amours n’est pas étrangère à cette présence. Pas facile néanmoins d’en immortaliser correctement. Si les criquets ont quasiment disparu, les papillons continuent à être présents mais ils sont souvent différents de ceux aperçus à un étage montagnard inférieur. Cette différence d’étage, on la constate à ce panachage permanent des différentes essences. A ce niveau, les feuillus et les résineux se partagent encore l’espace mais peu à peu les seconds ont tendance à s’approprier toutes les hauteurs. La piste forestière que l’on distingue parfois au sein de la Matte est très souvent la ligne de partage entre feuillus et conifères. A la côté 1181, il fut un temps où un panonceau directionnel indiqué plusieurs boucles dont celle vers le pic de la Serra. Il semble avoir disparu corps et biens, car malgré mes recherches, je ne l’ai plus retrouvé. A qui profites-ce « crime » ? Ici, alors que nous stoppons au sommet d’une petite éminence rocheuse pour un peu de repos et la prise d’un en-cas, quelle n’est pas notre surprise d’apercevoir un chevreuil en contrebas. Il broute paisiblement et apparemment, il ne nous a pas vu ni entendu, occasion inespérée pour quelques belles photos de l’animal. Malheureusement sa perspicacité à deviner que nous sommes là est plus grande que notre faculté à rester invisible et silencieux. Il regarde vers nous fixement puis ayant compris qu’un prédateur était probablement là, il détale dans la sapinière. Les photos sont bien enregistrées et le cervidé malgré ses phobies de l’Homme aura son heure de gloire sur mon blog. Toujours aussi verdoyant, le chemin à suivre compose un angle droit et s’élève en douceur vers la crête sommitale. Sur cette crête, la forêt disparaît et le contraste est étonnant avec les décors traversés jusqu’à présent. Ici, sur le flanc du pic Lloset, les arbres sont rares et les quelques pins et arbustes plutôt chétifs. Au milieu d’une lande composée de genêts et des rosiers sauvages, le sentier descend vers le col de la Serra (1.200 m) puis juste après vers le pic éponyme. Il faut dire que sur cette crête, les écobuages ont très souvent meurtris la végétation et quelques genêts calcinés en gardent encore les stigmates. Par bonheur, le dernier écobuage paraît ancien, car les genêts sont magnifiquement fleuris, quant à l’orri situé au milieu du col, il disparait sous les ronciers alors que je l’ai connu, il y a quelques années, libéré de toute végétation. Le pic de la Serra(1.208 m), notre objectif est là. Il s’agit d’un modeste dôme sans grand intérêt particulier il faut bien le reconnaître. Ses seuls attraits, ce sont les vues et les paysages qu’ils nous offrent. Le pic Lloset derrière nous, le Massif du Coronat sur notre droite et puis surtout ce panorama plongeant sur les vallées d’Urbanya et de Nohèdes séparées par cette longue échine qui semble disparaître au loin et comme par enchantement dans les arcanes des deux insondables ravines. Au bout et à droite, le Canigou très peu enneigé et donc un peu moins « fascinant ». Cette échine, il nous faut la descendre jusqu’au col de Marsac (1.056 m) sur un sentier pas toujours facile car peu emprunté par l’homme et donc peu débroussaillé et stabilisé. Ici, c’est plus souvent les ovins et les caprins qui sont amenés à le parcourir, alors bien sûr les « caminoles » qu’ils creusent s’agencent au gré de leurs toquades. Dany descend avec prudence et moi je mets à profit cette lenteur pour photographier les papillons très nombreux sur cette « solana ». Nouvel arrêt-goûter au col de Marsac puis nous retrouvons le sentier qui au travers d’un bois d’épicéas file vers le lieu-dit La Devesa. Dans la pénombre de ces sous-bois obscurs, l’essentiel est de ne pas perdre de vue les marques de peinture jaune et les nombreux cairns composant le balisage. L’important est de ne pas se précipiter et surtout d’avancer d’une balise à une autre car c’est la seule condition pour ne pas s’égarer dans cette « Llebreres » ou « Llabrères ». Dans ces lieux dont la toponymie nous apprend qu’ils sont « peuplés de lièvres » n’essayaient pas d’être plus rapide que ces derniers et soyez plutôt « tortues ». Quand la Devesa se présente, la piste forestière descendant vers Urbanya est déjà là. Cette magnifique balade se termine. Sur la terrasse de notre petite maison, nos deux fidèles chats Noxy et Zouzou ne sont plus là à nous attendre, disparus tous les deux à un mois d’intervalle en début d’année. Les retrouver au retour de nos balades était tellement devenu une habitude. Si nous en sommes toujours autant attristés, Flip le chat du vacher Philippe est venu prendre leur place et son immense gentillesse et ses « ronrons » compensent quelque peu ces douloureuses absences. Il en est de même pour Kiwwie, la chatte de notre fille qui dort sur notre lit mais rapplique en nous entendant arriver. Idem pour Rouquine qui vient réclamer pitance malgré son côté toujours aussi « sauvageonne ». En voilà une que nous avons réussi à piéger, à stériliser, que l’été nous continuons de nourrir mais qui est restée sauvage malgré toutes les attentions que nous lui portons au fil des jours. Oui, ici à Urbanya, la vie c’est un peu comme « une roue de la fortune » où les camemberts seraient des éléments de la Nature toujours différents. On vit avec en permanence, en acceptant ce que le quotidien ou le hasard nous propose, ce que le familier ou le sauvage nous offre. Un jour, nous sommes surpris par un animal, un autre jour c’est un nuage dans le ciel qui attise notre curiosité, le lendemain c’est un fabuleux clair de lune, une étoile filante, le ululement d’une chouette, le chant de détresse d’un pinson ou d’un merle en quête d’amour, le scintillement d’une luciole, le brame d’un cerf et que sais-je encore. Cette balade a été longue de 7,2 km pour des montées cumulées de 662m et un dénivelé de 365 m entre le point le plus élevé sur la crête juste avant le pic de la Serra et le village d’Urbanya à 856 m. Carte IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul de Fenouillet Top 25.
Ce diaporama est agrémenté par plusieurs musiques du compositeur mexicain Ernesto Cortázar II (piano)
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En ce vendredi 31 mai 2019, je suis à Urbanya et j’ai plusieurs raisons pour accomplir cette balade, que finalement je vais intituler « le Circuit de la Matte (Mata *) ». La première de ces raisons est que quelques jours auparavant, j’ai appris la réhabilitation d’un sentier que je n’ai jamais réussi à emprunter, sentier faisant la jonction entre « la Devesa » et le col de Marsac, lieux-dits mentionnés sur la carte I.G.N. La deuxième raison est que cette toute fraîche réouverture m’offre l’occasion d’inventer de nouvelles balades ; dont celle-ci ; laquelle nouvelle balade va me permettre de cheminer une belle partie du Tour du Coronat, très chargé d’heureux souvenirs et accompli voilà déjà 12 ans. Enfin, et c’est la dernière raison ; sans doute la plus séduisante ; l’envie de marcher est là, celle d’aller à rencontre de la Nature aussi et enfin la distance et le dénivelé relativement modestes correspondent bien au temps que je veux y consacrer, c'est-à-dire un après-midi, entier si nécessaire. Rien ne me retient, et comme Dany ; scotchée devant un très bon roman ; n’a pas le désir de marcher et donc de m’accompagner, il ne me reste plus qu’à préparer un petit sac à dos. Un peu d’eau et quelques victuailles, histoire d’éviter d’éventuels coups de mou, un bâton de marche, sans oublier surtout mon appareil-photo et me voilà fin prêt. Les cloches de l’église sonnent et il est déjà midi tapant quand je quitte ma petite maison. La direction à prendre est justement l’église Saint-Etienne et la piste qui démarre juste devant. C’est la piste DFCI CO60. Dans l’immédiat, je descends ma ruelle puis longe la rivière Urbanya. Si droit devant moi, c’est d’abord un pic du Canigou encore un peu enneigé qui attire mon regard et l’objectif de mon appareil-photo, la deuxième photo est, elle, beaucoup plus compliquée. Il s’agit d’un Cincle plongeur jouant dans la rivière. Comme son nom l’indique, cet oiseau adore l’eau mais ce que son nom ne dit pas, c’est qu’il aime tant l’eau qu’il est capable de disparaître sous sa surface. Le temps d’une photo, et encore d’assez loin, et le volatile a déjà disparu, sans trop que je sache où ? Je poursuis. Un Serin posé sur un fil électrique, lui, est plus docile devant mon appareil-photo. Voilà le panonceau annonçant la piste DFCI CO60. De cette piste, je n’ai pas encore accompli 100 mètres que trois éléments marquent mon esprit. Le premier d’entre eux est la beauté flamboyante du chemin grâce aux genêts fleuris qui l’encadrent très souvent. Plus je vais m’élever et plus il y en aura. Le deuxième, moins surprenant, c’est l’incroyable quantité et variétés de papillons, pas toujours facile à photographier d'ailleurs. Enfin, le dernier est l’étonnante et inespérée présence des oiseaux. Moi, qui suis toujours le premier a dénoncé la raréfaction des oiseaux de nos contrées, là je l’avoue je suis très agréablement surpris. Je ne m’y attendais pas. En moins de 100 mètres, et outre le Cincle et le Serin déjà enregistrés, je réussis à photographier quatre oiseaux de quatre espèces bien différentes. Et quels oiseaux ! C’est d’abord un Pouillot (j’apprendrais plus tard en analysant la photo qu’il s'agit d'un Pouillot de Bonelli), puis un pic épeiche, une buse variable et enfin un coucou, tous des oiseaux plus ou moins migrateurs, avec des habitudes de migration très disparates, mais habituellement très difficiles à observer, et donc à photographier. Toutes les photos ne sont pas parfaites mais elles sont là enregistrées dans mon numérique. Je me dis que de voir tous ces oiseaux et bien d’autres que je ne parviens pas à photographier est déjà hyper satisfaisant ! Et surtout, je me dis qu’aujourd’hui la chance est avec moi Je ne crois pas si bien dire ! Finalement, j’atteins l’épingle à cheveux de le Devesa, virage où il me faut quitter la piste forestière pour ce fameux sentier réhabilité. Ne trouvant pas immédiatement le balisage jaune que l’on m’a indiqué (il monte à droite au milieu des genêts et des roches de schistes), je fais le choix de descendre vers le Correc de la Coma. Je connais bien les lieux et ce petit sentier qui descend dans ce vallon creusé par le minuscule ruisseau, affluent de la rivière Urbanya. J’y viens parfois m’y promener, prétexte à surprendre la faune et à tenter de la photographier ou bien à cueillir quelques pommes sauvages, si délicieuses une fois cuites en compote. Sans aucun problème, je remonte le ru jusqu’à atteindre un très vieux chemin creux encadré de grosses pierres sèches. Le chemin est en partie défoncé mais le balisage jaune est bien là et à vrai dire, je m’en doutais un peu. Voilà donc le chemin réhabilité ! Il se poursuit puis tourne en s’élevant dans une sombre forêt d’épicéas. Ce sont bien ces épicéas-là qui jusqu’à présent avaient été un obstacle pour atteindre le col de Marsac. Depuis leur plantation dans les années 70, ces arbres ont énormément grandi, au point que leurs branches les plus basses ; toujours sèches par absence de photosynthèse, et donc acérées comme des poignards ; constituaient une véritable barrière au sentier qui avait été ouvert antérieurement. Depuis sa réhabilitation, ces branches-là ont été coupées, le balisage jaune repeint et de très nombreux cairns en jalonnent le tracé. C’est surtout à ces derniers qu’il faut prêter attention car le sentier s’élève peu à peu au fil des terrasses supportant la plantation artificielle. Un peu plus haut, au milieu d’une sévère montée cailloutée, on délaisse le bois d’épicéas au profit d’un autre sentier filant à l’oblique et en balcon au-dessus d’un bois de feuillus. Les oiseaux sont bien présents ici aussi et j’y photographie une mésange charbonnière. Peu de temps après, c’est un autre bois qui se présente, avec encore des épicéas mais avec bien d’autres résineux mais aussi des feuillus. Le col de Marsac est là, et mon arrivée est ponctuée par l’envol d’une compagnie de perdrix rouges impossibles à photographier tant ils me surprennent. Très belle clairière et royaume des genêts, les papillons y sont encore plus nombreux que nulle part ailleurs et les chemins que j’emprunte sont de véritables sanctuaires à lépidoptères. Seul problème ? Peu parmi eux se posent à cause d’un bon petit vent du nord qui semble les perturber. Avant de poursuivre, je m’éloigne du col, direction le petit mamelon qui le domine et que le cadastre appelle le Sarrat de Marsac. Ici, c’est l’endroit le plus propice pour profiter des vues s’entrouvrant à presque 360 degrés : Vallon d’Urbanya, Serrat de la Font de la Barbera, Serra Gran, Serra de Miralles, Serrat d’Estarder, Pla de Vallenso, Roc de Jornac, vallons de Conat et de Nohèdes, massifs du Canigou et du Coronat, puig d’Escoutou, pics de la Pelade, pics de la Serra, du Lloset, de la Moscatosa, de Portepas et del Torn, autant de panoramas sublimes, lieux de tant de balades déjà accomplies et donc de souvenirs agréables. Au-delà de ces visions, je pourrais presque imaginer d’être le seul survivant d’un monde certes beau mais complètement chamboulé, tant seule la nature est visible où que je me tourne. Et quelle nature ! Ici, les structures élevées par la main de l’homme ont quasiment disparu et peu importe où mon regard se pose, je suis toujours face à d’extraordinaires façonnages géologiques, espèces d’alchimies prodigieuses car jamais pareilles, modelées par on ne sait quel monstre titanesque venu des entrailles de la Terre. Oui, où que mon regard se porte, c’est constamment sur les résultats étonnants d’accidents tectoniques et fantastiques d’un autre temps. Vallons, ravins et ravines, tertres, buttes et mamelons, montagnes acérées et collines arrondies, plaines, plateaux, prairies et cols, falaises, dents, rochers, le tout le plus souvent approprié, voire au pire couronné, par une végétation verdoyante mais pourtant toujours très inégale. De cette végétation exubérante, de rares affleurements rocheux mais de toutes formes, blancs, ocres, bruns ou roux parviennent à s’extraire. Mais on ne sait par quel miracle ? Quelques photos-souvenirs, d’autres à la pelle mais pas toujours réussies ; à cause de papillons et passereaux volages et capricieux ; et il est temps de repartir. Dans ce florilège de belles choses, seule la météo me contrarie. En effet, de gros nuages gris arrivent en nombre du Capcir et s’amoncèlent sur le Massif du Madres. Comme pris dans un entonnoir, certains petit cumulus blancs arrivent finalement à passer la montagne et filent vers l’est, poussés par une brise fraîche venant du nord. Cette brise, c’est probablement ce que les Cerdans et les Capcirois appellent le « carcanet ». Vers l’est, c’est vers moi et je vois arriver peu à peu tous ces nuages avec l’appréhension de ne pas pouvoir finir agréablement cette balade, mais surtout d’être enveloppé dans ce frisquet carcan où le nom de ce vent trouve ses origines. Après quelques minutes de réflexions, je prends la décision de continuer. Je quitte mon beau perchoir. Immédiatement et de plus en plus nombreux, les genêts flamboient de toutes parts en escortant le chemin. Désormais, je file vers la Mata, cette ample zone très boisée que coupe en deux l’ancien itinéraire du Tour du Coronat. De ce tour et de ce chemin, qui m’avaient vu passer en 2007, je ne garde que de très bons souvenirs et ce malgré une météo qui à l’époque avait été encore plus désagréable qu’aujourd’hui. Toujours aussi herbeux qu’il y a 12 ans, et donc plaisant à cheminer, je retrouve avec bonheur ce même itinéraire montant le plus souvent au sein d’une merveilleuse forêt. Merveilleuse car si diversifiée en terme d’essences, et surtout, avec de hautes frondaisons formant d’immenses voûtes ombragées. J’ai parfois l’impression que c’était hier tellement ces douze années sont passées si vite. De me retrouver dans cette même gigantesque cathédrale végétale ne me laisse pas indifférent. A mes souvenirs, et à cette beauté environnante, mais toujours pour le plaisir des yeux, s’ajoutent les majestueux sapins, refuges des petites mésanges nonnettes, noires et huppées et des roitelets. Ici, les grands sapins côtoient bien d’autres habitats mixtes comme les landes de genêts ou de bruyères, les fougères, les broussailles et bien d’autres feuillus tels que les frênes et les merisiers où se reproduisent bien d’autres oiseaux. J’extrais de ma poche quelques graines pour oiseaux que j’ai cru bon d’emporter et les jette au milieu du chemin. Je m’éloigne un peu en me dissimulant, m’assieds et attends tout en grignotant quelques biscuits. Rien ne se passe alors j’observe de gros cumulus filant vers l’est. Comme je le fais souvent sur ma terrasse, couché sur un transat, j’essaie de trouver des formes qui me parlent puis je tente de les photographier. Là, à cet instant, c’est quasiment une merveille qui se produit sous mes yeux. Un mystère ou un miracle ? Les deux peut-être ? Alors que j’observe un nuage plutôt arrondi mais tout de même informe, j’ai le vague sentiment qu’il va se passer quelque chose. Appareil-photo prêt à être enclenché, c’est avec un étonnement incroyable, mais constamment croissant et de plus en plus énorme que j’assiste à une véritable métamorphose de ce nuage. Difforme au préalable, puis faciès de singe ensuite, je constate qu’un visage commence à se former. Oui, une tête humaine de profil prend formes très rapidement, avec des contours de plus en plus éclatants, avec des cheveux bouclés, un front, une bouche, un nez pointu devenant de plus en plus précis, une narine, une oreille. Je zoome en enchaînant les clichés de crainte de perdre une seule miette de cette « évolution d’une espèce » que Darwin aurait sans doute appréciée à sa juste valeur. Sauf qu’ici, cette évolution est très éphémère et s’étiole aussi vite qu’elle est arrivée. Le visage disparaît et avec lui ce beau profil enfantin. J’en suis presque triste comme si j’avais assisté en direct à une disparition. J’ai été si troublé par cette vision que j’en avais presque oublié mes graines. Pourtant, ça tombe d’autant mieux qu’une mésange nonnette vient d’arriver à la tablée que j’ai tout spécialement organisée. Puis, au bout de quelques minutes, c’est une deuxième et une troisième et finalement elles paraissent tomber du ciel. Dans la variété de graines, seules les graines de tournesol semblent les intéresser. Elles en prennent une dans leur bec et vont la casser plus haut ou plus loin sur une branche. Puis le spectacle se poursuit. Pas d’autres oiseaux en vue que des nonnettes, alors je repars avec quelques photos mais tout heureux de ces deux superbes spectacles successifs que je viens de vivre. Si j’ai perdu plus d’une heure, à bien y réfléchir je l’ai amplement gagnée avec ces scènes de la Nature que si peu de personnes ont la chance d’observer ! Quand sur ma droite, la forêt disparaît, c’est pour mieux m’offrir des panoramas éblouissants sur la vallée d’Urbanya. Si en 2007, je me souviens avoir aperçu deux sangliers, cette fois-ci, c’est une expérience encore plus étonnante et surtout unique que je vis. Celle d’un daim que je surprends dans son sommeil. Si je dis « daim », c’est à cause de sa robe roussâtre amplement tachetée de blanc. Enfin « daim » ou peut-être plutôt « daine » car l’animal n’a pas de bois ? Le cervidé est en contrebas de la piste, couché au pied d’un arbre à une dizaine de mètres de moi seulement. Seules ses oreilles remuent, sans doute importunées par quelques mouches qui agacent l’animal. Mes photos sont loin d’être abouties car l’animal est à l’ombre et qui plus est, j’ai un arbuste devant moi qui empêche une mise au point parfaitement opérante. Dès que je l’ai aperçu, je me suis assis au bord du talus, mais désormais j’ai la crainte de bouger au risque de voir l’animal s’enfuir. Au bout de quelques minutes, et même sans avoir bougé, le daim a sans doute compris qu’il y avait une présence non loin de lui. Toujours couché, il relève simplement la tête, les yeux encore étrangement clos sur le rapproché photo que je suis entrain de faire de lui. Tel un périscope, il tourne sa tête dans tous les sens et presque continuellement, sans pour autant m’apercevoir car l’arbuste qui me gêne pour le photographier, le gêne lui aussi dans sa perception. Je m’y cache derrière, immobile, dès lors qu’il regarde vers moi. Tranquillisé, il se recouche. Ce manège se poursuit puis carrément s’éternise, mais finalement il a bien compris qu’il était observé. Moi, je ne peux plus guère le photographier sans prendre le risque de l’effrayer. Quand il s’ouvre, l’objectif de mon appareil-photo émet un petit sifflement et idem à chacune de mes photos. Au bout de longues minutes de cette magnifique observation, je prends le risque d’une nouvelle photo. Je n’aurais pas dû ! L’animal se redresse, m’aperçoit cette fois et d’un bond extraordinaire détale comme si elle avait vu le diable en personne. Je tente bien de photographier cette course folle mais la vitesse de l’animal plus les arbres où il slalome sont des désavantages impossibles à maîtriser. Alors que je la vois disparaître dans la forêt et à l’opposé de la piste où je me trouve, quelle n’est pas ma surprise de le voir revenir vers moi mais à une trentaine de mètres sur ma droite. Il s’arrête une dernière fois avant de décamper, temps néanmoins suffisant pour deux dernières photos, malheureusement pas trop géniale car au milieu des arbres et sans prendre le temps d’une mise au point qui aurait été forcément nécessaire. Amplement ravi néanmoins de cette observation, je repars en me souvenant qu’ici à Urbanya, il m’est arrivé de réveiller des cervidés des dizaines et des dizaines de fois ; dormant dans des genêts, des ronciers ou des fougères ; mais jamais encore je n’avais eu l’occasion d’une vision aussi précise et aussi longue. Habituellement, ce sont eux qui me surprennent mais aujourd’hui la surprise a changé de camp. Oui, aujourd’hui, la chance me sourit. Elle me sourit encore avec la vision d’un petit rhinolophe au lieu-dit Les Cortals, vieilles ruines dans un sombre sous-bois. Il n’y en a qu’un alors je prends deux photos et le laisse en paix. A l’instant où je parviens à l’intersection d’un chemin filant vers le col de la Serra, les souvenirs ressurgissent avec la vision d’un très vieux balisage jaune et rouge très effacé, qui ne peut être relatif qu’à l’ancien GRP Tour du Coronat dont le tracé avait été créé en 1982. En 2007, et alors que ce tour n’existait déjà plus, j’avais très souvent recherché en vain ce balisage bicolore. Là aussi, quel bol de retrouver un balisage vieux de 37 ans ! Peu de temps après, c’est un couple de loriots se poursuivant dans des grands frênes qui j’aperçois furtivement. Avec l’arrivée au lieu-dit la Travessa, ici se terminent le tronçon du Tour du Coronat et l’agréable chemin herbeux déjà cheminé en 2007. Si je n’ai pas eu trop le temps de me remémorer les vieux souvenirs de cette étape qui m’avait mené de Nohèdes au Refuge de Callau, je le dois en grande partie à cette Nature, constamment présente, qu’avec beaucoup de chance j’ai pu observer aujourd’hui. Outre les cathédrales végétales et le balisage effacé, seules quelques vaches têtues accompagnées de leurs jeunes veaux candides, et donc peureux, obstruant le chemin m’ont rappelé ce temps jadis. Il me faut rejoindre Urbanya et la plus simple possibilité étant la piste terreuse qui y descend, j’ignore tous les raccourcis que je connais. Pourtant au dessus de ma tête, le ciel est désormais carrément coupé en deux. Gris ou très gris vers le nord et encore très bleu partout ailleurs. Au dessus de ma tête, c’est gris clair. Je me dis que s’il vient à pleuvoir, la piste sera certainement plus praticable que des raccourcis dont je ne sais jamais s’ils sont régulièrement débroussaillés. Si je presse un peu le pas, c’est seulement à cause de cette météo qui se gâte, mais ce n’est pas pour autant que j’en oublie de photographier la faune et la flore. Toutes deux continuent d’être omniprésentes avec beaucoup de fleurs nouvelles et toujours des papillons et des oiseaux en très belle quantité. La chance est encore là, avec une nouvelle fois les photos surprenantes d’un Torcol fourmilier pendant son chant nuptial. Je dis une nouvelle fois, car j’ai photographié ce même oiseau « rare » il y a seulement quelques semaines lors du « Circuit des Sources de l’Agly et de la Sals ». Pinsons, serins et merles en grand nombre, des fauvettes refusant tout cliché, quelques mésanges, geais et bruants, des rapaces dans les cieux, des rouges-queues noirs, des moineaux et des hirondelles près des habitations, l’ornithologue amateur que je suis est enjoué de cette renaissance de l’avifaune, même si je ne parviens pas à toute la photographier. Pourvu qu’elle dure et dans le temps ! Comme je l’ai déjà fait à diverses reprises, je note que certains passereaux s’approprient certains étages altitudinaux ou végétatifs et jamais d’autres. C’est ainsi que je finis par apprendre que j’aurais beaucoup plus de chance de photographier tel oiseau à tel endroit ou dans tel type d’habitat. Il est 17h15 quand je retrouve ma petite maison. Comme très souvent, le gros des nuages est resté bloqué sur le Madres et côté Capcir, et par bonheur pour cette fois, il n’a pas plu sur le vallon d’Urbanya. L’été, quand le potager doit être arrosé et que j’assiste à ce même phénomène météo, je prie pour que tombe la pluie mais le plus souvent, il ne pleut pas non plus. C’est la frontière entre Capcir et Conflent, frontière géographique que la pluie refuse de passer tel un voyageur qui n’aurait pas son visa. Quand j’arrive, Dany a toujours le nez plongé dans sa liseuse mais elle prend néanmoins le temps d’écouter tout ce que j’ai à lui dire à propos des oiseaux, des papillons, de la chauves-souris et surtout du daim. Photos à l’appui, je lui raconte dans le détail ma longue observation mais quand je termine de parler, elle ne trouve rien d’autre à dire que : « quand je marche avec toi, je ne vois jamais rien ! ». Je lui réponds : « justement, c’est parce que tu es avec moi qu’on ne voit rien ! ». « Il faudra que tu me la fasses faire cette balade ! » ajoute-t-elle. Je lui promets de l’emmener, dès cet été quand nous serons en vacances ici, mais sans garantie que nous observerons autant la Nature. La Nature n’est-elle pas aussi capricieuse qu’une femme ? Ainsi se termine ce court mais merveilleux « Circuit de la Matte ». Telle qu’accomplie et expliquée ici, cette balade est longue de 8,8 km pour des montées cumulées de 666 mètres. Le dénivelé est de 349 mètres entre le point le plus bas à 856 m à Urbanya et le plus haut à 1.205 m à proximité du lieu-dit La Travessa. Bien sûr, je vous dispense du temps que j’ai mis pour l’accomplir car vous l’avez sans doute compris, la course en montagne ne faisait pas partie de mes objectifs. Le plus important était de « mater » ! La Nature, il va sans dire ! Je profite de l'occasion qui m'est donnée ici pour remercier Josette d'Urbanya, car c'est elle qui m'a informé de la réhabilitation du sentier menant de la Devesa au col de Marsac et un grand merci bien sûr à toutes les personnes qui ont oeuvré à cette réouverture. Cartes I.G.N 2348 ET - Prades – Saint-Paul-de Fenouillet Top 25.
(*) Toponymie du mot « mata », « matte une fois françisé » :
Concernant la toponymie du mot « mata », le mieux est de se référer à la toponymie du nom de la commune de Matemale que l’on trouve sur le site Wikipédia. C’est ainsi que l’on peut lire que « le terme « mata » est issu du pré-latin « matta », désignant des fourrés de buissons et d'arbustes (Lluis Basseda), avant peut-être de désigner la forêt qui entoure le village, jadis objet d'intérêt des rois d'Aragon puis des rois de France.». « Malus » signifie « mauvaise ». Le tout qualifie donc un endroit rempli d'une végétation hostile, peut-être remplie de buissons épineux et, éventuellement, de bêtes sauvages. Il existait sans doute deux lieux-dits » : « Mata Mala » et « Mata ». Le nom « Mata » est repris pour la forêt de la Matte, forêt plantée par l'homme à l'époque moderne ». Il s’agit donc clairement d’une toponymie très ancienne, puisque l’on peut lire aussi : « Le nom « Matamala » apparaît dès 965 et demeure par la suite sous cette forme, bien que l'on trouve aussi Mathamala en 1358. En catalan, le nom de la commune est « Matamala ». Je note que dans l’ouvrage «Toponymie Générale de la France - 1990 » d’Ernest Nègre, ce dernier se démarque un peu en mentionnant que le nom « Matemale » équivaudrait pour « mata » à « un tronc d’arbre sur lequel poussent des rejetons près de terre » et « mala » « mauvaise ». Il tient cette information du « Diccionari general de la llengua catalana-1931 »dePompeu Fabra, célèbre linguiste espagnol. Une « mata » ou « matte » en français ; bien que cette signification n’ait jamais été retenue par aucun des principaux dictionnaires nationaux (*) ; serait donc un lieu planté de broussailles, si l’on veut faire simple. Cette notion est d’ailleurs retenue par la plupart des toponymistes et confirmée par exemple par André Pégorier dans son ouvrage « Les noms de lieux en France – Glossaire des termes dialectaux » où l’on peut lire qu’une « mate », « mate », « matte », ou encore « mathe », variante en occitan, nom féminin correspond à « hallier »,« cépée », « fourré » et que « matas », nom masculin en ancien français est un « buisson », « hallier », « haie », « broussailles ». Il faut toutefois noter, dans ce même ouvrage, les nombreuses et autres significations données au mot « matte » et selon les régions. Ainsi, dans les Vosges, c’est une « clairière gazonnée au milieu d’un bois », à Marseille, « des hauts fonds vaseux et sableux couverts d’herbes », dans le Poitou et le Saintonge, « le nom donné à des bosses de marais les plus larges consacrées à la culture ». Comme on le voit, rien n’est simple et on comprend mieux pourquoi aucune de ces significations n’aient été retenues en français ! Maurice Prat dans son article consacré à ses « Recherches de toponymie pyrénéenne - 1944 » indique que la « mata » serait un « bosquet » ou un « taillis ». Le site Généanet est lui plus catégorique quand il s’agit de fournir une origine et une étymologie au nom de famille « Mata », car selon eux, il désigne un « bosquet » et surtout pas un « buisson ». En poussant mes recherches un peu plus loin, j’ai également trouvé d’autres significations selon les régions et leurs langues ; occitan, provençal, gascon ; comme « bois », « petit bois, « touffe » (Charente-Maritime), « hallier épais », « gros buisson » dans l’ensemble des Pyrénées. Idem avec « matet » signifiant « un terrain couvert de buissons » en Gascogne. Idem avec « mato » signifiant « touffe serrée » et « buisson » en provençal et « touffe d’herbe » et « cépée de jeunes arbres » en languedocien mais seulement « buisson » dans le Gers. Notons que dans des zones marécageuses et inondables de la vallée de la Garonne, une « mata » désigne également une levée de terre artificielle faisant office de digue. Dans d’autres régions occitanes, elle est une « butte » ou un « tertre ».
En résumé, il est nécessaire de revenir dans les Pyrénées-Orientales, ou en tous cas dans les Pyrénées, pour affirmer que le mot originel « mata » désignait un bosquet très broussailleux sans doute bas et inaccessible d’accès. Toutefois, dans le cas qui nous intéresse, c’est-à-dire ici à d’Urbanya, il semble que la signification ait évoluée au fil du temps et désigne désormais la forêt, forêt se trouvant versant ubac de la vallée et qui a été plantée au siècle précédent. Ce constat est confirmé par l’analyse que j’ai pu faire des différentes cartes que l’on trouve sur le site Géoportail. En effet, j’ai pu constater par moi-même que le lieu-dit mentionné « Mata » que l’on trouve sur les cartes IGN modernes n’existe pas sur les cartes plus anciennes (Cassini, Etat-major, 1950). Il en va de même pour d’autres lieux des P.O. où les mots « mata, mate ou matte » sont présents. Comme déjà indiqué, c’est aussi le cas à Matemale avec la forêt de la Matte, mais également au pied du Canigou, tout près du refuge de Mariailles avec « Les Mattes rouges et le matte vert » pour ne citer que ces quelques exemples que je connais le mieux. Voilà ce que l’on peut dire de cette toponymie. (*) Dans le dictionnaire Larousse.fr, une « matte » est une « substance métallique sulfureuse résultant de la première fusion d’un minerai traité et non suffisamment épuré ». La plupart des autres dictionnaires et encyclopédies en donnent une signification quasi similaire même si d’autres notions sont fournies dans sa lexicographie (lait caillé, banc de poissons semblables, fond vaseux, terme technique en judo, etc…). En tous cas, voilà un mot difficile à « mater » !
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Voilà déjà très longtemps que je voulais atteindre le « Lac de Nohèdes par le canal de Jujols ». En réalité et à bien y réfléchir, l’idée m’était déjà venue en 2007. 10 ans déjà, car cette éventualité, je l’avais envisagée en préparant la première partie de mon « Tour du Coronat » (*). Comme souvent quand je prépare une longue randonnée, j’avais tenter de lire tout ce qu’il était possible de lire à propos de ce canal de Jujols (***) mais pour être franc, cela se résumait à l’époque à quelques textes dans de rares bulletins municipaux ou organismes gestionnaires de la Nature. Depuis un livre a fait son apparition sur Internet. C’est celui d’Yvon Robert, ancien maire de Jujols de 1979 à 1995 (**) et on y apprend toute une Histoire. Histoire du village certes, du canal aussi, mais surtout Histoire de l’eau (***) à Jujols. Les vieux canaux de montagnes m’ont toujours intéressé et même intrigué et celui de Jujols ne fait pas exception à la règle. Les travaux colossaux qu’ils ont engendrés avec les moyens d’alors ne sont pas étrangers à cet intérêt et puis le plus souvent un sentier de randonnée y est parallèle. C’était d’ailleurs un des atouts du Tour du Coronat (*) que de suivre une partie du canal de Jujols (**) jusqu’au col du Portus. J’avais donc découvert cette partie mais le morceau jamais accompli entre le col du Portus et le lac de Nohèdes restait donc à faire. Mardi 22 août et alors que je réside à Urbanya, me voilà fin prêt à combler cette lacune. Depuis presque deux mois, mes randonnées se cantonnent à faire le tour de la vallée d’Urbanya et j’ai bien envie de faire autre chose. 9h30, je démarre de Nohèdes et plus précisément de sa centrale hydroélectrique. Le temps est superbe et Météo France annonce un anticyclone pour toute la journée. Si la découverte du canal et sa prise d’eau qu’est le lac de Nohèdes font partie de l’objectif, une fois encore la faune et la flore de ce secteur ne seront pas oubliées. Je connais ce démarrage comme ma poche et comment souvent, entraîné par ma passion pour la Nature, je me laisse aller à une flânerie exagérée. Il y a du classique avec des fleurs, des oiseaux et des papillons mais cerises sur le gâteau voilà un beau lézard ocellé peu farouche, puis à hauteur de Montailla, un chevreuil qui, lui, l’est un peu plus. Quelques minutes plus tard, en voilà un deuxième au sein de la forêt de la Fajouge du Pla d’Avall. Cette fois, il détale et comme les immenses pins constituent une barrière naturelle, il m’est impossible de le photographier correctement. Une photo agrandie et corrigée avec Photoshop laissera apparaître une silhouette floue. 11h30, j’effectue une longue pause à la bergerie en ruines du Pla d’Avall. J’y découvre avec étonnement un psammodrome, lézard avec une queue démesurée dont je pensais que leur habitat était essentiellement en plaine. Quelques mésanges et un geai probablement attirées par la source de la Font de la Pèga s’amusent à loisirs à déjouer mon envie de les photographier. Je me cache au sein des ruines pour les surprendre. Ces parties de cache-cache m’amusent pendant une demi-heure puis finissent par m’agacer alors je repars, direction le col du Portus, sans trop savoir si mes photos sont réussies. Ce tronçon de la piste est littéralement envahie par des grives draine et quand je m’approche de l’endroit où je les ai aperçues, je me demande toujours pourquoi elles étaient là, à cet endroit précis où rien de particulier ne semble visible et justifier une telle présence ? Au col du Portus, je prends la décision de m’arrêter pour pique-niquer. De manière assez inattendue, cette pause devient assez cocasse et même désopilante. Alors que je mange sur l’herbe derrière une voiture, berline blanche toute simple, un couple de randonneurs arrive. D’emblée, ils se mettent à me parler de la route montant ici depuis Evol. Ils sont en colère et n’arrêtent pas de ronchonner contre l’exécrable qualité de celle-ci. Ils se plaignent que le bitume n’existe plus, que la route soit constamment défoncée et que les pouvoirs publics ne fassent rien. Connaissant bien cette route et sachant qu’elle est effectivement truffée de nids de poule et d’ornières, j’abonde dans leur sens. Ils finissent par me dire qu’ils ont emprunté cette route avant d’abandonner par crainte d’une crevaison ou d’une casse préférant continuer à pied, raison apparente de leur courroux. Au bout de 10 minutes, nous en sommes toujours à évoquer cette route. Enfin, surtout eux, car moi je me contente de les écouter. Finalement, la dame semble me faire le reproche d’être là, assis tranquille, à pique-niquer derrière cette berline blanche quand elle me dit « vous avez réussi monté jusqu’ici vous ? » et là, je finis par comprendre qu’ils pensent que la voiture m’appartient. Alors, j’éclate de rire et je suis bien obligé de leur dire que j’arrive à pied depuis Nohèdes. Ils sont surpris, presque ébranlés et pendant un instant, je les sens même dans le doute se disant probablement que je leur raconte des craques. Alors, je suis contraint d’insister et quand ils partent, je les sens presque déçus que cette voiture n’ait pas été la mienne. A mon tour, je quitte le col du Portus, sourire aux lèvres de cet incroyable quiproquo qui a duré presque une demi-heure bien malgré moi. J’emprunte la direction du Gorg Estelat par le rec de Jujols comme le mentionne très clairement un panonceau. Quelques reconnaissables rouges-queues noirs et d’autres oiseaux moins évidents à définir jouant dans les pins et les buissons freinent mon ardeur. Mais voilà déjà qu’un nouveau panonceau se présente. « Rec de Jujols » il est écrit et un fléchage m’indique clairement de quitter la piste forestière pour partir vers la droite. « Pourtant où est-il ce fameux rec ? Où est le balisage ? Un étroit sentier pas toujours évident car mal débroussaillé déambule au milieu des pins et des bas genêts. Passe encore avec cette végétation-là mais quand les fétuques en mottes et les genévriers nains entrent dans la partie, les mollets sont mis à rude épreuve. Heureusement, de temps à autres des clairières s’ouvrent et laissent la place à un sentier plus facile à cheminer. Les cirses laineux en fleurs y poussent à profusion et sont butinés par une ribambelle de papillons dont le fameux Moro Sphinx ou Sphinx colibri, à l’étonnant vol stationnaire. Le balisage est toujours absent ? Je le retrouve un peu plus haut tout comme les vestiges du vieux canal, vestiges qui soit dit en passant, resteraient invisibles aux yeux du profane. Quelques dalles de schistes posées sur le sol, d’autres plantées dans la terre telles de grosses canines, quelques ruissellements deci delà sur un sol le plus souvent très asséché, enfin rien de vraiment évident ni de folichon quand on s’est fixé pour objectif de découvrir un canal. Il ne faut pas compter s’y rafraîchir et encore s’y désaltérer. Finalement, quand la bonne déclivité cesse et que le terrain se stabilise, mon regard délaisse presque naturellement le canal au profit des panoramas grandioses qui s’entrouvrent. Pourtant, c’est à partir d’ici qu’il devient le plus visible, hésitant sans cesse entre canal enseveli recouvert de lauzes et tranchée artificielle défoncée par le temps. Cette portion file désormais en balcon, alors ce qui n’était qu’hésitation devient renonciation. Le canal, je ne le vois plus. Les beaux paysages captivent le regard mais le plus beau est là, juste à mes pieds, sous les traits d’un coeur bleu acier qu’offre l’Estany del Clot posé sur le Pla d’Avall. Alors je m’assieds et je regarde. Je connais parfaitement ce petit lac mais force est d’avouer que d’ici, sa vision est exceptionnelle. Cette seule vue suffit à me réjouir quand au choix de cet itinéraire laborieux et pourtant des vues, il y en a bien d’autres, plus lointaines il est vrai. Droit devant, c’est la sinueuse vallée de Nohèdes dont je ne vois pas très bien où elle se termine dans ce dédale de reliefs qu’elle a contribué à créer. Dans la Vallée de la Têt, la plaine du Roussillon puis dans la Méditerranée ? C’est en tous cas la perception que j’en ai dans cette grisaille lointaine et bleutée plombant peu à peu cet horizon qui finit par disparaître. Sur la droite, le Mont Coronat, toujours le même malgré les dix années qui se sont écoulées depuis mon Tour éponyme et je garde toujours en mémoire cette description si jolie et si conforme d’Antoine Glory : « une montagne fascinante s'il en est, drapée dans la chape sombre et mystérieuse de ses pins noirs à crochets ». Rien n’a changé. Enfin apparemment et vu d’ici, car je me souviens y être monté en 2013 et de nombreux arbres avaient été abattus probablement par les tempêtes successives. Sur la gauche, c’est un long chapelet de monts pelés et quand je les regarde, je ne peux m’empêcher de penser « espérons que le Coronat ne deviendra jamais comme ça ! ». Si je délaisse le canal c’est aussi parce que outre les paysages, trois rapaces bien différents se sont donnés le mot pour me distraire. Les deux derniers sont parfaitement reconnaissables mais je peine à donner un nom au premier. Finalement, une fois à la maison, une photo de lui m’apportera l’intime conviction qu’il s’agit probablement d’un milan royal au plumage roussâtre. Quand aux deux autres, l’ornithologue amateur que je suis sait identifier un gypaète et un vautour fauve. Les trois vont à tour de rôle et toujours dans les hauteurs du Pic de la Creu se lançaient dans des circonvolutions amples et lentes, disparaissant de mon regard très souvent et parfois trop vite à mon goût mais revenant comme si la curiosité vis-à-vis de moi guidait leur vol. Quand un disparaît définitivement, l’autre semble prendre sa place, comme dans un tour de passe-passe orchestré par un invisible magicien. Force est d’avouer que c’est la première fois que je vois volé trois rapaces si antinomiques dans un espace aussi restreint. Finalement le balcon cesse, le sentier entre dans un bois de pins à crochets et j’atteins une zone amplement occupée par des tourbières. Il faut dire qu’ici s’écoule un étroit torrent et c’est bien là aussi que se trouve l’embranchement avec le canal de Jujols, peu évident, il est vrai si on n’y prend pas garde. En tous cas, de la prise d’eau ancestrale, je ne vois rien et je n’ai découvert qu’un bout d’une roue métallique et quelques câbles en acier sur le sentier. Probablement ce matériel devait-il servir à manipuler une vanne. Je décide de suivre le torrent mais je m’aperçois trop tard que ce n’est pas une sinécure. Il n’y a plus réellement de sentier et il s’agit d’une longue succession d’énormes marches que composent des gros blocs de granit. Tant pis, mais je n’ai pas trop envie de faire demi-tour et quand j’atteins le Pla d’Amont, sa zone humide, son entrelacs de ridules asséchées et son ruisseau principal, c’est une vraie satisfaction même si marcher sur ce compost naturel nécessite une vigilance de tous les instants. Le lac n’est pas gagné non plus car dans un véritable dédale de buissons, d’arbres morts ou vivants et de branchages le rejoindre reste une petite épopée. Quand je l’atteins, voilà enfin le vrai soulagement mais finalement, j’oublie très vite les difficultés pour me souvenir de la seule beauté du petit ruisseau qui zigzaguait continuellement. A ma vue, d’innombrables truitelles décampaient à toute vitesse et sous le soleil, cette fuite désordonnée des petits poissons ressemblait à des flèches d’argent. C’était vraiment un beau spectacle ! Au bord du lac, personne ! Alors je me déshabille pour un bain intégral et dénudé mais nul doute que ma nudité doit attirer les curieux comme un aimant car il n’y a pas deux minutes que je barbote qu’une femme et deux hommes se présentent sur la rive, à l’endroit même où j’ai déposé toute ma tenue vestimentaire. Situation peu confortable pour moi qui suis un grand pudique. En plus, ce n’est pas la première fois que je connais ce type de mésaventure et au fond de moi je me dis que j’aurais du me méfier. Mais que voulez-vous, j’ai cette fâcheuse habitude de vouloir mettre la tête, et parfois tout le reste, dès que j’aperçois la moindre flaque d’eau ! Les visiteurs sont espagnols mais comme ils parlent parfaitement le français, comment ne pas répondre à de simples questions comme « elle est froide ? » ou bien « le fond est-il vaseux ? ». Finalement, je réponds aux questions dans cette position couchée très embarrassante car l’eau est plutôt fraîche, le fond sableux mais un peu vaseux aussi mais surtout insignifiant quand à sa profondeur. Ouf ! Ils partent et s’éloignent de quelques dizaines de mètres. Je me précipite pour enfiler mon « boxer » car j’ai bien envie d’y flemmarder au bord de ce lac et surtout d’y passer du bon temps. J’ai tant emmagasiné de souvenirs dans ce secteur : Tour du Coronat en 2007, plusieurs balades d’une journée, Tour du Capcir en 2013 où nous avions déambulé tout là-haut sur les crêtes puis couché au Refuge de la Perdrix. D’ailleurs, n’y a-t-il pas ici un panonceau « Refuge de la Perdiu – CAF » me rappelant à ces bons souvenirs ? En outre, j’ai aperçu des bergeronnettes et quelques autres oiseaux qui occupent les berges et je voudrais bien les photographier. Dans l’immédiat, tenue correcte oblige, je retourne finir mon bain et là, vous ne me croirez pas ? Sans autre forme de procès, les trois espagnols se mettent complètement à poils et entreprennent plongeons sur plongeons comme trois gamins à la plage. « Quel spectacle ! » Et surtout « quel crétin je suis ! », voilà ce que je me dis. Après ce nouvel intermède cocasse, je me rhabille, mange un peu puis file vers l’autre bout du lac. J’y photographie de microscopiques grenouilles aux couleurs variées, des bergeronnettes plutôt craintives, des papillons mais également un vautour fauve posé très haut sur un piton rocheux. A cause des grenouilles, j’essaie de regarder où je mets les pieds dès lors que je marche sur la grève. Je passe ainsi plus d’une heure à gambader absorbé que je suis par cette passion de la photo naturaliste. Quand je m’en aperçois, je me dis qu’il est temps de repartir car le chemin jusqu’à Nohèdes est encore très long même si celui-ci je le connais parfaitement. Je sais qu’il y aura encore d’autres bonnes justifications à ralentir voire à s’arrêter. Le sentier file à gauche du cirque glaciaire et je n’ai aucun mal à le trouver même si c’est la toute première que je le réalise dans ce sens. J’en connais les difficultés et sais que dans cette descente scabreuse et caillouteuse, il faut constamment être attentif. J’avais vu juste et un tas de bonnes raisons me ralentissent dans cette descente. La faune toujours la faune qui est omniprésente quelque soit l’altitude. Pla del Mig, Jasse de la Ribe et pour finir l’Estany del Clot où je prends encore du bon temps à l’endroit même où j’avais bivouaqué au bord du lac en 2007. Quel bonheur ! Les souvenirs ressurgissent et les revoir dans ma tête me fait du bien. Il ne me reste plus qu’à rejoindre Nohèdes et sa centrale électrique où ma voiture m’attend. Il est 19h45 quand je l’atteins et voilà plus de 10 heures que je suis en marche. Il faut que je recharge les accus mais je sais déjà que demain sera un autre jour. Un jour à Urbanya. Jour sans randonnée assurément, jour de farniente et de lecture à coup sûr. Tout en roulant vers Urbanya, je repense au canal et au cinéma que je m’en étais fait, mais finalement à bien y réfléchir, je ne suis pas déçu de cette balade. Trop enterré, jamais plus entretenu depuis de trop longues années, le canal de Jujols n’a pas livré tous ses secrets, mais je n’ai aucune déception car à vrai dire connaissant le tronçon Jujols-Col du Portus, je m’étais préparé à cette désillusion. Formidables néanmoins, voilà un adjectif dont on peut affubler ceux qui l’ont construit, à la force de leur bras et de « leurs jarrets » et à la sueur de leur front. Bravo à eux et merci ! J’ose espérer que ce patrimoine survivra encore longtemps et surtout qu’un sentier continuera de le longer pour amener les curieux comme moi vers les étoiles de ce magnifique lac qu’est le lac de Nohèdes…..le Gorg Estelat…ce gouffre aux reflets scintillants comme des étoiles comme l’ont si bien écrit Louis Companyo en 1861 (Histoire Naturelle du département des Pyrénées-Orientales) et Victor Dujardin (Souvenirs du Midi - Le Roussillon – Voyages aux Pyrénées) trente ans plus tard. Lac étoilé pour les uns, palais des démons et des légendes (****) pour les autres, les bonnes raisons d’aller le découvrir ne manqueront jamais et si le canal de Jujols peut constituer un plus tant mieux ! Telle qu’expliquée ici, cette balade a été longue de 23,5 km pour des montées cumulées de 1.874 m. Le dénivelé est de 1.032 m entre le point le plus bas à 990 m à le centrale électrique de Nohèdes et le plus haut à 2.022 m au Gorg Estelat. Cette balade est donc plutôt difficile. Carte I.G.N 2249 ET Font-Romeu – Capcir Top 25.
(*) Mon Tour du Coronat et quelques réflexions à propos du canal de Jujols : Le Tour du Coronat, je l’ai réalisé en 2007 et en deux parties bien distinctes. D’abord le 30 et le 1er juillet pour découvrir les lacs (Estany del Clot, gorgs Estelat et Nègre) puis encore en 4 jours à partir du 15 août selon l’itinéraire que j’avais découvert sur le topo-guide « 5 grandes randonnées en Pyrénées-Orientales ». Voilà quelques réflexions que j’avais dressées à propos du canal de Jujols. Lors de cette première partie, j’avais essentiellement emprunté la piste forestière pour rejoindre le col du Portus et de cette manière, j’avais renoncé à suivre le vrai tracé que longe le canal. Au col, j’avais pris l’option d’aller bivouaqué à l’Estany del Clot et donc là aussi, j’avais renoncé à atteindre le « Lac de Nohèdes par le canal de Jujols ». Le retour s’effectuant en boucle avec le découverte des gorgs Estelat et Nègre, là encore j’avais évité le canal sur sa partie haute me contentant d’en avoir un rapide aperçu du Col du Portus à Jujols. En effet, ce jour-là, la météo devenant maussade, j’avais été contraint de speeder et je n’avais pas réellement pris le temps d’apprécier le canal, qui soit dit en passant est enterré constamment. Il m’avait donc fallu attendre la deuxième partie et les 4 jours réellement consacré au Tour du Coronat selon l’itinéraire conseillé par le guide Antoine Glory dans le topo-guide pour avoir une meilleure idée de ce qu’il était réellement. Mais ce topo-guide était déjà ancien et le Tour du Coronat était censé ne plus exister. D’ailleurs des responsables de la Fédération Française de Randonnée Pédestre ne m’avaient-ils pas déconseillé ce « périple » ? Ne les écoutant pas, je m’étais néanmoins lancé dans cette « aventure annoncée » avec l’envie de découvrir. J’avais donc découvert un système alimentant une retenue d’eau au dessus de Jujols. Nous étions le 15 août et cette retenue était encore pleine comme elle l’était déjà fin juin lors de la première partie. C’était encourageant. Et puis, ne m’étais-je pas douché normalement au gîte les Ocells, ce qui prouvait que l’eau n’était peut-être plus un problème à Jujols ? Cette fois, j’avais délaissé très vite la piste et j’avais suivi un bout du canal jusqu’au col Diagre. Là, une eau limpide arrivait dans une auge décatie qui semblait faire office à la fois de raccordement et de déversoir. Cette auge semblait être alimentée par une canalisation souterraine descendant des Mollères. Là, au col Diagre, j’avais ignoré la piste et j’étais monté vers la Sola des Mollères où j’avais retrouvé un sentier longeant le canal de Jujols. Constamment enterré jusqu’au col du Portus, j’avais été étonné de cet « ensevelissement » contrairement aux autres canaux de montagne que je connaissais. Je n’y avais pas constaté de fuites, mais en plus, il m’arrivait parfois d’entendre l’eau chanter sous les lauzes. Quand l’occasion m’avait été donnée de soulever une lauze sans pour autant détériorer l’ouvrage, j’avais été agréablement surpris de son débit parfois si fougueux. Je savais que l’eau avait toujours manqué à Jujols et que les efforts pour l’y amener avaient été constants tout comme les querelles avec les villages voisins pour s’approprier ce bien si précieux. Le lac de Nohèdes est comme son nom l’indique situé sur la commune de Nohèdes et que les Jujoliens aient voulu s’en emparer de son eau n’a jamais été accepté des habitants de l’autre vallée, celle de Nohèdes. Ce débit en pleine forêt m’avait semblé contradictoire, surtout en août, mais il est vrai qu’en 2007, je ne connaissais pas toute l’Histoire et en plus, je n’ai jamais été un spécialiste en hydrométrie. Je savais que les sources étaient très nombreuses sur les flancs du Coronat mais ce n’est qu’ultérieurement avec la lecture du livre d’Yvon Robert que j’ai appris que la plupart étaient insuffisantes à la vie entière du village, tout comme l’eau du seul canal d’ailleurs. Les sources se résumaient à celle de Font Frède. En outre, les moyens de les trouver étaient plutôt récents quand aux méthodes pour les canaliser, elles étaient loin d’être évidentes tant le relief et l’éloignement ont toujours été des obstacles et des freins naturels. Quelques personnes s’y sont pourtant essayées en réalisant des réseaux secondaires mais ensuite encore fallait-il les entretenir. Voilà ce que j’avais découvert sur le terrain et dans mes lectures. Et puis lors de cette deuxième partie du Tour du Coronat, ma découverte s’était arrêtée au col du Portus car la suite m’avait entraîné vers Nohèdes. Le morceau jamais accompli entre le col du Portus et le lac de Nohèdes restait donc à faire. C’est ce que j’ai fait cette fois-ci.
(**) Le livre de l’ancien maire Yvon Robert s’intitule « Jujols de 1974 à 1986 – Gens de Jujols, je vais vous raconter comment ça s’est vraiment passé ». Il est consultable sur le site Calaméo et présenté par son fils Alain Michel Robert sous le titre « La véritable histoire de Jujols de 1974 à 1986 ». Yvon Robert est né en 1933 à Toucy dans l’Yonne et est décédé à Jujols en 2013. Il a été maire de Jujols de 1979 à 1987 puis de 1989 à 1995. Ereinté par des querelles intestines, divers problèmes personnels et le décès d’un enfant qui lui était proche, il passe temporairement le flambeau à son fils Olivier qui devient maire de 1987 à 1989. Dans son livre, il raconte sa vie avant Jujols. Son arrivée en 1974 et les difficultés d’installation qu’il rencontre dans ce village de montagne du Haut-Conflent oublié de tous. Ce désir fou de vouloir sortir le village de son isolement et son implication totale, année après année, dans sa fonction de maire pour y parvenir. Il règle des comptes avec des gens qui n’ont eu de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues. Enfin, la dernière partie de l’ouvrage est consacrée aux problèmes séculaires que le village a connu pour s’approvisionner en eau jusqu’à la solution bénéfique et durable finalement trouvée. Le chapitre s’intitule « Les problèmes d’eau d’arrosage de 1830 à 1987 » et bien évidemment on y évoque le canal.
(***) L’Histoire du canal de Jujols et de l’eau au village : Depuis des temps immémoriaux, capter l’eau et l’amener au village ont été des problèmes majeurs pour les Jujoliens, voilà ce que nous apprend une notice historique de l’abbé Giralt, curé de Fuilla, parue dans un bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire de 1911. On ne sait rien de toute antériorité à 1830. En 1830, on sait que les Jujoliens dérivent l’eau du Ravin de Font Frède (la Source Froide) et l’amène dans un abreuvoir au Col Diagre. Souci néanmoins car cette eau descend jusqu’à présent sur la commune d’Evol par le ravin du Riel, et ce malgré que l’approvisionnement d’Evol soit moins problématique car le torrent d’Evol et bien d’autres ruisseaux secondaires aboutissent dans ce village. Les Jujoliens trouvent donc normal ce prélèvement. En 1840, lors d’un Conseil municipal, les Jujoliens décident d’amener l’eau de Font Frède directement au village. Les travaux sont réalisés mais au fil des ans, le seul débit de cette source s’avère insuffisant pour répondre à tous les besoins des villageois. En 1870, une association syndicale est créée et son objectif est d’imaginer la captation des rivières de Nohèdes et d’Evol. Suite à une demande dans ce sens datant de 1871, le 12 juillet 1873, le président de la République le maréchal Mac-Mahon signe un décret autorisant la construction d’un canal d’irrigation permettant de capter dans la rivière de Nohèdes, un volume de 50 litres par seconde mais sur une période limitée du 1er mars au 30 juin. En novembre de la même année, un arrêté préfectoral crée une Association Syndicale Autorisée et l’autorisation annuelle de dériver l’eau de la rivière de Nohèdes est confirmée pour arroser une surface agricole de 88 hectares de la commune de Jujols. Cette association est créée sous le nom de « Société du Canal de Jujols » dont l’objet poursuivi est de construire puis d’exploiter un futur canal de 8,7 km de long entre le Gorg Estelat situé à la côte 1911 sur la commune de Nohèdes jusqu’au lieu-dit Ravin de Font Frède à la côte 1557. Les travaux sont immédiatement lancés et le canal voit le jour mais aucun dossier n’a été retrouvé, ni dans les archives des Ponts et Chaussées ni dans celles de la Direction Départementale de l’Agriculture. Il faut noter néanmoins que cette captation de l’eau de Nohèdes par les habitants de Jujols n’a jamais été acceptée par les villageois de la vallée de Nohèdes (Nohèdes, Bettlans, Conat et Ria) et les querelles n’ont jamais cessé depuis. Quant aux Jujoliens, ils ne sont pas satisfaits non plus de se voir privés d’eau dès le 1er juillet car c’est à cette période que les plus gros besoins se font sentir. En 1888, des pétitions sont lancées et des compromis sont trouvés par les autorités. Par décret, le président de la République Sadi Carnot donne une autorisation supplémentaire aux Jujoliens si le débit à l’endroit de la prise d’eau est supérieur à 60 litres par seconde. Un marché de dupes apparemment. Le plus souvent, les vanniers chargés de l’ouverture et de la fermeture des vannes ne respectent pas les différentes autorisations et la solidarité est un vain mot. De ce fait, les mauvaises relations entre villages s’amplifient engendrant des différents, des altercations, des discordes, des plaintes et des procès. Ces relations exécrables ne cesseront jamais tout comme l’exode rural qui a déjà commencé dans les années 1860/1870 dans la plupart des villages du Haut-Conflent. Paradoxalement, c’est l’amélioration des voies de circulation, la création des routes et des chemins de fer qui sont à l’origine de cet exode. Jujols passe de 242 résidents en 1806 à 86 en 1921. La population décroît et avec elle les besoins en eau. En 1898, les Jujoliens sont priés de réparer la prise d’eau située sous le Gorg Estelat à la côte de 1.911 m d’altitude. Les documents retrouvés ont permis de se faire une très bonne idée de ce qu’étaient les labeurs en montagne pour acheminer le matériel nécéssaire. Au delà du prix de revient et du tarif journalier des intervenants (2F50 pour les hommes et 1F75 pour les femmes), la partie intéressante et saisissante est de savoir que 30 personnes (28 hommes et 2 femmes) et une ânesse par pièce ont participé à cette expédition démarrant d’Evol à 815 m d’altitude et se terminant à la prise d’eau. Inutile de préciser que cette opération s’effectue à pieds par des sentiers muletiers, probablement le fameux Cami Ramader, et quand on connaît le relief et la distance, on a immédiatement une très bonne idée de ce qu’était la pénibilité à cette époque. Les années passent et les mêmes difficultés et problèmes demeurent et le canal nécessite un entretien régulier. En 1939, 25 tenanciers d’Evol se plaignent de la captation de l’eau du ravin de Font Frède. L’affaire reste sans suite et c’est cette année-là que les Jujoliens choisissent pour construire un réservoir de 40 à 50 m3, au dessus et non loin du village alimenté par une buse depuis le col Diagre. En 1962, l’eau potable arrive dans le village grâce à l’édification d’un petit château d’eau mais le réseau et les différentes installations ne seront jamais d’une grande fiabilité. La population s’amenuise encore et toujours, passant de 159 habitants en 1881 à 8 en 1973. C’est en septembre de cette année-là que l’Association Syndicale Autorisée du Canal de Jujols créée en 1873 est dissoute par arrêté préfectoral. Elle aura duré 100 ans et c’est une perte considérable pour le village car elle perd définitivement son droit sur l’eau du Gorg Estelat obtenu de haute lutte. Il ne lui reste que les yeux pour pleurer et l’eau de Font Frède, et encore de lourds travaux sont indispensables. Fin des années 1970, début 80, Jujols semble renaître de ses cendres et de nouvelles familles s’installent, le maire Yvon Robert est le chef de file de ce renouveau. En 1983, le maire souhaite récupérer le droit sur l’eau du Gorg Estelat mais il essuie un refus catégorique des habitants de Nohèdes alors il se tourne vers ceux d’Evol et demande à dériver 6 litres par seconde de la rivière d’Evol au lieu-dit La Mouline. Il essuie un second refus sous le tollé général des Olettois qui s’oppose en majorité à ce projet. Il faut donc se retrousser les manches et chercher d’autres solutions ou l’inverse. C’est ce qui sera fait dans les années 84/87 toujours à partir de la source principale de Font Frède mais avec d’autres sources moins importantes aussi. Yvon Robert fait venir des spécialistes comme le célèbre spéléo Dédé Lachambre. Ensemble, ils cherchent d’autres sources, se lancent dans de nouveaux travaux de captations et de canalisations, réparent les anciennes, celles du col Diagre et de la boutasse. Des systèmes d’aspersion sous pression sont installés pour arroser des cultures proches du village. Des bénévoles, des enfants en vacances l’aident dans cette tâche incommensurable pour capter de l’eau et l’amener au village. En 1983, des amis spéléos descendent dans l’Aven des Chiens, un groupe électrogène est acheté et monté là-haut pour y pomper de l’eau mais le matériel est finalement volé et le projet abandonné. Une idée de 1981 de construire une retenue collinaire plus importante permettant de capter au maximum les eaux ruisselantes dévalant du Mont Coronat est avalisé en 1989. Le projet est lancé et les travaux démarrent en 1991. La capacité sera de 11.080 m3. C’est cette fameuse retenue que j’aperçois en 2007 et que j’évoque dans le paragraphe consacré au Tour du Coronat. Jujols a-t-il résolu tous ses problèmes d’eau ? Yvon Robert n’aura de cesse de s’intéresser à ce problème et voilà pour terminer ce qu’on peut lire dans son livre « Ce manque d’eau fut un véritable casse-tête pendant des années. Les Jujolsiens d’aujourd’hui 2008 sont des enfants gâtés. Ils ne se figurent pas la peine que nous avons eue pour avoir l’eau sous pression en abondance dans tous les jardins et les champs cultivés, à toute heure, jour et nuit, sans rôle ». J’en parlerai au fur et à mesure. Mais que l’on sache que ce fut la construction de la retenue collinaire en 1991 qui nous mit à l’abri de la pénurie. Sans cette eau, Jujols serait comme il fut pendant des siècles : un village quasi désertique. Que ceux qui veulent savoir ouvrent les cahiers de délibération d’antan de 1860 à 1900 et ils verront régulièrement les problèmes d’eau resurgir…. » (L'essentiel de cet historique a été extrait du livre d'Yvon Robert, ancien maire de Jujols).
(****) Les légendes du lac de Nohèdes et du lac d’ Evol : Beaucoup de légendes sont liées aux étangs dits de Nohèdes, en particulier le Gorg Negre ou lac d’Évol. Par exemple, le seul fait d'y jeter une pierre pouvait suffire à provoquer une épouvantable tempête ; ou encore, les truites qu'on y pêchait sautaient de la poêle quand on les faisait cuire et repartaient par la cheminée. L'une des plus jolies légendes concerne la création des trois étangs. Dieu, après avoir créé le monde, cherchait en bon perfectionniste à améliorer son oeuvre. Il passa un jour par Évol, et rencontra dans la montagne d'horribles sorcières. Il leur demanda malgré tout ce qu'elles désiraient pour embellir leur séjour, et elles souhaitèrent avoir un étang. Dieu s'exécuta, mais il le fit sombre, ténébreux, à l'image de leur âme. Ce fut le Gorg Negre. Cependant, non loin de là, à Nohèdes, vivaient des fées aimables et gracieuses que Dieu voulut récompenser : il déroba un morceau de l'étang qu'il venait de créer et le répandit sur le territoire des fées, tout en y ajoutant une poignée d'étoiles qu'il décrocha du ciel. Ce fut évidemment le Gorg Estelat. Il s'aperçut alors que, pendant ses travaux, il avait laissé tomber une petite flaque d'eau au creux d'un rocher. Il la trouva jolie, l'agrandit un peu et la colora avec le bleu du ciel. Ce fut le Gorg Blau. Les sorcières, voyant le travail du Créateur, manifestèrent leur jalousie. Mais Dieu, excédé par ces mégères, versa dans leur étang une grande quantité d'encre, et planta tout autour des pins tout noirs, encore plus noirs que la nuit. Le Gorg Negre devint encore plus sombre qu'il ne l'était et le demeura éternellement. (Texte extrait de l’ouvrage de Didier Payré - Mémoires de Nohèdes).
Le seigneur de Paracolls, dont le château s’élevait dans la vallée de la Castellane, partant pour une longue absence, la croisade peut-être, prit la précaution de cacher ses trésors, qui étaient grands, sur une île au milieu du Gorg Negre, dans une grotte fermée par une solide porte de fer. Il en confia la clef à sa nièce qu’il savait courageuse et fidèle. La notoriété de ce trésor avait éveillé bien des convoitises, notamment celle du comte de Cerdanya (la légende ne dit pas le nom de ce comte, ni la date des évènements). Il envoya une troupe en armes, qui se présenta devant le château de Paracolls qui n’était gardé que par quelques hommes. La jeune fille comprit que toute résistance était inutile. Elle fut forcée de révéler le lieu de la cachette et accepta de conduire la troupe jusqu’à la chambre souterraine dont la clef lui avait été confiée. Mais tout en les conduisant, elle priait le ciel et la Vierge de lui donner le moyen de ne pas trahir la confiance que lui avait manifestée son oncle. Les soudards entreprirent de couper des arbres dans la forêt pour en faire des radeaux et s’embarquèrent pour atteindre l’île au trésor. Soudain ils entendirent un bruissement d’ailes et virent un aigle noir dont le vol immense obscurcissait le ciel. Un des soldats lui lança une pierre. Geste malencontreux ! La pierre en tombant à l’eau déclencha une tempête de fin de monde : éclairs, tonnerre, vents et nuages de grêle se déchaînèrent. Les vagues en furie eurent tôt fait d’engloutir le radeau et ses occupants. Le trésor du sire de Paracolls était sauf, et, bien plus précieux, l’honneur de la gente jouvencelle. Morale de l’histoire : ne convoitez pas le bien d’autrui, et, si vous entreprenez un « hold-up », ne vous avisez pas de jeter des pierres n’importe où ! (Extraits du livre Lieux et Légendes du Roussillon et des Pyrénées Catalanes – Jean Abélanet)
A partir d’Urbanya, cette boucle que j’ai intitulé le « Circuit des Clôtures » est une version un peu plus longue et un peu plus difficile que celle qui avait pour nom le « Balcon d’Urbanya ». A l’époque, en 2009, nous n’avions pas de maison à Urbanya et nous avions démarré de Nohèdes empruntant presque exclusivement des pistes forestières. Cette fois, le circuit s’effectue un peu plus haut en altitude et vous l’aurez compris, les sentiers sont en réalité des layons, lesquels pour la plupart longent des clôtures. Certains de ces layons sont balisés de bleu ou de jaune et sont donc de véritables sentiers, d’autres sont parfaitement matérialisés par les clôtures mais sont sans balisage, d’autres sont un peu moins évidents mais dans l’ensemble, ils sont tous praticables. En tous cas, ils l’étaient quand nous avons effectué cette longue balade au printemps dernier. Alors bien sûr, un tracé G.P.S n’est pas superflu pour les personnes ne connaissant pas ces montagnes. Assez souvent ces clôtures délimitent les communes, ici Conat, Mosset, Nohèdes et bien évidemment Urbanya, mais autant l’avouer ce circuit n’a jamais eu l’ambition formelle de suivre très exactement ces frontières communales. Non, mes objectifs premiers étaient d’aller prendre un grand bol d’air, de monter le plus haut possible pour observer les panoramas, d’aller découvrir et photographier la flore et la faune toujours très présentes et belles au mois de mai et pour ce faire de profiter que les journées sont très longues à cette époque de l’année. Je ne souhaitais ni compter mon temps ni les kilomètres. J’avais d’ailleurs averti Dany qu’aujourd’hui la flânerie serait le seul leitmotiv si son souhait était de m’accompagner. La balade étant très longue mais la journée aussi, les périodes de pause le seraient également. En ce 21 mai, nous voilà donc partis tous les deux par le chemin de Saint-Jacques, direction une liste de cols et de sommets déjà vus à plusieurs reprises mais dont nous ne nous lassons pas quand nous résidons à Urbanya : Serrat de Miralles, Serrat Gran, Col de les Bigues, Serrat de la Font de la Barbera, Pic et Col del Torn, Pic de Portepas, Roc de Peirafita, Pic de la Moscatesa, Pic Lloset, Col et Pic de la Serra et enfin retour vers Urbanya. Depuis 6 ans que nous résidons dans le village, c’est la toute première fois que Dany et moi relevons un tel défi ensemble. La météo est excellente mais fluctuante avec un ciel bleu hésitant à se parer d’un voile blanc et une douce tramontane à amener quelques nuages et un peu de fraîcheur. Nous avons tout prévu y compris des sweets un peu plus chauds que les tee-shirts mis au départ. Dany a même prévu une polaire et deux foulards plus ou moins chauds. Pas de poncho car aucune pluie n’est annoncée par Météo France. Comme je m’y attendais flore et faune sont omniprésentes dès le départ et mes arrêts photographiques se succèdent à une cadence infernale ne convenant pas vraiment à Dany qui, elle, n’a pas d’appareil photo. Je lui rappelle simplement que le circuit prévu est très long, plutôt difficile et qu’il est bon de paresser car au fil de la journée nous aurons sans doute d’autres bons motifs pour ronchonner. De toute manière, elle monte à son rythme, moi au mien mais on finit toujours pas se retrouver aux vraies pauses qui se succèdent car à quoi bon marcher si on ne prend pas le temps de la contemplation et de l’observation ? Un Canigou encore un peu enneigé décore magnifiquement l’horizon et cette seule vision nous fait oublier les difficultés et les menues discordes. En un peu plus d’une heure, nous avons atteint les vraies premières clôtures, celles qui montent rudement vers le Serrat de Miralles puis se poursuivent vers le Serrat Gran et le col de Les Bigues. Moi, je n'aime pas trop les clôtures, surtout quand elles sont électrifiées. Elles perturbent les animaux sauvages et les empêchent de circuler sur leurs lieux de passage traditionnels. Je pense que leur présence, outre de délimiter les communes, est d'empêcher les querelles entre chasseurs ou éleveurs. Les seuls avantages que je trouve à leur présence sont les layons et le débroussaillage que ces derniers nécessitent me permettant d'assouvir ma passion de la marche. C'est le cas ici, dans cette rude montée. Les genêts ont été ratiboisés et d’amples vues se dévoilent sur la vallée du Têt et à l’horizon vers la Méditerranée. La pente étant plutôt raide, c’est de manière plutôt cool que nous égrenons ces clôtures. Les premières séparent les communes de Conat et d’Urbanya quand aux secondes, elles servent de frontière avec le domaine privé de Cobazet. Ici, depuis la fameuse rébellion puis mobilisation de septembre 2012 à propos de l’accès au Madres avec le propriétaire Groupama, on sait que privé ne signifie plus interdit. Depuis 1068, la fameuse Loi Stratae qui régit les Usatges de Barcelone n’a rien perdu de sa verdeur et de sa vigueur en Catalogne nord. Toutefois, l’autorisation de randonner dans le domaine n’empêche nullement le respect des consignes données, à savoir interdiction de ramasser les champignons, de couper du bois ou de prélever quoi que ce soit, le but louable de tous étant apparemment de préserver la nature. Enfin c’est ce qui avait été dit et comme la préservation de la nature nous convient parfaitement, nous la respectons au mieux même s’ils nous arrivent parfois de couper un peu de gui ou de houx pour la Noël ou de déguster quelques fruits sauvages en automne. Pour le reste, je ne pense pas que photographier la nature soit un délit punissable d’interdiction de circuler ? Une nature qui aujourd’hui ne nous fait pas défaut car bien présente et visible. Si les papillons sont déjà très nombreux depuis le départ, les oiseaux ne sont pas en reste quand aux mammifères, leur rareté rend encore plus agréable leurs fugaces apparitions. Ces dernières se sont déjà présentées sous les traits d’une biche et d’un petit attroupement de sangliers que j’ai tenté de photographier tant bien que mal, mais sans la certitude quand à la qualité des clichés qui se sont enregistrés. Alors, bien sûr l’arrivée au col de Les Bigues nécessite que l’on est déjà enjambé la clôture, puis une fois à l’intérieur du domaine de Cobazet, on poursuit la piste sur quelques mètres avant de rejoindre une autre clôture qui file vers un large chemin montant directement jusqu’au Serrat de la Font de la Barbera. Ce chemin est également récupérable par la piste menant au col de Tour ou del Torn se trouvant sur la droite et hors du domaine. Ici, ce sont les bûcherons et les chasseurs qui créent les itinéraires, et si clôtures il y a, rien n’interdit qu’on s’en écarte pour faire le choix de chemins plus empruntés. Il va en être ainsi jusqu’au col de Tour ou del Torn, où divers sentiers et chemins nous obligent à de multiples hésitations. Mon G.P.S pallie à nos errements et incertitudes. Finalement, nous faisons le choix de monter toujours plus haut, restant dans nos objectifs premiers que sont l’observation, la découverte et l’envie de faire un peu de sport. C’est ainsi qu’on fait le choix de monter au pic de Tour (1.632 m) plutôt que d’emprunter un autre chemin filant directement vers le col éponyme. Je connais un peu ce parcours pour être déjà venu en juillet 2013. La chance nous sourit encore quand un chevreuil détale d’un bosquet de genêts où il devait dormir paisiblement. C’est assez étrange car en 2013, j’avais déjà surpris plusieurs chevreuils et même des faons ressemblant étrangement à des daims compte tenu de leur taille déjà bien développée. Au col de Tour, je connais bien la suite de l’itinéraire qu’il faut prendre pour me diriger vers le pic de Portepas. Il n’est pas évident pour celui qu’il ne le connaît pas d’où l’intérêt d’un grand sens de l’orientation ou mieux d’un tracé G.P.S. Après avoir emprunté la piste DFCI C060 qui redescend directement vers Urbanya, il faut rapidement prendre à droite celle numérotée C056. Zone d’estives avec un enclos dès le départ, j’ai eu bon nombre de fois l’occasion de prendre ce chemin mais cette fois, il faut le quitter 200 mètres après, partir en montant vers la droite pour rejoindre une clôture. Cette clôture permet de rejoindre le pic de Portepas sans trop de difficultés, si l’on a les qualités d’orientation citées plus haut ou l’appareillage GPS adéquat. Au col de Portepas, il faut redescendre plein sud en direction du canal d’Urbanya. En général, une caminole plus profonde que les autres dans la prairie permet de se diriger dans la bonne direction par l’itinéraire le plus court mais quoi qu’il arrive, en filant vers le sud, on ne peut que rencontrer le canal. Là, il faut le suivre par la gauche jusqu’à la forêt du Bac de la Pinosa. Inévitablement en suivant le canal, lequel ici devient Correc de la Pinosa, on tombe sur un étroit sentier lequel part à droite en direction du Roc de Peirafita. Le mieux est de rester au plus haut de la crête en suivant une clôture, car on profite pleinement des vues s’entrouvrant sur le vallon de Nohèdes et les massifs du Coronat et du Madres. Le layon s’élargit en descendant et s’entrouvre offrant de jolies vues sur le pic de la Moscatosa qui est notre objectif suivant. Au pied de ce pic, il faut délaisser la large piste partant à gauche et poursuivre en continuant à longer la clôture. Le pic de la Moscatosa est un dôme débonnaire se trouvant très légèrement sur la droite. Une fois encore, et malgré ce relief de type « montagnes russes », le blanc et merveilleux Canigou est le centre d’intérêt de tous les regards. Au sommet du Moscatosa, on bénéficie d’époustouflants panoramas à 180 degrés sur la très longue vallée de Nohèdes. Cette vallée est très souvent mentionnée comme celle dite de l’Arche Perdue, car selon la légende Noé y aurait amarré son arche au sommet du Roc des Salimans. Un roc bien visible depuis cette crête mais pour l’arche nous arrivons trop tard. Elle est repartie mais personne ne sait où ? Peut-être au Mont Ararat ? Dommage car elle aurait pu emporter de nombreux animaux sauvages. Des animaux bien trop souvent en péril, non pas en raison du déluge mais à cause de la chasse, laquelle, à mon goût, s’étend sur une période bien trop longue, ici dans les Pyrénées comme partout en France. La suite est assez simple puisqu’en continuant la clôture, on va descendre vers le pic Lloset, autre sommet qu’il faut atteindre avant une nouvelle descente qui se termine au col de la Serra puis au pic éponyme. Entre les deux, vous aurez constatez que le sentier est désormais balisé en jaune. Ce balisage est la terminaison de la randonnée que j’avais intitulé « le Balcon de Nohèdes », balade qui emprunte longuement l’ancien canal de ce village. Entre le col et le pic de la Serra, un joli orri rappelle que ce secteur a toujours été une zone pastorale prisée des bergers du coin. Elle l’est encore, alors gare aux patous qui sont parfois très agressifs et n’hésitez à faire une entorse au parcours si vous apercevez un troupeau et des chiens. Il y a deux ans, je me souviens avoir rencontré un couple avec deux jeunes enfants, lesquels étaient tétanisés par l’expérience qu’ils venaient de vivre face à plusieurs patous qui les empêchaient de redescendre sur Nohèdes à partir du col de la Serra. J’avais été contraint de leur demander de me suivre jusqu’au col de Marsac afin de les remettre dans le droit chemin. Voilà déjà deux fois qu’à cet endroit je suis confronté à ce devoir car les troupeaux et les patous semblent très souvent livrés à eux-mêmes, de ce fait, les chiens deviennent les maîtres de la montagne. Aujourd’hui encore, le col de Marsac est bien la bonne direction, sauf qu’avant d’y arriver et à hauteur d’une clôture se trouvant sur la gauche, il faut arrêter de descendre pour se diriger vers cette dernière. Il faut se débrouiller pour la franchir puis on poursuit par la piste qui file à droite, celle de gauche correspondant à l’ancien tracé du Tour du Coronat qui monte au col de Tour. Cette piste de gauche permet de rejoindre une intersection mais dans le deux cas, à droite ou à gauche, on rejoint Urbanya. Nous, non loin de cette intersection, nous avons pris un raccourci, lequel à travers bois, mais sur un terrain accidenté, rejoint plus directement notre petite maison. Alors bien sûr, je ne vous conseille pas ce tronçon même si une dernière clôture qu’il faut longer finit de légitimer le nom de cette balade. Elle a été longue de 21 à 22 km pour des montées cumulées de 1.700 à 1.800 mètres environ. Si je ne fournis pas de chiffres précis et simplement des fourchettes, c’est parce que je n’ai pas enregistré de tracé en cours de route sur mon G.P.S, me fiant à un tracé préenregistré qui n’a pas été exactement celui accompli. Le pic de Portepas avec ses 1.798 m d’altitude est le point culminant de cette randonnée, cela j’en suis sûr. Urbanya étant le point le plus bas à 856 m, le dénivelé est de 942 m entre le village et le pic. Arrêts nombreux inclus et longues pauses comprises, nous avons accompli cette boucle en 9 heures, démarrant à 9 h du matin et finissant vers 18 h. Bien évidement, il est probablement réalisable en beaucoup moins de temps pour des randonneurs plus jeunes et en bien meilleure forme. L’ensemble de ce parcours, que certains trouveront sans doute trop long, peut être, bien évidemment, accompli en 2 jours soit avec tente et bardas soit en réservant un logis dans un gîte d’Urbanya. Il y en a plusieurs qui se feront un grand plaisir de vous y accueillir. Cartes IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul-de Fenouillet, 2248 ET Axat – Quérigut – Gorges de l’Aude, 2249 ET Font-Romeu - Capcir Top 25.
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Il y a quelques années, le « Sentier de Carbodell », ancien chemin muletier, a été réhabilité par la commune de Nohèdes en un petit sentier de découverte. Bien avant que la route ait été construite en 1912, il permettait aux Nohédois de rejoindre d’abord la vallée de Nohèdes puis de là, les villageois rejoignaient Betllans, Conat, Ria puis Prades ou Villefranche-de-Conflent par un autre « cami » longeant la rivière de Callau. Si le « Sentier de Carbodell » a tout conservé de son passé ou presque, le reste du parcours est, à quelques petites variantes près, devenu la départementale D.26. Bien évidemment, avec la curiosité coutumière qui est la mienne, j’ai voulu savoir qui était ce « Carbodell » et là, je l’avoue, au fil de mes recherches et de mes interrogations, je suis allé de surprises en surprises. Dès le départ, j’ai pensé que « Carbodell » était un personnage et j’ai orienté mes recherches dans ce sens-là en interrogeant les sites Internet des « noms de familles » comme par exemple, celui tout à fait remarquable de l’historien Jean Tosti dont le dictionnaire présente l’avantage de commenter toutes les origines et étymologies. Il y avait bien un « Carbonell », un « Carboneil » et un « Carbonnel » parfois avec un seul « n » ou un seul « l » parfois avec deux, mais « Carbodell », lui, était inconnu au bataillon des noms propres. J’ai donc élargi mes recherches vers des sites comme Lexilogos et tous ceux consacrés à la généalogie. Toujours rien. Je me suis donc rendu au cimetière de Nohèdes et à celui de Conat car je pensais que « Carbodell » était peut-être un muletier du cru dont les « exploits équins » avaient été suffisamment célèbres pour laisser ainsi son empreinte gravée dans le temps. Rien ! J’ai fini par imaginer qu’une erreur de retranscription, comme cela arrivait souvent au temps où les registres d’état-civil étaient tenus à la plume d’oie, avait transformé un « Carbonell » en « Carbodell ». Je n’ai rien trouvé sur la Toile allant dans ce sens et en tous cas, rien de vraiment concret ou trop peu de choses pour en tirer une plausible conclusion. J’ai ensuite analysé toutes les cartes géographiques de Nohèdes et de ses proches alentours, et là, j’ai fini par trouver sur la carte cadastrale, à l’est du village, une vaste parcelle intitulée « Carboudel ». Une rue à Nohèdes portait également cette dénomination. J’ai donc repris mes recherches avec ce nom-là car je pensais que « Carboudel » était une forme francisée de « Carbodell ». Toujours rien et aucune famille ne portait ce nom-là non plus. Devant tant d’évidences, j’en ai donc déduit que « Carbodell » ou « Carboudel » n’étaient pas des noms de personnes. Oui, mais voilà, pourquoi avait-on donné ce patronyme à un sentier de randonnée pédestre ? J’ai donc adressé un mail à Monsieur le maire de Nohèdes et avec beaucoup de gentillesse, il m’a très rapidement répondu en me disant que l’on pouvait traduire le mot catalan « Carbodell » en « crève-boudin » avant de se reprendre et de préciser que « crève-boyau » était sans doute mieux approprié. Il rajoutait que ce surnom avait été donné au sentier à cause de son exposition très ensoleillée et de sa raideur que l’on éprouvait à le gravir au temps où les villageois l’empruntaient avec des mulets. L’ayant monté, il y a quelques années puis redescendu cette fois-ci, j’imagine aisément ce que cela pouvait être avec des mules ou des ânes lourdement chargés. Voilà, j’avais enfin mon explication car si initialement j’avais pensé à couper le nom catalan « Carbodell » en deux pour en extraire un lieu éventuellement riche en charbon (carbo) et dell (du), je n’avais certes pas imaginé qu’un autre découpage eut été possible. C’est ainsi, qu’avec un découpage comprenant le préfixe « car » d’un côté et « bodell » de l’autre, la traduction devient radicalement différente. En effet, si le préfixe « car » reste indécis car il peut signifier « sentier » avec la même origine que « carrer » ou bien encore « pierre » de la racine pré-indo-européenne « kar », il peut aussi bien provenir du catalan « secar » signifiant « sécher » dans le sens de « mourir » ou bien encore du mot « cara » signifiant « face » ou « pente »….toutes ces solutions convenant bien à la physionomie du lieu. Par contre « bodell » ou plutôt « budell » s’est clairement le « boyau » ou « l’intestin » catalan et de ce fait, la dénomination du sentier en « crève-boyau » devient sinon éclatante tout du moins vraisemblable et acceptable. La balade, nous l’avions préalablement accomplie avant même toutes ces recherches et si le Sentier de Carbodell est, avec son 1km800 plutôt limité, une fois couplé à la piste de la Vallée de Nohèdes dite del Ribéral (la rivière), il devient de ce fait, un vrai circuit pédestre de 7 km environ. Le départ est situé sur la D.26 au lieu-dit parking des Salines, à 500 mètres à l’est, avant l’entrée du village. Une pancarte « Betllans –Sentier de Carbodell » et le balisage de couleur jaune indiquent la direction . D’emblée, le sentier amorce une descente même si certaines petites portions remontent puis s’aplanissent pour mieux redescendre ensuite. Il est vrai que le sentier s'adapte à la configuration escarpée du terrain et de ce fait, il s’ajuste aussi au ravin de la Comall de les Salines et à celui du Rec de Bertran, petits affluents de la rivière de Nohèdes. Sur un itinéraire tout en balcon car souvent échafaudé sur des hauts murets de pierres de schistes, on profite des vues renversantes sur le Massif du Coronat et plongeantes sur la « Vallée de l’Arche perdue(*). C’est ainsi que l’on va atteindre le fond du vallon où coule la Ribera. Là, on débouche sur une large piste terreuse. On délaisse l’itinéraire qui file à gauche vers Betllans et on prend à droite en suivant le panonceau « Nohèdes par El Ribéral ». Cette piste file vers la Maison de la Montagne et beaucoup plus loin vers le lieu-dit la Farga où l’on reprend l’asphalte de la route pour revenir vers Nohèdes. Auparavant et sur ce long chemin, on aura largement profité de la fraîcheur de la rivière de Nohèdes et des parties ombragées de la forêt pour flâner puis pique-niquer. Au plus chaud de l’été, certains se baignent dans des petites poches d’eau, cuvettes peu profondes ou marmites plus spacieuses mais attention tout de même car l’eau reste très fraîche et la rivière peut parfois se transformer en un torrent fougueux et capricieux. Moi, comme souvent, j’ai flâné et pris énormément de plaisir à observer et à photographier la nature. Ici, sur ces terrains fertiles, une végétation généreuse a repris ses droits mais il n’en a pas toujours été ainsi car aux siècles précédents, ces terres étaient surtout consacrées à l’agriculture. On y cultivait beaucoup de légumes, des céréales, des pommes de terre et des arbres fruitiers. Aujourd’hui, de ses vieilles cultures, ils ne subsistent que quelques champs envahis par la végétation, les ruines d’un vieux moulin, quelques murets en pierres sèches, des terrasses (feixes) effondrées ou abandonnées, de vieux casots et parfois quelques vergers ressuscités. Si au siècle précédent, Nohèdes vivait en quasi-autarcie et revendait même une partie de sa production agricole faisant ainsi du Sentier de Carbodell, un véritable « crève-boyau » aujourd’hui, ce circuit de découverte c’est un peu le « crève-cœur » d’un passé oublié qui ne reviendra sans doute jamais. Carte IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul de Fenouillet Top 25.
(*) Ce vallon, ici on l’appelle la vallée de l’Arche perdue car selon la légende, Noé aurait amarré son arche à un anneau qui se trouverait au sommet d’un roc du nom de Salimanes ou Salimans (1.694 m) (Voir la photo de ce roc dans mon diaporama).
Cette balade est présente dans le petit livret consacré aux itinéraires de découverte de Nohèdes : 9 itinéraires pour découvrir la vallée de L’Arche Perdue. Ce guide édité par l’Association Gestionnaire de la Réserve Naturelle de Nohèdes est achetable au tarif de 2 euros à la Maison de la Réserve de Nohèdes.
Pourquoi en ce mois d’août 2013, me suis-je fixé comme objectif, l’ascension du Mont Coronat depuis Nohèdes ? D’abord, à titre d’entraînement, toujours en prévision du Tour du Capcir programmé début septembre. Mais pas seulement et l’autre raison est plus longue à conter. En voici l’histoire que j’ai voulu la plus brève possible mais dont le détail me paraît inévitable. A l’été 2007, avant de me lancer dans mon « Tour du Coronat » en 6 jours (2+4) et en solitaire, je me posais tout un tas de questions. Il suffit de reprendre la lecture du premier chapitre de mon récit de l’époque intitulé « Des merveilles au pays d’Alysse » pour le constater. En y repensant, je me dis que ces réflexions étaient normales car si marcher sur plusieurs jours ne me posait aucune difficulté l’ayant déjà fait à maintes reprises (GR.10, Jura, Auvergne, G.R30, Stevenson, etc….), partir seul sur des sentiers inconnus et peut-être même inexistants me laissait relativement interrogatif. En effet, si j’avais découvert ce parcours pédestre sur un vieux topo-guide de 1988 et si l’itinéraire était encore présent sur de vieilles cartes IGN, selon le Comité départemental de la Fédération Française des Randonnées Pédestres que je venais de rencontrer, les sentiers n’existaient plus et j’allais prendre le risque de partir dans l’inconnu. Mais l’inconnu m’attirait et j’avais déjà fait mienne cette citation d’Henry de Monfreid : « N'ayez jamais peur de la vie, n'ayez jamais peur de l'aventure,faites confiance au hasard, à la chance, à la destinée. Partez, allez conquérir d'autres espaces,d'autres espérances.Le reste vous sera donné de surcroît » .Si l’absence « éventuelle » de sentiers me laissait perplexe, le côté mystérieux de cette longue balade n’était pas pour me déplaire et mon désir de découvertes était loin d’être entamé. En tous cas, selon Antoine Glory, auteur et concepteur de ce tour vieux de 20 ans, le Mont Coronat semblait plein de mystères et d’ailleurs s’il en déconseillait l’ascension en écrivant « on négligera pourtant son ascension, délicate et hors sentier » n’écrivait-il pas par ailleurs « on caressera souvent du regard le dôme du Mont Coronat, montagne fascinante s'il en est, drapée dans la chape sombre et mystérieuse de ses pins noirs à crochets ». Et c’est vrai que cette montagne me fascina à la fois lors de ces six jours mais pendant bien plus longtemps encore. Elle me fascine encore aujourd’hui. Pourtant, peu de temps après mon « Tour du Coronat », le 14 octobre 2007 exactement et alors que je pars écouter le brame du cerf du côté du Puig d’Escoutou, la chasse est ouverte et ça « canarde » de tous les côtés. J’’entends même ce que je crois être une balle siffler à mes oreilles. Par naïveté, je n’avais jamais imaginé que la chasse puisse être ouverte au moment même où les cerfs sont en rut et courent sans se méfier derrière les biches. Enfin c’est ainsi et je rebrousse chemin. Mais que faire de cette belle journée ensoleillée pour qu’elle ne soit pas complètement perdue ? Voilà peut-être l’occasion rêvée de monter au sommet du Mont Coronat non ? Aussitôt dit, aussitôt fait et me voilà parti du côté du Col du Portus où démarre l’ascension. Ce jour-là, autant le dire, or mis une jolie boussole que j’avais trouvé au sommet, j’étais resté sur ma faim et beaucoup de choses s’étaient liguées contre moi pour rendre cette balade pas vraiment enthousiasmante. D’abord, les piles de mon appareil-photo tombent en rade dès le début de l’ascension. Je ne vais donc en garder aucun souvenir. Dix minutes plus tard, je commence à entendre les aboiements ininterrompus de plusieurs chiens de chasse qui semblent me devancer au fur et à mesure que je monte. J’envisage de rebrousser chemin pensant qu’il y a des chasseurs là aussi. Mais n’entendant que les chiens et aucun coup de fusil, je décide de poursuivre malgré ces vociférations dont je comprends bien vite qu’elles sont la fin de mes espoirs d’aller à la rencontre de cette nature sauvage que j’aime et que je recherche. Alors que j’avais imaginé une ascension beaucoup plus délicate comme le suggérait Antoine Glory, j’atteins le sommet sans tracé GPS et sans réelle difficulté malgré un sentier incertain et non balisé mais néanmoins présent qui suit plus ou moins une ligne peu élevée de crêtes rocheuses sur laquelle on bascule parfois d’un versant à l’autre. De temps à autre, quelques petites prairies herbeuses ponctuent et bousculent ce décor essentiellement boisé de pins à crochets. Je suis par contre assez étonné des paysages que l’on peut néanmoins voir au dessus et au travers des pins alors que je m’attendais à être englouti sous cette « chape sombre et mystérieuse » qu’évoquait Antoine Glory dans le topo-guide. Quand j’atteins le sommet, trois chiens de chasse complètement paumés viennent me faire des fêtes quelques instants plus tard puis ils repartent aussitôt, toujours en vociférant et disparaissent dans les bois courant derrière je ne sais quel gibier invisible. Invisible est le mot juste car ce jour-là, or mis les quelques magnifiques panoramas perceptibles au cours de l’ascension, je ne verrai rien d’autres et voilà pour tout dire l’autre raison d’y retourner en ce mois d’août 2013. 9h15, je laisse ma voiture près de la Centrale Electrique de Nohèdes et je me mets aussitôt en route par la piste qui s’élève vers El Manau et Montailla. Ce jour-là, la météo est superbe, la chasse fermée et or mis deux autres randonneurs que je rencontrerais beaucoup plus haut mais qui s’arrêteront à tout bout de champ pour chercher quelques champignons et que je distancerais rapidement, il n’y a personne d’autre aujourd’hui et c’est donc la journée idéale que j’ai tant espérée pour partir à la rencontre de la faune sauvage que j’escompte découvrir. Et je ne vais pas être déçu car avant même d’entamer l’ascension dans la hêtraie, deux chevreuils déboulent en contrebas du sentier et traversent la piste montant à Montailla. Voilà, je suis venu pour ça et même si tout est allé très vite m’empêchant de photographier ces deux chevreuils, avant même l’ascension du Mont Coronat, je suis déjà comblé au-delà de mes espérances car j’ai déjà vu un écureuil roux du côté de Nohèdes et de nombreux et superbes papillons. Après cette merveilleuse vision, je suis le P.R balisé en jaune et pénètre dans la hêtraie. Ce sentier est plutôt facile et pour l’avoir emprunté à de multiples reprises, je le connais parfaitement et je sais qu’il me faudra environ 2 heures en flânant pour atteindre le col du Portus. Vers 11h, je rejoins la piste peu avant le Pla d’Avall. Je n’ai plus vu aucun animal depuis les deux chevreuils. Une demi-heure plus tard, je passe la barrière du col du Portus et m’engage dans le petit sentier qui démarre au fond du parking. L’ascension du Mont Coronat est lancée et si avec ses 3 kilomètres environ, elle n’est pas très longue, la déclivité étant quasi constante depuis le col du Portus, les 440 mètres de dénivelé qui me séparent du sommet restent néanmoins à gravir. Bien que le Mont Coronat soit peu fréquenté par les randonneurs, on voit bien que cette montagne n’est pas totalement abandonnée de tous. Layons et couloirs dans la forêt, martelages, encochages ou saignées sur les arbres et parfois même traces de peinture laissent imaginer la présence régulière des hommes : agents de l’ONF, bûcherons, chasseurs ou ramasseurs de champignons. Malgré ça, le seul problème, c’est de rester sur le sentier principal au milieu des petites caminoles creusées par les nombreux et divers ongulés qui sévissent dans les parages. C’est ainsi qu’au bout de dix minutes d’ascension, un groupe très important de cervidés détalent dans les bois et malgré ma volonté de les photographier, une fois encore tout s’est passé bien trop vite et je n’ai que des images d’arbres flous et sans intérêt. Dix minutes plus tard encore et dès la première petite prairie, je surprends un chevreuil qui dormait derrière un bosquet de genévriers. Surpris, il détale et s’immobilise quelques mètres plus loin me laissant cette fois le temps de le cadrer. Par dessus ou au travers des résineux, je distingue parfois de superbes paysages où j’arrive à reconnaître quelques destinations pédestres : Pic de la Pelade, Puig d’Escoutou, Madres, Pla des Gorgs, Dourmidou, Pic de Portepas, Col de les Bigues, etc… A l’approche du sommet, je remarque un sanglier entrain de creuser le sol de son groin que je photographie presque au jugé et sans certitude. Il sera bien enregistré même si la photo n’est pas d’une grande qualité. Il est 13h30 tapantes quand je pose le pied sur la borne géodésique se trouvant sous le trépied matérialisant les 2.172 mètres d’altitude du Mont Coronat. Après quelques photos et n’ayant que deux barres de céréales dans le ventre, je décide d’aller pique-niquer sur un éperon rocheux qui domine les lieux-dits Malpas, Roc Rouge mais également la totalité du chemin parcouru. Cet endroit proche de sommet qui domine magnifiquement et sans aucune entrave, le versant sud-ouest du massif, je l’avais découvert en 2007 et j’avais gardé en mémoire les panoramas grandioses que l’on pouvait avoir sur une immense partie du Haut-Conflent, et des Garrotxes, sur les hauts sommets de Cerdagne et du Capcir et enfin sur la belle forêt domaniale des Réserves Naturelles de Jujols et de Nohèdes. Après de nombreuses photos panoramiques sur tous ces lieux merveilleux et une plus aérienne dont un renard fit les frais, j’ai pris le chemin du retour avec l’idée que mon précèdent passage avait été observé de près par tous les animaux de la forêt et que je ne reverrais sans doute plus rien. Eh bien, une fois encore, je me trompais car dès la première petite prairie, je surpris quelques cerfs et biches couchés sur l’herbe entrain de se prélasser. Je n’en croyais pas mes yeux mais malheureusement après une première photo en rapproché, mon pied écrasa une pomme de pin, ce qui déclencha aussitôt une débandade dans la troupe des cervidés. Malgré ce petit regret de n’avoir pas pu les observer et les photographier plus longtemps, j’étais aux anges car comment aurais-je pu me plaindre de cette « incroyable randonnée » au Mont Coronat où tour à tour, j’avais pu observé un écureuil roux, deux chevreuils, un harde de cervidés, de nouveau un autre chevreuil, un sanglier, un renard puis à nouveau des cerfs et des biches, le tout agrémenté de quelques superbes photos d’oiseaux et de papillons. Oui, comme je l’avais si justement intitulé dans mon récit de 2007, le Mont Coronat était bien la montagne « des Merveilles au pays d’Alysse (*) » et or mis quelques belles glissades sur l’herbe et sur les petites pommes de pins à crochets très scélérates quand les semelles sont lisses, le retour vers Nohèdes par le même chemin qu’à l’aller s’effectua sans trop de soucis. Je pris même une très belle photo de ce « fameux » Roc des Salimans dont la légende prétend que Noé y aurait attaché son arche à un anneau lors du déluge. Après mon merveilleux Tour du Coronat de 2007, j’avais suivi les conseils d’Henri de Monfreid en n’ayant pas peur de l’aventure, en faisant confiance au hasard, à la chance, à la destinée. Avec cette ascension du Mont Coronat, montagne fascinante mais plutôt déconseillée par Antoine Glory, j’étais parti conquérir d’autres espaces, d’autres espérances et tout le reste m’avait été offert de surcroît. Cette randonnée telle que présentée ici est longue d’environ 20 kilomètres. L’altitude à la centrale électrique étant de 985 mètres, le dénivelé total jusqu’au Mont Coronat situé à 2.172 mètres est de 1.187 mètres pour des montées cumulées de 1.547 mètres. Eau en quantité suffisante et chaussures bien crantées et à tiges hautes sont fortement conseillées sur ce terrain. Carte IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul-de-Fenouillet Top 25.
(*) Alysse: en 2007 et pour parodier la célèbre œuvre littéraire de Lewis Carroll« Les aventures d’Alice au pays des merveilles », j’avais donné ce nom d’ « Alysse » à cette plante endémique du Mont Coronat que les scientifiques appellent parfois « Hormatophylla pyrenaica » ou bien encore « Alyssum pyrenaicum » et plus rarement « Ptilotrichum pyrenaicum ». Plus communément, on l’appelle « Alysson des Pyrénées », « Corbeille d’argent des Pyrénées » et parfois même « Alysse des Pyrénées » (voir fiche 1508 du Réseau Natura 2000)
Ce diaporama est agrémenté de 3 chansons de Florent Pagny extraites de son album "Le Présent d'Abord". Elles ont pour titre : "Le Présent d'abord", "La Beauté du Doute" et "Je Veux En Voir Encore".