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Par gibirando le 5 Mars 2015 à 15:47
En vadrouille dans le fenouil
ou
le Tour des Fenouillèdes en cinq jours
dans les pas de mon fils
Les Fenouillèdes que l’on écrit plus rarement le Fenouillèdes et incorrectement le Fenouillède au singulier mais que vous trouverez parfois écrit dans certains textes ou même sur des panneaux indicatifs en occitan Fenolheda ou Fenolhedés ou bien encore en catalan Fenolleda ou Fenolledès tirerait son nom du mot romain « Fenolietensis » signifiant « foin ».
Alors, si j’en crois les historiens, ce n’est pas en « Vadrouille dans le fenouil » mais en « Vadrouille dans le foin » que j’aurais du intituler le récit de ces cinq jours de randonnée pédestre au cours desquels, avec mon fils Jérôme, nous avons réalisé le tour de ce joli pays. Bon, s’il faut reconnaître que pour la rime c’est sans doute mieux ainsi, sur le terrain, il n’y a pas photo non plus quand à l’importance du fenouil sauvage par rapport aux champs de foin. En effet, en dessous d’une certaine altitude, il y a, en bordure des sentiers et dans la garrigue, du fenouil sauvage un peu partout alors que les balles de foins, elles, sont plutôt discrètes dans cette région presque essentiellement viticole. En effet, des champs de foin, je n’en ai vraiment aperçu qu’au dessus de Sournia, du côté des bien nommés Prats-de-Sournia (prés de Sournia), autour de Caudiès et enfin au pied du Bugarach où certains petits prés voués à l’élevage semblent faire l’objet de fenaisons régulières mais tellement insignifiantes que j’ai du mal à comprendre que l’on y consacre un patronyme à une région toute entière. Alors s’il est vrai que quelques siècles se sont écoulés depuis l’origine de cette dénomination, j’avoue que cette explication historique de désigner les Fenouillèdes en «Pagus Fenolietensis» à savoir le «Pays des Foins» ne m’inspirait pas vraiment. En effet quel rapport pouvait-il bien y avoir entre le mot « foin » alors que très clairement le nom « Fenouillèdes » contenait le préfixe « fenouil » ? Alors, j’ai cherché à comprendre et en enquêtant sur le sujet, j’ai fini par apprendre que les Romains appelaient le fenouil du mot «foeniculum» dont la traduction me convenait à merveilles puisque elle ne signifiait pas moins que « petit foin ». Les diminutifs latins « fenum » ou « foenum » signifiant plus simplement le « foin ». Alors très clairement le Fenouillèdes devenait de toute évidence le « Pays du Petit Foin » c'est-à-dire le « Pays du Fenouil » ! La boucle était donc bouclée et pour clore d’ailleurs ce qui n’a jamais été une querelle entre « foin » et « fenouil », j’ai fini par apprendre que dans certaines régions, on donne encore au fenouil ce nom de « petit foin ». Enfin qu’elle ne fut pas ma surprise d’apprendre que les Grecs, eux, avaient baptisé le fenouil du mot « marathon » comme la célèbre cité où s’était déroulée en 490 avant J.C, la glorieuse bataille entre Athéniens et Perses. Alors c’est vrai, j’aurais pu faire un incroyable pléonasme en intitulant mon récit de ce Tour des Fenouillèdes, « Marathon dans le fenouil ». Mais heureusement et même si les étapes ont toutes été très longues ; plus de 20 km tous les jours ; aucune n’a jamais atteint les 42,195 kilomètres qui séparaient Marathon d’Athènes. Et puis, je dois le reconnaître, j’aime bien ce titre de « Vadrouille dans le Fenouil » bien plus poétique avec sa jolie petite rime en « ouille » qui correspond bien mieux à la longue errance que nous avons connu Jérôme et moi au cours de ces cinq jours. Une longue flânerie, qui certains soir, se finissait en « petites souffrances » du style « ouille mes mollets ! », « ouille mes doigts de pieds ! » Gros point positif de mes recherches sur l’origine des Fenouillèdes, elles m’ont permis d’en apprendre encore bien plus sur l’histoire et la géographie de cette bien agréable région :
Résumé de l’Histoire du pays Fenouillèdes :
Bien avant que Le « Pagus Fenolietensis » romain devienne le « Pays des Foins », le territoire est occupé dès la préhistoire comme le prouve les nombreuses découvertes archéologiques et notamment celle de la Cauna de Bélesta où une tombe collective d’une trentaine de personnes datant de -4500 avant JC a été mise à jour en 1983. Il y a également de nombreux dolmens ayant sans doute servis de sépultures notamment à Felluns, Ansignan, Trilla, Campoussy et Bélesta. On pourrait également évoquer le célèbre « Homme de Tautavel » mais bien que très proche, ce bourg n’est pas vraiment considéré comme étant situé dans les limites du pays Fenouillèdes. On saute quelques siècles pour constater de la présence des Romains dès l’an 120 avant JC. Lors de notre dernière étape, cette présence romaine, on a eu l’occasion de l’observer au plus près avec le superbe aqueduc d’Ansignan dont la solidité exceptionnelle et l’état de conservation exemplaire lui permettent de fonctionner encore plusieurs siècles après son édification. Le début de l’ère chrétienne voit la venue et l’installation d’autres peuplades et ethnies (Sordes, Volques, Ceratanis, Ibères, Suèves, etc….) Plus tard, au Veme siècle, les Wisigoths envahissent la région. Il faut dire que leur royaume s’étend jusqu’à la toute proche Septimanie. Puis ce sont les Arabes qui envahissent à leur tour la contrée mais Pépin le Bref se charge de les repousser à la Bataille de Narbonne en 759. Les Francs et Charlemagne occupent le territoire et autorisent la construction d'édifices religieux comme le magnifique Chapitre de Saint-Paul de Fenouillet ou bien militaires comme la tour de Lansac ou celle de Trémoine dont les origines seraient dit-on également carolingiennes. En 842, sous Charles le Chauve, la Septimanie est divisée en deux pays distincts qui laissent les Fenouillèdes dans une entité intitulée la « Marche d’Espagne ». Au Xeme siècle, le premier vicomte s’installe au château de Fenouillet. Les Cathares, initialement concentrés dans les Comtés de Toulouse, Albi, Béziers et Carcassonne, après la Croisade contre les Albigeois de 1208, trouvent refuge dans les Fenouillèdes, pourchassés qu’ils sont par l’Etat français. Quelques vestiges comme les châteaux de Quéribus ou de Peyrepertuse ont été les témoins de ce passé tumultueux et tourmenté où les « Bons Hommes » avaient trouvé dans les Fenouillèdes et leurs proches alentours une terre d’asile accueillante. Prenant partie pour les cathares, le Vicomte de Fenouillèdes, lui est contraint de quitter Fenouillet pour s’exiler dans le Roussillon voisin. Ses héritiers ne retrouveront plus jamais les terres de leurs ancêtres. Bien que faisant partie intégrante de l’Occitanie, le pays Fenouillèdes, de par sa position géographique frontalière, a une longue histoire étroitement et intimement liée à celle de ses voisins catalans et espagnols. Avec le Traité de Corbeil de 1258 signé entre les rois de France et d’Aragon, les Fenouillèdes sont réintégrés au royaume de France. Du côté de Bélesta, Montalba-le-Château et Latour-de-France, quelques bornes-frontière encore debout sont le témoignage de cette délimitation entre Roussillon aragonais et Fenouillèdes français. Il faudra attendre le Traité des Pyrénées de 1659 signé entre les rois Louis XIV et Philippe IV d’Espagne pour qu’avec l’annexion de nombreux territoires tel le Roussillon, le Conflent, le Vallespir, le Capcir et une petite partie est du comté de Cerdagne, pour ne citer que les plus proches, la frontière recule encore un peu et s’installe dans ses limites actuelles. Mais il faudra attendre encore presque un siècle de plus et le Traité de Bayonne de 1856, pour que la véritable frontière terrestre soit définitivement symbolisée avec l’installation de 602 bornes sur la chaîne pyrénéenne. En 1790, avec la création des départements français, une immense partie du pays Fenouillèdes est intégrée aux Pyrénées-Orientales. Toutefois sa partie historique la plus haute en altitude correspondant grosso modo aux vallées de la Boulzane et d’Escouloubre est attribuée au département de l’Aude. Aujourd’hui, c’est toujours cette configuration-là qui prédomine. Mais pour mieux comprendre, ce découpage, il est sans doute nécessaire de parler un peu de la géographie de cette région très contrastée.
Géographie des Fenouillèdes :
Comme de nombreuses régions naturelles, les Fenouillèdes sont bornées par des repères plutôt vagues dont on peut néanmoins délimiter quelques contours grossiers : Au nord, la limite est représentée par les Corbières servant de frontière avec l’Aude. A l’est, c’est le Roussillon et le Ribéral. Au sud, c’est la région du Conflent où s’étire la Vallée de la Têt. A l’ouest, c’est le piémont des Pyrénées Audoises jusqu’au Défilé de Pierre-Lys où s’écoule le fleuve Aude qui délimite la région. Mais bien plus que des bornes naturelles, c’est la langue occitane qui délimite le pays Fenouillèdes, ce qui vous l’aurez bien compris n’a pas été sans poser de nombreux problèmes depuis son rattachement au département des Pyrénées-Orientales dont toutes les autres régions sont de langue exclusivement catalane. En effet, divisée grossièrement en trois cantons (Saint-Paul, Sournia et Latour-de-France), la région administrative du Fenouillèdes est encore très fière d’appartenir à l’Occitanie et sur les 33 communes qu’elle comporte, 28 sont de langue occitane et 5 seulement sont de langue catalane (Arboussols, Calce, Estagel, Montner et Tarerach). Avec ses 2000 habitants, Saint-Paul-de-Fenouillet est considéré depuis très longtemps comme la capitale régionale. En Fenouillèdes et au dernier recensement, la population dépassait péniblement les 10.000 habitants et ce chiffre ne représentait que 2,4% de la population totale du département. Cette différence entre Occitanie et Catalogne est encore visible de nos jours et il faut bien le dire, peu considéré, le pays Fenouillèdes reste le « parent pauvre » du département des Pyrénées-Orientales. Mais quand je dis « pauvre », on peut le traduire en désœuvré à cause d’une densité et d’une évolution de la population très faible pour un taux de chômage un peu supérieur aux autres régions du département, mais il ne faut pas l’entendre comme dépourvue de toutes richesses car les Fenouillèdes disposent de vignobles exceptionnels et de quelques industries minières, feldspath, calcaire et gypse notamment. Dans un passé pas très lointain, les mines et carrières étaient plus nombreuses car on y exploitait aussi du fer, du sable et du kaolin et quelques autres minerais un peu plus rares. L’avenir économique est à construire avec peut-être des opportunités dans l’agriculture et les filières du bois. Quand à l’activité touristique, elle est insuffisamment mise en valeur pour l’instant et pourrait être porteuse d’espoirs dans un futur pas si lointain que ça pour peu que les politiques veuillent s’en donner la peine. Il suffit de parcourir le pays à pied pour prendre conscience de toutes les merveilles que cette région recèle. Les Fenouillèdes sont une succession de collines essentiellement calcaires plus ou moins hautes, veinées en tous sens d’une multitude de petites ravines et de quelques vallées plus ou moins larges. Au fond de tous ces ravins, petits et grands, s’écoulent une multitude de rus, ruisseaux, torrents, rivières, correcs ou recs comme on les appelle ici. Souvent, il faut des pluies torrentielles pour que l’eau s’y écoule et c’est donc au fond des vallées les plus importantes que quelques rivières coulent vraiment en toutes saisons. Ces principales rivières ont pour noms Boulzane, Desix, Matassa, Maury et Verdouble mais toutes ont un confluent commun qui s’appelle l’Agly. Long de 60 kilomètres et seul fleuve régional, l’Agly a indubitablement façonné une grande partie des Fenouillèdes et laisse encore son empreinte bien après ce pays jusqu’au terme de son parcours. Depuis sa source au pied du Pech de Bugarach, l’Agly s’engouffre dans les fabuleuses Gorges de Galamus et retrouve la Boulzane dans la vallée constitué par les Corbières d’un côté et le long synclinal de Saint-Paul-de-Fenouillet de l’autre. Le fleuve fracture cette barre rocheuse longue de 30 kilomètres et poursuit sa route dans les Gorges de la Clue de la Fou où ses eaux plutôt froides se mélangent aux eaux minérales sulfurées calciques de la source d’eau chaude à 27° de la Font Cauda, autrefois exploitée par des établissements thermaux. Puis plus placidement, elle se dirige vers Ansignan, passe au pied du village sous et sur l’étonnant aqueduc romain grâce à un ancestral et ingénieux système de déviation de son lit, pour se déverser dans la majestueuse retenue formée par le barrage de Caramany. L’Agly franchit encore quelques jolis villages du pays Fenouillèdes tels Latour-de-France et Estagel, atteint le Roussillon à Cases-de-Pène, traverse Espira-de-l’Agly puis Rivesaltes et rejoint enfin la Méditerranée où la rivière se jette entre les plages de Torreilles et du Barcarès. Enfin, pour finir ce chapitre consacré à la géographie, la région est séparée en deux parties distinctes : le Haut-Fenouillèdes à l’ouest, principal domaine des superbes forêts domaniales et communales où l’altitude culmine à 1.310 mètres au Sarrat Naout près de Rabouillet au sein de la grandiose et ancienne forêt royale de Boucheville et le Bas-Fenouillèdes à l’est où prédomine la vigne qui pousse au fond des vallons et sur les coteaux de schistes de quelques petites collines hautes de 800 mètres au maximum. Ici, ces collines, on les appelle « serres » ou « sarrats ».
Enfin et pour être complet, le climat du pays Fenouillèdes est de type essentiellement méditerranéen même si par endroits, la proximité des Pyrénées et l’éloignement par rapport à la mer créent des microclimats de type montagnards. Il est donc normal d’y trouver le plus souvent une flore typiquement méditerranéenne constituée pour l’essentiel de maquis et de garrigues où la végétation est plutôt rase et où les arbustes les plus communs sont le chêne vert, le chêne liège et le pin, ou bien des épineux comme les ronciers et les églantiers ou bien encore des ligneux comme les cistes, les buis, les buplèvres ou les bruyères arborescentes. Dans cette garrigue, le Fenouil sauvage pousse assez spontanément mais est néanmoins très présent à certains endroits. Au sein de cette végétation, vit une faune sauvage, elle aussi typique du pourtour méditerranéen avec l’emblématique sanglier dont les populations peuvent être excessivement nombreuses par endroits. Enfin, dans les profondes et sombres forêts d’altitude, on retrouve la plupart des conifères et feuillus européens. Elles sont le domaine de nombreux renards, mustélidés (blaireaux, fouines, furets, etc…) et surtout cervidés, chevreuils ou cerfs essentiellement et parfois même l’isard. Selon certains témoignages, d’autres mammifères y auraient été incidemment aperçus ou repérés comme le chat sauvage, le loup, le lynx et l’ours par exemple mais ces passages ne sont sans doute que sporadiques et jamais définitifs.
Préambule :
Comme pour mon Tour du Coronat de 2007 et mon Tour du Vallespir de 2009, tous deux effectués en solitaire, l’idée d’accomplir ce Tour des Fenouillèdes m’est venue au cours des diverses randonnées d’un jour que j’accomplissais dans le secteur et chaque fois, que je tombais sur un panonceau « Tour des Fenouillèdes », la curiosité de découvrir cette région dans son intégralité me titillait et je me disais « un jour, ce serait bien que tu puisses le faire ».
Alors, c’est vrai cette idée trottait souvent dans ma tête et ce tour pédestre était inscrit sur mes tablettes depuis quelques temps déjà mais quand il fallut réellement le concrétiser, il faut le reconnaître, l’organiser ne fut pas chose facile tant ce pays des Fenouillèdes est incontestablement la région oubliée du département des Pyrénées-Orientales. Mais peu importe les difficultés et il était hors de question pour moi que je ne l’accomplisse pas. Cette volonté s’amplifia encore un peu plus quand mon fils Jérôme m’indiqua qu’il envisageait de le faire avec moi. Le Fenouillèdes, terre occitane oubliée ou ignorée des catalans depuis le traité des Pyrénées de 1659, il suffit pour s’en convaincre, de compulser "Pyrénées-Orientales - L’Encyclopédie Illustrée du Pays Catalan" où seulement deux pages sont consacrées à cette belle région sur les 302 pages que comporte ce gros ouvrage. Sans doute que ce désintéressement est également lié à une densité de population moindre que celle des autres régions du département. Pour se convaincre de cette indifférence et de cette ignorance quasi générale, il suffit de vouloir parcourir ce tour, pourtant parfaitement balisé par les comités associatifs pédestres, pour constater qu’aucun topo-guide n’a encore été édité ni par la Fédération Française de Randonnée Pédestre ni par aucun autre éditeur. Quand à l’organisation, si dans les communes les plus importantes que sont Saint-Paul-de-Fenouillet, Caudiès-de-Fenouillèdes et Sournia, on y trouve assez aisément le gîte et le couvert, il y a, en terme d’hébergement quasiment un grand vide dans la partie orientale du tracé sur une immense portion qui va de Saint-Paul à Sournia, c'est-à-dire depuis Lesquerde à Eus (*) en passant par Ansignan, Trilla, Tarerach, Marcevol et Arboussols. C’est d’ailleurs, je pense, la raison essentielle pour laquelle ce tour n’a pas encore été édité et reste peu fréquenté et que nous-mêmes avons été contraints de camper lors de la première étape qui nous a amenée de Trilla à Eus (1). C’est d’ailleurs la principale raison qui m’a incité à démarrer de Trilla, après avoir retourner le problème dans tous les sens. J’ai d’autant plus du mal à comprendre ce désintéressement pour les Fenouillèdes et cette désaffection pour ce magnifique tour pédestre que cette région regorge de richesses naturelles, architecturales et patrimoniales exceptionnelles. Pour n’évoquer que les sites rencontrés ou aperçus les plus remarquables sur l’itinéraire et sans parler des remarquables vignobles que l’on côtoie au fil du parcours, Rivesaltes et Maury en tête, pour ne citer que les plus connus qui y sont récoltés, il y a le superbe Prieuré de Marcevol, la localité d’Eus (*), élu plus beau village de France, de nombreux hameaux oubliés dont ceux de Comes, de Malabrac et de Campeau par exemple, ces étonnants amas granitiques naturels de la longue Serre de Sournia, les admirables forêts communales et domaniales du Fenouillèdes, de Boucheville et du Moyen-Agly, les merveilleuses gorges de Saint-Jaume, les belles vallées de la Désix, de la Boulzane et de l’Agly pour ne parler que des principales rivières, les ruines d’innombrables mas pastoraux et de nombreux châteaux dont ceux de Fenouillet, l’admirable église Notre-Dame de Laval à Caudiès, les étonnantes échines géologiques calcaires que sont le synclinal de Saint-Paul s’étirant sur plus de 30 kilomètres et les Corbières avec ses pechs et notamment celui monumental et mystique de Bugarach, le surprenant chapitre de Saint-Paul avec son insolite clocher heptagonal et enfin peut-être le plus merveilleux et emblématique joyau architectural de la région avec le splendide pont-aqueduc romain d’Ansignan dans un état de conservation exceptionnel et encore en état de fonctionnement malgré son grand âge de plus de 17 siècles. Voilà quelques unes des principales merveilles que vous pourrez découvrir ou voir si vous êtes amené un jour à réaliser ce tour pédestre dans son intégralité. Enfin, dès que l’on s’élève un peu, on est frappé par cette mosaïque de paysages et ce patchwork de couleurs et ça où que l’on se trouve, c’est dire si la diversité est une des caractéristiques principales du pays Fenouillèdes. Si dans cette longue liste, j’ai volontairement omis les superbes Gorges de Galamus et son ermitage Saint-Antoine, c’est parce que nous-mêmes en avons fait l’impasse mais rassurez-vous, elles font bien partie de ce tour et rien ne s’opposera à leur découverte lors d’une étape supplémentaire au départ de Saint-Paul-de-Fenouillet. On peut également regretter dans le tracé actuel de ce tour, cette ignorance la plus totale pour des villages tels que Maury, Rasiguères, Lansac, Latour-de-France, Bélesta ou bien encore Caramany. Un allongement de deux à trois jours passant par ces villages et effectuant le tour du lac de Caramany par exemple aurait été judicieux et agréable. Mais les Fenouillèdes, ce ne sont pas seulement des gros bourgs, des monuments et des paysages, ce sont aussi des hommes qui ont su façonner un pays très tourmenté fait d’une succession de collines et de multiples ravins, des hommes qui ont réussi à élever de charmants villages et hameaux dans les coins les plus reculés, des hommes qui malgré les occupations et les invasions successives (romains, wisigoths, musulmans, francs, aragonais, espagnols, etc.…) et un passé parfois tumultueux comme les guerres entre cathares et catholiques sont restés accueillants et ont réussi à en faire un pays où il fait bon vivre. Même si en raison d’une mauvaise météo, les deux premiers jours et surtout le premier n’ont pas été très propices à une flânerie pédestre, ce bien-être, nous avons eu l’occasion de le goûter. Alors, je ne sais pas ce que Jérôme en pense mais pour moi, ce périple de plus de 125 kilomètres, restera très longtemps un Tour du Bonheur. Alors, laissez-moi le plaisir de vous conter ce bonheur de partir « vadrouiller dans le fenouil » et dans les pas de mon fils car comme vous le verrez sur mes photos, j’ai très souvent marché derrière lui. Et bien oui, même en randonnée, la jeunesse reste un privilège non négligeable !
(*) Bien que situé dans la région du Conflent, le village d’Eus figure bien sur le tracé du Tour du Fenouillèdes. Il est classé parmi les plus beaux villages de France et est considéré comme celui ayant un taux d’ensoleillement parmi les plus élevés de l’hexagone.
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Par gibirando le 4 Mars 2015 à 16:01
TOUR DES FENOUILLEDES ETAPE 1 de Trilla à Eus par jullie68
1ere étape : Trilla – Eus
25 km - Dénivelé 363 m – Montées cumulées 1.355 m
Point culminant 742 m au Col Saint-Jean.
– Une « Vadrouille dans la grisouille ».
8 heures, nous avons quitté Saint-Estève direction Trilla sous un ciel très bas et incertain et même s’il ne pleut pas, j’ai une colère noire contre Météo France. En effet, il y a 5 jours, quand j’ai choisi ce dimanche 18 septembre 2011 comme jour de notre départ, le site Internet de Météo France annonçait 5 jours de grand beau temps et c’est sur cette prévision météorologique très favorable que j’ai tout organisé et que j’ai réservé les différents hébergements. Aussi, quelque soit le temps qu’il fait ou qu’il va faire dans les jours suivants, nous ne pouvons plus reculer. 9 heures, je gare la voiture sur le parking qui jouxte l’originale église de Trilla. Pourquoi choisir Trilla comme lieu de départ, vous demanderez-vous ? Pour équilibrer les cinq étapes dont les distances vont osciller entre 21 et 27 km mais surtout parce que je n’ai trouvé aucun hébergement à un tarif raisonnable sur cette partie du tracé du Tour des Fenouillèdes. Alors pour ce premier soir, le camping sauvage est au programme et nos épaules vont très rapidement se rendre compte de cet inconvénient d’être obligés de dormir à la belle étoile. Enfin, « belle étoile », c’est un espoir mais pour l’heure, ce n’est pas vraiment l’expression la plus juste au moment où nous nous apprêtons à démarrer. Ici à Trilla, le ciel est également très orageux mais Jérôme et moi préférons l‘ignorer. Réfléchir à cette météo très défavorable ne résout en rien le problème alors nous n’hésitons pas à nous préparer puis à harnacher nos deux gros sacs à dos de 20 kilos chacun. Il faut dire que sur cette longue étape de 25 kilomètres qui va nous mener à Eus, le fait de n’avoir trouvé aucun hébergement, nous oblige à nous trimbaler la tente, un tapis de sol et un sac de couchage en sus de la charge habituelle et nécessaire. Demain matin, Dany viendra à Eus nous alléger de ce fardeau devenu superflu et dont nous n’aurons plus besoin pour les quatre autres étapes. Je connais un peu Trilla, situé à 412 mètres d’altitude au cœur du Bas-Fenouillèdes, pour y être d’abord passé lors d’une randonnée qui s’intitule « Le Balcon de la Pêche » puis j’y suis revenu en juin pour une autre balade qui nous avait amené au magnifique hameau de Pézilla-de-Conflent par la Foun del Loup ou Fontaine du Loup. Aujourd’hui, même si j’ai envie d’aller voir la table d’orientation qui domine Trilla, dernier seul endroit que je ne connais pas du village, nous n’avons pas vraiment le temps de nous y attarder, de plus le temps peu propice n’incite pas à retarder un départ qui est identique à celui qui mène à la Foun del Loup. Alors, une ou deux photos de la jolie église dédiée à la Vierge dont on ne peut ignorer l’étonnante façade marquetée d’infimes fragments de tuiles et il est 9h15 quand on emprunte la ruelle qui va nous amener jusqu’au tracé du Tour des Fenouillèdes. Le balisage jaune et rouge est là, près de la petite décharge du hameau. Encore quelques photos souvenirs du départ et des paysages alentours et nous voilà partis en direction du Sarrat de l’Albèze et de son Col Saint-Jean qui avec ses 740 mètres d’altitude va être le point culminant de cette étape. Un large chemin caillouteux monte sans cesse d’abord en suivant des vignobles puis dans une végétation de type garrigue méditerranéenne. Cette basse végétation laisse peu à peu la place à quelques arbres d’abord clairsemés puis l’itinéraire rentre carrément dans un bois de chênes verts. Là, on quitte le large chemin pour emprunter une petite sente dont la déclivité s’accentue encore et rejoint plus haut une piste terreuse. Ici, petit cafouillage dans l’itinéraire à suivre mais grâce à son GPS et au tracé qui y est enregistré, Jérôme retrouve rapidement le balisage jaune sur une large piste. Il est 10h20 quand on bascule au col Saint-Jean où en raison d’une couche nuageuse très basse aucun panorama n’est visible. Ici au col, seuls de grands bouquets d’Hysopes (Hyssopus officinalis) aux épis d’un bleu violacé donnent une touche de couleur à cette morne grisaille. Je peste toujours après ce mauvais temps car je supporte difficilement de marcher sans profiter d’aucun panorama. Dans la descente vers le col des Auzines, on croise un groupe de randonneurs. Ils sont tous enveloppés dans leurs ponchos tel si l’hiver était à son comble alors que nous ne sommes qu’à la mi-septembre. Heureusement et de temps à autre, le firmament se fait moins opaque et sur ce petit sentier tout en balcon, enfin quelques vues apparaissent sur un joli vallon planté d’oliviers. Après le lieu-dit la Trufère, la descente se termine et le sentier retrouve une route carrossable bitumée qui débouche sur la départementale 2 au col des Auzines (606 m). Ici, malgré un ciel tourmenté mais d’un gris bleu magnifique, les vues se dévoilent vers Trévillach tout proche mais aussi beaucoup plus loin vers la Plaine du Roussillon, les Albères et la Méditerranée que l’on voit scintiller à l’horizon. Au col, on emprunte la D.13 sur 600 mètres environ que l’on quitte sur la gauche en direction de Trévillach que l’on surplombe joliment sans jamais l’atteindre. Là, je sors mon bout de carte de ma poche contenant mon tracé GPS pour constater qu’effectivement l’itinéraire fait un angle de 90° et tourne en direction de quelques lieux qui ont pour noms la Sarrat de l’Ours, les Moles et les Festarones. Un petit ballon de baudruche jaune accroché à un amandier nous amuse un peu et je fixe ces quelques instants de bonheur dans mon numérique. Puis en approchant du village de Tarerach, ce sont quelques grains de muscat bien mûrs que l’on grappille deci delà au gré des vignes qui se présentent sur notre parcours. Un peu plus loin, ce sont d’autres grains bien plus rouges que l’on croque, ceux d’un étonnant pied de tomates cerise que l’on trouve au bord du sentier. Ici, nous sommes tout en bas d’une cuvette ou d’un cirque formé par des petites collines arrondies qui ceinturent le paysage vers le nord, l’ouest et le sud. Ici, ces collines, on les appelle des « sarrats ». En filant vers Tarérach, c'est-à-dire vers le sud-ouest, je comprends qu’il nous faudra inévitablement franchir une de ces crêtes mais quand on arrive au village, il est midi et donc l’heure du déjeuner. Cela tombe d’autant mieux que si nous avons marché par moment sous une légère bruine qui ne mouillait même pas nos vêtements, cette fois quelques gouttes de pluie sont de la partie à l’instant même où la place du vieux village nous accueille. Heureusement, un salutaire préau est là et il va de manière très opportune nous permettre de déjeuner au sec et de nous reposer un peu. Sans être vraiment éprouvante, cette demi étape avec le « bon » dénivelé du Col Saint-Jean et les 11 kilomètres déjà accomplis, a bougrement ouvert nos estomacs. De ce fait, nos salades, nos escalopes panées et nos gâteaux de riz sont engloutis d’un bel appétit. Avec beaucoup de chance, la pluie cesse rapidement aussi préférons-nous ne pas nous éterniser sous ce préau et une demi-heure plus tard, nous repartons direction Marcevol puis Arboussols comme l’indiquent clairement quelques panonceaux à la sortie de village. Là, sur ce chemin dans la continuité de la rue des Lauriers, je complète mon dessert en chipant quelques belles figues bien noires et bien mûres qui s’échappent d’un jardin potager. Comme prévu, la déclivité se fait soudain plus rude et comme j’ai profité de notre arrêt pour analyser un peu la carte IGN, je sais que le dénivelé est de 125 mètres environ sur une distance d’un kilomètre et demi pour rejoindre un collet entouré de deux rocs aux noms étranges : sur la droite, le Roc del Cucut (808 m) et sur la gauche, nettement plus visible, le Roc del Moro (775 m). Si je sais traduire immédiatement ce dernier roc en « Rocher du Maure », ce n’est qu’en écrivant ce récit que j’apprendrais la signification de mot « cucut » qui veut dire « coucou » en catalan. Alors autant le reconnaître, avec mon sac à dos bien trop lourd à mon goût, et si je veux faire référence au cinéma, cette ascension ne fut pas pour moi un simple « vol au dessus d’un nid de coucou » mais plutôt « le boulet » tant la pente fut raide à escalader après le déjeuner. Jérôme, lui, arrive bien avant moi en haut du petit col et comme souvent il m’attend avant d’amorcer la douce et agréable descente vers Marcevol. En arrivant à mon tour, je suis agréablement surpris de constater que les panoramas sont moins bouchés qu’ils ne l’ont été au col Saint-Jean. Vers le nord, les sarrats que l’on avait gravis ce matin semblent désormais très dégagés. Vers l’est, on distingue au loin sinon la mer au moins l’étang de Salses et vers le sud, la vallée de la Têt apparaît très verdoyante. En amorçant la descente, on distingue sur la droite, les toitures rouges d’Arboussols, village vers lequel on doit se diriger. Tous ces décors dégagés sont pleins de promesses mais on ne s’emballe pas pour autant car le Massif du Canigou fait tout de même « grise mine », amputé aux trois-quarts qu’il est par un ciel de pluie gris-blanc très menaçant. Au bout d’une agréable descente débouchant sur un chemin creux bordé de pierres sèches, le joli village de Marcevol arrive bien plus vite que je ne l’aurais imaginé. Ici, le mot « Fenouillèdes » n’est pas usurpé tant il y a un peu partout du fenouil fleuri. Certains champs bordant le chemin en sont carrément envahis et les hautes branches aux belles ombelles jaunes ont tendance à se coucher sous l’effet d’une petite brise humide. Dans le village, un chat très malingre m’arrête dans ma lancée et je lui offre un morceau d’escalope panée qui, enroulé dans un papier d’alu, dort au fond de ma poche. Le chemin creux continue vers le superbe prieuré que personnellement j’ai déjà visité. On s’arrête quelques instants devant la magnifique façade du prieuré avec sa fenêtre romane longue et étroite et son porche entouré de marbre rose. Je m’attends à ce que Jérôme veuille découvrir l’intérieur de l’église mais il ne semble pas disposé à y entrer. Sans doute, estime-t-il que la journée s’étire et surtout que le ciel se faisant de plus en plus sombre et menaçant, ce n’est pas le moment de flâner. Nous prenons plusieurs photos de l’édifice puis nous cherchons quelques instants la suite du parcours car nous ne pensons pas que l’itinéraire puisse emprunter le bitume de la petite route qui arrive au hameau. Après cette courte hésitation et quelques mètres sur l’asphalte de la petite D.35c, nous descendons très rapidement dans un étroit ravin avant de remonter aussi sèchement sur un bon dénivelé qui grimpe vers Arboussols. Le village, que je connais aussi, est vite traversé. La lassitude commençant à se faire sentir, je traîne de plus en plus souvent à l’arrière et ce d’autant, que Jérôme semble vouloir accélérer le pas. Craint-il la pluie ? Sans doute et à juste raison, car le ciel se fait de plus en plus obscur et parfois quelques gouttes de pluie viennent rafraîchir mon crâne dégarni. Une fois encore et par chance, il faut bien le dire, nous enfilons nos ponchos bien inutilement car la pluie qui s’arrête aussi vite qu’elle est venue, semble avoir pitié de nous jusqu’au bout. Sur ce sentier muletier argileux et caillouteux et parfois même dallé de gros galets à l’approche d’Eus, nous avançons très péniblement. Le sentier mouillé est glissant à l’extrême et nous redoutons par dessus tout la chute qui pourrait mettre un terme définitif à cette balade prévue sur 5 jours. Ce serait quand même un comble de tomber à cause de la pluie dans le village considéré comme le plus ensoleillé de France ! De cette marche hésitante et prudente, il va en être ainsi jusqu’aux abords du plus beau village de France mais par bonheur nous y arrivons sans incident. Là, à, l’entrée d’Eus, nous cherchons un emplacement le plus confortable qu’il soit pour bivouaquer et passer une nuit la plus paisible possible. Ce n’est pas chose aisée tant la végétation est dense et le terrain très rocheux dans ce secteur. Nous finissons par trouver un emplacement presque idéal sous des chênes verts, au bord même du sentier mais suffisamment caché pour ne pas attirer les regards car le camping sauvage n’est peut être pas autorisé. Ici, en surplomb du petit Correc de Ribelles, il y a eu, de toute évidence et en des temps plus anciens, des cultures sur des terrasses bien planes et malgré une épaisse végétation, ça se voit encore. Nous sortons nos tentes que nous nous empressons de monter avant que la pluie n’entre dans la partie. Heureusement, une fois encore il n’en est rien et nous pouvons même nous reposer et manger très paisiblement sous un ciel qui commence d’ailleurs à s’éclaircir, aidé il est vrai par une « aimable » tramontane. Cette tramontane est pour moi synonyme de beau temps et comme j’ai commencé la journée en maugréant contre Météo France, je suis heureux de la terminer plus sereinement. Il faut dire qu’avec plus de 25 kilomètres dans les jambes, mes ardeurs sont moindres qu’au départ ce matin. Seuls deux espagnols plutôt criards et bizarres viennent troubler la quiétude de cette douce soirée. Criards car on les entends arriver du « diable Vauvert » et bizarres car un des deux hommes porte un matelas de 160 en guise de sac à dos. Sans doute, deux varappeurs car ce type de matelas sert en général à cette activité et à amortir le choc dans le cas d’une éventuelle chute. Mon MP3 sur les oreilles m’accompagne tard dans la soirée puis Morphée m’entraîne dans un sommeil profond et réparateur, indispensable à l’accomplissement d’une deuxième étape qui s’annonce bien plus rude et presque aussi longue que celle d’aujourd’hui. Les dernières pensées de cette journée me font simplement espérer un lendemain bien meilleur sur le plan météorologique car il faut bien l’avouer, marcher dans la grisaille ça n’a jamais été ma « tasse de thé » et cette première étape m’a vraiment laissé sur ma faim. Pour les panoramas et les découvertes, il sera nécessaire que je revienne. Alors en « vadrouille dans le fenouil » oui, mais en « vadrouille dans la grisouille » non !
Nota : Veuillez noter qu'à Eus, il existe désormais une possibilité d'hébergement pour les randonneurs. Il s'agit de la Casa Ilicia qui dispose de 4 chambres d'hôtes et de charme à des prix convenables (69 à 79 euros/la nuit) mais également avec des tarifs pour de petits groupes de 3 à 4 personnes (99 à 119 euros). Le lieu est assez magique et vous prendrez le petit déjeuner sur une superbe terrasse face au Canigou. Le rêve ! Pour accéder directement à leur site, cliquez ici.
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Par gibirando le 3 Mars 2015 à 16:27
TOUR DES FENOUILLEDES ETAPE 2 de Eus à Sournia par jullie68
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2eme étape : Eus – Sournia
21 km - Dénivelé 732 m – Montées cumulées 1.310 m
Point culminant 1.111 m après le col del Tribes.
-Une vadrouille mi-figue mi-citrouille.
Bien emmailloté dans mon sac de couchage, la nuit a été plutôt sereine. Seule une envie pressante m’a fait sortir de force de mon tiède cocon. Notre campement était faiblement éclairé par les lumières du village et du château tout proches qui parvenaient jusqu’à nous. La nuit était suffisamment claire et ma lampe torche inutile. J’ai donc pissé en levant les yeux au ciel pour constater qu’il était parfois très pur et le plus souvent très étoilé. Bizarrement, la tramontane que nous ne sentions nullement dans ce sous-bois poussait violemment de nombreux cumulus épars. Juste au dessus de ma tente et dans un minuscule coin de firmament formé par un petit puits de lumière qu’esquissaient les branches de quelques hauts chênes verts, j’apercevais les nuages qui glissaient vers le sud et disparaissaient aussi vite qu’ils apparaissaient. Il faisait frais mais pas froid et je me suis assis quelques instants à l’entrée de mon tube de toile à regarder ce petit bout de ciel mais le sommeil me gagna à nouveau très rapidement. Emprisonné dans mon duvet bien chaud, aucune berceuse ne fût nécessaire pour me rendormir et quand j’ai ouvert les yeux une nouvelle fois, j’avais l’impression que le jour était entrain de poindre. Il faisait beaucoup plus froid qu’au milieu de la nuit. Machinalement, je suis sorti de la tente en enfilant ma polaire et en prenant mon appareil photo. Mais il faisait encore très sombre et au milieu de cette ténébreuse végétation, je ne voyais aucun intérêt à prendre des photos. Alors, j’ai grimpé sur un haut rocher pensant que la vue serait sans doute un peu plus lointaine. Effectivement, dans un ciel bleu acier, je voyais au loin quelques collines sombres dont la faible lueur du jour commençant tout juste à poindre éclairait la longue ligne de crêtes. Autour de moi, tout était noir, tel un abîme insondable et même en habituant mes yeux à l’obscurité, je ne pouvais qu’avec peine distinguer les élévations environnantes et les sinuosités du ruisseau de Ribelles. Cette nébulosité ambiante plutôt angoissante m’a incité à revenir vers le campement où, à ma grande surprise, j’ai constaté que Jérôme était déjà debout. Bien debout et parfaitement réveillé car en me voyant, il me demanda de me dépêcher un peu car il était déjà plus de 7 heures 30 passées et le rendez-vous fixé avec Dany pour la récupération des tentes et autres matériels inutiles était prévu dans une heure sur le parking à l’entrée d’Eus. De ce fait et à mon grand regret, le p’tit déj a été vite expédié. Nous avons plié le matériel et avons levé le camp en dix fois moins de temps qu’ils nous avaient fallu pour le monter. Bien que les nuages étaient encore très nombreux, ils filaient rapidement vers le sud et l’entrée dans le village s’effectua sous un ciel bleu très encourageant. A notre grande surprise, le pic du Canigou et quelques autres sommets alentours avaient connu dans la nuit leurs première chutes de neige, raison pour laquelle sans doute, le fond de l’air était plutôt très frais ce matin. Dany étant exacte à l’heure du rendez-vous, la priorité fut de nous débarrasser de nos tentes et du matériel devenu inutile. Ainsi délesté, je pensais que mon sac à dos s’allégerait un peu mais il n’en fut vraiment rien car la tente et le matériel de couchage furent remplacés par de nouvelles bouteilles d’eau et par de gros sachets contenant notre pique-nique pour aujourd’hui et quelques autres produits alimentaires pour les deux à trois jours à venir. De ce fait, au moment de quitter Dany et de redémarrer, je ne voyais à mon grand regret quasiment aucune différence dans le poids de mon chargement. Il était toujours aussi lourd mais la seule différence c’est que j’avais la certitude de ne pas mourir de faim ni de soif et surtout, je savais que mon sac à dos allait désormais s’alléger au fil de parcours selon mes exigences alimentaires. Vers 9h10, après avoir embrassé et remercié Dany, nous sommes repartis dans la direction où nous avions passé la nuit mais peu après le château, nous avons emprunté un étroit sentier qui, cette fois-ci, partait vers la gauche. A cette intersection, un panneau de bois indiquait Comes à 1h15. Pour y être venu avec Dany en mai 2009, je connaissais parfaitement ce sentier qui montait vers le hameau perdu de Comes et j’avais d’ailleurs inscrit cette jolie balade dans mon blog « Mes Belles Randonnées expliquées ». Jérôme me quitta quelques instants pour aller prendre de belles photos depuis un gros éperon rocheux qui s’avance en dominant magnifiquement le château et la cité ensoleillée. Je me suis mis en route car je savais qu’il n’aurait aucune peine à me rattraper. Je pris ainsi un peu d’avance ce qui ne m’empêcha nullement de prendre moi aussi quelques jolies photos du Canigou enneigé et de la verdoyante Vallée de la Têt. Personnellement, tout en montant ce sentier qui domine un court instant le Correc de Ribelles, j’étais plus enclin à tenter de retrouver l’emplacement où nous avions passé la nuit mais je n’arrivais pas à retrouver l’endroit exact et je ne voyais qu’une végétation foisonnante et quelques blocs granitiques qui en émergeaient tels de gros champignons aux formes biscornues. Ici, après quelques cabanons planqués sous les pins et les mimosas, l’ancien chemin muletier très dallé par endroits s‘est transformé d’abord en une piste sableuse puis lorsque s’est présenté un premier raccourci, l’itinéraire est devenu carrément très caillouteux. On a longé des murets en pierres sèches encadrant d’anciens champs aujourd’hui entièrement supplantés par la végétation. On a croisé quelques petites zones boisées puis un étrange chêne en forme de chandelier a freiné nos ardeurs et a retenu l’attention de notre appareil photo. On n’a retrouvé les pavés du sentier muletier qu’à l’approche de Comes. Jusqu’à présent, ce temps très mitigé suffisait amplement à mon bonheur car il permettait d’embrasser quelques jolis panoramas. Mais le ciel semblait vouloir changer très vite au rythme d’une grosse brise soufflant de plus en plus en rafales. De gros nuages blancs arrivaient du nord-ouest et semblaient vouloir s’amonceler peu à peu au dessus de nos têtes. Alors ma crainte restait entière quand à une nouvelle mauvaise journée sur le plan météorologique. Je voyais le ciel s’assombrir du côté des massifs du Madres et du Coronat et je redoutais par-dessus tout ce mauvais temps qui semblait venir droit sur nous. En arrivant au hameau de Comes, je fulminais une nouvelle fois contre ces prévisions météo vraiment désastreuses et si erronées. Ces prévisions m’avaient annoncé un temps très ensoleillé et voilà qu’une nouvelle fois le temps semblait devenir carrément pourri. Il bruinait et Jérôme me proposa que l’on s’arrête un peu pour faire un break et manger quelque chose. En regardant ma montre, j’ai constaté que nous avions mis exactement 1h15 comme l’avait indiqué le panneau de bois au départ d’Eus. En raison du poids de mon sac et du dénivelé accompli, j’étais très satisfait et sans vraiment l’avouer à Jérôme, j’avais tendance à considérer ce délai comme une réelle performance personnelle. Mais pour être honnête aussi, mes pensées étaient réalistes et je savais que nous n’avions accompli qu’un court tronçon de cette longue étape. Non loin de l’entrée du hameau et à côté d’un oratoire, nous avons pris soin de nous adosser à un muret de pierres sèches bien à l’abri de cette brise qui arrivait du nord-nord ouest. Cette brise poussait parfois une brume humide et très basse qui passait au dessus de nous et descendait vers la vallée de la Têt. On est resté ainsi une bonne vingtaine de minutes à manger et à se reposer avant de repartir. Depuis 2009, je connaissais bien le village en ruines. L’église avait été restaurée et je savais que quelques maisons étaient également en cours de restauration mais j’avais cru comprendre que la plupart du temps, le hameau n’était habité que par un berger et son troupeau. Une fois encore, Jérôme fila sans trop s’attarder pendant qu’à l’arrière, je flânais prenant en photos le hameau qu’un arc-en-ciel couronnait magnifiquement. Malheureusement cet arc-en-ciel disparut aussi vite qu’il était apparu. Puis, sans doute désenchanté par cette grisaille, je me suis mis en quête de photographier tout ce qui était coloré mais il faut l’avouer il n’y avait pas grand-chose or mis quelques rares plantes encore fleuries en cette saison. Il y avait dans les prés quelques fleurs bleues des Chicorées amères (Cichorium intybus) et des Mauves musquées (Malva moschata) mais pour le reste ce n’était surtout que des plantes épineuses auxquelles il valait mieux éviter de se frotter du style chardons, panicauts, scolymes ou carlines. Il y avait aussi quelques voitures, elles aussi colorées, éparpillées deci delà dans la garrigue, mais elles n’attiraient pas spécialement le capteur de mon numérique car à vrai dire, je trouvais assez dommage tous ces tas de ferrailles dans ce secteur où les collines étaient plutôt d’un aspect sauvage. Comme je l’avais moi-même observé lors de mon précèdent passage, Jérôme me fit remarquer que la hameau ressemblait à un petit cass’auto tant il y avait de véhicules abandonnés de tous côtés. Nous avons laissé le hameau « sacrifié » en empruntant la piste terreuse et caillouteuse qui continuait de monter non sans avoir au préalable photographié la jolie église dédiée à Saint-Etienne. Elle se dressait si fièrement sur son petit dôme herbeux avec vue imprenable sur le Canigou que l’oublier nous aurait semblé être un sacrilège. La piste, elle, se poursuivait en longeant sur sa droite le profond ravin du Correc de la Font de l’Orri. Au dessus, le modeste pic de Bau (1.025 m) dominait le paysage, surmonté de son pylône émetteur TV. Après la piste puis un sévère raccourci très caillouteux et plein d’ornières car largement emprunté par les troupeaux, nous avons débouché sur l’asphalte de la D.619. J’avoue que j’étais assez content d’atteindre ce plateau et j’ai profité de cette aubaine pour reprendre mon souffle et quelques nouvelles photos. Mais cette satisfaction a été de courte durée car après avoir traversé la route et emprunté le bitume sur quelques mètres, le sentier est remonté presque aussitôt dans la continuité de la colline. D’abord à l’oblique et en balcon sur un très modeste glacis puis plus brutalement dès lors que l’on a atteint un nouveau petit ravin. Sans contexte, c’était là, la plus rude et la plus mauvaise sente que nous avions empruntée depuis le départ et Jérôme n’avait aucune peine à me distancer tant la déclivité était raide. De temps en temps, il m’attendait mais quand j’arrivais à sa hauteur, il repartait avant même que j’ai pu retrouver une respiration normale. Je ne disais rien car je savais qu’en randonnée, c’est une attitude assez machinale chez les gens qui marchent plus vite que d’autres et si cette fois j’étais derrière, Dany me reprochait assez souvent de faire de même quand je marchais avec elle. A un moment où nous avons fait une telle jonction, sans vraiment les avoir vu ou entendu arriver, nous avons été entourés d’innombrables chèvres et moutons. Ils en sortaient de tous côtés et au fur et à mesure que l’on grimpait, nous avions l’impression d’en faire déguerpir de nouveaux de chaque buisson. Ils ne semblaient pas effrayés le moins du monde et ils nous frôlaient à droite et à gauche. Comme cette vision toute proche d’animaux en liberté était plutôt agréable, on s’est mis à mitrailler chèvres et moutons avec vues sur l’immensité du vallon. Pour moi, c’était aussi une plaisante façon de faire un break dans cette difficile ascension. Mais trois gros patous nous avaient repérés au beau milieu de leur troupeau et ils se sont mis à aboyer hargneusement et autant le dire, nous n’en menions par large et nous n’étions pas vraiment rassurés quand à la conduite à adopter. Heureusement le berger n’était pas bien loin et veillait à la fois sur son troupeau mais aussi sur le comportement de ses chiens qui s’étaient positionnés en travers du sentier. Jérôme est passé près d’eux sans problème mais de mon côté, il me semblait préférable de m’arrêter pour raccourcir mon bâton télescopique avant de m’engager plus avant. Les chiens ont continuer à aboyer très méchamment sous le regard attentif du berger qui était à une bonne vingtaine de mètres. Je me demandais s’il serait à même d’intervenir au cas où un chien aurait eu la mauvaise idée de m’agresser ou plus simplement de me saisir un mollet. Le sentier était étroit et en croisant les trois molosses, j’ai senti leur souffle sur mes jambes mais tout s’est passé pour le mieux. Après cet épisode peu rassurant, la sente a continué à monter dans une garrigue typiquement méditerranéenne mais dans un décor de plus en plus rocheux. Ici, il y avait un itinéraire principal et de nombreuses caminoles tracées par les caprinés mais en raison même des nombreux rochers et de la végétation composée essentiellement de petits épineux et de d’arbustes ligneux, il était exclu de sortir du sentier principal pour prendre un éventuel raccourci. Tout en montant, nous avons constaté qu’une ou deux chèvres s’étaient carrément égarées dans cette garrigue très dense. Désormais, elles étaient loin du troupeau et leurs bêlements répétés et lancinants rompant le silence environnant avaient quelque chose de sinistre. A midi, nous n’étions pas au bout de nos peines, le col de Tribes n’était pas encore atteint mais l’appétit lui était déjà bien là. Alors, nous nous sommes arrêtés pour déjeuner au lieu-dit Roca Alta. Roca Alta est un amoncellement assez impressionnant de roches granitiques fissurées et parfois même clairement fracturées. Bien que le temps restait indécis et le plafond nuageux plutôt bas, nous avions de très jolies vues sur la vallée de la Têt, le Massif du Canigou et bien plus loin encore vers les premiers hauts sommets pyrénéens enneigés. Poussés par une bonne tramontane, de gros nuages gris et blancs passaient très vite et laissaient pendant quelques instants un ciel incroyablement bleu au dessus de nos têtes, puis soudain, les rayons du soleil déclinaient, ce bleu superbe disparaissait et nous étions entourés d’un épais et humide brouillard très opaque. Cette brume assombrissait le ravin, calfeutrait tous les paysages puis descendait rapidement en direction de la vallée. Pendant ces laps de temps, nous étions comme enveloppés dans un halo d’une vapeur humide et fraîche. Heureusement, ces brumes n’étaient que passagères et ne duraient jamais très longtemps. Quand nous avons quitté Roca Alta, le ciel s’était éclairci de nouveau. Le sentier montait en filant très légèrement vers l’ouest laissant entrevoir de très belles vues sur Prades et sur l’aride Pla de Balençou dont j’apercevais la piste que j’avais empruntée à quelques occasions et notamment lors de mon Tour du Coronat de 2007 pour une étape m’ayant mené du Refuge de Caillau à Llugols. Je tentais d’expliquer à Jérôme que nous avions également emprunté cette piste en commun lors d’une balade en VTT du col de Jau à Prades mais bien évidemment et de si loin, il éprouvait des difficultés à reconnaître les lieux. Ici, tout autour du sentier, la végétation se faisait plus verdoyante avec de nombreuses fougères, des genêts à balais et des Séneçons du Cap encore bien fleuris. Les magmas rocheux semblaient de plus en plus nombreux et derrière l’un d’entre eux, nous avons eu la désagréable surprise de déloger deux petits cabris blancs qui semblaient perdus dans ce dédale de gros rochers et de garrigues touffues. Leurs bêlements ressemblaient à des plaintes d’enfants. De plus, ils avaient franchi une clôture de fils barbelés et semblaient dans l’impossibilité de revenir du bon côté. Voilà presque une heure que nous avions croisé le berger et son troupeau et Jérôme et moi, nous nous demandions si ces deux cabris arriveraient à les rejoindre et si non, quel serait leur destin. Pendant de longues minutes, j’ai bien cherché si une ouverture était praticable dans la clôture mais sauf à la casser et à faire acte de vandalisme, ce fut en vain. Nous avons été contraints de laisser les deux jolis cabris à leurs gémissements et à leur triste solitude et avons poursuivi le chemin en longeant cette clôture. Nous avons fini par atteindre le col de Tribes à 13 heures tapantes. Nous avons basculé de l’autre côté du col et avons débouché à proximité d’une piste avec désormais de belles vues sur le véritable pays des Fenouillèdes, les Corbières, la Vallée de la Désix et la forêt domaniale de Boucheville. Cette large piste venant de l’est était devant nous et il y en avait même quelques autres qui descendaient droit devant dans le versant d’un petit ravin. Nous étions sur le point de rejoindre la piste la plus proche mais nous avons constaté que le balisage jaune et rouge du Tour du Fenouillèdes nous indiquait de poursuivre la clôture. Ce balisage nous a entraîné vers l’ouest dans un décor de plus en plus minéral. Ici, sur cette longue crête de collines que l’on appelle la Serre de Sournia, ce n’était que roches de tous côtés qui surgissaient d’une rase végétation soit sous forme de gros rochers épars et isolés soit sous forme d’empilements impressionnants. Au bout d’un moment, j’ai clairement reconnu un chaos granitique très particulier et bien plus imposant que les autres et je me souvenais très bien l’avoir déjà vu en photo sur Internet alors que je cherchais des renseignements et des photos sur le parcours du Tour de Fenouillèdes. Cet amas rocheux c’était la magnifique « cathédrale dite de Baptistin ». J’ignorais pourquoi on l’avait appelé ainsi mais au regard de ces rochers dressés tels des météores grecs ressemblant à des tours, la dénomination de cathédrale me paraissait assez bien appropriée. Peu après, nous avons rattrapé la piste aperçue au Col de Tribes. Croisant notre premier cortal en ruines, elle continuait toujours vers l’ouest alors que très clairement et tout au loin nous apercevions Sournia et ses carrières qui semblaient partir dans le sens opposé. Malgré le balisage et le parfait tracé inscrit dans nos GPS, cette incohérence nous a obligé à sortir une fois encore notre morceau de carte. Non, tout était bon et peu après, au lieu-dit « Rouyre de Salancas », l’itinéraire a clairement bifurqué vers le nord. Attiré par un cortal abandonné, j’ai vu une étrange gravure sculptée derrière un rocher. Cela ressemblait à ces visages stylisés que l’on rencontre parfois sur certains totems africains mais j’avais le sentiment que cette sculpture était plutôt récente car il n’y avait pas de lichens dans ses entailles. Plus tard en regardant la photo, j’y ai vu une tête de singe ou de lion selon la taille que je donnais à mon image. Pendant que j’observais cette gravure, Jérôme avait pris de l’avance, puis il avait tourné à droite à une intersection et avais poursuivi la piste qui maintenant descendait. Quand je suis revenu de mes découvertes, je le voyais au loin, en bas et sur ma droite. De ce fait, j’ai pris un raccourci qui m’a amené au bord d’une petite mare verdâtre qui semblait faire office d’heureuse source dans ce secteur de la montagne plutôt aride. L’eau était bien trop stagnante pour que je la goûte mais j’ai supposé que la toponymie « Salancas » que j’avais lu sur la carte avait un rapport avec cette mare probablement salée. Quand enfin, j’ai fini par rejoindre Jérôme, ce dernier avait déjà atteint une haute et monumentale ruine envahie par la végétation. Peu après, le sentier est entré dans une belle et vaste chênaie pour en ressortir au lieu-dit le Cortal Pélissier. Ici, le patronyme « Rouyre » signifiant « lieu planté de chênes » prenait une réelle justification. Au Cortal Pélissier, il y avait encore quelques grandes ruines deci delà et alors que tout semblait désert, nous avons constaté que la vie pastorale semblait encore présente car il y avait quelques vaches enfermées dans un enclos. Depuis ce matin et notre épisode avec le troupeau d’ovins et de caprins, c’était les premiers êtres vivants que nous côtoyons à nouveau. Mais ce n’était pas les derniers car peu après, nous avons pris un raccourci évitant quelques virages de la piste et nous sommes tombés nez à nez, d’abord avec une éphippigère des vignes puis avec une vipère aspic. L’éphippigère des vignes encore appelée « boudrague » ou « éphippigère porte-selle » est une étrange et grosse sauterelle munie d’un redoutable dard abdominal en forme d’épée et d’une carapace frontale si particulière ressemblant à une selle de cheval dont elle tire son nom provenant du latin « ephippium » ou du grec « ephippios ». En ce qui concerne la vipère, celle-ci dormait au beau milieu du chemin au pied du Sarrat d’en Grau. Elle dormait si bien que sur le moment nous avons pensé qu’une voiture l’avait écrasée mais quand je me mis à la titiller du bout de mon bâton, elle s’est redressée d’un coup, ouvrant une gueule menaçante avec sa langue fourchue vibrant comme une corde de guitare. La surprise passée, elle a quitté le milieu de la piste pour se réfugier d’abord dans de hautes herbes puis sous des pierres où elle pensait être en sécurité. Mais comme nous voulions la prendre en photo et la poursuivions avec insistance, elle continuait à ouvrir une gueule impressionnante, menaçant de nous piquer et surtout de nous mordre de ses crochets venimeux. Mais nous avions atteint notre but, à savoir qu’elle ne reste pas au milieu de la piste au risque de se faire écraser par un véhicule, et nous l’avons laissé tranquille et avons poursuivi notre chemin. Au virage suivant, nous avons été instantanément arrêtés par la beauté du paysage, d’abord par un champ de fougères vertes et rousses qui descendait dans un petit vallon verdoyant puis un peu plus loin par un superbe arc-en-ciel qui se dessinait au dessus de Sournia. Je ne sais pas pourquoi mais ce magnifique arc-en-ciel me rappelait ces arches, désormais très souvent gonflables, que l’on aperçoit parfois lors d’arrivées de courses sportives et je me disais « tiens, le ciel a décidé de saluer notre arrivée à Sournia ! » et c’est sûr que l’on ne pouvait rêver plus bel « arc de triomphe ». Mais bousculé par une petite tramontane et une brume fugitive, cet arc-en-ciel avait un mal fou à se stabiliser. Il se dessinait puis disparaissait pour réapparaître quelques minutes plus tard et cet étrange manège a duré très longtemps et pratiquement jusqu’à notre arrivée à Sournia où le soleil a fait une apparition quasi définitive. Auparavant, sous un ciel très gris et menaçant, nous avons trouvé très fastidieuse cette longue piste. Heureusement, une fois encore, nous avons eu beaucoup de chance et très peu de pluie et par bonheur, au lieu-dit Garrabet, un agréable sentier a pris le relais de la piste terreuse et ennuyeuse. Cette sente a traversé de petits bois de feuillus et de jolis prés verdoyants plantés d’incroyables arbrisseaux de houx débordant de drupes rouges. Un joli mas était planté là au beau milieu de ce petit paradis perdu dans la montagne et nous avons quitté cet endroit presque à regrets pour retrouver une piste désormais sableuse. Au détour des virages, Sournia est apparu cerclé de son arc-en-ciel désormais plus net et plus magnifique que jamais. Bien que l’étape commençait à tirer en longueur dans nos mollets, la fin a été moins monotone que nous l’avions imaginé. D’abord parce que nous en avions terminé avec la partie la plus aride et la plus désertique de la « Serre de Sournia » et que nous marchions désormais dans des décors beaucoup plus variés et boisés et secundo car la piste filait très souvent en balcon avec de jolies panoramas sur des ravins et notamment sur celui verdoyant de la Désix. Le bourg de Sournia d’un côté et les habitations d’Arsa, de Courbous et de la Fargasse de l’autre signifiaient que l’itinéraire arrivait presque à son terme. Nous avons fini par atteindre l’ubac de cette belle forêt domaniale du Fenouillèdes dont la piste encadrée de beaux conifères filait elle aussi en balcon sur le vallon de la Désix. La vieille petite chapelle Saint-Michel est apparu un instant, enfouie dans la pinède et désormais Sournia se rapprochait très vite. Nous avons atteint le village au plus beau des endroits en bordure même d’un petit lac formé par les eaux cristallines de la Désix. Nous avons fait le tour de cette petite retenue, avons traversé le joli centre de vacances Le Moulin et avons monté de charmantes ruelles colorées et fleuries. Depuis l’ascension du col de Tribes, nous n’avions emprunté que des secteurs plats ou en descente et ces dernières petites montées tiraient bougrement dans nos jambes mais nous n’avions pas le choix car le but de cette dernière mais modeste grimpette était d’atteindre le Camping de la Source qui se trouvait dans le haut du village où j’avais réservé une nuitée. Au téléphone, la patronne m’avait fixé un prix m’indiquant simplement qu’il s’agirait soit d’un mobil-home soit d’un bungalow. Nous arrivâmes au camping à 17 heures. La gérante nous attendait et ce fut un bungalow au demeurant très spacieux et très confortable. Je l’avoue au tarif de 35 euros pour deux personnes, nous ne pouvions qu’être entièrement satisfaits car il y avait deux chambres avec des grands lits très confortables et il ne manquait rien à notre bien-être. Ce confort nous permettait de nous reposer un peu avant d’aller souper à l’excellente Auberge de Sournia où j’avais également réservé deux menus. Cette fin de journée et cette soirée ont été en tous points magiques et reposantes, elles contrastaient étonnamment avec le bivouac de hier soir où le temps incertain nous avaient contraint d’intégrer trop rapidement nos bulles de toile. Pour un prix somme toute correct de 19,50 euros par personne, le repas dans ce petit restaurant faisant partie du réseau des Toques Blanches du Roussillon a été raffiné et excellent. Nous nous sommes régalés avec un savoureux menu du terroir composé d’une excellente charcuterie de la Boulzane, d’une tendre et merveilleuse bavette des Fenouillèdes et de succulentes profiteroles spécialement conçues par le chef. Je me retrouvais en tête à tête avec mon fils pour la première fois depuis très longtemps et cela m’emplissait de bonheur et j’osais déjà espérer que ce bonheur ne serait pas le seul au cours de ce périple. Et comme le dit si bien le proverbe, un bonheur n’arrivant jamais seul, la météo elle aussi s’annonçait plus favorable dès demain. Alors que demander de plus après cette journée où nous avions une fois encore évité la pluie mais qui, sur le plan météorologique, avait été tout de même une « vadrouille mi-figue mi-citrouille ».
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Par gibirando le 2 Mars 2015 à 17:00
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3eme étape : Sournia - Caudiès-de-Fenouillèdes
27 km - Dénivelé 812 m – Montées cumulées 1.954 m
Point culminant 1.158 m après la Maison forestière de Gatespa.
-Une « vadrouille sans la trouille ».
Ce matin-là, la première chose que j’ai faite en ouvrant les yeux, c’est de tirer la tenture de la fenêtre de ma chambre pour regarder dehors. Une fois encore, j’étais déçu car à travers les grands arbres du camping, je ne voyais qu’un ciel laiteux mais comme je ne voulais pas rester dans cette incertitude, j’ai pris sur moi de me lever aussitôt et d’aller voir dehors comment se présentait la météo. Depuis la terrasse, le ciel paraissait d’un bleu d’une pureté intense vers le nord mais vers le sud, le ciel semblait blanc et voilé. Mais comme ce voile continuait à m’intriguer et que de grands sapins bouchaient l’essentiel de ma vue, je suis parti en caleçon faire le tour du camping pour trouver une ouverture et vérifier tout ça plus précisément. Quand je suis revenu au mobil-home, j’étais ravi de ce ciel sans aucun nuage que je venais de voir. La journée s’annonçait sous les meilleurs auspices et j’étais heureux. En regardant la météo à la télé, j’étais d’autant plus content car selon les prévisions, ce beau temps allait s’installer pour plusieurs jours et en tous cas pour les trois derniers jours qui restaient à parcourir. Ma trouille d’une mauvaise météo était terminée, le beau temps que j’attendais depuis le départ semblait enfin là et comment ne pas être joyeux alors que se présentait à nous la plus longue étape de ce Tour des Fenouillèdes qui devait nous emmener à Caudiès. Avec Jérôme, nous étions d’accord sur ce point même si nous ne l’étions pas sur la distance exacte à parcourir. J’avais tracé à de multiples reprises le parcours sur mon logiciel CartoExploreur et j’étais arrivé à la conclusion que cette étape était longue d’au moins 27 kilomètres voire plus. Lui, avec sa méthode, trouvait comme toujours un peu moins que moi. A vrai dire, cela n’était pas d’une importance capitale mais il y avait quand même un impératif, c’était d’arriver à la Mairie de Caudiès avant 18 heures. En tous cas, c’était l’heure maximale qui m’avait été fixée par la secrétaire de la mairie pour récupérer les clés du gîte communal que j’avais réservé. Aussi, après avoir déjeuner très vite, fait notre toilette, ranger nos lits et nos sacs à dos, il n’était que 8h15 quand nous avons quitté le camping, direction l’ouest de Sournia en passant par la monumentale église paroissiale. A vrai dire, je n’étais pas vraiment inquiet de cet horaire fixé car de toutes les étapes du Tour des Fenouillèdes, c’était de très loin celle que je connaissais le mieux et je savais que cet impératif était parfaitement réalisable, à une condition expresse : ne pas traîner en route et surtout n’avoir aucun incident de parcours. Je savais que ce parcours serait très « roulant » grâce aux nombreuses pistes forestières que nous allions emprunter. Nous nous sommes arrêtés brièvement à l’épicerie de Sournia afin de compléter notre pique-nique pour midi et nous avons pris très vite la direction du G.R.36 qui démarre devant la gendarmerie. Cet itinéraire du G.R.36 qui est commun avec celui du Tour du Fenouillèdes sur quelques kilomètres, je l’avais déjà parcouru quelques dizaines de fois, soit pour me rendre à Rabouillet par la belle forêt domaniale soit pour partir à la découverte de cet hêtre remarquable de la forêt du Vivier qu’ici on appelle le « Fajas d’en Baillette ». Grâce à la multitude de pistes qui jalonnent ces forêts du Vivier, de Sournia, de Rabouillet et de Boucheville, il m’était même arrivé d’inventer quelques agréables circuits car au printemps, j’ai toujours bien aimé venir ici pour découvrir la renaissance de cette magnifique nature que nous allions côtoyer aujourd’hui. Jérôme se souvenait y être passé en VTT. C’est donc sans souci, que nous avons emprunté ce petit sentier longeant très souvent d’anciennes terrasses dans ce joli lieu dénommé les « Causses ». Le sentier filait en grimpant vers Prats-de-Sournia, les prés bien nommés et ce n’est qu’à partir d’ici que le mot romain « Fenolietensis » signifiant « foin » pourrait éventuellement prendre enfin tout son sens. Ici, il y a effectivement beaucoup de prés mais si les prés sont toujours agréables à découvrir ou à cheminer, l’essentiel des décors était plutôt derrière nous, aussi n’était-il pas inutile de se retourner très souvent pour profiter des vastes panoramas qui s’offraient enfin à nos regards. Au premier plan, on apercevait le village de Campoussy. Au loin, on découvrait l’aride Serre de Sournia où l’on devinait les chemins parcourus hier. Sur les sommets, on retrouvait le Pic de Bau et son pylône TV et bien sûr, comme presque toujours, le seigneur Canigou pointait le bout de son pic étonnamment dépourvu de neige aujourd’hui. Comme souvent depuis le début, Jérôme avait pris un peu d’avance sur ce bon dénivelé et c’était un peu dommage car il était passé sans voir un joli chevreuil qui broutait tranquillement au beau milieu d’un vaste pré. J’ai eu beau courir pour le rattraper et tenter de le prévenir mais dans cette bruyante cavale, le chevreuil m’avait déjà entendu et il avait pris « la poudre d’escampette ». Heureusement, j’avais eu le temps de le photographier avant qu’il ne détale et en outre, ce n’était que partie remise car dans le champ suivant séparé du premier par une simple haie, un deuxième chevreuil était également entrain de brouter. Avec Jérôme, nous nous sommes arrêtés tous les deux pour le contempler et le photographier mais le chevreuil avait déjà levé la tête et avait deviné notre présence. Il nous avait flairé et dès qu’il a constaté qu’on l’observait, il a détalé à tout berzingue faisant d’étranges bonds par dessus les buissons comme le font les gazelles d’Afrique. Puis, en arrivant à la lisière d’un bois, il s’est arrêté net et s’est mis à nous observer. Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis dit qu’il était peut être surpris de ne pas avoir encore entendu la détonation d’un fusil. Par bonheur pour lui, nous n’étions que des chasseurs d’images. La vision de ces jolis chevreuils dans la quiétude de cette aube si agréable a été pour moi un véritable enchantement et restera longtemps gravée comme un de mes meilleurs souvenirs de ce Tour des Fenouillèdes. Après une ferme que nous avons laissé sur la gauche, nous avons atteint un petit chemin vicinal bitumé qui va de Prats-de-Sournia vers la forêt communale du Vivier. Bien que l’asphalte ne soit jamais l’idéal pour le véritable randonneur, ici nous n’y avons pas trop pensé, d’abord car de beaux panoramas s’entrouvraient de tous côtés mais surtout parce que nous revoyons une grande partie du chemin déjà parcouru. Au loin, on distinguait vers l’est, notre ligne de départ avec le minuscule hameau de Trilla que l’on devinait à peine. Dans la même direction, les sarrats olivâtres gravis le premier jour se détachaient dans un ciel azur. Au sud, la Serre de Sournia chevauchée hier apparaissait désormais dans son intégralité. Alors que j’étais plongé dans mes pensées et mes contemplations, Jérôme avait surpris, au milieu d’un pré en jachères, un renard roux sans doute occupé à chasser. Nous avons juste eu le temps de nous cacher derrière un rideau de ronces pour l’observer mais le « goupil » avait déjà flairé notre présence et le voilà dès lors qu’il dressait droit ses oreilles, reniflant l‘air ambiant et scrutant les alentours en quête d’un indice qu’il n’arrivait pas à maîtriser. Rassuré, il a replongé le museau dans les hautes herbes sans doute pour déloger un petit rongeur de son terrier. Mais son sens olfactif l’a très rapidement rappelé à l’ordre. Son sens visuel a pris le relais et il a commencé à tout scruter en notre direction jusqu’à deviner où nous étions, pourtant cachés derrière un muret lui-même surmonté d’un épais treillis de ronces. Dès qu’il nous a aperçu, il s’est mis à détaler et a disparu dans un bosquet. Jérôme avait néanmoins réussi à le photographier convenablement mais moi, je n’avais qu’une photo trouble remplie d’herbes folles avec deux oreilles et un arrière-train qui décampaient. En atteignant la superbe forêt, le bitume a enfin laissé la place à une vraie piste forestière que l’on a ensuite très rapidement quitté au profit d’un bref mais rude raidillon qui s’est mis à grimper vers le col de Benta Fride (965 m). Là, un sentier plus ou moins large file en contrebas d’une clôture plantée sur la ligne de crêtes. J’ai demandé à Jérôme de me suivre et de grimper avec moi de quelques mètres vers cette clôture et ainsi en cheminant cette crête, nous avons profité des panoramas s’entrouvrant magnifiquement vers le Sud et parfois même vers le Nord à l’occasion de quelques trouées dans cette luxuriante forêt. Nous en avons profité un long moment avant de retrouver le véritable sentier car je connaissais parfaitement ce secteur et je savais que la suite serait moins attrayante car trop souvent en sous-bois. J’adorais ce tronçon du G.R.36 car j’avais toujours pris plaisir à arpenter ce sentier herbeux et verdoyant encadré de hautes fougères, de genêts et de pins même si je savais que le mois de septembre n’était pas la meilleure des saisons pour le faire. Ici, il ne faut pas hésiter à quitter de quelques mètres le vrai chemin pour monter sur la crête et l’on embrasse des panoramas grandioses sur une immense partie du pays Fenouillèdes. Je l’ai fait à quelques reprises découvrant en cette occasion d’énormes champignons, sans doute des bolets. Jérôme avait pris pas mal d’avance et avait surpris un cervidé qui dormait dans les fougères mais ce dernier avait détalé si vite que Jérôme n’avait pas été capable de me dire s’il s’agissait d’un chevreuil ou bien d’un cerf. En tous cas, ce fut le dernier mammifère sauvage que nous avons vu sur ce Tour. Peu après, nous avons délaissé le G.R.36 qui partait par la droite vers les jolis hameaux du Vivier, de Saint-Martin et de Fosse et désormais, il nous suffisait de suivre le GRP Tour des Fenouillèdes de nouveau balisé en jaune et rouge. Peu avant le col de l’Espinas (1.020 m), le chemin a commencé à se transformer en petites montagnes russes mais à l’occasion de vastes lopins de terre qui avaient été défrichés, on avait de très jolies vues vers le Canigou et les longs massifs que formaient le Coronat, le Madres et le Dourmidou. Au loin, au dessus de ces massifs du piémont, les Pyrénées commençaient à étirer leur longue chaîne montagneuses faite de très hauts pics encore un peu blanchis des neiges de l’avant-veille. Après le col de l’Espinas, le chemin est devenu plus large et la déclivité plus raide. Ici, je me souvenais parfaitement de ce coin car à la fin de l’hiver, les sous-bois étaient toujours magnifiquement recouverts de superbes jonquilles jaunes. Après cette dernière montagne russe, nous avons atteint le col Bas (1.035 m) où une aire de pique-nique tombait à point nommé. Nous y avons pris un peu de repos le temps d’une brève pause consacrée à manger quelques fruits secs, une compote et une barre de céréales. Ici, se terminait la forêt communale du Vivier et un panonceau de l’ONF nous en annonçait clairement une nouvelle : la Forêt communale de Rabouillet. Autant être honnêtes, nous ne faisions aucune différence et une seule chose changeait vraiment, c’était la nature du chemin que nous allions emprunter jusqu’au col de Tulla. Ici, nous avons repris une piste forestière DFCI un peu plus monotone que l’itinéraire suivi jusqu’à présent. Aussi, sur ce chemin au doux dénivelé qui nous amenait vers la Font de Coulom et la Maison forestière de Gatespa, il nous semblait important de profiter de chaque fenêtre que la haute forêt nous offrait pour regarder vers les Corbières et le Pech du Bugarach. A 12h20, nous étions à Gatespa où une jolie aire de pique-nique semblait n’attendre que nous. Le lieu était si charmant et si reposant que l’on s’y attardât bien après le repas. Une fois le pique-nique terminé, Jérôme est parti avec son GPS en quête de la suite du parcours car ici, la piste forestière s’arrêtait en un cul-de-sac et en outre le balisage jaune et rouge semblait avoir disparu. Il y avait bien une autre piste qui descendait mais elle semblait partir à contresens et de toute manière sur notre morceau de carte IGN, il n’y avait clairement aucune piste à prendre à cet endroit. Pendant ce temps, je suis parti à la découverte des alentours et attiré par de magnifiques petits fruits ressemblant à s’y méprendre à des groseilles, j’ai bien failli me laisser prendre au piège de la tentation et de la gourmandise. Je ne connaissais pas cette plante mais une chose était sûre, les feuilles ne ressemblaient en rien à celles d’un groseillier et c’est ça qui m’a permis de résister à l’attrait de ces fruits bien trop tentants. J’ai supposé qu’il s’agissait peut-être des fruits d’un chèvrefeuille des bois ou bien ceux d’une morelle douce-amère mais je n’en avais aucune certitude car des plantes présentant des drupes rouges, je savais qu’il y en avait beaucoup. Du coup, j’ai ravalé ma salive et une photographie de cette plante m’a paru amplement suffisante et intéressante à faire. Au bout d’un moment, Jérôme est revenu en disant qu’il avait enfin retrouvé le balisage et un petit sentier peu évident qui filait en sous-bois. Nous avons aussitôt plié bagages. A quelques mètres de l’aire de pique-nique, le départ du sentier était difficile à deviner et vraiment incertain, caché qu’il était par divers branchages dissimulant eux-mêmes les premiers coups de peinture du balisage. Quand nous avons commencé à suivre ce sentier, le balisage continua à être peu clair et peu évident à trouver dans ce sous-bois et nous en avons conclu que le sentier était sans doute peu pratiqué. Il l’en a été ainsi encore quelques temps alors Jérôme a conservé son GPS allumé. En prêtant beaucoup d’attention, ce minuscule sentier en sous-bois a néanmoins fini par atteindre un layon dont on voyait clairement que son défrichage était plutôt récent. Le layon montait sous de grands sapins dans un terrain tourbeux et a fini par déboucher à un collet à l’intersection de plusieurs pistes. Sans nous en douter, nous venions d’atteindre la plus haute élévation de cette journée à 1.158 mètres d’altitude mais surtout le point culminant de ce Tour du Fenouillèdes. Du bord du chemin et dans l’espace très étroit que formaient deux grands arbres, j’ai aperçu un bout de vallée et quelques habitations et j’ai essayé mais en vain de deviner quelle était cette commune. J’ai pensé à Fosse ou bien à Fenouillet mais il a fallu que je sorte la carte IGN pour comprendre que c’était plus simplement Caudiès-de-Fenouillèdes que je distinguais que très partiellement. Bien que je n’en ai pas fait part à Jérôme, ce constat de voir la ligne d’arrivée encore aussi éloignée a eu pour effet de me couper un peu les jambes mais tout en marchant, j’essayais de me raisonner. Après tout ce n’était pas la première fois que j’accomplissais une si longue distance et j’en avais même parcouru de bien plus longues. Quelques minutes plus tard, nous sommes arrivés au refuge de Gai Sourire mais nous n’y sommes pas restés très longtemps. Le temps de quelques photos-souvenirs et d’une visite du refuge non gardé que nous faisions presque machinalement mais surtout par curiosité et nous avons repris notre chemin. Il est vrai que depuis notre départ, or mis quelques orris, casots ou mas délabrés, c’était la toute première fois que nous trouvions enfin un bâtiment à visiter, ouvert à tous. Peu après, nous sommes restés scotchés un bon moment au bord du chemin devant les vues époustouflantes qui tout à coup se sont entrouvertes. Plus aucun arbre ne gênait la vision et nous étions assez sidérés car on apercevait au loin la Méditerranée mais nous avions aussi de superbes vues aériennes sur la forêt de Boucheville, sur le Ravin de Tulla et beaucoup plus loin sur la Vallée de la Boulzane encadrée par les blanches Corbières et la longue serre du Synclinal de Saint-Paul. Vers 14h30, nous avons atteint le col de Tulla et ses prés verdoyants ont été si tentants que nous n’avons pas pu résister à l’envie de nous y vautrer en faisant une halte. Après tout, le ciel était bleu, le soleil rayonnant comme jamais et il ne nous restait au gros maximum qu’une dizaine de kilomètres à accomplir et qui plus est toujours en descente. Nous avions encore quatre heures trente pour les parcourir. De plus, je connaissais parfaitement ces lieux et ce chemin, j’aurais presque pu le sillonner les yeux fermés tant j’y étais venu très souvent user mes godillots du côté des Gorges de Saint-Jaume, du Pech de Fraissinet ou dans le Vallon d’Aigues-Bonnes. Sauf accident ou incident toujours possible, je n’avais aucun doute quand à notre arrivée avant 18 heures à Caudiès-de-Fenouillèdes. Nous avons donc pris notre temps et en avons profité pour manger quelques friandises, ôtant nos chaussures pour faire dégonfler nos pieds et nous reposant pendant une bonne demi-heure. Puis nous avons repris la route avec cette fois-ci, la ferme intention de ne plus nous arrêter. Mais c’est bien connu et les hommes politiques le savent mieux que quiconque, les promesses n’engagent que ceux qui les disent et dès le magnifique gîte de Tulla atteint, un gentil cabri en liberté a retenu toute notre attention et celui de nos numériques. Il en a été de même en arrivant à Fenouillet où les petits hameaux des Bordes puis des Nautes et enfin les pittoresques châteaux médiévaux qui se font face ont freiné nos ardeurs pour quelques photos supplémentaires. Un peu plus bas encore, les rafraîchissantes Gorges de Saint-Jaume, que Jérôme ne connaissait pas, nous ont arrêtés une fois de plus pour quelques photos souvenirs. Nous avons flâner dans ces gorges le temps de la découverte puis il en a été de même en arrivant à la belle chapelle de Notre-Dame de Laval. Plutôt que de poursuivre le G.R.36, nous sommes ressortis de ce magnifique lieu par l’ancien chemin des processions et sa superbe porte dite Notre-Dame de Douna Pa. Pour y être déjà venu, je me souvenais avoir lu que depuis l’oratoire situé au bord de la D.9 jusqu’à la porte, la procession des fidèles s’effectuait sur les genoux et je me disais que même en descente, j’aurais eu du mal à faire de même. Malgré nos jambes qui commençaient à se faire lourdes, c’était un peu comme si nos têtes se refusaient à terminer cette étape tant il y avait de choses à découvrir. Un œil sur la montre et quand c’était nécessaire, les deux sur ce qu’il y avait à observer, tel était notre adage. En approchant de Caudiès, deux petits ânons très dociles ont fait les frais de cette flânerie très exagérée et ont clôturé notre album photos de cette merveilleuse journée. Puis, plus rien ne retenant notre attention, le village est arrivé très vite et nous avons prêté attention à une épicerie et à un petit bistrot qui faisait également snack, brasserie et restaurant. Il était exactement 17h15 quand nous nous sommes présentés à la jolie mairie pour récupérer les clés du gîte communal. Après avoir établi un modeste chèque de 20 euros représentant une nuitée pour nous deux, la souriante secrétaire nous a accompagné jusqu’à la petite maison de village qui faisait office de gîte. Les pièces étaient très spacieuses avec une grande cuisine parfaitement équipée et aménagée et elle disposait en plus d’une belle table de salle à manger. La chambre plus spartiate était séparée de la cuisine par un petit escalier mais ce qui était important à nos yeux c’était qu’il y avait deux lits de 90 très confortables et surtout assez loin l’un de l’autre, à cause des éventuels ronflements. Il y avait également une salle de bain avec une douche, un lavabo et un WC et une fois encore, tout cela suffisait très amplement à nos modestes exigences et à notre « humble » confort. Le rapport qualité prix était plus que parfait et pour être honnête ; nous n’en espérions pas tant. Jérôme s’est empressé de prendre une douche et j’en ai profité pour faire le tour de la partie la plus ancienne du village où se trouvait le gîte. Quand je suis revenu, j’ai pris la douche à mon tour et nous avons passé les heures restantes à nous reposer et à bouquiner avant de partir à la recherche d’un restaurant. En réalité, la recherche a été de très courte durée et pour tout dire le premier restaurant a été le bon dans tous les sens du terme. C’était le Café Rivière, celui là même que nous avions aperçu en arrivant et qu’une pancarte à l’entrée de Caudiès nous avait décrit comme faisant snack et également restaurant. Ici, la patronne semblait tout faire elle-même et en plus, elle le faisait bien. Elle se démenait du bar, à la cuisine et au service, prenant même le temps de discuter gentiment avec ses clients et franchement pour la somme modique de 16,50 euros par personne, pichet de vin et service compris, elle a gagné très allégrement les cinq étoiles de notre reconnaissance. Le souper a été parfait et une fois terminé, nous sommes immédiatement rentrés au gîte où Jérôme a terminé la soirée à bouquiner pendant que j’ai analysé pour la énième fois l’étape du lendemain. Hors mis, mon genou droit qui de temps en temps se bloquait un peu, j’était plutôt en forme et je commençais à prendre goût à cette longue balade. De ce fait, j’avais du mal à me faire à l’idée que demain était déjà l’avant dernière étape et cette idée me rendait triste car je trouvais que ce Tour des Fenouillèdes était passé bien trop vite. Deux à trois jours de balades supplémentaires auraient été l’idéal, à condition bien sûr qu’ils se déroulent avec une météo aussi clémente que celle d’aujourd’hui. En tous cas, les prévisions pour demain étaient annoncées ainsi et j’étais très heureux de cette nouvelle « Vadrouille sans la trouille ».
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Par gibirando le 1 Mars 2015 à 18:34
TOUR DES FENOUILLEDES ETAPE 4 de Caudiès-de... par jullie68Voir taille réelle Voir taille réelle Voir taille réelle
4eme étape: Caudiès-de-Fenouillèdes - St-Paul-de-Fenouillet
26 km- Dénivelé 650 m – Montées cumulées 1.229 m
Point culminant 900 m au Roc Paradet.
-« Vadrouille avec les Chemtrouils ».
Ce quatrième matin, avant de quitter le gîte, nous sommes partis faire quelques emplettes au « Vival » du village. En effet, l’épicerie étant à l’opposé de l’itinéraire que nous devions prendre, nous n’avons pas trouvé nécessaire de nous charger inutilement de nos sacs à dos pour aller acheter un peu de pain, quelques fruits, des flans et un morceau de fromage. Ces quelques courses faites, il est 8h30 quand nous déposons les clés du gîte à la mairie et nous prenons aussitôt le balisage bien indiqué au centre du village. Une fois encore, notre itinéraire est commun avec le G.R.36 et dans l’immédiat, il prend la direction du Col Saint-Louis. Pendant que nous sortons de Caudiès, une chose m’étonne bougrement : ce sont toutes ces lignes blanches qu’il y a dans le ciel et que je n’avais pas spécialement remarqué en allant à l’épicerie. Un peu comme si d’innombrables avions avaient volés tous en même temps et dans tous les sens laissant derrière eux de longs panaches d’une fumée blanchâtre. Si ces lignes n’avaient rien d’inquiétantes à première vue, plusieurs choses m’intriguaient quand même et tout d’abord, il n’y avait aucun avion visible dans le ciel puis ensuite c’était le fait qu’il y en avait dans toutes les directions, elles se croisaient, partaient en tous sens et anarchiquement, elles ne disparaissaient pas et bien au contraire, elles semblaient s’élargir au fur et à mesure que nous sortions du village. Plus nous avancions vers la Soula de la Roque, cette haute barre rocheuse que nous devions escalader et plus ces lignes s’élargissaient, ne disparaissaient jamais et j’avais même le sentiment qu’elles se rapprochaient du sol. Or, il y a quelques mois, alors que je cherchais des renseignements sur Internet, j’étais tombé tout à fait par hasard sur un site s’appelant Conspiracy Watch évoquant les attentats du 11 septembre 2001 mais également ces phénomènes parmi bien d’autres. Ce site, souvent très intéressant au demeurant, se présentait comme étant un « Observatoire du conspirationnisme et des théories du complot ». En développant mes recherches au sujet de ces phénomènes aériens, j’avais surfé de sites en sites et j’avais clairement compris que deux théories s’affrontaient. L’explication officielle était que ces traînées blanches étaient émises suite à la condensation de l’eau contenue dans l’air par les turbines d’avions volant à très haute altitude, les Américains appelant ce phénomène des « contrails » contraction de l’anglais « condensation trails » ou « traînées de condensation » en français et la deuxième théorie était celle que l’on appelle des « chemtrails », contraction anglaise de « chemical trails » ou « traînées chimiques » et qui ne seraient ni plus ni moins que des épandages chimiques volontairement effectués par des avions pour un tas de raisons peu louables selon leurs accusateurs. Cette deuxième théorie était, selon les supporters de la première, tenue par ce qu’on appelle plus communément des conspirationnistes. En tous cas, après la lecture de ces différentes doctrines complètement opposées, il y avait néanmoins deux points d’accord quand à la création de ces fameux panaches blancs dans nos cieux : Primo, c’est qu’elles étaient laissées par des passages d’avions et secundo dans les deux cas, elles étaient la conséquence de processus chimiques particuliers bien que très différents. En effet, tout le monde a pu constater que quand un avion produit derrière lui ces traînées de condensation, ces dernières ne sont jamais très longues à disparaître, or dans le cas présent, elles ont perduré une grande partie de la journée se transformant même en nuages et en un ciel laiteux dans la soirée. Or, si dans la première des théories, la condensation était la principale raison de la création de ces phénomènes, il semblerait que leur durée très exceptionnelle comme c’était le cas aujourd’hui serait due à une mélange de cette condensation avec des particules émises par les réacteurs des avions dans des circonstances météorologiques très spéciales. En tous cas, moi qui à l’école n’avait jamais été très doué pour la chimie, matière qui ne m’avait jamais trop intéressé, il faut bien le dire, j’étais très soupçonneux et inquiet quant aux conséquences de ces phénomènes sur la santé des humains. Les conspirationnistes étaient partagés en deux clans, ceux qui prétendaient que les épandages chimiques étaient volontairement effectués pour tuer des humains et d’autres qui disaient qu’ils étaient réalisés pour contrecarrer les effets du réchauffement climatique. En tous cas, sur le plan sanitaire, personne ne semblait trop rien savoir à ce sujet et au moment même où Jérôme et moi vadrouillions dans le fenouil, avec ce sentiment de bon air, de bien-être et de proximité avec la nature, je me posais un tas de questions car nous avions au dessus de nos têtes, ces gigantesques empreintes blanchâtres comme si d’invisibles extraterrestres avaient jeté des fumigants pour mettre fin à toute vie sur Terre. Ici, « contrails » ou « chemtrails », ça me filait la trouille et peu m’importait comment les Américains appelaient ces phénomènes. A vrai dire, moi, je les aurais plutôt appelés « controuils » ou « chemtrouils » tant j’étais dans l’incertitude et tant il y en avait sur ce petit périmètre. Grâce à un panonceau indiquant parfaitement l’itinéraire vers Malabrac et Campeau, nous avons quitté la route du Col Saint-Louis mais pas vraiment l’asphalte. En effet, une petite route bitumée a tourné à droite en direction des collines entre vignes et champs fauchés. Ici, j’apercevais enfin les premières balles de foin du pays « Fenolietensis ». Le bitume a laissé la place à un sentier qui est entré dans la garrigue puis ce dernier s’est engouffré dans un petit et sombre bois de chênes verts. Quand nous en sommes sortis, nous avons attaqué presque immédiatement un rude et caillouteux dénivelé. Au dessus de nos têtes, les « contrails » se faisaient de plus en plus large et me laissaient toujours aussi perplexe car je ne voyais toujours aucun avion passer dans le ciel. Pourtant quand je me retournais, je voyais clairement de nouvelles lignes beaucoup plus minces mais jamais aucun avion. J’essayais de me convaincre en me disant que je ne les voyais pas car ils volaient bien trop haut pour cela ou bien qu’ils avaient survolés la région cette nuit ou au petit matin. Connaissant un peu le coin, je me mis soudain à penser au Pech de Bugarach qui se trouvait juste derrière la colline qui nous faisait face et à cette idée saugrenue selon laquelle aucun avion ne devait passer au dessus de lui au risque de voir tous ses instruments électroniques de bord complètement déréglés. Je ne croyais pas à ces sornettes que l’on trouvait sur le Net ou dans des bouquins car personne n’était apte à donner une explication rationnelle et de plus, j’avais déjà vu à plusieurs reprises des avions survoler le pech alors que je randonnais dans le coin. Comme beaucoup d’autres spéculations concernant le soi-disant « mystique » Bugarach, il s’agissait d’une ineptie et j’en avais encore la preuve aujourd’hui. Enfin la preuve pas vraiment cette fois-ci car je ne voyais aucun avion ! Mais tous ces panaches blancs s’ils n’avaient pas été créés par des avions, qui les avaient dessinés dans le ciel ? Des soucoupes volantes ? Toutes ces pensées faisaient que je montais ce rude dénivelé sans trop réfléchir aux difficultés et seul, mon cœur qui tambourinait dans ma poitrine me rappelait à l’ordre et de temps à autre me réclamait une pause. Alors que je m’étais arrêté dans cette difficile montée, un chien de chasse me dépassa sans coup férir puis quelques secondes plus tard, un chasseur est arrivé à ma hauteur. Nous avons continué à monter tout en bavardant et nous avons rejoint Jérôme qui s’était arrêté et m’avait attendu. L’homme affirmait avoir vu un isard avec ses jumelles depuis le bas de la vallée et il était parti dans l’idée de le traquer. J’étais assez étonné de cette affirmation car je ne pensais pas qu’il y avait des isards dans les Corbières mais l’homme me confirma cette présence. Contrairement à l’idée bien souvent inexacte mais préétablie du style « viandard » que je me faisais des chasseurs, celui-ci me semblait très censé, soucieux d’une bonne gestion de la faune et cette très intéressante conversation s’était prolongée assez facilement. Il nous expliquait comment et pourquoi, il y avait une raréfaction du sanglier dans les Fenouillèdes et plus particulièrement dans ce secteur de Caudiès où les tableaux de chasse se faisaient de plus en plus concis d’années en années. Cette rencontre avait mis fin à mes mauvaises pensées concernant les « contrails » et quand l’homme nous a quitté, je ne pensais plus qu’à profiter de cette belle balade. Il faut dire que nous étions arrivés quasiment au sommet de cette rocailleuse difficulté et que de magnifiques vues aériennes se faisaient jour sur Caudiès, sur le verdoyant vallon de la Boulzane, sur les nombreux pechs opposés et sur la longiligne et obscure forêt de Boucheville que nous avions arpentée hier. D’ici, on se rendait mieux compte de la distance que nous avions réellement parcourue hier mais si désormais nous étions sur l’autre versant, nous imaginions aussi et très facilement ce qui nous attendait pour atteindre Saint-Paul-de-Fenouillet : faire quasiment le même chemin mais en sens inverse cette fois-ci. J’étais très satisfait d’avoir atteint le sommet car avec un départ à froid et avec mon sac à dos presque toujours aussi lourd que les premiers jours, cette escalade avait été plutôt rude. Je soufflais comme un bœuf, mon cœur battait la chamade comme jamais et j’avais besoin d’une sérieuse pause pour lui faire retrouver un rythme à peu près normal. Après les cailloux, les pierres et les rochers que nous venions d’arpenter et de grimper, j’étais également heureux de retrouver un agréable sentier souple et herbeux. Nous avons laissé sur la gauche les ruines de Malabrac, hameau que j’avais découvert en février dernier lors d’un beau circuit au Château des Maures et au viaduc de Saint-Louis et nous avons poursuivi l’itinéraire qui a traversé une pré et quelques petits bois de feuillus. L’étroit sentier a rejoint une piste où les hauts feuillus ont peu à peu laissé la place à des bosquets essentiellement composés de grands buis et de petits chênes verts. Au moment où ces bosquets devenaient de hautes haies séparant des petits champs ou des prairies plus vastes, le Pech du Bugarach a fait son apparition, comme sorti de nulle part, Là, sous la haute silhouette blanche du mythique et mystique sommet, l’itinéraire est devenu encore plus plaisant car nous nous sommes mis à traverser de jolis herbages verdoyants encadrés de petites collines boisées. Je suppose qu’avec Jérôme nous avons eu une transmission de pensée et le même plaisir à être là dans ce cadre vert et reposant car comme un seul homme et au même instant, nous avons décidé de stopper pour prendre un petit en-cas. Pendant cette courte pause, deux randonneurs sont passés devant nous et depuis le premier jour où nous avions croisé un groupe au Col Saint-Jean et les deux espagnols criards d’Eus, nous n’en avions pas rencontré d’autres. Ils nous ont salué puis finalement ils se sont arrêtés et chacun y est allé de la description de son propre périple. Les deux hommes avaient démarré de Port-la-Nouvelle, ils marchaient depuis plusieurs jours et effectuaient le Sentier Cathare avec la ferme intention d’atteindre Foix d’ici quelques jours. Ils étaient très étonnés d’apprendre que nous effectuions le Tour des Fenouillèdes car s’ils avaient rencontré des panonceaux mentionnant ce tour, il ne le pensait pas réalisable, n’ayant jamais vu d’informations ni sur Internet ni sur aucun topo-guide. Je leur confirmais qu’ils avaient parfaitement raison mais que je m’étais chargé moi-même de tout organiser. Une fois encore, ils étaient assez surpris car pour leur « Sentier Cathare en liberté », ils disaient être « inévitablement » passés par un tour-opérateur. Je n’ai pas voulu les décevoir en leur disant qu’un tour-opérateur n’était peut-être pas nécessairement obligatoire pour randonner en France et nous en sommes restés là. Bien que depuis Malabrac la déclivité avait été évidente, elle avait été plutôt douce et voilà qu’à l’approche de la Bergerie de la Couillade, elle se faisait légèrement plus sévère mais pour quelqu’un qui sait lire une carte IGN et qui s’intéresse un peu à la toponymie, il n’y avait rien de plus normal à cela. En effet, quand on sait qu’une « couillade » est dans la toponymie pyrénéenne un col large et herbeux, mot que l’on peut rapprocher de la « collada » catalane, quoi de plus normal que l’on y grimpe. Une fois ce col atteint, nous sommes arrivés devant les ruines d’une grande habitation et de quelques autres plus réduites, c’était la Bergerie. Ici, un petit sentier a basculé dans une vaste pelouse herbeuse où quelques vaches disséminées paissaient deci delà. Je connaissais bien ce secteur pour y être déjà venu à différentes reprises soit avec comme objectif, le Bugarach ou bien encore le Roc Paradet. Je connaissais donc très bien ce collet de la Couillade et quelques autres cols ainsi que tous ces sentiers qui circulent dans ce secteur. Sauf un je l’avoue, celui intitulé le « Chemin du Facteur » que je voyais sur des panonceaux et que je me promettais de faire un jour. Je n’étais donc pas dépaysé quand nous sommes arrivés au hameau oublié et ruiné de Campeau. Il était exactement 11h45 et nous y avons fait une longue halte presque impromptue, à la fois par curiosité mais surtout invités par nos appareils photos à mitrailler tout ce joli coin que Jérôme ne connaissais pas. Nous ne souhaitions pas vraiment y stopper plus longuement mais la beauté du lieu nous avait arrêtés avec une éclatante logique. J’ai donc proposé à Jérôme de déjeuner ici mais il n’avait pas vraiment faim et préférait clairement poursuivre le parcours. Après discussion et un coup d’œil sur la carte, nous avons décrété que le Roc Paradet qui n’était plus très loin maintenant serait notre point de chute pour le pique-nique d’aujourd’hui. Mais pour l’atteindre, nous avons mis encore trois quarts d’heures car il faut bien le dire ce tronçon commun au GR.36, au Tour des Fenouillèdes et au Sentier Cathare avec quelques variantes possibles est une véritable invitation à la flânerie. D’abord le parcours n’incite pas à une course effrénée car il est loin d’être plat et facile avec quelques pentes et bosses qui se succèdent jusqu’à la déclivité plus raide montant au Roc. Ensuite, car dans cette montée, le regard embrasse les premiers vrais panoramas très lointains de la journée et les arrêts deviennent inévitables. Il était exactement 13h30 quand nous avons atteint le sommet du Roc Paradet (900 m). Ce dernier offrant de grandes et belles vues sur une immense partie du pays Fenouillèdes et des Corbières et bien plus loin encore de la Méditerranée jusqu’aux Pyrénées Audoises et Ariégeoises, nous y sommes restés pendant plus d’une heure à la fois pour y déjeuner mais pour nous y reposer aussi car les organismes en éprouvaient le besoin. Depuis le Paradet, nous apercevions Saint-Paul-de-Fenouillet tout en bas dans la vallée et ainsi, nous prenions conscience que la ligne d’arrivée était encore très loin. Elle était d’autant plus loin que le Relais des Corbières où j’avais réservé se trouvait complètement à l’est de Saint-Paul, sur la D.117 qui se dirigeait vers Maury. Il était donc important de recharger nos accus si l’on voulait terminer convenablement cette étape. Nous avons quitté le Roc Paradet par une piste caillouteuse qui, rectiligne, est descendu quelques temps puis l’itinéraire a tourné à gauche en direction du Pla de Lagal. Là, une fois les ruines des bergeries éponymes atteintes, l’itinéraire est reparti immédiatement à droite montant dans une végétation de type garrigues mais où l’essentiel des arbres étaient d’abord des arbousiers et surtout des chênes verts ou kermès. Blotti sous l’un d’entre-eux et au bord du sentier, nous avons été très étonnés de trouver un mémorial sous la forme d’une petite stèle surmontée d’un croix. Celle-ci rendait hommage à un certain Moulins, instituteur à Camps (Camps-sur-l’Agly) qui était mort ici en janvier 1881. J’ai lu sur un forum Internet que cet homme serait mort de froid au cours d’une tempête de neige pour être allé chercher du secours à Saint-Paul de Fenouillet pour un enfant malade de Camps mais je ne peux pas vous garantir l’authenticité de cette histoire. Un héros en quelque sorte et qui mérite amplement cette stèle si l'histoire est vraie. Le sentier est arrivé au sommet d’un collet et il a basculé, commençant à descendre en pente douce en suivant un large plateau offrant de très belles vues sur la Serre de la Quille, sur les vallées de la Boulzane et de Maury et sur le long Synclinal de Saint-Paul. Les « contrails » ou « chemtrails » de ce matin que j’avais carrément oubliés depuis, s’étaient transformés au fil du temps en de grandes bandes laiteuses qui s’étaient plus ou moins rejointes et mélangées. Ce ciel crayeux semblait s’ajouter à la chaleur ardente et ça me donnait l’impression d’une atmosphère lourde difficilement respirable. Cette difficulté à respirer était-elle réelle ou subjective au regard de tout ce que j’avais pu lire au sujet de ces étranges « contrails » ? Je n’aurais su le dire mais en tous cas, il faisait désormais très chaud et de surcroît, j’avais, depuis le Roc Paradet, terminé mes trois litres d’eau que j’avais pourtant emportés pensant qu’il me ferait assez aisément la journée. Je commençais donc à souffrir très sérieusement d’un manque évident de liquide car de temps en temps, mes mollets se tétanisaient sous la forme de petites crampes douloureuses mais par bonheur furtives. Heureusement, Jérôme buvait comme un chameau dans un désert et il m’offrit gentiment de son eau ce qui, ajouté à quelques raisins et quelques arbouses bien mûres mais pas vraiment juteuses, me permit de terminer convenablement cette étape. Au passage, j’ai noté quelques panonceaux indiquant des randonnées au départ de Prugnanes. Des randonnées au nom parfois joli comme le Rêve de Sylvain ou le sentier des Grottes mais à faire impérativement avec de bonnes chaussures de randonnées avec des tiges bien hautes et des semelles bien crantées tant les sentiers sont par ici très caillouteux pour ne pas dire « tord-chevilles » à l’extrême. A cause de très nombreux éboulis, ce « tord-chevilles » n’a fait que s’accentuer mais avec la prudence qui était de mise sur de tels sentiers, nous avons fini néanmoins par arriver au Col de Lenti (382 m) sans aucune entorse. Là, Jérôme et moi, nous avons poursuivi tout droit vers Saint-Paul alors qu’en réalité le vrai itinéraire du Tour des Fenouillèdes continue sa route en direction des magnifiques gorges de Galamus et de son joli ermitage dédié à Saint-Antoine. Bien que nous connaissions ces fameuses Gorges de Galamus par cœur pour les avoir sillonner à pied, en vélo et en voiture maintes et maintes fois, nous aurions sans doute accepté ce petit détour mais le problème était que, tout comme le G.R.36 et le Sentier Cathare, l’itinéraire du Tour des Fenouillèdes monte encore vers le Pech d’Auroux situé à 940 m d’altitude et selon deux variantes possibles que j’ai eu l'occasion de décrire sur mon blog « Mes Belles Randonnées Expliquées ». Alors que le G.R.36 et le Sentier Cathare poursuivent leur route vers Peyrepertuse et sa célèbre forteresse, les deux variantes du Tour des Fenouillèdes se rejoignent au Pla de Brézou avant de redescendre sur Saint-Paul-de-Fenouillet. Or, ces collines et le Pech d’Auroux en particulier, nous les connaissions également par cœur et je ne voyais donc aucun intérêt à faire cette longue et difficile boucle qui aurait nécessité une journée supplémentaire de marche et aurait engendré des frais additionnels. Voilà les raisons pour lesquelles, j’avais fait l’impasse sur les Gorges de Galamus et ce tronçon du Tour des Fenouillèdes et pourquoi nous prenions directement ce tronçon qui va du Col de Lenti à Saint-Paul-de-Fenouillet. Nous avons vu arriver les premiers vignobles de Saint-Paul avec la satisfaction du devoir accompli mais pourtant nous n’étions pas au bout de nos peines car plusieurs kilomètres restaient encore à parcourir et cette fin d’étape était plutôt longue pour mes vieilles jambes endolories et ankylosées par le manque d’eau. Heureusement, quelques grapillonnages sont venus palier ce manque de liquide. L’arrivée a été d’autant plus difficile que le secteur est très bosselé. Heureusement, une fois encore, j’ai été suffisamment distrait par les paysages et quelques éléments extérieurs pour ne pas trop penser à mes douleurs. Un gentil petit chien roux était sorti de son chenil et s’était mis en tête de suivre Jérôme pour lui faire des fêtes. La scène dura ainsi quelques temps avant que nous comprenions qu’il en avait surtout après un sachet de déchets alimentaires qui pendait au sac à dos. Puis, peu de temps après, en arrivant près d’un passage à niveau, ce fut le Train du Pays Cathare et des Fenouillèdes qui nous a coupé la route. Nous sommes restés plantés là quelques minutes à regarder le joli petit train rouge et échangeant quelques « coucous » avec plusieurs passagers. Mais Saint-Paul était déjà là avec sa très jolie collégiale qu’ici tout le monde appelle Chapitre et son église du 14eme siècle dédiée à Saint-Pierre et à Saint-Paul bien évidemment. Mais une fois encore, la fatigue aidant et le parcours ne passant pas à proximité de ces monuments, nous en avons fait l’impasse. Nous avons poursuivi la D.117 échappant ainsi aux vieilles ruelles dont j’aurais préféré la découverte et nous sommes arrivés au Relais des Corbières où nous avons été chaleureusement accueillis d’abord par la patronne puis un peu plus tard par le patron qui s’afférait déjà en cuisine. Il était bientôt 18 heures et aujourd’hui, nous étions restés neuf heures trente sur les chemins du Tour des Fenouillèdes. Une fois encore, nous avons profité de la soirée pour nous reposer un peu même si l’envie me démangeait de partir visiter Saint-Paul. Mais il était déjà tard, la ville plutôt éloignée, les monuments sans doute fermés et ce que ma tête désirait mes jambes le refusaient presque catégoriquement. Je suis néanmoins sorti devant l’hôtel mais la D.117 très passagère passait à quelques mètres seulement et ça n’avait rien d’agréable et je ne m’y suis pas trop attardé. Je me suis donc contenté de regarder le ciel quelques minutes et j’étais plutôt content car il était très bleu et très dégagé au dessus de Saint-Paul. Au loin, du côté de Caudiès, les « contrails » aperçus ce matin s’étaient agglutinés les uns aux autres et formaient une nappe dense et blafarde. A l’opposé, du côté de Maury, quelques pâles traînées blanchâtres de condensation subsistaient coupant la vallée transversalement et je ne pouvais m’empêcher de penser : « Est-elle vraiment terminée cette vadrouille avec les chemtrouils ? ».
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Par gibirando le 28 Février 2015 à 19:13
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5eme étape : St-Paul-de-Fenouillet -Trilla
27 km- Dénivelé 296 m – Montées cumulées 1.866 m
Point culminant 480 m au col de Lesquerde
-Une « Vadrouille sans embrouille ».
J’avais appréhendé la proximité de la D.117, mais notre chambre ne donnant pas sur la route, la nuit avait été douce et reposante. Hier soir, le repas au restaurant de l’hôtel, intitulé « la Garrigue », avait été succulent à tous points de vue et nous nous étions régalés avec une excellente salade catalane, de merveilleuses saucisses également catalanes et une très bonne glace spécialement concoctée par la patronne, sans doute catalane elle aussi, le tout accompagné d’un excellent rosé de pays, catalan bien sûr. Comme quoi, on peut être dans la capitale des Fenouillèdes, d’origine et de langue occitane et aimer la cuisine catalane et pour notre bonheur, c’était l’exemple parfait d’une union « régionaliste » que nous trouvions entièrement réussie. Après cet excellent souper, nous n’avions pas traîné à table et une fois encore j’avais passé une bonne partie de la soirée à analyser l’étape du lendemain. Je l’avoue, je la redoutais beaucoup à la fois par sa distance avec encore 27 kilomètres selon mon tracé, mais aussi car je la considérais comme l’étape la plus difficile de toutes. En effet, ce n’était pas la peine d’être un sherpa, ni d’avoir traversé l’Himalaya, pour être conscient de cela et il suffisait de regarder le profil du tracé pour en être convaincu. Cette étape avait un dénivelé plutôt modeste de 296 mètres, le point le plus bas étant l’aqueduc d’Ansignan à 184 mètres et le plus haut, le Col de Lesquerde à 480 mètres. Par contre, cette étape était la deuxième en terme de montées cumulées avec plus de 1.860 mètres après celle qui nous avait mené de Caudiès à Sournia, qui elle nous avait contraint à enchaîner plus de 1.950 mètres de déclivités. Ici le dénivelé ne signifiait rien et de véritables montagnes russes nous attendaient, des petites montagnes certes mais qui n’avaient de surcroît rien à voir avec les sentiers bosselés mais agréables et herbeux des cols de Benta Fride ou de l’Espinas ou avec les pistes forestières très « roulantes » de l’ancienne forêt royale de Boucheville. Non, ici, nous allions être essentiellement confrontés aux « caillasses » calcaires et aux lauzes schisteuses des serres du Bas-Fenouillèdes. Or, c’était aussi la dernière étape et nous allions quand même l’accomplir avec des organismes un peu éreintés par les longueurs successives des étapes précédentes. Un seul point positif tout de même dans cette longue liste d’inconvénients à laquelle il fallait ajouter la prévision d’une journée très chaude, nous n’étions pas tenu à un horaire et à un impératif d’arrivée. Notre voiture nous attendait à Trilla et nous avions toute la journée voire tout le temps qu’il faudrait pour l’atteindre. Le petit déjeuner pris sur la terrasse de la Garrigue avait été dans la continuité du repas d’hier soir, copieux, excellent et tonique. Nous avons réglé la note somme toute très correcte de 100 euros tout compris pour nos deux demi-pensions et avons pris la direction de Saint-Paul de Fenouillet sous un ciel d’une pureté extraordinaire et sous un soleil déjà bien chaud. Il était 9 heures. Ce matin, nous avions bien tentés de nous alléger au maximum en nous débarrassant de tout ce qui nous paraissait superflu du style emballages inutiles, sachets vides, morceaux de cartes IGN ne présentant plus d’intérêt, etc…, mais nos sacs à dos ne s’étaient pourtant guère allégés. Il faut dire que nous avions encore largement à manger pour la journée et même au-delà, et nous avions décidés de n’acheter que quelques fruits et un peu de pain pour confectionner des sandwichs. A Saint-Paul, la première boulangerie a été la bonne et en plus du pain, nous avons acheté pour nos proches, quelques sachets des fameux croquants de Saint-Paul. Nous avons profité de ce retour à Saint-Paul pour arpenter quelques jolies ruelles et faire le tour de l’église paroissiale. En ce qui concerne le Chapitre, nous avons fait l’impasse de sa visite car il était beaucoup trop éloigné à notre goût et surtout pas dans la direction de l’itinéraire que nous devions prendre. En effet, nous avions aperçu le balisage ce matin et nous devions reprendre la D.117 à nouveau en sens inverse et direction Maury puis la rue dite de Lesquerde à la sortie du bourg. C’est ce que nous avons fait vers 9h20 en quittant Saint-Paul puis en empruntant l’asphalte jusqu’à la déchetterie. Là, la rue est devenue piste sur quelques mètres puis un étroit sentier a pris le relais en montant immédiatement dans un maquis dominé par la longue Serre calcaire de l’Artigue del Baurien. Ici, les paysages sur la Vallée du Maury étaient très verdoyants mais c’étaient surtout les vignobles qui prédominaient formant un patchwork de formes dissemblables. De l’autre côté, de la vallée, la longue Serre de Maury étalait ses falaises bigarrées de blanc et de vert et faisait le pendant avec celle que nous étions entrain de chevaucher. Le sentier, s’est mis à grimper dans une végétation plutôt disparate où s’imposaient toujours les chênes verts. Il a commencé par grimper doucement puis ensuite plus abruptement au fur et à mesure que nous approchions du Col de Lesquerde (480 m). A 10h10, nous avons atteint ce col avec de superbes panoramas sur les deux versants de la Serre et par là même, sur une immense partie du pays Fenouillèdes. Ici, du côté de Lesquerde, les coteaux viticoles étaient moins nombreux et le vert clair des vignobles laissait la place aux verts plus sombres des forêts. Il faut dire que nous étions désormais dans le Bas-Fenouillèdes avec une succession de collines verdâtres entrecoupées parfois de minuscules vallons où se blottissaient quelques petits villages aux toitures rouges. Au loin, coiffant toutes ces petites croupes, le seigneur Canigou régnait en maître. Le hameau de Lesquerde était déjà à nos pieds, tout proche semblait-il, avec son étonnant rocher noir comme surgit des entrailles de la terre. Le rocher dominait le centre du village tel un véritable donjon naturel. Dans le lointain, on devinait Trilla dans une cassure que formait la rivière Agly mais en raison de la distance qui nous en séparait, on préférait ne pas trop y penser. Une demi-heure plus tard, nous sommes entrés dans le village de Lesquerde que nous avons trouvé très joli et propret avec sa jolie église orange et ses belles façades colorées. Ici, le Rocher vu d’en dessous, paraissait moins imposant mais plus noir et plus ferreux, mais quoi de plus normal puisqu’il s’agissait ni plus ni moins que d’un gros bloc d’hématite brune, minerai composé d’oxyde de fer. Par la rue principale, Lesquerde fut très vite traversé et nous étions déjà de l’autre côté du village en surplomb d’un petit bassin planté de quelques vignes mais où l’espace était surtout occupé par le maquis et des carrières. Nous avons poursuivi la D.19 sur quelques mètres puis le balisage jaune et rouge nous a indiqué de la quitter pour descendre en empruntant un étroit sentier qui côtoyait une carrière de gypse. Ici, le commun des mortels aurait normalement du trembler au sens figuré bien sûr car au sens propre, nous aurions vraiment tremblé pour de bon, si nous avions été là le 18 février 1996 à 1h45 GMT. En effet, peu de gens le savent mais c’est ici sous cette carrière de gypse que l’on a localisé l’épicentre du plus violent séisme que la France n’ait jamais connu. Ce jour-là, à 7 kilomètres de profondeur, battant des records, la terre avait tremblé avec une magnitude 5,6 selon le RENASS, Réseau National de Surveillance Sismologique Etait-ce la raison pour laquelle Jérôme semblait vouloir quitter ces lieux si rapidement et s’était trompé de sentier partant à gauche en direction d’un cimetière. Non, pas vraiment car à l’époque et pas plus que moi, Jérôme n’avait connaissance de cet événement et c’est seulement la distraction ou la négligence qui le fit partir dans cette direction alors que son GPS dormait au fond de sa poche. Heureusement je veillais au grain et j’avais vu que le balisage traversait la piste pour partir à l’opposé toujours en descente. Le sentier s’est mis à filer dans le maquis, est descendu au fond d’une minuscule ravine puis soudain, il s’est mis à remonter de manière abrupte dans une zone rocailleuse et rocheuse dominant la vallée de l’Agly. Ici, une haute barrière minérale, le Serre de Cors se dressait sur notre route mais pourtant le sentier semblait vouloir y monter et s’y diriger sans dévier. Nous montions toujours vers elle sur une déclivité qui se faisait toujours plus coriace. Une fois encore, Jérôme avait pris pas mal d’avance et quand enfin, j’ai atteint cette haute falaise, je l’ai aperçu au sommet d’un piton rocheux. Ce piton rocheux s’avançait sur la vallée et dominait l’ensemble des décors. A ce collet, nous avons fait une brève pause avec quelques fruits secs et une barre de céréales et nous sommes repartis sur une étroite sente dont les marques jaune et rouge du balisage devenait de plus en plus difficile à repérer. Ce qui devait arriver arriva. Nous avons perdu définitivement le balisage dans un dédale d’éboulis et de pierriers et de minuscules camis que formaient les petits buissons de la garrigue. Il n’y avait plus aucun itinéraire principal et toutes les sentes que nous prenions se ressemblaient. Même avec le GPS et la carte, nous n’arrivions pas à retrouver l’itinéraire du Tour des Fenouillèdes et Jérôme a finalement décrété qu’il valait mieux continuer à monter vers le sommet de la serre. Autant le dire, depuis notre départ, cette situation ne s’était jamais produite et nous étions entrain de galérer comme jamais. En tous cas, dans ces éboulis très pentus et caillouteux, moi, je ressentais le poids de mon sac à dos comme jamais depuis le début. Pendant que j’essayais de m’élever, mon sac à dos, lui, semblait vouloir redescendre et me tirait systématiquement en arrière. Cet effet s’accentuait avec les petits graviers qui roulaient sous mes godillots. Pour trois pas en avant, j’avais le sentiment d’en faire deux autres en arrière. Sous l’effort produit, je transpirais toute l’eau de mon corps. Tout en montant, nous avons fini par retrouver quelques marques jaunes d’un très vieux balisage et ce sentier quasiment invisible finit par déboucher à un nouveau collet où une large piste démarrait. La partie la plus « méchante » semblait finie et pendant que je poussais des « oufs » de soulagement et tentais de reprendre mon souffle, Jérôme n’arrêtait pas de consulter son GPS. Il avait beau regarder et me dire que le tracé du tour n’était pas très éloigné, j’étais convaincu que nous avions loupé quelque chose. N’ayant plus d’autres choix, nous avons emprunté ce large chemin, qui par bonheur, se dirigeait vers Saint-Arnac et une route bitumée que nous apercevions en contrebas. Nous avons rapidement atterri sur cette route mais pour être honnêtes, nous ne savions plus où nous étions. Depuis le départ, c’était la première fois que l’on s’égarait. Pourtant, quand nous avons rallumé nos GPS respectifs, ces derniers nous indiquaient très clairement que nous étions sur le tracé du Tour des Fenouillèdes mais fallait-il descendre ou remonter cette route D.77 ? Nous avons commencé à la redescendre mais nous ne trouvions toujours aucun balisage. Une fois encore, la carte IGN est venue à notre secours et un simple coup d’œil sur celle-ci et nous avons compris qu’il fallait la remonter. Très clairement, en regardant cette carte, nous avons constaté que nous avions perdu le balisage du côté de la Serre de Cors, sans trop savoir pourquoi d’ailleurs, mais heureusement ça avait été un moindre mal car cette sente que nous avions empruntée dans les éboulis, elle aussi figurait sur la carte sous la forme de petits pointillés. Il était midi passé et je l’avoue, d’avoir ramé ainsi, ça m’avait littéralement « coupé les jambes ». Il était donc temps de s’arrêter et nous avons décidé d’un commun accord de déjeuner ici, au bord même de la route car il y avait une large esplanade pour le faire. Nous y sommes restés un peu moins d’une heure puis avons remonté la D.77 où nous avons enfin retrouvé le balisage jaune et rouge du Tour du Fenouillèdes au col de Lacroux. Là, une nouvelle piste terreuse a démarré avec de très jolis vues sur Saint-Arnac et la Serre de Vergès vers laquelle l’itinéraire semblait se diriger. Sur notre gauche, par-dessus les vignes, les pales d’une éolienne étaient entrain de tourner. Dès la première bifurcation, l’asphalte a remplacé la terre de la piste et bien que ne doutions pas de la direction à suivre grâce aux tracés enregistrés dans nos GPS, nous rencontrions enfin, un implicite panonceau indicatif de randonnée. C’était le vrai premier panonceau depuis notre départ ce matin et il nous rassurait définitivement : « Balcon du Fenouillèdes – Ansignan - 4 km - 1h10 ». Depuis ce chemin qui montait tout en douceur, les vues étaient plutôt jolies. Une fois encore, en voyant au loin sur notre gauche, la longue forêt de Boucheville, droit devant le Pech de Fraissinet avec à ses pieds le col de Tulla et sur la droite celui de Bugarach, nous pouvions très facilement appréhender les distances et surtout l’incroyable chemin parcouru depuis ces derniers jours. L’itinéraire a zigzagué un peu, nous avons laissé sur la droite le monumental Roc de Vergès puis le chemin a entamé une descente où dans la ligne de mire apparaissait au loin la Tour de Lansac. Nous avons longé des carrières mais des carrières, nous en avions aussi en surplomb et plus loin sur notre gauche, du côté de Lansac. Ici, les paysages les plus proches étaient constitués de petits ravins et de hautes terrasses blanchâtres en forme de cicatrices inaltérables malgré une végétation qui tentait parfois de reprendre ses droits. Heureusement ces plaies faites à la nature ont disparu très vite et ont laissé la place au magnifique vallon de l’Agly. Ici, l’intitulé « Balcon du Fenouillèdes » prenait son véritable sens et nous avions une très belle vue sur le large vallon et sur son lac, dont nous ne distinguions malheureusement que quelques petites parties bleutées et encore que très rarement. Au dessus de lui, sur un vaste plateau, notre ligne d’arrivée bien qu’encore très lointaine se faisait déjà plus précise et nous distinguions désormais les habitations de Trilla. Puis au moment de quitter la piste, ce fut au tour du très beau village d’Ansignan d’apparaître dans le vallon. Peu après, le début du lac est apparu à son tour, tel un grand fleuve calme et majestueux. La descente dans cette Garrigue de Roque Rouge était bien trop longue à notre goût. Mais quand les hurlements et les vociférations de chiens enfermés dans un grand chenil se sont mis à retentir rompant le silence dans lequel nous nous dandinions depuis Saint-Arnac, nous avons pris conscience que nous en étions arrivés au bout. Nous avons traversé quelques vignes, longé des vergers et quelques champs en jachère pour parvenir à l’extraordinaire aqueduc d’Ansignan. Bien que le connaissant déjà, j’ai une fois encore été fasciné par cet édifice. Je lui trouvais quelque chose de magique et de mystérieux, de fuselé, de gracieux, de délicat mais en même temps, il dégageait une incroyable force et une robustesse évidente, tout dépendait sous quel angle on le regardait. De ce fait, je n’étais pas mécontent de voir que Jérôme avait envie de s’ y attarder plus longuement que je ne l’avais imaginé. Il n’hésita pas une seule seconde à se déchausser et à tremper ses pieds échauffés dans le courant de l’aqueduc, là où il y avait des grilles de sécurité. J’ai fait de même mais dans le petit canal faisait le lien entre l’Agly et l’aqueduc, ce qui me permettait de casser la croûte avec les pieds dans l’eau, tout en étant assis. Mon sandwich terminé, j’ai fini par le rejoindre dans le chenal de l’aqueduc. Le courant de cette eau glacée et cristalline qui coulait sur mes pieds endoloris par les kilomètres avait un effet revigorant et peut être même thérapeutique car mes orteils et mes chevilles semblaient vouloir se dégonfler. Nous sommes restés plus de trois-quarts d’heures à nous rafraîchir, à nous reposer et à nous restaurer profitant de ces instants de bonheur pour prendre de nombreuses photos. Si ce long arrêt avait un effet très bénéfique sur nos pieds et nos mollets, la thérapie s’arrêtait à la hauteur de nos genoux et le reste de nos organismes commençait sérieusement à s’épuiser, en tous cas, c’était indéniablement mon cas. Selon nos estimations, il restait au bas mot plus de 8 ou 9 kilomètres à parcourir et l’analyse que j’en avais faite hier soir m’avait convaincu que ce ne serait pas les kilomètres les plus faciles. La suite me prouva que j’avais largement raison. Dès le départ de l’aqueduc, l’itinéraire s’est mis d’abord à grimper vers le village que nous avons traversé très rapidement car la rue principale était déserte et rien à nos yeux ne présentait un intérêt suffisant pour que l’on s’y attarde or mis bien sûr ce gigantesque et impressionnant platane, Arbre de la Liberté qui avait été planté là en 1848, au bord même de la rue principale. Ah la liberté ! Lors de randonnées sur une journée, il m’était assez souvent arrivé de m’arrêter devant un monument aux morts ou bien encore de visiter de vieux cimetières et d’y retrouver de vieilles pierres tombales de jeunes soldats morts en 14/18 ou en 39/45. Dans ces lieux, on retrouvait assez souvent la phrase « morts pour la France » mais j’ai toujours pensé que l’on aurait du y rajouter systématiquement « morts pour la France et mort pour la liberté ». A cet instant et en regardant ce grand platane, mes pensées allèrent vers ces gens-là car j’avais conscience de leur être redevable de cette liberté dont je jouissais pleinement aujourd’hui. La liberté, pour Jérôme et moi, c’était d’avoir pu faire ce que nous avions eu envie de faire, d’avoir pu le faire quand nous le voulions et à l’instant même de le faire comme nous le faisions ! Là, quand on pense à ce genre de choses, comment ne pas être reconnaissants à tous nos aïeux qui sont morts pour que nous soyons libres. Sans doute à cause de l’effort qu’il restait à faire pour parvenir à Trilla, en tournant le dos à cet arbre, mes pensées s’envolèrent, aussi fugitivement qu’elles étaient venues. L’itinéraire très bien balisé est passé devant la cave coopérative vinicole et nous a très vite entraîné hors du village pour entrer de plein pied d’abord dans une pinède puis grâce à une bonne piste dans une forêt de chênes où, sous un cagnard torride, le moindre ombrage était forcément le bienvenu. Malheureusement, la piste ombragée a très rapidement laissé la place à un petit sentier qui est entré dans une garrigue bien plus brûlante encore. Le sentier a traversé des vignes qui l’étaient tout autant et a fini par atterrir sur une nouvelle piste que nous avons quittée encore plus vite que la première. Depuis le départ de l’aqueduc, les vues et les panoramas étaient superbes sur Ansignan et sur les collines environnantes et pour cause, car l’itinéraire ne cessait jamais de grimper et nous nous étions élevés pratiquement sans arrêt. Là, à partir de cette nouvelle intersection, un sentier tout en balcon s’est mis à redescendre en direction des Albas, minuscule hameau composé de quelques habitations que nous apercevions tout en bas, au fond du vallon de la confluence des rivières Désix et Matassa. Lors de l’organisation de ce Tour des Fenouillèdes, j’avais trouvé sur Internet le téléphone d’un gîte ayant existé dans ce hameau mais malheureusement la propriétaire m’avait confirmé qu’elle avait arrêté son activité depuis plusieurs années. Pour l’existence même de ce Tour des Fenouillèdes, j’avais trouvé cela très dommageable car sur le parcours, ce gîte avait été quasiment le seul entre Saint-Paul de Fenouillet et Sournia, les autres possibilités d’hébergements étant soit trop onéreuses pour de simples randonneurs tel que nous, soit trop éloignées du tracé. Enfin, c’était désormais ainsi et personnellement, je n’avais pu organiser ce Tour, avec un certain équilibre dans la longueur des étapes, qu’en fixant un départ depuis Trilla et en décidant de camper à Eus comme nous l’avions fait le premier jour. Le sentier tout en descente s’est terminé sur la D.619, à l’entrée même des Albas. Nous sommes passés devant des habitations dont l’une d’entre-elles avait une bien étrange clôture faite de cercles métalliques sur lesquels avaient été soudés une multitude d’outillages divers et variés ainsi que de nombreux ustensiles. Cet ensemble était très artistique et je lui trouvais même un petit côté tout fou, presque « dalinien » ou du style Marcel Duchamp. En tout cas, c’était du « réutilisme » dans toute sa splendeur et les photos s’enchaînèrent elles aussi. Nous avons poursuivi la D.619 mais nous avons perdu une fois de plus le balisage du Tour du Fenouillèdes et avons été contraints d’allumer nos GPS. L’itinéraire n’était pas très loin mais malgré ça, nous ne retrouvions pas le tracé et le balisage. Heureusement et une nouvelle fois, la carte IGN était là pour prouver sa nécessité. La carte nous indiquait clairement que le sentier partait à gauche vers la rivière peu après les habitations et un virage en épingle à cheveux que formait la route mais nous avions un mal fou à penser que ça pouvait être ici tant le coin était boisé et surtout embroussaillé. Il y avait du bois et des branches un peu partout comme si la rivière avait été en crue récemment. Il y avait bien un semblant de chemin parallèle à la départementale mais nous n’arrivions pas à trouver de marques de peinture. Jérôme s’est quand même dirigé vers la rivière en s’engouffrant dans le bois et il m’a demandé de l’attendre là au bord de la route. Au bout de quelques minutes, je l’ai entendu crier et me dire qu’il avait retrouvé le balisage un peu plus haut en amont de la Désix. Car ici, c’était bien la rivière Désix que nous allions franchir, celle-là même que nous avions traversée à Sournia devant le joli petit lac de la résidence de vacances du Moulin. Il y avait peu d’eau et le passage à gué sur quelques pierres était si facile qu’une fois encore nous n’avons pas pu résister à l’appel de cette eau si claire et si fraîche qui coulait sous nos pieds. Une nouvelle fois, c’était un plaisir de déposer nos sacs, de délacer nos chaussures et de tremper nos pieds échauffés dans le courant car après tout, deux heures s’étaient déjà écoulées depuis que nous avions fait de même à l’aqueduc d’Ansignan. Les bananes achetées ce matin et les derniers fruits secs tirés de mon sac à dos ont fait les frais de ce nouvel arrêt puis nous avons repris le sentier dont le tracé et le balisage étaient peu évidents à trouver dans ce bois touffu du nom de Camounxio. De toute évidence, aucun randonneur n’était passé par là depuis très longtemps et ce sentier méritait un sérieux débroussaillage. Ce court tronçon me confirmait ce dont je me doutais un peu, à savoir que ce Tour des Fenouillèdes était peu fréquenté voire quasiment délaissé dans les coins les plus reculés comme c’était le cas ici aux Albas ou bien près de la Serre de Cors où nous nous étions égarés ce matin. A nouveau, le sentier s’est mis à grimper et en quittant ce bois de feuillus, il est devenu à nouveau plus distinct. Sur ce sentier très étroit et dans cette végétation plus rase constituée de petits chênes, de buis et de bruyères arborescentes, nous avions l’impression de marcher dans un labyrinthe tel qu’on peut en voir dans certains jardins d’agrément. Tout en bas, nous apercevions le vallon de la Désix, la D.119, les Albas où s’élevaient les ruines de ce qui semblait être le donjon d’un vieux château en partie ruiné. Les marques de peinture jaunes et rouges se firent plus visibles et tout en montant ce bon dénivelé vers le Roc de Terre Blanco, nous étions désormais convaincus d’être dans la bonne direction. Mais nos certitudes n’ont pas fait long feu car après cette redoutable montée, nous sommes arrivés sur un plateau planté de vieilles vignes rabougries et délaissées où de nouveau, nous avons perdu le balisage. Nous avons décidé de nous séparer en deux car le vieux vignoble était entouré d’anciens murets de pierres sèches et j’ai pensé que s’il y avait des marques de peinture, elles seraient sans doute peintes sur un de ces murets. Jérôme est parti à gauche et moi à droite du champ que nous avons longé jusqu’au bout mais sans rien retrouver. Une fois encore, nous pensions avoir perdu le tracé du Tour du Fenouillèdes mais cette traversée du vieux vignoble de Terre Blanco a finalement débouché sur un large chemin qui s’est transformé en une piste carrossable. Nous avons de nouveau retrouvé le tracé et en plus, depuis ce plateau, nous embrassions de bien belles vues à 360 degrés. Sur notre gauche, nous apercevions Ansignan, la Serre de Saint-Arnac, les carrières de Lansac et au loin les Corbières. Sur notre droite, c’était les sombres « sarrats » que nous avions gravis le premier jour du côté du Col Saint-Jean. Mais parmi, tous ces paysages, il y en avait un qui nous plaisait par-dessus tout et il était droit devant nous, c’était le village de Trilla que nous apercevions, tout proche, mais malheureusement de l’autre côté d’un large ravin. Sur la carte, que j’avais eu maintes et maintes fois l’occasion de regarder, ce ravin, c’était celui dit « de l’Homme Mort ». Pour atteindre Trilla, il fallait d’abord y descendre, le longer puis le remonter sur l’autre versant. Je ne sais pas pourquoi mais je me suis mis à avoir d’étranges pensées du style : « Comment cet homme était-il mort ? » « De mort violente ? » « Au cours d’une partie de chasse ? « En ayant marché plusieurs jours comme nous le faisions nous-mêmes ? » « En arpentant et en terminant le Tour des Fenouillèdes ? » A cette dernière question, je finis par me dire que la réponse devait être clairement « NON ». Jérôme et moi étions seulement fatigués et guère plus que les jours précédents mais en tous cas l’idée que je pourrais peut-être m’affaler sur ce chemin ne m’était jamais venue à l’esprit ! Une fois encore, nous avons quitté la piste au profit d’un petit sentier qui s’enfonçait dans la garrigue. Au bout de quelques minutes, ce sentier est arrivé à une intersection de chemins que j’ai aussitôt reconnu. Je me souvenais être passer par là avec Dany quelques mois plus tôt lors de cette jolie randonnée à la Fount del Loup et ce sentier sur notre droite arrivait directement du village de Pézilla-de-Conflent. Cette intersection m’a mis du baume au cœur car je savais désormais ce qu’il me restait à parcourir pour parvenir à Trilla. Notre ligne d’arrivée n’était plus très loin et en tous cas à moins d’une demi-heure de marche. Moi qui par habitude fait toujours de grands pas, je me mis soudain à en faire de tout petits comme si je me refusais à terminer ce périple. Cette dernière montée dans le maquis menant vers Trilla, je voulais la prendre « cool » et ainsi goûter aux derniers instants de ce bonheur que mon fils m’avait offert en acceptant de venir marcher avec moi. Nous sommes arrivés à 18h12 devant la belle église de Trilla, une photo de l’horloge que j’ai prise atteste de cette heure si précise. Nous étions sur le point de rejoindre la voiture quand soudain je me suis mis à penser que nous n’avions pris que très peu de photos où nous étions ensemble, peut-être deux, voire trois ou quatre seulement, je ne savais plus. Du coup, j’ai dit à Jérôme que j’aimerais bien que nous en prenions une toute dernière, assis sur ce banc qui se trouvait devant l’église. Il n’y avait personne pour prendre la photo alors Jérôme a enclenché le retardateur de son numérique et nous avons pris cette dernière photo, assis sagement sur ce banc devant l’église comme deux petits vieillards. Deux petits vieux qui avaient tout de même parcouru en cinq jours plus de 125 kilomètres et gravi plus de 7.700 mètres de montées cumulées, le tout et par chance, sans aucun problème physique. Ce Tour des Fenouillèdes avait été pour moi, un vrai Tour du Bonheur et je savais déjà qu’il resterait pour toujours gravé ainsi dans ma mémoire.
Il s’était déroulé si magnifiquement que j’aurais pu l’appeler une « Vadrouille sans embrouille » mais non, tout compte fait, mon idée initiale était bien plus jolie et bien plus poétique et dans ma tête, c’était déjà décidé, le récit de ce magnifique tour, je l’intitulerais « Vadrouille dans le fenouil ! »
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