Le Château de Quéribus (655 m) depuis Cucugnan (270 m)

Publié le par gibirando


Ce diaporama est agrémenté de 3 musiques du duo "Secret Garden" extraites de leur album "White Stones". Elles ont pour titre "Poème""Steps" et "Moving".
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« Tenez, chaussez vite ces sandales, car les chemins ne sont pas beaux de reste…Voilà qui est bien… Maintenant, cheminez droit devant vous ». Voilà ce qu’Alphonse Daudet fait dire à Saint-Pierre s’adressant à l’abbé Martin, le Curé de Cucugnan dans les fameuses « Lettres de mon Moulin ». Autant vous le dire et même si cette balade au célèbre Château de Quéribus démarre de l’illustre village de Cucugnan et que les chemins ne sont pas spécialement beaux, je ne vous conseille pas de mettre des sandales mais un équipement bien mieux adapté, style de bonnes chaussures de randonnées bien montantes avec de bons et gros crampons. Pour le reste, outre que je connaissais déjà le célébrissime château de Quéribus mais pas cette jolie balade qui y mène, c’est presque une autre raison qui m’a incité à venir à Cucugnan en ce début du mois d’octobre. En effet, il y a quelques mois et alors que j’écoutais une émission sur France Inter dédiée au pain, j’ai entendu l’écrivain Jean-Philippe de Tonnac  (Dictionnaire universel du pain-2010) affirmer que le meilleur boulanger de France était celui de Cucugnan. Il expliqua rapidement pourquoi et ses arguments furent si convaincants qu’inévitablement j’eus envie de venir vérifier par moi-même cette affirmation. Alors, bien sûr cette idée me trottait déjà dans la tête depuis un bon moment et j’ai trouvé l’idée intéressante d’allier cette découverte du boulanger de Cucugnan à une randonnée au départ du village. Voilà comment cette randonnée au Château de Quéribus pris naissance puis fut programmée et je dois le dire, je ne fus déçu ni par le boulanger encore moins par ses produits ni par la balade, même si ma curiosité et ma gourmandise me jouèrent un mauvais tour puisque après avoir vidé mon porte-monnaie chez le fameux boulanger, je me suis retrouvé comme un idiot au pied du château n’ayant plus sur moi ni les 5,50 euros indispensables à une visite pour une personne ni aucun autre moyen de paiement. Bien que connaissant déjà le château, ce fut néanmoins dommage car ce droit d’entrée au château incluait également le spectacle « Le sermon du curé de Cucugnan » au théâtre Achille Mir que j’aurais bien aimé voir car il me rappelait Fernandel mais surtout mon enfance et le temps où ma mère nous lisait les "Lettres de mon Moulin". Peu de gens le savent mais ce conte est à l’origine une histoire véridique dont l’instigateur fut l’abbé Ruffié, le vrai curé de Cucugnan qui en 1858 pour faire revenir ses ouailles infidèles à l’église n’avait rien trouvé de mieux que de leur raconter ce récit où après avoir fait voyage au paradis puis au purgatoire, il leur avait dit avoir trouvé en enfer tous les défunts cucugnanais. C’est peu après que les choses se compliquèrent car on dit que plusieurs auteurs auraient voulu s’attribuer la paternité de cette histoire. Il y a un certain Blanchot de Brenas qui affirme être passé à Cucugnan, avoir entendu les homélies de l’Abbé Ruffié et avoir été le premier à publier ce récit en 1858-1859 sous le titre "Avec mon ami Félix" une série de 11 articles épistolaires dans la revue La France littéraire, Artistique et Scientifique, qu'on trouve souvent référencé sous le faux titre "Voyage dans les Corbières". Mais un petit problème surgit car un certain Hercule Birat, poète narbonnais a écrit en 1855 une histoire semblable intitulée « le Sermon du Père Bourras » publiée en 1860 dans un recueil de poèmes « Poésies narbonnaises ». Il faut reconnaître qu’il était très fort Hercule puisque avant même que l’abbé Ruffié imagine cette histoire, il l’avait déjà rédigée sur la base d’une histoire identique également vraie mais qui venait d’un autre village audois ! En 1867, tiré de l’article de Blanchot de Brenas, c’est Joseph Roumanille, écrivain et un des fondateurs du Félibrige qui publia une adaptation en langue provençale «Lou Curat de Cucugnan dans l'Armana Prouvençau» qu’Alphonse Daudet n’a fait que reprendre à son compte en la traduisant en français dans « les Lettres de mon moulin » en 1869. Achille Mir, lui en fît, une version occitane en 1884. Voilà, tout ça pour dire que certains de ces écrivains s’accusèrent de plagiat mais que la vérité n’a jamais véritablement émergé. Bon, il faut convenir que la plupart d’entre eux eurent un succès plutôt intime et gardèrent un obscur anonymat. Seul Daudet, avec les « Lettres de mon moulin » tira son épingle de jeu et devint vraiment célèbre. Mais oublions un peu l’histoire de ce curé et retournons voir mon objectif N°1 du jour, notre « cher » boulanger. De toute manière, si j’en crois la légende qui court ici à Cucugnan, curé et boulanger n’auraient jamais fait bon ménage. Allez savoir pourquoi ? Pourtant Alphonse Daudet avait autant d’intérêt pour les uns et les autres puisqu’en évoquant le récit de Roumanille, il dit : «C’est de la fine fleur de farine provençale qu’on va vous servir cette fois…» puis en commençant sa propre histoire et en parlant de l’abbé Martin : «L’abbé Martin était curé de Cucugnan. Bon comme le pain, franc comme l’or», les deux auraient donc du s’entendre. Enfin, c’est du passé et revenons désormais au présent ! En entrant dans l’originale échoppe de Roland Feuillas ; c’est comme ça qu’il se nomme notre boulanger du Cucugnan, j’ai immédiat annoncé la couleur en lui disant : « Bonjour Monsieur, j’ai oui dire à la radio que vous étiez le meilleur boulanger de France, c’est vrai ça ? » et le boulanger me rétorqua très modestement : « si vous croyez toutes les sottises qui se disent à la radio ! » puis il rajouta dans la foulée : «  c’était sur quelle radio ? ». Quand je lui dis France Inter, la réponse eut l’air de le satisfaire mais il eut néanmoins une moue dubitative. Il prit le temps de nous expliquer comment il réalisait son pain avec des blés cultivés le plus naturellement du monde, par ses propres soins, dans des champs remplis d’insectes, sans pesticide ni rien d’autres, réalisant ainsi des farines inimitables et ce fut sa manière à lui de nous vendre son pain. Un bon pain dont il devait attendre sans doute la fin de la cuisson de sa première fournée car étonnamment ses rayonnages étaient plutôt vides à cette heure déjà bien avancée de la journée. Mais peu importe, il y avait néanmoins une grosse miche au grand épeautre qui, très rapidement, est venue alourdir mon sac à dos. Comme le pique-nique du midi était déjà au fond de mon sac, j’avais conscience qu’il me faudrait attendre ce soir pour savoir si Jean-Philippe de Tonnac avait dit vrai. A mes yeux, ce seul maître à bord des « Maîtres de mon Moulin » de Cucugnan serait-il le meilleur boulanger de France ? Je ne le saurais que dans quelques heures en étalant une excellente terrine ou bien quelques anchois ou bien plus simplement un peu de beurre sur une tranche de ce pain rare et peut-être inégalable. Voilà, notre premier dessein de Cucugnan s’était réalisé et il était temps de partir vers notre second objectif de la journée, le château de Quéribus. Nous le fîmes avec une grosse meringue parfumée aux amandes craquante à souhaits et nous profitâmes de cet entracte gourmand pour visiter tranquillement le village. Son moulin à vent au doux nom d’Omer, les vestiges ruinés de son Forteda de Cucuniano, son église avec sa vierge enceinte dédiée originalement à un couple de deux martyrs orientaux Saint-Julien et Sainte-Basilisse, sa minuscule roseraie poétique et sécrète et ses jolies ruelles aux façades colorées….Voilà comment depuis le parking jouxtant la « Table du curé » à l‘ouest du village, nous nous retrouvâmes à l’est marchant par erreur sur le « Sentier de la Fontaine Vieille ». Cela faisait déjà plus d’une heure que nous avions abandonné notre voiture et après ce bref égarement nous primes enfin au bas du vivant village le bon itinéraire qui enjambe la D.14. Ce chemin traverse des vignes en direction d’un grand oratoire que l’on délaisse quelques mètres avant d’y arriver au profit d’une route bitumée qui file à droite vers Quéribus. Mentionnant le château de Quéribus et un balisage à suivre de couleurs jaune et bleu, un panneau est planté là confirmant la bonne direction à prendre. Nous sommes sur le Sentier Cathare. Après 500 mètres, on quitte l’asphalte de cette petite route rurale au profit d’un large chemin terreux qui longe puis franchit le petit ruisseau de Granan. Peu après, on ne peut pas éviter sur la gauche une grosse flèche peinte sur une pancarte qui nous indique de délaisser le présent chemin au profit d’un étroit et ocre sentier qui grimpe abruptement dans le maquis. Copieusement raviné par les eaux pluviales, ce sentier très raide, sableux ou gravilllonneux et parfois carrément caillouteux n’est pas beau de reste comme aurait dit Saint-Pierre et devient au fil de la déclivité de plus en plus difficile à cheminer. Ce pénible sentier nous entraîne sur des crêtes parfaitement dénommées « les Costes ».  En réalité, l’unique beauté de ce sentier est de passer de l’ocre jaune au rouge presque grenat alternant les marnes sableuses, les poudingues agglomérés au sein d’un paysage essentiellement calcaire. En raison de toutes les difficultés du terrain, chaque replat est le bienvenu pour reprendre son souffle et profiter d’un superbe panorama qui s’entrouvre sur Cucugnan, le vallon du Verdouble et les collines environnantes : la Serre du Bac, la Serre de la Maureille, le Bois de Devès avec ses étranges strates rocheuses en forme de trois étriers, Peyrepertuse et sa forteresse, la montagne de Tauch, etc….Pour l’instant, le château de Quéribus reste invisible. Plus haut, le regard bascule sur l’autre versant : la bergerie de Granan blottie au fond du vallon, la colossale Serre de la Quille et enfin le Grau de Maury et son échancrure qui laisse entrevoir une infime partie du pays Fenouillèdes et de la chaîne pyrénéenne. Quand la déclivité s’amenuise enfin, le château de Quéribus est là à quelques encablures. Le donjon apparaît dans sa majestueuse puissance, perché sur son étroit éperon rocheux, il fut en 1255 le dernier bastion de la résistance cathare à tomber face aux soldats de Saint-Louis. Dégageant une incroyable force et un prodigieux sentiment de sécurité, il suffit de jeter un seul regard vers les hauts remparts pour comprendre pourquoi il servit au fil des siècles de place forte et de refuge à une multitude de locataires divers et variés. L’histoire de ce fortin, c’est presque à elle toute seule l’Histoire de nos régions catalano-occitano-pyrénéo-roussillonnaise bien trop longue à raconter ici. Ma bourse étant aussi vide que si un « trabucayre » m’avait détroussé, c’est de loin que nous avons admiré le château et nous avons profité de cet imprévu pour consacrer un peu plus de temps à pique-niquer dans un pré aménagé à cet effet.  Cette agréable aire de pique-nique avec de jolies tables et bancs de bois jouxte les installations, buvette, boutique et sanitaires qui se trouvent à l’entrée du château. Nous étions arrivés par le haut du parking mais pour repartir, nous avons emprunté la piste qui passe entre un emplacement réservé aux poubelles et les latrines aménagées dans de jolis chalets de bois. Cette large piste se faufile dans la garrigue mais s’entrouvre de temps à autre sur de lointains panoramas où dans le bleu opaque de l’horizon, on peut imaginer la Méditerranée au dessus de nombreuses collines. Ce chemin nous emmène sans problème au lieu-dit la Fagette où des panonceaux on ne peut plus clairs nous demandent de quitter le Sentier Cathare qui file vers Padern au profit d’un P.R au balisage jaune qui va vers Cucugnan. La piste est toujours aussi large mais désormais elle descend et il va en être ainsi jusqu’à l’arrivée. Au moment où elle amorce un premier virage en épingles en cheveux, il n’est pas inutile de la quitter quelques instants pour s’approcher avec prudence du bord de la falaise de la Grosse Roque. De ce mirador naturel, on embrasse merveilleusement le vaste vallon de Cucugnan garni d’une incroyable mosaïque de champs et de vignobles aux couleurs chamarrées entourant le village. Effrayé par notre présence inopinée, un circaète Jean-le-Blanc, reconnaissable à son plumage essentiellement clair et strié, pousse un cri strident puis s’éloigne de la falaise. Au loin, le Bugarach pointe le bout de son pech dans une dentelure de la Quille. Plus que jamais, les remparts blancs de Peyrepertuse se confondent avec les calcaires de la « serre » qui les soutiennent. Après cet intermède, l’itinéraire poursuit encore sa descente, amorce un large virage, passe sous la haute paroi de la Grosse Roque puis file vers Cucugnan que l’on aperçoit au bout de la piste. On finit par retrouver l’asphalte d’une voie beaucoup mieux carrossable qui se fraye un chemin entre un maquis typiquement méditerranéen, quelques champs en jachère et de jolis vignobles aux vives couleurs d’automnes où quelques beaux raisins restent à grapillonner. C’est donc avec les doigts collants et les lèvres sucrées de ces mielleux raisins que nous retrouvons l’oratoire aperçu au départ puis entrons dans Cucugnan. Et si nous reprenions le Sentier de la Fontaine Vieille, histoire de nous laver un peu les mains ? Cette boucle réalisée est longue d’une douzaine de kilomètres et il faut y rajouter environ un kilomètre si on fait l’aller-retour jusqu’au château car bien entendu ce dernier, qu’il ne faut pas manquer de visiter, reste le but essentiel de cette randonnée. Les altitudes étant respectivement de 270 mètres au bas de Cucugnan et de 650 mètres au château de Quéribus, c’est sur un dénivelé somme toute modeste d’environ 380 mètres qu’il faudra s’élever. Qui a dit que Quéribus était un véritable nid d’aigles ?Carte IGN 2447 OT Tuchan – Massif des Corbières Top 25.

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