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Les Chemins de l'Ourriet et des Escocells depuis Urbanya

Publié le par gibirando

  

Ce diaporama est agrémenté avec des musiques jouées par le pianiste italien Giovanni Marradi. Elles ont pour titre "Shadows", "Romantico", "Just For You", "Dreams", "Remember When" et "Mamma" (incomplète). 

Les Chemins de l'Ourriet et des Escocells depuis Urbanya

Les Chemins de l'Ourriet et des Escocells depuis Urbanya

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.


Urbanya le 9 juin 2021. Voilà ci-après comment nous avons réalisé cette randonnée que j'ai intitulée « Les Chemins de l'Ourriet et des Escocells (*) »Quand avec Dany nous avons démarré cette balade, je m’étais fixé le but d’atteindre le lieu-dit l’Orriet. Ce lieu-dit, qui est la ruine d’un très vieux mas de montagne, j’ai déjà eu l’occasion  de l’évoquer dans une autre balade que j’avais intitulée « Le Chemin de l’Ourriet depuis Urbanya ». Situé à 1.074 m d’altitude et Dany ne connaissant pas les lieux, je me disais que cette modeste élévation suffirait à son bonheur. En effet, si modeste soit-elle, cette déclivité offre de superbes et amples panoramas sur le vallon d’Urbanya. En montagne, la vision de grands espaces, Dany adore ça et moi aussi. La météo est superbe et au sein d’un printemps plutôt mi-figue mi-raisin, on se dit qu’il faut profiter des journées comme aujourd’hui. Si je ne me fixe pas d’objectif plus lointain c’est parce que je sais que nos formes physiques respectives ne sont pas au top. Dany souffre régulièrement de sa polyarthrite chronique et principalement aux hanches, quant à moi avec des dyspnées et des sifflements respiratoires, je suis très loin d’avoir totalement récupéré de mon embolie pulmonaire du mois de mars. Malgré tout ça nos volontés et surtout nos envies de randonner sont restées intactes. Il est 12h30 quand nous démarrons sous un ciel bleu ciel que quelques nuages blancs se complaisent à maculer. Ce chemin qui s’élève au-dessus de la rivière je le connais par cœur. Je sais que je vais y rencontrer un tas de fleurs et que parmi elles, il me faudra faire des choix et ne retenir que celles qui me paraissent les plus intéressantes pour mon reportage photos. Les plus intéressantes seront bien sûr les plus belles : celles qui touchent à ma sensibilité :  mais surtout les plus rares ou les plus saisonnières, celles qu’il faut parfois chercher pour les trouver si le hasard ne le fait pas pour moi. Les fleurs bien sûr, mais aussi celles qui volent et que les entomologistes appellent « papillons ». Ici, ils sont pléthores mais les photographier n’est jamais évident quand une petite brise est de la partie comme aujourd’hui. Pour tout le reste de la faune ; et Dieu sait si elle peut être présente et variée ; je sais que le hasard, la chance, mon abnégation et ma patience feront ce qu’il faut. Comme je le prévoyais, les premiers décamètres sont les plus pénibles et les plus éprouvants. Toutes les levées de genoux plus hautes que la normale deviennent une épreuve, et cela, aussi bien pour Dany que pour moi. Alors rien ne presse et je dis à Dany de prendre son temps et ce d’autant que tous les clichés que je m’autorise me permettent de prendre le mien. Nous avons atteint le niveau de la cascade d’Urbanya et nous sommes d’accord pour dire que ça va déjà bien mieux. Il va en être ainsi au fil de notre cheminement et quand l’Orriet est atteint, je suis très surpris d’entendre Dany me dire « et après qu’est-ce qu’il y a ? ». Elle s’assoie néanmoins pour m’entendre lui répondre « il y a 2 ruisseaux formant comme une clairière » puis « plus haut il y a une piste forestière permettant éventuellement d’effectuer une boucle ». « Allons jusqu’à la clairière » me dit-elle. Et nous voilà repartis pour quelques décamètres supplémentaires. Quand nous arrivons à la jonction du Correc du Col del Torn avec celui de Sardana, je lui annonce que nous sommes parvenus à la clairière. Elle bougonne gentiment et je me dis que c’est plutôt bon signe : « Tu appelles cela une clairière ? » s’exclame-t-elle, rajoutant aussitôt « j’appelle ça un sous-bois ! » « Les arbres ont poussé » lui dis-je en guise de réponse puis le silence s’installe. Pas très longtemps et la phrase que j’attendais survient « Et la piste dont tu m’as parlé, elle est loin ? » « Non pas très loin, à 200, 250 m tout au plus, mais je te préviens, il n’y a pas vraiment de sentier et il faut pas mal zigzaguer au sein du maquis pour l’atteindre ! » «  Et tu es sûr de la trouver ? » « Oui, je suis sûr car il suffit de suivre le Correc du Col del Torn ». « Allons-y ! » me dit-elle d’un air bien décidé. Je suis sur le point de lui dire de ne pas râler si les choses ne se passent pas comme elle le veut mais finalement je me retiens. Je ne veux rien gâcher de ce bel après-midi qui se passe formidablement bien et en tous cas au-delà de mes espérances initiales. Je vois qu’elle prend plaisir à marcher, à découvrir des panoramas qui lui étaient inconnus et comme je sais qu’il y en aura bien d’autres encore plus beaux si nous atteignons cette « fameuse » piste, j’ouvre ce « chemin évanoui » sans ne plus rien rajouter. Oui, un chemin a bien existé et quelques grosses pierres sont encore là pour prouver qu’il était creux. Mais le temps, la végétation et le désintérêt des hommes ont fait leur œuvre de sabotage. En garder un quelconque fil est totalement impossible. Alors Dany me suit, ne peste pas me demandant seulement de l’attendre dès lors que je prends un peu trop d’avance dans ce dédale où il faut constamment slalomer entre les rochers de schistes, les genêts, les prunelliers et les églantiers.  Ici, hors de question de m’amuser à faire des photos et je suis essentiellement concentré à chercher l’itinéraire le plus court mais également le plus praticable, tâche pas si aisée que ça même si c’est la énième fois que je m’y attelle. Finalement la piste si convoitée est là et franchement elle est très belle car très verdoyante avec de surcroît un panorama magique. Elle est en plus un étage végétatif car ici commence la forêt de pins à crochets et quelques autres résineux. On oublie très vite les difficultés qu’il nous a fallu franchir pour arriver jusqu’ici. Malgré un décalage évident, le « V » que forme la vallée d’Urbanya ajoutée à celle de Nohèdes est presque d’une symétrie parfaite avec le « V » inversé du Massif du Canigou. Des fleurs, quelques papillons souvent les mêmes et de nombreux oiseaux mais ici moins craintifs sont des offrandes permanentes à ma passion pour la photo. Une fois encore, le clou de ce spectacle grandeur Nature se présente sous les traits d’un chevreuil qui se régale de jeunes pousses. Deux photos et le voilà qui s’éclipse dans cette végétation exubérante. Le large chemin verdoyant que nous cheminons est une invitation à flâner. Il s’élève en douceur jusqu’au col de Les Bigues mais afin de raccourcir cette randonnée qu’au départ je n’aurais jamais imaginé aussi longue, je fais le choix de redescendre par le sentier des Escocells. Plutôt pentu, ce sentier consiste à suivre une longue clôture qui se termine à seulement quelques encablures du village. C’est le chemin le plus court pour rejoindre Urbanya. S’il est plutôt bien débroussaillé au départ, c’est de moins en moins le cas au fil de la descente où les genêts l’envahissent très souvent. S’il faut parfois les écarter ou les enjamber pour passer, poser nos pieds sur les branches est souvent synonyme de glissades et de chutes par bonheur sans conséquence. Si nous redoublons d’attentions pour éviter de tomber, chaque petite « gamelle »  se transforme désormais en éclats de rire et en franches rigolades. Oui, pas de doute, les ramures des genêts sont de vrais savonnettes ! Ce n’est pourtant pas à cause de ça qu’on les surnomme « à balais » ! Finalement la clôture se termine, les broussailles s’amplifient et après un très bref égarement, je réussis à retrouver le sentier qui débouche à hauteur du Correc del Menter, non loin de la cascade que nous rejoignons. Nous y passons de longues minutes bien agréables car l’endroit est reposant et rafraichissant. Après cette longue descente sur le chemin des Escocells, cette pause n’est pas superflue. Dans les petites vasques creusées par les jets d’eau de la cascade, deux minuscules truitelles et de remuantes « demoiselles »  m’occupent encore longtemps à la photographie. Après la passerelle, le large chemin nous entraîne très rapidement vers le village. De nombreux clichés dont ceux d’une couleuvre vipérine cherchant pitance dans la rivière viennent s’ajouter à mon reportage-photos. En arrivant à la maison, les paroles que nous échangeons Dany et moi ne laissent planer aucune équivoque. Nous sommes à la fois ravis et incroyablement étonnés d’avoir réussi cette balade au regard de nos conditions physiques que l’on pensait sinon pitoyables du tout moins très mauvaises. Qui l’aurait cru au départ ? En tous cas, nous considérons cette randonnée à la fois comme une prouesse et une promesse. Cette balade a été longue de 7 km. Le dénivelé est de 475 m entre le point le plus bas à 870 m à Urbanya et le plus haut à 1.345 m juste avant le descente vers Les Escocells. Les montées cumulées sont de 680 m. Carte I.G.N 2348 ET Prades- Saint-Paul-de Fenouillet - Top 25.

 (*) Escocells : Si j'ai longuement tenté d'expliquer les mots "Ourriet" et "Orriet" dans une balade précédente intitulée « Le Chemin de l'Ourriet (1.359 m) depuis Urbanya (856 m) » sans que cela soit trop compliqué, donner une signification formelle au mot "Escocells" sur la commune d'Urbanya a été nettement plus complexe. Cette complexité commence par le fait même qu'il n'existe pas de traduction française à ce mot dans la langue espagnole. Quant à la langue catalane ; celle qui nous intéresse ici ; le traducteur de Google indique qu'il s'agit d'une "garderie" quand le mot "escocell" est au singulier et de "pépinières" quand le mot est mis au pluriel. De prime abord, on voit mal le rapport qu'il peut y avoir entre une garderie et des pépinières mais en réfléchissant un peu, on peut néanmoins se dire qu'une garderie est faite pour garder un groupe de personnes et le plus souvent de jeunes enfants et une pépinière prise hors de son contexte agricole ou forestier un lieu où l'on trouve également un groupe de personnes et qui en l'occurrence peut être composé d'enfants. Exemple : une pépinière de jeunes agriculteurs, une pépinière d'informaticiens, une pépinière de surdoués. Comme on le voit, la recherche dans sa méthode la plus moderne ne permet pas d'apporter une explication concrète à la toponymie trouvée sur la géographie d'Urbanya.  Il m'a fallu continuer mes recherches et c'est le mot "escocell" dans le Wikipedia catalan qui m'a finalement apporté une explication plus plausible. En effet, traduit en français, il donne "une grille d'arbre", ces fameuses grilles que l'on trouve de nos jours tout autour des arbres sur tous les grands boulevards arborés. L'Encyclopédie catalane donne la même explication. Toutefois, l'article en question développe le sujet et indique qu'il peut s'agir aussi d'un simple trou circulaire autour d'un arbre. L'Institut d'Estudis Catalans (Intitut des Etudes Catalanes) dans son dictionnaire catalan/valencien/baléare donne la signification suivante : « Fossé que le vigneron fait autour d'une vigne en travaillant la terre et que la charrue n'a pas pu atteindre lorsque les agriculteurs sont passés (Rosselló, Conflent). Comme on le voit ici, la région du Conflent est carrément nommée et on peut donc supposer sans trop de risques de se tromper que les Escocells d'Urbanya ou d'ailleurs soient plus largement des fossés, des rigoles voire des tranchées autour d'un champ ou d'un pré permettant de gérer l'eau qui s'y écoule. On notera d'ailleurs que le mot "écoulements" a une lointaine mais certaine ressemblance avec le mot "escocell" que les linguistes et les géographes ont parfois écrit sur leur carte en "Escaussels" ou "Escausseils" mais le plus souvent en "Escauccels" . Concernant ce dernier mot, l'IEC donne la signification suivante : « Excavation faite en grattant le sol. Dans les montagnes, le pommier étant planté dans n'importe quelle zone de terre,  il est nécessaire que ces excavations soient faites autour des souches du tronc afin que l'eau puisse les irriguer avec le plus de justesse ». Fosses, fossés, rigoles, tranchées, trous, excavations, il ne fait plus aucun doute, les Escocells d'Urbanya étaient sans doute de petites canalisations permettant d'irriguer avec justesse et parcimonie de l'eau des vergers ou des vignes. Oui, l'eau était déjà un bien très précieux. Il le sera de plus en plus !

 

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Le Chemin de l'Ourriet (1.359 m) depuis Urbanya (856 m)

Publié le par gibirando

Diaporama sur une musique de Josh Kirsch intitulée "Morning Stroll"

Le Chemin de l'Ourriet (1.359 m) depuis Urbanya (856 m)

Le Chemin de l'Ourriet (1.359 m) depuis Urbanya (856 m)


 

J’ai longtemps hésité avant de mettre ce « Chemin de l’Ourriet (*) » sur mon blog, un court tronçon s’effectuant hors sentier. Puis, en effectuant des recherches toponymiques sur les noms « Orriet » et « Ourriet » (*), j’ai constaté que d’autres randonneurs, et notamment des clubs, l’avaient mis bien avant moi sur Internet, il est vrai avec des variantes ou des circuits qui ne sont pas exactement les mêmes que le mien. Toujours est-il qu’inévitablement, ils étaient passés à l’endroit même où le sentier, sur 200 à 300 mètres, se perd quelque peu dans la nature. La nature justement, parlons-en ! Ici à Urbanya, elle est d’une richesse incroyable et si finalement, je me suis décidé à inscrire celle balade sur mon blog, ce n’est pas uniquement à cause de la raison invoquée ci-dessus, mais parce que cette année, la faune a été au rendez-vous comme jamais je ne l’avais vu auparavant. Imaginez qu’au cours de cette modeste balade printanière, j’ai réussi à voir, mais surtout à photographier, deux cerfs, un chevreuil, des hardes de sangliers par deux fois, sans compter des rhinolophes (chauves-souris), une vipère aspic, un lézard vert, une quantité incroyable de papillons et de nombreux oiseaux, tout ça dans un rayon de quelques kilomètres seulement. J’ai voulu vous en faire profiter. L’an dernier, tout près du lieu-dit l’Orriet (*), lors d’une balade intitulée le « Chemin des Frênes » ou « Cami de les Freixes », j’avais même photographié un chat sauvage. Ce dernier chassait au bord de la rivière puis il s’est caché  derrière un rocher quand il m’a aperçu, mais malgré ça, j’avais pu noter qu’il s’agissait d’un chat haret, chat domestique, redevenu sauvage selon le phénomène que l’on appelle le « marronnage ». Une faune sauvage extraordinaire au milieu d’une flore qui ne l’est pas moins, voilà les principales raisons m’ayant amené à inscrire cette randonnée sur mon blog. Cette  boucle, j’avais pourtant eu l’occasion de la réaliser en toutes saisons mais autant le dire, mes deux préférées restent l’automne et surtout le printemps. Le printemps à cause d’une flore incroyablement variée,  luxuriante et colorée, de la présence d’une faune mammifère moins apeurée car la chasse est fermée et l’automne en raison de cette explosion de couleurs au moment où les feuillus entament leur fanaison. L’inconvénient de l’automne reste la chasse, avec des animaux moins visibles car ils auront tendance à fuir vers des espaces plus paisibles sauf pour les cervidés en période de rut où l’on aura l’occasion d’entendre le « fameux » brame. A Urbanya et si vous arrivez par la route ; le départ s’effectuera du grand parking faisant face à l’église. Là, direction la mairie et sa rue qu’il vous faut remonter puis poursuivre tout droit par le chemin de las Planés. Ce dernier chemin démarre devant un pont et au suivant, il faut prendre un étroit sentier qui, sur la droite, entre dans un sombre sous-bois. En contrebas et sur le gauche, il y a toujours la rivière Urbanya que l’on a côtoyé depuis le début et sur la droite, il y a de hauts murs en pierres sèches qu’il faut longer quelques temps. Voilà, vous êtes sur le « Chemin de l’Ourriet ». Ce chemin, il va vous falloir le suivre en restant toujours sur l’itinéraire le plus évident. Quand les hauts murets de soutènement des terrasses disparaissent, le chemin coupe un petit ruisseau, le Correc del Menter. Là, il faut enjamber une clôture et continuer sur un large chemin creux. Il file légèrement à gauche en s’élevant doucement. Il est encadré de petits murets en pierres sèches en partie effondrés. Sur votre droite, il y a de grands pierriers, résultats des épierrements effectués dans le vaste verger se trouvant sur votre gauche. C’est dans ce champ que j’ai eu la magique jubilation de surprendre une première harde de sangliers. Ils étaient enfouis dans les hautes herbes et je ne voyais que le dos des adultes les plus énormes. Je suis resté plus de 10 minutes assis sur le muret à les observer et à les photographier paisiblement. Le plus gros est même passé sous mes pieds et à moins d’un mètre de moi sans me voir. Il était si près que sur la photo que j’ai prise, on aperçoit seulement un œil et une partie de son groin. A bout d’un long moment, un sanglier m’a aperçu, il s’est figé, s’est mis à grogner, les grognements se sont amplifiés et la harde s’est mis en branle puis a détalé. Là, ce fut un grand spectacle car outre les cinq ou six gros que j’avais pu discerner, c’est plus d’une trentaine de sangliers de toutes les tailles qui se carapataient. Les hautes herbes se couchaient et je voyais détaler toute une marmaille de marcassins de tous âges et aux pelages rayés d’une multitude de bariolages différents. Les plus gros étaient devant, puis les autres suivaient presque par ordre de taille. Les marcassins étaient les derniers et slalomaient dans les couloirs formés par les adultes, probablement à la recherche de leur mère dont ils avaient un mal fou à suivre l’effluve dans cette débandade. Ils partaient en direction de la rivière et dans de hautes fougères où finalement ils ont tous disparu. Je me suis remis en route avec des sentiments partagés, car j’étais à la fois très heureux d’avoir assisté pour la première fois à une telle scène et attristé de les avoir effrayé dans leurs ripailles. Quelques mètres plus loin, j’ai encore aperçu deux gigantesques sangliers dans une pinède sans pouvoir les photographier correctement. Comme je les avais quelque peu suivi dans la forêt, je suis parti en direction d’un orri dont je savais que certaines chauves-souris l’occupent en principe, dès les premiers beaux jours. Effectivement, une dizaine de Petits Rhinolophes (Rhinolophus hipposideros) étaient là, pendus au plafond de la cabane. A ma vue, quelques uns se sont enfuis par la porte, mais la plupart, ceux les plus éloignés de l’entrée, n’ont pas bougé. Je me suis assis dans l’orri pour les photographier et malgré la pénombre, j’ai réussi à prendre quelques convenables photos. Je suis reparti pour rejoindre l’itinéraire du Chemin de l’Orriet que j’avais quitté et là, c’est un beau lézard vert, un mâle, bleu et vert, qui m’arrêta une fois encore au niveau d’un amoncellement de branchages. Décidément, je n’arrivais pas à avancer, j’étais encore tout près d’Urbanya mais je ne m’en inquiétais pas pour autant car j’avais toute une longue après-midi devant moi. J’ai traversé le boueux Correc de l’Espinas, le sentier s’est quelque peu élevé et je suis sorti à l’air libre me retrouvant immédiatement au milieu d’un maquis très fleuri mais un peu clairsemé. Si la végétation était clairsemée, elle n’était pas déserte pour autant, mais ici, les animaux étaient plus petits, plus grouillants et surtout plus aériens. Une variété incroyable de papillons et d’insectes de toutes sortes s’était donnée rendez-vous dans une flore magnifiquement colorée. Les senteurs des genêts les enivraient puis ils se dispersaient sur les autres fleurs si multiformes et si multicolores. Tout ce monde merveilleux était un frein à ma randonnée mais à vrai dire, je m’en foutais un peu car en réalité j’étais là pour ça. Découvrir et observer la Nature avec un grand « N » ! Les paysages s’entrouvraient de tous côtés mais le plus beau des panoramas se trouvait dans mon dos et sans cesse, je devais me retourner pour en profiter pleinement. Dans la même ligne de mire biscornue que formait le ravin, il y avait le Mont Coronat puis le Canigou. Ce ravin, c’était la Vallée des Seigneurs,  c'est-à-dire une longue dépression zigzaguant de l’endroit ou je me trouvais, et même bien plus haut, jusqu’à Ria.  Une multitude de cours d’eau descendant des montagnes avait creusé tout autant de dépressions. Les montagnes, elles, étaient toutes travesties de larges faîtages verdâtres avec un nombre de nuances  de vert carrément incalculable. Dans ce décor incroyablement verdoyant, les arbres fruitiers aux fleurs blanches jouaient magnifiquement les intrus. Avant d’arriver à proximité du lieu-dit l’Orriet, à l’endroit même où se trouve un mas en partie éventré, je suis descendu vers la rivière Urbanya. A cet endroit,  je savais que j’y trouverais quelques cuvettes d’une eau limpide et suffisamment profondes pour un bain sans doute très rafraîchissant à cette époque de l’année. Mais peu importe, il faisait chaud, j’avais envie de me baigner et en plus l’eau froide ne m’a jamais trop dérangée. Je savais aussi que ces cuvettes seraient les dernières car ici la rivière Urbanya s’écarte et laisse la place à son affluent le Correc du Coll del Torn, beaucoup moins torrentueux. Je suis descendu, ai pris mon bain dans le plus simple appareil, suis resté un quart d’heure à profité du soleil puis j’ai repris ma balade beaucoup plus fringant qu’auparavant. Après le mas de l’Orriet, or mis un rapace chassant dans le « correc » mais que je n’ai pas réussi à photographier, plus rien ne m’a arrêté. Je suis donc arrivé au Correc de Gimelles et c’est dans ce sous-bois bourbeux que commence la partie hors sentier évoquée au début de cet article. Le chemin a existé mais les vieux murets qui l’encadrent, encore visibles par endroits, ont été chamboulés par une végétation ayant repris ses droits. J’ai donc fait le choix de suivre la « caminole » (**) la plus visible. Elle suit le correc mais tout en montant, il faut s’en écarter d’une dizaine de mètres vers la droite puis se faufiler tant bien que mal au milieu de quelques roches et d’une végétation ligneuse et donc acerbe. On est donc soulagé d’atteindre une large piste herbeuse. Cette piste sépare les lieux-dits « El Rocater » de celui de « Martiac ». Ce lieu-dit « Martiac », j’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer dans ma balade au « Canal d’Urbanya » pour vous dire qu’il s’agissait sans doute des « Mollères de Martisag », petit territoire d’élevage qui avait fait l’objet d’un acte de donation entre le seigneur Guillem-Bernard de Paracolls et les templiers du Mas Deu. C’était le 16 juin 1186. Ce document a la particularité d’être la première évocation écrite d’Urbanya. De nos jours, cette contrée est essentiellement forestière mais je me suis promis d’aller voir s’il y avait encore quelques vestiges de cette séculaire occupation templière. En tous cas, en arrivant sur cette piste, j’ai eu l’énorme bonheur d’y apercevoir un chevreuil en contrebas et comme il n’était pas spécialement ni agité ni apeuré, j’ai eu tout le loisir de le photographier entrain de brouter. Etonnamment, il n’a jamais relevé la tête même au moment de s’enfuir. Les papillons et les oiseaux étaient également nombreux mais la plus belle émotion fut ces deux jeunes daguets que j’ai surpris au milieu de fougères desséchées. Eux aussi, j’ai eu le temps de les photographier mais ils m’ont vite repéré et aussitôt ils se sont enfuis. Je me suis assis sur l’herbe tendre du chemin pour manger quelques biscuits car de cet endroit, je dominais magnifiquement le vallon d’Urbanya avec pour horizon, un grandiose Massif du Canigou où s’accrochaient quelques neiges tenaces. Après ce court entracte, je suis reparti et peu après, j’ai failli mettre le pied sur une vipère, laquelle, étrangement, semblait dormir dans une flaque d’eau qu’un ru avait formé au milieu du chemin. Ici, de l’eau, il en coulait de toutes parts car les pluies des quelques jours précédents avaient rempli de nombreuses petites  « fonts » habituellement asséchées. Le chemin s’est longuement poursuivi en balcon puis j’ai fini par atteindre le col de Les Bigues que je connaissais désormais très bien car il y a ici une entrée donnant sur le Domaine de Cobazet. Ici, il y a plusieurs alternatives pour redescendre sur Urbanya et j’ai choisi le sentier dit des Escocells. Le ciel s’était quelque peu ennuagé et comme la luminosité était moins bonne, j’étais moins enclin à prendre des photos. De ce fait, mon allure est devenue soudain plus alerte. Dans le ravin du Correc du Serrat de Las Bigues, à l’endroit même où se trouve un obscur petit bois de noisetiers, j’ai surpris des marcassins. Ils avançaient vers moi mais avec la truffe constamment au ras du sol et par conséquent, ils ne m’avaient pas repéré. Je me suis assis tranquillement pour les photographier mais je pestais car le bois était si sombre que je n’arrivais pas à faire une mise au point satisfaisante du capteur de mon appareil photo. D’un autre côté, il n’était pas question d’enclencher le flash au risque de les voir s’enfuir. J'étais bien embêté. Ils étaient à seulement 3 ou 4 mètres de moi, à fourrager la terre de leur groin quand tout à coup la mère est arrivée. Elle ne m’a pas vu non plus mais tout en fouinant elle aussi, elle est descendue dans le lit du ravin. Ses rejetons la suivaient docilement et malgré les piètres prises de vues que je prenais, au fond de moi, je me disais que j’avais beaucoup de chance d’assister à un si beau et si rare spectacle. Assis où j’étais, je les ai finalement perdu de vue mais en me relevant, j’ai mis le pied sur une branche sèche et le « crac » qui s’en est suivi les a fait détaler. Etrangement, au lieu de partir à l’opposé, j’ai vu la petite harde arriver vers moi avec la laie qui ouvrait la course et les marcassins qui péniblement tenter de la suivre. A ma vue, elle a stoppé net, est restée pétrifiée une poignée de secondes puis elle est repartie en direction d’une lande très épaisse de prunelliers et de cistes dans laquelle la petite troupe s’est engouffrée comme dans du beurre, alors que la végétation aurait été sans doute blessante car piquante à l’extrême pour n’importe quel humain. Le reste de la descente fut plus monotone. Le ciel était devenu blafard et les décors sur le vallon avaient beaucoup perdu de leur charme que j’avais connu si verdoyant et si lumineux toute l’après-midi. J’ai retrouvé le village, les oiseaux qui me sont familiers  puis Dany et nos chats sur la terrasse de notre petite maison. Avec, un enthousiasme sans doute exubérant, je me suis mis à lui raconter tout ce que j’avais fait, vu et photographié. Elle avait du mal à me croire et s’est contentée de me dire « tu exagères ! ». « Non, je te jure, je n’exagère pas et tu verras quand j’aurais terminé mon diaporama de photos ! ». Voilà, le diaporama est terminé, elle a eu la faveur de le voir la première et a été enthousiasmée elle aussi. La nature est superbe à Urbanya mais elle pourrait être encore plus belle et sans doute beaucoup moins craintive et inversement visible si la période de chasse n’était pas aussi longue. C’est mon point de vue mais ça ne sera sans doute pas celui de mes « amis » les chasseurs. Ils participent aux débroussaillements des chemins et je les en remercie, enfin quand le chemin en question les intéresse vraiment mais ça ne semble pas être le cas après le lieu-dit l’Orriet. Cette balade, telle qu’expliquée ici,  a été longue de 8,160 km. Le dénivelé est de 503 mètres entre le point le plus bas à Urbanya, à 856 m et le plus haut à 1.359 m au col de Les Bigues. Les montées cumulées se sont élevées à 807 mètres. Jamais sur une aussi courte distance et sur un si petit périmètre, je n’avais photographié autant d’espèces différentes de fleurs et d’animaux : une cinquantaine de fleurs, une vingtaine de papillons, une quinzaine d’oiseaux plus toutes les autres créatures incluant des mammifères, des reptiles, des batraciens et autres insectes….et encore faut-il que je sois conscient de tout ce qui est passé inaperçu à ma perspicacité. Carte IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul-de Fenouillet Top 25.

 

(*) Orriet et Ourriet : Quand on s’intéresse à la géographie et à la cartographie, on sait que les cartes, plans et autres cadastres peuvent présenter un grand nombre d’imprécisions. Et même si les moyens de repérage et de mesures géographiques, satellitaires notamment, sont de plus en plus précis, l’Histoire, elle, quand elle est erronée est difficilement modifiable. Je parle ici de l’Histoire des noms des lieux figurant sur ces documents, discipline devenue science au cours du 19eme et qu’on appelle la toponymie. La toponymie basée le plus souvent sur une étymologie très ancienne et populaire sera toujours nébuleuse. C’est le cas ici à Urbanya avec ce « Chemin de l’Ourriet » que l’on trouve ainsi écrit sur la carte cadastrale alors que la carte I.G.N, elle, mentionne le lieu-dit « Orriet », sans « U », à l’endroit même où passe ce chemin. Alors quel nom est le bon ? Qui a commis une erreur ? Les géographes ou les géomètres-experts du cadastre ? Est-ce vraiment une erreur ? Il est presque impossible de répondre à toutes ces questions sauf à faire des recherches et à trouver des documents sans doute très anciens fournissant une mention, une explication, une précision voire nous orientant vers une éventuelle hypothèse. Et encore. Ici, concernant les deux noms  « Orriet et Ourriet », le mystère n’est pas prêt de s’éclaircir. Tous les toponymistes sont d’accord pour affirmer que l’« Orriet » est le diminutif de l’ « orri », nom pouvant indifféremment signifier un abri de berger en pierres sèches ou au sens un peu plus large, un lieu de pâturage pour ovins et caprins. Les lieux de pâturages ont été très nombreux dans les montagnes tout autour d’Urbanya et les abris de berger le sont encore. Mais « Orriet » c’est également un nom de famille, peu répandu il est vrai, mais surtout présent dans le département du Finistère. Toutefois, en cherchant dans les sites Internet de généalogie, j’ai trouvé un acte de mariage de 1708 à Céret concernant une certaine Thérésa Orriet. Cette famille Orriet possédait-elle un bien à Urbanya ? Rien ne le dit. Le patronyme « Ourriet » avec deux « R » existe aussi, guère plus répandu, dans l’est de la France principalement, mais je n’ai pas retrouvé d’actes dans le 66 et pas plus pour « Ouriet » avec un seul « R » pourtant nettement plus courant dans toute la France. Voilà ce que l’on peut dire de ces deux noms mais il faut reconnaître que les recherches pourraient être beaucoup plus poussées, encore faudrait-il s’en donner la peine. Je préfère marcher !

(**) Caminole : C’est la sente tracée par le troupeau.

 

 

 

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Le Chemin des Frênes ou Cami de les Freixes à Urbanya

Publié le par gibirando


Ce diaporama est agrémenté de 4 chansons sur le thème de l'arbre. Elles ont pour titre et sont interprétées par "Auprès de Mon Arbre" par Georges Brassens, "Même Pas Un Arbre" par Lynda Lemay, "Comme Un Arbre" par Maxime Le Forestier et "Aux Arbres Citoyens" par Yannick Noah.
LE-CHEMIN-DES-FRENES
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CHEMINDESFRENESIGN

Voilà maintenant quatre ans que j’ai acheté une petite maison à Urbanya et de ce fait, j’arpente régulièrement cette contrée. Dans ce blog, j’ai déjà eu l’occasion à maintes reprises de vous expliquer quelques itinéraires tournant autour de ce pittoresque petit village du Haut-Conflent. Encore très récemment, je vous ai conté une longue et belle balade jusqu’au bien notoire Refuge de Callau. Je pensais avoir fait le tour des principaux sentiers mais comme ma curiosité est presque sans limite, j’en découvre parfois de nouveaux. C’est le cas de ce Chemin des Frênes ou Cami de les Freixes dont j’ai trouvé le nom sur la carte cadastrale du village. Une balade plutôt courte n’excédant pas 6 km mais pleine d’imprévus et de découvertes. Des chemins qui se perdent dans les bois, j’en ai également trouvé, des sentiers oubliés et sans réelles issues mais encadrés de murets en pierres sèches aussi, mais celui-ci, qui à la particularité de courir sous les frênes et d’être « creux » dès le départ m’a paru bien plus longtemps praticable alors je m’y suis engagé pensant qu’une jolie randonnée y était réalisable. Elle le fut mais au prix de quelques errements qui au fil du temps ont pris des allures de plaisirs et d’aventures car finalement j’y ai fait de nombreuses découvertes et en plus j’ai réussi à en faire une boucle me ramenant vers Urbanya. Je suppose que cette accessibilité, je la dois aux chasseurs, principaux arpenteurs, qui n’oublient pas de temps à autres, de débroussailler les chemins pour accéder à leurs territoires fétiches où viennent s’égayer sangliers, chevreuils et autres cervidés mais je la dois aussi à tous les bovins laissés en liberté qui creusent des petites sentes et de ce fait ouvrent des nouveaux passages dans les endroits les plus inattendus. Sur ces terres oubliées depuis longtemps mais bâties de multiples vestiges agropastoraux, le plus souvent en terrasses en raison de la déclivité, des hommes courageux cultivaient autrefois des céréales, des pommes de terre et des vergers. Ici, au temps jadis, la forêt était peu présente et même si aujourd’hui, on imagine avec peine cette idée, quelques ancestrales photos retrouvées au fond de vieux greniers sont là pour prouver cette absence.  On est d’autant plus conforté dans cette idée, que plus l’on avance dans la balade plus les vestiges du temps passé y sont nombreux malgré une végétation qui s’épaissit. De ce fait, la faune pense y être en sécurité car désormais la forêt a tout envahi et notamment les frênes qui sont de très loin, les arbres les plus communs dans cette partie nord-ouest du village. Mais, quand la chasse rouvre, tous ces animaux deviennent des  gibiers et en sont pour leur frais. Cette terre qu’ils pensent avoir reconquise aux hommes devient trop souvent leur nécropole.  Puis la chasse s’arrête, les chemins s’embroussaillent de nouveau,  alors ils reviennent s’abreuver à la rivière. Car pour tout vous dire, ici au milieu coule la rivière. La rivière d’Urbanya, c’est le point central et le fil conducteur de cette balade, alors quand le chemin se perd, il faut la garder en repère et descendre vers elle, pour retrouver sur son autre rive, la suite de l’itinéraire.  La rivière d’Urbanya est le principal ruisseau mais il est alimenté par de multiples correcs secondaires descendant des montagnes les plus élevées formant un cirque autour du vallon : pic de Portepas, pic del Torn, roc de Peyrefite, pic Lloset, etc.…. Tous ces sommets, j’ai déjà longuement expliqué comment les gravir et parvenir à leur pinacle. Alors bien sûr, tout démarre du village où l’on laisse sa voiture sur le vaste parking. On enjambe le petit pont sur la rivière et l’on poursuit devant la mairie jusqu’au pont suivant. Là, commence, le chemin de Las Planes (les plaines), longeant toujours la rivière. On va suivre ce chemin sur une centaine de mètres et jusqu’au moment où le bitume disparaît. Nous avons presque atteint les dernières maisons du village et devant elles, le chemin amorce un virage sur une piste désormais terreuse. Ici, on prête attention car juste après ce virage, un autre chemin bien plus herbeux cette fois file à main droite. On l’emprunte mais presque aussitôt on le quitte pour un étroit sentier qui, sous des noisetiers, descend vers un petit ruisseau. Le sentier passe sous le tronc d’un énorme bouleau que les éléments naturels ont presque couché de manière horizontale. Le Correc de l’Hort, c’est le nom du ruisseau, est enjambé. On se faufile au travers d’un passage anti-animaux et l’on poursuit désormais sur un chemin creux. C’est notre Chemin des Frênes ou Cami de les Freixes. Les frênes, il suffit de lever la tête pour en constater l'étonnante présence. Si en Conflent, le frêne ne représente que 7 à 8% des arbres et n’arrive qu’en 4eme position au niveau des feuillus, après les chênes verts et pubescents et les hêtres, ici, dans ce secteur, ils sont légions. Ici, pour l’essentiel, il s’agit du Frêne élevé ou Frêne commun ou Fraxinus excelsior pour les érudits de botanique et pour tous ceux aussi qui ne veulent pas que le latin disparaisse à jamais de nos écoles. Dans d’autres régions, il est connu sous d’autres dénominations comme le Grand Frêne ou Frêne à feuilles aiguës ou bien encore le « Langue d’oiseau » ou le « Quinquina d’Europe ». Ce dernier nom est donné à un vin que l’on peut réaliser en faisant macérer son écorce. Quelque soit le nom et bien qu’il existe plusieurs espèces, ici c’est toujours le même arbre et il peut atteindre 40 mètres de haut mais avec un tronc dont la circonférence restera toujours modeste et d’un mètre au maximum pour les plus vieux d’entre eux. Au départ de la balade, seuls quelques rares merisiers arrivent à les concurrencer mais plus l’on monte en altitude et plus la diversité s’intensifie avec d’autres feuillus mais en quantité négligeable (érables, acacias, châtaigniers, saules, aulnes, etc.…) Plus haut encore, quelques pins à crochets et d’autres résineux vont peu à peu se mêler à la lutte de cette épaisse canopée.  Le frêne, lui, va rester néanmoins très présent d’abord parce qu’il s’agit d’un arbre qui aime la lumière et l’eau, mais qui s’adapte aussi et très vite à tous les terrains. Il a en outre d’étonnantes facilités à coloniser presque tous les types de sols et une aisance à se régénérer grâce à ses samares que le vent emporte. De plus, il drageonne couramment à partir d’une souche coupée et développe un système racinaire très étendu.  Ici, au dessus d’Urbanya, si on le trouve en grande quantité, c’est parce qu’il fut un temps où ses qualités étaient reconnues comme bien plus importantes et nombreuses que n’importe quel autre arbre y compris le chêne. Il reboise des zones assez facilement, il se traite facilement en taillis, son bois résistant et souple est d’excellente qualité pour la fabrication de manches d’outils, d’objets usuels et de pièces de charrue, il est un excellent bois de chauffage, quand à son feuillage, il était amplement utilisé comme un fourrage dont raffolent tous les animaux de la ferme. A toutes ses destinations bien en usage aux siècles précédents s’ajoutent les propriétés médicinales de son écorce et de ses feuilles que nos aïeux n’avaient pas manqué de constater pour soigner la goutte, les rhumatismes ou les maladies diurétiques. Enfin, les plus anciens avaient appris à guérir les piqûres de serpents avec le suc de ses feuilles. Alors si le chemin est encore bordé de pierres sèches, si les feixes, les orris, les cortals et les ruines de tous ces vestiges sont si nombreuses c’est parce que l’agropastoralisme a été la principale source d’existence pendant très longtemps. Ici, on était avant tout berger, éleveur ou paysan de père en fils et les quelques autres métiers qu’ils pouvaient y avoir dans le village étaient des sous-traitants ou détaillants des trois premiers : meuniers, forgerons, boulangers, épiciers, bouchers, charretiers, muletiers, herboriste, rebouteux, etc.…. Seuls le curé et l’instituteur, quand il y en avait un, étaient considérés comme des gentilhommes dont le travail n’était pas en corrélation avec la nature, la terre ou l’eau. Mais revenons au départ de notre Chemin des Frênes. Sur la droite, on domine les toitures des dernières maisons par dessus une clôture faites de poteaux reliés par des fils de fers. Attention, ces clôtures sont pléthores et peuvent parfois être électrifiées. A partir de là, le  Chemin des Frênes bien nommé se poursuit en surplomb de petits prés ou de vergers en bordure desquels on entend la rivière chanter. Sur la gauche, s’élèvent des murets, plus ou moins hauts, le plus souvent construits en épaisses et lourdes pierres de schistes. Quelques vieux chemins ou sentiers coupent ces murets, en réalité d’anciennes terrasses, et mènent le curieux que je suis vers un vieil orri effondré ou un cortal ruiné. La forêt a tout envahi et les oiseaux y volètent à profusion. J’entends un pic se régalant à creuser son nid dans le bois tendre d’un tronc. C’est le printemps et sa maison doit être prête pour recevoir sa dulcinée et qui sait l’heureux événement d’une prochaine procréation. Je le surprends en plein labeur. Il s’agit d’un superbe pic épeiche à la jolie calotte rouge et au plumage blanc et noir. Un peu plus loin, un admirable rouge-gorge chante à s’égosiller et dévoile à qui veut l’entendre son magnifique poitrail rouge orangé. Dans cette forêt, il suffit d’un peu de patience et l’on arrive à observer une quantité incroyable d’autres oiseaux sur les branches des frênes encore un peu dénudées en cette saison : bruants, mésanges, fauvettes, sitelles, grimpereaux, geais, moineaux, rouges-queues, serins, bouvreuils sont visibles et audibles mais les plus nombreux restent les pinsons et les merles. A cette époque, les mâles,  en quête d’une compagne, se perchent toujours aux faîtes des arbres les plus grands et entonnent des chants étourdissants. Les fleurs poussent déjà à profusion. Les genêts d’un jaune lumineux éclairent les bords du chemin et les espaces les moins boisés. Les papillons et les abeilles viennent y butiner le bon nectar tout frais. A chacun de mes pas, papillons et autres insectes volants, voltigeurs et sauteurs s’éparpillent dans une tourbillonnante anarchie. Mon numérique multiplie les clichés. Sur la droite, la clôture disparaît en filant vers le bas du vallon mais le large chemin se poursuit tout droit et dans une douce élévation. Un agréable palier est atteint à la côte 1.015. La forêt disparaît un instant et laisse la place à un vaste et merveilleux panorama. En réalité, il s’agit d’un petit éperon rocheux faisant office de superbe mirador sur l’ample vallon, le village et tout au loin sur un majestueux Canigou encore bien enneigé. La balade pourrait presque s’arrêter là tant c’est beau ! La contrée a pour joli nom « Ventos de Baix » que l’on peut traduire en « lieu venté d’en bas ». Mais aujourd’hui pas de vent, ni en bas, ni en haut, alors je décide de poursuivre bien que le sentier soit moins évident désormais. Il est néanmoins bien présent. Le sentier monte et passe sous un magnifique pin à crochets bien visible sur la gauche car isolé au milieu des frênes. Un peu plus haut, le chemin continue sous deux autres pins à crochets s’accrochant l’un à l’autre. On reste sur le sentier le plus évident en ignorant toutes les petites caminoles qui partent à droite comme à gauche. Les caminoles sont ces étroites petites sentes que les bovins creusent au hasard de leurs divagations. Des fenêtres s’ouvrent sur l’autre versant de la rivière Urbanya et l’on y remarque d’autres petits sentiers ce qui me conforte dans l’idée de poursuivre cette balade. La haute végétation se renforce, les petits buissons comme les genêts se font plus discrets, les résineux se font plus nombreux, les frênes prennent de la hauteur, les vues disparaissent, la forêt s’assombrit et le sentier monte désormais dans un sous-bois aux essences plus variées. Au fond du vallon qui se creuse, la rivière chante toujours mais en sourdine. Une ruine se présente sur la gauche de l’itinéraire. Un ancien « cortal » sans doute avec de hauts murs presque intacts mais c’est tout et pour le reste, poutres pourries et immenses lauzes de la toiture gisent à l’intérieur. Au pied de la ruine et en bordure du sentier, je découvre une borne blanche surmontée d’un chevron rouge. Une deuxième un peu plus loin. Elles marquent une limite. Peut-être celle de la forêt domaniale de Nohèdes-Urbanya, mais sans certitude ? J’essaierais de trouver une explication ! Je reste sur le sentier le plus emprunté qui se faufile sur d’anciennes terrasses. Ici, à cause d’un fort taux d’humidité, toutes les pierres que par habitude on qualifie de « sèches » sont désormais moussues. Le chemin est parfois encadré de noisetiers stériles mais qui à l’origine ont du être très productifs car on voit bien qu’ils ne sont pas là par hasard.  Le sentier devient moins évident mais continue et finalement j’atteint un petit ru presque uniquement bourbeux : c’est le Correc de les Freixes. Sur certaines cartes de Géoportail, j’ai noté que ce lieu est parfois intitulé le « Bac de les Freixes ». Il faut dire que les frênes sont encore très présents sur ce flanc ombragé du vallon. J’enjambe le « correc » aisément. En contrebas, j’entends la mélodie d’une rivière plus importante et je décide de descendre vers ce que j’imagine être un torrent. Ici commence la vraie incertitude de la balade car le sentier a quasiment disparu mais par bonheur de petites sentes creusées par les animaux se poursuivent en balcon sur l’autre rive du Correc des Freixes. Je les emprunte jusqu’à la confluence des deux cours d’eau que finalement j’atteins sans difficulté. La carte I.G.N que j’ai emportée me permet de savoir qu’il s’agit bien de la rivière Urbanya. La rivière est là et l’enjamber à cet endroit n’est qu’une simple formalité. De part et d’autres de cet enfantin passage, le petit torrent forment néanmoins de minuscules cascades et de jolies petites vasques. Après les 240 mètres de dénivelé déjà accomplis sous un chaud soleil et une température presque caniculaire, ces cuvettes aux eaux claires sont bien trop tentantes. Je transpire alors malgré l’ombrage qui règne dans ce sous-bois, je me déshabille et dans une parfaite tenue d’Adam, j’opte pour une baignade rafraîchissante mais bien agréable après la suée. Après cette immersion sauvage et dénudée dans les eaux limpides de la rivière Urbanya, je décide de poursuivre sur l’autre rive en grimpant vers un muret en pierres sèches. A l’instant même où je me mets à grimper, quelle n’est pas ma surprise de me retrouver presque nez à nez avec un énorme « matou » noir.  Il a de longs poils et de magnifiques yeux d’un vert intense. A sa façon de se dissimuler derrière un rocher toute en continuant à m’observer fixement, j’ai immédiatement supposé qu’il s’agissait d’un « chat sauvage ». Sans doute, un chat domestique abandonné et redevenu sauvage par la force des choses. Avec son pelage noir, brillant et fourni, il paraît magnifique et pas du tout affamé. J’espère que ce n’est pas qu’une illusion car je sais qu’une telle toison indispensable en hiver cache parfois une maigreur insoupçonnable. Quand je l’ai vu, il était certainement entrain de chasser car les rives de la rivière sont sans contexte l’endroit le plus propice à trouver pitance : les oiseaux, les gros insectes, les rongeurs et autres lézards y sont toujours très nombreux. En tentant de m’approcher d’un peu plus près pour le photographier bien mieux, il s’est enfui dans des hautes herbes mais j’avais déjà compris qu’il était anxieux de ma présence sur son terrain de chasse favori. Je n’ai donc pas insisté et sur la rive opposée, j’ai poursuivi la caminole en direction de cet amoncellement de pierres sèches ressemblant à un muret. Après le muret, la caminole s’est rapidement transformée en un sentier plus évident qui m’a servi de fil d’Ariane en direction du lieu-dit Orriet. A mi-chemin, j’avais remarqué sur la carte I.G.N qu’un autre sentier partait vers un autre lieu-dit du nom de « Serra Mitjana ». Ces deux appellations, « Serra Mitjana » et « l’Orriet », j’avais enregistrées leurs positions dans mon G.P.S car des vestiges y étaient clairement mentionnés. Pour atteindre le « Serra Mitjana » qui est un vieux cortal en ruines et que l’on peut traduire en « la colline du milieu », j’ai fait un court aller-retour en galérant un peu car le petit sentier qui y mène est peu évident, encombré de branchages et mal débroussaillé.  C’est assez marrant la manière dont les anciens donnaient des noms ordinaires et pratiques aux lieux qu’ils avaient l’habitude d’habiter ou de fréquenter : le haut, le bas, le milieu, venté, hort signifiant le jardin, Freixes pour les frênes, planes pour les plaines..... Pour aller vers l’Orriet, et malgré de nombreuses fougères encore sèches en cette saison, une sente plus dégagée m’entraîne vers une clairière et un autre cours d’eau, petit torrent bien plus fougueux que celui des Freixes : le Correc du Coll del Torn prenant sa source près du col et du pic éponymes.  Là, de l’autre côté du ruisseau, je tombe sur un chemin creux bien plus large encore bordé de pierres sèches qui débouche au lieu-dit « Orriet » où je découvre une grande bâtisse encore bien debout mais où la toiture et un plancher paraissent jouer les équilibristes. Une grande plaie béante s’ouvre sur la façade avant et bien évidemment je me garde bien d’y entrer tant le danger semble omniprésent. Ce chemin, malgré quelques hésitations, je vais l’emprunter assez facilement jusqu’à Urbanya et ce n’est qu’à mon retour que je découvrirais sur les plans cadastraux, qu’il s’agit du Cami ou « Chemin de l’Orriet ». Un Orriet étant un petit orri c'est-à-dire un minuscule abri de berger en pierres sèches, il n’y a aucune logique avec la grande ruine subsistant en ce lieu portant ce nom. Il me faudra sans doute y retourner, chercher et voir si un tel petit édifice est encore présent à cet endroit. J'en ai bien trouvé un mais un peu plus bas du vallon. D’ailleurs, emprunter ce chemin de l’Orriet dans son intégralité sera un prochain objectif et peut être aura-t-il lui aussi le privilège d’un autre article dans mon blog. Le retour vers Urbanya s’effectue sur une partie plus ensoleillée du vallon qu’on a coutume d’appeler « solana » ou « sola ». La soulane ou adret en français. Alors bien évidemment, ce tronçon de la balade est moins boisé et permet des vues assez incroyables sur le vallon d’Urbanya et sur toutes les montagnes environnantes. Les vestiges agropastoraux y sont aussi nombreux que sur l’autre versant. Les amoncellements de pierres sont le paradis des gros lézards verts. La flore y est bien différente de l’autre versant avec de nombreux buissons épineux comme les ronciers, les prunelliers ou les aubépines. Les papillons et les oiseaux qui en occupent les airs ne sont pas les mêmes que sur l’autre flanc du vallon. Ici, on rencontre des alouettes, des pies grièches, des tariers et des traquets. Près de l’arrivée et pour ceux qui ne la connaissent pas, il ne faudra pas oublier de vous rendre à la cascade. Pour cela, il suffit de prêter l’oreille et le murmure de l’eau qui tombe en cascade de 5 à 6 mètres de hauteur vous servira de fil conducteur. L’été et tout spécialement les jours de forte canicule, elle est le lieu de baignade privilégié des enfants du village et de quelques adultes qui les accompagnent. Ils aiment venir s’y rafraîchir en laissant couler la cataracte sur leurs têtes, leurs épaules et leurs dos. Certains encore plus téméraires ne dédaignent pas plonger dans la petite marmite que l’eau a creusée en tombant. Les eaux y sont cristallines mais bien fraîches quelque soit la saison. Après la cascade, le village est presque déjà là. On longe la rivière Urbanya sur sa rive gauche ou bien sur sa rive droite selon le choix effectué au départ de la cascade où une petite passerelle de bois attend votre décision. Dans les sous-bois, les belles ancolies semblent jouer les timides en baissant leurs superbes corolles d’un bleu violacé. Les doronics sont plus gaillardes et dressent fièrement leurs pétales jaunes.  Quoi qu’il en soit la fraîcheur de la rivière accompagne les derniers pas et ce d’autant que cette jolie balade se termine encore à l’ombre des grands frênes. Cette randonnée est à faire de préférence au printemps car le Chemin des Frênes bénéficie encore d’un bon débroussaillage effectué par les chasseurs en hiver. Si vous n’aimez pas les chemins non balisés, ne vous risquez pas à la faire telle qu’expliquée ici.  Idem si les petits égarements ou les incertitudes vous stressent. Ici, le tracé indiqué sur la carte IGN est le plus juste possible mais comme je n’ai pas enregistré de tracé « trackback » dans mon G.P.S, c'est-à-dire en marchant, il peut être parfois qu’approximatif, notamment sur la partie entre le Correc de les Freixes et celui du Coll del Torn. La boucle telle qu’indiquée ici sur la carte I.G.N, et mesurée à fortiori, est longue d’environ 5,750 km. Cette distance inclut l’aller-retour à la cascade et au cortal Serra Mitjana, point culminant de la balade à 1.125 mètres d’altitude. Elle n’inclut pas toutes les découvertes des autres cortals et orris que l’on peut découvrir en sortant de l’itinéraire indiqué ici. Avec ces courtes incartades, le dénivelé est d’environ 270 mètres. Il s’agit donc d’une toute petite balade où le poids de l’histoire rurale d’Urbanya est omniprésent. Elle est dédiée à ceux que l’aventure et l’aspect sauvage d’une randonnée non balisée ne rebutent pas. Carte IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul de Fenouillet Top 25.

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