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Tour du Capcir - Etape 3 Gîte Le Moulin à Rieutort - Les Bones Hores aux Bouillouses

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 6 musiques d'Ennio Morricone extraites d'une compilation intitulée "Relaxing Moment". Elles ont pour titre : "Tema Di Ada", "Infazia E Maturità", "La Spiaggia", "In Ogni Una Storia", "Tre Anni Fa Una Sera", "Il Figlio E La Nostalgia".

Tour du Capcir - Etape 3 Gîte Le Moulin à Rieutort - Les Bones Hores aux Bouillouses

Tour du Capcir - Etape 3 Gîte Le Moulin à Rieutort - Les Bones Hores aux Bouillouses

Tour du Capcir - Etape 3 Gîte Le Moulin à Rieutort - Les Bones Hores aux Bouillouses

Tour du Capcir - Etape 3 Gîte Le Moulin à Rieutort - Les Bones Hores aux Bouillouses

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.


 

3eme étape – 13 septembre 2013 : du gîte Le Moulin à Rieutort (1.517 m) à l’hôtel-restaurant Les Bones Hores aux Bouillouses (2.019 m) soit 28 km pour un dénivelé de 887 m et des montées cumulées de 1.734 m. Point culminant au collet proche du lieu-dit La Muntanyeta (2.327 m) – Point le plus bas au pont de Les Moulines (1.440 m).

 

Cette nuit, j’ai fait un rêve.  Je marchais sur la crête d’une montagne avec Blek le Roc et ses deux compagnons Roddy et le professeur Occultis, mais il y avait aussi Jérôme, ses deux amis Cathy et Fred mais également Dany, Carole ma fille, mon gendre JC et mon frère Daniel. Mes petits-enfants aussi. Oui, nous étions tous là sur cette crête et c’était clairement celle du Madres cheminée hier. Oui, nous marchions tous en ensemble, riant comme si une bonne humeur communicative s’était emparée de nous tous. Par contre, je ne me souviens pas comment ce rêve s’est terminé. Sans doute avait-il juste été là pour me faire démarrer cette journée avec enthousiasme. En me réveillant, et après le souvenir de ce rêve agréable, la première idée qui m’est passée par la tête a été de me dire : « nous sommes déjà à la moitié de ce Tour du Capcir et bon sang que le temps est vite passé ! » puis dans la foulée : « il faut que j’en profite un maximum ! ». En me levant, je me suis dirigé vers la petite fenêtre pour regarder le ciel. J’étais passablement déçu car il était plutôt blanc mais je ne voulais pas me mettre la pression inutilement car selon Alex, le propriétaire du gîte, aucune pluie n’était annoncée pour les 2 prochains jours. Alors, je suis parti sous la douche car il était 7h30 et nous avions commandé le p’tit déj pour 8 heures. Globalement, je me sentais en bien meilleure forme que les jours précédents et j’étais plutôt content car l’étape s’annonçait assez « phénoménale ». Mon tracé G.P.S que j’avais refait des dizaines de fois avec mon logiciel CartoExplorer m’avait toujours indiqué une distance de 28 kilomètres environ et des montées cumulées assez ahurissantes. Ahurissantes pour moi bien sûr et mes 64 printemps. Comme toujours, les calculs de Jérôme étaient un peu plus optimistes mais il faut dire que nous n’avions pas la même manière d’effectuer les tracés et pas le même logiciel non plus. Lui, ses tracés étaient plus directs alors que les miens étaient toujours plus nuancés et plus dans le détail. Alors je préférais me fier aux miens, et quand j’essayais de me souvenir d’une étape aussi longue lors d’un autre tour pédestre, deux étapes réalisées avec Dany revenaient à ma mémoire : « En 2004, 32 kilomètres entre le  Pont-de-Montvert et Florac lors d’une étape mémorable sur le Chemin de Stevenson ! ». Quant à la deuxième, c’était 12h30 de marche sur le G.R.10 en 2001, non loin de là, entre le lac du Lanoux et Bolquère. Si je parle en heure, c’est parce qu’à l’époque, je n’avais pas encore de G.P.S et bien sûr pas de logiciel cartographique. Avec le recul, j’avais estimé cette étape à environ 29 à 30 kilomètres et d’ailleurs, Dany l’avait terminée avec les plantes des deux pieds à vif !  Moi, par chance, je l’avais accompli sans aucun souci physique. C’était une autre époque, mon appareil photo était un argentique et j’avais 13 années de moins. Comme allais-je me comporter sur celle-ci ? Cette question m’avait turlupiné mais ce n’était plus le cas. J’avais décidé d’être positif. A 8h30, tout le monde est au rendez-vous du petit déjeuner et dans la salle à manger, une superbe table nous attend. Rien ne manque à l’appel et Sia et Alex se sont démenés sans compter pour satisfaire nos goûts et nos appétits respectifs. Cela est d’autant plus dommage que nous ne pouvons pas nous éterniser et qu’au bout de 20 minutes, nous sommes contraints de quitter cette table à regrets, le ventre rassasié pour quelques heures il est vrai. Les Bouillouses sont loin, et moi, je l’avoue, je pars un peu dans l’inconnu, même si certains tronçons de cette étape autour des Camporells et des Bouillouses n’ont plus aucun secret pour moi.  Nous saluons nos charmants hôteliers en les remerciant de leur excellent accueil et surtout sans oublier de leur dire que tout a été parfait à tous points de vue. En sortant du gîte, une fois encore, je fais l’amer constat d’une météo très mitigée. De gros nuages blancs et de grands pans de ciel bleu se partagent l’espace. Au loin, droit devant nous,  une grande étendue crayeuse chapeaute la vallée de l’Aude. Poussés par un « bon » vent frisquet, les nuages courent vers le sud et en l’espace de quelques minutes, le ciel est à même de changer du tout au tout. Soit nous sommes enveloppés d’une brume grisâtre et humide ou bien couronnés d’un ciel bleu d’une pureté presque absolue. A la sortie de Rieutort, nous reprenons la petite route empruntée hier,  mais cette fois dans le sens inverse. Au bout de quelques minutes, nous apercevons Jérôme ; qui a pris un peu d’avance et qui marche avec son G.P.S à la main ; quitter la route pour descendre dans une vaste prairie. Or mis un peu d’herbe couchée par endroits, indiquant que d’autres personnes sont déjà passées,  rien ne mentionne qu’il y ait là un itinéraire. Mais quelques centaines de mètres plus loin, nous atterrissons sur un chemin bien plus large dont le sol est nettement plus marqué par les passages. Ce chemin suit une longue ligne de poteaux électriques. Ces deux raccourcis nous évitent le bitume de la route et nous emmènent plus directement sur l’itinéraire du Tour du Capcir que l’on retrouve à hauteur du pont de la Polideta. Je reconnais immédiatement le parcours que nous avions emprunté 15 jours auparavant lors de notre tour du lac de Puyvalador avec Dany. Après le pont de la Polideta vient aussitôt celui des Molines. Des arches séculaires dont la tradition prétend qu’ils sont « romains » mais les historiens contestent cette idée. En réalité, aucune mention historique n’en fait état et de ce fait, personne ne sait vraiment les dater. Selon des spécialistes, les techniques de construction seraient plutôt moyenâgeuses. Si le premier pont a enjambé le rec del Cirerol descendant de Rieutort, avec celui des Molines nous enjambons le Galbe. Ce farouche torrent, nous allons devoir le suivre sur de nombreux kilomètres au sein même de la belle vallée portant bien évidemment son nom. Rappelons au passage que Rieutort ou plutôt Riutort en occitan signifie « rivière tordue », c’est dire si nos ancêtres attachaient déjà de l’importance à l’eau. Après, les ponts, un plaisant chemin creux car bordé de pierres sèches, nous entraîne vers le hameau d’Espousouille. Plaisant, car ce chemin est continuellement verdoyant et fleuri, de nombreux papillons y virevoltent, les décors sont très changeants et du torrent monte une constante fraîcheur bien agréable pour marcher. Les gazouillis d’innombrables passereaux et le rugissement du torrent se livrent une bataille de décibels. Quand les chants des oiseaux s’arrêtent, seules les pierres qui roulent au fond du lit du Galbe laissent entendre leur fracas. La première fois que je suis venu à Espousouille, ce qui m’a le plus frappé c’est bien sûr la splendeur de la Vallée du Galbe elle-même mais surtout la beauté et la densité de la forêt qui domine le village. Après les maisons du hameau au bout d’une verdoyante prairie,  des sapins à perte de vue se profilent devant nous. Une fois de plus, Espousouille semble désert et rien n’arrête notre marche en avant, or mis l’envie d’en prendre quelques clichés. Il ne nous faut que quelques minutes pour traverser le hameau qui est le dernier avant l’arrivée ce soir aux Bouillouses. Seul, un panonceau indicatif de randonnée à sa sortie réussit à nous ralentir mais il faut dire qu’il a la bienveillance de nous rafraîchir la mémoire et de remettre quelque peu les pendules à l’heure : « Refuge des Camporells- 4h40 » et « Lac des Bouillouses – 7h15 » ! Les dés sont jetés et ils ne nous restent plus qu’à marcher ! A vrai dire, je suis sans doute le seul à être impressionné par ces horaires. Comme à leurs habitudes, Cathy et Jérôme ont décidé d’élever la cadence et leur train de marche n’est pas le même que celui de Fred et surtout que le mien. Eux, que je qualifie de modernes, en sont déjà à prendre le T.G.V  de la randonnée pédestre alors qu’avec Fred, notre train à nous est plutôt celui d’un vieux « vapeur » aimant exagérément la flânerie. Un « train de sénateur » en quelque sorte, même si certains sénateurs détestent cette expression pourtant si appropriée parfois à cause de leurs façons si indolentes de se déplacer. Jean de la Fontaine ne l’avait-il pas reprise à son compte dans le lièvre et la tortue faisant allusion aux sénateurs de la Rome antique quant à leur marche lente et solennelle ? Les lièvres, ce sont Cathy et Jérôme. Fred et moi sommes les tortues, encore que pour Fred rien ne soit figé. Il aime bien s'attarder auprès de la Nature mais quand il le veut, il sait marcher vite lui aussi. Malgré ça, les écarts ne sont pas très importants car la piste est très bonne et d’une douce déclivité. De ce fait, nous tenons néanmoins le rythme et cela même en bavardant allègrement. Comme je l’ai supposé à Espousouille, la piste file magnifiquement au milieu d’immenses conifères et sur la gauche, on entend le Galbe chantonner mais en sourdine en raison de la distance qui nous en sépare. Par endroits, quand les grands arbres ont la louable attention de s’en écarter un peu, nous dominons le joli et rafraichissant petit torrent au milieu de quelques prés verdoyants. Au fur et à mesure que l’on s’avance dans la vallée, la chanson du torrent se fait plus précise et même plus tonitruante car plusieurs cascades successives font entendre leur fracas. Après le Cortal Pujol et en arrivant au croisement du Pont des Plans de l’Orriet, la piste rejoint le torrent. Ici, en raison de l’aplanissement du terrain, le Galbe perd toute sa vigueur et n’est qu’une banale rivière, sans aucune profondeur, aux eaux transparentes mais plutôt mollassonnes.  Les rayons du soleil frappent ses eaux limpides et les galets de schistes qui dorment au fond du lit renvoient des milliers de reflets d’or et d’argent, telles des flèches lancées vers le ciel, En arrivant au Refuge de la Jaceta (1.645m), nous marquons une pause. Il est déjà 11 heures et d’un même élan, nous estimons que le temps de grignoter un petit en-cas est arrivé. Un simple petit en-cas et seulement quelques minutes de pause car pour le vrai pique-nique ce n’est pas vraiment l’heure. Une table et des bancs de bois permettent de se reposer agréablement. Le refuge non gardé est très propre, spacieux et semble être une étape accueillante. Le lieu est charmant et plus ouvert sur les décors environnants, car ici la vallée est plus vaste, le lit du torrent très proche de l’itinéraire du Tour du Capcir. Après ce bref repos, on se remet en route. L’inclinaison se faisant plus sévère, je suis vite largué mais je monte à mon train et même si je ne marche pas aussi vite que mes acolytes, je continue à être en bien meilleure forme que le premier jour. Le chemin se stabilise et redescend de nouveau vers le lit du Galbe. La vallée s’élargit encore et droit devant les premiers névés apparaissent mouchetant de blanc les flancs du pic des Mortiers. Une nouvelle baraque, celle de la Jaca de la Llosa se présente mais personne ne s’y arrête. J’y lis très rapidement sur un panneau qu’elle est réservée en priorité aux bergers. Tout s’explique car ici, au bord et dans le lit même du Galbe, de nombreux et magnifiques chevaux sont là à faire le spectacle. La plupart broutent placidement l’herbe verdoyante en bordure du torrent. D’autres pataugent dans son lit. Quelques poulains restent accolés à leur mère, la tétant dès que l’occasion se présente. Mais si tous ces chevaux semblent paisibles, ils vivent à l’état sauvage et on se garde bien de tenter de les caresser. D’ailleurs, parmi eux, un semble tout particulièrement excité et  il a comme on dit,  « la danse de Saint-Guy ». Il se roule dans l’herbe les quatre fers en l’air, se relève soudainement puis part en courant, s’arrêtant net et recommençant les mêmes acrobaties un peu plus loin. Ce cadre somptueux avec ces superbes chevaux nous incite à prendre plusieurs photos souvenirs. Des photos où nous sommes tous les quatre, ce qui n’est pas arrivé si souvent depuis le départ, or mis au sommet du Madres. Après l’installation et le positionnement de nos appareils photo et la mise en fonction de nos retardateurs, les clichés sont « dans la boîte ». Mes compagnons s’éternisant avec les chevaux et la piste se transformant ici en une étroite et caillouteuse sente se mettant à monter, je me remets en route sans trop les attendre, prenant ainsi une petite avance. Cette avance, ils vont la rattraper avec une facilité si déconcertante, presque à vous dégoûter de marcher avec eux pour quelqu’un qui y prêterait trop d’attention. Si j’y prête cas, c’est plus par admiration et surtout sans jalousie, car bien au contraire, je suis très heureux de marcher avec ces trois jeunes gens. Néanmoins, j’arrive en premier sur le petit pont enjambant le Galbe et je les attends car ils sont déjà là à quelques mètres de moi en surplomb du torrent. En réalité, ce n’est déjà plus le Galbe mais le Correc dels Serrat Verds, un de ses affluents. A ma droite, arrive un autre petit torrent, affluent lui aussi, c’est le rec de la Pierre Ecrite, nom donné à ce ruisseau à cause d’une étonnante pierre gravée bien connue se trouvant dans ce secteur de la montagne. Une étrange pierre avec des gravures surprenantes que les spécialistes ont beaucoup de mal à attribuer et à dater. J’ai longtemps espéré la découvrir mais malheureusement, elle n’est pas sur l’itinéraire du Tour du Capcir, sauf à faire une entorse à notre étape déjà bien longue. Du petit pont, nous repartons comme un seul homme mais cet homme se coupe très rapidement, d’abord en deux, puis en trois, puis en quatre. Il faut dire que la déclivité est assez violente et n’a plus rien à voir avec celles que nous avons connues depuis le départ de Rieutort. Heureusement, la montée vers la Jasse des Formigues permet des vues nouvelles car plus aériennes et pour moi, ces vues sont synonymes d’arrêts photos. Qui dit photos, dit arrêts et qui dit arrêts, dits pauses. La « jasse », verdoyante prairie plutôt plane entourée de sapins, est un opportun palier pour reprendre mon souffle. Notre souffle. On le reprend d’autant mieux qu’un groupe de randonneurs, vétérans et hâbleurs, nous arrêtent pour bavarder et blaguer. Mon âge bien avancé parmi mes trois compagnons d’une autre génération devenant le sujet essentiel de ces gentilles mais équivoques plaisanteries. Les dames n'étant pas les dernières à me « chambrer » !  La suite de l’itinéraire ressemble très souvent à ce premier tronçon : une rude montée, un palier, une rude montée, un palier et ainsi de suite même si les décors sont parfois bien dissemblables. Dans cette montée, d’autres randonneurs nous accompagnent quelques temps et à bien y réfléchir, c’est bien la toute première fois que nous en voyons sur le même itinéraire que le nôtre. Oui, nous avons marché dans une quasi solitude depuis 2 jours. Ici, même si les chemins sont parfois bien différents, le dénominateur commun c’est l’eau. Il en coule de tous les côtés et d’inégales manières : petits torrents, ruisseaux tranquilles, arabesques liquides plus ou moins longues, tourbières spongieuses, flaques cristallines, minuscules cascades. Malgré la saison bien avancée, je cherche quelques fleurs à photographier mais elles sont plutôt rares dans ces milieux très humides. Je réussis néanmoins à en trouver quelques-unes, les plus nombreuses étant des Séneçons des Pyrénées et des Marguerites des Alpes, petite marguerite poussant dans les rocailles. Plus rares sont les Adénostyles, jolies fleurs roses poussant carrément les pieds dans l'eau, mais je suis certain que si j'avais le temps de chercher, je découvrirais bien d'autres fleurs. Mais aujourd'hui,  mon temps n'est pas à la découverte botanique et puis de toute manière, plus je m'élève et plus la minéralité occupe les lieux.  Cette difficile mais non moins agréable ascension se termine au pied de la Muntanyeta (2.436 m), la « Petite Montagne », sur un sentier au départ herbeux puis devenant caillouteux se transformant peu à peu en un pierrier essentiellement composé de petites caillasses. Nous sommes à plus de 2.320 mètres d’altitude et la plupart des hauts sommets environnants culminent à 2.600 ou 2.700 mètres. Tout autour, ce n’est qu’un magma impressionnant d’énormes rochers. Là, au sommet d’un collet, point culminant de la journée à 2.327 m, nous basculons sur un autre versant, celui des « Estanys des Camporells ». Ici, le terrain change du tout au tout passant d’une minéralité extrême à une steppe rase et herbeuse. Sur notre droite quelques hauts sommets servent de frontière avec l’Ariège et la Réserve Nationale d’Orlu. Avec ce col, l’heure du pique-nique est arrivée. En réalité, elle est arrivée depuis longtemps car il est déjà 13h30 passé et le premier joli coin sous la forme d’une mare aux eaux transparentes entourée d’une herbe verte et tendre recueille un accord unanime pour une halte. Pas de doute, nous sommes tous à l’unisson pour déposer nos chaudes carcasses sur l’herbe et les godillots de nos pieds dans ce lieu ô combien rafraîchissant. La mienne de carcasse est en tous cas assez lasse par les montées à répétition et réclame un peu de repos. Il est déjà 13h45 et si la première résolution a été de nous déchausser et de tremper nos pieds endoloris dans cette mare limpide, tenir les pieds bien longtemps dans cette eau glaciale relève de la prouesse ou de l'insensibilité. Tout le monde en conclut que déposer ses fesses sur l’herbe fraîche est bien plus agréable et opportun. On pique-nique tous d’un bel appétit, moi le premier et je suis d’autant plus joyeux que les grosses difficultés de la journée sont désormais derrière moi, même si l’arrivée est encore très lointaine. Alors que nous nous reposons, allongés sur l’herbe, soudain je m’aperçois que les sommets des deux Péric, petit et grand, dépassent de la ligne d’horizon et aussitôt, je me mets à penser à la dernière fois où j’étais venu aux Camporells avec Dany. Un triste souvenir. Nous étions partis de la station de ski de Formiguères et avions atteint les Camporells par la Serra de Mauri et en arrivant nous avions appris qu’une femme venait de chuter depuis le sommet du Petit Péric. Une chute de 2 à 300 mètres en contrebas qui nous avaient profondément choqués et attristés. J’avais été d’autant plus perturbé qu’en regardant mes photos, et notamment une d'entre-elles en rapproché, je m’étais aperçu que le corps de la défunte était visible au sein même des éboulis se trouvant sous le sommet. Quelques minutes après la tragédie, le groupe de randonneurs et d’amis accompagnant cette dame était arrivé au refuge dans un silence de cathédrale. Ils étaient tous complètement décomposés et atterrés par la chute de leur collègue à laquelle ils avaient assisté impuissants.  Gardien du refuge, bénévoles, secouristes, peloton de gendarmes de Haute-Montagne, de nombreuses personnes étaient partis vers les éboulis où se trouvait la malheureuse. Mais c’était déjà trop tard. On avait terminé cette balade, avec dans le ciel, le ballet incessant des hélicoptères qui étaient venus déposer les gendarmes puis chercher la défunte.  Sans compter un étrange petit nuage, lequel dans un ciel très pur, était venu jouer un hallucinant ange gardien juste au dessus de la dépouille. Voilà ce que ces Péric me remémoraient. Une journée mémorablement triste et qui apostrophe longtemps. Heureusement la bonne humeur quasi permanente de Jérôme et de ses amis coupe court à mes pensées de cette triste journée. Après une heure de repos, on se remet en route et bien que j’essaie de penser à autre chose, j’ai un mal fou à oublier ce drame. J’ai d’autant plus de mal, qu’au fur et à mesure que l’on descend vers les Estanys et le refuge, la scène de la tragédie, c'est-à-dire le Petit Péric et ses éboulis se dévoilent à mes yeux. Je suis à la fois triste de ce terrible souvenir et très heureux de voir que Cathy, Fred et Jérôme apprécient à sa juste valeur ce cadre grandiose qui se dévoile peu à peu à leurs regards. Les petits étangs bleutés défilant sur notre droite les attirent comme des aimants. Il faut dire que la douce descente sur ce versant-là permet une découverte progressive et le plus souvent en surplomb des magnifiques lacs bleutés qui se succèdent ; Estany Llarge, Estany Gros, Estany del Mig et Estany de la Basseta ; et dans ce décor à la fois minéral mais par endroits très boisé, l’arrivée au refuge représente une véritable apothéose. Le refuge étant en complète réfection, nous ne jugeons pas  utile d’y entrer et nous partons nous reposer sur les berges du grand lac. Aujourd’hui, heureusement, aucun hélicoptère ne vient troubler notre placide repos et seuls de nombreux vautours fauves tournoient très haut dans le ciel. Après de multiples photos, nous longeons le grand lac puis nous arrivons à celui de la Basseta et en surplomb d’autres lacs magnifiquement bleutés mais plus petits. Ici aussi, de l’eau, il en coule de toutes parts et je suis ravi de voir que mes compagnons sont aussi enchantés que moi de marcher dans cette nature féerique. Après les petits « estanys », l’itinéraire devient un peu plus compliqué, car plus caillouteux mais surtout à cause de courtes montées et descentes qui se succèdent jusqu’au Pla des Carboneres puis encore jusqu’aux flancs de la Serra dels Alarbs. Là, avant la longue descente vers le refuge de la Balmette que je connais bien pour être venu faire l’ascension du Puig del Pam, une biche peu farouche a amplement les honneurs de nos appareils-photos. La distante qui nous sépare d’elle doit lui paraître suffisante car elle continue à brouter tranquillement tout en levant la tête de temps à autre pour nous observer sans crainte apparente. Qu’adviendrait-il de cette jolie biche si nous n’avions pas été uniquement des chasseurs d’images mais des chasseurs tout court ? Un appel téléphonique de Dany m’arrête dans la descente. Je m’arrête. Mes compagnons qui continuent disparaissent dans les bosses des prairies où paissent d’innombrables bovins et chevaux.  Il faut dire que cette descente avec des panoramas grandioses sur les montagnes, Péric et Carlit notamment, mais surtout sur le lac cobalt des Bouillouses est une vraie invitation à la flânerie. De plus, l’hôtel des Bones Hores, c’est à dire la ligne d’arrivée étant visible, on a d’ici une relative « bonne » idée de la distante restant à parcourir et donc pas vraiment envie de courir. Ce n’est donc que 20 minutes plus tard que je rejoins mes compères juste avant le refuge de la Balmette. Ils me font part de leur inquiétude de ne pas m’avoir vu arriver plus vite dans cette longue descente plutôt facile. Une fois les explications fournies,  nous profitons pleinement de la cabane et de ce lieu insolite où de nombreuses vaches déambulent au milieu d’étranges et dodus magmas granitiques.  Les deux sont des prétextes à plusieurs photos. Après cet arrêt improvisé près du refuge, nous prenons le sentier qui descend  vers les Bouillouses. C’est un sentier plutôt pénible car caillouteux à souhait et composé d’un véritable enchevêtrement de rochers, de bois et de ruisseaux. Heureusement, peu après, quelques vastes parties planes et herbeuses compensent cette laborieuse descente vers le lac de barrage. Peu après, je reconnais le sentier du célèbre GR.10 que nous avions emprunté avec Dany lors de la 3eme étape d'un mémorable Mérens-les Vals - Mantet. Mémorable car partir marcher 8 jours avec tente et bardas, c'était la toute première fois qu'on s'y risquait. Mémorable à cause des décors cheminés certes mais pour bien d'autres raisons et notamment celle de ne pas avoir pu terminer le parcours prévu à cause des plantes des pieds de Dany qui n'étaient devenues qu'ampoules à vif et rougeâtres. C'était en 2001. Le récit de cette longue, difficile mais merveilleuse pérégrination, je l'avais intitulé « Les Conquérants de l'Agréable », parodiant ainsi un livre que je venais de lire, celui du célèbre alpiniste Lionel Terray, « Les Conquérants de l'inutile ». Oui, bien incapables d'escalader la moindre paroi de montagne, Dany et moi trouvions bien plus agréables de cheminer autour d'elles en prenant soin de les éviter. Le G.R.10 était là pour ça. Une fois de plus, les souvenirs ressuscitent, même s'ils ne sont jamais vraiment morts et simplement oubliés. Un simple panonceau « Porteille de la Grave - GR.10 » a suffit ! Désormais, je reconnais très bien le petit sentier qui longe le lac. Il est malaisé lui aussi, car il ne cesse de monter et descendre jusqu’au barrage et après les nombreux kilomètres, il finit par « casser les pattes ». Il est d’autant plus difficile à cheminer qu’il est parfois caillouteux et que de très nombreuses racines grosses et lisses effleurant le sol nécessitent d’incessantes levées des pieds bien plus hautes que ne le serait la montée normale d’un escalier. Heureusement les belles mais rares vues sur l’immense lac compensent un peu la pénibilité de ce sentier. En arrivant aux Bones  Hores, je m’aperçois mais bien trop tard que j’ai perdu une polaire que Cathy m’avait prêtée. Sans doute s’est-elle détachée de mon sac à dos en restant accrochée à une branche ? Je suis tellement agacé que je suis disposé à faire demi-tour, mais Cathy m’en dissuade en me disant qu’elle n’en a pas vraiment besoin et qu’elle n’a pas beaucoup de valeur. Sans doute a–t-elle un peu pitié de moi après les nombreux kilomètres parcourus ? J’aurais fait de même. Autant l’avouer aussi, la vue du grand hôtel des Bones Hores est pour moi un réel soulagement pourtant je ne suis pas plus fatigué que ça. En tous cas, beaucoup moins que je ne l’appréhendais au départ ce matin. Je m’aperçois que j’ai bien récupéré de ma terrible méforme du premier jour. La dernière étape s’annonce donc sous d’excellents auspices. Non, si je suis satisfait d’en avoir terminé, c’est surtout parce que je m’étais fait un monde de cette très longue étape et que je l’avais considérée comme excessivement difficile, en tous cas la plus difficile des quatre. En réalité et après réflexion, la plus ardue a été la première avec cette « terrible » montée vers le col de Passeduc, mais avec il est vrai une condition physique déplorable par manque de sommeil et sans doute un stress au delà du raisonnable. Aujourd’hui tout ça a disparu et j’en suis heureux. Les « Bones Hores » est un grand et superbe hôtel et un rendez-vous presque obligé des randonneurs qui viennent marcher dans ce secteur du Capcir. La plupart grimpent vers le pic du Carlit, plus haut sommet des Pyrénées-Orientales au milieu des innombrables lacs et cette balade sur une journée est sans doute une des plus belles du département. Même si d’autres hébergements sont possibles autour du barrage, aucun n’a les potentialités et les possibilités d’accueil des Bones Hores. Tous les randonneurs que je connais et qui ont séjournés là, m’ont toujours donné des avis très positifs. Ici, on est très bien accueilli, on y dort et on y mange toujours très bien et je crois que c’est très clairement le cas pour nous aussi. Tout le monde a été enchanté de cette fin d’étape et cette nouvelle nuit à l’hôtel, après une si longue escapade, a été très bénéfique. Moi, j’ai été véritablement émerveillé de cette troisième étape. Elle est superbe. La Vallée du Galbe, la longue montée vers les Camporells, les estanys des Camporells et les Bouillouses, pour moi pas de doute, tout cette partie est un véritable petit Canada français. Un Canada, certes où je ne suis jamais allé, mais que j’ai vu à maintes et maintes reprises à la télé et qui ressemble parfois à s’y méprendre à ce coin paradisiaque du Capcir mais aussi bien sûr à ces décors qui jalonnaient les aventures de Blek le Roc. Aujourd’hui, Blek le Roc n’est pas revenu dans mes pensées et ma bonne forme physique y est certainement pour quelque chose. Voilà, les pensées que j’ai dans la tête à l’instant même où je pose ma tête sur l’oreiller.  Je suis certain que Blek le Roc aurait été enchanté de marcher avec nous aujourd’hui et de connaître la Vallée du Galbe,  les Camporells et les Bouillouses. Par contre, je ne sais pas s’il aurait apprécié les Bones Hores, lui que je n’ai toujours vu que dans des cabanes de trappeurs, des tepees indiens ou bien dans des fortins faits de rondins de bois. De nouveau, je m’endors avec ces songes d’enfants mais conscient tout de même qu’un autre rêve s’achève dès demain : celui d’avoir pu réaliser ce Tour du Capcir avec Jérôme et ses amis ! Après le Tour du Fenouillèdes en 2011, voilà un autre Tour du Bonheur qui va se terminer ! Dans ma tête à demi ensommeillée, mes pensées tourbillonnent de plaisir. Le passé et le présent s’entremêlent une fois encore mais aujourd’hui aucune tristesse ne vient les troubler. A bien y réfléchir, mais c’est très lointain maintenant, je ne me souviens pas avoir vu Blek le Roc dormir ou bien se reposer une seule fois ?

Cliquez sur le lien suivant pour passer à la 4eme et dernière étape

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La Vallée du Galbe (1.757 m) depuis Espousouille (1.523 m)

Publié le par gibirando

 
Ce diaporama est agrémenté de deux standards de jazz "Moanin'" et "Are Your Real ?" joué par Art Blakey et The Jazz Messengers, extraits de leur album "Moanin'"
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« La Vallée du Galbe. Quel beau nom pour une vallée si belle ! Ondulante, douce, offrant une multitude d’itinéraires variés et secrets, verte et fleurie, cette vallée est un joyau naturel » Voilà le début de la description qu’en fait le site Internet « Pyrénées Cerdagne.com ». La suite est du même acabit et bien évidemment ça donne envie d’y aller voir. Certains, et ils sont nombreux, vont la voir en voiture mais vous vous doutez bien que ce n’est pas ainsi que je vous propose de la découvrir. Moi, j’ai découvert la Vallée du Galbe en septembre 2013 lors d’un Tour pédestre du Capcir effectué en 4 jours, avec mon fils et un couple d’amis. Ce jour-là, c’était la 3eme étape et de très loin la plus longue et la plus difficile car elle nous avait amenés de Rieutort aux Bones Hores soit plus de 28 kilomètres. Nous avions d’abord longé le Galbe, puis il s’en était suivi une longue montée vers les Camporells et enfin une descente qui l’était tout autant vers les Bouillouses. Eh bien ce jour là, l’étape avait été si belle, qu’à l’arrivée je n’avais ressenti aucune fatigue ni aucune douleur ! Pourtant dieu sait si nous avions crapahuté et parfois sur de « bonnes » déclivités et sur des terrains pas toujours évidents et faciles ! Mais ce jour-là, tout avait défilé très vite car j’avais passé la quasi totalité de l’itinéraire dans la contemplation et je dirais presque comme dans un état second. Une flore et une faune magnifiques et surtout bien présentes, le tout dans des paysages magiques. A coup sûr, tant de beautés m’avaient fait oublier les difficultés. Cet émerveillement avait bien évidemment commencé à l‘entame de la Vallée du Galbe, c'est-à-dire dès le départ de l’étape, peu après Rieutort, raison pour laquelle j’ai eu envie d’y revenir et surtout d’y amener Dany. Le départ s’effectue du hameau d’Espousouille où près du petit cimetière, un vaste parking accueille les voitures. Ma balade ressemble en partie à celle indiquée sur un panonceau indicatif cloué à un petit chalet de rondins et s’intitulant « les Portes de la Vallée du Galbe », mais à deux différences non négligeables, c’est que la mienne est bien plus longue et que j’ai choisi de partir en empruntant le G.R.P Tour du Capcir plutôt que ce P.R.29 qui semble-t-il est un sentier d’Emilie dont la boucle fait demi-tour au « Pont dels Plans de l’Orriet ». De ce fait, nous sommes partis vers le village dont l’itinéraire passe d’abord devant l’imposante église dédiée à Sainte-Marie. Puis on déambule au milieu des belles et vieilles maisons aux pierres rouges ou grises typiques de la région. Du hameau, on en sort très vite en empruntant la rue de la Porteille puis en suivant le balisage jaune et rouge propre au Tour du Capcir. Un premier panonceau nous rassure quand à l’exactitude du chemin même si les mentions qu’il indique nous intéressent peu aujourd’hui : « Tour du Capcir- Refuge des Camporells 4h40 – les Bouillouses 7h15 ». Les vieilles maisons en pierres ont laissé la place à des chalets plus modernes et l’itinéraire grimpe désormais en direction d’une superbe et immense sapineraie. En entrant dans la forêt, le chemin se transforme en une belle et large piste forestière, qui après une courte montée, finit par s’aplanir. Ce type de piste forestière, large et terreuse et parfois agréablement herbeuse compose l’essentiel de notre balade, ce qui bien évidemment la rend ainsi très aisée mais pas vraiment monotone pour autant, à cause des beaux paysages qu’elle côtoie en permanence de part et d’autre. Ici, l’ubac et l’adret du vallon sont quasiment pareils, recouverts qu’ils sont de cette forêt verdoyante à souhait.  Pour moi, cette piste est d’autant moins monotone que la flore est encore omniprésente en ce début d’été. Cette présence n’est pas faite pour me déplaire ni à moi ni à mon appareil photo qui enregistre sans cesse de nombreuses fleurs donc quelques unes très nouvelles. Aujourd’hui, mon herbier photographique va encore prendre de l’embonpoint. Quand à la faune sauvage, si elle ne se résume qu’aux plus petites et visibles entités, à savoir oiseaux, insectes, papillons et lézards, on la devine ubiquitaire dans toute la vallée. Dans l’eau du torrent bien sûr, avec les « fameuses » mais protégées truites fario mais aussi avec la loutre et le « rarissime » et noctambule Desman des Pyrénées. Quant aux forêts domaniales, les cervidés y sont légions et je garde encore en mémoire les nombreux cerfs, mouflons et autres isards qui nous avions aperçus lors du Tour du Capcir, du côté de la Serra dels Arabs ou du Massif du Madres. Quand aux marmottes, on pourrait penser qu’elles occupent d’autres étages montagnards un peu supérieurs, mais non, ici elles sont bien présentes sur les flancs de la montagne et le Galbe n’est pas étranger à cette présence comme nous le constaterons au moment de faire demi-tour. Malgré la rectitude de la piste, les panonceaux de randonnées sont bien présents et ils indiquent les endroits les plus proches que l’on va découvrir : « Refuge de la Jaceta » et « Cabane de la Jasse de la Llose ». A ces informations, s’ajoutent quelques poteaux signalétiques mentionnant les lieux où l’on arrive et permettant de se situer par rapport au bout de carte I.G.N dormant le plus souvent au fond de ma poche : « Cortal Pujol – 1.620 m » ou « Pont dels Plans de l’Orriet - 1.625 m ». Au fil du cheminement, les vues s’entrouvrent ou se referment selon l’ordonnancement des arbres géants de cette magnifique forêt. Plus l’on avance et plus les versants de la vallée semblent se desserrer. La forêt se raréfie et de verdoyants pacages se font plus présents. L’étroit torrent fougueux et aux eaux écumeuses laisse la place à une rivière plus paisible et peu profonde où des galets de schistes d’or et d’argent resplendissent sous les rayons du soleil. Nonchalant, un aigle royal se dirige en planant vers le fond de la vallée. Sur les rives ou sur des aires aménagées, de nombreux randonneurs en sont déjà au déjeuner. Nous choisissons de faire de même mais seulement en arrivant au Refuge de la Jaceta où table et bancs arrivent à point nommé. Une demi-heure d’arrêt et nous voilà déjà repartis en direction de la Jasse de la Llose et de son refuge réservé le plus souvent aux bergers ou aux maquignons. Il vrai que sur cet itinéraire plutôt facile, nous n’éprouvons pas vraiment le besoin de nous reposer à moins que ce ne soit cette nature si admirable qui nous lance des appels irrésistibles ? La vallée s’entrouvre encore. Droit devant, le pic de Mortiers (2.605 m) dresse sa colossale pyramide encore tachetée de quelques blancs névés. Perchés au faîte des grands arbres, les pinsons mâles chantent à tue-tête en quête d’une future bien aimée, puis quand les couples se trouvent, ils se lancent dans des poursuites infernales puis s’arrêtent pour jouer ou se bécoter bien à l’abri des regards dans les branches des ténébreux sapins. Sur les pelouses, les premiers lys martagon dressent leur paradoxale floraison : la tige droite comme un « i » pointée vers le ciel et leurs belles et grosses clochettes roses nuancées de pourpres inclinées vers le sol. Le refuge de la Jasse de la Llose est là. Sur la berge de la rivière, un âne attaché à un pieu nous regarde passer d’un air triste pour ne pas dire accablé. Ses grandes oreilles aplaties telles des ailes d’avion lui donnent un air tout penaud. Ces maîtres, sans doute des randonneurs, l’ont abandonné pour partir courir la montagne. Voyant que nous ne pouvons pas grand-chose pour lui, or mis quelques caresses sur le museau, de dépit, il replonge la tête dans les hautes herbes. Manger pour oublier sa solitude voilà comment on risque de devenir obèse mais heureusement la marche lui semble bénéfique ! Nous aussi, la marche nous fait du bien, alors on poursuit bien après le refuge mais quand la piste se termine et qu’un étroit sentier prend finalement le relais tout en grimpant dans la montagne, Dany décide que la Vallée du Galbe se termine ici. En réalité et si on observe bien la carte I.G.N, le Galbe semble s’arrêter vraiment là et prend d’autres noms peu après : Correc dels Serras Verds et Rec de la Peira Escrita. C’est plutôt marrant car sans rien avoir dit à Dany au préalable, c’est à quelques mètres près, l’endroit même où j’avais décidé que mon itinéraire et mon tracé G.P.S s’arrêteraient. Nous faisons demi-tour mais en retrouvant le lit de la rivière, nous décidons de faire une pause sur sa berge, histoire de vider nos sacs respectifs en finissant nos casse-croûtes. Soudain, une marmotte laisse entendre son sifflet si strident mais comment l’apercevoir sur les flancs de cette montagne si majestueuse nous faisant face ? Un à un, j’observe chaque bout de pelouse, chaque rocher, chaque éboulis, chaque magma caillouteux toujours dans la direction d’où proviennent les sifflements, c'est-à-dire vers l’adret. Enfin, je la découvre, telle une grosse peluche, perchée sur un rocher entouré de quelques buissons ! Elle n’est pas très loin et je pense que l’objectif de mon numérique sera suffisamment puissant pour en obtenir une image satisfaisante. Je zoome vers elle, tente au mieux de faire une mise au point convenable mais quand j’appuie sur le déclencheur, elle détale, un peu comme si j’avais appuyé sur la gâchette d’un fusil. Je vérifie, la marmotte est « bien «  enregistrée. Nous attendons encore un peu mais le « siffleux » a du rejoindre son terrier alors nous repartons et il n’y aura pas d’autres photos de marmottes aujourd’hui. Sur le chemin du retour, force est de reconnaître que les panoramas sont tout aussi beaux que ceux de l’aller. J’avais prévenu Dany en lui disant « ne te retourne pas trop ainsi au retour tu profiteras pleinement des paysages ! ». Dans le « V » que forme la vallée, avec d’un côté la Serre de Mauri et de l’autre le Roc de Querubi, on distingue tout au loin le Canigou, seigneur du Roussillon, aujourd’hui étrangement habillé d’un bleu de chauffe tirant sur le gris. Un peu plus près sur la gauche, c’est le Pic de la Pelade, petit suzerain des Garrotxes à la tonsure sommitale si reconnaissable. Voilà pour les sommets les plus identifiables quand aux restes des autres collines, ce ne sont que quelques crêtes boisées servant de frontières entre le Capcir et le Conflent. D’ailleurs, ce « V » disparaît assez vite, caché qu’il est par la verdoyante forêt. On ne perd pas au change jusqu’à ce que cette forêt nous engloutisse sous sa sombre canopée. On retrouve le lieu-dit « Pont dels Plans de l’Orriet » et sur son pont, on change enfin d’itinéraire. En réalité, peu de choses changent car nous sommes toujours sur une large piste forestière essentiellement terreuse désormais. Ici, la forêt devient « forêt communale de Formiguères ». Dany, jusqu’à l’arrivée, trouvera cette piste plutôt lassante, moi pas. Il faut dire que je suis encore très occupé à photographier de nouvelles fleurs, qui bizarrement, ne sont pas les mêmes que celles aperçues ce matin sur la piste longeant la soulane. D’ailleurs, les quelques oiseaux que j’arrive à photographier ne sont pas les mêmes non plus. Ici, les mésanges paraissent plus nombreuses et semblent avoir remplacé très avantageusement les pinsons. Il faut dire que dans ce sous-bois, les essences sont plus diverses et les feuillus sont presque aussi nombreux que les résineux, ceci expliquant sans doute cela. Sur la gauche, le torrent laisse sans cesse entendre le fracas de ses cascades successives et à la première occasion, on tente de s’en rapprocher pour jeter un coup d’œil sur ces cataractes si bouillonnantes. Petites vasques aux eaux limpides ou marmites plus profondes sont autant de signes m’invitant à une baignade qui selon Dany ne serait pas vraiment raisonnable, en raison du fort courant et de la fraîcheur quasi certaine de l’eau. C’est d’autant moins sérieux que quelques unes de ses poches d’eau sont déjà bien occupées par les lignes de quelques « serial-no-killers » c'est-à-dire des pêcheurs relâchant obligatoirement leurs prises et donc sans mise à mort des truites qu’ils sont amener à prendre. Pour la truite sauvage poêlée aux amandes, le pêcheur devra passer au supermarché, ce qui tout compte fait n’est pas plus mal selon moi. Après quatre kilomètres effectués depuis le pont, les premières prairies verdoyantes d’Espousouille apparaissent au travers de quelques arbres. Puis c’est au tour des premières maisons. Après cette sauvage et paisible balade, on retrouve une agitation parfois un peu trop bruyante à notre goût. Un agriculteur juché sur son tracteur fauche tout son champ dans des va-et-vient incessants. Deux promeneuses ont fait des bouquets de fleurs champêtres et discutent bruyamment de leurs patronymes, semblant le plus souvent en total désaccord. Dans le tranquille ruisseau que forme ici le Galbe, un pêcheur « cuissardé » marche dans son lit lançant d’un geste gracieux le fil de sa ligne. L’opération semble se répéter à foison quand soudain, le scion de tête se courbe en premier puis c’est la canne toute entière. Le pêcheur a ferré sa prise et à l’autre bout du fil, une belle truite fario joue son va-tout et sa survie. J’applaudis à deux mains, quand sa vie, elle va la retrouver quelques minutes plus tard seulement. Enfin, en arrivant sur le parking, nous retrouvons notre voiture sous le regard singulier de quelques hirondelles posées sur des fils électriques. Elles se reposent plusieurs minutes et en groupe le plus souvent, puis, telles des fusées, elles repartent comme un seul homme vers le Galbe dont elles survolent le lit rutilant en quête des nombreux insectes qui en occupent les abords. Puis elles reviennent se poser et ainsi va la vie des hirondelles d’Espousouille. La balade est terminée mais nous aussi nous devons nous reposer un peu alors le premier endroit où poser nos fesses est le bon. Un bas muret se présente face à la verdoyante Vallée du Galbe et il nous retiendra encore quelques temps pour une dernière pause contemplative et bienfaisante. Dany a été ravie de cette journée. La Vallée du Galbe a été à la hauteur de sa réputation et conforme à la description que j’avais pu lire sur le site Internet de « Pyrénées Cerdagne.com » : « Ondulante, douce, verte et fleurie, cette vallée est un joyau naturel » avais-je lu ! Tout était vrai ! Mais ça, je le savais déjà ! Quand à offrir « une multitude d’itinéraires variés et secrets », cela ne fait aucun doute même si le plus souvent, on n’évoque que les moins mystérieux c'est-à-dire ceux menant vers les Camporells, la réserve d’Orlu ou bien encore vers l’étonnante « Peyre Escrita ». La balade, telle que décrite ici, a été longue d’une quinzaine de kilomètres environ. Le dénivelé de 250 mètres est très modeste quand aux montées cumulées, avec 840 mètres, elles demeurent très modérées aussi. Les pistes forestières sont plutôt bonnes et ne nécessitent pas un équipement de randonnée très sophistiqué. Quand à la rivière Le Galbe, j’ai voulu en savoir un peu plus sur elle mais or mis qu’elle est un affluent de l’Aude dont la confluence est le lac de Puyvalador et qu’elle serait longue de 14 km (source Wikipédia), je n’ai guère pu en savoir davantage. Certains prétendent que sa source se situerait à l’Etang du Diable au pied du pic de Mortiers mais à cet endroit-là sur la carte, il s’agit déjà du Rec de la Peira Escrita qui est un de ses nombreux petits affluents. Voilà, sur le plan de son hydronymie, c’est à peu près tout. Quand à sa toponymie, l’écrivain étymologiste Robert Aymard nous apprend dans son étude « L’Aragon, berceau de l’hydronymie ibéro-pyrénéenne » que le mot « galbe » aurait pour origine l’étymon « galua » signifiant « nappe d’eau ». On retrouve cette même origine dans de nombreux patronymes pyrénéens toujours liés à la présence de l’eau comme « Gaube », « Lagaube » « Gaoube » ou « Graoubole » et tout ça bien évidemment nous amène inévitablement vers la racine préceltique « gaba » signifiant « rivière » ou plus généralement tout « cours d’eau » et que l’on retrouve dans le mot gascon « gabe », en français le « gave ». Quand nature rime avec culture, pourquoi s’en priver ? Carte IGN 2249 ET Font-Romeu – Capcir Top 25.

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Les Lacs des Camporells (2.240 m) depuis Formiguères (Station de ski-1.740 m)

Publié le par gibirando

 
Ce diaporama est agrémenté de 5 chansons extraites de la comédie musicale "Notre-Dame de Paris" (Luc PlamondonRichard Cocciante). Elles ont pour titre et interprètes : "Belle" (Daniel LavoiePatrick Fiori et Garou), "Le Temps des Cathédrales" (Bruno Pelletier), "Ces Diamants-là" (Patrick Fiori et Julie Zenatti), "Beau comme le Soleil" (Hélène Segara et Julie Zenatti) et "Ave Maria Païen" (Noa).
LES-LACS-DES-CAMPORELLS

En ce jour de juillet, c’est vraiment un concours de circonstances qui nous a conduit à aller faire une randonnée jusqu’au site classé des Camporells par la Serre de Mauri. Brièvement, ce hasard, puisqu’il faut bien l’appeler ainsi, c’est d’avoir les jours précédents un peu trop bossé à notre maison d’Urbanya et surtout d’avoir lu la veille de cette randonnée, un petit complément à la revue Pyrénées Magazine de juillet/août 2012 intitulé les « Carnets » dans lequel y étaient mentionnés quelques randos vers les plus beaux lacs pyrénéens dont bien sûr ceux des Camporells. Comme la journée du lendemain s’annonçait sous les meilleurs auspices, les dés étaient jetés et nous préparâmes nos sacs à dos avec la diligence et l'enthousiasme d’être déjà sur les sentiers du Capcir. Or, il faut se rendre à l’évidence, la clémence de la météo et l’azur du ciel ne changent rien à l’affaire et l’écart entre ce que l’on peut appeler chance ou hasard et malchance et fatalité est extrêmement mince. En ce jour d’été qui s’annonçait si merveilleux et qui l’était sur le plan météorologique, nous en avons fait le triste et sinistre constat car alors que nous arrivions dans ce site si majestueux que sont les Camporells, au même instant, de l’autre côté des magnifiques lacs bleutés, un drame se tramait. Une malheureuse randonneuse allait perdre la vie en chutant sur les pentes du Petit Péric. Ce matin-là, sans doute était-elle partie elle aussi en se disant quel jour extraordinaire pour aller randonner ! Sans doute était-elle partie marcher en se disant quel bonheur d’aller à la rencontre de la beauté, de cette nature si admirable et tellement grandiose ! En tous cas, j’espère qu’elle a quitté ce monde avec ces images-là, ces images d’un Capcir tellement fascinant et merveilleux que seules les randonnées en montagne sont à même de nous procurer de temps à autre. Pour Dany et moi, c’est le « ras-le-bol » autour des travaux de restauration de notre maison d’Urbanya qui nous incita à faire un « break » et à partir marcher. C’est donc sans carte, sans GPS (c’est si rare !) et presque au « pif », avec seulement le petit « Carnets » de Pyrénées Magazine que nous sommes partis vers la station de ski de Formiguères. Nous comptions bien sûr sur la qualité du balisage pour parvenir à nos fins et à part un bref égarement qui n’en fut pas vraiment un, l’itinéraire vers les Camporells (Camporeys ou les champs des rois de Majorque) fut d’une grande simplicité. Ce parcours est parfaitement indiqué avec de nombreux panonceaux et traces de peinture jaune propres aux P.R. On laisse la voiture au parking le plus haut de la station de ski de Formiguères et d’emblée quelques rudimentaires panneaux de bois annoncent la couleur : « Refuge des Camporells 2.240 m » puis suivent en dessous, les différents services offerts et les périodes d’ouvertures. Ces panneaux sont bien évidemment un encouragement à progresser sur la large piste terreuse qui s’avance vers la montagne et les sapinières en dominant les vastes bâtiments de la station. Cinq cent mètres plus loin, les premiers vrais panonceaux indicatifs de randonnées sont là non loin d’un joli oratoire. On quitte la piste en se dirigeant vers ce dernier et en suivant bien sûr l’itinéraire suggéré dans les « Carnets » : « Les Camporells par la Serra de Mauri ». Au passage, on remarque néanmoins un autre panonceau indiquant « Les Camporells par la Basseta » et cette attention s’avérera utile au moment de prendre la décision de revenir à la station en effectuant une boucle. Le balisage jaune est bien présent, il grimpe dans les prés en suivant le télésiège de la Calmasella. De petits poteaux jaunes nous font traverser les prés et nous entrainent vers un bois de pins à crochets où l’on reprend l’ascension. On finit par atteindre une très large piste carrossable pour constater que de nombreux randonneurs l’empruntent jusqu’ici et bien plus loin encore avec leur véhicule. Là, dans l’ascension de cette piste, les panonceaux sont nombreux mais les traces jaunes finissent par nous amener dans un sous-bois de pins et vers des pentes plantées de genêts en surplomb de la Vallée de la Lladura. De beaux panoramas s’entrouvrent vers de très hauts sommets lointains et d’autres bien plus voisins dont le Puig del Pam reste néanmoins le plus proche et le plus remarquable, en tous cas vu d’ici. Ce beau Puig del Pam que j’avais pris plaisir à gravir l’an dernier et que j’ai déjà relaté dans ce blog. On perd les traces jaunes quelques temps pour finalement retrouver la piste terreuse au terme de l’arrivée d’un télésiège. Je suppose que ce sentier que nous avons pris par erreur est un raccourci qui évite les sinuosités de la piste et qu’il est connu de quelques randonneurs seulement. Sans doute fallait-il suivre la piste carrossable et surtout être plus attentif au balisage jaune ? Ce balisage jaune, on le retrouve après la terminaison d’un télésiège et on ne va plus le quitter jusqu’aux Camporells. La piste, elle, reste le fil d’Ariane de l’itinéraire qui suit la longue Serra de Mauri même si de temps à autres, quelques brefs raccourcis permettent d’en éviter ses contorsions. Tout au long de cette portion du chemin, je me suis régalé à découvrir ces fleurs très particulières propres aux pelouses et aux rocailles d’altitude car ici ce sont bien les deux types de flores que l’on y rencontre. En atteignant le point culminant de cette balade à plus de 2.400 mètres d’altitude, on quitte définitivement la piste à l’approche de la petite mais très rocailleuse Serra de Dellà. Ici, le regard embrasse de tous côtés des panoramas à couper le souffle et de toute la balade, c’est sans contexte, le point de vue le plus captivant. Derrière, c'est-à-dire vers l’est, sur un lavis de montagnes bleutées, on a un meilleur aperçu de la longue Serra de Mauri que l’on vient de chevaucher. Au nord, c’est le début de la Vallée du Galbe et de ses quelques hauts puigs qui la dominent sous la forme d’une longue crête olivâtre. Au sud, l’imposant Puig del Pam apparait tel un saisissant mastodonte minéral et végétal. Droit devant c'est-à-dire vers l’ouest, on a une ample vision d’un enchaînement de hauts sommets triangulaires servant de frontière avec l’Ariège. Cette chaîne, paradis des isards, où subsistent quelques rares et blancs névés s’avance et se termine brutalement par les deux pyramides essentiellement minérales des deux Péric. Au pied de leur longue inclinaison, on arrive à distinguer l’immense lac des Bouillouses. Mais la vision la plus belle c’est celle aérienne sur le cirque de la Coquilla avec ses innombrables et verdoyants ourlets boisés et surtout celle sur le vallon des Camporells et ses merveilleux écrins bleutés que sont les Estanys Gros, del Mig et de la Basseta. La descente vers le refuge s’effectue sur un étroit sentier caillouteux et abrupt qui nécessite une attention de tous les instants. Nous, nous l’avons accompli en compagnie de l’amie du gardien du refuge qui était enceinte et qui, en plus, trimbalait son gamin de deux ans sur son dos. Autant vous dire que j’ai longtemps tremblé à la voir descendre sur ce sentier avec une célérité incroyable mais avec, il est vrai, un sens inné de l’équilibre et une dextérité déconcertante. Elle arriva bien avant nous au refuge. C’est d’ailleurs elle qui nous voyant arrivés à notre tour est venue nous prévenir qu’un accident venait de se produire sur les pentes du Petit Péric, son compagnon étant parti précipitamment sur les lieux de ce drame. A ce moment-là, attablés à la terrasse du refuge, nous ignorions tout du dénouement mais nous étions inquiets et avons prié pour cette dame qui venait de tomber. Comme nous ignorions les conséquences de cette chute, nous avons un peu mangé puis j’ai proposé à Dany d’aller faire le tour des lacs. Visiblement cette nouvelle l’avait ébranlée et elle n’était pas dans son assiette, alors je suis parti tout seul car perturbé moi aussi je préférais aller me changer les idées que rester au refuge dans l’attente insoutenable d’une éventuelle mauvaise nouvelle. Au moment où je démarrais, l’hélicoptère de la Sécurité Civile traversa le ciel et vint déposer des secouristes à proximité du refuge puis il disparut de ma vue en partant sur le lieu de l’accident. Il revint près du refuge alors que j’étais déjà de l’autre côté de l’Estany del Mig. Le ballet se poursuivit quelques temps puis l’hélicoptère aux couleurs sang et or disparut définitivement. Après la découverte de l’Estany del Mig et de sa splendide flore, j’ai remonté le torrent jusqu’aux berges de l’Estany Gros. Alors que j’en étais à prendre photos sur photos à la fois du relief du site, de sa beauté et de celle de ses fleurs, je me suis rendu compte qu’il y avait bientôt une heure que j’avais quitté le refuge et laissé Dany sur la terrasse. Il était donc temps de rebrousser chemin. A mon retour et à voir les mines déconfites de tous les randonneurs présents sur la terrasse du refuge, je compris aussitôt que le pire était survenu. Dany me confirma la nouvelle et je lui dis aussitôt que je n’avais pas trop envie de m’éterniser car ici tout le monde ne parlait plus que de ça, chacun y allant de son commentaire. En regardant vers le Péric, là même où cette malheureuse avait chuté et alors que le ciel avait été incroyablement bleu et purgé de tout nuage toute la journée, qu’elle ne fut pas ma surprise de voir qu’un petit cumulus blanc couronnait le sommet. Je ne sais pas pourquoi, je me mis soudain à penser qu’il pouvait s’agir de l’âme de la défunte qui était montée au ciel. Autant vous l’avouer, n’étant pas croyant, je ne crois pas à ce genre de choses, ni à la résurrection, ni à la réincarnation, ni aux apparitions, ni aux fantômes, ni aux anges ni à aucune de ces fadaises mais là, je l’avoue, ce petit nuage qui venait si brusquement d’apparaitre m’avait quelque peu troublé. Le temps excessivement sec n’étant pas propice à la formation d’un quelconque nuage, que faisait-il là tout seul ce petit nuage d’un blanc d’une incroyable pureté dans un ciel bleu aussi pur lui aussi ? Nous discutâmes quelques instants sur l’itinéraire à prendre pour le retour et plutôt qu’un aller-retour que nous trouvions un peu trop banal, nous choisîmes rapidement l’option du Lac de la Basseta, non pas celui des Camporells tout proche mais celui du vallon de la Lladura. Notre esprit de découverte et d’aventure prenait encore une fois le dessus car à vrai dire nous ne savions pas trop où nous allions. J’avais seulement visionné une carte à l’intérieur du refuge et je savais que la déclivité était conséquente et le parcours plus long que celui pris ce matin. Les deux durées étaient d’ailleurs sans aucune équivoque car écrites sur un panonceau au bord du lac. Alors même que nous quittions le site, un hélicoptère de la Gendarmerie survola le site et selon les dires d’autres randonneurs, il venait, paraît-il, chercher le corps sans vie de la pauvre malheureuse. Regardant voler cet appareil, je m’aperçus que le petit nuage blanc était entrain de se volatiliser comme si l’âme de cette dame partait en même temps que l’hélicoptère. Décidemment pourquoi avais-je ces pieuses pensées ? Une fois encore, je fus vraiment bouleversé par ce phénomène météorologique sortit d’où je ne sais où et aussi instantané que surprenant. Le retour vers la station de ski de Formiguères fut très difficile tant nos pensées allaient vers cette pauvre randonneuse. Il fut d’autant plus difficile que la descente vers le lac de la Basseta est relativement raide et caillouteuse pour ne pas dire accidentée et périlleuse et que nous redoutions nous-mêmes d’avoir un accident. Non loin du sentier, j’ai entendu chanter le déversoir des lacs c’est à dire la cascade des Porcs mais sans jamais la voir et sans pouvoir l’approcher malheureusement. Alors que dans le ciel d’azur, le lugubre hélicoptère de la Gendarmerie rompait sans cesse le silence en tournoyant encore, je me suis dit que le chant mélodieux de la cascade qui parvenait jusqu’à nous était le seul bruit agréable que j’avais entendu depuis ce matin. Par bonheur, nous fîmes cette longue et abrupte descente avec un sympathique couple de randonneurs qui nous tinrent compagnie pratiquement jusqu’à la station de ski. A tour de rôle, nous nous dépassions et nous finîmes par terminer ensemble cette belle mais triste balade. Comme nous, ils s’arrêtèrent à la fraicheur du petit lac de la Basseta et nous en profitâmes pour faire plus ample connaissance. Nous mîmes à profit cette halte rafraichissante pour finir un casse-croute que nous avions eu du mal à avaler en apprenant la terrible nouvelle. Le retour à la station de ski par la longue piste de la Lladura, le Creu de la Jaceta, le Pla del Bouc et le Bac de les Planes fut éprouvant autant à cause de la distance à accomplir, de la chaleur qui régnait en cette après-midi ensoleillée qu’en raison de nos jambes lourdes et tétanisées par l’horrible fatalité qui était survenue. Dans son « Voyage aux Pyrénées », Hippolyte Taine écrivait « la gaîté est comme un ressort qui rend l’âme élastique » et il ne croyait pas si bien dire car étant tristes, nous étions sans ressort et raide comme des passe-lacets. J’ai très longtemps pensé à cette dame mais également à ses compagnons de randonnée qui l’avaient accompagnée sur son dernier chemin. J’avais inscrit l’ascension des Péric à mon programme de 2012 mais je vais sans doute les remettre à un peu plus tard ou peut-être à jamais. Enfin je ne sais pas et encore une fois, je laisserais peut-être le hasard en décider. Il fait si bien ou si mal les choses ! Carte IGN 2249 ET Font-Romeu Top 25.

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