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barrage

Le Tour du Lac de Caramany

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 4 musiques du duo irlando-norvégien "Secret Garden" composées par Rolf Løvland. Elles ont pour titre "Beautiful" chantée par Brian Kennedy"The Pilot" (instrumental), "Strength" chantée par Espen Grjotheim"Cause Of You" chantée par Cathrine Iversen et Espen Grjotheim et enfin la cinquième "Passacaglia" d'Haendel/Halvorsen jouée en solo au piano par Pianovus (incomplète).

Le Tour du Lac de Caramany

Le Tour du Lac de Caramany

Pour agrandir les photos cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.


 

Nota : Le tracé officiel du Tour du Lac de Caramany proposé par le département 66 (voir ce lien) évite bien évidemment cette partie où des éboulements de pierres se sont produits ces dernières années, entre l’embouchure du Ravin de Tury et le lieu-dit Clot del Tury. C’est donc à mes risques que je suis passé outre les interdictions car j’ai estimé qu’un maximum de conditions favorables me permettait de le faire (belle météo, possibilité auxiliaire dans le lac asséché, eau excessivement basse du lac et de l'Agly, marche en solo) . Si vous faites de même, vous le ferez également à vos risques et périls. Je conseille bien évidemment de ne pas prendre de risques si les conditions ci-dessus ne sont pas totalement remplies ou si vous marchez avec des enfants. A vous de voir.

De ma part, faut-il voir dans ce « Tour du Lac du Caramany » le signe d’un quelconque intérêt grandissant pour l’énergie électrique ? Je ne le pense pas, même si en cette période d’inflation, le sujet très d’actualité par la hausse effrénée de ses tarifs ne me laisse bien évidemment pas indifférent ! Et ce n’est donc que pure coïncidence si ma dernière randonnée (Le Circuit du poste électrique et les éoliennes de Baixas depuis Saint-Estève) et celle-ci ont en commun des lieux où la production électrique est de mise. D’ailleurs, pour être honnête, ici c’est plutôt l’eau et sa carence qui ont aiguillonné mes pensées que le fait qu’il y avait non loin de là un barrage hydroélectrique. Il est 10h30 quand je gare ma voiture tout près de l’aire de pique-nique jouxtant le pont traversant le lac. Selon un plan que j’ai pu voir sur Internet, le départ est là ce qui m’oblige à remonter la route D.21 jusqu’à hauteur de la cave Les Vignerons de Caramany. Le Tour du Lac démarre vraiment là, à droite de la route,  même s’il n’y a aucune mention.  Mais pour avoir déjà accompli une autre randonnée intitulée « Autour du Grand Rocher », je sais que c’est là, les départs sont identiques.  Dans l’immédiat, il s’agit d’une voie bitumée qu’il faut quitter bien plus loin au profit d’un chemin sableux partant à gauche. Comme toujours, je suis déjà en quête de ce que la Nature peut offrir à mon appareil-photo, paysages certes mais surtout flore et faune. Autant l’avouer les deux étant plutôt rares en ce début de balade, les quelques occasions qui se présentent ne sont pas à gâcher. Si les fleurs sont faciles à immortaliser, les oiseaux et papillons réclament plus de patience et surtout plus de chance. Or mis cela, la météo étant très bonne, l’itinéraire reste agréable à cheminer. Seul un ciel un peu laiteux, surtout vers le sud-est,  contrarie mes premières photos car la luminosité n’est pas idéale. Quelques fleurs, des passereaux sur les arbres, d’autres picorant je ne sais quoi sur le sol, une stèle marquant le premier coup de pioche du barrage, deux panonceaux expliquant une vie « néolithique », un autre recensant les balades possibles  sont autant d’occasions pour s’arrêter un peu. Comme peau de chagrin, le lac, lui, se rétrécie au fur et à mesure que j’avance et par là même les berges sableuses et argileuses car alluvionnaires se rapprochent l’une de l’autre. De lac, l’Agly va devenir rivière puis carrément ruisseau. Jamais, je n’ai vu le lac de Caramany ainsi et dieu sait si j’y suis venu souvent y randonner (*). Si le fleuve Agly a toujours été là, on y aperçoit aujourd’hui les vestiges d’un muret fait de pierres qui servait à le canaliser. Dès lors qu’un panneau d’interdiction se présente faisant suite à de très nombreux glissements de terrain et éboulements, je me vois contraint de réfléchir par où faut-il que je passe.  J’avoue que m’éloigner du lac alors que ce dernier est largement asséché ne m’inspire pas trop et ce d’autant qu’il y a longtemps, lors d’une randonnée au « Balcon de la Pêche », j’étais déjà passé outre cette interdiction sans aucun problème. Finalement, c’est en voyant un couple accompagné d’un chien marchant en contrebas que je me décide à braver l’interdiction. Je me dis que si les éboulements sont trop importants et interdisent le passage, j’aurais toujours cette solution de descendre dans le lac asséché. Finalement, mon passage s’effectue sans réel souci, ma seule crainte étant le chien du couple que je viens de retrouver  quelques décamètres plus loin. Trop livré à lui-même, car montant et descendant les pierriers provoqués par les éboulements, j’estime que leur chien constitue un éventuel danger et je n’hésite pas à le leur dire. Répondant à ma demande, ils retiennent leur chien le temps que je passe. Je les en remercie mais insiste sur le fait que le risque peut aussi être pour eux. C’est sur ces bonnes paroles que  nous nous séparons, non sans avoir évoqué au préalable cette voiture « renversante » gisant au milieu l’Agly, là où le fleuve n’est plus qu’un étroit ruisseau. « Renversante » car les roues en l’air et étonnante à cause de l’endroit où elle se trouve, loin de toute voie routière. « Comment est-elle arrivée là » ? C’est la question que nous nous posons conjointement.  Ils me disent vouloir en informer soit la mairie de Caramany soit la gendarmerie, ce en quoi je ne les contredis pas (**). En atteignant la D.9, me voilà complètement soulagé, d’autant plus soulagé qu’en traversant le pont, j’aperçois le couple et leur chien en train de revenir vers moi. J’ai réalisé la moitié du Tour du lac et sans doute franchis la partie la plus délicate. Il est 12h15 et je réfléchis déjà à trouver un coin propice et agréable pour pique-niquer, et ce d’autant qu’une légère brise venant du nord s’est soudainement levée. Finalement, après avoir trouvé les balises jaunes propres au Tour du Lac, je n’en tiens plus guère compte peu après car longer l’Agly et marcher dans le lac asséché est bien plus simple. Alors, je vais et je viens, m’éloignant du lit de la rivière pour mieux y revenir. Suivre l’Agly étant parfois un peu monotone, parfois je m’en éloigne au profit  des vignobles, des bois et d’un peu de garrigue. Très souvent, la présence d’oiseaux aquatiques ou de passereaux que j’aperçois guide mes pas. Idem pour les quelques papillons que j’entrevois. Ils me muent en un chasseur inoffensif où mon appareil-photo devient une épuisette sans filet. C’est moins douloureux pour eux ! Finalement, après avoir trouvé un coin sur l’herbe et abrité du vent pour pique-niquer, c’est l’obligation de rejoindre l’arrivée qui me fait quitter le bord du lac et prendre la route asphaltée. Eh oui, ici, or mis faire un peu de natation, il n’y a pas d’autre choix que mes jambes et la route pour retrouver ma voiture. Cette dernière me permet de rejoindre le village de Caramany que j’avais visité au pas de charge lors de cette balade « Autour du Grand Rocher ». Peu après, je pars voir le barrage, par pure curiosité et surtout au regard du niveau si bas de l’eau.  Ainsi se termine cette balade finalement plutôt agréable et où comme souvent j’ai pu me consacrer pleinement et avec plutôt de la réussite à ma passion pour la photo naturaliste. Seul tourment ? La sécheresse qui sévit et peut s’avérer inquiétante si je me fie à mes

récentes balades toutes faites en hiver mais sous un soleil estival et ardent. En novembre dernier, lors de « la Boucle de Marcevol » le lac de Vinça était à sec et 3 mois plus tard, c’est celui de Caramany. A quoi aurons-nous droit cet été ? Bien qu’ayant mon GPS avec moi, je n’ai pas enregistré de mesures lors de cette balade. Quant au tracé que j’y avais enregistré, il était long de 14,1km mais allait s’égarer incomplètement du côté d’Ansignan. Je ne peux donc formuler qu’une  estimation faite avec mon vieux logiciel CartoExploreur  et en tenant compte  de l’asséchement du lac et de mes divagations qui ont consisté à longer l’Agly, à m’en éloigner parfois pour ensuite y revenir : distance estimée 11km. Dénivelé 68m entre le point le plus bas et le plus haut. Cartes IGN 2448 OT Thuir – Ille-sur-Têt et 2348 ET Prades – Saint-Paul-de-Fenouillet Top 25.

(*) Mes autres balades autour et à proximité du lac de Caramany : 

 

(**) Voiture dans l'Agly : Finalement cette voiture aperçue dans l'Agly, au niveau du lac de barrage, était bien consécutive à un accident qui s'est produit le 1er novembre 2022, accident ayant fait l'objet d'un article sur France Bleu.fr lui-même relayé par le SDIS 66 sur leur page Facebook. Voici les liens ci-après : 

https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/accident-de-la-route-a-caramany-le-conducteur-finit-sa-course-dans-le-lac-1667315074

Page Facebook du SDIS 66 

 

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Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 5 musiques d'Ennio Morricone extraites d'une complilation intitulée "Relaxing Moment". Elles ont pour titre : "C'era Una Volta Il West", "Il Colore Dei Suoi Occhi", "Nuovo Cinema Paradiso", "Irene Gli Intoccabili""Tema Di Ada"

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.

 


 

2eme étape – 12 septembre 2013 : du Refuge de la Perdrix (2.312  au gite Le Moulin à Rieutort (1.517 m) soit 17,600 km pour un dénivelé de 1.080 m et des montées cumulées de 790 m. Point culminant : Le Madres (2.469 m) – Point le plus bas : Le pont de la Farga (1.400 m)

 

Bien que Fred et Jérôme aient alimenté le poêle au maximum et le plus longtemps possible, dès lors que l’on a cessé de l’entretenir, la température a rapidement chuté. La nuit est glaciale mais heureusement nous avions prévu cette éventualité. Les sacs de couchage plus des vêtements chauds sont suffisants pour ne pas avoir trop froid. En tous cas, je ne grelotte pas et seules les extrémités de mes mains et de mes pieds réclament plus de chaleur malgré deux paires de gants, deux paires de chaussettes et des petites bouillottes portatives mais malheureusement éphémères dans la durée. Mais connaissant bien cet inconvénient circulatoire sanguin qu’on appelle « froideur des extrémités », je sais qu’il n’y a pas grand-chose à faire de plus, si ce n’est juste à surveiller dans le cas de nouveaux symptômes ou si les anciens s’amplifient. J’ose espérer que mes compagnons n’ont pas ce problème. En pleine nuit, un besoin urgent m’envoie hors du refuge et je suis assez surpris de constater qu’il ne fait guère plus froid dehors qu’à l’intérieur du refuge. Le vent est presque complètement tombé et seule une brise légère balaie la crête. Le panorama est incroyable et si ce n’était pas la faiblesse de la température, je resterais sans doute bien plus longtemps à observer cette grandiose et merveilleuse splendeur. Eclairée par un croissant de lune, une longue chape nuageuse rougeâtre s’étend devant moi, si ce n’est à perte de vue au moins jusqu’à la Méditerranée que j’aperçois comme une tache bien plus claire par rapport au reste de l’horizon bien plus sombre. Ce reste d’horizon, j’imagine qu’il s’agit sans doute des Albères et de la Plaine du Roussillon. Sous cette longue ouate nébuleuse, le ciel est très clair dévoilant la silhouette des principales montagnes que je connais et qui paraissent bien plus proches : Canigou et Coronat au premier chef. De toute la Plaine du Roussillon et venant du sol, en tous cas de sa partie visible, des millions de scintillements jaunâtres semblent s’ajouter à cette clarté céleste.  C’est très beau et pendant un instant, l’éventualité d’aller chercher mon appareil photo pour figer ce spectacle me vient à l’esprit. Mais non, je préfère rester là à contempler et surtout je ne veux pas réveiller mes amis et je zappe aussitôt cette idée. En contrebas, le lac d’Evol me démontre que sa réputation de « Gorg Negre » n’est pas usurpée.  Seul un faible croissant de lune se reflète dans ses eaux noires. Quand un nuage cache cette tranche de lune, plus rien ne luit à sa surface et tel un puits sans fond, seul le contour de ses rives boisées encore plus sombres que lui reste visible. Pour quelqu’un croyant à toutes les sornettes que l’on raconte à son propos, cette vision ténébreuse et plutôt sinistre rajouterait sans doute encore un peu plus de phobie. Moi pas. Si j’ai toujours aimé les légendes pour leurs côtés mystérieux, leurs aspects trop souvent mystiques me font plutôt rigoler. C’est le cas ici où les fables les plus farfelues, sources de profondes terreurs auprès des gens du pays sont paraît-il légions : « jeter un pierre dans ses eaux engendrerait une tempête…., les truites pêchées seraient des démons qui s’enfuiraient par les cheminées dès lors qu’on tenterait de les faire cuire…., d’incroyables trésors y seraient enfouis et tenter de les récupérer serait synonyme d’orages funestes….., ses fonds lugubres seraient le palais des diables…..des fées et des sorcières seraient à l’origine de la création des trois lacs, etc….. ». Voilà en résumé ce qu’il se raconte du « Gorg Negre » et parfois des deux autres lacs que sont le Gorg Estelat et le Gorg Bleu. Ce n’est donc pas l’appréhension qui me fait réintégrer le refuge mais seulement le froid que je trouve bien trop cinglant. Cette froidure me rappelle qu’un chaud duvet m’attend à l’intérieur. J’oublie très vite cette vision lugubre du lac et Morphée m’entraîne vers elle avec essentiellement ces superbes et étranges tableaux enluminés que j’ai eus devant les yeux. Le plus grand des bonheurs est d’avoir pu observer un panorama aussi lointain et dégagé, chose que nous n’avons jamais pu avoir depuis notre arrivée sur cette crête des Gourgs. En effet, l’horizon a été désespérément bouché par du brouillard ou des nuages qui passaient tels de longs chapelets sans fin.  Dans ma tête, je me dis que c’est peut-être les premiers indices d’une météo bien plus clémente que celle que nous avons connue hier et je m’endors avec cette bienheureuse espérance. Vers 8 heures du matin, le froid bien plus vif encore que dans la nuit me réveille. Personne n’est encore debout,  alors je reste longtemps blotti dans mon duvet à chercher en vain un peu de tiédeur. Le pire est toujours au bout de mes membres et j’ai l’impression que je ne sens plus leurs extrémités. J’attends que mes compagnons se réveillent complètement car j’en entends certains se tourner et se retourner dans leurs sacs de couchage cherchant sans doute eux aussi un peu de chaleur.  Avec le bout de tous mes doigts aussi réfrigérés et n’y tenant plus, je me lève le premier et je vois que Fred est réveillé lui aussi. La tête complètement dissimulée sous le capuchon de son sac, seul son visage apparaît et dans cet accoutrement, il ressemble à un papillon voulant s’extraire de sa chrysalide. Je sors du refuge car pour réveiller mes pieds endoloris par le froid, il faut nécessairement que je marche un peu. J’emporte mon appareil photo avec moi car j’espère que le spectacle sera aussi beau que celui aperçu cette nuit. Mais si les vues sont presque aussi lointaines toutes les couleurs ont disparu. La chape nocturne rougeâtre est désormais d’un bleu grisâtre plutôt terne et peu de lumières scintillent au loin. Seul l’horizon a de jolies nuances hésitant entre le rose et le gris. Mais je continue à trouver ça beau car dans ce jour naissant, mon regard est désormais attiré par la surface du Gorg Negre qui commence à miroiter sous les premières lueurs de l’aube. Il n’a plus rien de semblable avec le lac noir et mystérieux que j’ai observé cette nuit. Il est devenu le lac d’Evol. Tout comme hier matin à Matemale, le ciel est scindé en deux, mais cette fois les rôles sont inversés. Devant le refuge, le Conflent est chapeauté de nombreux nuages, certains très longs, gris ou blancs et d’autres plus petits et épars selon la direction dans laquelle je regarde. Derrière, c'est-à-dire vers le Capcir, un ciel encourageant semble hésiter entre un bleu dur très prometteur et un blanc laiteux que les premiers rayons du soleil ont du mal à colorer. Une fois encore, la direction à prendre est celle du beau temps et c’est encourageant même si hier je m’étais fait la même réflexion mais sans la réussite escomptée. En entrant dans le refuge, je suis néanmoins ravi d’annoncer cette excellente nouvelle à tout le monde. Fred a pris la peine de rallumer le poêle et une agréable chaleur commence à envahir la pièce. Jérôme est réveillé mais il est toujours perché sur son bat-flanc supérieur, déjà occupé à ranger son couchage.  Cathy est attablée et a entamé son petit déjeuner. Grâce à des petites boîtes de lait sucré, quelques galettes moelleuses et un jus de fruit, le mien est vite expédié et aussitôt après je me met à ranger mes affaires et mon sac à dos. Tout le monde fait de même et après un peu de ménage vite bâclé, nous sortons du refuge en file indienne, direction le pic du Madres. Un petit vent glacial s’est levé et avant de démarrer, nous jugeons utile d’enfiler nos gants et de nous encapuchonner dans nos vestes. Pendant un instant, nous longeons le bord du cirque au fond duquel nous apercevons le petit Gorg Blau (Lac Bleu) et celui plus vaste et en forme de haricot du Gorg Estelat que l’on appelle plus communément le lac de Nohèdes ou Lac Etoilé.  Ces décors ne me laissent pas indifférent. Je m’arrête un instant. En regardant ce dernier lac et ses rives, les souvenirs de ma deuxième étape sur le Tour du Coronat de 2007 émergent de ma mémoire : mon arrivée avec un groupe de vététistes espagnols, masculins et féminins. Ils avaient galéré dans les tourbières pour trouver le lac et je leur avais dit de me suivre pour accomplir les derniers mètres. Ils m’avaient demandé de les photographier avec vue sur le lac. Puis nous étions partis dans des directions opposées. Eux avaient pris la direction de l’ancien canal de Jujols alors que moi, j’avais décidé de faire le tour du lac pour partir à sa découverte. Avec mon gros sac à dos, je me souviens avoir galéré comme jamais dans les énormes pierriers de sa rive nord. Je me souviens aussi des couleurs extraordinaires que les rhododendrons roses et les flamboyants genêts composaient en se reflétant dans les eaux calmes du lac bleuté. Bleu, rose et jaune, cette incroyable palette de couleurs est toujours restée dans ma tête comme une des plus belles images de ce Tour du Coronat. Sur la rive ouest, là même où les eaux du Gorg Blau se déversent, j’avais trouvé une petite grève de sable fin avec une eau si limpide que je n’avais pas pu résister à y faire un peu de toilette. La toilette s’était rapidement transformée en une baignade dans le plus simple appareil. Un bain ô combien glacial mais nécessaire et qui m’avait définitivement revigoré et mis en forme pour le restant de la journée. Cette deuxième journée s’était poursuivie vers le lac d’Evol, le col du Portus et retour à Jujols, d’où j’étais parti la veille au matin. C’était mes deux premières étapes de ce Tour du Coronat qui allait en compter six et que j’avais intitulé « Des Merveilles au pays d’Alysse » à cause de l’ « Alyssum pyrenaicum » ou Alysson des Pyrénées, cette fleur relictuelle que l’on ne trouve que dans les falaises du Mont Coronat et nulle part ailleurs dans le monde. Les botanistes qui adorent le latin et les mots compliqués lui ont donné le nom de « Hormathophylla pyrenaica ». Voilà ce que ces deux lacs me rappellent à cet instant : des moments d’une randonnée solitaire mais merveilleuse et de surcroît avec quelques rencontres qui l’avaient rendu inoubliable. Des moments à la fois de joie et de solitude où l’on peut se remettre en question ? Qu’ai-je fait de bien et de mal ? Je me remets en route. Le lac disparaît soudain de mon regard et avec lui mes vieux souvenirs. Mes compagnons ont déjà pris pas mal d’avance. Sur la crête caillouteuse, le Madres fait son apparition avec encore un beau névé accroché à son flanc sud. Je connais bien cet itinéraire pour l’avoir déjà accompli depuis le col de Sansa et en boucle par la Coume de Ponteils et le Serrat de l’Ours. A partir d’ici, la déclivité est plutôt modeste mais dans ma tête, je me souviens de cette belle difficulté rocheuse qu’il y a entre le Roc Nègre (2.459 m) et le Madres (2.469 m) que les montagnards du cru appelle le « Malpas », c’est à dire le « mauvais passage ». Sur la carte I.G.N, elle apparaît sous la dénomination de « Clos Tort », que l’on traduit du catalan en « enclos tortueux ».  Ici, les randonneurs sujets au vertige sont priés d’oublier leur indisposition tant le sentier est étroit, abrupt et en équilibre au dessus d’un vide assez impressionnant. Je l’appréhende. J’ai déjà prévenu mes amis mais ça n’a pas eu l’air de les impressionner plus que ça. A l’approche du Clot Rodon, un isard s’enfuit devant nous et prend la même direction que celle que nous allons prendre. Il disparaît dans les rochers. Cathy, Fred et Jérôme amorcent la pente plutôt douce à cet endroit à une bonne cadence alors que mon cœur s’emballe. Mon vieux moteur diesel a un mal fou à trouver la bonne carburation. Il faut dire que la température sans doute proche de zéro ne fait rien pour m’aider et je suis vraiment frigorifié et comme toujours un maximum de froideur au bout de mes mains, de mes pieds mais de mon nez aussi. Telles de fines bougies accrochées à un sapin de Noël, de longs glaçons pendent aux branches de petits pins chétifs, c’est dire si la nuit a été froide par ici.  Je suis rapidement largué mais Jérôme s’arrête souvent pour m’attendre mais quand j’arrive à sa hauteur, le voilà qui repart et moi inévitablement, je m’arrête un peu plus longtemps pour calmer mes palpitations. Je monte à mon rythme et ce rythme-là me convient. En outre, je sais qu’après cette ascension du Madres, les descentes prendront le relais sinon jusqu’à l’arrivée au moins jusqu’à Puyvalador. Avant le sommet du Roc Nègre, Cathy et Fred sont là à m’attendre et je m’en veux un peu de savoir qu’ils m’ont attendus dans ce froid et avec ce vent polaire qui nous glacent le corps. Depuis la crête, les vues s’entrouvrent magnifiquement sur une immense partie de l’Aude et de l’Ariège. Depuis notre démarrage, un épais matelas nuageux est monté du fin fond des vallées du Bas-Conflent et c’est soudain immobilisé créant ainsi une véritable mer de nuages. Le plus épais recouvre la Vallée de la Castellane. C’est marrant car en 2007, lors de mon Tour du Coronat, j’avais connu les mêmes phénomènes climatiques lors des deux premiers jours. La première fois à Jujols et la seconde fois au campement de l’Estany del Clot, au bord duquel j’avais passé la nuit sous ma tente. J’étais très longtemps resté scotché à regarder les lents mouvements de cet extraordinaire moutonnement nuageux ressemblant aux flots déchaînés d’un océan mais qu’on aurait cru comme filmé au ralenti. Peu après ce joli spectacle, le fameux passage difficile du Clos Tort se présente. Par bonheur, il s’effectue sans problème et une fois encore, en s’engageant la première, alors qu’elle n’a aucune connaissance des obstacles qui l’attendent, Cathy démontre toute son agilité et la facilité qu’elle a à gravir les passages les plus périlleux sans aucune appréhension.  Jérôme passe en second et tout au long de l'hésitante escalade, je le suis quasiment comme son ombre. J’avoue qu’avec mon gros sac, je ne suis pas vraiment rassuré mais en tous cas, je n’ai pas le vertige.  Il faut dire que j’évite de m’arrêter pour regarder derrière moi. Fred ferme la marche et une fois les difficultés franchies, il reconnaît lui aussi que ce couloir étroit et très abrupt avec le vide sous les pieds n’est pas si commode que ça. L’arrivée de Fred au sommet est pour moi un vrai soulagement car je sais que nous en avons terminé avec les difficultés, au moins pour aujourd’hui. Pour avoir étudié la totalité du parcours du Tour du Capcir, je n’ai pas connaissance qu’il y en ait d’autres même si à proximité du lac d’Aude, un autre lieu-dit a également pour nom « Malpas ». Du coup, la suite bien plus praticable vers le Madres et son fameux orri est pour moi une quasi promenade. Ce tronçon est d’autant plus agréable qu’en contrebas, côté Vallon de la Balmette et Salt del Bourro, de nombreux isards paissent tranquillement sur les pelouses d’altitude. Voir des animaux sauvages est suffisamment rare pour que l’on passe un long moment à les observer même si le carcanet est toujours là, violent et froid. A cause de ce vent et de la distance, j’éprouve les pires difficultés à les photographier convenablement et ce, malgré la puissance du zoom de mon appareil photo. Il faut dire que la violence du vent ne me facilite pas la tâche car j’ai un mal fou à garder l’équilibre et à ne pas trembler dans mes prises de vues. En arrivant au sommet du Madres et devant l’orri qui le matérialise, je suis surpris d’apprendre que deux hommes, qui bivouaquent encore devant l’entrée, y ont passé la nuit. Sur le moment, je pense qu’avec notre « bon » poêle, nous avons été bien mieux lotis dans notre minuscule refuge. On échange quelques banalités avec eux en grignotant des fruits secs et des barres de céréales puis on immortalise notre arrivée à ce remarquable sommet par une photo de notre petit groupe. Emmitouflés comme nous le sommes, nous ressemblons à des alpinistes au sommet de l’Everest et pourtant nous ne sommes qu’à 2.469 mètres d’altitude. Il faut dire que le Madres, c’est déjà le point culminant de ce Tour du Capcir, alors c’est sans doute un peu notre Himalaya à nous. Il ne manque que la neige. Ce début de matinée venteuse et froide n’est pas étrangère à cette vision des choses mais la journée s’annonce assez magique et en tous cas conforme aux prévisions météo. Le soleil et le ciel bleu semble vouloir s’installer durablement et j’en suis le premier ravi. Les bonnes prévisions ont eu un jour de retard, voilà tout. A aucun moment, je n’ai imaginé qu’un orage puisse survenir. Les mois de juillet et d’août sont déjà derrière nous et pour moi, la saison des orages violents et fugitifs qu’il y a souvent sur ce massif est passée. Il y a quelques années, j’y ai vu tomber des flocons, de manière éphémère il est vrai, mais en plein mois d’août.  Les paysages à 360 degrés sont époustouflants même si deci delà quelques nuages épars restent accrochés à des reliefs. En contrebas, sur la Jasse de Guissotte, là même où le Ponteils prend sa source dans les nombreuses tourbières, Jérôme aperçoit d’autres cervidés. On en distingue également sur les crêtes du côté du Col des Gavaches mais avec la distance qui nous en sépare, il est impossible de discerner de quels cervidés il s’agit. Ici, il y a des isards, des cerfs, des mouflons de Corse réintroduits ou bien encore des chevreuils, encore que les chevreuils en troupeau soient assez rarissimes. Tous sont très présents dans ce massif et j’ai même lu dans un récent « Pyrénées Magazine », que le Massif du Madres est le lieu des Pyrénées où les spécialistes en ont recensé le plus : 4.000 cervidés sont présents dans le Capcir selon la revue. Quand au bouquetin des Pyrénées, il y a déjà longtemps qu’il a disparu de nos montagnes, sa chasse ayant eu raison de sa robustesse légendaire. Les bouquetins que l’on pourrait voir ont été réintroduits eux aussi comme les mouflons et les marmottes, celles visibles étant d’origine alpine et réintroduite en 1948. Oui, le Massif du Madres est un haut-lieu de la faune sauvage et il n’est donc pas étonnant qu’on y ait aperçu des ours, des loups et que les chats sauvages y soient bien présents sans compter bien sûr les sangliers et les renards roux. Nous quittons le sommet du Madres et prenons la direction de son flanc nord-ouest que l’on appelle le Serrat des Clotes. Le sentier tout en descente est très bon et file agréablement au milieu d’une végétation rase faite de minuscules bruyères et de graminées naines. Ici, les seuls arbres sont quelques pins rabougris très disséminés. Malgré la qualité du sentier peu caillouteux et tout en descente, une fois encore je suis décroché, d’abord parce que Cathy marche à un rythme incroyablement rapide mais surtout parce que le petit vent glacial qui balaie la montagne me fait constamment pleurer. Mes yeux larmoient sans cesse et de ce fait, je suis dans l’incapacité de voir où je mets mes pieds.  Jérôme qui s’arrête régulièrement pour m’attendre ne comprend pas pourquoi je marche si lentement et je suis contraint de lui demander de s’arrêter pour lui expliquer. Après les avoir freinés dans les montées, voilà que maintenant je les retarde aussi dans les descentes. Je m’en veux. A la fin d’un dôme herbeux, le grand « V » bleu du lac de Puyvalador fait son apparition au fond de la verdoyante vallée de l’Aude. Au dessus de cette profonde vallée, les forêts domaniales étalent leur longue toison olivâtre. Un peu plus haut encore, tout n’est que minéralité. Devant nos yeux contemplatifs et dans une succession sans fin de sommets plus ou moins hauts, la chaîne pyrénéenne forme l’horizon. Parmi les quelques sommets que j’ai eu l’occasion de gravir, seule la pyramide du Carlit est vraiment reconnaissable. L’été est passé et a fait disparaître la quasi totalement des névés et seules quelques neiges éternelles subsistent anarchiquement sur les parties les plus élevées et les plus ombragées sans doute. Après être entrés dans une zone d’estives où quelques vaches somnolent, nous coupons une piste. Ici, les prairies essentiellement herbeuses laissent un peu de place à de petits bosquets plantés de pins. Un panonceau indicatif mentionnant Espousouille à 3h20 nous donne une petite idée du temps de marche approximatif restant. A cette altitude, quelques plantes fleuries font de la résistance. Après la grisaille d’hier, c’est un plaisir de découvrir quelques touches de couleurs : le rose des épilobes et de quelques gros chardons, la blanc ou le mauve d’œillets de Montpellier magnifiquement dentelés, le jaune et le bleu des aconits. Le sentier est plus caillouteux mais paradoxalement il file dans des décors plus charmants car moins monotones. Cathy vient d’arriver la première au petit abri du Refuge Oller (1.630 m) et elle semble bien décidée à poursuivre quand Jérôme et Fred l’arrêtent dans son élan car il est déjà 12h30 et leurs estomacs doivent certainement crier famine. Le mien aussi. Nous décidons de stopper là pour pique-niquer et pour moi c’est une vraie délivrance car en arrêtant de marcher mes yeux s’arrêtent aussitôt de larmoyer. L’endroit est agréable, herbeux à souhait et en plus les vues en balcon sur la vallée sont superbes.  Nous y restons environ une heure, la plupart du temps couchés, car l’herbe est tendre, le ciel est bleu et les rayons du soleil sont suffisamment chauds pour envisager un semblant de sieste. En quittant le refuge Oller, le sentier tout en descente entre immédiatement dans un sombre sous-bois et pour moi, l’aspect agréable est que mes yeux ne pleurent plus. Ici, aux Planches d’en Jaquet, on voit clairement qu’un palier végétatif vient d’être atteint. C’est d’ailleurs l’impression générale que l’on a car tout autour de nous, la forêt est omniprésente. Les bois où nous marchons sont plus denses, les arbres plus hauts avec de nombreux grands résineux mais aussi quelques hauts feuillus. Peu après, on entend le bruit d’un petit ruisseau qui s’écoule et depuis la Font de la Perdrix, c’est le premier « rec » actif que l’on rencontre. Un coup d'oeil sur mon bout de carte et c'est bien le Rec du Roc Mari, escarpement rocheux isolé en forme de protubérance et entourée de pierriers que nous avons longtemps aperçu sur notre gauche.  L’étroit sentier s’élargit soudain se transformant en un chemin bien plus praticable lequel devient très rapidement une large piste forestière. Là, nous sommes arrivés en surplomb de la cabane du Bécet (1.560 m). En observant la carte I.G.N, il est évident que quel que soit l’itinéraire que l’on va choisir pour rejoindre Puyvalador,  seules des pistes forestières nous attendent et parmi les deux possibles, toutes les deux se terminent sur la digue du barrage. Il y a celle filant vers Odello Réal et celle dite de Serrallongua que Jérôme a enregistrée dans son G.P.S et qui arrive directement au bord de l’Aude au lieu-dit le Pont de la Fargua.  C’est cette dernière que nous choisissons et bien que ne connaissant pas l’autre, autant dire que celle de Serrallongua porte parfaitement son nom. Je la trouve très longue et fastidieuse cette piste et sans doute que je ne suis pas le seul dans ce cas. Comme souvent et pour passer le temps, je photographe tous et n’importe quoi : vaches, fleurs, insectes et papillons, tout y passe. L’arrivée au barrage de Puyvalador réveille quelques récents souvenirs car il y a moins de 15 jours, j’y suis venu avec Dany pour une randonnée consistant à faire le tour de son lac. C’est donc tout frais et je n’ai plus rien à découvrir que je ne connaisse déjà. Seule la météo est plus favorable et le lac un peu plus plein que lors de notre récente venue. Je prends quelques photos. On traverse la digue du barrage, toujours occupée par une ribambelle de martinets puis l’on monte vers le village de Puyvalador que l’on rejoint très rapidement. Ici, pour l’avoir accompli en voiture, je connais la distance qu’ils nous restent à parcourir : 3 kilomètres mais essentiellement sur de l’asphalte et tous les quatre, nous avons horreur de ça. On quitte Puyvalador et sa charmante église en empruntant la petite D.32g se dirigeant vers le hameau de Rieutort. Nous y sommes attendus au gîte Le Moulin. Au travers de grandes prairies et des paysages très amples eux aussi, la petite route est moins lassante que je ne l’avais imaginée. Il faut dire que quelques petits rapaces planant dans le ciel attirent sans cesse l’objectif de mon numérique. Par chance, un d’entre eux se pose sur un pin.  15h50, en entrant dans Rieutort, j’ai le sentiment de pénétrer dans un village qui a été déserté de tous ses habitants. Personne. Tout est silencieux, Seuls le bruit du ruisseau de Cirerol et la gazouillis de quelques passereaux se font entendre. Heureusement, Alex et Sia, les propriétaires du gîte sont bien présents. Ils sont chaleureux et formidables avec nous. Le lieu est charmant et reposant, les chambres sont parfaites et le grand calme que j’avais observé à mon arrivée s’avère être un atout indéniable pour trouver le repos auquel certains d’entre nous aspirent, moi le premier. Après les douches indispensables, Cathy se repose dans sa chambre pendant que Jérôme et Fred profitent des chaises longues du jardin fleuri et ensoleillé. De mon côté, appareil photo en bandoulière, je pars à la découverte du village qui s’avère bien plus grand que je ne l’avais supposé. Il faut dire que si le hameau a vécu un exode rural au milieu du siècle précédent, il n’en a pas toujours été ainsi. La taille de certains bâtiments, école et mairie par exemples, sont là pour prouver que Rieutort a eu ses heures de gloire et un nombre d’habitants bien plus important que de nos jours. La soirée, ponctuée d’un succulent repas avec formule table d’hôtes est des plus agréables. Alex et Sia se mettent en quatre pour nous satisfaire. Alex, en plus de son labeur d'aubergiste, est un fou de nature, moniteur de ski et guide de randonnées à ses heures. C’était un fana de pêche en mer et en rivière et il aime beaucoup la photo. Sur les murs du gîte, on peut découvrir de nombreuses photos relatant ses exploits et ses trophées halieutiques. De ce fait, nous avons de nombreux atomes crochus pour nous entendre et aucun problème pour trouver facilement des sujets de conversation. Sia est plus timide, excellente cuisinière et très captivante également quand elle parle de gastronomie et de la vie au gîte qu’elle semble affectionner.  En plus des charmants propriétaires, un couple sympathique s’est joint à nous lors du repas. La femme écrit des romans et de ce fait, les causeries s’en trouvent facilitées. La fin de la soirée tire agréablement en longueur mais pour la plupart d’entre nous, la nuit précédente a été peu réparatrice et l’envie d’aller nous coucher arrive bien plus vite que nous le souhaiterions. Nous pensons déjà à la très longue étape de demain. Ajoutons à cela les 17 kilomètres de l’étape d’aujourd’hui, le bon air du Madres et du Capcir, un bon et vrai lit qui nous attend et tout est en place pour une nuit qui s’annonce bien plus douce et régénératrice que la précédente. 11 heures, la raison l’emporte et nous partons nous coucher car dès le lendemain, la plus longue et plus difficile étape de ce Tour du Capcir nous attend. 28 kilomètres pour atteindre les Bouillouses et surtout une très longue montée par la Vallée du Galbe jusqu’au Camporells. Adorant l’Histoire, la toponymie et n’aimant pas « marcher idiot », autant qu’il est possible, j’ai appris que Les Camporells étaient les « champs des rois ». Ces rois, c’était ceux d’Aragon et de Majorque qui avaient fait du Capcir leur lieu de villégiature et de Formiguères leur résidence d’été. En réalité, le village a surtout servi à soigner l’asthme dont souffrait le roi Sanche 1er, roi de Majorque de 1299 à 1324. Quant aux Camporells, c’était son lieu de prédilection pour venir y chasser les isards, les cerfs et autres chevreuils. Il est mort ici à Formiguères à l’âge de 48 ans. En 1920, le prince Albert 1er de Monaco a, à sa manière, perpétué cette tradition puisqu’il était également un habitué des lieux appréciant le secteur des Camporells qu’il avait loué pour venir y chasser et y pêcher. Avant de m’endormir, je me remets à penser à cette révélation que j’ai eu avec Blek le Roc. A ma mère bien sûr, puisque c’est elle qui m’a permis de lire ces bandes dessinées. Mes pensées s’enchainent les unes aux autres. Ma mère, mon enfance, Blek le Roc. Ma mère est dans un service spécialisé Alzheimer d’une maison de retraite depuis 5 ans déjà et c’est bien rare que lors d’une randonnée sur plusieurs jours, je ne pense pas à elle plusieurs fois. Plusieurs fois et le plus souvent avec tristesse,  tant je trouve la fin de sa vie si injuste. L’aspect solitaire de la randonnée et les efforts à accomplir me font souvent sortir de mes pensées habituelles et quotidiennes, et de ce fait, il m’arrive très souvent de songer au temps passé et aux êtres chers qui ne sont plus de ce monde. Ce monde, ma mère n’en fait déjà plus partie. Avec la maladie d’Alzheimer, elle a basculé dans un autre univers.  Grâce à elle et depuis hier, le nom de Blek le Roc est revenu à la surface de mes souvenirs. S’il n’est pas revenu dans la journée, c’est probablement parce que l’étape d’aujourd’hui ne présentait aucune difficulté. Désormais, je n’ai plus aucun doute, ce personnage de bande dessinée est définitivement lié à mon amour pour la randonnée pédestre. Je ne sais pas pourquoi, je n’y avais jamais pensé auparavant. Me remémorer tout ça et mon enfance me rend triste car bien sûr ça me renvoie à ma mère et pourtant je suis super heureux d’être là et de marcher avec Jérôme et ses amis Cathy et Fred. Alors j’essaie de penser à autre chose mais les souvenirs bons et mauvais reviennent sans cesse et parfois se chevauchent. Avant de m’endormir, me viennent à l’esprit des questions parfois stupides.  Je me demande par exemple si Blek le Roc aurait pu s’entendre avec les rois de Majorque, eux, dont le quotidien était les guerres pour conserver leurs pouvoirs, pour étendre leur immense royaume.  Je n’ai pas la réponse. Blek, c’était d’abord un héros au grand cœur, un Robin des Bois à la sauce américaine, un être épris de justice et de liberté dont le seul objectif était de vaincre les Anglais. Les « homards rouges » comme il les appelait à cause de leurs uniformes. Il se battait pour que les Etats-Unis accèdent à leur Indépendance et non pas pour étendre un royaume voire un empire. Suis-je encore éveillé ? Suis-je déjà dans un rêve ? Les pensées concernant mon enfance se mélangent au temps présent. Elles oscillent entre la chance que j’ai d’être là et les êtres qui m’étaient chers et dont j’aurais tant aimé qu’ils soient avec moi. Je voudrais bien n’être que positif mais Blek le Roc me ramène parfois à des souvenirs plus tragiques. Ma mère encore et toujours, mais mon frère aîné Daniel aussi. En pensant à Blek le Roc, je me souviens qu’il cachait mes bandes dessinées uniquement pour me taquiner. Il est décédé à l’âge de 46 ans et dieu sait si l’avoir avec moi au cours de cette randonnée aurait été merveilleux.

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Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 5 musiques d'Ennio Morricone extraites d'une complilation intitulée "Relaxing Moment". Elles ont pour titre : "C'era Una Volta Il West", "Il Colore Dei Suoi Occhi", "Nuovo Cinema Paradiso", "Irene Gli Intoccabili""Tema Di Ada"

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.

 


 

2eme étape – 12 septembre 2013 : du Refuge de la Perdrix (2.312  au gite Le Moulin à Rieutort (1.517 m) soit 17,600 km pour un dénivelé de 1.080 m et des montées cumulées de 790 m. Point culminant : Le Madres (2.469 m) – Point le plus bas : Le pont de la Farga (1.400 m)

 

Bien que Fred et Jérôme aient alimenté le poêle au maximum et le plus longtemps possible, dès lors que l’on a cessé de l’entretenir, la température a rapidement chuté. La nuit est glaciale mais heureusement nous avions prévu cette éventualité. Les sacs de couchage plus des vêtements chauds sont suffisants pour ne pas avoir trop froid. En tous cas, je ne grelotte pas et seules les extrémités de mes mains et de mes pieds réclament plus de chaleur malgré deux paires de gants, deux paires de chaussettes et des petites bouillottes portatives mais malheureusement éphémères dans la durée. Mais connaissant bien cet inconvénient circulatoire sanguin qu’on appelle « froideur des extrémités », je sais qu’il n’y a pas grand-chose à faire de plus, si ce n’est juste à surveiller dans le cas de nouveaux symptômes ou si les anciens s’amplifient. J’ose espérer que mes compagnons n’ont pas ce problème. En pleine nuit, un besoin urgent m’envoie hors du refuge et je suis assez surpris de constater qu’il ne fait guère plus froid dehors qu’à l’intérieur du refuge. Le vent est presque complètement tombé et seule une brise légère balaie la crête. Le panorama est incroyable et si ce n’était pas la faiblesse de la température, je resterais sans doute bien plus longtemps à observer cette grandiose et merveilleuse splendeur. Eclairée par un croissant de lune, une longue chape nuageuse rougeâtre s’étend devant moi, si ce n’est à perte de vue au moins jusqu’à la Méditerranée que j’aperçois comme une tache bien plus claire par rapport au reste de l’horizon bien plus sombre. Ce reste d’horizon, j’imagine qu’il s’agit sans doute des Albères et de la Plaine du Roussillon. Sous cette longue ouate nébuleuse, le ciel est très clair dévoilant la silhouette des principales montagnes que je connais et qui paraissent bien plus proches : Canigou et Coronat au premier chef. De toute la Plaine du Roussillon et venant du sol, en tous cas de sa partie visible, des millions de scintillements jaunâtres semblent s’ajouter à cette clarté céleste.  C’est très beau et pendant un instant, l’éventualité d’aller chercher mon appareil photo pour figer ce spectacle me vient à l’esprit. Mais non, je préfère rester là à contempler et surtout je ne veux pas réveiller mes amis et je zappe aussitôt cette idée. En contrebas, le lac d’Evol me démontre que sa réputation de « Gorg Negre » n’est pas usurpée.  Seul un faible croissant de lune se reflète dans ses eaux noires. Quand un nuage cache cette tranche de lune, plus rien ne luit à sa surface et tel un puits sans fond, seul le contour de ses rives boisées encore plus sombres que lui reste visible. Pour quelqu’un croyant à toutes les sornettes que l’on raconte à son propos, cette vision ténébreuse et plutôt sinistre rajouterait sans doute encore un peu plus de phobie. Moi pas. Si j’ai toujours aimé les légendes pour leurs côtés mystérieux, leurs aspects trop souvent mystiques me font plutôt rigoler. C’est le cas ici où les fables les plus farfelues, sources de profondes terreurs auprès des gens du pays sont paraît-il légions : « jeter un pierre dans ses eaux engendrerait une tempête…., les truites pêchées seraient des démons qui s’enfuiraient par les cheminées dès lors qu’on tenterait de les faire cuire…., d’incroyables trésors y seraient enfouis et tenter de les récupérer serait synonyme d’orages funestes….., ses fonds lugubres seraient le palais des diables…..des fées et des sorcières seraient à l’origine de la création des trois lacs, etc….. ». Voilà en résumé ce qu’il se raconte du « Gorg Negre » et parfois des deux autres lacs que sont le Gorg Estelat et le Gorg Bleu. Ce n’est donc pas l’appréhension qui me fait réintégrer le refuge mais seulement le froid que je trouve bien trop cinglant. Cette froidure me rappelle qu’un chaud duvet m’attend à l’intérieur. J’oublie très vite cette vision lugubre du lac et Morphée m’entraîne vers elle avec essentiellement ces superbes et étranges tableaux enluminés que j’ai eus devant les yeux. Le plus grand des bonheurs est d’avoir pu observer un panorama aussi lointain et dégagé, chose que nous n’avons jamais pu avoir depuis notre arrivée sur cette crête des Gourgs. En effet, l’horizon a été désespérément bouché par du brouillard ou des nuages qui passaient tels de longs chapelets sans fin.  Dans ma tête, je me dis que c’est peut-être les premiers indices d’une météo bien plus clémente que celle que nous avons connue hier et je m’endors avec cette bienheureuse espérance. Vers 8 heures du matin, le froid bien plus vif encore que dans la nuit me réveille. Personne n’est encore debout,  alors je reste longtemps blotti dans mon duvet à chercher en vain un peu de tiédeur. Le pire est toujours au bout de mes membres et j’ai l’impression que je ne sens plus leurs extrémités. J’attends que mes compagnons se réveillent complètement car j’en entends certains se tourner et se retourner dans leurs sacs de couchage cherchant sans doute eux aussi un peu de chaleur.  Avec le bout de tous mes doigts aussi réfrigérés et n’y tenant plus, je me lève le premier et je vois que Fred est réveillé lui aussi. La tête complètement dissimulée sous le capuchon de son sac, seul son visage apparaît et dans cet accoutrement, il ressemble à un papillon voulant s’extraire de sa chrysalide. Je sors du refuge car pour réveiller mes pieds endoloris par le froid, il faut nécessairement que je marche un peu. J’emporte mon appareil photo avec moi car j’espère que le spectacle sera aussi beau que celui aperçu cette nuit. Mais si les vues sont presque aussi lointaines toutes les couleurs ont disparu. La chape nocturne rougeâtre est désormais d’un bleu grisâtre plutôt terne et peu de lumières scintillent au loin. Seul l’horizon a de jolies nuances hésitant entre le rose et le gris. Mais je continue à trouver ça beau car dans ce jour naissant, mon regard est désormais attiré par la surface du Gorg Negre qui commence à miroiter sous les premières lueurs de l’aube. Il n’a plus rien de semblable avec le lac noir et mystérieux que j’ai observé cette nuit. Il est devenu le lac d’Evol. Tout comme hier matin à Matemale, le ciel est scindé en deux, mais cette fois les rôles sont inversés. Devant le refuge, le Conflent est chapeauté de nombreux nuages, certains très longs, gris ou blancs et d’autres plus petits et épars selon la direction dans laquelle je regarde. Derrière, c'est-à-dire vers le Capcir, un ciel encourageant semble hésiter entre un bleu dur très prometteur et un blanc laiteux que les premiers rayons du soleil ont du mal à colorer. Une fois encore, la direction à prendre est celle du beau temps et c’est encourageant même si hier je m’étais fait la même réflexion mais sans la réussite escomptée. En entrant dans le refuge, je suis néanmoins ravi d’annoncer cette excellente nouvelle à tout le monde. Fred a pris la peine de rallumer le poêle et une agréable chaleur commence à envahir la pièce. Jérôme est réveillé mais il est toujours perché sur son bat-flanc supérieur, déjà occupé à ranger son couchage.  Cathy est attablée et a entamé son petit déjeuner. Grâce à des petites boîtes de lait sucré, quelques galettes moelleuses et un jus de fruit, le mien est vite expédié et aussitôt après je me met à ranger mes affaires et mon sac à dos. Tout le monde fait de même et après un peu de ménage vite bâclé, nous sortons du refuge en file indienne, direction le pic du Madres. Un petit vent glacial s’est levé et avant de démarrer, nous jugeons utile d’enfiler nos gants et de nous encapuchonner dans nos vestes. Pendant un instant, nous longeons le bord du cirque au fond duquel nous apercevons le petit Gorg Blau (Lac Bleu) et celui plus vaste et en forme de haricot du Gorg Estelat que l’on appelle plus communément le lac de Nohèdes ou Lac Etoilé.  Ces décors ne me laissent pas indifférent. Je m’arrête un instant. En regardant ce dernier lac et ses rives, les souvenirs de ma deuxième étape sur le Tour du Coronat de 2007 émergent de ma mémoire : mon arrivée avec un groupe de vététistes espagnols, masculins et féminins. Ils avaient galéré dans les tourbières pour trouver le lac et je leur avais dit de me suivre pour accomplir les derniers mètres. Ils m’avaient demandé de les photographier avec vue sur le lac. Puis nous étions partis dans des directions opposées. Eux avaient pris la direction de l’ancien canal de Jujols alors que moi, j’avais décidé de faire le tour du lac pour partir à sa découverte. Avec mon gros sac à dos, je me souviens avoir galéré comme jamais dans les énormes pierriers de sa rive nord. Je me souviens aussi des couleurs extraordinaires que les rhododendrons roses et les flamboyants genêts composaient en se reflétant dans les eaux calmes du lac bleuté. Bleu, rose et jaune, cette incroyable palette de couleurs est toujours restée dans ma tête comme une des plus belles images de ce Tour du Coronat. Sur la rive ouest, là même où les eaux du Gorg Blau se déversent, j’avais trouvé une petite grève de sable fin avec une eau si limpide que je n’avais pas pu résister à y faire un peu de toilette. La toilette s’était rapidement transformée en une baignade dans le plus simple appareil. Un bain ô combien glacial mais nécessaire et qui m’avait définitivement revigoré et mis en forme pour le restant de la journée. Cette deuxième journée s’était poursuivie vers le lac d’Evol, le col du Portus et retour à Jujols, d’où j’étais parti la veille au matin. C’était mes deux premières étapes de ce Tour du Coronat qui allait en compter six et que j’avais intitulé « Des Merveilles au pays d’Alysse » à cause de l’ « Alyssum pyrenaicum » ou Alysson des Pyrénées, cette fleur relictuelle que l’on ne trouve que dans les falaises du Mont Coronat et nulle part ailleurs dans le monde. Les botanistes qui adorent le latin et les mots compliqués lui ont donné le nom de « Hormathophylla pyrenaica ». Voilà ce que ces deux lacs me rappellent à cet instant : des moments d’une randonnée solitaire mais merveilleuse et de surcroît avec quelques rencontres qui l’avaient rendu inoubliable. Des moments à la fois de joie et de solitude où l’on peut se remettre en question ? Qu’ai-je fait de bien et de mal ? Je me remets en route. Le lac disparaît soudain de mon regard et avec lui mes vieux souvenirs. Mes compagnons ont déjà pris pas mal d’avance. Sur la crête caillouteuse, le Madres fait son apparition avec encore un beau névé accroché à son flanc sud. Je connais bien cet itinéraire pour l’avoir déjà accompli depuis le col de Sansa et en boucle par la Coume de Ponteils et le Serrat de l’Ours. A partir d’ici, la déclivité est plutôt modeste mais dans ma tête, je me souviens de cette belle difficulté rocheuse qu’il y a entre le Roc Nègre (2.459 m) et le Madres (2.469 m) que les montagnards du cru appelle le « Malpas », c’est à dire le « mauvais passage ». Sur la carte I.G.N, elle apparaît sous la dénomination de « Clos Tort », que l’on traduit du catalan en « enclos tortueux ».  Ici, les randonneurs sujets au vertige sont priés d’oublier leur indisposition tant le sentier est étroit, abrupt et en équilibre au dessus d’un vide assez impressionnant. Je l’appréhende. J’ai déjà prévenu mes amis mais ça n’a pas eu l’air de les impressionner plus que ça. A l’approche du Clot Rodon, un isard s’enfuit devant nous et prend la même direction que celle que nous allons prendre. Il disparaît dans les rochers. Cathy, Fred et Jérôme amorcent la pente plutôt douce à cet endroit à une bonne cadence alors que mon cœur s’emballe. Mon vieux moteur diesel a un mal fou à trouver la bonne carburation. Il faut dire que la température sans doute proche de zéro ne fait rien pour m’aider et je suis vraiment frigorifié et comme toujours un maximum de froideur au bout de mes mains, de mes pieds mais de mon nez aussi. Telles de fines bougies accrochées à un sapin de Noël, de longs glaçons pendent aux branches de petits pins chétifs, c’est dire si la nuit a été froide par ici.  Je suis rapidement largué mais Jérôme s’arrête souvent pour m’attendre mais quand j’arrive à sa hauteur, le voilà qui repart et moi inévitablement, je m’arrête un peu plus longtemps pour calmer mes palpitations. Je monte à mon rythme et ce rythme-là me convient. En outre, je sais qu’après cette ascension du Madres, les descentes prendront le relais sinon jusqu’à l’arrivée au moins jusqu’à Puyvalador. Avant le sommet du Roc Nègre, Cathy et Fred sont là à m’attendre et je m’en veux un peu de savoir qu’ils m’ont attendus dans ce froid et avec ce vent polaire qui nous glacent le corps. Depuis la crête, les vues s’entrouvrent magnifiquement sur une immense partie de l’Aude et de l’Ariège. Depuis notre démarrage, un épais matelas nuageux est monté du fin fond des vallées du Bas-Conflent et c’est soudain immobilisé créant ainsi une véritable mer de nuages. Le plus épais recouvre la Vallée de la Castellane. C’est marrant car en 2007, lors de mon Tour du Coronat, j’avais connu les mêmes phénomènes climatiques lors des deux premiers jours. La première fois à Jujols et la seconde fois au campement de l’Estany del Clot, au bord duquel j’avais passé la nuit sous ma tente. J’étais très longtemps resté scotché à regarder les lents mouvements de cet extraordinaire moutonnement nuageux ressemblant aux flots déchaînés d’un océan mais qu’on aurait cru comme filmé au ralenti. Peu après ce joli spectacle, le fameux passage difficile du Clos Tort se présente. Par bonheur, il s’effectue sans problème et une fois encore, en s’engageant la première, alors qu’elle n’a aucune connaissance des obstacles qui l’attendent, Cathy démontre toute son agilité et la facilité qu’elle a à gravir les passages les plus périlleux sans aucune appréhension.  Jérôme passe en second et tout au long de l'hésitante escalade, je le suis quasiment comme son ombre. J’avoue qu’avec mon gros sac, je ne suis pas vraiment rassuré mais en tous cas, je n’ai pas le vertige.  Il faut dire que j’évite de m’arrêter pour regarder derrière moi. Fred ferme la marche et une fois les difficultés franchies, il reconnaît lui aussi que ce couloir étroit et très abrupt avec le vide sous les pieds n’est pas si commode que ça. L’arrivée de Fred au sommet est pour moi un vrai soulagement car je sais que nous en avons terminé avec les difficultés, au moins pour aujourd’hui. Pour avoir étudié la totalité du parcours du Tour du Capcir, je n’ai pas connaissance qu’il y en ait d’autres même si à proximité du lac d’Aude, un autre lieu-dit a également pour nom « Malpas ». Du coup, la suite bien plus praticable vers le Madres et son fameux orri est pour moi une quasi promenade. Ce tronçon est d’autant plus agréable qu’en contrebas, côté Vallon de la Balmette et Salt del Bourro, de nombreux isards paissent tranquillement sur les pelouses d’altitude. Voir des animaux sauvages est suffisamment rare pour que l’on passe un long moment à les observer même si le carcanet est toujours là, violent et froid. A cause de ce vent et de la distance, j’éprouve les pires difficultés à les photographier convenablement et ce, malgré la puissance du zoom de mon appareil photo. Il faut dire que la violence du vent ne me facilite pas la tâche car j’ai un mal fou à garder l’équilibre et à ne pas trembler dans mes prises de vues. En arrivant au sommet du Madres et devant l’orri qui le matérialise, je suis surpris d’apprendre que deux hommes, qui bivouaquent encore devant l’entrée, y ont passé la nuit. Sur le moment, je pense qu’avec notre « bon » poêle, nous avons été bien mieux lotis dans notre minuscule refuge. On échange quelques banalités avec eux en grignotant des fruits secs et des barres de céréales puis on immortalise notre arrivée à ce remarquable sommet par une photo de notre petit groupe. Emmitouflés comme nous le sommes, nous ressemblons à des alpinistes au sommet de l’Everest et pourtant nous ne sommes qu’à 2.469 mètres d’altitude. Il faut dire que le Madres, c’est déjà le point culminant de ce Tour du Capcir, alors c’est sans doute un peu notre Himalaya à nous. Il ne manque que la neige. Ce début de matinée venteuse et froide n’est pas étrangère à cette vision des choses mais la journée s’annonce assez magique et en tous cas conforme aux prévisions météo. Le soleil et le ciel bleu semble vouloir s’installer durablement et j’en suis le premier ravi. Les bonnes prévisions ont eu un jour de retard, voilà tout. A aucun moment, je n’ai imaginé qu’un orage puisse survenir. Les mois de juillet et d’août sont déjà derrière nous et pour moi, la saison des orages violents et fugitifs qu’il y a souvent sur ce massif est passée. Il y a quelques années, j’y ai vu tomber des flocons, de manière éphémère il est vrai, mais en plein mois d’août.  Les paysages à 360 degrés sont époustouflants même si deci delà quelques nuages épars restent accrochés à des reliefs. En contrebas, sur la Jasse de Guissotte, là même où le Ponteils prend sa source dans les nombreuses tourbières, Jérôme aperçoit d’autres cervidés. On en distingue également sur les crêtes du côté du Col des Gavaches mais avec la distance qui nous en sépare, il est impossible de discerner de quels cervidés il s’agit. Ici, il y a des isards, des cerfs, des mouflons de Corse réintroduits ou bien encore des chevreuils, encore que les chevreuils en troupeau soient assez rarissimes. Tous sont très présents dans ce massif et j’ai même lu dans un récent « Pyrénées Magazine », que le Massif du Madres est le lieu des Pyrénées où les spécialistes en ont recensé le plus : 4.000 cervidés sont présents dans le Capcir selon la revue. Quand au bouquetin des Pyrénées, il y a déjà longtemps qu’il a disparu de nos montagnes, sa chasse ayant eu raison de sa robustesse légendaire. Les bouquetins que l’on pourrait voir ont été réintroduits eux aussi comme les mouflons et les marmottes, celles visibles étant d’origine alpine et réintroduite en 1948. Oui, le Massif du Madres est un haut-lieu de la faune sauvage et il n’est donc pas étonnant qu’on y ait aperçu des ours, des loups et que les chats sauvages y soient bien présents sans compter bien sûr les sangliers et les renards roux. Nous quittons le sommet du Madres et prenons la direction de son flanc nord-ouest que l’on appelle le Serrat des Clotes. Le sentier tout en descente est très bon et file agréablement au milieu d’une végétation rase faite de minuscules bruyères et de graminées naines. Ici, les seuls arbres sont quelques pins rabougris très disséminés. Malgré la qualité du sentier peu caillouteux et tout en descente, une fois encore je suis décroché, d’abord parce que Cathy marche à un rythme incroyablement rapide mais surtout parce que le petit vent glacial qui balaie la montagne me fait constamment pleurer. Mes yeux larmoient sans cesse et de ce fait, je suis dans l’incapacité de voir où je mets mes pieds.  Jérôme qui s’arrête régulièrement pour m’attendre ne comprend pas pourquoi je marche si lentement et je suis contraint de lui demander de s’arrêter pour lui expliquer. Après les avoir freinés dans les montées, voilà que maintenant je les retarde aussi dans les descentes. Je m’en veux. A la fin d’un dôme herbeux, le grand « V » bleu du lac de Puyvalador fait son apparition au fond de la verdoyante vallée de l’Aude. Au dessus de cette profonde vallée, les forêts domaniales étalent leur longue toison olivâtre. Un peu plus haut encore, tout n’est que minéralité. Devant nos yeux contemplatifs et dans une succession sans fin de sommets plus ou moins hauts, la chaîne pyrénéenne forme l’horizon. Parmi les quelques sommets que j’ai eu l’occasion de gravir, seule la pyramide du Carlit est vraiment reconnaissable. L’été est passé et a fait disparaître la quasi totalement des névés et seules quelques neiges éternelles subsistent anarchiquement sur les parties les plus élevées et les plus ombragées sans doute. Après être entrés dans une zone d’estives où quelques vaches somnolent, nous coupons une piste. Ici, les prairies essentiellement herbeuses laissent un peu de place à de petits bosquets plantés de pins. Un panonceau indicatif mentionnant Espousouille à 3h20 nous donne une petite idée du temps de marche approximatif restant. A cette altitude, quelques plantes fleuries font de la résistance. Après la grisaille d’hier, c’est un plaisir de découvrir quelques touches de couleurs : le rose des épilobes et de quelques gros chardons, la blanc ou le mauve d’œillets de Montpellier magnifiquement dentelés, le jaune et le bleu des aconits. Le sentier est plus caillouteux mais paradoxalement il file dans des décors plus charmants car moins monotones. Cathy vient d’arriver la première au petit abri du Refuge Oller (1.630 m) et elle semble bien décidée à poursuivre quand Jérôme et Fred l’arrêtent dans son élan car il est déjà 12h30 et leurs estomacs doivent certainement crier famine. Le mien aussi. Nous décidons de stopper là pour pique-niquer et pour moi c’est une vraie délivrance car en arrêtant de marcher mes yeux s’arrêtent aussitôt de larmoyer. L’endroit est agréable, herbeux à souhait et en plus les vues en balcon sur la vallée sont superbes.  Nous y restons environ une heure, la plupart du temps couchés, car l’herbe est tendre, le ciel est bleu et les rayons du soleil sont suffisamment chauds pour envisager un semblant de sieste. En quittant le refuge Oller, le sentier tout en descente entre immédiatement dans un sombre sous-bois et pour moi, l’aspect agréable est que mes yeux ne pleurent plus. Ici, aux Planches d’en Jaquet, on voit clairement qu’un palier végétatif vient d’être atteint. C’est d’ailleurs l’impression générale que l’on a car tout autour de nous, la forêt est omniprésente. Les bois où nous marchons sont plus denses, les arbres plus hauts avec de nombreux grands résineux mais aussi quelques hauts feuillus. Peu après, on entend le bruit d’un petit ruisseau qui s’écoule et depuis la Font de la Perdrix, c’est le premier « rec » actif que l’on rencontre. Un coup d'oeil sur mon bout de carte et c'est bien le Rec du Roc Mari, escarpement rocheux isolé en forme de protubérance et entourée de pierriers que nous avons longtemps aperçu sur notre gauche.  L’étroit sentier s’élargit soudain se transformant en un chemin bien plus praticable lequel devient très rapidement une large piste forestière. Là, nous sommes arrivés en surplomb de la cabane du Bécet (1.560 m). En observant la carte I.G.N, il est évident que quel que soit l’itinéraire que l’on va choisir pour rejoindre Puyvalador,  seules des pistes forestières nous attendent et parmi les deux possibles, toutes les deux se terminent sur la digue du barrage. Il y a celle filant vers Odello Réal et celle dite de Serrallongua que Jérôme a enregistrée dans son G.P.S et qui arrive directement au bord de l’Aude au lieu-dit le Pont de la Fargua.  C’est cette dernière que nous choisissons et bien que ne connaissant pas l’autre, autant dire que celle de Serrallongua porte parfaitement son nom. Je la trouve très longue et fastidieuse cette piste et sans doute que je ne suis pas le seul dans ce cas. Comme souvent et pour passer le temps, je photographe tous et n’importe quoi : vaches, fleurs, insectes et papillons, tout y passe. L’arrivée au barrage de Puyvalador réveille quelques récents souvenirs car il y a moins de 15 jours, j’y suis venu avec Dany pour une randonnée consistant à faire le tour de son lac. C’est donc tout frais et je n’ai plus rien à découvrir que je ne connaisse déjà. Seule la météo est plus favorable et le lac un peu plus plein que lors de notre récente venue. Je prends quelques photos. On traverse la digue du barrage, toujours occupée par une ribambelle de martinets puis l’on monte vers le village de Puyvalador que l’on rejoint très rapidement. Ici, pour l’avoir accompli en voiture, je connais la distance qu’ils nous restent à parcourir : 3 kilomètres mais essentiellement sur de l’asphalte et tous les quatre, nous avons horreur de ça. On quitte Puyvalador et sa charmante église en empruntant la petite D.32g se dirigeant vers le hameau de Rieutort. Nous y sommes attendus au gîte Le Moulin. Au travers de grandes prairies et des paysages très amples eux aussi, la petite route est moins lassante que je ne l’avais imaginée. Il faut dire que quelques petits rapaces planant dans le ciel attirent sans cesse l’objectif de mon numérique. Par chance, un d’entre eux se pose sur un pin.  15h50, en entrant dans Rieutort, j’ai le sentiment de pénétrer dans un village qui a été déserté de tous ses habitants. Personne. Tout est silencieux, Seuls le bruit du ruisseau de Cirerol et la gazouillis de quelques passereaux se font entendre. Heureusement, Alex et Sia, les propriétaires du gîte sont bien présents. Ils sont chaleureux et formidables avec nous. Le lieu est charmant et reposant, les chambres sont parfaites et le grand calme que j’avais observé à mon arrivée s’avère être un atout indéniable pour trouver le repos auquel certains d’entre nous aspirent, moi le premier. Après les douches indispensables, Cathy se repose dans sa chambre pendant que Jérôme et Fred profitent des chaises longues du jardin fleuri et ensoleillé. De mon côté, appareil photo en bandoulière, je pars à la découverte du village qui s’avère bien plus grand que je ne l’avais supposé. Il faut dire que si le hameau a vécu un exode rural au milieu du siècle précédent, il n’en a pas toujours été ainsi. La taille de certains bâtiments, école et mairie par exemples, sont là pour prouver que Rieutort a eu ses heures de gloire et un nombre d’habitants bien plus important que de nos jours. La soirée, ponctuée d’un succulent repas avec formule table d’hôtes est des plus agréables. Alex et Sia se mettent en quatre pour nous satisfaire. Alex, en plus de son labeur d'aubergiste, est un fou de nature, moniteur de ski et guide de randonnées à ses heures. C’était un fana de pêche en mer et en rivière et il aime beaucoup la photo. Sur les murs du gîte, on peut découvrir de nombreuses photos relatant ses exploits et ses trophées halieutiques. De ce fait, nous avons de nombreux atomes crochus pour nous entendre et aucun problème pour trouver facilement des sujets de conversation. Sia est plus timide, excellente cuisinière et très captivante également quand elle parle de gastronomie et de la vie au gîte qu’elle semble affectionner.  En plus des charmants propriétaires, un couple sympathique s’est joint à nous lors du repas. La femme écrit des romans et de ce fait, les causeries s’en trouvent facilitées. La fin de la soirée tire agréablement en longueur mais pour la plupart d’entre nous, la nuit précédente a été peu réparatrice et l’envie d’aller nous coucher arrive bien plus vite que nous le souhaiterions. Nous pensons déjà à la très longue étape de demain. Ajoutons à cela les 17 kilomètres de l’étape d’aujourd’hui, le bon air du Madres et du Capcir, un bon et vrai lit qui nous attend et tout est en place pour une nuit qui s’annonce bien plus douce et régénératrice que la précédente. 11 heures, la raison l’emporte et nous partons nous coucher car dès le lendemain, la plus longue et plus difficile étape de ce Tour du Capcir nous attend. 28 kilomètres pour atteindre les Bouillouses et surtout une très longue montée par la Vallée du Galbe jusqu’au Camporells. Adorant l’Histoire, la toponymie et n’aimant pas « marcher idiot », autant qu’il est possible, j’ai appris que Les Camporells étaient les « champs des rois ». Ces rois, c’était ceux d’Aragon et de Majorque qui avaient fait du Capcir leur lieu de villégiature et de Formiguères leur résidence d’été. En réalité, le village a surtout servi à soigner l’asthme dont souffrait le roi Sanche 1er, roi de Majorque de 1299 à 1324. Quant aux Camporells, c’était son lieu de prédilection pour venir y chasser les isards, les cerfs et autres chevreuils. Il est mort ici à Formiguères à l’âge de 48 ans. En 1920, le prince Albert 1er de Monaco a, à sa manière, perpétué cette tradition puisqu’il était également un habitué des lieux appréciant le secteur des Camporells qu’il avait loué pour venir y chasser et y pêcher. Avant de m’endormir, je me remets à penser à cette révélation que j’ai eu avec Blek le Roc. A ma mère bien sûr, puisque c’est elle qui m’a permis de lire ces bandes dessinées. Mes pensées s’enchainent les unes aux autres. Ma mère, mon enfance, Blek le Roc. Ma mère est dans un service spécialisé Alzheimer d’une maison de retraite depuis 5 ans déjà et c’est bien rare que lors d’une randonnée sur plusieurs jours, je ne pense pas à elle plusieurs fois. Plusieurs fois et le plus souvent avec tristesse,  tant je trouve la fin de sa vie si injuste. L’aspect solitaire de la randonnée et les efforts à accomplir me font souvent sortir de mes pensées habituelles et quotidiennes, et de ce fait, il m’arrive très souvent de songer au temps passé et aux êtres chers qui ne sont plus de ce monde. Ce monde, ma mère n’en fait déjà plus partie. Avec la maladie d’Alzheimer, elle a basculé dans un autre univers.  Grâce à elle et depuis hier, le nom de Blek le Roc est revenu à la surface de mes souvenirs. S’il n’est pas revenu dans la journée, c’est probablement parce que l’étape d’aujourd’hui ne présentait aucune difficulté. Désormais, je n’ai plus aucun doute, ce personnage de bande dessinée est définitivement lié à mon amour pour la randonnée pédestre. Je ne sais pas pourquoi, je n’y avais jamais pensé auparavant. Me remémorer tout ça et mon enfance me rend triste car bien sûr ça me renvoie à ma mère et pourtant je suis super heureux d’être là et de marcher avec Jérôme et ses amis Cathy et Fred. Alors j’essaie de penser à autre chose mais les souvenirs bons et mauvais reviennent sans cesse et parfois se chevauchent. Avant de m’endormir, me viennent à l’esprit des questions parfois stupides.  Je me demande par exemple si Blek le Roc aurait pu s’entendre avec les rois de Majorque, eux, dont le quotidien était les guerres pour conserver leurs pouvoirs, pour étendre leur immense royaume.  Je n’ai pas la réponse. Blek, c’était d’abord un héros au grand cœur, un Robin des Bois à la sauce américaine, un être épris de justice et de liberté dont le seul objectif était de vaincre les Anglais. Les « homards rouges » comme il les appelait à cause de leurs uniformes. Il se battait pour que les Etats-Unis accèdent à leur Indépendance et non pas pour étendre un royaume voire un empire. Suis-je encore éveillé ? Suis-je déjà dans un rêve ? Les pensées concernant mon enfance se mélangent au temps présent. Elles oscillent entre la chance que j’ai d’être là et les êtres qui m’étaient chers et dont j’aurais tant aimé qu’ils soient avec moi. Je voudrais bien n’être que positif mais Blek le Roc me ramène parfois à des souvenirs plus tragiques. Ma mère encore et toujours, mais mon frère aîné Daniel aussi. En pensant à Blek le Roc, je me souviens qu’il cachait mes bandes dessinées uniquement pour me taquiner. Il est décédé à l’âge de 46 ans et dieu sait si l’avoir avec moi au cours de cette randonnée aurait été merveilleux.

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Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 5 musiques d'Ennio Morricone extraites d'une complilation intitulée "Relaxing Moment". Elles ont pour titre : "C'era Una Volta Il West", "Il Colore Dei Suoi Occhi", "Nuovo Cinema Paradiso", "Irene Gli Intoccabili""Tema Di Ada"

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

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2eme étape – 12 septembre 2013 : du Refuge de la Perdrix (2.312  au gite Le Moulin à Rieutort (1.517 m) soit 17,600 km pour un dénivelé de 1.080 m et des montées cumulées de 790 m. Point culminant : Le Madres (2.469 m) – Point le plus bas : Le pont de la Farga (1.400 m)

 

Bien que Fred et Jérôme aient alimenté le poêle au maximum et le plus longtemps possible, dès lors que l’on a cessé de l’entretenir, la température a rapidement chuté. La nuit est glaciale mais heureusement nous avions prévu cette éventualité. Les sacs de couchage plus des vêtements chauds sont suffisants pour ne pas avoir trop froid. En tous cas, je ne grelotte pas et seules les extrémités de mes mains et de mes pieds réclament plus de chaleur malgré deux paires de gants, deux paires de chaussettes et des petites bouillottes portatives mais malheureusement éphémères dans la durée. Mais connaissant bien cet inconvénient circulatoire sanguin qu’on appelle « froideur des extrémités », je sais qu’il n’y a pas grand-chose à faire de plus, si ce n’est juste à surveiller dans le cas de nouveaux symptômes ou si les anciens s’amplifient. J’ose espérer que mes compagnons n’ont pas ce problème. En pleine nuit, un besoin urgent m’envoie hors du refuge et je suis assez surpris de constater qu’il ne fait guère plus froid dehors qu’à l’intérieur du refuge. Le vent est presque complètement tombé et seule une brise légère balaie la crête. Le panorama est incroyable et si ce n’était pas la faiblesse de la température, je resterais sans doute bien plus longtemps à observer cette grandiose et merveilleuse splendeur. Eclairée par un croissant de lune, une longue chape nuageuse rougeâtre s’étend devant moi, si ce n’est à perte de vue au moins jusqu’à la Méditerranée que j’aperçois comme une tache bien plus claire par rapport au reste de l’horizon bien plus sombre. Ce reste d’horizon, j’imagine qu’il s’agit sans doute des Albères et de la Plaine du Roussillon. Sous cette longue ouate nébuleuse, le ciel est très clair dévoilant la silhouette des principales montagnes que je connais et qui paraissent bien plus proches : Canigou et Coronat au premier chef. De toute la Plaine du Roussillon et venant du sol, en tous cas de sa partie visible, des millions de scintillements jaunâtres semblent s’ajouter à cette clarté céleste.  C’est très beau et pendant un instant, l’éventualité d’aller chercher mon appareil photo pour figer ce spectacle me vient à l’esprit. Mais non, je préfère rester là à contempler et surtout je ne veux pas réveiller mes amis et je zappe aussitôt cette idée. En contrebas, le lac d’Evol me démontre que sa réputation de « Gorg Negre » n’est pas usurpée.  Seul un faible croissant de lune se reflète dans ses eaux noires. Quand un nuage cache cette tranche de lune, plus rien ne luit à sa surface et tel un puits sans fond, seul le contour de ses rives boisées encore plus sombres que lui reste visible. Pour quelqu’un croyant à toutes les sornettes que l’on raconte à son propos, cette vision ténébreuse et plutôt sinistre rajouterait sans doute encore un peu plus de phobie. Moi pas. Si j’ai toujours aimé les légendes pour leurs côtés mystérieux, leurs aspects trop souvent mystiques me font plutôt rigoler. C’est le cas ici où les fables les plus farfelues, sources de profondes terreurs auprès des gens du pays sont paraît-il légions : « jeter un pierre dans ses eaux engendrerait une tempête…., les truites pêchées seraient des démons qui s’enfuiraient par les cheminées dès lors qu’on tenterait de les faire cuire…., d’incroyables trésors y seraient enfouis et tenter de les récupérer serait synonyme d’orages funestes….., ses fonds lugubres seraient le palais des diables…..des fées et des sorcières seraient à l’origine de la création des trois lacs, etc….. ». Voilà en résumé ce qu’il se raconte du « Gorg Negre » et parfois des deux autres lacs que sont le Gorg Estelat et le Gorg Bleu. Ce n’est donc pas l’appréhension qui me fait réintégrer le refuge mais seulement le froid que je trouve bien trop cinglant. Cette froidure me rappelle qu’un chaud duvet m’attend à l’intérieur. J’oublie très vite cette vision lugubre du lac et Morphée m’entraîne vers elle avec essentiellement ces superbes et étranges tableaux enluminés que j’ai eus devant les yeux. Le plus grand des bonheurs est d’avoir pu observer un panorama aussi lointain et dégagé, chose que nous n’avons jamais pu avoir depuis notre arrivée sur cette crête des Gourgs. En effet, l’horizon a été désespérément bouché par du brouillard ou des nuages qui passaient tels de longs chapelets sans fin.  Dans ma tête, je me dis que c’est peut-être les premiers indices d’une météo bien plus clémente que celle que nous avons connue hier et je m’endors avec cette bienheureuse espérance. Vers 8 heures du matin, le froid bien plus vif encore que dans la nuit me réveille. Personne n’est encore debout,  alors je reste longtemps blotti dans mon duvet à chercher en vain un peu de tiédeur. Le pire est toujours au bout de mes membres et j’ai l’impression que je ne sens plus leurs extrémités. J’attends que mes compagnons se réveillent complètement car j’en entends certains se tourner et se retourner dans leurs sacs de couchage cherchant sans doute eux aussi un peu de chaleur.  Avec le bout de tous mes doigts aussi réfrigérés et n’y tenant plus, je me lève le premier et je vois que Fred est réveillé lui aussi. La tête complètement dissimulée sous le capuchon de son sac, seul son visage apparaît et dans cet accoutrement, il ressemble à un papillon voulant s’extraire de sa chrysalide. Je sors du refuge car pour réveiller mes pieds endoloris par le froid, il faut nécessairement que je marche un peu. J’emporte mon appareil photo avec moi car j’espère que le spectacle sera aussi beau que celui aperçu cette nuit. Mais si les vues sont presque aussi lointaines toutes les couleurs ont disparu. La chape nocturne rougeâtre est désormais d’un bleu grisâtre plutôt terne et peu de lumières scintillent au loin. Seul l’horizon a de jolies nuances hésitant entre le rose et le gris. Mais je continue à trouver ça beau car dans ce jour naissant, mon regard est désormais attiré par la surface du Gorg Negre qui commence à miroiter sous les premières lueurs de l’aube. Il n’a plus rien de semblable avec le lac noir et mystérieux que j’ai observé cette nuit. Il est devenu le lac d’Evol. Tout comme hier matin à Matemale, le ciel est scindé en deux, mais cette fois les rôles sont inversés. Devant le refuge, le Conflent est chapeauté de nombreux nuages, certains très longs, gris ou blancs et d’autres plus petits et épars selon la direction dans laquelle je regarde. Derrière, c'est-à-dire vers le Capcir, un ciel encourageant semble hésiter entre un bleu dur très prometteur et un blanc laiteux que les premiers rayons du soleil ont du mal à colorer. Une fois encore, la direction à prendre est celle du beau temps et c’est encourageant même si hier je m’étais fait la même réflexion mais sans la réussite escomptée. En entrant dans le refuge, je suis néanmoins ravi d’annoncer cette excellente nouvelle à tout le monde. Fred a pris la peine de rallumer le poêle et une agréable chaleur commence à envahir la pièce. Jérôme est réveillé mais il est toujours perché sur son bat-flanc supérieur, déjà occupé à ranger son couchage.  Cathy est attablée et a entamé son petit déjeuner. Grâce à des petites boîtes de lait sucré, quelques galettes moelleuses et un jus de fruit, le mien est vite expédié et aussitôt après je me met à ranger mes affaires et mon sac à dos. Tout le monde fait de même et après un peu de ménage vite bâclé, nous sortons du refuge en file indienne, direction le pic du Madres. Un petit vent glacial s’est levé et avant de démarrer, nous jugeons utile d’enfiler nos gants et de nous encapuchonner dans nos vestes. Pendant un instant, nous longeons le bord du cirque au fond duquel nous apercevons le petit Gorg Blau (Lac Bleu) et celui plus vaste et en forme de haricot du Gorg Estelat que l’on appelle plus communément le lac de Nohèdes ou Lac Etoilé.  Ces décors ne me laissent pas indifférent. Je m’arrête un instant. En regardant ce dernier lac et ses rives, les souvenirs de ma deuxième étape sur le Tour du Coronat de 2007 émergent de ma mémoire : mon arrivée avec un groupe de vététistes espagnols, masculins et féminins. Ils avaient galéré dans les tourbières pour trouver le lac et je leur avais dit de me suivre pour accomplir les derniers mètres. Ils m’avaient demandé de les photographier avec vue sur le lac. Puis nous étions partis dans des directions opposées. Eux avaient pris la direction de l’ancien canal de Jujols alors que moi, j’avais décidé de faire le tour du lac pour partir à sa découverte. Avec mon gros sac à dos, je me souviens avoir galéré comme jamais dans les énormes pierriers de sa rive nord. Je me souviens aussi des couleurs extraordinaires que les rhododendrons roses et les flamboyants genêts composaient en se reflétant dans les eaux calmes du lac bleuté. Bleu, rose et jaune, cette incroyable palette de couleurs est toujours restée dans ma tête comme une des plus belles images de ce Tour du Coronat. Sur la rive ouest, là même où les eaux du Gorg Blau se déversent, j’avais trouvé une petite grève de sable fin avec une eau si limpide que je n’avais pas pu résister à y faire un peu de toilette. La toilette s’était rapidement transformée en une baignade dans le plus simple appareil. Un bain ô combien glacial mais nécessaire et qui m’avait définitivement revigoré et mis en forme pour le restant de la journée. Cette deuxième journée s’était poursuivie vers le lac d’Evol, le col du Portus et retour à Jujols, d’où j’étais parti la veille au matin. C’était mes deux premières étapes de ce Tour du Coronat qui allait en compter six et que j’avais intitulé « Des Merveilles au pays d’Alysse » à cause de l’ « Alyssum pyrenaicum » ou Alysson des Pyrénées, cette fleur relictuelle que l’on ne trouve que dans les falaises du Mont Coronat et nulle part ailleurs dans le monde. Les botanistes qui adorent le latin et les mots compliqués lui ont donné le nom de « Hormathophylla pyrenaica ». Voilà ce que ces deux lacs me rappellent à cet instant : des moments d’une randonnée solitaire mais merveilleuse et de surcroît avec quelques rencontres qui l’avaient rendu inoubliable. Des moments à la fois de joie et de solitude où l’on peut se remettre en question ? Qu’ai-je fait de bien et de mal ? Je me remets en route. Le lac disparaît soudain de mon regard et avec lui mes vieux souvenirs. Mes compagnons ont déjà pris pas mal d’avance. Sur la crête caillouteuse, le Madres fait son apparition avec encore un beau névé accroché à son flanc sud. Je connais bien cet itinéraire pour l’avoir déjà accompli depuis le col de Sansa et en boucle par la Coume de Ponteils et le Serrat de l’Ours. A partir d’ici, la déclivité est plutôt modeste mais dans ma tête, je me souviens de cette belle difficulté rocheuse qu’il y a entre le Roc Nègre (2.459 m) et le Madres (2.469 m) que les montagnards du cru appelle le « Malpas », c’est à dire le « mauvais passage ». Sur la carte I.G.N, elle apparaît sous la dénomination de « Clos Tort », que l’on traduit du catalan en « enclos tortueux ».  Ici, les randonneurs sujets au vertige sont priés d’oublier leur indisposition tant le sentier est étroit, abrupt et en équilibre au dessus d’un vide assez impressionnant. Je l’appréhende. J’ai déjà prévenu mes amis mais ça n’a pas eu l’air de les impressionner plus que ça. A l’approche du Clot Rodon, un isard s’enfuit devant nous et prend la même direction que celle que nous allons prendre. Il disparaît dans les rochers. Cathy, Fred et Jérôme amorcent la pente plutôt douce à cet endroit à une bonne cadence alors que mon cœur s’emballe. Mon vieux moteur diesel a un mal fou à trouver la bonne carburation. Il faut dire que la température sans doute proche de zéro ne fait rien pour m’aider et je suis vraiment frigorifié et comme toujours un maximum de froideur au bout de mes mains, de mes pieds mais de mon nez aussi. Telles de fines bougies accrochées à un sapin de Noël, de longs glaçons pendent aux branches de petits pins chétifs, c’est dire si la nuit a été froide par ici.  Je suis rapidement largué mais Jérôme s’arrête souvent pour m’attendre mais quand j’arrive à sa hauteur, le voilà qui repart et moi inévitablement, je m’arrête un peu plus longtemps pour calmer mes palpitations. Je monte à mon rythme et ce rythme-là me convient. En outre, je sais qu’après cette ascension du Madres, les descentes prendront le relais sinon jusqu’à l’arrivée au moins jusqu’à Puyvalador. Avant le sommet du Roc Nègre, Cathy et Fred sont là à m’attendre et je m’en veux un peu de savoir qu’ils m’ont attendus dans ce froid et avec ce vent polaire qui nous glacent le corps. Depuis la crête, les vues s’entrouvrent magnifiquement sur une immense partie de l’Aude et de l’Ariège. Depuis notre démarrage, un épais matelas nuageux est monté du fin fond des vallées du Bas-Conflent et c’est soudain immobilisé créant ainsi une véritable mer de nuages. Le plus épais recouvre la Vallée de la Castellane. C’est marrant car en 2007, lors de mon Tour du Coronat, j’avais connu les mêmes phénomènes climatiques lors des deux premiers jours. La première fois à Jujols et la seconde fois au campement de l’Estany del Clot, au bord duquel j’avais passé la nuit sous ma tente. J’étais très longtemps resté scotché à regarder les lents mouvements de cet extraordinaire moutonnement nuageux ressemblant aux flots déchaînés d’un océan mais qu’on aurait cru comme filmé au ralenti. Peu après ce joli spectacle, le fameux passage difficile du Clos Tort se présente. Par bonheur, il s’effectue sans problème et une fois encore, en s’engageant la première, alors qu’elle n’a aucune connaissance des obstacles qui l’attendent, Cathy démontre toute son agilité et la facilité qu’elle a à gravir les passages les plus périlleux sans aucune appréhension.  Jérôme passe en second et tout au long de l'hésitante escalade, je le suis quasiment comme son ombre. J’avoue qu’avec mon gros sac, je ne suis pas vraiment rassuré mais en tous cas, je n’ai pas le vertige.  Il faut dire que j’évite de m’arrêter pour regarder derrière moi. Fred ferme la marche et une fois les difficultés franchies, il reconnaît lui aussi que ce couloir étroit et très abrupt avec le vide sous les pieds n’est pas si commode que ça. L’arrivée de Fred au sommet est pour moi un vrai soulagement car je sais que nous en avons terminé avec les difficultés, au moins pour aujourd’hui. Pour avoir étudié la totalité du parcours du Tour du Capcir, je n’ai pas connaissance qu’il y en ait d’autres même si à proximité du lac d’Aude, un autre lieu-dit a également pour nom « Malpas ». Du coup, la suite bien plus praticable vers le Madres et son fameux orri est pour moi une quasi promenade. Ce tronçon est d’autant plus agréable qu’en contrebas, côté Vallon de la Balmette et Salt del Bourro, de nombreux isards paissent tranquillement sur les pelouses d’altitude. Voir des animaux sauvages est suffisamment rare pour que l’on passe un long moment à les observer même si le carcanet est toujours là, violent et froid. A cause de ce vent et de la distance, j’éprouve les pires difficultés à les photographier convenablement et ce, malgré la puissance du zoom de mon appareil photo. Il faut dire que la violence du vent ne me facilite pas la tâche car j’ai un mal fou à garder l’équilibre et à ne pas trembler dans mes prises de vues. En arrivant au sommet du Madres et devant l’orri qui le matérialise, je suis surpris d’apprendre que deux hommes, qui bivouaquent encore devant l’entrée, y ont passé la nuit. Sur le moment, je pense qu’avec notre « bon » poêle, nous avons été bien mieux lotis dans notre minuscule refuge. On échange quelques banalités avec eux en grignotant des fruits secs et des barres de céréales puis on immortalise notre arrivée à ce remarquable sommet par une photo de notre petit groupe. Emmitouflés comme nous le sommes, nous ressemblons à des alpinistes au sommet de l’Everest et pourtant nous ne sommes qu’à 2.469 mètres d’altitude. Il faut dire que le Madres, c’est déjà le point culminant de ce Tour du Capcir, alors c’est sans doute un peu notre Himalaya à nous. Il ne manque que la neige. Ce début de matinée venteuse et froide n’est pas étrangère à cette vision des choses mais la journée s’annonce assez magique et en tous cas conforme aux prévisions météo. Le soleil et le ciel bleu semble vouloir s’installer durablement et j’en suis le premier ravi. Les bonnes prévisions ont eu un jour de retard, voilà tout. A aucun moment, je n’ai imaginé qu’un orage puisse survenir. Les mois de juillet et d’août sont déjà derrière nous et pour moi, la saison des orages violents et fugitifs qu’il y a souvent sur ce massif est passée. Il y a quelques années, j’y ai vu tomber des flocons, de manière éphémère il est vrai, mais en plein mois d’août.  Les paysages à 360 degrés sont époustouflants même si deci delà quelques nuages épars restent accrochés à des reliefs. En contrebas, sur la Jasse de Guissotte, là même où le Ponteils prend sa source dans les nombreuses tourbières, Jérôme aperçoit d’autres cervidés. On en distingue également sur les crêtes du côté du Col des Gavaches mais avec la distance qui nous en sépare, il est impossible de discerner de quels cervidés il s’agit. Ici, il y a des isards, des cerfs, des mouflons de Corse réintroduits ou bien encore des chevreuils, encore que les chevreuils en troupeau soient assez rarissimes. Tous sont très présents dans ce massif et j’ai même lu dans un récent « Pyrénées Magazine », que le Massif du Madres est le lieu des Pyrénées où les spécialistes en ont recensé le plus : 4.000 cervidés sont présents dans le Capcir selon la revue. Quand au bouquetin des Pyrénées, il y a déjà longtemps qu’il a disparu de nos montagnes, sa chasse ayant eu raison de sa robustesse légendaire. Les bouquetins que l’on pourrait voir ont été réintroduits eux aussi comme les mouflons et les marmottes, celles visibles étant d’origine alpine et réintroduite en 1948. Oui, le Massif du Madres est un haut-lieu de la faune sauvage et il n’est donc pas étonnant qu’on y ait aperçu des ours, des loups et que les chats sauvages y soient bien présents sans compter bien sûr les sangliers et les renards roux. Nous quittons le sommet du Madres et prenons la direction de son flanc nord-ouest que l’on appelle le Serrat des Clotes. Le sentier tout en descente est très bon et file agréablement au milieu d’une végétation rase faite de minuscules bruyères et de graminées naines. Ici, les seuls arbres sont quelques pins rabougris très disséminés. Malgré la qualité du sentier peu caillouteux et tout en descente, une fois encore je suis décroché, d’abord parce que Cathy marche à un rythme incroyablement rapide mais surtout parce que le petit vent glacial qui balaie la montagne me fait constamment pleurer. Mes yeux larmoient sans cesse et de ce fait, je suis dans l’incapacité de voir où je mets mes pieds.  Jérôme qui s’arrête régulièrement pour m’attendre ne comprend pas pourquoi je marche si lentement et je suis contraint de lui demander de s’arrêter pour lui expliquer. Après les avoir freinés dans les montées, voilà que maintenant je les retarde aussi dans les descentes. Je m’en veux. A la fin d’un dôme herbeux, le grand « V » bleu du lac de Puyvalador fait son apparition au fond de la verdoyante vallée de l’Aude. Au dessus de cette profonde vallée, les forêts domaniales étalent leur longue toison olivâtre. Un peu plus haut encore, tout n’est que minéralité. Devant nos yeux contemplatifs et dans une succession sans fin de sommets plus ou moins hauts, la chaîne pyrénéenne forme l’horizon. Parmi les quelques sommets que j’ai eu l’occasion de gravir, seule la pyramide du Carlit est vraiment reconnaissable. L’été est passé et a fait disparaître la quasi totalement des névés et seules quelques neiges éternelles subsistent anarchiquement sur les parties les plus élevées et les plus ombragées sans doute. Après être entrés dans une zone d’estives où quelques vaches somnolent, nous coupons une piste. Ici, les prairies essentiellement herbeuses laissent un peu de place à de petits bosquets plantés de pins. Un panonceau indicatif mentionnant Espousouille à 3h20 nous donne une petite idée du temps de marche approximatif restant. A cette altitude, quelques plantes fleuries font de la résistance. Après la grisaille d’hier, c’est un plaisir de découvrir quelques touches de couleurs : le rose des épilobes et de quelques gros chardons, la blanc ou le mauve d’œillets de Montpellier magnifiquement dentelés, le jaune et le bleu des aconits. Le sentier est plus caillouteux mais paradoxalement il file dans des décors plus charmants car moins monotones. Cathy vient d’arriver la première au petit abri du Refuge Oller (1.630 m) et elle semble bien décidée à poursuivre quand Jérôme et Fred l’arrêtent dans son élan car il est déjà 12h30 et leurs estomacs doivent certainement crier famine. Le mien aussi. Nous décidons de stopper là pour pique-niquer et pour moi c’est une vraie délivrance car en arrêtant de marcher mes yeux s’arrêtent aussitôt de larmoyer. L’endroit est agréable, herbeux à souhait et en plus les vues en balcon sur la vallée sont superbes.  Nous y restons environ une heure, la plupart du temps couchés, car l’herbe est tendre, le ciel est bleu et les rayons du soleil sont suffisamment chauds pour envisager un semblant de sieste. En quittant le refuge Oller, le sentier tout en descente entre immédiatement dans un sombre sous-bois et pour moi, l’aspect agréable est que mes yeux ne pleurent plus. Ici, aux Planches d’en Jaquet, on voit clairement qu’un palier végétatif vient d’être atteint. C’est d’ailleurs l’impression générale que l’on a car tout autour de nous, la forêt est omniprésente. Les bois où nous marchons sont plus denses, les arbres plus hauts avec de nombreux grands résineux mais aussi quelques hauts feuillus. Peu après, on entend le bruit d’un petit ruisseau qui s’écoule et depuis la Font de la Perdrix, c’est le premier « rec » actif que l’on rencontre. Un coup d'oeil sur mon bout de carte et c'est bien le Rec du Roc Mari, escarpement rocheux isolé en forme de protubérance et entourée de pierriers que nous avons longtemps aperçu sur notre gauche.  L’étroit sentier s’élargit soudain se transformant en un chemin bien plus praticable lequel devient très rapidement une large piste forestière. Là, nous sommes arrivés en surplomb de la cabane du Bécet (1.560 m). En observant la carte I.G.N, il est évident que quel que soit l’itinéraire que l’on va choisir pour rejoindre Puyvalador,  seules des pistes forestières nous attendent et parmi les deux possibles, toutes les deux se terminent sur la digue du barrage. Il y a celle filant vers Odello Réal et celle dite de Serrallongua que Jérôme a enregistrée dans son G.P.S et qui arrive directement au bord de l’Aude au lieu-dit le Pont de la Fargua.  C’est cette dernière que nous choisissons et bien que ne connaissant pas l’autre, autant dire que celle de Serrallongua porte parfaitement son nom. Je la trouve très longue et fastidieuse cette piste et sans doute que je ne suis pas le seul dans ce cas. Comme souvent et pour passer le temps, je photographe tous et n’importe quoi : vaches, fleurs, insectes et papillons, tout y passe. L’arrivée au barrage de Puyvalador réveille quelques récents souvenirs car il y a moins de 15 jours, j’y suis venu avec Dany pour une randonnée consistant à faire le tour de son lac. C’est donc tout frais et je n’ai plus rien à découvrir que je ne connaisse déjà. Seule la météo est plus favorable et le lac un peu plus plein que lors de notre récente venue. Je prends quelques photos. On traverse la digue du barrage, toujours occupée par une ribambelle de martinets puis l’on monte vers le village de Puyvalador que l’on rejoint très rapidement. Ici, pour l’avoir accompli en voiture, je connais la distance qu’ils nous restent à parcourir : 3 kilomètres mais essentiellement sur de l’asphalte et tous les quatre, nous avons horreur de ça. On quitte Puyvalador et sa charmante église en empruntant la petite D.32g se dirigeant vers le hameau de Rieutort. Nous y sommes attendus au gîte Le Moulin. Au travers de grandes prairies et des paysages très amples eux aussi, la petite route est moins lassante que je ne l’avais imaginée. Il faut dire que quelques petits rapaces planant dans le ciel attirent sans cesse l’objectif de mon numérique. Par chance, un d’entre eux se pose sur un pin.  15h50, en entrant dans Rieutort, j’ai le sentiment de pénétrer dans un village qui a été déserté de tous ses habitants. Personne. Tout est silencieux, Seuls le bruit du ruisseau de Cirerol et la gazouillis de quelques passereaux se font entendre. Heureusement, Alex et Sia, les propriétaires du gîte sont bien présents. Ils sont chaleureux et formidables avec nous. Le lieu est charmant et reposant, les chambres sont parfaites et le grand calme que j’avais observé à mon arrivée s’avère être un atout indéniable pour trouver le repos auquel certains d’entre nous aspirent, moi le premier. Après les douches indispensables, Cathy se repose dans sa chambre pendant que Jérôme et Fred profitent des chaises longues du jardin fleuri et ensoleillé. De mon côté, appareil photo en bandoulière, je pars à la découverte du village qui s’avère bien plus grand que je ne l’avais supposé. Il faut dire que si le hameau a vécu un exode rural au milieu du siècle précédent, il n’en a pas toujours été ainsi. La taille de certains bâtiments, école et mairie par exemples, sont là pour prouver que Rieutort a eu ses heures de gloire et un nombre d’habitants bien plus important que de nos jours. La soirée, ponctuée d’un succulent repas avec formule table d’hôtes est des plus agréables. Alex et Sia se mettent en quatre pour nous satisfaire. Alex, en plus de son labeur d'aubergiste, est un fou de nature, moniteur de ski et guide de randonnées à ses heures. C’était un fana de pêche en mer et en rivière et il aime beaucoup la photo. Sur les murs du gîte, on peut découvrir de nombreuses photos relatant ses exploits et ses trophées halieutiques. De ce fait, nous avons de nombreux atomes crochus pour nous entendre et aucun problème pour trouver facilement des sujets de conversation. Sia est plus timide, excellente cuisinière et très captivante également quand elle parle de gastronomie et de la vie au gîte qu’elle semble affectionner.  En plus des charmants propriétaires, un couple sympathique s’est joint à nous lors du repas. La femme écrit des romans et de ce fait, les causeries s’en trouvent facilitées. La fin de la soirée tire agréablement en longueur mais pour la plupart d’entre nous, la nuit précédente a été peu réparatrice et l’envie d’aller nous coucher arrive bien plus vite que nous le souhaiterions. Nous pensons déjà à la très longue étape de demain. Ajoutons à cela les 17 kilomètres de l’étape d’aujourd’hui, le bon air du Madres et du Capcir, un bon et vrai lit qui nous attend et tout est en place pour une nuit qui s’annonce bien plus douce et régénératrice que la précédente. 11 heures, la raison l’emporte et nous partons nous coucher car dès le lendemain, la plus longue et plus difficile étape de ce Tour du Capcir nous attend. 28 kilomètres pour atteindre les Bouillouses et surtout une très longue montée par la Vallée du Galbe jusqu’au Camporells. Adorant l’Histoire, la toponymie et n’aimant pas « marcher idiot », autant qu’il est possible, j’ai appris que Les Camporells étaient les « champs des rois ». Ces rois, c’était ceux d’Aragon et de Majorque qui avaient fait du Capcir leur lieu de villégiature et de Formiguères leur résidence d’été. En réalité, le village a surtout servi à soigner l’asthme dont souffrait le roi Sanche 1er, roi de Majorque de 1299 à 1324. Quant aux Camporells, c’était son lieu de prédilection pour venir y chasser les isards, les cerfs et autres chevreuils. Il est mort ici à Formiguères à l’âge de 48 ans. En 1920, le prince Albert 1er de Monaco a, à sa manière, perpétué cette tradition puisqu’il était également un habitué des lieux appréciant le secteur des Camporells qu’il avait loué pour venir y chasser et y pêcher. Avant de m’endormir, je me remets à penser à cette révélation que j’ai eu avec Blek le Roc. A ma mère bien sûr, puisque c’est elle qui m’a permis de lire ces bandes dessinées. Mes pensées s’enchainent les unes aux autres. Ma mère, mon enfance, Blek le Roc. Ma mère est dans un service spécialisé Alzheimer d’une maison de retraite depuis 5 ans déjà et c’est bien rare que lors d’une randonnée sur plusieurs jours, je ne pense pas à elle plusieurs fois. Plusieurs fois et le plus souvent avec tristesse,  tant je trouve la fin de sa vie si injuste. L’aspect solitaire de la randonnée et les efforts à accomplir me font souvent sortir de mes pensées habituelles et quotidiennes, et de ce fait, il m’arrive très souvent de songer au temps passé et aux êtres chers qui ne sont plus de ce monde. Ce monde, ma mère n’en fait déjà plus partie. Avec la maladie d’Alzheimer, elle a basculé dans un autre univers.  Grâce à elle et depuis hier, le nom de Blek le Roc est revenu à la surface de mes souvenirs. S’il n’est pas revenu dans la journée, c’est probablement parce que l’étape d’aujourd’hui ne présentait aucune difficulté. Désormais, je n’ai plus aucun doute, ce personnage de bande dessinée est définitivement lié à mon amour pour la randonnée pédestre. Je ne sais pas pourquoi, je n’y avais jamais pensé auparavant. Me remémorer tout ça et mon enfance me rend triste car bien sûr ça me renvoie à ma mère et pourtant je suis super heureux d’être là et de marcher avec Jérôme et ses amis Cathy et Fred. Alors j’essaie de penser à autre chose mais les souvenirs bons et mauvais reviennent sans cesse et parfois se chevauchent. Avant de m’endormir, me viennent à l’esprit des questions parfois stupides.  Je me demande par exemple si Blek le Roc aurait pu s’entendre avec les rois de Majorque, eux, dont le quotidien était les guerres pour conserver leurs pouvoirs, pour étendre leur immense royaume.  Je n’ai pas la réponse. Blek, c’était d’abord un héros au grand cœur, un Robin des Bois à la sauce américaine, un être épris de justice et de liberté dont le seul objectif était de vaincre les Anglais. Les « homards rouges » comme il les appelait à cause de leurs uniformes. Il se battait pour que les Etats-Unis accèdent à leur Indépendance et non pas pour étendre un royaume voire un empire. Suis-je encore éveillé ? Suis-je déjà dans un rêve ? Les pensées concernant mon enfance se mélangent au temps présent. Elles oscillent entre la chance que j’ai d’être là et les êtres qui m’étaient chers et dont j’aurais tant aimé qu’ils soient avec moi. Je voudrais bien n’être que positif mais Blek le Roc me ramène parfois à des souvenirs plus tragiques. Ma mère encore et toujours, mais mon frère aîné Daniel aussi. En pensant à Blek le Roc, je me souviens qu’il cachait mes bandes dessinées uniquement pour me taquiner. Il est décédé à l’âge de 46 ans et dieu sait si l’avoir avec moi au cours de cette randonnée aurait été merveilleux.

Cliquez sur ce lien pour passer à la 3eme étape 

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Tour du Capcir - Etape 4 Les Bones Hores aux Bouillouses - Matemale

Publié le par gibirando

 

Ce diaporama est agrémenté de 4 musiques d'Ennio Morricone qui ont pour titre "Malena", "Il Figlio E La Nostalgia", "Dedica" et "Federico E La Sa Solitudine". Les 3 dernières sont extraites de la compiltation intitulée "Relaxing Moments".

Tour du Capcir - Etape 4 Les Bones Hores aux Bouillouses - Matemale

Tour du Capcir - Etape 4 Les Bones Hores aux Bouillouses - Matemale

Tour du Capcir - Etape 4 Les Bones Hores aux Bouillouses - Matemale

Tour du Capcir - Etape 4 Les Bones Hores aux Bouillouses - Matemale

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.


 

4eme étape – 14 septembre 2013 : du refuge des Bones Hores aux Bouillouses (2.019 m) à Matemale (1.500 m) soit 19,6 km pour un dénivelé de 689 m et des montées cumulées de 771 m. Point culminant à un collet proche du lac d’Aude au lieu-dit Malpas (2.185 m) – Point le plus bas à Matemale (1.496 m).

 

Comme imaginé hier soir, la nuit a été formidablement réparatrice. Je me suis endormi avec uniquement de belles images devant les yeux et aucun cauchemar n’est venu hanter mon sommeil. Après un réconfortant petit déjeuner, nous voilà fins prêts pour cette dernière étape vers Matemale, longue de 19,6 kilomètres selon mes calculs. Au programme, un peu de bitume sur la D.60 puis une « belle » montée jusqu’au Lac d’Aude dans le Malpas, un autre « mauvais passage » que j’espère plus praticable que celui du Madres. En tous cas, celui-ci, je ne le connais pas. Après le lac d’Aude, direction les Angles, en longeant le fleuve éponyme, en passant par le parc animalier et la station de ski du Pla del Mir. Là, direction Les Angles, courte visite de la partie la plus pittoresque de la commune car la plus ancienne puis descente vers le lac de barrage de Matemale puis vers le village où la voiture nous attend. Pour clôturer cette journée, Jérôme et moi avons prévu d’amener nos amis Cathy et Fred aux Bains chauds de Saint-Thomas qu’ils ne connaissent pas. En général, c’est une initiative toujours appréciée de tous après une longue randonnée. Voilà comment j’ai imaginé cette dernière étape après l’avoir analyser à maintes et maintes reprises. Avant de quitter ma chambre d’hôtel, je prends quelques photos des panoramas alentours mais un éblouissant soleil jette ses rayons aveuglants contre les vitres de la fenêtre. A coup sûr, mes photos seront minables mais tant pis et je préfère de très loin cet ardent soleil et ce ciel pur que les gros nuages gris et menaçants du premier jour. 8h 15, nous quittons les Bones Hores. Effectivement, un chaud soleil propulse déjà des rayons étincelants sur le barrage et les eaux de son lac bleuté. La journée s’annonce magnifiquement belle et j’en suis très heureux. Sans doute très chaude aussi, et peut-être même caniculaire et ça j’aime moins. L’itinéraire file sous le long et impressionnant mur de soutènement du barrage. De l’autre côté, nous hésitons quant à la suite du parcours. Il est vrai qu’au sein de quelques maisons et de plusieurs rues et ruelles, nous ne trouvons pas immédiatement le balisage. Il est pourtant là mais peu évident et c’est bien la D.60 qu’il faut emprunter. Quelques chevaux identiques à ceux de la Vallée du Galbe, c’est dire bruns et à crinières et queues blanches, errent sur la route à l’entrée du village. Ils paraissent gentils et donc moins sauvages. Avec un peu de d’appréhension néanmoins, nous leur lançons une main prudente pour les caresser. Pas de doute, ceux-là sont plus dociles et acceptent frontalement les câlins. Il y a longtemps déjà j’avais lu que ces chevaux étaient propres aux Pyrénées catalanes mais je ne jurerais pas qu’il s’agit de cette race-là. De toute manière, j’avais également lu que ceux de race « Pyrénées catalanes » étaient essentiellement élevés pour leur viande, alors en les regardant, je ne préfère pas y penser.  On laisse les chevaux à leurs errements et l’on poursuit la D.60. Dans un virage, un panonceau mentionne « Boucle du lac d’Aude » et pas d’hésitation, c’est bien par là comme l’indique le G.P.S de Jérôme et le mien. Un sentier entre immédiatement en sous-bois puis se poursuit dans une clairière. Il en est ainsi tout au long de cette « bonne » mais régulière déclivité où quelques trouées offrent de beaux panoramas en direction du Carlit et des autres sommets composant son massif.  Les parties plus boisées et les clairières se succèdent jusqu’à un plateau. Une fois arrivés sur ce "pla", le sentier zigzague au milieu de nombreuses tourbières. Ici, les fondrières sont légions mais on ne peut pas dire que le chemin soit mauvais pour autant et l’intitulé de Malpas, c'est-à-dire de « mauvais passage » ne me semble pas vraiment approprié, en tous cas pas sur la portion empruntée. Ici, et en terme de dangerosité, il n’y a aucune comparaison avec ce que nous avons connu au Clos Tort entre le Roc Nègre et le Madres. Le chemin semble descendre vers le lac d’Aude mais n’y descend pas vraiment et le contourne par la droite mais en balcon. Malheureusement, depuis ce balcon, de grands pins obstruent la vue et empêchent toute vision complète du lac. Toutefois, je trouve le coin formidablement joli et rafraîchissant et je me dis que ce lac, source de l’Aude, nécessitera une découverte plus approfondie lors d’une autre venue et d’une balade à programmer, avec peut être une ascension du Mont Llaret (2.376 m) et du Roc d’Aude (2.325 m) qui le dominent. J’ai déjà imaginé et inscrit cette randonnée dans mes tablettes mais sans jamais l’avoir encore programmée. Je me dis que ça viendra bien un jour ! Encore une petite descente dans une verte prairie puis le sentier se stabilise et devient vraiment très agréable car à peu près plane sur une bonne distance. On atteint un étrange bois de pins à crochets. Etrange car de nombreux arbres sont définitivement desséchés. Certains sont encore bien debout mais secs et ressemblent à de véritables squelettes. Ces squelettes, il y en a bien d’autres penchés les uns contre les autres. D’autres gisent à même le sol, telles d’immenses carcasses de géants qu’un monstre encore plus colossal aurait anéanties. Je me demande si la tempête Klaus ne serait pas passée par là en janvier 2009 comme elle était violemment passée dans le Vallespir avant que je n’envisage d'en faire son tour ? Dans ce bois de pins à crochets, la pente s’accentue puis les arbres disparaissent quelques minutes le temps au sentier de traverser un petit cirque verdoyant entouré de hautes falaises schisteuses rougeâtres. Puis le parcours se creuse et se transforme en de larges fondrières et l’on voit bien que lors de pluies diluviennes, le chemin devient torrent. Le sentier devient caillouteux et très pénible car les eaux qui ruissellent ont mis à nu des rochers et d’innombrables racines. Ces roches et ces racines sont lisses et glissantes et chacune d’entre-elles est un obstacle à enjamber ou à éviter. Heureusement cette mauvaise descente se termine sur un large chemin bien plus praticable. Nous sommes à la Jasse de Bernardi comme l’indique un panonceau tout près du refuge éponyme. Finalement, l’itinéraire aboutit sur une large piste forestière. Là, on coupe un étroit et insignifiant ruisseau sur une radier. Ce ruisseau, c’est l’Aude et j’ai du mal à imaginer que ce semblant de rivière d’à peine deux mètres de large et de quelques centimes de profondeur, c’est le même et large fleuve traversant tout un département et arrosant de grandes cités comme Quillan, LimouxCarcassonne ou Trèbes et se jetant dans la Méditerranée aux Cabanes de Fleury. Sa longueur de 224 km et sa puissance sont impensables vu d’ici. Et pourtant ? La piste terreuse devient moins agréable et plutôt lassante. Heureusement, en arrivant au Pla del Buc (Bouc), on se laisse facilement distraire par quelques chevaux que des éleveurs tentent de dresser. Le parc animalier est là et quelques animaux étant visibles à travers le grillage, ça permet d’oublier un peu la monotonie de cette piste forestière qui se termine à la station de ski du Pla del Mir. Là, et même si ce n’est pas et de loin, la cohue de l’hiver, c’est vraiment un retour évident à la civilisation. Les touristes sont déjà plutôt nombreux à cause du parc animalier et de certaines remontées mécaniques fonctionnant en été. Cette civilisation foisonnante et bruyante n’incite pas à un long arrêt, et du Pla del Mir, nous allons faire usage que des rudimentaires toilettes publiques. Elles sont là alors on en profite sans compter pour se rafraîchir à l’eau glacée de leurs robinets. Après le Pla del Mir, le sentier se poursuit en forêt et alors que personne ne s’y attend vraiment, Jérôme, sans prévenir, décide que l’heure du déjeuner est arrivée. Sans doute a-t-il la fringale ? C'est mon cas et je suppose que c'est aussi le cas de Cathy et Fred ? Alors bien évidemment, on stoppe à l’ombre des pins mais sans réel panorama à contempler. On reste là environ 20 minutes puis on repart, toujours dans cette forêt du Senescal où le sentier se faufile exclusivement en descente. La départementale D.32 filant vers les Angles se présente et en bordure de la route un petit panonceau indique clairement la suite du Tour du Capcir. Cette suite traverse la route bitumée et continue en face au travers d’un pré puis en lisière d’une pineraie de pins à crochets. Un deuxième panonceau Tour du Capcir se présente à nouveau : « Les Angles – 0h20  » et « Matemale – 2h15 ». Alors bien évidemment, on poursuit en direction des Angles sur un agréable sentier encadré de pierres sèches et filant la plupart du temps au milieu des prés. Au travers des pins, la cité apparaît très rapidement. Au même instant, le magnifique lac bleuté de Matemale apparaît sur la droite et en contrebas ainsi qu’une piste qui semble y mener. On poursuit encore vers les Angles que nous ne devrions pas tarder atteindre tant la cité semble désormais toute proche. Alors qu’on marche tous tranquillement en file indienne, Jérôme, sans crier gare, quitte le sentier et se met à descendre illico en direction du lac de Matemale. Alors qu’il descend le pré, je le rattrape, l’arrête et l’interroge sur ses intentions. Il me dit que pour rejoindre Matemale, il ne trouve aucun intérêt à faire cette longue boucle menant aux Angles et qu’il a décidé de prendre ce raccourci afin de terminer au plus tôt et de pouvoir au plus vite aller prendre un bain à Saint Thomas. J’ai beau lui indiquer que nous avons tout notre temps, que le programme est prévu ainsi et que le vieux village des Angles mérite le détour, rien n’y fait, et il décide de poursuivre ce raccourci tout en descente. J’avoue que je suis un peu désabusé , non pas que je tienne à aller aux Angles, que je connais déjà, mais je trouve dommage que Cathy et Fred n’en profitent pas. Enfin, je me dis que c’est à eux trois de décider et comme Cathy et Fred semblent acquiescer le choix de Jérôme, je me plie et me rallie à la majorité. Cette descente inattendue traverse d’abord des prés, longe une pineraie puis file direct au milieu de tourbières asséchées. Dans ce dédale peu praticable car complètement bosselé, les mottes de laîches ont rapidement raison de mon genou droit. Pas de doute, voilà  une vieille tendinite qui vient de se réveiller. Finalement après avoir enjambé une clôture, nous retrouvons une piste bien plane et l’itinéraire du Tour du Capcir. Bien que je n’apprécie pas cette entorse à l'itinéraire initialement programmé, force est de reconnaître qu’il s’agit d’un vrai raccourci, nous ayant fait gagner au moins deux kilomètres et un temps de marche certain. La piste terreuse est tellement plane que je peux me permettre de compenser très facilement la tendinite qui vient de s’éveiller, me fait quand même un peu mal et de ce fait me fait légèrement claudiquer. La piste longe le lac puis s’en rapproche jusqu’à atteindre le centre équestre, la base nautique, la belle forêt de la Matte et enfin le barrage. Ici, je retrouve le petit circuit que j’avais réalisé en 2006 avec Dany et dont les objectifs principaux avaient été la Tour de Creu, la forêt de la Matte et le barrage. On traverse le barrage, ce qui nous permet d’avoir une vision certes synoptique mais presque à 360 degrés du parcours réalisé sur ce Tour du Capcir. D’ici, on peut presque en tournant sur nous-mêmes voir ou au pire imaginer les lieux cheminés.  Quelques dernières photos de notre groupe sur le barrage et l’arrivée n’est plus qu’à 1,6 km comme l’indique un tout dernier panonceau. Le sentier s’éloigne du barrage en descendant vers la centrale électrique, traverse un petit bout de prairie et aboutit sur l’asphalte surchauffé de la D.118 puis de la D.52. Si la canicule qui règne fait fondre l’asphalte, dégageant une odeur âcre, ce n’est pas cette effluve qui me chagrine le plus. Non, ce qui me chagrine, c’est que ce parcours se termine déjà. Je suis toujours attristé de voir se terminer ce que j’ai aimé, même si je sais me faire une raison. Sentiments confus, je suis à la fois triste d’en terminer et heureux d’avoir parcouru ce merveilleux Tour du Capcir. Comme sur tous les tours précédents que j’ai accompli, une ou deux étapes supplémentaires ne m’auraient pas dérangé. La D.52 nous amène directement à Matemale en longeant l’Aude qui n’est encore ici qu’un étroit ruisseau de deux à trois mètres de large tout au plus. Toutefois, son lit est plus profond et ses ondes plus vives, mais c’est sans doute normal au pied du barrage qui en déverse ses eaux. Un cheval blanc est là sur l’autre rive de la rivière. Il baisse la tête puis la relève et semble aussi déconcerté que moi selon les postures qu’il adopte. Il paraît vieux, à moins qu’il ne soit que seulement las de cette température quasiment caniculaire. Les maisons de Matemale sont déjà là, son étonnante « Campanette », étrange chapelle car étroite et toute en hauteur, telle une tour, sa belle église avec son clocher lombard en fer forgé et voilà quelles sont les dernières visions que je garderais ce merveilleux Tour du Capcir. Il se termine ainsi et sous un soleil magnifiquement radieux. Un dernier virage et le parking d’où nous sommes partis apparaît juste un peu plus haut. Ma voiture est encore là et on va tous pouvoir aller « piquer une tête » dans les bains chauds de Saint Thomas. Une eau très fraîche serait peut-être préférable ? Enfin, nous verrons bien ! Un chose est certaine : mon bonheur va encore se poursuivre pendant quelques heures. Enfin, c’est le cas pour moi. Ce bien-être, je suis conscient de le devoir à Jérôme et à ses amis qui ont accepté ce « challenge » de venir marcher avec moi. Je la dois à Blek le Roc qui est sorti de ma mémoire comme un beau papillon sort de sa chrysalide. Je la dois à ma mère qui n’aurait jamais imaginé l’impact que ce personnage de bandes dessinées aurait sur les vertus et les passions de mon existence. Alors c’est décidé, ce récit je vais l’intitulé « La Balade de Blek le Roc ou le Tour du Capcir en 4 jours.

 

Selon mes calculs et tel qu’expliqué ici, ce Tour du Capcir a été long de 79,6 km pour des montées cumulées de 4.556 m. Le point culminant a été Le Madres à 2.469 m. Après avoir accompli ce tour et grâce aux nombreux refuges gardés ou non gardés que j’ai pu observer, je me suis dit que ce parcours est parfaitement réalisable de diverses manières et donc avec divers points de départ. Il me paraît donc utile de vous donner la liste de ses principaux refuges dont vous trouverez aisément les caractéristiques sur Internet et auxquels il faudrait rajouter les gîtes d’étapes présents dans les différentes communes traversées ou approchées que sont Matemale, Puyvalador, Rieutort,  Fontrabiouse, Espousouille, Les Bouillouses, Les Angles et à un degré moindre sur le plan éloignement avec Odello, Réal, Vilanova et FormiguèresLes Estagnols au col de Sansa, la Maison pastorale du Pla de Gril, le refuge de la Font de la Perdrix, le refuge Oller, le refuge de Becet, les barraques de la Jacette et celle de Jasse de la Llosa, refuge des Camporells, refuge de la Balmette, abris de la Jasse de Bernardi et du Pla del Buc. Renseignez-vous bien sûr quant à leur utilisation possible et de quelle manière. Je fais volontairement abstraction de quelques orris habitables mais vous les trouverez sur l’excellent site : Pyrénées-refuges.com. Le site Refuges.info est également super ! A l'aide de ce récit et des renseignements fournis, vous n'aurez, je l'espère, aucun mal à marcher dans nos pas ! Ce récit est aussi fait pour ça !

 

Nota : Au cours de ce Tour du Capcir, j'ai beaucoup pensé à ma mère car j'ai fini par comprendre que c'était bien grâce à elle que j'avais acquis cette passion pour la randonnée pédestre et la Nature. J'ai donc voulu lui rendre hommage au travers de ce poème. Elle est décédée en novembre 2014, un peu plus d'un an après.

 

Merci Blek le Roc et merci maman.

 

C’est maman en cachette qui achetait Kiwi,

Et qu’elle prenait soin de mettre dans mon lit.

Blotti dans la douceur des chaudes couvertures,

Je dévorais sans bruit le « Comics » d’aventures.

 

Il y avait Ranger, Zembla ou bien Zagor,

Mais de tous ces héros, Blek était le plus fort,

Parmi tous ces géants,  c’était ma préférence,

Je mettais dans ses traces les pas de mon enfance.

 

Blek était grand et fort et dur comme une table,

Mais il tenait pourtant au fond de mon cartable.

Dans mes jeunes années, il m’a tout inculqué,

L’honneur et le respect, l’esprit de liberté.

 

Je préférais le Blek et délaissais le Bled,

Et lui seul en français survenait à mon aide.

Et en ce jour encore, si j’ai le goût d’écrire,

Blek m’a offert aussi cette passion de lire.

 

Le trappeur intrépide pourchassait les Anglais,

Et il n’avait de cesse que de les déloger.

Sa principale action, faire de la résistance,

Et j’ai gardé de lui ce penchant de constance.

 

Du Nord de l’Amérique qu’ils voulaient dominer,

Sans partage, sans vergogne et trop d’autorité.

Blek ne pouvait souffrir cette morgue des Rouges

Et avec lui c’est sûr, il fallait que ça bouge.

 

Des français, des indiens, il était leur ami,

Fidèle à ses principes et au jeune Roddy.

Ces combats à poings nus durs comme des blocs,

C’était là la raison de son nom Blek le Roc.

 

Enfant j’ai adoré ce héros d’aventures

Qui m’a donné en sus le goût de la Nature,

Et si je lui dois tout à toutes les époques,

Je dis Maman merci et merci Blek le Roc

 

Fin du Tour du Capcir, lien pour retourner à la page d'accueil.

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Le Prieuré de Marcevol et la chapelle Sainte Eulalie (656m) depuis Vinça (250 m)

Publié le par gibirando

 
J'ai volontairement agrémenté ce long diaporama de 3 adagios qui ont pour titres et sont successivement interprétés par  : "Adagio" de Samuel Barber par Kronos Quartet, "Adagio cantabile - Romance for Violin and Orchestra No.2 in F major, Op.50" de  Ludwig Van Beethoven par le Budapest Symphony Orchestra avec Dénes Kovács et György Lehel et " Agnus Dei - Adagio for Strings Op.11 N°2" de Samuel Barber par le Malmö Opéra Orchestra et Joseph Swensen.

LE-PRIEURE-DE-MARCEVOL
PRIEUREMARCEVOLIGN
Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.

Avant de commencer la lecture de cet article, je vous communique une information toute récente que m’a communiquée une amie, à savoir qu’un projet d’une usine d’enrobés, plus couramment appelé goudron ou bitume, est envisagé à Vinça à proximité du lac. Radio France Bleu a déjà fait écho de cette affaire. Pour en savoir plus, il suffit de cliquer ici.  Un collectif d’habitants de Vinça a été crée contre l’implantation de cette usine et une pétition est déjà en circulation dans la commune et la région. Cette pétition, je ne l’ai pas trouvée sur le Net mais si tout comme moi, vous êtes défavorable à ce projet, vous pouvez d'ores et déjà faire part de votre désapprobation en contactant le collectif (voir article de l’Ouillade.eu) et en diffusant cette information auprès du plus grand nombre. On connaît les risques que présente cette industrie même si elle a fortement tendance à les cacher. (Voir article du Monde).

 

Pour avoir droit à une découverte guidée du Prieuré de Marcevol, il faudra sans doute que j’y retourne. Après tout, si c’est le cas, ce ne sera que la quatrième fois que le joli édifice religieux aura droit à ma visite pédestre. En effet, il y a de nombreuses années, j’avais déjà accompli cette balade à partir du lac de Vinça mais ce jour-là le prieuré était fermé pour cause de travaux de restauration. Puis, j’y suis retourné en septembre 2011, lors de la première étape de mon Tour des Fenouillèdes effectué avec mon fils, mais là, nous allions camper à Eus et nous n’étions que de passage à Marcevol. Qui plus est, ce jour-là, c’est sous un ciel plombé chargé de gros nuages gris que nous y sommes passés et de ce fait, nous avions volontairement « zappé » sa visite, de crainte de « choper » la pluie. Cette fois, tout est de ma faute car je suis parti la fleur au fusil, sans me soucier si le bâtiment serait ouvert ou pas,  et là, pas de bol, car nous étions le 26 mars et les visites annuelles commençaient le 1er avril.  Non, ce n’était un « poisson » d’avril et on m’a néanmoins donné la permission de visiter l’église qui était ouverte. Alors, je n’ai pas tout perdu car en plus j’ai eu droit à la lecture d’une plaquette explicative de l’histoire du prieuré et désormais je le connais un peu mieux. Encore une fois, ma balade a démarré depuis le barrage de Vinça et plus exactement à l’extrémité du pont enjambant la retenue. Il s’agit de la départementale D.13 filant vers Tarerach.  Il faut savoir qu’à Vinça, il existe une porte médiévale dite de Marcevol, encore appelée « Porte de France » et la logique aurait voulu que le parcours démarre de là-bas mais j’ai estimé que la randonnée était déjà suffisamment longue. En tous cas, c’est dire l’importance que ce chemin devait avoir au Moyen-Âge.  En outre, au bout du pont, des panonceaux de randonnée ne peuvent être plus explicites. Pour le premier, il est indiquait : « Sentier d’Emilie – Le Prieuré de Marcevol – 2h10 AR »  quand au second, il mentionne Marcevol par l’interminable G.R.36. Mais rassurez-vous, ici pas question de rejoindre Ouistreham dans le Calvados et seul un court tronçon sera cheminé. Voilà, le départ est là et si personnellement j’ai beaucoup tardé à démarrer cette balade, c’est parce que je suis resté très longtemps scotché en contemplation devant un magique Canigou enneigé et un superbe lac bleuté et scintillant bordé par endroits de flamboyants mimosas. En plus, au milieu du lac mais plus souvent sous le pont, un couple de grèbes huppés était entré dans une superbe parade nuptiale. Dans leurs étonnantes postures, ils étaient à la fois tendres et très drôles avec leurs collerettes rousses et noires. Parfois, le mâle se dressait sur l’eau en déployant cette étrange collerette devant sa belle et l’on avait l’impression  qu’il avait un magnifique tour du cou en fourrure comme on en voit parfois sur des femmes très élégantes. Un spectacle délicieux très étonnant qui s’est renouvelé le soir à mon retour mais beaucoup plus loin au centre du lac. Au moment où j’amorçais le bon dénivelé, de nombreux colverts ont décollés du lac et se sont envolés dans un ciel azur, rajoutant un peu plus d’animation à ce tableau déjà bien merveilleux.  Si la distance pour atteindre le prieuré est plutôt modeste avec 2,5 kilomètres à parcourir, la dénivellation est d’environ 310 mètres, ce qui donne un pourcentage moyen de pente de 12%. C’est donc un terrain plutôt exigeant d’autant qu’il est parfois très caillouteux. Le balisage, lui, est très bon, blanc et rouge comme tout bon G.R qui se respecte mais il faudra faire attention à y rester et à ne pas partir tout droit en direction du lieu-dit « El Pedrar ». C’est par là que nous reviendrons au retour. Cet itinéraire caillouteux et parfois rocheux, on tente de l’oublier grâce aux somptueux panoramas que l’on embrasse. Parfois, il faut se retourner pour contempler le Canigou et la suite des Pyrénées au sommet de leur beauté en cette saison et surtout très proches vu d’ici.  Le sentier, sans doute emprunté par les muletiers au temps jadis, est parfois pavé de gros galets et il est également bordé de murets et de terrasses en pierres sèches. Il y a plus longtemps encore, il a également connu une période très glorieuse au temps où les pèlerins en route pour Saint-Jacques de Compostelle y passaient en grand nombre pour obtenir des grâces au monastère. De ce fait, on y découvre également un oratoire, mais aussi quelques abris de bergers et parfois de vieux orris délabrés. Le plus surprenant, ce sont sans doute ces quelques menhirs granitiques que l’on découvre tels des montjoies dressées et dont on est en droit de se demander s’ils sont complètement naturels ou bien sculptés par l’homme afin de marquer ce sentier qui a probablement servi aux transhumances. Ces vestiges du pastoralisme et cette géologie, on les découvrira lors du retour également. Ces aménagements tout au long du sentier nous rappellent qu’ici les hommes l’ont emprunté bien différemment que pour le seul plaisir d’une randonnée pédestre. Ici dans ces collines ensoleillées que l’on appelle « soulane », l’agropastoralisme et le nomadisme étaient essentiels sur un plan socio-économique. C’était à une époque où la révolution industrielle et notamment l’agriculture moderne et parfois trop intensive n’avaient pas encore provoqué leurs effets néfastes comme l’exode rural et la « question sociale ».La végétation est typiquement méditerranéenne comme toute cette partie haute et ensoleillée de la Vallée de la Têt avec bien évidement des chênes verts, de flamboyants genêts en fleurs, plusieurs variétés de cistes, des bruyères, des ajoncs, des genévriers, des filaires et des romarins pour ne citer que les plantes les plus communes. Une fois Marcevol atteint, on ne pourra sans doute qu’être d’accord avec la description qu’en fait le site Internet du prieuré : « Qui n’est jamais venu à Marcevol ne connaît pas tout de la beauté du monde » puis il rajoute « De vieilles pierres dans un paysage majestueux, un air pur et une nature authentique, le calme, la sérénité, et un accueil chaleureux : Marcevol est le lieu idéal pour chercher l’inspiration, créer, méditer, se retrouver en groupe ou en famille. C’est aussi un cadre propice à l’accueil de stages qui bénéficient d’un hébergement de qualité, d’une logistique efficace et d’un espace de travail tranquille. Loin de l’agitation du monde, et pourtant si près des sites touristiques et des activités de loisirs, vous y serez bien. Tout simplement. » Vous l’avez bien compris, et même si des visites guidées y sont organisées à certaines périodes de l’année, le prieuré est avant tout un gîte recevant des groupes ou des familles et j’avoue que j’ignorais totalement cet aspect-là des choses. En effet,  je me souviens avoir galéré en vain pour trouver un lieu d’accueil lors de la première étape de mon Tour des Fenouillèdes de 2011, étape entre Trilla et Eus et au terme de laquelle, avec mon fils, nous avions été contraints de bivouaquer. C’est donc une très bonne initiative que d’avoir redonner à ce prieuré un peu de cette hospitalité originelle et fraternelle en le transformant en gîte d’accueil et d’étape, même si rien n’est gratuit désormais. Après, la découverte du site et de l’église étrangement fortifiée et très belle sur la plan architectural mais plutôt vide, or mis des bénitiers et quelques panonceaux qui en expliquent la longue histoire (voir le site du prieuré pour plus de détails)), j’ai fait mon « petit » curieux  en partant tout autour du prieuré puis plus tard vers le hameau de Marcevol que j’ai rapidement visité. Avec moutons et chevaux, j’y ai constaté que l’élevage n’avait pas complètement disparu. J’y ai découvert une minuscule bourgade d’un calme olympien, amplement fleurie, avec de petits jardins et patios secrets, de jolies maisons bien rénovées et bien évidemment son étonnante chapelle romane Nostra Senyora de las Grades datant du 11eme siècle et dominant le reste du hameau. J’ai quitté ce dernier en poursuivant le sentier du G.R.36 en direction de Tarerach mais par le chemin dit de Campoussy. Attention, le G.R.36 est parallèle à une piste qui se trouve sur la gauche et indifféremment, on peut emprunter l’un ou l’autre. Même si j’ai personnellement emprunté le G.R.36 que je connaissais bien, si vous prenez la piste, celle-ci vous amènera plus facilement à l’église Sainte Eulalie d’Arboussols qui est le deuxième objectif majeur de cette balade. Blottie dans un magnifique cadre de verdure, on en faisait déjà mention dans un document historique datant de l’an 1011. C’est une chapelle romane assez classique avec une seule nef mais son décor verdoyant et en balcon sur le village et face au Canigou constitue une halte idéale pour y organiser un pique-nique. En tous cas, une pause bien méritée sera toujours bien bienvenue dans ce havre de paix. Après la découverte de Sainte Eulalie, on termine la piste et l’on emprunte la petite route bitumée qui descend vers le village d’Arboussols. On en profite bien évidemment pour visiter le vieux village en se dirigeant vers son église paroissiale consacrée à Saint-Sauveur puis en flânant dans ses ruelles avant de rejoindre la D.35 descendant vers Marquixanes. Après la sortie du village, on emprunte la route sur 800 à 900 mètres jusqu’à découvrir un large chemin qui par la gauche descend dans un vallon. Pour plus d’informations, il faut poursuivre jusqu’à un oratoire et le large chemin est situé peu après. Ce chemin se rétrécie,  et se transforme en une étroite sente se faufilant comme toujours dans une végétation de type garrigue. Ici, le balisage est fréquemment ponctué de points bleus, surtout au début puis ensuite on trouve des marques de peinture jaune. Il est assez souvent matérialisé par des cairns. Ce vallon, c’est celui du Correc de la Coma de Pedris, petit ruisseau que l’on ne va pas tarder à rencontrer et à enjamber à l’endroit même où il est rejoint par le Correc de la Font d’en Guit. Ce dernier correc, c’est le même que celui traversé juste avant l’église Sainte Eulalie. Lors de mon passage, ces deux ruisseaux coulaient à flot et plusieurs grenouilles étaient juchées sur des rochers. Le sentier se poursuit rectiligne et en balcon au dessus du ruisseau désormais unique et qui au fil de l’itinéraire se mute en un petit torrent plus impétueux au sein de gorges de plus en plus encaissées. Les vues continuent à s’entrouvrir magnifiquement sur l’ample et longue Vallée de la Têt. Peu à peu, le sentier s’écarte du ravin du Correc de la Coma de Pedris et finalement il coupe un ruisseau plus petit, celui du Correc de Perdigot. 400 mètres plus loin, on retrouve le G.R.36 pris ce matin. Si la montée caillouteuse et rocheuse de ce matin était difficile, le retour tout en descente nécessite encore plus de prudence et de vigilance. Finalement les vues s’entrouvrent une nouvelle fois sur la retenue d’eau du barrage de Vinça, beaucoup moins belle et beaucoup moins bleutée que ce matin car entre temps, la météo a malheureusement tourné à la grisaille. Une grisaille qui ne freine pas les ardeurs de nos deux grèbes huppés qui continuent à jouer au milieu du lac et sans hasard aux jeux de l’amour et de la gloutonnerie. Ils paradent et quelques minutes plus tard les voilà qui plongent plusieurs minutes à la poursuite de quelques poissons à se mettre dans le bec. Un nouveau spectacle grandeur nature qui me scotche encore une fois au bord du lac. Vous l’aurez bien compris si les édifices religieux et les hameaux de Marcevol et Arboussols sont les principales curiosités de cette balade, il n’y a pas que ça. La flore et la faune y sont bien présentes pour peu que l’on sache les observer.  Telle qu’expliquée ici, cette randonnée a été longue de 14 kilomètres environ. Les montées cumulées ont été de 820 mètres. Le dénivelé est de 406 mètres, le niveau le plus bas étant la ligne de départ à 250 mètres et le plus élevé étant la Chapelle Sainte Eulalie à 656 mètres. Bon équipement et notamment bonnes chaussures à tiges hautes sont indispensables sur ce terrain parfois très caillouteux. Carte IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul-de Fenouillet Top 25.

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Autour du Grand Rocher de Caramany

Publié le par gibirando

Ce diaporama est enjolivé avec des musiques de Joyce Cooling extraites de son album "Playing It Cool". Elles ont pour titre : "Imagine that" et "Savannah".

La personne qui vient à Caramany faire cette randonnée « Autour du Grand Rocher » sans connaître l’étymologie de la cité risque de se demander de quel « grand rocher » il s’agit. En effet, si le village est perché à l’humble altitude de 250 mètres entre deux pitons rocheux tout aussi modestes que sont le Mont Redon (394 m) et la Bade (313 m), l’intitulé de cette balade peut donc laisser songeur le randonneur mal informé. C’est en tous cas, la réflexion que j’ai eu quand, il y a quelques années, je suis venu faire cette belle randonnée pédestre pour la première fois. A l’époque, j’ignorais que Caramany tirait son origine de l’élément « kar » signifiant « pierre » et du latin « magnus » signifiant « grand » et que par extension, cette « grande pierre » était appliquée à tout rocher fortifié et par ricochet à un grand château fort. D’ailleurs, on retrouve « ker » dans d’autres langues comme la celte ou la bretonne où ce seul préfixe signifie « colline fortifiée », « forteresse », « château », « citadelle », etc…etc…. Ici, au fil du temps, les « kar magnus » ou « ker magna » ont fini par donner Karamay en 1211, Karamanho en 1242, Caramain en 1261, Caramayn en 1304 et Caramany en 1395. Sur les cartes Cassini, on trouve Caramaing et en occitan, le village devient Caramanh mais c’est la graphie catalane « Caramany » qui est restée la plus usitée. (Source : Wikipédia)  Une fois toutes ces précisions bien arrêtées, on n’est guère plus avancé car en réalité, on ne va n’y faire le tour d’un grand rocher et encore bien moins celui de l’ancien château médiéval, ça serait bien trop facile. Alors que viens-t-on faire au juste ici ? Et bien, il faut admettre que si le village mérite bien le détour et j’en conseille d’ailleurs la visite sans nécessité d’en faire le tour, le principal attrait de cette balade reste le lac de barrage sur l’Agly. Un barrage dont la construction puis la mise en eau s’est faite avec des soubresauts au sens figuré et au sens propre. Au sens figuré quand les archéologues mirent à jour une vingtaine de sites historiques s’étalant du Néolithique au Moyen Âge dans la zone inondable mais au sens propre aussi quand un séisme de 5,3 sur l’échelle de Richter eut lieu le 18 février 1996 au moment même où le remplissage arrivait presque à son terme. Tout ça sans parler du vignoble dont une grande partie a du être sacrifiée voir replantée dans des zones moins humides. Avec la présence du lac, c’est donc une balade plutôt rafraîchissante que l’on va accomplir, dans un cadre qui ne l’est pas toujours et notamment aux heures les plus chaudes de l’été. Pour moi, grâce à mon appareil photo muni d’un bel objectif, ce lac signifie  de voir des oiseaux et à ce titre, je dois dire que je n’ai pas été déçu tant la chance a été avec moi ce jour-là. Le départ s’effectue devant la cave coopérative vinicole où un panneau indiquant la balade est bien présent au même titre que quelques autres comme le « Balcon de la Pêche », le « Balcon du Lac » ou celui des Fenouillèdes. Si ce panneau indique très clairement de partir vers le village, nous, nous sommes partis à l’opposé en direction du lac. Ne voyez aucun malice à cela car si l’on a fait ce choix, c’est simplement que la fois précédente où nous avions réalisé cette randonnée, nous l’avions faite dans le sens préconisé. Alors bien sûr, comme il s’agit d’une boucle, il n’y a pas réellement un « bon sens » pour faire cette balade et que ce soit dans une direction ou dans l’autre, l’essentiel sera de trouver son chemin puis de revenir à la cave et à son véhicule. Pour nous le GPS était dans la poche pour nous y aider. Si vous n’avais pas ce petit appareil bien pratique, il vous faudra suivre le balisage jaune propre à ce P.R. ainsi que les panonceaux signalétiques indiquant « le Grand Rocher ». De toute manière et dans les deux cas, le début et la fin se terminent par de l’asphalte toujours un peu désagréable à cheminer et même un peu fastidieux, il faut bien l’avouer. L’avantage du sens contraire à celui préconisé, c’est que l’on garde la visite de Caramany pour la fin et même comme un agréable dessert si l’on décide de finir la balade à l’excellente Auberge du Grand Rocher, à condition bien sûr qu’elle soit ouverte. Il faut donc se renseigner au préalable. Mais pour l’instant, nous n’en sommes pas là et nous, à une stèle en mémoire au premier coup de pioche de la construction du barrage, on a quitté d’emblée l’itinéraire pour rejoindre le bord du lac où quelques oiseaux m’attendaient sagement pour quelques jolies photos. Bien sûr, rien ne vous obligera à faire de même et il suffira que vous restiez sur la petite route car à la fin du bitume, il suffit  de suivre la piste DFCI N°F67 qui file à gauche et tout droit et qui, peu à peu, s’élève au dessus du lac. Il va en être ainsi sur un peu moins de 2 kilomètres, toujours de manière rectiligne et sur la piste qui est parallèle à la berge méridionale du lac. Avant un virage en épingle où se trouve un point d’eau DFCI et quelques panonceaux indicatifs, on aura rencontré un grand panneau décrivant les différents vestiges archéologiques désormais immergés mais découverts avant la mise en eau du barrage. Au virage, les vues sur le lac se font plus grandioses et je prends plaisir et tout mon temps à photographier quelques oiseaux qui ont élus domicile sur le miroir bleuté ou sur ses berges. Tout en montant car le dénivelé devient plus conséquent, se dévoilent de magnifiques paysages : Vers le bout du lac en direction d’Ansignan et de son aqueduc romain émerge la très reconnaissable Serre de Vergés déjà gravie, encore plus loin le Pech du Bugarach laisse entrevoir son originale bosse pachydermique légèrement blanchie par quelques flocons de neiges tombés ces derniers jours. Toujours à l’horizon mais dans la direction opposée, c’est le Pic Aubeil également gravi au cours d’une jolie boucle autour de Bélesta que l’on aperçoit.  Devant, c’est le débonnaire Roc de Lansac qui étale quelques boqueteaux de chênes verts, la garrigue de ses « camps » oubliés et quelques vignobles descendant jusqu’aux rives du lac. Dans ce superbe décor, quelques ocres parcelles se reflètent sur la surface qu’elles assombrissent de leurs grandes silhouettes.  Ces grandes formes sombres contrastent avec le bleu outremer qui prédomine ici dans ce panorama aérien absolument exceptionnel. Sur les berges opposées, couleur ivoire, quelques oiseaux arpentent les paisibles plagettes. La large piste continue de monter en virages, elle se stabilise puis monte encore et au fil de cette modeste ascension, la végétation change. Les chênes verts laissent la place à quelques pins, cèdres et autres chênes blancs. On poursuit le balisage jaune mais on se fie aussi à la signalétique « Grand Rocher » qu’il faut bien sûr emprunter en sens inverse à celui fléché.  L’heure du pique-nique ayant sonné, on s’installe au pied d’un haut mirador non sans en avoir gravi au préalable les quelques marches afin de profiter des extraordinaires et époustouflantes vues embrassant l’aval du lac et le village de Caramany. Peu après cette pause, la vue sur le lac s’évanouit et au bord du chemin, les décors changent. Au milieu des petits vignobles aux sables ocreux, les cabanes, casots et « feixes » en pierres sèches se succèdent. Sur la droite, le long Serrat du Roc Rouge étire sa haute croupe boisée et bosselée. Le chemin descend parfois dans de minuscules ravines pour mieux les remonter quelques enjambées plus loin. A partir d’ici et en raison du grand nombre de chemins et de pistes partant en tous sens, il faut prêter bien plus attention au balisage ou bien marcher avec la carte IGN à la main ou mieux encore avec un GPS au tracé préenregistré. Ravin de Camarère, Llèbretous, Péménard, voilà les noms des quelques lieux-dits que l’on trouve sur la carte et que l’on va côtoyer à l’approche de Caramany. La fin, plutôt sinueuse, devient plus laborieuse car le village est parfois droit devant dans la ligne de mire puis on s’en éloigne pour mieux y revenir semble-t-il, mais non, on s’en éloigne à nouveau puis on y revient comme à presque le toucher avant de s’en écarter de nouveau et d’en faire un grand tour en laissant sur la droite les vestiges d’un vieux moulin à vent sur les contreforts du Mont Redon. Ici l’intitulé de la balade « Autour du Grand Rocher » prend tout son sens car le village était tout près puis l’éloignement devient de plus en plus significatif et la nouvelle approche par son côté sud-est et sur l’asphalte est tel qu’on aurait presque pu l’appeler « autour du pot » tant on ne voit pas la ligne d’arrivée survenir. Après maints et maints « atermoiements », on atteint finalement la D.21 et les premières maisons. Le village est là à quelques pas et désormais on retrouve le plaisir de la marche et de la découverte en arpentant quelques agréables ruelles. Si le village peut être vite traversé, il faut néanmoins en visiter l’essentiel de son patrimoine architectural avant d’en ressortir en poursuivant encore la D.21 pour rejoindre la cave vinicole et son parking où l’on a laissé la voiture. Selon le tracé enregistré dans mon GPS, la distance accomplie a été longue de 14km900 pour un très modeste dénivelé de 208 mètres mais des montées cumulées de 1.198 mètres, le point culminant étant à 385 mètres d’altitude. Carte IGN 2448 OT Thuir – Ille-sur-Têt Top 25.

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