Eklablog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

puyvalador

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 5 musiques d'Ennio Morricone extraites d'une complilation intitulée "Relaxing Moment". Elles ont pour titre : "C'era Una Volta Il West", "Il Colore Dei Suoi Occhi", "Nuovo Cinema Paradiso", "Irene Gli Intoccabili""Tema Di Ada"

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.

 


 

2eme étape – 12 septembre 2013 : du Refuge de la Perdrix (2.312  au gite Le Moulin à Rieutort (1.517 m) soit 17,600 km pour un dénivelé de 1.080 m et des montées cumulées de 790 m. Point culminant : Le Madres (2.469 m) – Point le plus bas : Le pont de la Farga (1.400 m)

 

Bien que Fred et Jérôme aient alimenté le poêle au maximum et le plus longtemps possible, dès lors que l’on a cessé de l’entretenir, la température a rapidement chuté. La nuit est glaciale mais heureusement nous avions prévu cette éventualité. Les sacs de couchage plus des vêtements chauds sont suffisants pour ne pas avoir trop froid. En tous cas, je ne grelotte pas et seules les extrémités de mes mains et de mes pieds réclament plus de chaleur malgré deux paires de gants, deux paires de chaussettes et des petites bouillottes portatives mais malheureusement éphémères dans la durée. Mais connaissant bien cet inconvénient circulatoire sanguin qu’on appelle « froideur des extrémités », je sais qu’il n’y a pas grand-chose à faire de plus, si ce n’est juste à surveiller dans le cas de nouveaux symptômes ou si les anciens s’amplifient. J’ose espérer que mes compagnons n’ont pas ce problème. En pleine nuit, un besoin urgent m’envoie hors du refuge et je suis assez surpris de constater qu’il ne fait guère plus froid dehors qu’à l’intérieur du refuge. Le vent est presque complètement tombé et seule une brise légère balaie la crête. Le panorama est incroyable et si ce n’était pas la faiblesse de la température, je resterais sans doute bien plus longtemps à observer cette grandiose et merveilleuse splendeur. Eclairée par un croissant de lune, une longue chape nuageuse rougeâtre s’étend devant moi, si ce n’est à perte de vue au moins jusqu’à la Méditerranée que j’aperçois comme une tache bien plus claire par rapport au reste de l’horizon bien plus sombre. Ce reste d’horizon, j’imagine qu’il s’agit sans doute des Albères et de la Plaine du Roussillon. Sous cette longue ouate nébuleuse, le ciel est très clair dévoilant la silhouette des principales montagnes que je connais et qui paraissent bien plus proches : Canigou et Coronat au premier chef. De toute la Plaine du Roussillon et venant du sol, en tous cas de sa partie visible, des millions de scintillements jaunâtres semblent s’ajouter à cette clarté céleste.  C’est très beau et pendant un instant, l’éventualité d’aller chercher mon appareil photo pour figer ce spectacle me vient à l’esprit. Mais non, je préfère rester là à contempler et surtout je ne veux pas réveiller mes amis et je zappe aussitôt cette idée. En contrebas, le lac d’Evol me démontre que sa réputation de « Gorg Negre » n’est pas usurpée.  Seul un faible croissant de lune se reflète dans ses eaux noires. Quand un nuage cache cette tranche de lune, plus rien ne luit à sa surface et tel un puits sans fond, seul le contour de ses rives boisées encore plus sombres que lui reste visible. Pour quelqu’un croyant à toutes les sornettes que l’on raconte à son propos, cette vision ténébreuse et plutôt sinistre rajouterait sans doute encore un peu plus de phobie. Moi pas. Si j’ai toujours aimé les légendes pour leurs côtés mystérieux, leurs aspects trop souvent mystiques me font plutôt rigoler. C’est le cas ici où les fables les plus farfelues, sources de profondes terreurs auprès des gens du pays sont paraît-il légions : « jeter un pierre dans ses eaux engendrerait une tempête…., les truites pêchées seraient des démons qui s’enfuiraient par les cheminées dès lors qu’on tenterait de les faire cuire…., d’incroyables trésors y seraient enfouis et tenter de les récupérer serait synonyme d’orages funestes….., ses fonds lugubres seraient le palais des diables…..des fées et des sorcières seraient à l’origine de la création des trois lacs, etc….. ». Voilà en résumé ce qu’il se raconte du « Gorg Negre » et parfois des deux autres lacs que sont le Gorg Estelat et le Gorg Bleu. Ce n’est donc pas l’appréhension qui me fait réintégrer le refuge mais seulement le froid que je trouve bien trop cinglant. Cette froidure me rappelle qu’un chaud duvet m’attend à l’intérieur. J’oublie très vite cette vision lugubre du lac et Morphée m’entraîne vers elle avec essentiellement ces superbes et étranges tableaux enluminés que j’ai eus devant les yeux. Le plus grand des bonheurs est d’avoir pu observer un panorama aussi lointain et dégagé, chose que nous n’avons jamais pu avoir depuis notre arrivée sur cette crête des Gourgs. En effet, l’horizon a été désespérément bouché par du brouillard ou des nuages qui passaient tels de longs chapelets sans fin.  Dans ma tête, je me dis que c’est peut-être les premiers indices d’une météo bien plus clémente que celle que nous avons connue hier et je m’endors avec cette bienheureuse espérance. Vers 8 heures du matin, le froid bien plus vif encore que dans la nuit me réveille. Personne n’est encore debout,  alors je reste longtemps blotti dans mon duvet à chercher en vain un peu de tiédeur. Le pire est toujours au bout de mes membres et j’ai l’impression que je ne sens plus leurs extrémités. J’attends que mes compagnons se réveillent complètement car j’en entends certains se tourner et se retourner dans leurs sacs de couchage cherchant sans doute eux aussi un peu de chaleur.  Avec le bout de tous mes doigts aussi réfrigérés et n’y tenant plus, je me lève le premier et je vois que Fred est réveillé lui aussi. La tête complètement dissimulée sous le capuchon de son sac, seul son visage apparaît et dans cet accoutrement, il ressemble à un papillon voulant s’extraire de sa chrysalide. Je sors du refuge car pour réveiller mes pieds endoloris par le froid, il faut nécessairement que je marche un peu. J’emporte mon appareil photo avec moi car j’espère que le spectacle sera aussi beau que celui aperçu cette nuit. Mais si les vues sont presque aussi lointaines toutes les couleurs ont disparu. La chape nocturne rougeâtre est désormais d’un bleu grisâtre plutôt terne et peu de lumières scintillent au loin. Seul l’horizon a de jolies nuances hésitant entre le rose et le gris. Mais je continue à trouver ça beau car dans ce jour naissant, mon regard est désormais attiré par la surface du Gorg Negre qui commence à miroiter sous les premières lueurs de l’aube. Il n’a plus rien de semblable avec le lac noir et mystérieux que j’ai observé cette nuit. Il est devenu le lac d’Evol. Tout comme hier matin à Matemale, le ciel est scindé en deux, mais cette fois les rôles sont inversés. Devant le refuge, le Conflent est chapeauté de nombreux nuages, certains très longs, gris ou blancs et d’autres plus petits et épars selon la direction dans laquelle je regarde. Derrière, c'est-à-dire vers le Capcir, un ciel encourageant semble hésiter entre un bleu dur très prometteur et un blanc laiteux que les premiers rayons du soleil ont du mal à colorer. Une fois encore, la direction à prendre est celle du beau temps et c’est encourageant même si hier je m’étais fait la même réflexion mais sans la réussite escomptée. En entrant dans le refuge, je suis néanmoins ravi d’annoncer cette excellente nouvelle à tout le monde. Fred a pris la peine de rallumer le poêle et une agréable chaleur commence à envahir la pièce. Jérôme est réveillé mais il est toujours perché sur son bat-flanc supérieur, déjà occupé à ranger son couchage.  Cathy est attablée et a entamé son petit déjeuner. Grâce à des petites boîtes de lait sucré, quelques galettes moelleuses et un jus de fruit, le mien est vite expédié et aussitôt après je me met à ranger mes affaires et mon sac à dos. Tout le monde fait de même et après un peu de ménage vite bâclé, nous sortons du refuge en file indienne, direction le pic du Madres. Un petit vent glacial s’est levé et avant de démarrer, nous jugeons utile d’enfiler nos gants et de nous encapuchonner dans nos vestes. Pendant un instant, nous longeons le bord du cirque au fond duquel nous apercevons le petit Gorg Blau (Lac Bleu) et celui plus vaste et en forme de haricot du Gorg Estelat que l’on appelle plus communément le lac de Nohèdes ou Lac Etoilé.  Ces décors ne me laissent pas indifférent. Je m’arrête un instant. En regardant ce dernier lac et ses rives, les souvenirs de ma deuxième étape sur le Tour du Coronat de 2007 émergent de ma mémoire : mon arrivée avec un groupe de vététistes espagnols, masculins et féminins. Ils avaient galéré dans les tourbières pour trouver le lac et je leur avais dit de me suivre pour accomplir les derniers mètres. Ils m’avaient demandé de les photographier avec vue sur le lac. Puis nous étions partis dans des directions opposées. Eux avaient pris la direction de l’ancien canal de Jujols alors que moi, j’avais décidé de faire le tour du lac pour partir à sa découverte. Avec mon gros sac à dos, je me souviens avoir galéré comme jamais dans les énormes pierriers de sa rive nord. Je me souviens aussi des couleurs extraordinaires que les rhododendrons roses et les flamboyants genêts composaient en se reflétant dans les eaux calmes du lac bleuté. Bleu, rose et jaune, cette incroyable palette de couleurs est toujours restée dans ma tête comme une des plus belles images de ce Tour du Coronat. Sur la rive ouest, là même où les eaux du Gorg Blau se déversent, j’avais trouvé une petite grève de sable fin avec une eau si limpide que je n’avais pas pu résister à y faire un peu de toilette. La toilette s’était rapidement transformée en une baignade dans le plus simple appareil. Un bain ô combien glacial mais nécessaire et qui m’avait définitivement revigoré et mis en forme pour le restant de la journée. Cette deuxième journée s’était poursuivie vers le lac d’Evol, le col du Portus et retour à Jujols, d’où j’étais parti la veille au matin. C’était mes deux premières étapes de ce Tour du Coronat qui allait en compter six et que j’avais intitulé « Des Merveilles au pays d’Alysse » à cause de l’ « Alyssum pyrenaicum » ou Alysson des Pyrénées, cette fleur relictuelle que l’on ne trouve que dans les falaises du Mont Coronat et nulle part ailleurs dans le monde. Les botanistes qui adorent le latin et les mots compliqués lui ont donné le nom de « Hormathophylla pyrenaica ». Voilà ce que ces deux lacs me rappellent à cet instant : des moments d’une randonnée solitaire mais merveilleuse et de surcroît avec quelques rencontres qui l’avaient rendu inoubliable. Des moments à la fois de joie et de solitude où l’on peut se remettre en question ? Qu’ai-je fait de bien et de mal ? Je me remets en route. Le lac disparaît soudain de mon regard et avec lui mes vieux souvenirs. Mes compagnons ont déjà pris pas mal d’avance. Sur la crête caillouteuse, le Madres fait son apparition avec encore un beau névé accroché à son flanc sud. Je connais bien cet itinéraire pour l’avoir déjà accompli depuis le col de Sansa et en boucle par la Coume de Ponteils et le Serrat de l’Ours. A partir d’ici, la déclivité est plutôt modeste mais dans ma tête, je me souviens de cette belle difficulté rocheuse qu’il y a entre le Roc Nègre (2.459 m) et le Madres (2.469 m) que les montagnards du cru appelle le « Malpas », c’est à dire le « mauvais passage ». Sur la carte I.G.N, elle apparaît sous la dénomination de « Clos Tort », que l’on traduit du catalan en « enclos tortueux ».  Ici, les randonneurs sujets au vertige sont priés d’oublier leur indisposition tant le sentier est étroit, abrupt et en équilibre au dessus d’un vide assez impressionnant. Je l’appréhende. J’ai déjà prévenu mes amis mais ça n’a pas eu l’air de les impressionner plus que ça. A l’approche du Clot Rodon, un isard s’enfuit devant nous et prend la même direction que celle que nous allons prendre. Il disparaît dans les rochers. Cathy, Fred et Jérôme amorcent la pente plutôt douce à cet endroit à une bonne cadence alors que mon cœur s’emballe. Mon vieux moteur diesel a un mal fou à trouver la bonne carburation. Il faut dire que la température sans doute proche de zéro ne fait rien pour m’aider et je suis vraiment frigorifié et comme toujours un maximum de froideur au bout de mes mains, de mes pieds mais de mon nez aussi. Telles de fines bougies accrochées à un sapin de Noël, de longs glaçons pendent aux branches de petits pins chétifs, c’est dire si la nuit a été froide par ici.  Je suis rapidement largué mais Jérôme s’arrête souvent pour m’attendre mais quand j’arrive à sa hauteur, le voilà qui repart et moi inévitablement, je m’arrête un peu plus longtemps pour calmer mes palpitations. Je monte à mon rythme et ce rythme-là me convient. En outre, je sais qu’après cette ascension du Madres, les descentes prendront le relais sinon jusqu’à l’arrivée au moins jusqu’à Puyvalador. Avant le sommet du Roc Nègre, Cathy et Fred sont là à m’attendre et je m’en veux un peu de savoir qu’ils m’ont attendus dans ce froid et avec ce vent polaire qui nous glacent le corps. Depuis la crête, les vues s’entrouvrent magnifiquement sur une immense partie de l’Aude et de l’Ariège. Depuis notre démarrage, un épais matelas nuageux est monté du fin fond des vallées du Bas-Conflent et c’est soudain immobilisé créant ainsi une véritable mer de nuages. Le plus épais recouvre la Vallée de la Castellane. C’est marrant car en 2007, lors de mon Tour du Coronat, j’avais connu les mêmes phénomènes climatiques lors des deux premiers jours. La première fois à Jujols et la seconde fois au campement de l’Estany del Clot, au bord duquel j’avais passé la nuit sous ma tente. J’étais très longtemps resté scotché à regarder les lents mouvements de cet extraordinaire moutonnement nuageux ressemblant aux flots déchaînés d’un océan mais qu’on aurait cru comme filmé au ralenti. Peu après ce joli spectacle, le fameux passage difficile du Clos Tort se présente. Par bonheur, il s’effectue sans problème et une fois encore, en s’engageant la première, alors qu’elle n’a aucune connaissance des obstacles qui l’attendent, Cathy démontre toute son agilité et la facilité qu’elle a à gravir les passages les plus périlleux sans aucune appréhension.  Jérôme passe en second et tout au long de l'hésitante escalade, je le suis quasiment comme son ombre. J’avoue qu’avec mon gros sac, je ne suis pas vraiment rassuré mais en tous cas, je n’ai pas le vertige.  Il faut dire que j’évite de m’arrêter pour regarder derrière moi. Fred ferme la marche et une fois les difficultés franchies, il reconnaît lui aussi que ce couloir étroit et très abrupt avec le vide sous les pieds n’est pas si commode que ça. L’arrivée de Fred au sommet est pour moi un vrai soulagement car je sais que nous en avons terminé avec les difficultés, au moins pour aujourd’hui. Pour avoir étudié la totalité du parcours du Tour du Capcir, je n’ai pas connaissance qu’il y en ait d’autres même si à proximité du lac d’Aude, un autre lieu-dit a également pour nom « Malpas ». Du coup, la suite bien plus praticable vers le Madres et son fameux orri est pour moi une quasi promenade. Ce tronçon est d’autant plus agréable qu’en contrebas, côté Vallon de la Balmette et Salt del Bourro, de nombreux isards paissent tranquillement sur les pelouses d’altitude. Voir des animaux sauvages est suffisamment rare pour que l’on passe un long moment à les observer même si le carcanet est toujours là, violent et froid. A cause de ce vent et de la distance, j’éprouve les pires difficultés à les photographier convenablement et ce, malgré la puissance du zoom de mon appareil photo. Il faut dire que la violence du vent ne me facilite pas la tâche car j’ai un mal fou à garder l’équilibre et à ne pas trembler dans mes prises de vues. En arrivant au sommet du Madres et devant l’orri qui le matérialise, je suis surpris d’apprendre que deux hommes, qui bivouaquent encore devant l’entrée, y ont passé la nuit. Sur le moment, je pense qu’avec notre « bon » poêle, nous avons été bien mieux lotis dans notre minuscule refuge. On échange quelques banalités avec eux en grignotant des fruits secs et des barres de céréales puis on immortalise notre arrivée à ce remarquable sommet par une photo de notre petit groupe. Emmitouflés comme nous le sommes, nous ressemblons à des alpinistes au sommet de l’Everest et pourtant nous ne sommes qu’à 2.469 mètres d’altitude. Il faut dire que le Madres, c’est déjà le point culminant de ce Tour du Capcir, alors c’est sans doute un peu notre Himalaya à nous. Il ne manque que la neige. Ce début de matinée venteuse et froide n’est pas étrangère à cette vision des choses mais la journée s’annonce assez magique et en tous cas conforme aux prévisions météo. Le soleil et le ciel bleu semble vouloir s’installer durablement et j’en suis le premier ravi. Les bonnes prévisions ont eu un jour de retard, voilà tout. A aucun moment, je n’ai imaginé qu’un orage puisse survenir. Les mois de juillet et d’août sont déjà derrière nous et pour moi, la saison des orages violents et fugitifs qu’il y a souvent sur ce massif est passée. Il y a quelques années, j’y ai vu tomber des flocons, de manière éphémère il est vrai, mais en plein mois d’août.  Les paysages à 360 degrés sont époustouflants même si deci delà quelques nuages épars restent accrochés à des reliefs. En contrebas, sur la Jasse de Guissotte, là même où le Ponteils prend sa source dans les nombreuses tourbières, Jérôme aperçoit d’autres cervidés. On en distingue également sur les crêtes du côté du Col des Gavaches mais avec la distance qui nous en sépare, il est impossible de discerner de quels cervidés il s’agit. Ici, il y a des isards, des cerfs, des mouflons de Corse réintroduits ou bien encore des chevreuils, encore que les chevreuils en troupeau soient assez rarissimes. Tous sont très présents dans ce massif et j’ai même lu dans un récent « Pyrénées Magazine », que le Massif du Madres est le lieu des Pyrénées où les spécialistes en ont recensé le plus : 4.000 cervidés sont présents dans le Capcir selon la revue. Quand au bouquetin des Pyrénées, il y a déjà longtemps qu’il a disparu de nos montagnes, sa chasse ayant eu raison de sa robustesse légendaire. Les bouquetins que l’on pourrait voir ont été réintroduits eux aussi comme les mouflons et les marmottes, celles visibles étant d’origine alpine et réintroduite en 1948. Oui, le Massif du Madres est un haut-lieu de la faune sauvage et il n’est donc pas étonnant qu’on y ait aperçu des ours, des loups et que les chats sauvages y soient bien présents sans compter bien sûr les sangliers et les renards roux. Nous quittons le sommet du Madres et prenons la direction de son flanc nord-ouest que l’on appelle le Serrat des Clotes. Le sentier tout en descente est très bon et file agréablement au milieu d’une végétation rase faite de minuscules bruyères et de graminées naines. Ici, les seuls arbres sont quelques pins rabougris très disséminés. Malgré la qualité du sentier peu caillouteux et tout en descente, une fois encore je suis décroché, d’abord parce que Cathy marche à un rythme incroyablement rapide mais surtout parce que le petit vent glacial qui balaie la montagne me fait constamment pleurer. Mes yeux larmoient sans cesse et de ce fait, je suis dans l’incapacité de voir où je mets mes pieds.  Jérôme qui s’arrête régulièrement pour m’attendre ne comprend pas pourquoi je marche si lentement et je suis contraint de lui demander de s’arrêter pour lui expliquer. Après les avoir freinés dans les montées, voilà que maintenant je les retarde aussi dans les descentes. Je m’en veux. A la fin d’un dôme herbeux, le grand « V » bleu du lac de Puyvalador fait son apparition au fond de la verdoyante vallée de l’Aude. Au dessus de cette profonde vallée, les forêts domaniales étalent leur longue toison olivâtre. Un peu plus haut encore, tout n’est que minéralité. Devant nos yeux contemplatifs et dans une succession sans fin de sommets plus ou moins hauts, la chaîne pyrénéenne forme l’horizon. Parmi les quelques sommets que j’ai eu l’occasion de gravir, seule la pyramide du Carlit est vraiment reconnaissable. L’été est passé et a fait disparaître la quasi totalement des névés et seules quelques neiges éternelles subsistent anarchiquement sur les parties les plus élevées et les plus ombragées sans doute. Après être entrés dans une zone d’estives où quelques vaches somnolent, nous coupons une piste. Ici, les prairies essentiellement herbeuses laissent un peu de place à de petits bosquets plantés de pins. Un panonceau indicatif mentionnant Espousouille à 3h20 nous donne une petite idée du temps de marche approximatif restant. A cette altitude, quelques plantes fleuries font de la résistance. Après la grisaille d’hier, c’est un plaisir de découvrir quelques touches de couleurs : le rose des épilobes et de quelques gros chardons, la blanc ou le mauve d’œillets de Montpellier magnifiquement dentelés, le jaune et le bleu des aconits. Le sentier est plus caillouteux mais paradoxalement il file dans des décors plus charmants car moins monotones. Cathy vient d’arriver la première au petit abri du Refuge Oller (1.630 m) et elle semble bien décidée à poursuivre quand Jérôme et Fred l’arrêtent dans son élan car il est déjà 12h30 et leurs estomacs doivent certainement crier famine. Le mien aussi. Nous décidons de stopper là pour pique-niquer et pour moi c’est une vraie délivrance car en arrêtant de marcher mes yeux s’arrêtent aussitôt de larmoyer. L’endroit est agréable, herbeux à souhait et en plus les vues en balcon sur la vallée sont superbes.  Nous y restons environ une heure, la plupart du temps couchés, car l’herbe est tendre, le ciel est bleu et les rayons du soleil sont suffisamment chauds pour envisager un semblant de sieste. En quittant le refuge Oller, le sentier tout en descente entre immédiatement dans un sombre sous-bois et pour moi, l’aspect agréable est que mes yeux ne pleurent plus. Ici, aux Planches d’en Jaquet, on voit clairement qu’un palier végétatif vient d’être atteint. C’est d’ailleurs l’impression générale que l’on a car tout autour de nous, la forêt est omniprésente. Les bois où nous marchons sont plus denses, les arbres plus hauts avec de nombreux grands résineux mais aussi quelques hauts feuillus. Peu après, on entend le bruit d’un petit ruisseau qui s’écoule et depuis la Font de la Perdrix, c’est le premier « rec » actif que l’on rencontre. Un coup d'oeil sur mon bout de carte et c'est bien le Rec du Roc Mari, escarpement rocheux isolé en forme de protubérance et entourée de pierriers que nous avons longtemps aperçu sur notre gauche.  L’étroit sentier s’élargit soudain se transformant en un chemin bien plus praticable lequel devient très rapidement une large piste forestière. Là, nous sommes arrivés en surplomb de la cabane du Bécet (1.560 m). En observant la carte I.G.N, il est évident que quel que soit l’itinéraire que l’on va choisir pour rejoindre Puyvalador,  seules des pistes forestières nous attendent et parmi les deux possibles, toutes les deux se terminent sur la digue du barrage. Il y a celle filant vers Odello Réal et celle dite de Serrallongua que Jérôme a enregistrée dans son G.P.S et qui arrive directement au bord de l’Aude au lieu-dit le Pont de la Fargua.  C’est cette dernière que nous choisissons et bien que ne connaissant pas l’autre, autant dire que celle de Serrallongua porte parfaitement son nom. Je la trouve très longue et fastidieuse cette piste et sans doute que je ne suis pas le seul dans ce cas. Comme souvent et pour passer le temps, je photographe tous et n’importe quoi : vaches, fleurs, insectes et papillons, tout y passe. L’arrivée au barrage de Puyvalador réveille quelques récents souvenirs car il y a moins de 15 jours, j’y suis venu avec Dany pour une randonnée consistant à faire le tour de son lac. C’est donc tout frais et je n’ai plus rien à découvrir que je ne connaisse déjà. Seule la météo est plus favorable et le lac un peu plus plein que lors de notre récente venue. Je prends quelques photos. On traverse la digue du barrage, toujours occupée par une ribambelle de martinets puis l’on monte vers le village de Puyvalador que l’on rejoint très rapidement. Ici, pour l’avoir accompli en voiture, je connais la distance qu’ils nous restent à parcourir : 3 kilomètres mais essentiellement sur de l’asphalte et tous les quatre, nous avons horreur de ça. On quitte Puyvalador et sa charmante église en empruntant la petite D.32g se dirigeant vers le hameau de Rieutort. Nous y sommes attendus au gîte Le Moulin. Au travers de grandes prairies et des paysages très amples eux aussi, la petite route est moins lassante que je ne l’avais imaginée. Il faut dire que quelques petits rapaces planant dans le ciel attirent sans cesse l’objectif de mon numérique. Par chance, un d’entre eux se pose sur un pin.  15h50, en entrant dans Rieutort, j’ai le sentiment de pénétrer dans un village qui a été déserté de tous ses habitants. Personne. Tout est silencieux, Seuls le bruit du ruisseau de Cirerol et la gazouillis de quelques passereaux se font entendre. Heureusement, Alex et Sia, les propriétaires du gîte sont bien présents. Ils sont chaleureux et formidables avec nous. Le lieu est charmant et reposant, les chambres sont parfaites et le grand calme que j’avais observé à mon arrivée s’avère être un atout indéniable pour trouver le repos auquel certains d’entre nous aspirent, moi le premier. Après les douches indispensables, Cathy se repose dans sa chambre pendant que Jérôme et Fred profitent des chaises longues du jardin fleuri et ensoleillé. De mon côté, appareil photo en bandoulière, je pars à la découverte du village qui s’avère bien plus grand que je ne l’avais supposé. Il faut dire que si le hameau a vécu un exode rural au milieu du siècle précédent, il n’en a pas toujours été ainsi. La taille de certains bâtiments, école et mairie par exemples, sont là pour prouver que Rieutort a eu ses heures de gloire et un nombre d’habitants bien plus important que de nos jours. La soirée, ponctuée d’un succulent repas avec formule table d’hôtes est des plus agréables. Alex et Sia se mettent en quatre pour nous satisfaire. Alex, en plus de son labeur d'aubergiste, est un fou de nature, moniteur de ski et guide de randonnées à ses heures. C’était un fana de pêche en mer et en rivière et il aime beaucoup la photo. Sur les murs du gîte, on peut découvrir de nombreuses photos relatant ses exploits et ses trophées halieutiques. De ce fait, nous avons de nombreux atomes crochus pour nous entendre et aucun problème pour trouver facilement des sujets de conversation. Sia est plus timide, excellente cuisinière et très captivante également quand elle parle de gastronomie et de la vie au gîte qu’elle semble affectionner.  En plus des charmants propriétaires, un couple sympathique s’est joint à nous lors du repas. La femme écrit des romans et de ce fait, les causeries s’en trouvent facilitées. La fin de la soirée tire agréablement en longueur mais pour la plupart d’entre nous, la nuit précédente a été peu réparatrice et l’envie d’aller nous coucher arrive bien plus vite que nous le souhaiterions. Nous pensons déjà à la très longue étape de demain. Ajoutons à cela les 17 kilomètres de l’étape d’aujourd’hui, le bon air du Madres et du Capcir, un bon et vrai lit qui nous attend et tout est en place pour une nuit qui s’annonce bien plus douce et régénératrice que la précédente. 11 heures, la raison l’emporte et nous partons nous coucher car dès le lendemain, la plus longue et plus difficile étape de ce Tour du Capcir nous attend. 28 kilomètres pour atteindre les Bouillouses et surtout une très longue montée par la Vallée du Galbe jusqu’au Camporells. Adorant l’Histoire, la toponymie et n’aimant pas « marcher idiot », autant qu’il est possible, j’ai appris que Les Camporells étaient les « champs des rois ». Ces rois, c’était ceux d’Aragon et de Majorque qui avaient fait du Capcir leur lieu de villégiature et de Formiguères leur résidence d’été. En réalité, le village a surtout servi à soigner l’asthme dont souffrait le roi Sanche 1er, roi de Majorque de 1299 à 1324. Quant aux Camporells, c’était son lieu de prédilection pour venir y chasser les isards, les cerfs et autres chevreuils. Il est mort ici à Formiguères à l’âge de 48 ans. En 1920, le prince Albert 1er de Monaco a, à sa manière, perpétué cette tradition puisqu’il était également un habitué des lieux appréciant le secteur des Camporells qu’il avait loué pour venir y chasser et y pêcher. Avant de m’endormir, je me remets à penser à cette révélation que j’ai eu avec Blek le Roc. A ma mère bien sûr, puisque c’est elle qui m’a permis de lire ces bandes dessinées. Mes pensées s’enchainent les unes aux autres. Ma mère, mon enfance, Blek le Roc. Ma mère est dans un service spécialisé Alzheimer d’une maison de retraite depuis 5 ans déjà et c’est bien rare que lors d’une randonnée sur plusieurs jours, je ne pense pas à elle plusieurs fois. Plusieurs fois et le plus souvent avec tristesse,  tant je trouve la fin de sa vie si injuste. L’aspect solitaire de la randonnée et les efforts à accomplir me font souvent sortir de mes pensées habituelles et quotidiennes, et de ce fait, il m’arrive très souvent de songer au temps passé et aux êtres chers qui ne sont plus de ce monde. Ce monde, ma mère n’en fait déjà plus partie. Avec la maladie d’Alzheimer, elle a basculé dans un autre univers.  Grâce à elle et depuis hier, le nom de Blek le Roc est revenu à la surface de mes souvenirs. S’il n’est pas revenu dans la journée, c’est probablement parce que l’étape d’aujourd’hui ne présentait aucune difficulté. Désormais, je n’ai plus aucun doute, ce personnage de bande dessinée est définitivement lié à mon amour pour la randonnée pédestre. Je ne sais pas pourquoi, je n’y avais jamais pensé auparavant. Me remémorer tout ça et mon enfance me rend triste car bien sûr ça me renvoie à ma mère et pourtant je suis super heureux d’être là et de marcher avec Jérôme et ses amis Cathy et Fred. Alors j’essaie de penser à autre chose mais les souvenirs bons et mauvais reviennent sans cesse et parfois se chevauchent. Avant de m’endormir, me viennent à l’esprit des questions parfois stupides.  Je me demande par exemple si Blek le Roc aurait pu s’entendre avec les rois de Majorque, eux, dont le quotidien était les guerres pour conserver leurs pouvoirs, pour étendre leur immense royaume.  Je n’ai pas la réponse. Blek, c’était d’abord un héros au grand cœur, un Robin des Bois à la sauce américaine, un être épris de justice et de liberté dont le seul objectif était de vaincre les Anglais. Les « homards rouges » comme il les appelait à cause de leurs uniformes. Il se battait pour que les Etats-Unis accèdent à leur Indépendance et non pas pour étendre un royaume voire un empire. Suis-je encore éveillé ? Suis-je déjà dans un rêve ? Les pensées concernant mon enfance se mélangent au temps présent. Elles oscillent entre la chance que j’ai d’être là et les êtres qui m’étaient chers et dont j’aurais tant aimé qu’ils soient avec moi. Je voudrais bien n’être que positif mais Blek le Roc me ramène parfois à des souvenirs plus tragiques. Ma mère encore et toujours, mais mon frère aîné Daniel aussi. En pensant à Blek le Roc, je me souviens qu’il cachait mes bandes dessinées uniquement pour me taquiner. Il est décédé à l’âge de 46 ans et dieu sait si l’avoir avec moi au cours de cette randonnée aurait été merveilleux.

Cliquez sur le lien suivant pour passer à la 3eme étape

Partager cet article
Repost0

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 5 musiques d'Ennio Morricone extraites d'une complilation intitulée "Relaxing Moment". Elles ont pour titre : "C'era Una Volta Il West", "Il Colore Dei Suoi Occhi", "Nuovo Cinema Paradiso", "Irene Gli Intoccabili""Tema Di Ada"

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.

 


 

2eme étape – 12 septembre 2013 : du Refuge de la Perdrix (2.312  au gite Le Moulin à Rieutort (1.517 m) soit 17,600 km pour un dénivelé de 1.080 m et des montées cumulées de 790 m. Point culminant : Le Madres (2.469 m) – Point le plus bas : Le pont de la Farga (1.400 m)

 

Bien que Fred et Jérôme aient alimenté le poêle au maximum et le plus longtemps possible, dès lors que l’on a cessé de l’entretenir, la température a rapidement chuté. La nuit est glaciale mais heureusement nous avions prévu cette éventualité. Les sacs de couchage plus des vêtements chauds sont suffisants pour ne pas avoir trop froid. En tous cas, je ne grelotte pas et seules les extrémités de mes mains et de mes pieds réclament plus de chaleur malgré deux paires de gants, deux paires de chaussettes et des petites bouillottes portatives mais malheureusement éphémères dans la durée. Mais connaissant bien cet inconvénient circulatoire sanguin qu’on appelle « froideur des extrémités », je sais qu’il n’y a pas grand-chose à faire de plus, si ce n’est juste à surveiller dans le cas de nouveaux symptômes ou si les anciens s’amplifient. J’ose espérer que mes compagnons n’ont pas ce problème. En pleine nuit, un besoin urgent m’envoie hors du refuge et je suis assez surpris de constater qu’il ne fait guère plus froid dehors qu’à l’intérieur du refuge. Le vent est presque complètement tombé et seule une brise légère balaie la crête. Le panorama est incroyable et si ce n’était pas la faiblesse de la température, je resterais sans doute bien plus longtemps à observer cette grandiose et merveilleuse splendeur. Eclairée par un croissant de lune, une longue chape nuageuse rougeâtre s’étend devant moi, si ce n’est à perte de vue au moins jusqu’à la Méditerranée que j’aperçois comme une tache bien plus claire par rapport au reste de l’horizon bien plus sombre. Ce reste d’horizon, j’imagine qu’il s’agit sans doute des Albères et de la Plaine du Roussillon. Sous cette longue ouate nébuleuse, le ciel est très clair dévoilant la silhouette des principales montagnes que je connais et qui paraissent bien plus proches : Canigou et Coronat au premier chef. De toute la Plaine du Roussillon et venant du sol, en tous cas de sa partie visible, des millions de scintillements jaunâtres semblent s’ajouter à cette clarté céleste.  C’est très beau et pendant un instant, l’éventualité d’aller chercher mon appareil photo pour figer ce spectacle me vient à l’esprit. Mais non, je préfère rester là à contempler et surtout je ne veux pas réveiller mes amis et je zappe aussitôt cette idée. En contrebas, le lac d’Evol me démontre que sa réputation de « Gorg Negre » n’est pas usurpée.  Seul un faible croissant de lune se reflète dans ses eaux noires. Quand un nuage cache cette tranche de lune, plus rien ne luit à sa surface et tel un puits sans fond, seul le contour de ses rives boisées encore plus sombres que lui reste visible. Pour quelqu’un croyant à toutes les sornettes que l’on raconte à son propos, cette vision ténébreuse et plutôt sinistre rajouterait sans doute encore un peu plus de phobie. Moi pas. Si j’ai toujours aimé les légendes pour leurs côtés mystérieux, leurs aspects trop souvent mystiques me font plutôt rigoler. C’est le cas ici où les fables les plus farfelues, sources de profondes terreurs auprès des gens du pays sont paraît-il légions : « jeter un pierre dans ses eaux engendrerait une tempête…., les truites pêchées seraient des démons qui s’enfuiraient par les cheminées dès lors qu’on tenterait de les faire cuire…., d’incroyables trésors y seraient enfouis et tenter de les récupérer serait synonyme d’orages funestes….., ses fonds lugubres seraient le palais des diables…..des fées et des sorcières seraient à l’origine de la création des trois lacs, etc….. ». Voilà en résumé ce qu’il se raconte du « Gorg Negre » et parfois des deux autres lacs que sont le Gorg Estelat et le Gorg Bleu. Ce n’est donc pas l’appréhension qui me fait réintégrer le refuge mais seulement le froid que je trouve bien trop cinglant. Cette froidure me rappelle qu’un chaud duvet m’attend à l’intérieur. J’oublie très vite cette vision lugubre du lac et Morphée m’entraîne vers elle avec essentiellement ces superbes et étranges tableaux enluminés que j’ai eus devant les yeux. Le plus grand des bonheurs est d’avoir pu observer un panorama aussi lointain et dégagé, chose que nous n’avons jamais pu avoir depuis notre arrivée sur cette crête des Gourgs. En effet, l’horizon a été désespérément bouché par du brouillard ou des nuages qui passaient tels de longs chapelets sans fin.  Dans ma tête, je me dis que c’est peut-être les premiers indices d’une météo bien plus clémente que celle que nous avons connue hier et je m’endors avec cette bienheureuse espérance. Vers 8 heures du matin, le froid bien plus vif encore que dans la nuit me réveille. Personne n’est encore debout,  alors je reste longtemps blotti dans mon duvet à chercher en vain un peu de tiédeur. Le pire est toujours au bout de mes membres et j’ai l’impression que je ne sens plus leurs extrémités. J’attends que mes compagnons se réveillent complètement car j’en entends certains se tourner et se retourner dans leurs sacs de couchage cherchant sans doute eux aussi un peu de chaleur.  Avec le bout de tous mes doigts aussi réfrigérés et n’y tenant plus, je me lève le premier et je vois que Fred est réveillé lui aussi. La tête complètement dissimulée sous le capuchon de son sac, seul son visage apparaît et dans cet accoutrement, il ressemble à un papillon voulant s’extraire de sa chrysalide. Je sors du refuge car pour réveiller mes pieds endoloris par le froid, il faut nécessairement que je marche un peu. J’emporte mon appareil photo avec moi car j’espère que le spectacle sera aussi beau que celui aperçu cette nuit. Mais si les vues sont presque aussi lointaines toutes les couleurs ont disparu. La chape nocturne rougeâtre est désormais d’un bleu grisâtre plutôt terne et peu de lumières scintillent au loin. Seul l’horizon a de jolies nuances hésitant entre le rose et le gris. Mais je continue à trouver ça beau car dans ce jour naissant, mon regard est désormais attiré par la surface du Gorg Negre qui commence à miroiter sous les premières lueurs de l’aube. Il n’a plus rien de semblable avec le lac noir et mystérieux que j’ai observé cette nuit. Il est devenu le lac d’Evol. Tout comme hier matin à Matemale, le ciel est scindé en deux, mais cette fois les rôles sont inversés. Devant le refuge, le Conflent est chapeauté de nombreux nuages, certains très longs, gris ou blancs et d’autres plus petits et épars selon la direction dans laquelle je regarde. Derrière, c'est-à-dire vers le Capcir, un ciel encourageant semble hésiter entre un bleu dur très prometteur et un blanc laiteux que les premiers rayons du soleil ont du mal à colorer. Une fois encore, la direction à prendre est celle du beau temps et c’est encourageant même si hier je m’étais fait la même réflexion mais sans la réussite escomptée. En entrant dans le refuge, je suis néanmoins ravi d’annoncer cette excellente nouvelle à tout le monde. Fred a pris la peine de rallumer le poêle et une agréable chaleur commence à envahir la pièce. Jérôme est réveillé mais il est toujours perché sur son bat-flanc supérieur, déjà occupé à ranger son couchage.  Cathy est attablée et a entamé son petit déjeuner. Grâce à des petites boîtes de lait sucré, quelques galettes moelleuses et un jus de fruit, le mien est vite expédié et aussitôt après je me met à ranger mes affaires et mon sac à dos. Tout le monde fait de même et après un peu de ménage vite bâclé, nous sortons du refuge en file indienne, direction le pic du Madres. Un petit vent glacial s’est levé et avant de démarrer, nous jugeons utile d’enfiler nos gants et de nous encapuchonner dans nos vestes. Pendant un instant, nous longeons le bord du cirque au fond duquel nous apercevons le petit Gorg Blau (Lac Bleu) et celui plus vaste et en forme de haricot du Gorg Estelat que l’on appelle plus communément le lac de Nohèdes ou Lac Etoilé.  Ces décors ne me laissent pas indifférent. Je m’arrête un instant. En regardant ce dernier lac et ses rives, les souvenirs de ma deuxième étape sur le Tour du Coronat de 2007 émergent de ma mémoire : mon arrivée avec un groupe de vététistes espagnols, masculins et féminins. Ils avaient galéré dans les tourbières pour trouver le lac et je leur avais dit de me suivre pour accomplir les derniers mètres. Ils m’avaient demandé de les photographier avec vue sur le lac. Puis nous étions partis dans des directions opposées. Eux avaient pris la direction de l’ancien canal de Jujols alors que moi, j’avais décidé de faire le tour du lac pour partir à sa découverte. Avec mon gros sac à dos, je me souviens avoir galéré comme jamais dans les énormes pierriers de sa rive nord. Je me souviens aussi des couleurs extraordinaires que les rhododendrons roses et les flamboyants genêts composaient en se reflétant dans les eaux calmes du lac bleuté. Bleu, rose et jaune, cette incroyable palette de couleurs est toujours restée dans ma tête comme une des plus belles images de ce Tour du Coronat. Sur la rive ouest, là même où les eaux du Gorg Blau se déversent, j’avais trouvé une petite grève de sable fin avec une eau si limpide que je n’avais pas pu résister à y faire un peu de toilette. La toilette s’était rapidement transformée en une baignade dans le plus simple appareil. Un bain ô combien glacial mais nécessaire et qui m’avait définitivement revigoré et mis en forme pour le restant de la journée. Cette deuxième journée s’était poursuivie vers le lac d’Evol, le col du Portus et retour à Jujols, d’où j’étais parti la veille au matin. C’était mes deux premières étapes de ce Tour du Coronat qui allait en compter six et que j’avais intitulé « Des Merveilles au pays d’Alysse » à cause de l’ « Alyssum pyrenaicum » ou Alysson des Pyrénées, cette fleur relictuelle que l’on ne trouve que dans les falaises du Mont Coronat et nulle part ailleurs dans le monde. Les botanistes qui adorent le latin et les mots compliqués lui ont donné le nom de « Hormathophylla pyrenaica ». Voilà ce que ces deux lacs me rappellent à cet instant : des moments d’une randonnée solitaire mais merveilleuse et de surcroît avec quelques rencontres qui l’avaient rendu inoubliable. Des moments à la fois de joie et de solitude où l’on peut se remettre en question ? Qu’ai-je fait de bien et de mal ? Je me remets en route. Le lac disparaît soudain de mon regard et avec lui mes vieux souvenirs. Mes compagnons ont déjà pris pas mal d’avance. Sur la crête caillouteuse, le Madres fait son apparition avec encore un beau névé accroché à son flanc sud. Je connais bien cet itinéraire pour l’avoir déjà accompli depuis le col de Sansa et en boucle par la Coume de Ponteils et le Serrat de l’Ours. A partir d’ici, la déclivité est plutôt modeste mais dans ma tête, je me souviens de cette belle difficulté rocheuse qu’il y a entre le Roc Nègre (2.459 m) et le Madres (2.469 m) que les montagnards du cru appelle le « Malpas », c’est à dire le « mauvais passage ». Sur la carte I.G.N, elle apparaît sous la dénomination de « Clos Tort », que l’on traduit du catalan en « enclos tortueux ».  Ici, les randonneurs sujets au vertige sont priés d’oublier leur indisposition tant le sentier est étroit, abrupt et en équilibre au dessus d’un vide assez impressionnant. Je l’appréhende. J’ai déjà prévenu mes amis mais ça n’a pas eu l’air de les impressionner plus que ça. A l’approche du Clot Rodon, un isard s’enfuit devant nous et prend la même direction que celle que nous allons prendre. Il disparaît dans les rochers. Cathy, Fred et Jérôme amorcent la pente plutôt douce à cet endroit à une bonne cadence alors que mon cœur s’emballe. Mon vieux moteur diesel a un mal fou à trouver la bonne carburation. Il faut dire que la température sans doute proche de zéro ne fait rien pour m’aider et je suis vraiment frigorifié et comme toujours un maximum de froideur au bout de mes mains, de mes pieds mais de mon nez aussi. Telles de fines bougies accrochées à un sapin de Noël, de longs glaçons pendent aux branches de petits pins chétifs, c’est dire si la nuit a été froide par ici.  Je suis rapidement largué mais Jérôme s’arrête souvent pour m’attendre mais quand j’arrive à sa hauteur, le voilà qui repart et moi inévitablement, je m’arrête un peu plus longtemps pour calmer mes palpitations. Je monte à mon rythme et ce rythme-là me convient. En outre, je sais qu’après cette ascension du Madres, les descentes prendront le relais sinon jusqu’à l’arrivée au moins jusqu’à Puyvalador. Avant le sommet du Roc Nègre, Cathy et Fred sont là à m’attendre et je m’en veux un peu de savoir qu’ils m’ont attendus dans ce froid et avec ce vent polaire qui nous glacent le corps. Depuis la crête, les vues s’entrouvrent magnifiquement sur une immense partie de l’Aude et de l’Ariège. Depuis notre démarrage, un épais matelas nuageux est monté du fin fond des vallées du Bas-Conflent et c’est soudain immobilisé créant ainsi une véritable mer de nuages. Le plus épais recouvre la Vallée de la Castellane. C’est marrant car en 2007, lors de mon Tour du Coronat, j’avais connu les mêmes phénomènes climatiques lors des deux premiers jours. La première fois à Jujols et la seconde fois au campement de l’Estany del Clot, au bord duquel j’avais passé la nuit sous ma tente. J’étais très longtemps resté scotché à regarder les lents mouvements de cet extraordinaire moutonnement nuageux ressemblant aux flots déchaînés d’un océan mais qu’on aurait cru comme filmé au ralenti. Peu après ce joli spectacle, le fameux passage difficile du Clos Tort se présente. Par bonheur, il s’effectue sans problème et une fois encore, en s’engageant la première, alors qu’elle n’a aucune connaissance des obstacles qui l’attendent, Cathy démontre toute son agilité et la facilité qu’elle a à gravir les passages les plus périlleux sans aucune appréhension.  Jérôme passe en second et tout au long de l'hésitante escalade, je le suis quasiment comme son ombre. J’avoue qu’avec mon gros sac, je ne suis pas vraiment rassuré mais en tous cas, je n’ai pas le vertige.  Il faut dire que j’évite de m’arrêter pour regarder derrière moi. Fred ferme la marche et une fois les difficultés franchies, il reconnaît lui aussi que ce couloir étroit et très abrupt avec le vide sous les pieds n’est pas si commode que ça. L’arrivée de Fred au sommet est pour moi un vrai soulagement car je sais que nous en avons terminé avec les difficultés, au moins pour aujourd’hui. Pour avoir étudié la totalité du parcours du Tour du Capcir, je n’ai pas connaissance qu’il y en ait d’autres même si à proximité du lac d’Aude, un autre lieu-dit a également pour nom « Malpas ». Du coup, la suite bien plus praticable vers le Madres et son fameux orri est pour moi une quasi promenade. Ce tronçon est d’autant plus agréable qu’en contrebas, côté Vallon de la Balmette et Salt del Bourro, de nombreux isards paissent tranquillement sur les pelouses d’altitude. Voir des animaux sauvages est suffisamment rare pour que l’on passe un long moment à les observer même si le carcanet est toujours là, violent et froid. A cause de ce vent et de la distance, j’éprouve les pires difficultés à les photographier convenablement et ce, malgré la puissance du zoom de mon appareil photo. Il faut dire que la violence du vent ne me facilite pas la tâche car j’ai un mal fou à garder l’équilibre et à ne pas trembler dans mes prises de vues. En arrivant au sommet du Madres et devant l’orri qui le matérialise, je suis surpris d’apprendre que deux hommes, qui bivouaquent encore devant l’entrée, y ont passé la nuit. Sur le moment, je pense qu’avec notre « bon » poêle, nous avons été bien mieux lotis dans notre minuscule refuge. On échange quelques banalités avec eux en grignotant des fruits secs et des barres de céréales puis on immortalise notre arrivée à ce remarquable sommet par une photo de notre petit groupe. Emmitouflés comme nous le sommes, nous ressemblons à des alpinistes au sommet de l’Everest et pourtant nous ne sommes qu’à 2.469 mètres d’altitude. Il faut dire que le Madres, c’est déjà le point culminant de ce Tour du Capcir, alors c’est sans doute un peu notre Himalaya à nous. Il ne manque que la neige. Ce début de matinée venteuse et froide n’est pas étrangère à cette vision des choses mais la journée s’annonce assez magique et en tous cas conforme aux prévisions météo. Le soleil et le ciel bleu semble vouloir s’installer durablement et j’en suis le premier ravi. Les bonnes prévisions ont eu un jour de retard, voilà tout. A aucun moment, je n’ai imaginé qu’un orage puisse survenir. Les mois de juillet et d’août sont déjà derrière nous et pour moi, la saison des orages violents et fugitifs qu’il y a souvent sur ce massif est passée. Il y a quelques années, j’y ai vu tomber des flocons, de manière éphémère il est vrai, mais en plein mois d’août.  Les paysages à 360 degrés sont époustouflants même si deci delà quelques nuages épars restent accrochés à des reliefs. En contrebas, sur la Jasse de Guissotte, là même où le Ponteils prend sa source dans les nombreuses tourbières, Jérôme aperçoit d’autres cervidés. On en distingue également sur les crêtes du côté du Col des Gavaches mais avec la distance qui nous en sépare, il est impossible de discerner de quels cervidés il s’agit. Ici, il y a des isards, des cerfs, des mouflons de Corse réintroduits ou bien encore des chevreuils, encore que les chevreuils en troupeau soient assez rarissimes. Tous sont très présents dans ce massif et j’ai même lu dans un récent « Pyrénées Magazine », que le Massif du Madres est le lieu des Pyrénées où les spécialistes en ont recensé le plus : 4.000 cervidés sont présents dans le Capcir selon la revue. Quand au bouquetin des Pyrénées, il y a déjà longtemps qu’il a disparu de nos montagnes, sa chasse ayant eu raison de sa robustesse légendaire. Les bouquetins que l’on pourrait voir ont été réintroduits eux aussi comme les mouflons et les marmottes, celles visibles étant d’origine alpine et réintroduite en 1948. Oui, le Massif du Madres est un haut-lieu de la faune sauvage et il n’est donc pas étonnant qu’on y ait aperçu des ours, des loups et que les chats sauvages y soient bien présents sans compter bien sûr les sangliers et les renards roux. Nous quittons le sommet du Madres et prenons la direction de son flanc nord-ouest que l’on appelle le Serrat des Clotes. Le sentier tout en descente est très bon et file agréablement au milieu d’une végétation rase faite de minuscules bruyères et de graminées naines. Ici, les seuls arbres sont quelques pins rabougris très disséminés. Malgré la qualité du sentier peu caillouteux et tout en descente, une fois encore je suis décroché, d’abord parce que Cathy marche à un rythme incroyablement rapide mais surtout parce que le petit vent glacial qui balaie la montagne me fait constamment pleurer. Mes yeux larmoient sans cesse et de ce fait, je suis dans l’incapacité de voir où je mets mes pieds.  Jérôme qui s’arrête régulièrement pour m’attendre ne comprend pas pourquoi je marche si lentement et je suis contraint de lui demander de s’arrêter pour lui expliquer. Après les avoir freinés dans les montées, voilà que maintenant je les retarde aussi dans les descentes. Je m’en veux. A la fin d’un dôme herbeux, le grand « V » bleu du lac de Puyvalador fait son apparition au fond de la verdoyante vallée de l’Aude. Au dessus de cette profonde vallée, les forêts domaniales étalent leur longue toison olivâtre. Un peu plus haut encore, tout n’est que minéralité. Devant nos yeux contemplatifs et dans une succession sans fin de sommets plus ou moins hauts, la chaîne pyrénéenne forme l’horizon. Parmi les quelques sommets que j’ai eu l’occasion de gravir, seule la pyramide du Carlit est vraiment reconnaissable. L’été est passé et a fait disparaître la quasi totalement des névés et seules quelques neiges éternelles subsistent anarchiquement sur les parties les plus élevées et les plus ombragées sans doute. Après être entrés dans une zone d’estives où quelques vaches somnolent, nous coupons une piste. Ici, les prairies essentiellement herbeuses laissent un peu de place à de petits bosquets plantés de pins. Un panonceau indicatif mentionnant Espousouille à 3h20 nous donne une petite idée du temps de marche approximatif restant. A cette altitude, quelques plantes fleuries font de la résistance. Après la grisaille d’hier, c’est un plaisir de découvrir quelques touches de couleurs : le rose des épilobes et de quelques gros chardons, la blanc ou le mauve d’œillets de Montpellier magnifiquement dentelés, le jaune et le bleu des aconits. Le sentier est plus caillouteux mais paradoxalement il file dans des décors plus charmants car moins monotones. Cathy vient d’arriver la première au petit abri du Refuge Oller (1.630 m) et elle semble bien décidée à poursuivre quand Jérôme et Fred l’arrêtent dans son élan car il est déjà 12h30 et leurs estomacs doivent certainement crier famine. Le mien aussi. Nous décidons de stopper là pour pique-niquer et pour moi c’est une vraie délivrance car en arrêtant de marcher mes yeux s’arrêtent aussitôt de larmoyer. L’endroit est agréable, herbeux à souhait et en plus les vues en balcon sur la vallée sont superbes.  Nous y restons environ une heure, la plupart du temps couchés, car l’herbe est tendre, le ciel est bleu et les rayons du soleil sont suffisamment chauds pour envisager un semblant de sieste. En quittant le refuge Oller, le sentier tout en descente entre immédiatement dans un sombre sous-bois et pour moi, l’aspect agréable est que mes yeux ne pleurent plus. Ici, aux Planches d’en Jaquet, on voit clairement qu’un palier végétatif vient d’être atteint. C’est d’ailleurs l’impression générale que l’on a car tout autour de nous, la forêt est omniprésente. Les bois où nous marchons sont plus denses, les arbres plus hauts avec de nombreux grands résineux mais aussi quelques hauts feuillus. Peu après, on entend le bruit d’un petit ruisseau qui s’écoule et depuis la Font de la Perdrix, c’est le premier « rec » actif que l’on rencontre. Un coup d'oeil sur mon bout de carte et c'est bien le Rec du Roc Mari, escarpement rocheux isolé en forme de protubérance et entourée de pierriers que nous avons longtemps aperçu sur notre gauche.  L’étroit sentier s’élargit soudain se transformant en un chemin bien plus praticable lequel devient très rapidement une large piste forestière. Là, nous sommes arrivés en surplomb de la cabane du Bécet (1.560 m). En observant la carte I.G.N, il est évident que quel que soit l’itinéraire que l’on va choisir pour rejoindre Puyvalador,  seules des pistes forestières nous attendent et parmi les deux possibles, toutes les deux se terminent sur la digue du barrage. Il y a celle filant vers Odello Réal et celle dite de Serrallongua que Jérôme a enregistrée dans son G.P.S et qui arrive directement au bord de l’Aude au lieu-dit le Pont de la Fargua.  C’est cette dernière que nous choisissons et bien que ne connaissant pas l’autre, autant dire que celle de Serrallongua porte parfaitement son nom. Je la trouve très longue et fastidieuse cette piste et sans doute que je ne suis pas le seul dans ce cas. Comme souvent et pour passer le temps, je photographe tous et n’importe quoi : vaches, fleurs, insectes et papillons, tout y passe. L’arrivée au barrage de Puyvalador réveille quelques récents souvenirs car il y a moins de 15 jours, j’y suis venu avec Dany pour une randonnée consistant à faire le tour de son lac. C’est donc tout frais et je n’ai plus rien à découvrir que je ne connaisse déjà. Seule la météo est plus favorable et le lac un peu plus plein que lors de notre récente venue. Je prends quelques photos. On traverse la digue du barrage, toujours occupée par une ribambelle de martinets puis l’on monte vers le village de Puyvalador que l’on rejoint très rapidement. Ici, pour l’avoir accompli en voiture, je connais la distance qu’ils nous restent à parcourir : 3 kilomètres mais essentiellement sur de l’asphalte et tous les quatre, nous avons horreur de ça. On quitte Puyvalador et sa charmante église en empruntant la petite D.32g se dirigeant vers le hameau de Rieutort. Nous y sommes attendus au gîte Le Moulin. Au travers de grandes prairies et des paysages très amples eux aussi, la petite route est moins lassante que je ne l’avais imaginée. Il faut dire que quelques petits rapaces planant dans le ciel attirent sans cesse l’objectif de mon numérique. Par chance, un d’entre eux se pose sur un pin.  15h50, en entrant dans Rieutort, j’ai le sentiment de pénétrer dans un village qui a été déserté de tous ses habitants. Personne. Tout est silencieux, Seuls le bruit du ruisseau de Cirerol et la gazouillis de quelques passereaux se font entendre. Heureusement, Alex et Sia, les propriétaires du gîte sont bien présents. Ils sont chaleureux et formidables avec nous. Le lieu est charmant et reposant, les chambres sont parfaites et le grand calme que j’avais observé à mon arrivée s’avère être un atout indéniable pour trouver le repos auquel certains d’entre nous aspirent, moi le premier. Après les douches indispensables, Cathy se repose dans sa chambre pendant que Jérôme et Fred profitent des chaises longues du jardin fleuri et ensoleillé. De mon côté, appareil photo en bandoulière, je pars à la découverte du village qui s’avère bien plus grand que je ne l’avais supposé. Il faut dire que si le hameau a vécu un exode rural au milieu du siècle précédent, il n’en a pas toujours été ainsi. La taille de certains bâtiments, école et mairie par exemples, sont là pour prouver que Rieutort a eu ses heures de gloire et un nombre d’habitants bien plus important que de nos jours. La soirée, ponctuée d’un succulent repas avec formule table d’hôtes est des plus agréables. Alex et Sia se mettent en quatre pour nous satisfaire. Alex, en plus de son labeur d'aubergiste, est un fou de nature, moniteur de ski et guide de randonnées à ses heures. C’était un fana de pêche en mer et en rivière et il aime beaucoup la photo. Sur les murs du gîte, on peut découvrir de nombreuses photos relatant ses exploits et ses trophées halieutiques. De ce fait, nous avons de nombreux atomes crochus pour nous entendre et aucun problème pour trouver facilement des sujets de conversation. Sia est plus timide, excellente cuisinière et très captivante également quand elle parle de gastronomie et de la vie au gîte qu’elle semble affectionner.  En plus des charmants propriétaires, un couple sympathique s’est joint à nous lors du repas. La femme écrit des romans et de ce fait, les causeries s’en trouvent facilitées. La fin de la soirée tire agréablement en longueur mais pour la plupart d’entre nous, la nuit précédente a été peu réparatrice et l’envie d’aller nous coucher arrive bien plus vite que nous le souhaiterions. Nous pensons déjà à la très longue étape de demain. Ajoutons à cela les 17 kilomètres de l’étape d’aujourd’hui, le bon air du Madres et du Capcir, un bon et vrai lit qui nous attend et tout est en place pour une nuit qui s’annonce bien plus douce et régénératrice que la précédente. 11 heures, la raison l’emporte et nous partons nous coucher car dès le lendemain, la plus longue et plus difficile étape de ce Tour du Capcir nous attend. 28 kilomètres pour atteindre les Bouillouses et surtout une très longue montée par la Vallée du Galbe jusqu’au Camporells. Adorant l’Histoire, la toponymie et n’aimant pas « marcher idiot », autant qu’il est possible, j’ai appris que Les Camporells étaient les « champs des rois ». Ces rois, c’était ceux d’Aragon et de Majorque qui avaient fait du Capcir leur lieu de villégiature et de Formiguères leur résidence d’été. En réalité, le village a surtout servi à soigner l’asthme dont souffrait le roi Sanche 1er, roi de Majorque de 1299 à 1324. Quant aux Camporells, c’était son lieu de prédilection pour venir y chasser les isards, les cerfs et autres chevreuils. Il est mort ici à Formiguères à l’âge de 48 ans. En 1920, le prince Albert 1er de Monaco a, à sa manière, perpétué cette tradition puisqu’il était également un habitué des lieux appréciant le secteur des Camporells qu’il avait loué pour venir y chasser et y pêcher. Avant de m’endormir, je me remets à penser à cette révélation que j’ai eu avec Blek le Roc. A ma mère bien sûr, puisque c’est elle qui m’a permis de lire ces bandes dessinées. Mes pensées s’enchainent les unes aux autres. Ma mère, mon enfance, Blek le Roc. Ma mère est dans un service spécialisé Alzheimer d’une maison de retraite depuis 5 ans déjà et c’est bien rare que lors d’une randonnée sur plusieurs jours, je ne pense pas à elle plusieurs fois. Plusieurs fois et le plus souvent avec tristesse,  tant je trouve la fin de sa vie si injuste. L’aspect solitaire de la randonnée et les efforts à accomplir me font souvent sortir de mes pensées habituelles et quotidiennes, et de ce fait, il m’arrive très souvent de songer au temps passé et aux êtres chers qui ne sont plus de ce monde. Ce monde, ma mère n’en fait déjà plus partie. Avec la maladie d’Alzheimer, elle a basculé dans un autre univers.  Grâce à elle et depuis hier, le nom de Blek le Roc est revenu à la surface de mes souvenirs. S’il n’est pas revenu dans la journée, c’est probablement parce que l’étape d’aujourd’hui ne présentait aucune difficulté. Désormais, je n’ai plus aucun doute, ce personnage de bande dessinée est définitivement lié à mon amour pour la randonnée pédestre. Je ne sais pas pourquoi, je n’y avais jamais pensé auparavant. Me remémorer tout ça et mon enfance me rend triste car bien sûr ça me renvoie à ma mère et pourtant je suis super heureux d’être là et de marcher avec Jérôme et ses amis Cathy et Fred. Alors j’essaie de penser à autre chose mais les souvenirs bons et mauvais reviennent sans cesse et parfois se chevauchent. Avant de m’endormir, me viennent à l’esprit des questions parfois stupides.  Je me demande par exemple si Blek le Roc aurait pu s’entendre avec les rois de Majorque, eux, dont le quotidien était les guerres pour conserver leurs pouvoirs, pour étendre leur immense royaume.  Je n’ai pas la réponse. Blek, c’était d’abord un héros au grand cœur, un Robin des Bois à la sauce américaine, un être épris de justice et de liberté dont le seul objectif était de vaincre les Anglais. Les « homards rouges » comme il les appelait à cause de leurs uniformes. Il se battait pour que les Etats-Unis accèdent à leur Indépendance et non pas pour étendre un royaume voire un empire. Suis-je encore éveillé ? Suis-je déjà dans un rêve ? Les pensées concernant mon enfance se mélangent au temps présent. Elles oscillent entre la chance que j’ai d’être là et les êtres qui m’étaient chers et dont j’aurais tant aimé qu’ils soient avec moi. Je voudrais bien n’être que positif mais Blek le Roc me ramène parfois à des souvenirs plus tragiques. Ma mère encore et toujours, mais mon frère aîné Daniel aussi. En pensant à Blek le Roc, je me souviens qu’il cachait mes bandes dessinées uniquement pour me taquiner. Il est décédé à l’âge de 46 ans et dieu sait si l’avoir avec moi au cours de cette randonnée aurait été merveilleux.

Cliquez sur ce lien pour passer à la 3eme étape 

Partager cet article
Repost0

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 5 musiques d'Ennio Morricone extraites d'une complilation intitulée "Relaxing Moment". Elles ont pour titre : "C'era Una Volta Il West", "Il Colore Dei Suoi Occhi", "Nuovo Cinema Paradiso", "Irene Gli Intoccabili""Tema Di Ada"

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Tour du Capcir - Etape 2 Refuge de la Font de la Perdrix - Gîte Le Moulin à Rieutort

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.

 


 

2eme étape – 12 septembre 2013 : du Refuge de la Perdrix (2.312  au gite Le Moulin à Rieutort (1.517 m) soit 17,600 km pour un dénivelé de 1.080 m et des montées cumulées de 790 m. Point culminant : Le Madres (2.469 m) – Point le plus bas : Le pont de la Farga (1.400 m)

 

Bien que Fred et Jérôme aient alimenté le poêle au maximum et le plus longtemps possible, dès lors que l’on a cessé de l’entretenir, la température a rapidement chuté. La nuit est glaciale mais heureusement nous avions prévu cette éventualité. Les sacs de couchage plus des vêtements chauds sont suffisants pour ne pas avoir trop froid. En tous cas, je ne grelotte pas et seules les extrémités de mes mains et de mes pieds réclament plus de chaleur malgré deux paires de gants, deux paires de chaussettes et des petites bouillottes portatives mais malheureusement éphémères dans la durée. Mais connaissant bien cet inconvénient circulatoire sanguin qu’on appelle « froideur des extrémités », je sais qu’il n’y a pas grand-chose à faire de plus, si ce n’est juste à surveiller dans le cas de nouveaux symptômes ou si les anciens s’amplifient. J’ose espérer que mes compagnons n’ont pas ce problème. En pleine nuit, un besoin urgent m’envoie hors du refuge et je suis assez surpris de constater qu’il ne fait guère plus froid dehors qu’à l’intérieur du refuge. Le vent est presque complètement tombé et seule une brise légère balaie la crête. Le panorama est incroyable et si ce n’était pas la faiblesse de la température, je resterais sans doute bien plus longtemps à observer cette grandiose et merveilleuse splendeur. Eclairée par un croissant de lune, une longue chape nuageuse rougeâtre s’étend devant moi, si ce n’est à perte de vue au moins jusqu’à la Méditerranée que j’aperçois comme une tache bien plus claire par rapport au reste de l’horizon bien plus sombre. Ce reste d’horizon, j’imagine qu’il s’agit sans doute des Albères et de la Plaine du Roussillon. Sous cette longue ouate nébuleuse, le ciel est très clair dévoilant la silhouette des principales montagnes que je connais et qui paraissent bien plus proches : Canigou et Coronat au premier chef. De toute la Plaine du Roussillon et venant du sol, en tous cas de sa partie visible, des millions de scintillements jaunâtres semblent s’ajouter à cette clarté céleste.  C’est très beau et pendant un instant, l’éventualité d’aller chercher mon appareil photo pour figer ce spectacle me vient à l’esprit. Mais non, je préfère rester là à contempler et surtout je ne veux pas réveiller mes amis et je zappe aussitôt cette idée. En contrebas, le lac d’Evol me démontre que sa réputation de « Gorg Negre » n’est pas usurpée.  Seul un faible croissant de lune se reflète dans ses eaux noires. Quand un nuage cache cette tranche de lune, plus rien ne luit à sa surface et tel un puits sans fond, seul le contour de ses rives boisées encore plus sombres que lui reste visible. Pour quelqu’un croyant à toutes les sornettes que l’on raconte à son propos, cette vision ténébreuse et plutôt sinistre rajouterait sans doute encore un peu plus de phobie. Moi pas. Si j’ai toujours aimé les légendes pour leurs côtés mystérieux, leurs aspects trop souvent mystiques me font plutôt rigoler. C’est le cas ici où les fables les plus farfelues, sources de profondes terreurs auprès des gens du pays sont paraît-il légions : « jeter un pierre dans ses eaux engendrerait une tempête…., les truites pêchées seraient des démons qui s’enfuiraient par les cheminées dès lors qu’on tenterait de les faire cuire…., d’incroyables trésors y seraient enfouis et tenter de les récupérer serait synonyme d’orages funestes….., ses fonds lugubres seraient le palais des diables…..des fées et des sorcières seraient à l’origine de la création des trois lacs, etc….. ». Voilà en résumé ce qu’il se raconte du « Gorg Negre » et parfois des deux autres lacs que sont le Gorg Estelat et le Gorg Bleu. Ce n’est donc pas l’appréhension qui me fait réintégrer le refuge mais seulement le froid que je trouve bien trop cinglant. Cette froidure me rappelle qu’un chaud duvet m’attend à l’intérieur. J’oublie très vite cette vision lugubre du lac et Morphée m’entraîne vers elle avec essentiellement ces superbes et étranges tableaux enluminés que j’ai eus devant les yeux. Le plus grand des bonheurs est d’avoir pu observer un panorama aussi lointain et dégagé, chose que nous n’avons jamais pu avoir depuis notre arrivée sur cette crête des Gourgs. En effet, l’horizon a été désespérément bouché par du brouillard ou des nuages qui passaient tels de longs chapelets sans fin.  Dans ma tête, je me dis que c’est peut-être les premiers indices d’une météo bien plus clémente que celle que nous avons connue hier et je m’endors avec cette bienheureuse espérance. Vers 8 heures du matin, le froid bien plus vif encore que dans la nuit me réveille. Personne n’est encore debout,  alors je reste longtemps blotti dans mon duvet à chercher en vain un peu de tiédeur. Le pire est toujours au bout de mes membres et j’ai l’impression que je ne sens plus leurs extrémités. J’attends que mes compagnons se réveillent complètement car j’en entends certains se tourner et se retourner dans leurs sacs de couchage cherchant sans doute eux aussi un peu de chaleur.  Avec le bout de tous mes doigts aussi réfrigérés et n’y tenant plus, je me lève le premier et je vois que Fred est réveillé lui aussi. La tête complètement dissimulée sous le capuchon de son sac, seul son visage apparaît et dans cet accoutrement, il ressemble à un papillon voulant s’extraire de sa chrysalide. Je sors du refuge car pour réveiller mes pieds endoloris par le froid, il faut nécessairement que je marche un peu. J’emporte mon appareil photo avec moi car j’espère que le spectacle sera aussi beau que celui aperçu cette nuit. Mais si les vues sont presque aussi lointaines toutes les couleurs ont disparu. La chape nocturne rougeâtre est désormais d’un bleu grisâtre plutôt terne et peu de lumières scintillent au loin. Seul l’horizon a de jolies nuances hésitant entre le rose et le gris. Mais je continue à trouver ça beau car dans ce jour naissant, mon regard est désormais attiré par la surface du Gorg Negre qui commence à miroiter sous les premières lueurs de l’aube. Il n’a plus rien de semblable avec le lac noir et mystérieux que j’ai observé cette nuit. Il est devenu le lac d’Evol. Tout comme hier matin à Matemale, le ciel est scindé en deux, mais cette fois les rôles sont inversés. Devant le refuge, le Conflent est chapeauté de nombreux nuages, certains très longs, gris ou blancs et d’autres plus petits et épars selon la direction dans laquelle je regarde. Derrière, c'est-à-dire vers le Capcir, un ciel encourageant semble hésiter entre un bleu dur très prometteur et un blanc laiteux que les premiers rayons du soleil ont du mal à colorer. Une fois encore, la direction à prendre est celle du beau temps et c’est encourageant même si hier je m’étais fait la même réflexion mais sans la réussite escomptée. En entrant dans le refuge, je suis néanmoins ravi d’annoncer cette excellente nouvelle à tout le monde. Fred a pris la peine de rallumer le poêle et une agréable chaleur commence à envahir la pièce. Jérôme est réveillé mais il est toujours perché sur son bat-flanc supérieur, déjà occupé à ranger son couchage.  Cathy est attablée et a entamé son petit déjeuner. Grâce à des petites boîtes de lait sucré, quelques galettes moelleuses et un jus de fruit, le mien est vite expédié et aussitôt après je me met à ranger mes affaires et mon sac à dos. Tout le monde fait de même et après un peu de ménage vite bâclé, nous sortons du refuge en file indienne, direction le pic du Madres. Un petit vent glacial s’est levé et avant de démarrer, nous jugeons utile d’enfiler nos gants et de nous encapuchonner dans nos vestes. Pendant un instant, nous longeons le bord du cirque au fond duquel nous apercevons le petit Gorg Blau (Lac Bleu) et celui plus vaste et en forme de haricot du Gorg Estelat que l’on appelle plus communément le lac de Nohèdes ou Lac Etoilé.  Ces décors ne me laissent pas indifférent. Je m’arrête un instant. En regardant ce dernier lac et ses rives, les souvenirs de ma deuxième étape sur le Tour du Coronat de 2007 émergent de ma mémoire : mon arrivée avec un groupe de vététistes espagnols, masculins et féminins. Ils avaient galéré dans les tourbières pour trouver le lac et je leur avais dit de me suivre pour accomplir les derniers mètres. Ils m’avaient demandé de les photographier avec vue sur le lac. Puis nous étions partis dans des directions opposées. Eux avaient pris la direction de l’ancien canal de Jujols alors que moi, j’avais décidé de faire le tour du lac pour partir à sa découverte. Avec mon gros sac à dos, je me souviens avoir galéré comme jamais dans les énormes pierriers de sa rive nord. Je me souviens aussi des couleurs extraordinaires que les rhododendrons roses et les flamboyants genêts composaient en se reflétant dans les eaux calmes du lac bleuté. Bleu, rose et jaune, cette incroyable palette de couleurs est toujours restée dans ma tête comme une des plus belles images de ce Tour du Coronat. Sur la rive ouest, là même où les eaux du Gorg Blau se déversent, j’avais trouvé une petite grève de sable fin avec une eau si limpide que je n’avais pas pu résister à y faire un peu de toilette. La toilette s’était rapidement transformée en une baignade dans le plus simple appareil. Un bain ô combien glacial mais nécessaire et qui m’avait définitivement revigoré et mis en forme pour le restant de la journée. Cette deuxième journée s’était poursuivie vers le lac d’Evol, le col du Portus et retour à Jujols, d’où j’étais parti la veille au matin. C’était mes deux premières étapes de ce Tour du Coronat qui allait en compter six et que j’avais intitulé « Des Merveilles au pays d’Alysse » à cause de l’ « Alyssum pyrenaicum » ou Alysson des Pyrénées, cette fleur relictuelle que l’on ne trouve que dans les falaises du Mont Coronat et nulle part ailleurs dans le monde. Les botanistes qui adorent le latin et les mots compliqués lui ont donné le nom de « Hormathophylla pyrenaica ». Voilà ce que ces deux lacs me rappellent à cet instant : des moments d’une randonnée solitaire mais merveilleuse et de surcroît avec quelques rencontres qui l’avaient rendu inoubliable. Des moments à la fois de joie et de solitude où l’on peut se remettre en question ? Qu’ai-je fait de bien et de mal ? Je me remets en route. Le lac disparaît soudain de mon regard et avec lui mes vieux souvenirs. Mes compagnons ont déjà pris pas mal d’avance. Sur la crête caillouteuse, le Madres fait son apparition avec encore un beau névé accroché à son flanc sud. Je connais bien cet itinéraire pour l’avoir déjà accompli depuis le col de Sansa et en boucle par la Coume de Ponteils et le Serrat de l’Ours. A partir d’ici, la déclivité est plutôt modeste mais dans ma tête, je me souviens de cette belle difficulté rocheuse qu’il y a entre le Roc Nègre (2.459 m) et le Madres (2.469 m) que les montagnards du cru appelle le « Malpas », c’est à dire le « mauvais passage ». Sur la carte I.G.N, elle apparaît sous la dénomination de « Clos Tort », que l’on traduit du catalan en « enclos tortueux ».  Ici, les randonneurs sujets au vertige sont priés d’oublier leur indisposition tant le sentier est étroit, abrupt et en équilibre au dessus d’un vide assez impressionnant. Je l’appréhende. J’ai déjà prévenu mes amis mais ça n’a pas eu l’air de les impressionner plus que ça. A l’approche du Clot Rodon, un isard s’enfuit devant nous et prend la même direction que celle que nous allons prendre. Il disparaît dans les rochers. Cathy, Fred et Jérôme amorcent la pente plutôt douce à cet endroit à une bonne cadence alors que mon cœur s’emballe. Mon vieux moteur diesel a un mal fou à trouver la bonne carburation. Il faut dire que la température sans doute proche de zéro ne fait rien pour m’aider et je suis vraiment frigorifié et comme toujours un maximum de froideur au bout de mes mains, de mes pieds mais de mon nez aussi. Telles de fines bougies accrochées à un sapin de Noël, de longs glaçons pendent aux branches de petits pins chétifs, c’est dire si la nuit a été froide par ici.  Je suis rapidement largué mais Jérôme s’arrête souvent pour m’attendre mais quand j’arrive à sa hauteur, le voilà qui repart et moi inévitablement, je m’arrête un peu plus longtemps pour calmer mes palpitations. Je monte à mon rythme et ce rythme-là me convient. En outre, je sais qu’après cette ascension du Madres, les descentes prendront le relais sinon jusqu’à l’arrivée au moins jusqu’à Puyvalador. Avant le sommet du Roc Nègre, Cathy et Fred sont là à m’attendre et je m’en veux un peu de savoir qu’ils m’ont attendus dans ce froid et avec ce vent polaire qui nous glacent le corps. Depuis la crête, les vues s’entrouvrent magnifiquement sur une immense partie de l’Aude et de l’Ariège. Depuis notre démarrage, un épais matelas nuageux est monté du fin fond des vallées du Bas-Conflent et c’est soudain immobilisé créant ainsi une véritable mer de nuages. Le plus épais recouvre la Vallée de la Castellane. C’est marrant car en 2007, lors de mon Tour du Coronat, j’avais connu les mêmes phénomènes climatiques lors des deux premiers jours. La première fois à Jujols et la seconde fois au campement de l’Estany del Clot, au bord duquel j’avais passé la nuit sous ma tente. J’étais très longtemps resté scotché à regarder les lents mouvements de cet extraordinaire moutonnement nuageux ressemblant aux flots déchaînés d’un océan mais qu’on aurait cru comme filmé au ralenti. Peu après ce joli spectacle, le fameux passage difficile du Clos Tort se présente. Par bonheur, il s’effectue sans problème et une fois encore, en s’engageant la première, alors qu’elle n’a aucune connaissance des obstacles qui l’attendent, Cathy démontre toute son agilité et la facilité qu’elle a à gravir les passages les plus périlleux sans aucune appréhension.  Jérôme passe en second et tout au long de l'hésitante escalade, je le suis quasiment comme son ombre. J’avoue qu’avec mon gros sac, je ne suis pas vraiment rassuré mais en tous cas, je n’ai pas le vertige.  Il faut dire que j’évite de m’arrêter pour regarder derrière moi. Fred ferme la marche et une fois les difficultés franchies, il reconnaît lui aussi que ce couloir étroit et très abrupt avec le vide sous les pieds n’est pas si commode que ça. L’arrivée de Fred au sommet est pour moi un vrai soulagement car je sais que nous en avons terminé avec les difficultés, au moins pour aujourd’hui. Pour avoir étudié la totalité du parcours du Tour du Capcir, je n’ai pas connaissance qu’il y en ait d’autres même si à proximité du lac d’Aude, un autre lieu-dit a également pour nom « Malpas ». Du coup, la suite bien plus praticable vers le Madres et son fameux orri est pour moi une quasi promenade. Ce tronçon est d’autant plus agréable qu’en contrebas, côté Vallon de la Balmette et Salt del Bourro, de nombreux isards paissent tranquillement sur les pelouses d’altitude. Voir des animaux sauvages est suffisamment rare pour que l’on passe un long moment à les observer même si le carcanet est toujours là, violent et froid. A cause de ce vent et de la distance, j’éprouve les pires difficultés à les photographier convenablement et ce, malgré la puissance du zoom de mon appareil photo. Il faut dire que la violence du vent ne me facilite pas la tâche car j’ai un mal fou à garder l’équilibre et à ne pas trembler dans mes prises de vues. En arrivant au sommet du Madres et devant l’orri qui le matérialise, je suis surpris d’apprendre que deux hommes, qui bivouaquent encore devant l’entrée, y ont passé la nuit. Sur le moment, je pense qu’avec notre « bon » poêle, nous avons été bien mieux lotis dans notre minuscule refuge. On échange quelques banalités avec eux en grignotant des fruits secs et des barres de céréales puis on immortalise notre arrivée à ce remarquable sommet par une photo de notre petit groupe. Emmitouflés comme nous le sommes, nous ressemblons à des alpinistes au sommet de l’Everest et pourtant nous ne sommes qu’à 2.469 mètres d’altitude. Il faut dire que le Madres, c’est déjà le point culminant de ce Tour du Capcir, alors c’est sans doute un peu notre Himalaya à nous. Il ne manque que la neige. Ce début de matinée venteuse et froide n’est pas étrangère à cette vision des choses mais la journée s’annonce assez magique et en tous cas conforme aux prévisions météo. Le soleil et le ciel bleu semble vouloir s’installer durablement et j’en suis le premier ravi. Les bonnes prévisions ont eu un jour de retard, voilà tout. A aucun moment, je n’ai imaginé qu’un orage puisse survenir. Les mois de juillet et d’août sont déjà derrière nous et pour moi, la saison des orages violents et fugitifs qu’il y a souvent sur ce massif est passée. Il y a quelques années, j’y ai vu tomber des flocons, de manière éphémère il est vrai, mais en plein mois d’août.  Les paysages à 360 degrés sont époustouflants même si deci delà quelques nuages épars restent accrochés à des reliefs. En contrebas, sur la Jasse de Guissotte, là même où le Ponteils prend sa source dans les nombreuses tourbières, Jérôme aperçoit d’autres cervidés. On en distingue également sur les crêtes du côté du Col des Gavaches mais avec la distance qui nous en sépare, il est impossible de discerner de quels cervidés il s’agit. Ici, il y a des isards, des cerfs, des mouflons de Corse réintroduits ou bien encore des chevreuils, encore que les chevreuils en troupeau soient assez rarissimes. Tous sont très présents dans ce massif et j’ai même lu dans un récent « Pyrénées Magazine », que le Massif du Madres est le lieu des Pyrénées où les spécialistes en ont recensé le plus : 4.000 cervidés sont présents dans le Capcir selon la revue. Quand au bouquetin des Pyrénées, il y a déjà longtemps qu’il a disparu de nos montagnes, sa chasse ayant eu raison de sa robustesse légendaire. Les bouquetins que l’on pourrait voir ont été réintroduits eux aussi comme les mouflons et les marmottes, celles visibles étant d’origine alpine et réintroduite en 1948. Oui, le Massif du Madres est un haut-lieu de la faune sauvage et il n’est donc pas étonnant qu’on y ait aperçu des ours, des loups et que les chats sauvages y soient bien présents sans compter bien sûr les sangliers et les renards roux. Nous quittons le sommet du Madres et prenons la direction de son flanc nord-ouest que l’on appelle le Serrat des Clotes. Le sentier tout en descente est très bon et file agréablement au milieu d’une végétation rase faite de minuscules bruyères et de graminées naines. Ici, les seuls arbres sont quelques pins rabougris très disséminés. Malgré la qualité du sentier peu caillouteux et tout en descente, une fois encore je suis décroché, d’abord parce que Cathy marche à un rythme incroyablement rapide mais surtout parce que le petit vent glacial qui balaie la montagne me fait constamment pleurer. Mes yeux larmoient sans cesse et de ce fait, je suis dans l’incapacité de voir où je mets mes pieds.  Jérôme qui s’arrête régulièrement pour m’attendre ne comprend pas pourquoi je marche si lentement et je suis contraint de lui demander de s’arrêter pour lui expliquer. Après les avoir freinés dans les montées, voilà que maintenant je les retarde aussi dans les descentes. Je m’en veux. A la fin d’un dôme herbeux, le grand « V » bleu du lac de Puyvalador fait son apparition au fond de la verdoyante vallée de l’Aude. Au dessus de cette profonde vallée, les forêts domaniales étalent leur longue toison olivâtre. Un peu plus haut encore, tout n’est que minéralité. Devant nos yeux contemplatifs et dans une succession sans fin de sommets plus ou moins hauts, la chaîne pyrénéenne forme l’horizon. Parmi les quelques sommets que j’ai eu l’occasion de gravir, seule la pyramide du Carlit est vraiment reconnaissable. L’été est passé et a fait disparaître la quasi totalement des névés et seules quelques neiges éternelles subsistent anarchiquement sur les parties les plus élevées et les plus ombragées sans doute. Après être entrés dans une zone d’estives où quelques vaches somnolent, nous coupons une piste. Ici, les prairies essentiellement herbeuses laissent un peu de place à de petits bosquets plantés de pins. Un panonceau indicatif mentionnant Espousouille à 3h20 nous donne une petite idée du temps de marche approximatif restant. A cette altitude, quelques plantes fleuries font de la résistance. Après la grisaille d’hier, c’est un plaisir de découvrir quelques touches de couleurs : le rose des épilobes et de quelques gros chardons, la blanc ou le mauve d’œillets de Montpellier magnifiquement dentelés, le jaune et le bleu des aconits. Le sentier est plus caillouteux mais paradoxalement il file dans des décors plus charmants car moins monotones. Cathy vient d’arriver la première au petit abri du Refuge Oller (1.630 m) et elle semble bien décidée à poursuivre quand Jérôme et Fred l’arrêtent dans son élan car il est déjà 12h30 et leurs estomacs doivent certainement crier famine. Le mien aussi. Nous décidons de stopper là pour pique-niquer et pour moi c’est une vraie délivrance car en arrêtant de marcher mes yeux s’arrêtent aussitôt de larmoyer. L’endroit est agréable, herbeux à souhait et en plus les vues en balcon sur la vallée sont superbes.  Nous y restons environ une heure, la plupart du temps couchés, car l’herbe est tendre, le ciel est bleu et les rayons du soleil sont suffisamment chauds pour envisager un semblant de sieste. En quittant le refuge Oller, le sentier tout en descente entre immédiatement dans un sombre sous-bois et pour moi, l’aspect agréable est que mes yeux ne pleurent plus. Ici, aux Planches d’en Jaquet, on voit clairement qu’un palier végétatif vient d’être atteint. C’est d’ailleurs l’impression générale que l’on a car tout autour de nous, la forêt est omniprésente. Les bois où nous marchons sont plus denses, les arbres plus hauts avec de nombreux grands résineux mais aussi quelques hauts feuillus. Peu après, on entend le bruit d’un petit ruisseau qui s’écoule et depuis la Font de la Perdrix, c’est le premier « rec » actif que l’on rencontre. Un coup d'oeil sur mon bout de carte et c'est bien le Rec du Roc Mari, escarpement rocheux isolé en forme de protubérance et entourée de pierriers que nous avons longtemps aperçu sur notre gauche.  L’étroit sentier s’élargit soudain se transformant en un chemin bien plus praticable lequel devient très rapidement une large piste forestière. Là, nous sommes arrivés en surplomb de la cabane du Bécet (1.560 m). En observant la carte I.G.N, il est évident que quel que soit l’itinéraire que l’on va choisir pour rejoindre Puyvalador,  seules des pistes forestières nous attendent et parmi les deux possibles, toutes les deux se terminent sur la digue du barrage. Il y a celle filant vers Odello Réal et celle dite de Serrallongua que Jérôme a enregistrée dans son G.P.S et qui arrive directement au bord de l’Aude au lieu-dit le Pont de la Fargua.  C’est cette dernière que nous choisissons et bien que ne connaissant pas l’autre, autant dire que celle de Serrallongua porte parfaitement son nom. Je la trouve très longue et fastidieuse cette piste et sans doute que je ne suis pas le seul dans ce cas. Comme souvent et pour passer le temps, je photographe tous et n’importe quoi : vaches, fleurs, insectes et papillons, tout y passe. L’arrivée au barrage de Puyvalador réveille quelques récents souvenirs car il y a moins de 15 jours, j’y suis venu avec Dany pour une randonnée consistant à faire le tour de son lac. C’est donc tout frais et je n’ai plus rien à découvrir que je ne connaisse déjà. Seule la météo est plus favorable et le lac un peu plus plein que lors de notre récente venue. Je prends quelques photos. On traverse la digue du barrage, toujours occupée par une ribambelle de martinets puis l’on monte vers le village de Puyvalador que l’on rejoint très rapidement. Ici, pour l’avoir accompli en voiture, je connais la distance qu’ils nous restent à parcourir : 3 kilomètres mais essentiellement sur de l’asphalte et tous les quatre, nous avons horreur de ça. On quitte Puyvalador et sa charmante église en empruntant la petite D.32g se dirigeant vers le hameau de Rieutort. Nous y sommes attendus au gîte Le Moulin. Au travers de grandes prairies et des paysages très amples eux aussi, la petite route est moins lassante que je ne l’avais imaginée. Il faut dire que quelques petits rapaces planant dans le ciel attirent sans cesse l’objectif de mon numérique. Par chance, un d’entre eux se pose sur un pin.  15h50, en entrant dans Rieutort, j’ai le sentiment de pénétrer dans un village qui a été déserté de tous ses habitants. Personne. Tout est silencieux, Seuls le bruit du ruisseau de Cirerol et la gazouillis de quelques passereaux se font entendre. Heureusement, Alex et Sia, les propriétaires du gîte sont bien présents. Ils sont chaleureux et formidables avec nous. Le lieu est charmant et reposant, les chambres sont parfaites et le grand calme que j’avais observé à mon arrivée s’avère être un atout indéniable pour trouver le repos auquel certains d’entre nous aspirent, moi le premier. Après les douches indispensables, Cathy se repose dans sa chambre pendant que Jérôme et Fred profitent des chaises longues du jardin fleuri et ensoleillé. De mon côté, appareil photo en bandoulière, je pars à la découverte du village qui s’avère bien plus grand que je ne l’avais supposé. Il faut dire que si le hameau a vécu un exode rural au milieu du siècle précédent, il n’en a pas toujours été ainsi. La taille de certains bâtiments, école et mairie par exemples, sont là pour prouver que Rieutort a eu ses heures de gloire et un nombre d’habitants bien plus important que de nos jours. La soirée, ponctuée d’un succulent repas avec formule table d’hôtes est des plus agréables. Alex et Sia se mettent en quatre pour nous satisfaire. Alex, en plus de son labeur d'aubergiste, est un fou de nature, moniteur de ski et guide de randonnées à ses heures. C’était un fana de pêche en mer et en rivière et il aime beaucoup la photo. Sur les murs du gîte, on peut découvrir de nombreuses photos relatant ses exploits et ses trophées halieutiques. De ce fait, nous avons de nombreux atomes crochus pour nous entendre et aucun problème pour trouver facilement des sujets de conversation. Sia est plus timide, excellente cuisinière et très captivante également quand elle parle de gastronomie et de la vie au gîte qu’elle semble affectionner.  En plus des charmants propriétaires, un couple sympathique s’est joint à nous lors du repas. La femme écrit des romans et de ce fait, les causeries s’en trouvent facilitées. La fin de la soirée tire agréablement en longueur mais pour la plupart d’entre nous, la nuit précédente a été peu réparatrice et l’envie d’aller nous coucher arrive bien plus vite que nous le souhaiterions. Nous pensons déjà à la très longue étape de demain. Ajoutons à cela les 17 kilomètres de l’étape d’aujourd’hui, le bon air du Madres et du Capcir, un bon et vrai lit qui nous attend et tout est en place pour une nuit qui s’annonce bien plus douce et régénératrice que la précédente. 11 heures, la raison l’emporte et nous partons nous coucher car dès le lendemain, la plus longue et plus difficile étape de ce Tour du Capcir nous attend. 28 kilomètres pour atteindre les Bouillouses et surtout une très longue montée par la Vallée du Galbe jusqu’au Camporells. Adorant l’Histoire, la toponymie et n’aimant pas « marcher idiot », autant qu’il est possible, j’ai appris que Les Camporells étaient les « champs des rois ». Ces rois, c’était ceux d’Aragon et de Majorque qui avaient fait du Capcir leur lieu de villégiature et de Formiguères leur résidence d’été. En réalité, le village a surtout servi à soigner l’asthme dont souffrait le roi Sanche 1er, roi de Majorque de 1299 à 1324. Quant aux Camporells, c’était son lieu de prédilection pour venir y chasser les isards, les cerfs et autres chevreuils. Il est mort ici à Formiguères à l’âge de 48 ans. En 1920, le prince Albert 1er de Monaco a, à sa manière, perpétué cette tradition puisqu’il était également un habitué des lieux appréciant le secteur des Camporells qu’il avait loué pour venir y chasser et y pêcher. Avant de m’endormir, je me remets à penser à cette révélation que j’ai eu avec Blek le Roc. A ma mère bien sûr, puisque c’est elle qui m’a permis de lire ces bandes dessinées. Mes pensées s’enchainent les unes aux autres. Ma mère, mon enfance, Blek le Roc. Ma mère est dans un service spécialisé Alzheimer d’une maison de retraite depuis 5 ans déjà et c’est bien rare que lors d’une randonnée sur plusieurs jours, je ne pense pas à elle plusieurs fois. Plusieurs fois et le plus souvent avec tristesse,  tant je trouve la fin de sa vie si injuste. L’aspect solitaire de la randonnée et les efforts à accomplir me font souvent sortir de mes pensées habituelles et quotidiennes, et de ce fait, il m’arrive très souvent de songer au temps passé et aux êtres chers qui ne sont plus de ce monde. Ce monde, ma mère n’en fait déjà plus partie. Avec la maladie d’Alzheimer, elle a basculé dans un autre univers.  Grâce à elle et depuis hier, le nom de Blek le Roc est revenu à la surface de mes souvenirs. S’il n’est pas revenu dans la journée, c’est probablement parce que l’étape d’aujourd’hui ne présentait aucune difficulté. Désormais, je n’ai plus aucun doute, ce personnage de bande dessinée est définitivement lié à mon amour pour la randonnée pédestre. Je ne sais pas pourquoi, je n’y avais jamais pensé auparavant. Me remémorer tout ça et mon enfance me rend triste car bien sûr ça me renvoie à ma mère et pourtant je suis super heureux d’être là et de marcher avec Jérôme et ses amis Cathy et Fred. Alors j’essaie de penser à autre chose mais les souvenirs bons et mauvais reviennent sans cesse et parfois se chevauchent. Avant de m’endormir, me viennent à l’esprit des questions parfois stupides.  Je me demande par exemple si Blek le Roc aurait pu s’entendre avec les rois de Majorque, eux, dont le quotidien était les guerres pour conserver leurs pouvoirs, pour étendre leur immense royaume.  Je n’ai pas la réponse. Blek, c’était d’abord un héros au grand cœur, un Robin des Bois à la sauce américaine, un être épris de justice et de liberté dont le seul objectif était de vaincre les Anglais. Les « homards rouges » comme il les appelait à cause de leurs uniformes. Il se battait pour que les Etats-Unis accèdent à leur Indépendance et non pas pour étendre un royaume voire un empire. Suis-je encore éveillé ? Suis-je déjà dans un rêve ? Les pensées concernant mon enfance se mélangent au temps présent. Elles oscillent entre la chance que j’ai d’être là et les êtres qui m’étaient chers et dont j’aurais tant aimé qu’ils soient avec moi. Je voudrais bien n’être que positif mais Blek le Roc me ramène parfois à des souvenirs plus tragiques. Ma mère encore et toujours, mais mon frère aîné Daniel aussi. En pensant à Blek le Roc, je me souviens qu’il cachait mes bandes dessinées uniquement pour me taquiner. Il est décédé à l’âge de 46 ans et dieu sait si l’avoir avec moi au cours de cette randonnée aurait été merveilleux.

Cliquez sur ce lien pour passer à la 3eme étape 

Partager cet article
Repost0

Tour du Capcir - Etape 3 Gîte Le Moulin à Rieutort - Les Bones Hores aux Bouillouses

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 6 musiques d'Ennio Morricone extraites d'une compilation intitulée "Relaxing Moment". Elles ont pour titre : "Tema Di Ada", "Infazia E Maturità", "La Spiaggia", "In Ogni Una Storia", "Tre Anni Fa Una Sera", "Il Figlio E La Nostalgia".

Tour du Capcir - Etape 3 Gîte Le Moulin à Rieutort - Les Bones Hores aux Bouillouses

Tour du Capcir - Etape 3 Gîte Le Moulin à Rieutort - Les Bones Hores aux Bouillouses

Tour du Capcir - Etape 3 Gîte Le Moulin à Rieutort - Les Bones Hores aux Bouillouses

Tour du Capcir - Etape 3 Gîte Le Moulin à Rieutort - Les Bones Hores aux Bouillouses

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.


 

3eme étape – 13 septembre 2013 : du gîte Le Moulin à Rieutort (1.517 m) à l’hôtel-restaurant Les Bones Hores aux Bouillouses (2.019 m) soit 28 km pour un dénivelé de 887 m et des montées cumulées de 1.734 m. Point culminant au collet proche du lieu-dit La Muntanyeta (2.327 m) – Point le plus bas au pont de Les Moulines (1.440 m).

 

Cette nuit, j’ai fait un rêve.  Je marchais sur la crête d’une montagne avec Blek le Roc et ses deux compagnons Roddy et le professeur Occultis, mais il y avait aussi Jérôme, ses deux amis Cathy et Fred mais également Dany, Carole ma fille, mon gendre JC et mon frère Daniel. Mes petits-enfants aussi. Oui, nous étions tous là sur cette crête et c’était clairement celle du Madres cheminée hier. Oui, nous marchions tous en ensemble, riant comme si une bonne humeur communicative s’était emparée de nous tous. Par contre, je ne me souviens pas comment ce rêve s’est terminé. Sans doute avait-il juste été là pour me faire démarrer cette journée avec enthousiasme. En me réveillant, et après le souvenir de ce rêve agréable, la première idée qui m’est passée par la tête a été de me dire : « nous sommes déjà à la moitié de ce Tour du Capcir et bon sang que le temps est vite passé ! » puis dans la foulée : « il faut que j’en profite un maximum ! ». En me levant, je me suis dirigé vers la petite fenêtre pour regarder le ciel. J’étais passablement déçu car il était plutôt blanc mais je ne voulais pas me mettre la pression inutilement car selon Alex, le propriétaire du gîte, aucune pluie n’était annoncée pour les 2 prochains jours. Alors, je suis parti sous la douche car il était 7h30 et nous avions commandé le p’tit déj pour 8 heures. Globalement, je me sentais en bien meilleure forme que les jours précédents et j’étais plutôt content car l’étape s’annonçait assez « phénoménale ». Mon tracé G.P.S que j’avais refait des dizaines de fois avec mon logiciel CartoExplorer m’avait toujours indiqué une distance de 28 kilomètres environ et des montées cumulées assez ahurissantes. Ahurissantes pour moi bien sûr et mes 64 printemps. Comme toujours, les calculs de Jérôme étaient un peu plus optimistes mais il faut dire que nous n’avions pas la même manière d’effectuer les tracés et pas le même logiciel non plus. Lui, ses tracés étaient plus directs alors que les miens étaient toujours plus nuancés et plus dans le détail. Alors je préférais me fier aux miens, et quand j’essayais de me souvenir d’une étape aussi longue lors d’un autre tour pédestre, deux étapes réalisées avec Dany revenaient à ma mémoire : « En 2004, 32 kilomètres entre le  Pont-de-Montvert et Florac lors d’une étape mémorable sur le Chemin de Stevenson ! ». Quant à la deuxième, c’était 12h30 de marche sur le G.R.10 en 2001, non loin de là, entre le lac du Lanoux et Bolquère. Si je parle en heure, c’est parce qu’à l’époque, je n’avais pas encore de G.P.S et bien sûr pas de logiciel cartographique. Avec le recul, j’avais estimé cette étape à environ 29 à 30 kilomètres et d’ailleurs, Dany l’avait terminée avec les plantes des deux pieds à vif !  Moi, par chance, je l’avais accompli sans aucun souci physique. C’était une autre époque, mon appareil photo était un argentique et j’avais 13 années de moins. Comme allais-je me comporter sur celle-ci ? Cette question m’avait turlupiné mais ce n’était plus le cas. J’avais décidé d’être positif. A 8h30, tout le monde est au rendez-vous du petit déjeuner et dans la salle à manger, une superbe table nous attend. Rien ne manque à l’appel et Sia et Alex se sont démenés sans compter pour satisfaire nos goûts et nos appétits respectifs. Cela est d’autant plus dommage que nous ne pouvons pas nous éterniser et qu’au bout de 20 minutes, nous sommes contraints de quitter cette table à regrets, le ventre rassasié pour quelques heures il est vrai. Les Bouillouses sont loin, et moi, je l’avoue, je pars un peu dans l’inconnu, même si certains tronçons de cette étape autour des Camporells et des Bouillouses n’ont plus aucun secret pour moi.  Nous saluons nos charmants hôteliers en les remerciant de leur excellent accueil et surtout sans oublier de leur dire que tout a été parfait à tous points de vue. En sortant du gîte, une fois encore, je fais l’amer constat d’une météo très mitigée. De gros nuages blancs et de grands pans de ciel bleu se partagent l’espace. Au loin, droit devant nous,  une grande étendue crayeuse chapeaute la vallée de l’Aude. Poussés par un « bon » vent frisquet, les nuages courent vers le sud et en l’espace de quelques minutes, le ciel est à même de changer du tout au tout. Soit nous sommes enveloppés d’une brume grisâtre et humide ou bien couronnés d’un ciel bleu d’une pureté presque absolue. A la sortie de Rieutort, nous reprenons la petite route empruntée hier,  mais cette fois dans le sens inverse. Au bout de quelques minutes, nous apercevons Jérôme ; qui a pris un peu d’avance et qui marche avec son G.P.S à la main ; quitter la route pour descendre dans une vaste prairie. Or mis un peu d’herbe couchée par endroits, indiquant que d’autres personnes sont déjà passées,  rien ne mentionne qu’il y ait là un itinéraire. Mais quelques centaines de mètres plus loin, nous atterrissons sur un chemin bien plus large dont le sol est nettement plus marqué par les passages. Ce chemin suit une longue ligne de poteaux électriques. Ces deux raccourcis nous évitent le bitume de la route et nous emmènent plus directement sur l’itinéraire du Tour du Capcir que l’on retrouve à hauteur du pont de la Polideta. Je reconnais immédiatement le parcours que nous avions emprunté 15 jours auparavant lors de notre tour du lac de Puyvalador avec Dany. Après le pont de la Polideta vient aussitôt celui des Molines. Des arches séculaires dont la tradition prétend qu’ils sont « romains » mais les historiens contestent cette idée. En réalité, aucune mention historique n’en fait état et de ce fait, personne ne sait vraiment les dater. Selon des spécialistes, les techniques de construction seraient plutôt moyenâgeuses. Si le premier pont a enjambé le rec del Cirerol descendant de Rieutort, avec celui des Molines nous enjambons le Galbe. Ce farouche torrent, nous allons devoir le suivre sur de nombreux kilomètres au sein même de la belle vallée portant bien évidemment son nom. Rappelons au passage que Rieutort ou plutôt Riutort en occitan signifie « rivière tordue », c’est dire si nos ancêtres attachaient déjà de l’importance à l’eau. Après, les ponts, un plaisant chemin creux car bordé de pierres sèches, nous entraîne vers le hameau d’Espousouille. Plaisant, car ce chemin est continuellement verdoyant et fleuri, de nombreux papillons y virevoltent, les décors sont très changeants et du torrent monte une constante fraîcheur bien agréable pour marcher. Les gazouillis d’innombrables passereaux et le rugissement du torrent se livrent une bataille de décibels. Quand les chants des oiseaux s’arrêtent, seules les pierres qui roulent au fond du lit du Galbe laissent entendre leur fracas. La première fois que je suis venu à Espousouille, ce qui m’a le plus frappé c’est bien sûr la splendeur de la Vallée du Galbe elle-même mais surtout la beauté et la densité de la forêt qui domine le village. Après les maisons du hameau au bout d’une verdoyante prairie,  des sapins à perte de vue se profilent devant nous. Une fois de plus, Espousouille semble désert et rien n’arrête notre marche en avant, or mis l’envie d’en prendre quelques clichés. Il ne nous faut que quelques minutes pour traverser le hameau qui est le dernier avant l’arrivée ce soir aux Bouillouses. Seul, un panonceau indicatif de randonnée à sa sortie réussit à nous ralentir mais il faut dire qu’il a la bienveillance de nous rafraîchir la mémoire et de remettre quelque peu les pendules à l’heure : « Refuge des Camporells- 4h40 » et « Lac des Bouillouses – 7h15 » ! Les dés sont jetés et ils ne nous restent plus qu’à marcher ! A vrai dire, je suis sans doute le seul à être impressionné par ces horaires. Comme à leurs habitudes, Cathy et Jérôme ont décidé d’élever la cadence et leur train de marche n’est pas le même que celui de Fred et surtout que le mien. Eux, que je qualifie de modernes, en sont déjà à prendre le T.G.V  de la randonnée pédestre alors qu’avec Fred, notre train à nous est plutôt celui d’un vieux « vapeur » aimant exagérément la flânerie. Un « train de sénateur » en quelque sorte, même si certains sénateurs détestent cette expression pourtant si appropriée parfois à cause de leurs façons si indolentes de se déplacer. Jean de la Fontaine ne l’avait-il pas reprise à son compte dans le lièvre et la tortue faisant allusion aux sénateurs de la Rome antique quant à leur marche lente et solennelle ? Les lièvres, ce sont Cathy et Jérôme. Fred et moi sommes les tortues, encore que pour Fred rien ne soit figé. Il aime bien s'attarder auprès de la Nature mais quand il le veut, il sait marcher vite lui aussi. Malgré ça, les écarts ne sont pas très importants car la piste est très bonne et d’une douce déclivité. De ce fait, nous tenons néanmoins le rythme et cela même en bavardant allègrement. Comme je l’ai supposé à Espousouille, la piste file magnifiquement au milieu d’immenses conifères et sur la gauche, on entend le Galbe chantonner mais en sourdine en raison de la distance qui nous en sépare. Par endroits, quand les grands arbres ont la louable attention de s’en écarter un peu, nous dominons le joli et rafraichissant petit torrent au milieu de quelques prés verdoyants. Au fur et à mesure que l’on s’avance dans la vallée, la chanson du torrent se fait plus précise et même plus tonitruante car plusieurs cascades successives font entendre leur fracas. Après le Cortal Pujol et en arrivant au croisement du Pont des Plans de l’Orriet, la piste rejoint le torrent. Ici, en raison de l’aplanissement du terrain, le Galbe perd toute sa vigueur et n’est qu’une banale rivière, sans aucune profondeur, aux eaux transparentes mais plutôt mollassonnes.  Les rayons du soleil frappent ses eaux limpides et les galets de schistes qui dorment au fond du lit renvoient des milliers de reflets d’or et d’argent, telles des flèches lancées vers le ciel, En arrivant au Refuge de la Jaceta (1.645m), nous marquons une pause. Il est déjà 11 heures et d’un même élan, nous estimons que le temps de grignoter un petit en-cas est arrivé. Un simple petit en-cas et seulement quelques minutes de pause car pour le vrai pique-nique ce n’est pas vraiment l’heure. Une table et des bancs de bois permettent de se reposer agréablement. Le refuge non gardé est très propre, spacieux et semble être une étape accueillante. Le lieu est charmant et plus ouvert sur les décors environnants, car ici la vallée est plus vaste, le lit du torrent très proche de l’itinéraire du Tour du Capcir. Après ce bref repos, on se remet en route. L’inclinaison se faisant plus sévère, je suis vite largué mais je monte à mon train et même si je ne marche pas aussi vite que mes acolytes, je continue à être en bien meilleure forme que le premier jour. Le chemin se stabilise et redescend de nouveau vers le lit du Galbe. La vallée s’élargit encore et droit devant les premiers névés apparaissent mouchetant de blanc les flancs du pic des Mortiers. Une nouvelle baraque, celle de la Jaca de la Llosa se présente mais personne ne s’y arrête. J’y lis très rapidement sur un panneau qu’elle est réservée en priorité aux bergers. Tout s’explique car ici, au bord et dans le lit même du Galbe, de nombreux et magnifiques chevaux sont là à faire le spectacle. La plupart broutent placidement l’herbe verdoyante en bordure du torrent. D’autres pataugent dans son lit. Quelques poulains restent accolés à leur mère, la tétant dès que l’occasion se présente. Mais si tous ces chevaux semblent paisibles, ils vivent à l’état sauvage et on se garde bien de tenter de les caresser. D’ailleurs, parmi eux, un semble tout particulièrement excité et  il a comme on dit,  « la danse de Saint-Guy ». Il se roule dans l’herbe les quatre fers en l’air, se relève soudainement puis part en courant, s’arrêtant net et recommençant les mêmes acrobaties un peu plus loin. Ce cadre somptueux avec ces superbes chevaux nous incite à prendre plusieurs photos souvenirs. Des photos où nous sommes tous les quatre, ce qui n’est pas arrivé si souvent depuis le départ, or mis au sommet du Madres. Après l’installation et le positionnement de nos appareils photo et la mise en fonction de nos retardateurs, les clichés sont « dans la boîte ». Mes compagnons s’éternisant avec les chevaux et la piste se transformant ici en une étroite et caillouteuse sente se mettant à monter, je me remets en route sans trop les attendre, prenant ainsi une petite avance. Cette avance, ils vont la rattraper avec une facilité si déconcertante, presque à vous dégoûter de marcher avec eux pour quelqu’un qui y prêterait trop d’attention. Si j’y prête cas, c’est plus par admiration et surtout sans jalousie, car bien au contraire, je suis très heureux de marcher avec ces trois jeunes gens. Néanmoins, j’arrive en premier sur le petit pont enjambant le Galbe et je les attends car ils sont déjà là à quelques mètres de moi en surplomb du torrent. En réalité, ce n’est déjà plus le Galbe mais le Correc dels Serrat Verds, un de ses affluents. A ma droite, arrive un autre petit torrent, affluent lui aussi, c’est le rec de la Pierre Ecrite, nom donné à ce ruisseau à cause d’une étonnante pierre gravée bien connue se trouvant dans ce secteur de la montagne. Une étrange pierre avec des gravures surprenantes que les spécialistes ont beaucoup de mal à attribuer et à dater. J’ai longtemps espéré la découvrir mais malheureusement, elle n’est pas sur l’itinéraire du Tour du Capcir, sauf à faire une entorse à notre étape déjà bien longue. Du petit pont, nous repartons comme un seul homme mais cet homme se coupe très rapidement, d’abord en deux, puis en trois, puis en quatre. Il faut dire que la déclivité est assez violente et n’a plus rien à voir avec celles que nous avons connues depuis le départ de Rieutort. Heureusement, la montée vers la Jasse des Formigues permet des vues nouvelles car plus aériennes et pour moi, ces vues sont synonymes d’arrêts photos. Qui dit photos, dit arrêts et qui dit arrêts, dits pauses. La « jasse », verdoyante prairie plutôt plane entourée de sapins, est un opportun palier pour reprendre mon souffle. Notre souffle. On le reprend d’autant mieux qu’un groupe de randonneurs, vétérans et hâbleurs, nous arrêtent pour bavarder et blaguer. Mon âge bien avancé parmi mes trois compagnons d’une autre génération devenant le sujet essentiel de ces gentilles mais équivoques plaisanteries. Les dames n'étant pas les dernières à me « chambrer » !  La suite de l’itinéraire ressemble très souvent à ce premier tronçon : une rude montée, un palier, une rude montée, un palier et ainsi de suite même si les décors sont parfois bien dissemblables. Dans cette montée, d’autres randonneurs nous accompagnent quelques temps et à bien y réfléchir, c’est bien la toute première fois que nous en voyons sur le même itinéraire que le nôtre. Oui, nous avons marché dans une quasi solitude depuis 2 jours. Ici, même si les chemins sont parfois bien différents, le dénominateur commun c’est l’eau. Il en coule de tous les côtés et d’inégales manières : petits torrents, ruisseaux tranquilles, arabesques liquides plus ou moins longues, tourbières spongieuses, flaques cristallines, minuscules cascades. Malgré la saison bien avancée, je cherche quelques fleurs à photographier mais elles sont plutôt rares dans ces milieux très humides. Je réussis néanmoins à en trouver quelques-unes, les plus nombreuses étant des Séneçons des Pyrénées et des Marguerites des Alpes, petite marguerite poussant dans les rocailles. Plus rares sont les Adénostyles, jolies fleurs roses poussant carrément les pieds dans l'eau, mais je suis certain que si j'avais le temps de chercher, je découvrirais bien d'autres fleurs. Mais aujourd'hui,  mon temps n'est pas à la découverte botanique et puis de toute manière, plus je m'élève et plus la minéralité occupe les lieux.  Cette difficile mais non moins agréable ascension se termine au pied de la Muntanyeta (2.436 m), la « Petite Montagne », sur un sentier au départ herbeux puis devenant caillouteux se transformant peu à peu en un pierrier essentiellement composé de petites caillasses. Nous sommes à plus de 2.320 mètres d’altitude et la plupart des hauts sommets environnants culminent à 2.600 ou 2.700 mètres. Tout autour, ce n’est qu’un magma impressionnant d’énormes rochers. Là, au sommet d’un collet, point culminant de la journée à 2.327 m, nous basculons sur un autre versant, celui des « Estanys des Camporells ». Ici, le terrain change du tout au tout passant d’une minéralité extrême à une steppe rase et herbeuse. Sur notre droite quelques hauts sommets servent de frontière avec l’Ariège et la Réserve Nationale d’Orlu. Avec ce col, l’heure du pique-nique est arrivée. En réalité, elle est arrivée depuis longtemps car il est déjà 13h30 passé et le premier joli coin sous la forme d’une mare aux eaux transparentes entourée d’une herbe verte et tendre recueille un accord unanime pour une halte. Pas de doute, nous sommes tous à l’unisson pour déposer nos chaudes carcasses sur l’herbe et les godillots de nos pieds dans ce lieu ô combien rafraîchissant. La mienne de carcasse est en tous cas assez lasse par les montées à répétition et réclame un peu de repos. Il est déjà 13h45 et si la première résolution a été de nous déchausser et de tremper nos pieds endoloris dans cette mare limpide, tenir les pieds bien longtemps dans cette eau glaciale relève de la prouesse ou de l'insensibilité. Tout le monde en conclut que déposer ses fesses sur l’herbe fraîche est bien plus agréable et opportun. On pique-nique tous d’un bel appétit, moi le premier et je suis d’autant plus joyeux que les grosses difficultés de la journée sont désormais derrière moi, même si l’arrivée est encore très lointaine. Alors que nous nous reposons, allongés sur l’herbe, soudain je m’aperçois que les sommets des deux Péric, petit et grand, dépassent de la ligne d’horizon et aussitôt, je me mets à penser à la dernière fois où j’étais venu aux Camporells avec Dany. Un triste souvenir. Nous étions partis de la station de ski de Formiguères et avions atteint les Camporells par la Serra de Mauri et en arrivant nous avions appris qu’une femme venait de chuter depuis le sommet du Petit Péric. Une chute de 2 à 300 mètres en contrebas qui nous avaient profondément choqués et attristés. J’avais été d’autant plus perturbé qu’en regardant mes photos, et notamment une d'entre-elles en rapproché, je m’étais aperçu que le corps de la défunte était visible au sein même des éboulis se trouvant sous le sommet. Quelques minutes après la tragédie, le groupe de randonneurs et d’amis accompagnant cette dame était arrivé au refuge dans un silence de cathédrale. Ils étaient tous complètement décomposés et atterrés par la chute de leur collègue à laquelle ils avaient assisté impuissants.  Gardien du refuge, bénévoles, secouristes, peloton de gendarmes de Haute-Montagne, de nombreuses personnes étaient partis vers les éboulis où se trouvait la malheureuse. Mais c’était déjà trop tard. On avait terminé cette balade, avec dans le ciel, le ballet incessant des hélicoptères qui étaient venus déposer les gendarmes puis chercher la défunte.  Sans compter un étrange petit nuage, lequel dans un ciel très pur, était venu jouer un hallucinant ange gardien juste au dessus de la dépouille. Voilà ce que ces Péric me remémoraient. Une journée mémorablement triste et qui apostrophe longtemps. Heureusement la bonne humeur quasi permanente de Jérôme et de ses amis coupe court à mes pensées de cette triste journée. Après une heure de repos, on se remet en route et bien que j’essaie de penser à autre chose, j’ai un mal fou à oublier ce drame. J’ai d’autant plus de mal, qu’au fur et à mesure que l’on descend vers les Estanys et le refuge, la scène de la tragédie, c'est-à-dire le Petit Péric et ses éboulis se dévoilent à mes yeux. Je suis à la fois triste de ce terrible souvenir et très heureux de voir que Cathy, Fred et Jérôme apprécient à sa juste valeur ce cadre grandiose qui se dévoile peu à peu à leurs regards. Les petits étangs bleutés défilant sur notre droite les attirent comme des aimants. Il faut dire que la douce descente sur ce versant-là permet une découverte progressive et le plus souvent en surplomb des magnifiques lacs bleutés qui se succèdent ; Estany Llarge, Estany Gros, Estany del Mig et Estany de la Basseta ; et dans ce décor à la fois minéral mais par endroits très boisé, l’arrivée au refuge représente une véritable apothéose. Le refuge étant en complète réfection, nous ne jugeons pas  utile d’y entrer et nous partons nous reposer sur les berges du grand lac. Aujourd’hui, heureusement, aucun hélicoptère ne vient troubler notre placide repos et seuls de nombreux vautours fauves tournoient très haut dans le ciel. Après de multiples photos, nous longeons le grand lac puis nous arrivons à celui de la Basseta et en surplomb d’autres lacs magnifiquement bleutés mais plus petits. Ici aussi, de l’eau, il en coule de toutes parts et je suis ravi de voir que mes compagnons sont aussi enchantés que moi de marcher dans cette nature féerique. Après les petits « estanys », l’itinéraire devient un peu plus compliqué, car plus caillouteux mais surtout à cause de courtes montées et descentes qui se succèdent jusqu’au Pla des Carboneres puis encore jusqu’aux flancs de la Serra dels Alarbs. Là, avant la longue descente vers le refuge de la Balmette que je connais bien pour être venu faire l’ascension du Puig del Pam, une biche peu farouche a amplement les honneurs de nos appareils-photos. La distante qui nous sépare d’elle doit lui paraître suffisante car elle continue à brouter tranquillement tout en levant la tête de temps à autre pour nous observer sans crainte apparente. Qu’adviendrait-il de cette jolie biche si nous n’avions pas été uniquement des chasseurs d’images mais des chasseurs tout court ? Un appel téléphonique de Dany m’arrête dans la descente. Je m’arrête. Mes compagnons qui continuent disparaissent dans les bosses des prairies où paissent d’innombrables bovins et chevaux.  Il faut dire que cette descente avec des panoramas grandioses sur les montagnes, Péric et Carlit notamment, mais surtout sur le lac cobalt des Bouillouses est une vraie invitation à la flânerie. De plus, l’hôtel des Bones Hores, c’est à dire la ligne d’arrivée étant visible, on a d’ici une relative « bonne » idée de la distante restant à parcourir et donc pas vraiment envie de courir. Ce n’est donc que 20 minutes plus tard que je rejoins mes compères juste avant le refuge de la Balmette. Ils me font part de leur inquiétude de ne pas m’avoir vu arriver plus vite dans cette longue descente plutôt facile. Une fois les explications fournies,  nous profitons pleinement de la cabane et de ce lieu insolite où de nombreuses vaches déambulent au milieu d’étranges et dodus magmas granitiques.  Les deux sont des prétextes à plusieurs photos. Après cet arrêt improvisé près du refuge, nous prenons le sentier qui descend  vers les Bouillouses. C’est un sentier plutôt pénible car caillouteux à souhait et composé d’un véritable enchevêtrement de rochers, de bois et de ruisseaux. Heureusement, peu après, quelques vastes parties planes et herbeuses compensent cette laborieuse descente vers le lac de barrage. Peu après, je reconnais le sentier du célèbre GR.10 que nous avions emprunté avec Dany lors de la 3eme étape d'un mémorable Mérens-les Vals - Mantet. Mémorable car partir marcher 8 jours avec tente et bardas, c'était la toute première fois qu'on s'y risquait. Mémorable à cause des décors cheminés certes mais pour bien d'autres raisons et notamment celle de ne pas avoir pu terminer le parcours prévu à cause des plantes des pieds de Dany qui n'étaient devenues qu'ampoules à vif et rougeâtres. C'était en 2001. Le récit de cette longue, difficile mais merveilleuse pérégrination, je l'avais intitulé « Les Conquérants de l'Agréable », parodiant ainsi un livre que je venais de lire, celui du célèbre alpiniste Lionel Terray, « Les Conquérants de l'inutile ». Oui, bien incapables d'escalader la moindre paroi de montagne, Dany et moi trouvions bien plus agréables de cheminer autour d'elles en prenant soin de les éviter. Le G.R.10 était là pour ça. Une fois de plus, les souvenirs ressuscitent, même s'ils ne sont jamais vraiment morts et simplement oubliés. Un simple panonceau « Porteille de la Grave - GR.10 » a suffit ! Désormais, je reconnais très bien le petit sentier qui longe le lac. Il est malaisé lui aussi, car il ne cesse de monter et descendre jusqu’au barrage et après les nombreux kilomètres, il finit par « casser les pattes ». Il est d’autant plus difficile à cheminer qu’il est parfois caillouteux et que de très nombreuses racines grosses et lisses effleurant le sol nécessitent d’incessantes levées des pieds bien plus hautes que ne le serait la montée normale d’un escalier. Heureusement les belles mais rares vues sur l’immense lac compensent un peu la pénibilité de ce sentier. En arrivant aux Bones  Hores, je m’aperçois mais bien trop tard que j’ai perdu une polaire que Cathy m’avait prêtée. Sans doute s’est-elle détachée de mon sac à dos en restant accrochée à une branche ? Je suis tellement agacé que je suis disposé à faire demi-tour, mais Cathy m’en dissuade en me disant qu’elle n’en a pas vraiment besoin et qu’elle n’a pas beaucoup de valeur. Sans doute a–t-elle un peu pitié de moi après les nombreux kilomètres parcourus ? J’aurais fait de même. Autant l’avouer aussi, la vue du grand hôtel des Bones Hores est pour moi un réel soulagement pourtant je ne suis pas plus fatigué que ça. En tous cas, beaucoup moins que je ne l’appréhendais au départ ce matin. Je m’aperçois que j’ai bien récupéré de ma terrible méforme du premier jour. La dernière étape s’annonce donc sous d’excellents auspices. Non, si je suis satisfait d’en avoir terminé, c’est surtout parce que je m’étais fait un monde de cette très longue étape et que je l’avais considérée comme excessivement difficile, en tous cas la plus difficile des quatre. En réalité et après réflexion, la plus ardue a été la première avec cette « terrible » montée vers le col de Passeduc, mais avec il est vrai une condition physique déplorable par manque de sommeil et sans doute un stress au delà du raisonnable. Aujourd’hui tout ça a disparu et j’en suis heureux. Les « Bones Hores » est un grand et superbe hôtel et un rendez-vous presque obligé des randonneurs qui viennent marcher dans ce secteur du Capcir. La plupart grimpent vers le pic du Carlit, plus haut sommet des Pyrénées-Orientales au milieu des innombrables lacs et cette balade sur une journée est sans doute une des plus belles du département. Même si d’autres hébergements sont possibles autour du barrage, aucun n’a les potentialités et les possibilités d’accueil des Bones Hores. Tous les randonneurs que je connais et qui ont séjournés là, m’ont toujours donné des avis très positifs. Ici, on est très bien accueilli, on y dort et on y mange toujours très bien et je crois que c’est très clairement le cas pour nous aussi. Tout le monde a été enchanté de cette fin d’étape et cette nouvelle nuit à l’hôtel, après une si longue escapade, a été très bénéfique. Moi, j’ai été véritablement émerveillé de cette troisième étape. Elle est superbe. La Vallée du Galbe, la longue montée vers les Camporells, les estanys des Camporells et les Bouillouses, pour moi pas de doute, tout cette partie est un véritable petit Canada français. Un Canada, certes où je ne suis jamais allé, mais que j’ai vu à maintes et maintes reprises à la télé et qui ressemble parfois à s’y méprendre à ce coin paradisiaque du Capcir mais aussi bien sûr à ces décors qui jalonnaient les aventures de Blek le Roc. Aujourd’hui, Blek le Roc n’est pas revenu dans mes pensées et ma bonne forme physique y est certainement pour quelque chose. Voilà, les pensées que j’ai dans la tête à l’instant même où je pose ma tête sur l’oreiller.  Je suis certain que Blek le Roc aurait été enchanté de marcher avec nous aujourd’hui et de connaître la Vallée du Galbe,  les Camporells et les Bouillouses. Par contre, je ne sais pas s’il aurait apprécié les Bones Hores, lui que je n’ai toujours vu que dans des cabanes de trappeurs, des tepees indiens ou bien dans des fortins faits de rondins de bois. De nouveau, je m’endors avec ces songes d’enfants mais conscient tout de même qu’un autre rêve s’achève dès demain : celui d’avoir pu réaliser ce Tour du Capcir avec Jérôme et ses amis ! Après le Tour du Fenouillèdes en 2011, voilà un autre Tour du Bonheur qui va se terminer ! Dans ma tête à demi ensommeillée, mes pensées tourbillonnent de plaisir. Le passé et le présent s’entremêlent une fois encore mais aujourd’hui aucune tristesse ne vient les troubler. A bien y réfléchir, mais c’est très lointain maintenant, je ne me souviens pas avoir vu Blek le Roc dormir ou bien se reposer une seule fois ?

Cliquez sur le lien suivant pour passer à la 4eme et dernière étape

Partager cet article
Repost0

Le Sentier Forestier des Rhododendrons (1.890m) depuis Rieutort (1.517 m)

Publié le par gibirando


Diaporama sur la divine musique de Jerry Goldsmith : "Love Theme from Forever Young"

Le Sentier Forestier des Rhododendrons (1.890m) depuis Rieutort (1.517 m)

Le Sentier Forestier des Rhododendrons (1.890m) depuis Rieutort (1.517 m)


 

C’est en septembre 2013 et dans le joli petit hameau de Rieutort que j’ai découvert ce « Sentier Forestier des Rhododendrons ». Enfin, j’avais surtout découvert des panonceaux évoquant cette randonnée et comme je le fais la plupart du temps, j’en avais pris une photo, histoire qu’elle reste plus facilement dans un coin de mes souvenirs. Dans le cas présent, cette photo n’a jamais été bien utile car ma mémoire ne m’a jamais fait défaut. En effet, comme aurais-je pu oublier ce Tour du Capcir effectué en 4 jours et resté pour moi si mémorable ? Rieutort et son remarquable gîte Le Moulin constituaient le terme de la deuxième étape. Oublier ces panonceaux équivalait à oublier beaucoup de choses : Oublier ce merveilleux tour effectué avec mon fils et ses amis ?  Oublier cette étape si belle passant par le Massif du Madres où nous avions aperçu des cervidés à profusion ? Oublier cette après-midi et cette formidable soirée que nous avions passée au gîte, chez les chaleureux Sia et Alexandre ? Pour bien d’autres raisons, dont certaines remontant à mon enfance, ce Tour du Capcir est toujours resté bien présent dans ma tête et avec lui « les Rhododendrons ». Le récit de ce tour est encore en cours d’écriture et j’ai bon espoir de le publier sur mon blog d’ici quelques temps. Mais revenons à ce 2 août 2016, jour où nous avions décidé de partir découvrir ce « Sentier des Rhododendrons ».  Il est déjà 11 h quand nous garons notre voiture sur la place de Rieutort. Un ciel bleu d’une incroyable pureté nous accueille. Ça piaille de tous les côtés. Il y a les inévitables moineaux bien sûr, en grand nombre ici, mais surtout deux rapaces dont les cris nous font lever la tête. Ce sont deux circaètes Jean-le-Blanc planant dans de amples circonvolutions qui ont fait de ce firmament si bleu leur terrain de jeu. Un couple en quête de sentiments amoureux sans doute ? Sur le petit pont qui enjambe le ruisseau, les panonceaux déjà vus voilà 3 ans sont toujours là : « BOUCLE P.R.31 – Riutort – Les Rhododendrons – 7 km – +373 m de dénivelé – 2h30 – difficulté moyenne » et balisage jaune apparemment.  Un autre petit panonceau nous laisse plus perplexe et demande réflexion : « Les Rhododendrons – 2,5 km – P.R.31 » et dessous « Station de ski – 1,5 km –P.R.31 ».  Je crois comprendre que l’on peut démarrer d’ici mais que le vrai départ de la boucle les « Rhododendrons » se situerait un kilomètre plus loin que le station de ski. Cette station, c’est celle de Puyvalador comme le précise le bout de carte I.G.N que j’ai cru bon de prendre en sus d’un tracé G.P.S. Nous empruntons le pont où s’écoule le Rec del Cirerol, passons devant le gîte et démarrons non sans quelques hésitations, car peu après, deux itinéraires s’offrent aux randonneurs. Un chemin herbeux part à gauche et la route asphaltée continue et l’on n’aperçoit pas de balisage. Le G.P.S entre déjà action et nous comprenons bien vite qu’il faut emprunter la rue du Bac puis l’allée éponyme qui se transforme naturellement en un chemin herbeux. Deux grands panneaux de la Communauté des communes du Capcir Haut-Conflent aident les randonneurs de passage et apportent quelques précisions quand à la balade des « Rhododendrons ». On lit toutes ces précisions et les quelques recommandations qui les accompagnent puis l’on poursuit désormais sur un large chemin encadré d’une végétation luxuriante. Les insectes et notamment les papillons y sont légions et semblent trouver leur bonheur dans cet écosystème alliant soleil et fraîcheur. Les oiseaux aussi. Mon appareil photo qui n’avait pourtant pas chômé jusque là s’en donne déjà à cœur joie. Je flâne mais aujourd’hui Dany semble vouloir adopter le même rythme et ça me convient parfaitement car la balade est plutôt courte. D’ailleurs, elle estime très vite que l’heure du pique-nique a déjà sonné car je la vois déposer son sac à dos et s’installer sur l’herbe sans aucune hésitation. Soleil au zénith, ciel azur, absence de vent, sérénité, bruits de la nature, jolis décors verdoyants, beaux panoramas, tout est réuni pour mettre à profit ce que nous aimons en randonnée : relaxation, méditation et contemplation. Une heure plus tard, nous repartons. Aucun rhododendron dans l’immédiat mais la végétation est toujours omniprésente même si parfois elle est bien différente car alternant bois de conifères, boqueteaux de feuillus,  clairières et prairies. Une flore variée y est ubiquiste et je fige de nombreuses fleurs dans mon numérique. On continue de flâner car rien ne presse. Le chemin devenu sentier aboutit sur une piste forestière. Un nouveau panonceau nous conforte dans cette idée que rien ne sert de courir : « les Rhododendrons -0,9 km » et « Station de ski – 0,2 km ». La station de ski de Puyvalador ne serait plus qu’à 200 mètres et même si je doute assez fortement de l’exactitude de cette information, il est vrai qu’elle n’est plus très loin car on commence à en distinguer les premiers chalets. D’ailleurs, quelques minutes plus tard, nous coupons puis empruntons la route asphaltée qui y mène. A l’entrée du village, nous ne trouvons pas de nouvelles indications ni aucun balisage alors je choisis de faire confiance à mon tracé G.P.S qui est très incertain et que j’ai réalisé à partir d’un vieux topo-guide de 2002 « Les Sentiers d’Emilie en Cerdagne et Capcir ». Il nous indique d’emprunter le bitume de la route principale puis celui de la rue des Ecureuils et je lui fais confiance car c’est bien les indications que j’ai lu dans le topo-guide. Je sais d’avance qu’il nous mènera jusqu’au « Sentier des Rhododendrons ». En haut de la rue, un nouveau panonceau se présente nous indiquant les « Rhododendrons » à 200 m et devant ce dernier, je comprends soudain qu’il y a bien désormais un autre itinéraire. Le sentier est là, à droite, dans la forêt et en contrebas. Je note déjà que le retour vers Rieutort s’effectuera par là.  La suite s’élève derrière les derniers chalets de la station et nous voilà enfin sur la ligne de départ. Un sentier parfaitement balisé avec un grand panneau directionnel nous invite à rentrer dans une sombre forêt de grands conifères. Le vrai « Sentier Forestier des Rhododendrons » commence ici et toute la démarche depuis Rieutort ne serait que subsidiaire. Subsidiaire mais pas accessoire et évidemment complémentaire quand comme nous, on a envie de marcher un peu plus que les 2,2 km qui composent cette petite boucle. D’ailleurs, un autre panneau mentionne bien qu’il s’agit d’un « Chemin d’Emilie » avec un aller/retour d’1h15 et c’est dire si cette petite balade est modeste et s’adresse au plu grand nombre. Nous rentrons dans la forêt en suivant les marques de peinture jaune sur les arbres et des panonceaux indiquant la « Route forestière du Pla del Bosc » toujours agrémentés de la mention P.R.31. Ce P.R.31 est semble t-il le fil conducteur. Le balisage est bien présent et la marche s’effectue sans difficulté et sans nécessité de garder le G.P.S allumé. Le chemin s’élève prestement mais c’est normal si je me fie à mon bout de carte car nous cheminons le Serrat de la Cornera. Le chemin alterne les sous-bois forestiers, quelques clairières et de rares passages au milieu de gros rocs de granit. Les ouvertures sont quasiment absentes et de ce fait, les seuls arrêts que je m’octroie sont réservés aux photos de quelques fleurs. Si les rhododendrons sont bien présents, ici c’est par miracle que j’en trouve un encore un peu fleuri. Ça sera le seul malgré l’attention que je porte à tenter d’en découvrir d’autres. Ne me demander pas pourquoi, mais je pense que début août c’est déjà bien trop tard.  Après une dernière montée au milieu de grands résineux semblant avoir soufferts d’une vieille tempête, quelques vues s’entrouvrent sur quelques hauts magmas rocheux. En contrebas, on entend chanter un petit torrent. C’est toujours le Rec del Cirerol, celui là même que nous avons enjambé au départ de Rieutort. Le chemin finit par déboucher sur  la « Route forestière du Pla del Bosc » à 1.890 m d’altitude. C’est le point culminant matérialisé ici par un magnifique petit plan d’eau aux eaux cristallines et dont le tour offre quelques panoramas lointains sur le Capcir et vers la Cerdagne. On s’y repose une bonne demi-heure et si à la première vision de cette mare limpide, j’ai aussitôt eu dans la tête l’envie d’y piquer une tête voire plus simplement de m’y rafraîchir, les panneaux d’interdiction conjugués à la présence d’un agent de l’O.N.F m’en ont rapidement dissuadé. A l’extrémité du plan d’eau, côté est, un panonceau propose le retour vers Rieutort : « Riutort – 3,4 km – P.R.31 ». Il suffit de suivre cette direction et de ne plus quitter le sentier le plus évident. Balisé également en jaune, il s’élève au milieu des pins à crochets presque au plus haut de la crête, coupe une petite clairière herbeuse, s’enfonce à nouveau en forêt, file en balcon offrant quelques vues sublimes sur la Vallée de l’Aude et les belles forêts du Capcir et retrouve l’itinéraire pris à l’aller. Nous aurons le bonheur d’y surprendre un jeune chevreuil et la chance incroyable qu’il figure sur une photo que j’ai prise à la volée dans un sombre sous-bois. On retrouve les chalets du haut de la rue des Ecureuils puis le fameux sentier qui descend rudement dans la forêt. Il atterrit sur une piste forestière où se dévoilent les plus beaux panoramas de la journée : vue plongeante vers Rieutort et ses vertes prairies, vue lointaine sur le lac de Puyvalador, le Massif du Madres et le pic de la Pelade, autant de beaux et bons souvenirs d’autres merveilleuses randonnées. Au bout de cette piste, on retrouve la route menant à la station de ski et le parcours pris à l’aller. Il nous amène tout doux à Rieutort en 40 minutes. J’aurais bien voulu saluer Sia et Alexandre mais apparemment ils n’étaient pas au gîte, alors nous nous sommes « vengés » en allant cueillir quelques grosses framboises bien mûres. Elles étaient légions tout au long du Cirerol. Est-ce logique ou pas ? Je ne sais pas car je me suis laissé dire que les « cirerols » seraient des petits fruits ronds et rouges ressemblant à des cerises. Peut-être le fruit du merisier. A vérifier !  Carte IGN 3540 OT Top 25. Variante : si à partir du plan d'eau, vous ne souhaitez pas revenir par le Serrat de la Cornera et la station de Puyvalador, il y a la possibilité d'emprunter la piste forestière qui se trouve en contrebas. Elle fait une large boucle autour de la station de ski puis retourne à Rieutort par le Bac Extremer.

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Partager cet article
Repost0

Le Tour du lac de Puyvalador depuis Réal

Publié le par gibirando


Ce diaporama est agrémenté de musiques interprétées par le duo "Secret Garden". Elles ont pour titre : "Ode To Simplicity", "Heartstrings", "Windancer" et "Passacaglia".

Si vous aimez les petites randonnées pédestres pas trop difficiles et que vous n’avez jamais fait le tour du lac de Puyvalador à pied, je vous conseille vivement cette courte et agréable balade dont le départ s’effectue depuis le joli village de Réal. Contrairement à nous, choisissez de préférence un jour ensoleillé où le lac est plutôt plein car c’est bien plus joli et filez vers cette magnifique région qu’est le Capcir. Dès le départ, une grenouille rousse nous raconte l’histoire de cette prairie humide sur quelques panonceaux très ludiques qui ont été judicieusement placés sur le sentier qui file parallèle à l’Aude, qui n’est ici qu’un étroit cours d’eau. Ces panneaux, très intelligemment présentés en « braille » pour les malvoyants, mais également en catalan et en français, permettent d’en savoir un peu plus sur la faune et la flore que l’on est à même de découvrir ici au bord du lac. Guère plus loin, un observatoire est là pour nous faire découvrir les éventuels oiseaux limicoles et échassiers qui sont amenés à passer et à séjourner dans ce biotope remarquable. Plus loin, le saisissant barrage est là pour nous donner une autre idée de cette retenue d’eau où s’ébrouent les colverts, où planent les hirondelles, où plongent les cincles, le tout sous le regard placide de nombreux bovins mais sous celui plus inquisiteur de nombreux rapaces. A l’entrée du barrage, c’est un autre regard qui accueille les visiteurs, celui figé pour l’éternité de Joachim Estrade, dont l’effigie trône au milieu d’une monumentale stèle élevée ici en souvenir de cet immense ingénieur des Ponts et Chaussées. Il faut avouer que son nom n’est pas resté dans les annales de l’Histoire et ses prouesses hydroélectriques sont bien trop souvent méconnues, Et pourtant, c’est grâce à ce grand précurseur dans le domaine de l’électricité et de l’hydroélectricité que l’on doit, entre autres nombreuses créations, l’arrivée du premier éclairage public dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales. On quitte le visage impassiblement métallique et verdâtre du grand entrepreneur pour franchir le barrage sous les voltiges incessantes des innombrables hirondelles qui ont élues domicile dans les murs de l’édifice. Le sentier, désormais commun avec le G.R.P du Tour du Capcir, grimpe vers le tranquille village de Puyvalador que l’on traverse en quelques minutes seulement. On laisse l’église du village sur la droite et l’on poursuit l’itinéraire sur l’asphalte en empruntant la petite route départementale D32g qui file vers le hameau de Rieutort. Au bout de 600 mètres environ, un panonceau indique de partir en gauche et dans les prés en direction de deux nouvelles découvertes que sont les ponts dits « romains » de la Polideta et de celui de les Molines. En réalité, si ces deux ponts n’ont de romains que le nom et ils n’en demeurent pas moins qu’ils enjambent depuis des lustres deux torrents de montagne que sont respectivement le Rec de Cirerol et le Galbe. Bien plus réputé que le premier, le Galbe est surtout connu pour sa merveilleuse vallée qu’empruntent les randonneurs du Tour du Capcir, vallée au bout de laquelle se trouve les « fameuses pierres écrites », insolites prétextes à une excursion pédestre printanière ou estivale. Peu après le pont de les Molines, on quitte le G.R.P du Tour du Capcir en direction d’un autre pont, celui où passe la D.118 qui relie Puyvalador à Formiguères. On traverse la route pour reprendre la direction du lac en longeant le delta du Galbe qui s’élargit amplement en atteignant le réservoir. Il faut dire que le lac a été presque asséché ces jours derniers et ce vide laisse apparaître de grandes plages de sables, de graviers et de galets emportés là par le fougueux torrent. Ici, on regrettera que le sentier s’écarte puis s’éloigne du bord du lac mais en contrepartie, on va successivement traverser un petit bois de résineux puis de feuillus où virevoltent de nombreux passereaux, des prés où paissent des vaches bigarrées, des petites zones marécageuses que l’on traverse à l’aide de pontons opportunément placés. Pour refermer cette jolie boucle donnée pour 2 heures, nous en avons mis exactement le double, arrêts inclus. Et quand Réal est en vue, on regrette déjà que la balade tire à sa fin. On ne quittera pas le village sans visiter ses maisons, ses ruelles et surtout sa belle église romane dont la première mention écrite date de 893. Elle est dédiée à Saint Romain d’Antioche. Un petit saut en voiture est nous voilà déjà à Odeillo de Réal, hameau dont l’histoire est d’une incroyable richesse tout comme les Angles où nous terminerons notre voyage en Capcir par une visite de sa partie la plus ancienne et la plus pittoresque.   Carte IGN 2249 ET Font-Romeu - Capcir Top 25.

Enregistrer

Partager cet article
Repost0

Le Madres (2.469 m) en boucle depuis le col de Sansa (1.775 m)

Publié le par gibirando

 

Ce diaporama est agrémenté de la musique "Il Mio Nome è Nessuno" de Ennio Morricone, bande originale du film de Tonino Valerii sur un scénario de Sergio Leone dont le titre en français est "Mon Nom Est Personne"


Avant que l'hiver ne s'installe définitivement, j'avais envie de faire une belle randonnée et si possible en altitude. Par chance, en ce dernier samedi d'octobre, la météo annonce une splendide journée et mon choix se porte sur le Madres (2.469 m) depuis le col de Sansa (1.775 m). Depuis longtemps, plusieurs amis randonneurs me parlent de ce beau parcours et si je connais très bien le Madres depuis le col de Jau  et le vallon de la Balmette pour l'avoir réalisé à plusieurs reprises, cette boucle et ce secteur en général me sont totalement inconnus. Seul inconvénient, je me retrouve tout seul mais l'occasion est trop belle ! Direction le Capcir, et plus particulièrement Formiguères puis les hameaux de Vilanova et du Réal où une bonne piste monte jusqu'au point de départ. Tout en montant, un soleil de plomb illumine déjà le splendide lac de Puyvalador. 10 heures, voilà le col de Sansa, je laisse la voiture, harnache mon sac à dos, fourre mon petit appareil photo numérique dans une poche et analyse encore une fois ma carte IGN et mon GPS. La piste est là qui file droit direction nord-nord-est. Au bout d'un moment je délaisse la large piste et emprunte désormais une sente plus étroite mais toujours balisée en jaune et rouge. C'est un tronçon du Tour du Capcir. Tout en grimpant, elle zigzague dans la forêt et suit le torrent de la Coume de Ponteils. Le balisage est correctement visible mais je garde mon GPS allumé qui pour l'instant suit parfaitement le tracé que j'ai enregistré. Je quitte la forêt pour un plat herbeux. Le Madres est désormais en permanence dans mon champ de vision. De là, il apparaît écrasé (photo), mais si vous devez faire cette randonnée, ne vous y fiez pas, le dénivelé continue sans cesse, s'accentue après le refuge ONF de la Coume de Ponteils et le point culminant est encore très loin. Dans un dédale de sentes laissées par les animaux, je finis par perdre le balisage qui se dirige au refuge de la Font de la Perdrix et je prends l'option d'aller tout droit vers le Clot Rodon. Passée cette tracasserie, je reste, au bord de cette large crête, subjugué par la beauté des panoramas à 360° (plaine du Roussillon jusqu'à la mer, Canigou et tout cet enchaînement de sommets des Pyrénées- Orientales jusqu'à l'Ariège) et des paysages plus proches (gorgs, Coronat, pic Pelade, Garrotxes, tourbières du Madres). Il est midi, voilà deux heures que je marche et il est l'heure de manger. La magnificence des gorgs Estelat et Blau me laisse tellement pantois qu'aucun autre site ne me paraît plus approprié à la pause d'un copieux casse-croûte. C'est donc les pieds ballants au bord de ce sublime précipice que je déjeune d'un bel appétit. Une heure plus tard, c'est le sac plus léger mais le ventre plus lourd que j'attaque la rude montée vers le Roc Nègre. La végétation a définitivement laissé place aux rochers. Seules quelques rases graminées réussissent à pousser dans ce milieu minéral. Après un passage très difficile voire périlleux, j'atteins le sommet du Madres et son identifiable orri. Le temps de quelques photos sur des paysages splendides de tous côtés et me voilà déjà au col des Gavaches pour une longue descente vers le col de Sansa par la Serrat de l'Ours et le chemin Ramader. Simple car il suffit de longer la crête, ce chemin est peu et mal balisé (quelques rares cairns) et je conseille vivement l'utilisation d'un tracé GPS qui peut s'avérer très utile par temps de brouillard. Dans une brume vaporeuse, les eaux du lac de Puyvalador scintillent de plus en plus, preuve que le lac se rapproche et signe que le col de Sansa n'est plus très loin ! 16h30, j'arrive dans un pré et vision enchanteresse, je surprends un petit groupe de mouflons occupés à brouter. A ma vue, ils détalent et je n'ai pas le temps de les figer sur mon numérique ! 17 heures, je retrouve ma voiture après une quinzaine de kilomètres parcourus pour un dénivelé de 700 mètres environ. Ce circuit est destiné aux bons marcheurs sachant s'orienter en toutes circonstances. Carte IGN 2249 ET Font-Romeu-Capcir Top 25.

Enregistrer

Partager cet article
Repost0