• Diaporama agrémenté de la musique de Giacomo Puccini "O mio babbino caro", extrait de l'opéra Gianni Schicchi, successivement jouée ici par divers artistes dont Samuel Katz (violon), Nadine Artuhanava (violon), Joshua Bell (violon), Christopher Rude (guitare classique), The Capella String Quartet et pour terminer l'incroyable voix de Ameria Willighagen accompagnée par André Rieu et son Johann Strauss Orchestra.

    Le Circuit des Coumes et Sur les pas des bergers depuis Calce

    Le Circuit des Coumes et Sur les pas des bergers depuis Calce

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    Calce, 16 octobre 2017, 9h15. Grand ciel bleu et soleil radieux pour cette nouvelle randonnée sur des sentiers s’intitulant « Sur les pas des bergers ». Il s’agit d’une balade de 7 km faisant la liaison entre les villages de Calce et d’Estagel, soit 14 km si l’on décide de faire l’aller puis le retour par le même itinéraire. Je n’aime pas trop les allers-retours, même quand ils sont parfaitement balisés, alors j’ai transformé la balade du jour en un circuit de ma composition moyennant quelques centaines de mètres sur le bitume puis dans le lit d’un ruisseau asséché. J’ai intitulé ma balade « le Circuit des Coumes et sur les pas des bergers » à la fois pour garder l’intitulé initial, mais « coumes » parce que pour l’essentiel, les sentiers déambulent au sein de ces petites « combes », soit dans leur fond soit à leurs sommets voire entre les deux quand l’itinéraire nécessite de passer de l’une à l’autre : Coume d’En Soucail, Coume de la Yère, Coume Majou, Coume d’En Garrigou, Coume d’En Carman, Coume d’En Ville, Coume des Boucs, Coumeilles d’En Barrencs, voilà toutes celles que l’on trouve sur la carte IGN. Si elles justifient amplement la dénomination, il y en a bien d’autres même si le mot « coume » ne figure pas toujours dans leurs désignations. Vous l’avez bien compris, ces petites dépressions représentent les principaux décors arpentés et que l’oronymie les aient affublé du mot « coume », « ravin », « rec » ou bien encore « torrent », elles ne sont ni plus ni moins que des petites vallées le plus souvent desséchées et donc arides, en tous cas dans ce secteur des Pyrénées-Orientales. Quand aux objectifs, il faut aller les chercher dans les deux villages que sont Calce et Estagel (voir leur toponymie **). Les deux cités ont un patrimoine plutôt riche et parfois même illustre,  patrimoine le plus souvent lié à leur Histoire séculaire. En tous cas, et même si l’Histoire et les édifices patrimoniaux ne vous intéressent pas au plus haut point, les deux communes ne manquent pas d’originalité et une visite au sein de leurs ruelles reste bien agréable, surtout quand il fait beau. Une fois encore, j’ai lu pas mal de choses à propos des deux cités et du secteur en général et c’est avec ce « bagage documentaire » que je démarre ma balade. Autant l’avouer, ce fardeau est beaucoup moins lourd que mon sac à dos, car contrairement aux « coumes », moi je transporte de l’eau..... et un copieux casse-croûte. Pour le reste et comme toujours je fais mienne la citation d’Henri de Monfreid « N'ayez jamais peur de la vie, n'ayez jamais peur de l'aventure, faites confiance au hasard, à la chance, à la destinée. Partez, allez conquérir d'autres espaces, d'autres espérances. Le reste vous sera donné de surcroît ». Même si force est d’admettre que mon aventure est moins flamboyante et moins exotique que celle de Monfreid, lui c’était la Mer Rouge et la Corne de l’Afrique, moi c’est le maquis du Ribéral, je compte sur le hasard, la chance ou la destinée pour m’apporter ce surcroît et remplir le plus agréablement possible les quelques kilomètres qu’il va me falloir cheminer au sein de cette garrigue typiquement méditerranéenne. Ce surcroît, je l’imagine déjà sous les traits d’une découverte inattendue, d’un oiseau, d’un papillon ou d’une fleur. A Calce, je viens de garer ma voiture non loin de la mairie. Une étrange plaque signalétique m’interpelle : « La mendicité est interdite dans les Pyrénées-Orientales ».  Je ne sais pas si la plaque a encore sa raison d’être mais aujourd’hui j’ai bien l’intention de « tendre une main » vers ma part de « bonnes choses ». Bien-être, satisfactions, bonheurs, plaisirs, détente, ravissement, contemplation…..je n’imagine pas une seule seconde que tous ces « bons mots » ne viennent pas vers moi gracieusement. Je démarre, traverse le beau village et file directement vers le nord et les « Coumos », même si je sais déjà que ce n’est pas le plus court chemin pour rejoindre « Sur les pas des bergers ». En tous cas, connaissant un peu le secteur pour avoir accompli la balade « le Roc Redoun et les Coumos de la Quirro », je sais déjà que les vues seront belles et surtout que je ne reviendrais pas par là. C’est là l’essentiel. Faire une vraie boucle, ne pas faire deux fois le même parcours et être en contemplation. Et même si la distance est un peu plus longue je m’en fiche. Bien vu si j’ose dire car d'emblée je peux me livrer à ma passion pour la photo. Oiseaux, papillons et beaux paysages sont rapidement au rendez-vous. Au sud, la Plaine du Roussillon, Força Réal, le Canigou et les Albères et au nord, la Tour del Far, la Montagne de Tauch et les Corbières maritimes. La météo merveilleuse et sans vent m’aide à cet enchantement. Quand j’aperçois des oiseaux, je me mets en planque et utilise mes appeaux si nécessaire. Je flâne sans souci sur de larges pistes et à cause de leur multiplication, ma seule petite contrainte est de surveiller le tracé que j’ai enregistré dans mon GPS. Ce dernier rejoint ma poche quand le panonceau « Sur les pas des bergers » se présente. Voilà enfin le balisage jaune qu’il me faut suivre. La large piste continue, s’élève dans la maquis jusqu’au lieu-dit Bente Farine, toponymie plutôt répandue dans le midi. Cette toponymie, j’ai déjà eu l’occasion de la développer à quelques reprises et notamment lors de deux autres balades à la Couillade de Ventefarine du côté de Fosse puis au Moulin de Ribaute du côté de Duilhac.  Sur la droite, cette modeste apogée offre de jolies vues vers la Tour del Far et le domaine de Jau, où le château couleurs brique et ocre contraste au sein d’une verdoyante pinède.  Ici, et droit devant commence une succession de collines arrondies et de ravins et quand je regarde au loin, elle semble se perdre en pays Fenouillèdes. Les fameuses coumes sont là, bien visibles, comme des tranchées creusées sans aucune cohérence. Le chemin redescend jusqu’au pied du Serrat d’En Bouguadé, petit mamelon que l’itinéraire évite. Un petit pré constitue un collet entre cette colline et Bente Farine mais également entre deux coumes à gauche et à droite : la Coume de la Yère et le Ravin del Capounat. A l’instant même où j’y parviens, une compagnie de perdrix rouges décolle telle une escadrille. Les volatiles planent et atterrissent comme un seul homme au fond de la Coume de la Yère. Au bout du pré et sur un petit fronton de roches concassées, une quantité incroyable de tarentes de Maurétanie se chauffent au soleil. Sur la gauche, deux lézards des murailles font bande à part. Alors que je m’approche doucement pour photographier tous ces « sauriens », qu’elle n’est pas ma surprise de constater que ces roches où les tarentes se reposent sont d’une incroyable originalité. Certaines sont joliment cannelées en relief telles des représentations graphiques mais la plus grande partie sont comme poinçonnées, burinées et tailladées de milliers de trous et de traits avec un canevas d’une telle régularité qu’il ne parait pas très naturel. Pourtant c’est bien la nature, et elle seule, qui a créé ces sculptures abstraites faites de petits trous et de stries comme si un pointeau invariablement résistant était passé par là. En ramassant une pierre gisant à terre, je constate que ces signes sont peu profonds et donc très superficiels. Il y en a parfois à l’intérieur même d’une coupe longitudinale. J’ y aperçois aussi de minuscules cristaux brillants, probablement du calcite ou du quartz. D’autres présentent de fines rayures comme on peut en voir dans une pomme vermoulue.  Est-ce les traces fossiles de microorganismes marins ? Je ne saurais le dire mais j’en ai bien l’impression et seul l’aspect plutôt saillant de ces signes me laisse perplexe. C’est bien la première fois que j’aperçois une telle géologie à laquelle je suis dans l’incapacité de donner un nom. En tous cas, tous ces signes anguleux ne ressemblent pas à des nids d’abeilles alvéolaires créés par une érosion éolienne ou hydraulique comme on en voit parfois. Si c’est l’érosion qui a stylisé ce chef d’œuvre minéral, force est de reconnaître qu’elle a du talent. J’en prend plusieurs photos avec le désir d’en savoir un peu plus et de voir si je trouve une équivalence sur Internet en effectuant des recherches (*). Est-ce à cause de cette géologie particulière et dans l’espoir d’en trouver d’autres mais je décide sans trop réfléchir de grimper au modeste sommet du Serrat d’En Bouguadé, situé à 346 mètres d’altitude ? Il est vrai aussi qu’avant d’accomplir cette balade, je viens de finir la lecture des « Capbreus du roi Jacques II de Majorque (1292-1294) » et notamment le « capbreu d’Estagel » où l’on évoque ce sommet. Double raison pour y monter ? Cette gentille ascension me permet de découvrir quelques fleurs nouvelles parmi lesquelles l’Erodium fétide qu’on appelle aussi Bec de grue des pierriers. Cette plante protégée a des noms disgracieux mais ses fleurs sont belles avec de jolis pétales roses striés de minuscules veinules rouge sang. Des papillons ne s’y trompent pas et leur tournent autour, mais sans jamais s’y poser. La fétidité de la plante les ferait-elle fuir ? Au sommet du serrat, un pylône à haute tension déploie ces câbles en direction de la plaine. Assis sur le support en béton d’un de ses pieds, j’observe ces grandioses panoramas qui s’étirent devant moi jusqu’à la mer. Quel beau spectacle ! En suivant des yeux ces filins métalliques, luisant sous les rayons du soleil, je ne peux m’empêcher de les comparer aux fils en nylon de cannes à pêche géantes qu’un pêcheur titanesque aurait calées. Je quitte le pylône et pars quelques instants pour cheminer la crête dans l’espoir d’y trouver un vestige quelconque, pastoral, médiéval ou autre. Non, il n’y a rien d’autres que de la caillasse et de merveilleux panoramas à 360 degrés. J’ai bien vu une capitelle mais en contrebas. Je me souviens de la traduction du « capbreu d’Estagel » où à propos du Serrat d’En Bouguadé, il était écrit « tout autour, se déploie un paysage vallonné de coteaux, de bois et de garrigues, qui a favorisé la culture de la vigne et le développement des activités pastorales » et même si les activités pastorales ne sont pas visibles aujourd’hui, j’imagine assez aisément que des troupeaux d’ovins et de caprins aient pu fréquenter tous ces vallons. Les bergers de Calce quittaient ces coumes arides pour se rendre à Estagel et dans la Vallée de l’Agly où ils avaient l’assurance que leurs bêtes trouveraient des herbages plus verts et de quoi s’abreuver. Voilà l’explication quand au nom de ce parcours que j’accompli aujourd’hui. Pour le reste et sept siècles plus tard tout est encore là : coteaux, bois, garrigues et vignobles constituent les principaux décors. Quand aux vues sur le vallée de l’Agly depuis le Serrat d’En Bouguadé, elles sont telles qu’on peut aisément concevoir que ces crêtes que je chemine aient servi de mirador naturel pour des garnisons royales ou seigneuriales au temps jadis. Elles étaient probablement la réciprocité de la Tour del Far que j’aperçois en face, tour chère aux rois de Majorque qui ont été en Roussillon des lanceurs d’alerte bien avant l’heure. Le temps d’une photo-souvenir et je redescends tout schuss et sans trop de prudence au milieu de la garrigue car le sentier que j’avais délaissé est désormais encore plus bas. J’y retrouve le balisage jaune dans une courte descente complètement défoncée car amplement ravinée. De violentes eaux pluviales sont passées par là et quand le sentier se remet à être bon, la végétation a grandi et s’est épaissie comme par miracle. L’eau a fait son œuvre, bienfaisante pour les plantes mais érosive pour la terre. Le sentier se fraye un chemin dans un labyrinthe végétal où les oiseaux semblent se complaire : vignes oubliées et presque enfouies sous des genêts démesurés, ronciers, clématites des haies et salsepareilles aux tiges échevelées, cette végétation détonne avec la garrigue ligneuse cheminée jusqu’à présent. A l’instant même où le chemin s’élargit de nouveau, quelques grenadiers aux fruits rouges se présentent. Je cueille un beau fruit et tente d’en manger quelques graines mais elles manquent de jus et de douceur, alors j’abandonne. Un large chemin prend le relais du sentier et longe la Coume Major, combe asséchée mais plutôt ample comme son nom l’indique. Ici les pins se font plus présent. Pris par ma passion de la photo ornithologique, car ici les passereaux sont encore très nombreux, je perds mon bout de carte IGN, oublie de regarder les panonceaux et finalement quand je m’aperçois de tous ces déboires, ils me contraignent à rebrousser chemin et à quelques décamètres supplémentaires. Finalement, après avoir pesté, je ressors de tout ça plutôt satisfait. J’ai retrouvé le bon itinéraire traversant la combe, mon bout de carte qui était tombé de ma poche et en sus quelques petits oiseaux sont entrés dans mon appareil photo, parfois attirés il est vrai par mes appeaux. J’ai perdu un peu de temps mais je suis ravi et pourrais presque dire « Souris ! Le p’tit oiseau est entré ! ». Si je me fie au dernier panonceau, Estagel n’est plus très loin à seulement 1,4 km et à 25 minutes. Au lieu-dit Los Cassaneils, le sentier file désormais en balcon au dessus de la ravine. Au sein d’un décor de pinèdes et de maquis, de jolies vues s’entrouvrent, au loin vers Latour-de-France et bien plus près sur les premières toitures rouges d’Estagel. Finalement le sentier retrouve le lit graveleux du ruisseau asséché. C’est le Torrent de la Grave. Ce dernier entre directement dans la ville en se transformant en un canal bétonné. Grâce à un escalier métallique, j’en rejoins aisément sa berge droite. La suite m’entraîne vers la chapelle Saint Vincent que je ne connais pas et que j’ai bien envie de découvrir. Dans les ruelles et par manque de précision, mon GPS se perd un peu, mais finalement l’itinéraire est assez simple et bien indiqué. La jolie chapelle de style très « majorquin » est là, mais close malheureusement. Désormais, j’en ai pris l’habitude car par peur des vols ou des vandales, elles le sont presque toutes dans le département. Alors j’en fais simplement le tour en prenant quelques photos. Chapelle préromane amplement remaniée au fil des siècles, elle a été un ermitage au 17eme siècle avais-je lu à son propos. Briques rouges, galets de rivière et pierres du terroir en constituent son ossature. Son clocher-mur baroque en forme de poire avec ses clochetons blottis dans une arcade est assez typique de nombreuses églises catalanes. Son préau avec ses arcades est beaucoup plus original et lui donne l’aspect d’un petit cloître. Avec son théâtre en plein air, l’endroit constitue une agréable aire de pique-nique. Il y a même un barbecue. J’y déjeune sous la curiosité d’un rouge-queue noir et de quelques moineaux que mes tranches de pain de mie intéressent au plus haut point. Comme aurait dit une amie catalane : « Eh ben Rosette ! »  Elle n’aurait pas eu tort, car au rythme où ils mangent les bouts de pain que je leur offre, de mes sandwichs-triangles il ne va plus que me rester la rosette. Après cette pause déjeuner amplement consacrée à observer des oiseaux, je file vers le centre-ville et comme j’ai tout mon temps, je m’assieds à la terrasse d’un café. François Arago, l’enfant et héraut d’Estagel me tourne le dos mais si je me fie à ce que je viens de lire sur la stèle de sa statue, je ne vais pas lui en tenir rigueur. Les seules mentions  « suffrage universel » et « abolition de l’esclavage » engendrent mon respect. Je trouve qu’il y a foule pour la saison mais sans doute que le beau temps n’est pas étranger à cette affluence dans les rues, les bistrots et les restaurants. Je file visiter la vieille ville et entre par le porche de la tour de l’horloge. Ici, je retrouve une « cellera » médiévale telle qu’on en rencontre beaucoup en Catalogne et Roussillon. Lieu de protection pour les biens et les personnes et d’entreposages pour les denrées, les fameux celliers, il est le noyau central et la partie la plus ancienne du village. Ses vieilles maisons le plus souvent très hautes sont en cercle de chaque côté de venelles étroites et l’ensemble est presque toujours encadré de fortifications. Parfois pour passer d’une maison à l’autre, il y a une passerelle aérienne cloisonnée ou pas. L’église avec une placette où se réunissaient les villageois est généralement l’épicentre. Ici à Estagel, l’église est dédiée à Saint-Vincent et Saint-Étienne et comme j’ai la chance qu’elle soit ouverte, j’y entre. L’église est vraiment superbe avec plusieurs retables. Le plus monumental est celui du maître-autel, mais d’autres chapelles sont magnifiquement ornées également. Il y a de jolies fresques de divers styles, de beaux vitraux et un petit buffet d’orgue admirablement décoré. L’édification de l’église aurait commencé en 1319 affirme une pierre gravée mais or mis une cuve baptismale, il ne reste plus rien d’autre de cette époque. Apparemment deux jeunes filles effectuent un reportage. Une prend des notes et l’autre des photos, alors je visite l’église et prends des photos tout en essayant de ne pas trop les déranger dans leurs tâches. En sortant de l’église, je pars me renseigner à l’office de tourisme à propos du cimetière wisigothique mais force est de reconnaître que les renseignements que l’on me donne n’incitent pas à une visite : « site sur la route de Montner mais envahi par les herbes folles et donc difficile à trouver quand on ne connaît pas l’endroit ». Voilà les renseignements que je recueille. Je ne connais pas l’endroit, je ne possède pas ses coordonnées GPS alors je laisse tomber la visite de la nécropole du vieux peuple germanique. Il est donc temps de me remettre en route vers Calce. Selon mon tracé, je souhaite éviter au maximum la route bitumée même si je sais qu’une bonne partie sera inévitable un peu plus tard. Je fais le choix de la rue Dugommier puis de la rue Fournalau. Les deux m’entraînent dans les hauteurs vers un lotissement de villas nouvelles. Je suis très vite hors de la ville mais la départementale D.1 est très vite là elle aussi. Je retrouve les paysages de vignobles, de jachères, de maquis et de pinèdes tels que je les ai traversés ce matin. La D.1 longe le torrent de la Grave et à la première occasion qui m’est offerte, j’abandonne son asphalte au profit des sédiments secs du ruisseau. J’ai bon espoir que le lit du ravin soit propice à une faune plus présente. Une fois encore la chance est avec moi, et même si les oiseaux sont bien présents mais difficiles à photographier, j’y découvre un énorme et superbe lézard ocellé. Je dis « chance » mais en réalité, le fait d’être constamment aux aguets pour photographier les oiseaux entraîne ce type de situation. Des lézards ocellés, j’en ai déjà croisé quatre ou cinq fois au cours de balades mais celui-ci est de très loin le plus phénoménal de tous. Très large, avec de grosses ocelles bleues sur sa robe verte,  il mesure au moins 50 cm de long. Il est posé sur des galets, au milieu même du ruisseau, et seules ses mâchoires bougent comme s’il mâchouillait un trop copieux festin. En réalité, ses yeux bougent aussi mais ça je ne le vois que sur le gros plan de la photo que je suis entrain de prendre. Je suis à sept ou huit mètres de lui, mais avec il est vrai un amoncellement de branchages qui nous séparent l’un de l’autre. En tous cas, soit il ne me voit pas, soit la distance lui paraît suffisante pour qu’il ne s’en inquiète pas. Pourtant le roulement perpétuel de ses yeux m’indique qu’il est sans cesse sur ses gardes. J’évite de bouger car je suppose que sa taille est directement proportionnelle à la faculté qu’il a à réagir au moindre mouvement qui pourrait l’alerter d’un danger. Après quelques photos, je me décide néanmoins à avancer et là, avec un bond prodigieux et à une vitesse incroyable, il se retourne et détale dans les enrochements gauches de la rivière. Voilà où se trouve sa tanière mais inutile d’attendre qu’il en ressorte car j’ai déjà quelques photos bien enregistrées. Je continue dans le ruisseau sans trop de difficultés mais sur un sol présentant pourtant des alluvions disparates : sables, graviers, galets, et roches. Le plus ennuyeux n’est pas cette disparité minérale mais surtout la quantité de bois et de branchages de toutes sortes qu’il me faut parfois enjamber. Mais j’y parviens malgré tout. Finalement un pont se présente devant moi et il est temps que je quitte le lit du ruisseau. Je le fais d’autant plus volontiers que c’est le seul endroit où il y a encore de l’eau. Très peu il est vrai et qui ne m’empêcherait pas d’avancer mais surtout verdâtre et envahie par une multitude d’insectes redoutables. Moustiques, guêpes et surtout un gros frelon, tous se servent de cette minuscule mare comme d’un abreuvoir. Ma venue semble les contrarier alors je grimpe le talus sans trop réfléchir et me retrouve sur le pont. Ce pont constitue l’intersection où il me faut définitivement quitter la D.1. Je quitte le torrent de la Grave pour le Rec d’en Cruels qui est son affluent, asséché lui aussi bien sûr. « Grave », « Cruels », le novice en toponymie qui verrait ces noms-là sur mon bout de carte pourrait avoir un peu d’appréhension, pourtant, ici le nom « Grave » fait référence au sol graveleux du torrent, c'est-à-dire à du sable, à du gravier et en français, on retrouve une homologie dans le mot « grève ».  Quand au nom « Cruels », j’ai cherché quelle pouvait être sa vraie signification. Venant du catalan, il y a d’abord diverses traductions qui pourraient l’expliquer : « cruel », « acerbe », « dur », « âpre », « clos », « fermé ». Plusieurs toponymistes s’accordent à penser que s’agissant d’un nom de lieu, le mot « cruels » peut être lié à un instant de cruauté s’étant déroulé à cet endroit comme une bataille par exemple. Mais ici même, aucune bataille n’est restée dans l’Histoire. Enfin, je n’ai rien trouvé de tel sur le Net. Par contre concernant ce lieu même, des linguistes catalans pensent que le nom aurait pour origine le mot occitan « clausel » signifiant un « clos » c'est-à-dire un petit lopin de terre cultivé entouré d’un muret ou d’une haie et que le vrai nom catalan du rec serait « Rec d’En Crauel » (extrait de l’ouvrage : Actes del Quinzè Col-loqui Internacional de Llengua et Literatura Catalanes –Lleida 2009 – Publicacions de l’Abada de Montserrat). Le nom « Crauels » aurait donc été mal rédigé par les cartographes pour finalement devenir « cruels ». Rappelons qu’ici un rec peut avoir lui aussi plusieurs significations : canal d’irrigation construit par l’homme, rigole naturelle ou pas, voire ravin. Ici, le problème c’est qu’il y a tout cela en même temps : une rigole devenant petit ravin et se terminant par un profond fossé aménagé de pierres sèches par l’homme.  En tous cas, les petits lopins de terre sont bien là et le vignoble occupe une bonne partie de cette intersection puis tout autour la garrigue reprend ses droits. Il faut ignorer le chemin qui monte à droite d’une ruine et continuer tout droit. L’asphalte devient d’abord mauvais bitume puis il est ensuite remplacé par un large chemin terreux. Il grimpe en suivant les courbes du rec se trouvant à main gauche. Le rec coupe les collines en deux. Sur la gauche, il y en a une où apparaissent plusieurs postes de chasse sur pilotis, et sur la droite, l’autre colline a pour nom la « Grava ». Cette dernière, il faut la gravir. Je prête donc attention à trouver un étroit sentier qui va me le permettre. Il est situé finalement à la côte de 167 mètres. Dès qu’il se présente, je n’hésite pas à quitter le large chemin au profit de cet étroit sentier. Il est parfois bien raviné mais je sais qu’il est le seul moyen commode de réaliser la boucle programmée. Il monte hardiment jusqu’à une crête, avec 60 mètres de dénivelé environ mais sur une courte distance qui n’excède pas 400 mètres. Cette crête offre de nouvelles vues admirables à 360 degrés. Il faut dire que la rase végétation ne fait aucunement obstacle à l’émerveillement. Derniers témoins d’un vieil incendie, les branches les plus hautes sont celles de squelettes noircis émergeant d’une végétation olivâtre plutôt rabougrie. Ici, plus qu’ailleurs, les « coumes » trouvent une réelle justification au nom de cette balade car elles sont visibles en grand nombre et de tous côtés. Quand la crête se termine, le sentier se termine aussi. Je retrouve une intersection et un chemin plus large. Il faut partir vers celui de gauche et poursuivre. Quelques vieux murets, abris et orris en pierres sèches attestent de l’activité pastorale passée. Ici, je ne suis déjà plus « Sur les pas de bergers » mais c’est tout comme. Finalement, au lieu-dit Camp de les Feixes, cet itinéraire atterrit sur la D.18 et pour rejoindre Calce, je ne peux plus guère éviter l’asphalte. Je ne peux le faire qu’à proximité la plus limitrophe du village quand sur la gauche de nouveaux chemins permettent de quitter la route. Avec cette arrivée-là, je bénéficie de belles vues aériennes sur le village. Est-ce cette imminence citadine mais les passereaux de la garrigue se font soudain plus nombreux ? Plutôt isolés jusqu’à présent, ici les oiseaux sont visibles en de grands rassemblements. Les approcher n’est pas moins facile. Le village est là alors j’en fais une visite autour de son vieux château du XIIeme siècle. Il est fermé mais un panonceau en relate son Histoire de manière très résumée. Je retrouve néanmoins des noms déjà entrevus et cités dans maintes et maintes balades : les rois de Majorque, les chevaliers du Temple, les seigneurs du Vivier, la famille de So. Ainsi se termine cette studieuse mais jolie randonnée. Avant de rejoindre ma voiture, je jette un dernier coup d’œil à cette plaque mentionnant que « La mendicité est interdite dans les Pyrénées-Orientales ». Force est de reconnaître que la main que j’ai tendue aujourd’hui, je n’ai eu aucun mal à la remplir de bonnes fortunes. Fortunes peu nourrissantes pour l’estomac certes mais fortunes pour ma bobine. Je me dis que la mendicité c’est aussi la charité. « Charité bien ordonnée commence par soi-même » dit un célèbre proverbe. Ce proverbe est juste aussi et je me dis que si j’ai bien profité de ma journée, c’est peut-être parce que j’avais fait en sorte de bien l’ordonner ! Telle qu’expliquée ici, cette balade est longue de 17 km environ. J’en exclus mes égarements, montée vers le Serrat d’En Bouguadé, perte de carte et errements dans Estagel car au total et selon mon GPS, j’ai parcouru 19,3 km pour des montées cumulées de 895 mètres. Le modeste dénivelé de 274 m est peu significatif, le point le plus bas étant Estagel à 72 m et le plus haut au sommet du Serrat d’En Bouguadé à 346 m. Carte IGN 2448 OT Thuir- Ille-sur-Têt Top 25.

     

    (*) Roches trouées et striées au pied du Serrat d’en Bouguadé : Autant l’avouer, j’ai pas mal galéré dans mes recherches sur le Net pour trouver une équivalence aux roches rencontrées au pied du Serrat d’en Bouguadé. J’ai trouvé seulement 2 photos (voir ci-dessous) à peu près ressemblantes provenant d’un site de recherche en langue anglaise (Discover The World's Research). La publication jointe aux photos est extraite du « Journal of the Linnean Society (The Linnean Society of London) ». Elle a été écrite collectivement par divers chercheurs. Photos et textes m’ont néanmoins confortés dans l’idée qui était la mienne à savoir que ces trous et stries ont bien été créé par des micro-organismes aquatiques. Ces chercheurs indiquent qu’il s’agirait de Serpulidés ou Serpules qui sont des vers annélides vivant dans un tube calcaire. Ils précisent même qu’il s’agit de Polychètes. A propos de la photo la plus proche des roches rencontrées, ils évoquent « Semivermilia crenata » ce qui confirme, si besoin, qu’il s’agit bien de vers marins, puisque cette espèce vit le plus souvent dans des grottes sous-marines. Sur le site « Cosmovisions.com », il est mentionné que « les Serpules sont fréquentes à l'état fossile. La forme de leurs tubes est très variable, ronde, anguleuse, aplatie; ils sont courbés ou enroulés de façons diverses », cette précision pouvant expliquer cette fossilisation originale et l’aspect anguleux des orifices observés.  J’ai également appris qu’en pédologie, science qui étudie la formation et l’évolution des sols, l’aspect saillant des signes sur la roche que je soulevais est appelé « structure prismatique ». Les chercheurs du site « Discover The World's Research » les évoquent aussi. Il semblerait que les petits cristaux brillants que l’on aperçoit dans la roche soit du calcite ou de l’aragonite, leurs couleurs étant très variables comme j’ai pu le constater moi-même. On peut donc raisonnablement imaginer que ces roches soient d’anciens dépôts sédimentaires marins et que la mer et une faune occupaient amplement les lieux, il y a plusieurs milliers d’années. Voilà ce que je peux dire à propos de ces roches mais bien évidemment n’étant qu’un néophyte en géologie, tout ce que j’écris reste à vérifier et à démontrer. Si des spécialistes lisent ce texte et veulent apporter leur contribution, je suis preneur.

    Le Circuit des Coumes et Sur les pas des bergers depuis Calce

    Le Circuit des Coumes et Sur les pas des bergers depuis Calce

    Les 2 premières photos sont celles que j'ai trouvées sur le Net et la 3eme est la mienne.

    ** Toponymies de Calce et Estagel : Concernant Calce la première mention retrouvé date de 843 sous les formes « Calcenum » et « Caucenum ». Par la suite, les scribes hésitent entre les graphies « Cauce », « Calcia » (castrum de Calcia, 1312), « Calsa », « Calça ». Toutes ces formes renvoient à la même origine, le latin « calx », « calcis » (= la chaux). Le toponyme, si l'on en croit la mention « Calcenum », viendrait de l'adjectif bas-latin « calcenus » ; la forme « Calcia » vient pour sa part de l'adjectif féminin « calcea ». Calce est l'équivalent du français « causse », utilisé pour désigner un terrain calcaire.. Concernant Estagel, la première mention remonte à l’an 959 (950 ?), sous la forme villa « Stagello », puis « Estagellum » en 978. L'étymologie semble renvoyer au latin, avec le mot « statio » (= station, lieu de séjour) suivi du suffixe -ellum. Le terme « estatiellum » a pu désigner un relais, une auberge sur la route du Roussillon au Fenouillèdes. Autre hypothèse, le latin « staticum » = demeure. (Extrait du site « Toutes les communes des Pyrénées-Orientales » de Jean Tosti)


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  • Ce diaporama est agrémenté de la merveilleuse musique d'Ennio Morricone "Giù la testa" (en français, "Il était une fois la révolution") jouée ici par divers artistes avec 5 morceaux aux sonorités variées : 1- Jerome Allain (piano), 2-l'Orchestre du maître Diego Basso en hommage au compositeur, 3-Andrea Griminelli (flûte) et l'Octa Jazz Quartet, 4- Ennio Morricone et son orchestre lors d'un concert à Venise en 2007, 5- Ennio Morricone et son orchestre lors d'un concert en 2015 à Nîmes.

    Le Lac de Nohèdes (2.022 m) par le canal de Jujols depuis Nohèdes (990 m)

    Le Lac de Nohèdes (2.022 m) par le canal de Jujols depuis Nohèdes (990 m)

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    Voilà déjà très longtemps que je voulais atteindre le « Lac de Nohèdes par le canal de Jujols ». En réalité et à bien y réfléchir, l’idée m’était déjà venue en 2007. 10 ans déjà, car cette éventualité, je l’avais envisagée en préparant la première partie de mon « Tour du Coronat » (*). Comme souvent quand je prépare une longue randonnée, j’avais tenter de lire tout ce qu’il était possible de lire à propos de ce canal de Jujols (***) mais pour être franc, cela se résumait à l’époque à quelques textes dans de rares bulletins municipaux ou organismes gestionnaires de la Nature. Depuis un livre a fait son apparition sur Internet. C’est celui d’Yvon Robert, ancien maire de Jujols de 1979 à 1995 (**) et on y apprend toute une Histoire. Histoire du village certes, du canal aussi, mais surtout Histoire de l’eau (***) à Jujols. Les vieux canaux de montagnes m’ont toujours intéressé et même intrigué et celui de Jujols ne fait pas exception à la règle. Les travaux colossaux qu’ils ont engendrés avec les moyens d’alors ne sont pas étrangers à cet intérêt et puis le plus souvent un sentier de randonnée y est parallèle. C’était d’ailleurs un des atouts du Tour du Coronat (*) que de suivre une partie du canal de Jujols (**) jusqu’au col du Portus. J’avais donc découvert cette partie mais le morceau jamais accompli entre le col du Portus et le lac de Nohèdes restait donc à faire. Mardi 22 août et alors que je réside à Urbanya, me voilà fin prêt à combler cette lacune. Depuis presque deux mois, mes randonnées se cantonnent à faire le tour de la vallée d’Urbanya et j’ai bien envie de faire autre chose. 9h30, je démarre de Nohèdes et plus précisément de sa centrale hydroélectrique. Le temps est superbe et Météo France annonce un anticyclone pour toute la journée. Si la découverte du canal et sa prise d’eau qu’est le lac de Nohèdes font partie de l’objectif, une fois encore la faune et la flore de ce secteur ne seront pas oubliées. Je connais ce démarrage comme ma poche et comment souvent, entraîné  par ma passion pour la Nature, je me laisse aller à une flânerie exagérée. Il y a du classique avec des fleurs, des oiseaux et des papillons mais cerises sur le gâteau voilà un beau lézard ocellé peu farouche, puis à hauteur de Montailla, un chevreuil qui, lui, l’est un peu plus. Quelques minutes plus tard, en voilà un deuxième au sein de la forêt de la Fajouge du Pla d’Avall. Cette fois, il détale et comme les immenses pins constituent une barrière naturelle, il m’est impossible de le photographier correctement. Une photo agrandie et corrigée avec Photoshop laissera apparaître une silhouette floue. 11h30, j’effectue une longue pause à la bergerie en ruines du Pla d’Avall. J’y découvre avec étonnement un psammodrome, lézard avec une queue démesurée dont je pensais que leur habitat était essentiellement en plaine. Quelques mésanges et un geai probablement attirées par la source de la Font de la Pèga s’amusent à loisirs à déjouer mon envie de les photographier. Je me cache au sein des ruines pour les surprendre. Ces parties de cache-cache m’amusent pendant une demi-heure puis finissent par m’agacer alors je repars, direction le col du Portus, sans trop savoir si mes photos sont réussies.  Ce tronçon de la piste est littéralement envahie par des grives draine et quand je m’approche de l’endroit où je les ai aperçues, je me demande toujours pourquoi elles étaient là, à cet endroit précis où rien de particulier ne semble visible et justifier une telle présence ? Au col du Portus, je prends la décision de m’arrêter pour pique-niquer. De manière assez inattendue, cette pause devient assez cocasse et même désopilante. Alors que je mange sur l’herbe derrière une voiture, berline blanche toute simple, un couple de randonneurs arrive. D’emblée, ils se mettent à me parler de la route montant ici depuis Evol. Ils sont en colère et n’arrêtent pas de ronchonner contre l’exécrable qualité de celle-ci. Ils se plaignent que le bitume n’existe plus, que la route soit constamment défoncée et que les pouvoirs publics ne fassent rien. Connaissant bien cette route et sachant qu’elle est effectivement truffée de nids de poule et d’ornières, j’abonde dans leur sens. Ils finissent par me dire qu’ils ont emprunté cette route avant d’abandonner par crainte d’une crevaison ou d’une casse préférant continuer à pied, raison apparente de leur courroux. Au bout de 10 minutes, nous en sommes toujours à évoquer cette route. Enfin, surtout eux, car moi je me contente de les écouter.  Finalement, la dame semble me faire le reproche d’être là, assis tranquille, à pique-niquer derrière cette berline blanche quand elle me dit « vous avez réussi monté jusqu’ici vous ? » et là, je finis par comprendre qu’ils pensent que la voiture m’appartient. Alors, j’éclate de rire et je suis bien obligé de leur dire que j’arrive à pied depuis Nohèdes. Ils sont surpris, presque ébranlés et pendant un instant, je les sens même dans le doute se disant probablement que je leur raconte des craques. Alors, je suis contraint d’insister et quand ils partent, je les sens presque déçus que cette voiture n’ait pas été la mienne. A mon tour, je quitte le col du Portus, sourire aux lèvres de cet incroyable quiproquo qui a duré presque une demi-heure bien malgré moi. J’emprunte la direction du Gorg Estelat par le rec de Jujols comme le mentionne très clairement un panonceau. Quelques reconnaissables rouges-queues noirs et d’autres oiseaux moins évidents à définir jouant dans les pins et les buissons freinent mon ardeur.  Mais voilà déjà qu’un nouveau panonceau se présente. « Rec de Jujols » il est écrit et un fléchage m’indique clairement de quitter la piste forestière pour partir vers la droite. « Pourtant où est-il ce fameux rec ? Où est le balisage ? Un étroit sentier pas toujours évident car mal débroussaillé déambule au milieu des pins et des bas genêts. Passe encore avec cette végétation-là mais quand les fétuques en mottes et les genévriers nains entrent dans la partie, les mollets sont mis à rude épreuve. Heureusement, de temps à autres des clairières s’ouvrent et laissent la place à un sentier plus facile à cheminer. Les cirses laineux en fleurs y poussent à profusion et sont butinés par une ribambelle de papillons dont le fameux Moro Sphinx ou Sphinx colibri, à l’étonnant vol stationnaire.  Le balisage est toujours absent ? Je le retrouve un peu plus haut tout comme les vestiges du vieux canal, vestiges qui soit dit en passant, resteraient invisibles aux yeux du profane.  Quelques dalles de schistes posées sur le sol, d’autres plantées dans la terre telles de grosses canines, quelques ruissellements deci delà sur un sol le plus souvent très asséché, enfin rien de vraiment évident ni de folichon quand on s’est fixé pour objectif de découvrir un canal. Il ne faut pas compter s’y rafraîchir et encore s’y désaltérer. Finalement, quand la bonne déclivité cesse et que le terrain se stabilise, mon regard délaisse presque naturellement le canal au profit des panoramas grandioses qui s’entrouvrent. Pourtant, c’est à partir d’ici qu’il devient le plus visible, hésitant sans cesse entre canal enseveli recouvert de lauzes et tranchée artificielle défoncée par le temps. Cette portion file désormais en balcon, alors ce qui n’était qu’hésitation devient renonciation. Le canal, je ne le vois plus.  Les beaux paysages captivent le regard mais le plus beau est là, juste à mes pieds, sous les traits d’un coeur bleu acier qu’offre l’Estany del Clot posé sur le Pla d’Avall. Alors je m’assieds et je regarde. Je connais parfaitement ce petit lac mais force est d’avouer que d’ici, sa vision est exceptionnelle. Cette seule vue suffit à me réjouir quand au choix de cet itinéraire laborieux et pourtant des vues, il y en a bien d’autres, plus lointaines il est vrai. Droit devant, c’est la sinueuse vallée de Nohèdes dont je ne vois pas très bien où elle se termine dans ce dédale de reliefs qu’elle a contribué à créer. Dans la Vallée de la Têt, la plaine du Roussillon puis dans la Méditerranée ? C’est en tous cas la perception que j’en ai dans cette grisaille lointaine et bleutée plombant peu à peu cet horizon qui finit par disparaître. Sur la droite, le Mont Coronat, toujours le même malgré les dix années qui se sont écoulées depuis mon Tour éponyme et je garde toujours en mémoire cette description si jolie et si conforme d’Antoine Glory : « une montagne fascinante s'il en est, drapée dans la chape sombre et mystérieuse de ses pins noirs à crochets ». Rien n’a changé. Enfin apparemment et vu d’ici, car je me souviens y être monté en 2013 et de nombreux arbres avaient été abattus probablement par les tempêtes successives. Sur la gauche, c’est un long chapelet de monts pelés et quand je les regarde, je ne peux m’empêcher de penser « espérons que le Coronat ne deviendra jamais comme ça ! ». Si je délaisse le canal c’est aussi parce que outre les paysages, trois rapaces bien différents se sont donnés le mot pour me distraire. Les deux derniers sont parfaitement reconnaissables mais je peine à donner un nom au premier. Finalement, une fois à la maison, une photo de lui m’apportera l’intime conviction qu’il s’agit probablement d’un milan royal au plumage roussâtre. Quand aux deux autres, l’ornithologue amateur que je suis sait identifier un gypaète et un vautour fauve. Les trois vont à tour de rôle et toujours dans les hauteurs du Pic de la Creu se lançaient dans des circonvolutions amples et lentes, disparaissant de mon regard très souvent et parfois trop vite à mon goût mais revenant comme si la curiosité vis-à-vis de moi guidait leur vol. Quand un disparaît définitivement, l’autre semble prendre sa place, comme dans un tour de passe-passe  orchestré par un invisible magicien. Force est d’avouer que c’est la première fois que je vois volé trois rapaces si antinomiques dans un espace aussi restreint. Finalement le balcon cesse, le sentier entre dans un bois de pins à crochets et j’atteins une zone amplement occupée par des tourbières. Il faut dire qu’ici s’écoule un étroit torrent et c’est bien là aussi que se trouve l’embranchement avec le canal de Jujols, peu évident, il est vrai si on n’y prend pas garde. En tous cas, de la prise d’eau ancestrale, je ne vois rien et je n’ai découvert qu’un bout d’une roue métallique et quelques câbles en acier sur le sentier. Probablement ce matériel devait-il servir à manipuler une vanne. Je décide de suivre le torrent mais je m’aperçois trop tard que ce n’est pas une sinécure. Il n’y a plus réellement de sentier et il s’agit d’une longue succession d’énormes marches que composent des gros blocs de granit. Tant pis, mais je n’ai pas trop envie de faire demi-tour et quand j’atteins le Pla d’Amont, sa zone humide, son entrelacs de ridules asséchées et son ruisseau principal, c’est une vraie satisfaction même si marcher sur ce compost naturel nécessite une vigilance de tous les instants. Le lac n’est pas gagné non plus car dans un véritable dédale de buissons, d’arbres morts ou vivants et de branchages le rejoindre reste une petite épopée. Quand je l’atteins, voilà enfin le vrai soulagement mais finalement, j’oublie très vite les difficultés pour me souvenir de la seule beauté du petit ruisseau qui zigzaguait continuellement. A ma vue, d’innombrables truitelles décampaient à toute vitesse et sous le soleil, cette fuite désordonnée des petits poissons ressemblait à des flèches d’argent. C’était vraiment un beau spectacle ! Au bord du lac, personne ! Alors je me déshabille pour un bain intégral et dénudé mais nul doute que ma nudité doit attirer les curieux comme un aimant car il n’y a pas deux minutes que je barbote qu’une femme et deux hommes se présentent sur la rive, à l’endroit même où j’ai déposé toute ma tenue vestimentaire. Situation peu confortable pour moi qui suis un grand pudique. En plus, ce n’est pas la première fois que je connais ce type de mésaventure et au fond de moi je me dis que j’aurais du me méfier. Mais que voulez-vous, j’ai cette fâcheuse habitude de vouloir mettre la tête, et parfois tout le reste, dès que j’aperçois la moindre flaque d’eau ! Les visiteurs sont espagnols mais comme ils parlent parfaitement le français, comment ne pas répondre à de simples questions comme « elle est froide ? » ou bien « le fond est-il vaseux ? ». Finalement, je réponds aux questions dans cette position couchée très embarrassante car l’eau est plutôt fraîche, le fond sableux mais un peu vaseux aussi mais surtout insignifiant quand à sa profondeur. Ouf ! Ils partent et s’éloignent de quelques dizaines de mètres. Je me précipite pour enfiler mon « boxer » car j’ai bien envie d’y flemmarder au bord de ce lac et surtout d’y passer du bon temps. J’ai tant emmagasiné de souvenirs dans ce secteur : Tour du Coronat en 2007, plusieurs balades d’une journée, Tour du Capcir en 2013 où nous avions déambulé tout là-haut sur les crêtes puis couché au Refuge de la Perdrix. D’ailleurs, n’y a-t-il pas ici un panonceau « Refuge de la Perdiu – CAF » me rappelant à ces bons souvenirs ? En outre, j’ai aperçu des bergeronnettes et quelques autres oiseaux qui occupent les berges et je voudrais bien les photographier. Dans l’immédiat, tenue correcte oblige, je retourne finir mon bain et là, vous ne me croirez pas ? Sans autre forme de procès, les trois espagnols se mettent complètement à poils et entreprennent plongeons sur plongeons comme trois gamins à la plage. « Quel spectacle ! » Et surtout « quel crétin je suis ! », voilà ce que je me dis. Après ce nouvel intermède cocasse, je me rhabille, mange un peu puis file vers l’autre bout du lac. J’y photographie de microscopiques grenouilles aux couleurs variées, des bergeronnettes plutôt craintives, des papillons mais également un vautour fauve posé très haut sur un piton rocheux. A cause des grenouilles, j’essaie de regarder où je mets les pieds dès lors que je marche sur la grève. Je passe ainsi plus d’une heure à gambader absorbé que je suis par cette passion de la photo naturaliste. Quand je m’en aperçois, je me dis qu’il est temps de repartir car le chemin jusqu’à Nohèdes est encore très long même si celui-ci je le connais parfaitement. Je sais qu’il y aura encore d’autres bonnes justifications à ralentir voire à s’arrêter. Le sentier file à gauche du cirque glaciaire et je n’ai aucun mal à le trouver même si c’est la toute première que je le réalise dans ce sens.  J’en connais les difficultés et sais que dans cette descente scabreuse et caillouteuse, il faut constamment être attentif. J’avais vu juste et un tas de bonnes raisons me ralentissent dans cette descente. La faune toujours la faune qui est omniprésente quelque soit l’altitude.   Pla del Mig, Jasse de la Ribe et pour finir l’Estany del Clot où je prends encore du bon temps à l’endroit même où j’avais bivouaqué au bord du lac en 2007. Quel bonheur ! Les souvenirs ressurgissent et les revoir dans ma tête me fait du bien. Il ne me reste plus qu’à rejoindre Nohèdes et sa centrale électrique où ma voiture m’attend. Il est 19h45 quand je l’atteins et voilà plus de 10 heures que je suis en marche. Il faut que je recharge les accus mais je sais déjà que demain sera un autre jour.  Un  jour à Urbanya. Jour sans randonnée assurément, jour de farniente et de lecture à coup sûr. Tout en roulant vers Urbanya, je repense au canal et au cinéma que je m’en étais fait, mais finalement à bien y réfléchir, je ne suis pas déçu de cette balade. Trop enterré, jamais plus entretenu depuis de trop longues années, le canal de Jujols n’a pas livré tous ses secrets, mais je n’ai aucune déception car à vrai dire connaissant le tronçon Jujols-Col du Portus, je m’étais préparé à cette désillusion. Formidables néanmoins, voilà un adjectif dont on peut affubler ceux qui l’ont construit, à la force de leur bras et de « leurs jarrets » et à la sueur de leur front. Bravo à eux et merci ! J’ose espérer que ce patrimoine survivra encore longtemps et surtout qu’un sentier continuera de le longer pour amener les curieux comme moi vers les étoiles de ce magnifique lac qu’est le lac de Nohèdes…..le Gorg Estelat…ce gouffre aux reflets scintillants comme des étoiles comme l’ont si bien écrit Louis Companyo en 1861 (Histoire Naturelle du département des Pyrénées-Orientales) et Victor Dujardin (Souvenirs du Midi - Le Roussillon – Voyages aux Pyrénées) trente ans plus tard. Lac étoilé pour les uns, palais des démons et des légendes (****) pour les autres, les bonnes raisons d’aller le découvrir ne manqueront jamais et si le canal de Jujols peut constituer un plus tant mieux ! Telle qu’expliquée ici, cette balade a été longue de 23,5 km pour des montées cumulées de 1.874 m. Le dénivelé est de 1.032 m entre le point le plus bas à 990 m à le centrale électrique de Nohèdes et le plus haut à 2.022 m au Gorg Estelat. Cette balade est donc plutôt difficile. Carte I.G.N 2249 ET Font-Romeu – Capcir Top 25.

     

    (*) Mon Tour du Coronat et quelques réflexions à propos du canal de Jujols : Le Tour du Coronat, je l’ai réalisé en 2007 et en deux parties bien distinctes. D’abord le 30 et le 1er juillet pour découvrir les lacs (Estany del Clot, gorgs Estelat et Nègre) puis encore en 4 jours à partir du 15 août selon l’itinéraire que j’avais découvert sur le topo-guide « 5 grandes randonnées en Pyrénées-Orientales ». Voilà quelques réflexions que j’avais dressées à propos du canal de Jujols. Lors de cette première partie, j’avais essentiellement emprunté la piste forestière pour rejoindre le col du Portus et de cette manière, j’avais renoncé à suivre le vrai tracé que longe le canal. Au col, j’avais pris l’option d’aller bivouaqué à l’Estany del Clot et donc là aussi, j’avais renoncé à atteindre le « Lac de Nohèdes par le canal de Jujols ». Le retour s’effectuant en boucle avec le découverte des gorgs Estelat et Nègre, là encore j’avais évité le canal sur sa partie haute me contentant d’en avoir un rapide aperçu du Col du Portus à Jujols. En effet, ce jour-là, la météo devenant maussade, j’avais été contraint de speeder et je n’avais pas réellement pris le temps d’apprécier le canal, qui soit dit en passant est enterré constamment. Il m’avait donc fallu attendre la deuxième partie et les 4 jours réellement consacré au Tour du Coronat selon l’itinéraire conseillé par le guide Antoine Glory dans le topo-guide pour avoir une meilleure idée de ce qu’il était réellement. Mais ce topo-guide était déjà ancien et le Tour du Coronat était censé ne plus exister. D’ailleurs des responsables de la Fédération Française de Randonnée Pédestre ne m’avaient-ils pas déconseillé ce « périple » ? Ne les écoutant pas, je m’étais néanmoins lancé dans cette « aventure annoncée » avec l’envie de découvrir. J’avais donc découvert un système alimentant une retenue d’eau au dessus de Jujols. Nous étions le 15 août et cette retenue était encore pleine comme elle l’était déjà fin juin lors de la première partie. C’était encourageant. Et puis, ne m’étais-je pas douché normalement au gîte les Ocells, ce qui prouvait que l’eau n’était peut-être plus un problème à Jujols ? Cette fois, j’avais délaissé très vite la piste et j’avais suivi un bout du canal jusqu’au col Diagre. Là, une eau limpide arrivait dans une auge décatie qui semblait faire office à la fois de raccordement et de déversoir. Cette auge semblait être alimentée par une canalisation souterraine descendant des Mollères. Là, au col Diagre, j’avais ignoré la piste et j’étais monté vers la Sola des Mollères où j’avais retrouvé un sentier longeant le canal de Jujols. Constamment enterré jusqu’au col du Portus, j’avais été étonné de cet « ensevelissement » contrairement aux autres canaux de montagne que je connaissais. Je n’y avais pas constaté de fuites, mais en plus, il m’arrivait parfois d’entendre l’eau chanter sous les lauzes. Quand l’occasion m’avait été donnée de soulever une lauze sans pour autant détériorer l’ouvrage, j’avais été agréablement surpris de son débit parfois si fougueux. Je savais que l’eau avait toujours manqué à Jujols et que les efforts pour l’y amener avaient été constants tout comme les querelles avec les villages voisins pour s’approprier ce bien si précieux. Le lac de Nohèdes est comme son nom l’indique situé sur la commune de Nohèdes et que les Jujoliens aient voulu s’en emparer de son eau n’a jamais été accepté des habitants de l’autre vallée, celle de Nohèdes.  Ce débit en pleine forêt m’avait semblé contradictoire, surtout en août, mais il est vrai qu’en 2007, je ne connaissais pas toute l’Histoire et en plus, je n’ai jamais été un spécialiste en hydrométrie. Je savais que les sources étaient très nombreuses sur les flancs du Coronat mais ce n’est qu’ultérieurement avec la lecture du livre d’Yvon Robert que j’ai appris que la plupart étaient insuffisantes à la vie entière du village, tout comme l’eau du seul canal d’ailleurs. Les sources se résumaient à celle de Font Frède. En outre, les moyens de les trouver étaient plutôt récents quand aux méthodes pour les canaliser, elles étaient loin d’être évidentes tant le relief et l’éloignement ont toujours été des obstacles et des freins naturels. Quelques personnes s’y sont pourtant essayées en réalisant des réseaux secondaires mais ensuite encore fallait-il les entretenir. Voilà ce que j’avais découvert sur le terrain et dans mes lectures. Et puis lors de cette deuxième partie du Tour du Coronat, ma découverte s’était arrêtée au col du Portus car la suite m’avait entraîné vers Nohèdes.  Le morceau jamais accompli entre le col du Portus et le lac de Nohèdes restait donc à faire. C’est ce que j’ai fait cette fois-ci.

     

    (**) Le livre de l’ancien maire Yvon Robert s’intitule « Jujols de 1974 à 1986 – Gens de Jujols, je vais vous raconter comment ça s’est vraiment passé ». Il est consultable sur le site Calaméo et présenté par son fils Alain Michel Robert sous le titre « La véritable histoire de Jujols de 1974 à 1986 ». Yvon Robert est né en 1933 à Toucy dans l’Yonne et est décédé à Jujols en 2013. Il a été maire de Jujols de 1979 à 1987 puis de 1989 à 1995. Ereinté par des querelles intestines, divers problèmes personnels et le décès d’un enfant qui lui était proche, il passe temporairement le flambeau à son fils Olivier qui devient maire de 1987 à 1989. Dans son livre, il raconte sa vie avant Jujols. Son arrivée en 1974 et les difficultés d’installation qu’il rencontre dans ce village de montagne du Haut-Conflent oublié de tous. Ce désir fou de vouloir sortir le village de son isolement et son implication totale, année après année, dans sa fonction de maire pour y parvenir. Il règle des comptes avec des gens qui n’ont eu de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues. Enfin, la dernière partie de l’ouvrage est consacrée aux problèmes séculaires que le village a connu pour s’approvisionner en eau jusqu’à la solution bénéfique et durable finalement trouvée. Le chapitre s’intitule « Les problèmes d’eau d’arrosage de 1830 à 1987 » et bien évidemment on y évoque le canal.

     

    (***) L’Histoire du canal de Jujols et de l’eau au village : Depuis des temps immémoriaux, capter l’eau et l’amener au village ont été des problèmes majeurs pour les Jujoliens, voilà ce que nous apprend une notice historique de l’abbé Giralt, curé de Fuilla, parue dans un bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire de 1911. On ne sait rien de toute antériorité à 1830. En 1830, on sait que les Jujoliens dérivent l’eau du Ravin de Font Frède (la Source Froide) et l’amène dans un abreuvoir au Col Diagre. Souci néanmoins car cette eau descend jusqu’à présent sur la commune d’Evol par le ravin du Riel, et ce malgré que l’approvisionnement d’Evol soit moins problématique car le torrent d’Evol et bien d’autres ruisseaux secondaires aboutissent dans ce village. Les Jujoliens trouvent donc normal ce prélèvement. En 1840, lors d’un Conseil municipal, les Jujoliens décident d’amener l’eau de Font Frède directement au village. Les travaux sont réalisés mais au fil des ans, le seul débit de cette source s’avère insuffisant pour répondre à tous les besoins des villageois. En 1870, une association syndicale est créée et son objectif est d’imaginer la captation des rivières de Nohèdes et d’Evol. Suite à une demande dans ce sens datant de 1871, le 12 juillet 1873, le président de la République le maréchal Mac-Mahon signe un décret autorisant la construction d’un canal d’irrigation permettant de capter dans la rivière de Nohèdes, un volume de 50 litres par seconde mais sur une période limitée du 1er mars au 30 juin. En novembre de la même année, un arrêté préfectoral crée une Association Syndicale Autorisée et l’autorisation annuelle de dériver l’eau de la rivière de Nohèdes est confirmée pour arroser une surface agricole de 88 hectares de la commune de Jujols. Cette association est créée sous le nom de « Société du Canal de Jujols » dont l’objet poursuivi est de construire puis d’exploiter un futur canal de 8,7 km de long entre le Gorg Estelat situé à la côte 1911 sur la commune de Nohèdes jusqu’au lieu-dit Ravin de Font Frède à la côte 1557. Les travaux sont immédiatement lancés et le canal voit le jour mais aucun dossier n’a été retrouvé, ni dans les archives des Ponts et Chaussées ni dans celles de la Direction Départementale de l’Agriculture. Il faut noter néanmoins que cette captation de l’eau de Nohèdes par les habitants de Jujols n’a jamais été acceptée par les villageois de la vallée de Nohèdes (Nohèdes, Bettlans, Conat et Ria) et les querelles n’ont jamais cessé depuis. Quant aux Jujoliens, ils ne sont pas satisfaits non plus de se voir privés d’eau dès le 1er juillet car c’est à cette période que les plus gros besoins se font sentir. En 1888, des pétitions sont lancées et des compromis sont trouvés par les autorités. Par décret, le président de la République Sadi Carnot donne une autorisation supplémentaire aux Jujoliens si le débit à l’endroit de la prise d’eau est supérieur à 60 litres par seconde. Un marché de dupes apparemment. Le plus souvent, les vanniers chargés de l’ouverture et de la fermeture des vannes  ne respectent pas les différentes autorisations et la solidarité est un vain mot. De ce fait, les mauvaises relations entre villages s’amplifient engendrant des différents, des altercations, des discordes, des plaintes et des procès. Ces relations exécrables ne cesseront jamais tout comme l’exode rural  qui a déjà commencé dans les années 1860/1870 dans la plupart des villages du Haut-Conflent. Paradoxalement, c’est l’amélioration des voies de circulation, la création des routes et des chemins de fer qui sont à l’origine de cet exode. Jujols passe de 242 résidents en 1806 à 86 en 1921. La population décroît et avec elle les besoins en eau. En 1898, les Jujoliens sont priés de réparer la prise d’eau située sous le Gorg Estelat à la côte de 1.911 m d’altitude. Les documents retrouvés ont permis de se faire une très bonne idée de ce qu’étaient les labeurs en montagne pour acheminer le matériel nécéssaire. Au delà du prix de revient et du tarif journalier des intervenants (2F50 pour les hommes et 1F75 pour les femmes), la partie intéressante et saisissante est de savoir que 30 personnes (28 hommes et 2 femmes) et une ânesse par pièce ont participé à cette expédition démarrant d’Evol à 815 m d’altitude et se terminant à la prise d’eau. Inutile de préciser que cette opération s’effectue à pieds par des sentiers muletiers, probablement le fameux Cami Ramader, et quand on connaît le relief et la distance, on a immédiatement une très bonne idée de ce qu’était la pénibilité à cette époque. Les années passent et les mêmes difficultés et problèmes demeurent et le canal nécessite un entretien régulier. En 1939, 25 tenanciers d’Evol se plaignent de la captation de l’eau du ravin de Font Frède. L’affaire reste sans suite et c’est cette année-là que les Jujoliens choisissent pour construire un réservoir de 40 à 50 m3, au dessus et non loin du village alimenté par une buse depuis le col Diagre. En 1962, l’eau potable arrive dans le village grâce à l’édification d’un petit château d’eau mais le réseau et les différentes installations ne seront jamais d’une grande fiabilité.  La population s’amenuise encore et toujours, passant de 159 habitants en 1881 à 8 en 1973. C’est en septembre de cette année-là que l’Association Syndicale Autorisée du Canal de Jujols créée en 1873 est dissoute par arrêté préfectoral. Elle aura duré 100 ans et c’est une perte considérable pour le village car elle perd définitivement son droit sur l’eau du Gorg Estelat obtenu de haute lutte. Il ne lui reste que les yeux pour pleurer et l’eau de Font Frède, et encore de lourds travaux sont indispensables. Fin des années 1970, début 80, Jujols semble renaître de ses cendres et de nouvelles familles s’installent, le maire Yvon Robert est le chef de file de ce renouveau. En 1983, le maire souhaite récupérer le droit sur l’eau du Gorg Estelat mais il essuie un refus catégorique des habitants de Nohèdes alors il se tourne vers ceux d’Evol et demande à dériver 6 litres par seconde de la rivière d’Evol au lieu-dit La Mouline. Il essuie un second refus sous le tollé général des Olettois qui s’oppose en majorité à ce projet. Il faut donc se retrousser les manches et chercher d’autres solutions ou l’inverse. C’est ce qui sera fait dans les années 84/87 toujours à partir de la source principale de Font Frède mais avec d’autres sources moins importantes aussi. Yvon Robert fait venir des spécialistes comme le célèbre spéléo Dédé Lachambre. Ensemble, ils cherchent d’autres sources, se lancent dans de nouveaux travaux de captations et de canalisations, réparent les anciennes, celles du col Diagre et de la boutasse. Des systèmes d’aspersion sous pression sont installés pour arroser des cultures proches du village.  Des bénévoles, des enfants en vacances l’aident dans cette tâche incommensurable pour capter de l’eau et l’amener au village. En 1983, des amis spéléos descendent dans l’Aven des Chiens, un groupe électrogène est acheté et monté là-haut pour y pomper de l’eau mais le matériel est finalement volé et le projet abandonné. Une idée de 1981 de construire une retenue collinaire plus importante permettant de capter au maximum les eaux ruisselantes dévalant du Mont Coronat est avalisé en 1989. Le projet est lancé et les travaux démarrent  en 1991. La capacité sera de 11.080 m3. C’est cette fameuse retenue que j’aperçois en 2007 et que j’évoque dans le paragraphe consacré au Tour du Coronat. Jujols a-t-il résolu tous ses problèmes d’eau ? Yvon Robert n’aura de cesse de s’intéresser à ce problème et voilà pour terminer ce qu’on peut lire dans son livre « Ce manque d’eau fut un véritable casse-tête pendant des années. Les Jujolsiens d’aujourd’hui 2008 sont des enfants gâtés. Ils ne se figurent pas la peine que nous avons eue pour avoir l’eau sous pression en abondance dans tous les jardins et les champs cultivés, à toute heure, jour et nuit, sans rôle ». J’en parlerai au fur et à mesure. Mais que l’on sache que ce fut la construction de la retenue collinaire en 1991 qui nous mit à l’abri de la pénurie. Sans cette eau, Jujols serait comme il fut pendant des siècles : un village quasi désertique. Que ceux qui veulent savoir ouvrent les cahiers de délibération d’antan de 1860 à 1900 et ils verront régulièrement les problèmes d’eau resurgir…. » (L'essentiel de cet historique a été extrait du livre d'Yvon Robert, ancien maire de Jujols).

     

    (****) Les légendes du lac de Nohèdes et du lac d’ Evol : Beaucoup de légendes sont liées aux étangs dits de Nohèdes, en particulier le Gorg Negre ou lac d’Évol. Par exemple, le seul fait d'y jeter une pierre pouvait suffire à provoquer une épouvantable tempête ; ou encore, les truites qu'on y pêchait sautaient de la poêle quand on les faisait cuire et repartaient par la cheminée. L'une des plus jolies légendes concerne la création des trois étangs. Dieu, après avoir créé le monde, cherchait en bon perfectionniste à améliorer son oeuvre. Il passa un jour par Évol, et rencontra dans la montagne d'horribles sorcières. Il leur demanda malgré tout ce qu'elles désiraient pour embellir leur séjour, et elles souhaitèrent avoir un étang. Dieu s'exécuta, mais il le fit sombre, ténébreux, à l'image de leur âme. Ce fut le Gorg Negre. Cependant, non loin de là, à Nohèdes, vivaient des fées aimables et gracieuses que Dieu voulut récompenser : il déroba un morceau de l'étang qu'il venait de créer et le répandit sur le territoire des fées, tout en y ajoutant une poignée d'étoiles qu'il décrocha du ciel. Ce fut évidemment le Gorg Estelat. Il s'aperçut alors que, pendant ses travaux, il avait laissé tomber une petite flaque d'eau au creux d'un rocher. Il la trouva jolie, l'agrandit un peu et la colora avec le bleu du ciel. Ce fut le Gorg Blau. Les sorcières, voyant le travail du Créateur, manifestèrent leur jalousie. Mais Dieu, excédé par ces mégères, versa dans leur étang une grande quantité d'encre, et planta tout autour des pins tout noirs, encore plus noirs que la nuit. Le Gorg Negre devint encore plus sombre qu'il ne l'était et le demeura éternellement. (Texte extrait de l’ouvrage de Didier Payré - Mémoires de Nohèdes).

    Le seigneur de Paracolls, dont le château s’élevait dans la vallée de la Castellane, partant pour une longue absence, la croisade peut-être, prit la précaution de cacher ses trésors, qui étaient grands, sur une île au milieu du Gorg Negre, dans une grotte fermée par une solide porte de fer. Il en confia la clef à sa nièce qu’il savait courageuse et fidèle. La notoriété de ce trésor avait éveillé bien des convoitises, notamment celle du comte de Cerdanya (la légende ne dit pas le nom de ce comte, ni la date des évènements). Il envoya une troupe en armes, qui se présenta devant le château de Paracolls qui n’était gardé que par quelques hommes. La jeune fille comprit que toute résistance était inutile. Elle fut forcée de révéler le lieu de la cachette et accepta de conduire la troupe jusqu’à la chambre souterraine dont la clef lui avait été confiée. Mais tout en les conduisant, elle priait le ciel et la Vierge de lui donner le moyen de ne pas trahir la confiance que lui avait manifestée son oncle. Les soudards entreprirent de couper des arbres dans la forêt pour en faire des radeaux et s’embarquèrent pour atteindre l’île au trésor. Soudain ils entendirent un bruissement d’ailes et virent un aigle noir dont le vol immense obscurcissait le ciel. Un des soldats lui lança une pierre. Geste malencontreux ! La pierre en tombant à l’eau déclencha une tempête de fin de monde : éclairs, tonnerre, vents et nuages de grêle se déchaînèrent. Les vagues en furie eurent tôt fait d’engloutir le radeau et ses occupants. Le trésor du sire de Paracolls était sauf, et, bien plus précieux, l’honneur de la gente jouvencelle. Morale de l’histoire : ne convoitez pas le bien d’autrui, et, si vous entreprenez un « hold-up », ne vous avisez pas de jeter des pierres n’importe où ! (Extraits du livre Lieux et Légendes du Roussillon et des Pyrénées CatalanesJean Abélanet)

     

     


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    Diaporama sur la musique "Oblivion" d'Astor Piazzolla jouée par le violoncelliste Stjepan Hauser et le Zagreb Philharmonic Orchestra

    Le Circuit Autour du vallon de la Désix depuis Sournia

    Le Circuit Autour du vallon de la Désix depuis Sournia

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    Jeudi 25 mai 2017. Il est 10h quand nous garons la voiture sur le parking de la cave coopérative de Sournia. 4 jours après le long « Circuit des Clôtures » réalisé à Urbanya, nous voilà de nouveau d’attaque pour une autre balade pédestre. Un peu plus courte et beaucoup moins difficile, il est vrai. Le grand beau temps est toujours là et comme la forme physique aussi, autant en profiter. Pour Dany et moi, ce n’est pas si souvent que les petits bobos et parfois même les gros ne viennent pas contrarier et compromettre nos sorties conjointes. Marcher le plus souvent possible pour partager les beautés de la Nature a toujours été notre principal dessein et parvenir à le faire ensemble reste toujours un grand plaisir. Aujourd’hui, j’ai choisi un « Circuit Autour du vallon la Désix ». « Autour de la Désix », c’est le nom que la plupart des randonneurs donnent à cette jolie petite boucle au départ de Sournia. Alors bien évidemment autant conserver ce nom-là. Moi, j’y ai simplement rajouté le mot « vallon » car c’est bien autour et en balcon au dessus du vallon de cette rivière que s’effectue 99% de cette randonnée pédestre, les 1% restant représentant l’essentiel de l’objectif du jour, c'est-à-dire « atteindre les rives de la rivière et tenter d’aller s’y rafraîchir quand le temps s’y prête voire aller y pique-niquer seulement si la météo est peu moins favorable ! ». Aujourd’hui, vu la luminosité du ciel et la chaleur des premiers rayons de soleil, je pense qu’on pourra aisément faire les deux. Bien sûr, quand je parle de vallon, il ne s’agit en fait que d’une courte portion située au sud-est de Sournia car la rivière Désix, elle, est  longue de 32 km. Elle prend sa source non loin du Roc des 40 Croix et finit sa course près d’Ansignan à l’endroit même où débute le lac de barrage de Caramany. Si je veux être plus précis et vous donner d’autres références pédestres, sa confluence avec l’Agly est à quelques mètres du départ de deux randonnées que j’ai déjà décrites dans ce blog à savoir le « Sentier des Oiseaux » et le « Sentier des Dolmens en Fenouillèdes ».  Autre référence pédestre, la boucle d’aujourd’hui est en grande partie identique à celle que j’avais intitulée le « Circuit des Ponts romains », la différence se résumant au fait que dans les « ponts romains », j’avais fini au plus près de la rivière jusqu’à être contraint de la traverser déchaussé et pantalon relevé, alors qu’ici, nous aurons qu’une vue aérienne du vallon. Une vue tronquée tant ce vallon est extrêmement boisé. En tous cas, mon idée première est de le faire découvrir à Dany car j’avais pris énormément de plaisir lors des « ponts romains ». Ces ponts restant au programme, c’était là un point capital qui m’a fait choisir ce circuit. Comme indiqué en préambule, le départ depuis la cave coopérative de Sournia reste le même. La suite aussi, car après avoir emprunté la D.619 en direction de Campoussy, on délaisse la route peu après la station d’épuration. Là, il faut poursuivre sur la piste DFCI F80. Le parcours est très simple jusqu’à atteindre une barrière où là, il faut prendre à gauche en direction du lieu-dit La Ribasse. Un étroit sentier vient prendre le relais de la piste. Ce sentier descend dans le ravin de la Ferrère où le premier pont romain se découvre. C’est le pont dit des Mandres ou des Renardes. Ici, malgré un chaud soleil,  la fraîcheur est de mise car le pont est en sous-bois, mais la profondeur de la Ferrère bien insuffisante pour un bain intégral. Dany s’en moque car un bain de pieds lui suffit mais moi, j’ai passé l’âge de « faire trempette » et seule une vraie immersion en eaux profondes me ravit. Elle me tente d’autant  que cette journée printanière s’y prête pleinement ; et en outre, j’estime que me baigner loin de la foule bruyante des plages roussillonnaises reste un privilège bien trop rare. En tous cas, peu de personnes la mettent à profit. Alors avec Dany, nous décidons de « couper la poire en deux » ou si vous préférez « de nager entre deux eaux ». Les deux expressions sensiblement similaires vont bien, puisque on décide de pique-niquer ici et j’irais ensuite me baigner au second pont romain dès le casse-croûte terminé. Aussitôt dit aussitôt fait tant je languis la baignade  Ce second pont, c’est celui dit « des Chèvres » et quoi qu’il arrive, il faudra le traverser pour poursuivre cette balade. Dans l’immédiat, la balade attendra que je me sois baigner et Dany aussi. Il faut dire qu’après le « Circuit des Clôtures » et sa vingtaine de kilomètres, la baignade, les bains de soleil et le repos sont des primautés qui ne se discutent pas. Dany acquiesce. Quoi qu’il arrive, nous finirons cette boucle mais dans l’immédiat, le temps est au « bon temps » et l’heure à la « bonne heure », celle de mettre la pédale douce ! C’était notre objectif en venant ici, d’être au plus loin de la performance sportive. Aujourd’hui, ce ne sont  ni les gros et petits poissons filant entre les pierres, ni les gerris planant à toute vitesse à la surface, ni les gros crapauds bubonneux empressés de rejoindre les berges, tous apeurés par mes « ploufs », qui vont changer mon envie de baignade. Je n’ai pas peur d’eux. J’ai envie de me baigner et comme l’eau n’est pas si fraîche que ça, j’ai bien envie d’y passer quelques temps. Un agréable et chaud soleil semble en accord avec cette savoureuse visée et aide à combler les intervalles entre deux immersions. Après un bain plein de fraîcheur, quoi de mieux qu’un brin de sieste au soleil ? A bien y réfléchir, avec son joli nom, me rafraîchir dans la Désix est presque devenu un rituel. Pour moi, après celle d’Urbanya, elle est sans doute devenue la rivière des Pyrénées-Orientales la plus régénératrice de mes balades. Je me souviens notamment d’un arrêt fraîcheur indispensable lors de la dernière étape du Tour des Fenouillèdes réalisé en 2014. C’était au lieu-dit les Albas, entre Pézilla de Conflent et Ansignan, mais en réalité, il y a eu bien d’autres lieux et d’autres occasions où la Désix s’est trouvée là à point nommé. Lors d’une randonnée à la Foun del Loup ou d’une sortie photos sur le Sentier des Oiseaux par exemple. Simple et pure coïncidence mais surtout la rivière a très souvent des eaux claires,  accessibles et profondes pas endroit .Deux heures plus tard, l’eau a coulé sous le pont et nous décidons qu’y dormir ne doit pas devenir une habitude.  Nous levons le camp et franchissons le pont. Dessus comme le faisaient sans doute les chèvres qui lui ont donné son nom. Un sentier dallé de pierres s’élève et ce pavement laisse à penser que si des chèvres l’ont jadis emprunté, elles n’ont pas été les seules. Etroit, escarpé et donc peu aisé à cheminer, ce sentier entouré d’un murets en pierres sèches a tout les attributs du « vieux chemin muletier ». Certains prétendent que ce chemin serait aussi médiéval que le pont et certainement ont-ils raison au regard de tous les vestiges moyenâgeux dont dispose cette contrée. En regardant la carte cadastrale, on y découvre son nom : « Chemin de Prats à Trévillach » et le lieu-dit qu’il traverse ici : « Ouratori de Saissa ».  D’ailleurs, la montée se termine à proximité d’un oratoire dédié à la Vierge Marie et plus spécialement à Notre-Dame de Lourdes. C’est bien l’oratoire de Saissa.  Faut-il voir une corrélation entre le sentier et l’oratoire ? Probablement. La statuette de la Sainte Mère n’est pas là innocemment et les gens qui avaient pris l’habitude d’emprunter ce mauvais sentier trouvaient cet oratoire pour se recueillir et implorer la Vierge si nécessaire. Nous poursuivons, non sans avoir eu au préalable quelques tendres pensées à l’encontre d’êtres chers. Le chemin se stabilise et devient très rapidement une voie asphaltée. Cette voie, il faut la quitter dès lors que l’on aperçoit un cabanon sur la droite. Un large chemin de terre file dans sa direction. Il passe devant ce dernier et continue en longeant des amandiers, un verger puis une oliveraie.  Un panneau désigne ce chemin comme étant sans issue, mais n’ayez aucune crainte, il faut néanmoins l’emprunter. Effectivement, le chemin se perd et force est de constater qu’il n’y a pas d’issue, sauf qu’en continuant sur quelques mètres, on arrive au pied d’un muret qui n’est ni plus ni moins que le soubassement d’un autre chemin. Il est perpendiculaire au premier et file aussi bien à gauche qu’à droite et de ce fait, je me dis que nous avons du louper quelque chose quelque part bien avant et qu’il n’était peut être pas utile de pénétrer dans cette propriété. Je me promets de vérifier sur la carte I.G.N. Ce n’est pas trop grave puisque tout est désert aujourd’hui. Nous gravissons le petit muret puis prenons à main gauche ce nouveau chemin. Il file en balcon au dessus du vallon de la Désix et de la D.619, ouvrant ainsi à nos regards de nouvelles et belles perspectives. Il finit par atteindre la départementale mais manque de bol, il reste encore plus d’un kilomètre avant de rejoindre le centre de Sournia. Comprenant qu’il n’y a pas d’autres alternatives que celles d’emprunter le bitume sur plusieurs centaines de mètres, mais surtout très fatiguée par la répétition des kilomètres effectués en quelques jours, Dany décide de stopper au pied d’une carrière. Je lui propose de se reposer. Mais non, elle me dit  « j’arrête là, sois gentil va chercher la voiture ! ». C’est donc en solitaire que je finis cette jolie balade, Dany n’ayant pas d’autre solution que d’attendre que je vienne la chercher.  Ce « Circuit Autour du Vallon de la Désix »  est long de 9,5 km pour des montées cumulées de 780 mètres et un dénivelé de 215 mètres. C’est donc une randonnée plutôt facile à faire de préférence aux beaux jours afin de profiter de la fraîcheur ambiante au bord de la Désix. Une fois encore, cette balade a été l’occasion d’être en symbiose avec la Nature. Nous y avons découvert une quantité incroyable de fleurs, d’oiseaux et de papillons dont le plutôt rare « Damier des Knauties », lépidoptère diurne essentiellement présent en France dans les départements des Pyrénées-Orientales et de l’Aude et dont le statut de « vulnérable » le contraigne à être sur les différentes listes rouges des espèces menacées. Carte IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul-de-Fenouillet Top 25.

     

     


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    Diaporama avec la musique "Beautiful Love" de Wayne King, Victor Young, Egbert Van Alstyne et Haven Gillespie

    jouée successivement ici par Didier Lockwood et The Tribute to Stephane Grappelli puis par Nels Cline

    Le Circuit des Clôtures (1.798 m) depuis Urbanya (856 m)

    Le Circuit des Clôtures (1.798 m) depuis Urbanya (856 m)


     

    A partir d’Urbanya, cette boucle que j’ai intitulé le « Circuit des Clôtures » est une version un peu plus longue et un peu plus difficile que celle qui avait pour nom le « Balcon d’Urbanya ». A l’époque, en 2009, nous n’avions pas de maison à Urbanya et nous avions démarré de Nohèdes empruntant presque exclusivement des pistes forestières. Cette fois, le circuit s’effectue un peu plus haut en altitude et vous l’aurez compris, les sentiers sont en réalité des layons, lesquels pour la plupart longent des clôtures. Certains de ces layons sont balisés de bleu ou de jaune et sont donc de véritables sentiers, d’autres sont parfaitement matérialisés par les clôtures mais sont sans balisage, d’autres sont un peu moins évidents mais dans l’ensemble, ils sont tous praticables. En tous cas, ils l’étaient quand nous avons effectué cette longue balade au printemps dernier. Alors bien sûr, un tracé G.P.S n’est pas superflu pour les personnes ne connaissant pas ces montagnes. Assez souvent ces clôtures délimitent les communes, ici Conat, Mosset, Nohèdes et bien évidemment Urbanya, mais autant l’avouer ce circuit n’a jamais eu l’ambition formelle de suivre très exactement ces frontières communales. Non, mes objectifs premiers étaient d’aller prendre un grand bol d’air, de monter le plus haut possible pour observer les panoramas, d’aller découvrir et photographier la flore et la faune toujours très présentes et belles au mois de mai  et pour ce faire de profiter que les journées sont très longues à cette époque de l’année. Je ne souhaitais ni compter mon temps ni les kilomètres. J’avais d’ailleurs averti Dany qu’aujourd’hui la flânerie serait le seul leitmotiv si son souhait était de m’accompagner. La balade étant très longue mais la journée aussi, les périodes de pause le seraient également. En ce 21 mai, nous voilà donc partis tous les deux par le chemin de Saint-Jacques, direction une liste de cols et de sommets déjà vus à plusieurs reprises mais dont nous ne nous lassons pas quand nous résidons à Urbanya : Serrat de Miralles, Serrat Gran, Col de les Bigues, Serrat de la Font de la Barbera, Pic et Col del Torn, Pic de Portepas, Roc de Peirafita, Pic de la Moscatesa, Pic Lloset, Col et Pic de la Serra et enfin retour vers Urbanya. Depuis 6 ans que nous résidons dans le village, c’est la toute première fois que Dany et moi relevons un tel défi ensemble. La météo est excellente mais fluctuante avec un ciel bleu hésitant à se parer d’un voile blanc et une douce tramontane à amener quelques nuages et un peu de fraîcheur. Nous avons tout prévu y compris des sweets un peu plus chauds que les tee-shirts mis au départ. Dany a même prévu une polaire et deux foulards plus ou moins chauds. Pas de poncho car aucune pluie n’est annoncée par Météo France. Comme je m’y attendais flore et faune sont omniprésentes dès le départ et mes arrêts photographiques se succèdent à une cadence infernale ne convenant pas vraiment à Dany qui, elle, n’a pas d’appareil photo. Je lui rappelle simplement que le circuit prévu est très long, plutôt difficile et qu’il est bon de paresser car au fil de la journée nous aurons sans doute d’autres bons motifs pour ronchonner.  De toute manière, elle monte à son rythme, moi au mien mais on finit toujours pas se retrouver aux vraies pauses qui se succèdent car à quoi bon marcher si on ne prend pas le temps de la contemplation et de l’observation ? Un Canigou encore un peu enneigé décore magnifiquement l’horizon et cette seule vision nous fait oublier les difficultés et les menues discordes. En un peu plus d’une heure, nous avons atteint les vraies premières clôtures, celles qui montent rudement vers le Serrat de Miralles puis se poursuivent vers le Serrat Gran et le col de Les Bigues. Moi, je n'aime pas trop les clôtures, surtout quand elles sont électrifiées. Elles perturbent les animaux sauvages et les empêchent de circuler sur leurs lieux de passage traditionnels. Je pense que leur présence, outre de délimiter les communes, est d'empêcher les querelles entre chasseurs ou éleveurs. Les seuls avantages que je trouve à leur présence sont les layons et le débroussaillage que ces derniers nécessitent me permettant d'assouvir ma passion de la marche. C'est le cas ici, dans cette rude montée. Les genêts ont été ratiboisés et d’amples vues se dévoilent sur la vallée du Têt et à l’horizon vers la Méditerranée. La pente étant plutôt raide, c’est de manière plutôt cool que nous égrenons ces clôtures.  Les premières séparent les communes de Conat et d’Urbanya quand aux secondes, elles servent de frontière avec le domaine privé de Cobazet. Ici, depuis la fameuse rébellion puis mobilisation de septembre 2012 à propos de l’accès au Madres avec le propriétaire Groupama, on sait que privé ne signifie plus interdit. Depuis 1068, la fameuse Loi Stratae qui régit les Usatges de Barcelone n’a rien perdu de sa verdeur et de sa vigueur en Catalogne nord. Toutefois, l’autorisation de randonner dans le domaine n’empêche nullement le respect des consignes données, à savoir interdiction de ramasser les champignons, de couper du bois ou de prélever quoi que ce soit, le but louable de tous étant apparemment de préserver la nature. Enfin c’est ce qui avait été dit et comme la préservation de la nature nous convient parfaitement, nous la respectons au mieux même s’ils nous arrivent parfois de couper un peu de gui ou de houx pour la Noël ou de déguster quelques fruits sauvages en automne. Pour le reste, je ne pense pas que photographier la nature soit un délit punissable d’interdiction de circuler ?  Une nature qui aujourd’hui ne nous fait pas défaut car bien présente et visible. Si les papillons sont déjà très nombreux depuis le départ, les oiseaux ne sont pas en reste quand aux mammifères, leur rareté rend encore plus agréable leurs fugaces apparitions. Ces dernières se sont déjà présentées sous les traits d’une biche et d’un petit attroupement de sangliers que j’ai tenté de photographier tant bien que mal, mais sans la certitude quand à la qualité des clichés qui se sont enregistrés.  Alors, bien sûr l’arrivée au col de Les Bigues nécessite que l’on est déjà enjambé la clôture, puis une fois à l’intérieur du domaine de Cobazet, on poursuit la piste sur quelques mètres avant de rejoindre une autre clôture qui file vers un large chemin montant directement jusqu’au Serrat de la Font de la Barbera. Ce chemin est également récupérable par la piste menant au col de Tour ou del Torn se trouvant sur la droite et hors du domaine. Ici, ce sont les bûcherons et les chasseurs qui créent les itinéraires, et si clôtures il y a, rien n’interdit qu’on s’en écarte pour faire le choix de chemins plus empruntés. Il va en être ainsi jusqu’au col de Tour ou del Torn, où divers sentiers et chemins nous obligent à de multiples hésitations. Mon G.P.S pallie à nos errements et incertitudes. Finalement, nous faisons le choix de monter toujours plus haut, restant dans nos objectifs premiers que sont l’observation, la découverte et l’envie de faire un peu de sport.  C’est ainsi qu’on fait le choix de monter au pic de Tour (1.632 m) plutôt que d’emprunter un autre chemin filant directement vers le col éponyme. Je connais un peu ce parcours pour être déjà venu en juillet 2013. La chance nous sourit encore quand un chevreuil détale d’un bosquet de genêts où il devait dormir paisiblement. C’est assez étrange car en 2013, j’avais déjà surpris plusieurs chevreuils et même des faons ressemblant étrangement à des daims compte tenu de leur taille déjà bien développée. Au col de Tour, je connais bien la suite de l’itinéraire qu’il faut prendre pour me diriger vers le pic de Portepas. Il n’est pas évident pour celui qu’il ne le connaît pas d’où l’intérêt d’un grand sens de l’orientation ou mieux d’un tracé G.P.S. Après avoir emprunté la piste DFCI C060 qui redescend directement vers Urbanya, il faut rapidement prendre à droite celle numérotée C056. Zone d’estives avec un enclos dès le départ,  j’ai eu bon nombre de fois l’occasion de prendre ce chemin mais cette fois, il faut le quitter 200 mètres après, partir en montant vers la droite pour rejoindre une clôture. Cette clôture permet de rejoindre le pic de Portepas sans trop de difficultés, si l’on a les qualités d’orientation citées plus haut ou l’appareillage GPS adéquat. Au col de Portepas, il faut redescendre plein sud en direction du canal d’Urbanya. En général, une caminole plus profonde que les autres dans la prairie permet de se diriger dans la bonne direction par l’itinéraire le plus court mais quoi qu’il arrive, en filant vers le sud, on ne peut que rencontrer le canal. Là, il faut le suivre par la gauche jusqu’à la forêt du Bac de la Pinosa. Inévitablement en suivant le canal, lequel ici devient Correc de la Pinosa, on tombe sur un étroit sentier lequel part à droite en direction du Roc de Peirafita. Le mieux est de rester au plus haut de la crête en suivant une clôture, car on profite pleinement des vues s’entrouvrant sur le vallon de Nohèdes et les massifs du Coronat et du Madres.  Le layon s’élargit en descendant et s’entrouvre offrant de jolies vues sur le pic de la Moscatosa qui est notre objectif suivant. Au pied de ce pic, il faut délaisser la large piste partant à gauche et poursuivre en continuant à longer la clôture. Le pic de la Moscatosa est un dôme débonnaire se trouvant très légèrement sur la droite. Une fois encore, et malgré ce relief de type « montagnes russes », le blanc et merveilleux Canigou est le centre d’intérêt de tous les regards. Au sommet du Moscatosa, on bénéficie d’époustouflants panoramas à 180 degrés sur la très longue vallée de Nohèdes. Cette vallée est très souvent mentionnée comme celle dite de l’Arche Perdue, car selon la légende Noé y aurait amarré son arche au sommet du Roc des Salimans. Un roc bien visible depuis cette crête mais pour l’arche nous arrivons trop tard. Elle est repartie mais personne ne sait où ? Peut-être au Mont Ararat ? Dommage car elle aurait pu emporter de nombreux animaux sauvages. Des animaux bien trop souvent en péril, non pas en raison du déluge mais à cause de la chasse, laquelle, à mon goût, s’étend sur une période bien trop longue, ici dans les Pyrénées comme partout en France. La suite est assez simple puisqu’en continuant la clôture, on va descendre vers le pic Lloset, autre sommet qu’il faut atteindre avant une nouvelle descente qui se termine au col de la Serra puis au pic éponyme. Entre les deux, vous aurez constatez que le sentier est désormais balisé en jaune. Ce balisage est la terminaison de la randonnée que j’avais intitulé « le Balcon de Nohèdes », balade qui emprunte longuement l’ancien canal de ce village. Entre le col et le pic de la Serra, un joli orri rappelle que ce secteur a toujours été une zone pastorale prisée des bergers du coin. Elle l’est encore, alors gare aux patous qui sont parfois très agressifs et n’hésitez à faire une entorse au parcours si vous apercevez un troupeau et des chiens. Il y a deux ans, je me souviens avoir rencontré un couple avec deux jeunes enfants, lesquels étaient tétanisés par l’expérience qu’ils venaient de vivre face à plusieurs patous qui les empêchaient de redescendre sur Nohèdes à partir du col de la Serra. J’avais été contraint de leur demander de me suivre jusqu’au col de Marsac afin de les remettre dans le droit chemin. Voilà déjà deux fois qu’à cet endroit je suis confronté à ce devoir car les troupeaux et les patous semblent très souvent livrés à eux-mêmes, de ce fait, les chiens deviennent les maîtres de la montagne. Aujourd’hui encore, le col de Marsac est bien la bonne direction, sauf qu’avant d’y arriver et à hauteur d’une clôture se trouvant sur la gauche, il faut arrêter de descendre pour se diriger vers cette dernière. Il faut se débrouiller pour la franchir puis on poursuit par la piste qui file à droite, celle de gauche correspondant à l’ancien tracé du Tour du Coronat qui monte au col de Tour. Cette piste de gauche permet de rejoindre une intersection mais dans le deux cas, à droite ou à gauche, on rejoint Urbanya. Nous, non loin de cette intersection, nous avons pris un raccourci, lequel à travers bois, mais sur un terrain accidenté, rejoint plus directement notre petite maison. Alors bien sûr, je ne vous conseille pas ce tronçon même si une dernière clôture qu’il faut longer finit de légitimer le nom de cette balade. Elle a été longue de 21 à 22 km pour des montées cumulées de 1.700 à 1.800 mètres environ. Si je ne fournis pas de chiffres précis et simplement des fourchettes, c’est parce que je n’ai pas enregistré de tracé en cours de route sur mon G.P.S, me fiant à un tracé préenregistré qui n’a pas été exactement celui accompli. Le pic de Portepas avec ses 1.798 m d’altitude est le point culminant de cette randonnée, cela j’en suis sûr. Urbanya étant le point le plus bas à 856 m, le dénivelé est de 942 m entre le village et le pic. Arrêts nombreux inclus et longues pauses comprises, nous avons accompli cette boucle en 9 heures, démarrant à 9 h du matin et finissant vers 18 h. Bien évidement, il est probablement réalisable en beaucoup moins de temps pour des randonneurs plus jeunes et en bien meilleure forme. L’ensemble de ce parcours, que certains trouveront sans doute trop long, peut être, bien évidemment, accompli en 2 jours soit avec tente et bardas soit en réservant un logis dans un gîte d’Urbanya. Il y en a plusieurs qui se feront un grand plaisir de vous y accueillir. Cartes IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul-de Fenouillet, 2248 ET Axat – Quérigut – Gorges de l’Aude, 2249 ET Font-Romeu - Capcir Top 25.


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    Diaporama agrémenté de la chanson "Caruso" de Lucio Dalla jouée et chantée par Lucio Dalla, l'Orchestre de chambre Arcangelo Corelli d'Aldo Sisilli et Luciano Pavarotti. (Extrait de l'album Pavarotti and Friends)

    Le Sentier de la Roche Insolite depuis Opoul-Périllos

    Le Sentier de la Roche Insolite depuis Opoul-Périllos

     

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    8 jours après le « Sentier du myrte et du genévrier », retour à Opoul, pour un petit circuit pédestre que j’intitule « le Sentier de la Roche Insolite (*) ». Au temps vous prévenir de suite, cet itinéraire circulant au sein d’un vaste terrain militaire qu’on trouve sur la carte I.G.N sous la dénomination de « champ de manœuvres de Rivesaltes », il est vivement recommandé d’abandonner toutes idées de balades si vous apercevez le moindre soldat, le moindre véhicule couleur kaki ou tout élément ou matériel pouvant laissé penser à des déploiements ou à des exercices militaires. Dans le cas contraire, je sais que les risques peuvent être présents malgré tout, même si la zone est bien calme comme ce fut le cas en ce 13 avril 2017 et si la portion interdite de mon itinéraire est vraiment très réduite : 1,5 km tout au plus . Il y a le risque d’une forte amende pour avoir enfreint la loi et celui d’avoir la malchance de tomber sur une munition ou un engin non explosé, éventualité plutôt rare mais pas impossible. Alors prudence et regardez où vous mettez les pieds si vous devez y aller. Il existe la possibilité de demander une dérogation aux institutions militaires. Je précise que la roche est en dehors de la zone militaire et qu'il est donc possible de la découvrir lors d'un simple aller et retour. Mon erreur est d'avoir imaginé un circuit pour pouvoir terminer par la grotte de la Nantella, objectif secondaire de cette sortie. Tout ça, je l’ignorais au départ et ma curiosité est telle que j’ai sans doute enfreint la loi en voulant aller voir cette insolite roche que j’avais découverte sur le Net. Une formation géologique si remarquable que des ingénieurs géologues et géophysiciens de l’Université de Perpignan sont venus étudier avec beaucoup de professionnalismes prélevant au passage des échantillons aux fins d’analyses en laboratoire. Trois vidéos Dailymotion de ces observations, de ces prélèvements, de ces analyses et de leurs résultats sont visibles sur Internet. Vous les trouverez sur le site « www.opoul.com ». Pour être franc, ce n’est pas sur ce site-là que j’ai découvert cette roche pour la toute première fois mais sur un autre qui a pour adresse « www.chronodrome.fr ». En réalité, les liens renvoient vers "Chronodrome" mais vers des pages différentes. Chronodrome est un mot inexistant en français mais on peut le traduire en la « course du temps », du grec « chrono » signifiant « temps » et « dromos » signifiant « chemin ou course ». Chronodrome, c’est donc un site Internet mais également le nom d’une curieuse association dont l’objectif peut paraître un peu dingue de prime abord, mais pas utopique du tout quand on approfondit la manière de l’atteindre : utiliser un satellite pour laisser une trace quasiment ineffaçable de l’humanité présente. Ce satellite, on lui a déjà trouvé un nom : Keo ! Il sera mis en orbite et tournera autour de la Terre pendant au moins 50.000 ans. Chargé d’un maximum de données numérisées de toutes sortes et de toutes provenances et de messages divers représentatifs de toute l’humanité actuelle, il finira sa longue course et reviendra sur Terre au bout de son périple offrant ainsi aux terriens du futur, une belle idée de ce qu’étaient notre monde actuel et nos civilisations. Ce projet ambitieux a été avalisé par de très nombreux acteurs de la communauté spatiale mais voilà déjà plusieurs années qu’il est renvoyé aux calendes grecques, sans doute à cause de son coût élevé mais de sa rentabilité inexistante. De nos jours, on ne fait rien pour rien, et même si le futur de notre humanité est dans la corbeille de la mariée, il semblerait que la dot ne soit pas suffisante. Le site Wikipédia l’annonce pour 2017.  Nous y sommes mais 10 mois sont déjà passés ! Alors président Macron, êtes-vous disposé à investir dans notre futur ? Comme toujours le curieux invétéré que je suis a été intéressé par le programme Keo mais également par tout ce qu’il y a sur le site « Chronodrome » et c’est ainsi que je suis tombé sur cette fameuse formation géologique si insolite. Insolite car d’une forme circulaire quasi parfaite de 50 cm de diamètre, et donc en forme de hublot, dans lequel de nombreux mystiques n’ont pas manqué de s’engouffrer. Ils y voient un tombeau, du Christ pour certains bien évidemment, ou attribué à d’autres personnages parfois, une entrée vers un autre monde, un monde meilleur bien sûr, un accès possible vers un autre espace temporel ou l’éventualité d’un contact avec des extra-terrestres, la liste des échappatoires est longue mais jamais personne ne s’est procuré la clé pour pénétrer dans ce soi-disant passage virtuel mais surtout essentiellement minéral….Enfin je ne crois pas ! Voilà, ce que je me proposais d’aller voir en ce jeudi 13 avril. Le départ s’effectue à la côte 207 de la carte I.G.N, située sur la D.9, non loin d’Opoul en direction Vingrau. Sur le côté droit, il y a une citerne DFCI verte, déjà mentionnée lors de ma balade au Château de Salveterra. Cette fois, on va démarrer de l’autre côté de la route. Un vaste terre-plein permet de garer sa voiture. Je ne note pas d’interdiction particulière pour les randonneurs et la piste qui démarre en direction du lieu-dit Mas d’En Cabota ne fait qu’allusion à une piste DFCI 15 interdite aux véhicules des non-ayant droits.  Ici, en tous cas, pas de mention d’un quelconque terrain militaire que nous ne rencontrerons que beaucoup plus loin et beaucoup plus tard. Le large chemin descend dans le paysage de garrigue méditerranéen habituel puis à hauteur d’une citerne jaune se trouvant sur la gauche, l’itinéraire tourne à gauche, toujours sur la piste DFCI 15. Il faut surtout éviter de poursuivre tout droit. Les décors changent quelque peu, le chemin se colore de rouge et circule désormais entre les pins. Un peu plus bas, vers le lieu-dit la Bassetta, si les pins restent bien présents, une végétation de maquis partage cet espace aux pineraies. Sur notre gauche, le Serrat del Majoralet dresse ses futaies quasi impénétrables. Finalement un radier se présente enjambant le ruisseau de Robol. Asséché à cet endroit, je pars faire un tour dans son lit car de nombreux passereaux semblent y avoir élu domicile. Il faut dire que tout semble réuni pour les attirer et les maintenir. Il y a de petites vasques d’eau claires pour y boire et se baigner et d’autres plus minuscules et plus verdâtres retenant têtards mais surtout insectes de toutes sortes, tout ça au sein d’une dense végétation et d’un nombre incalculables de rochers où il est facile de se camoufler. Dany m’attend et en profite pour une pause pique-nique ensoleillée, toujours agréable en cette saison car la chaleur n’est jamais excessive. Au bout de presque une heure, j'ai seulement deux photos d'oiseaux réussies sur la douzaine de tentatives. Après cet entracte ornithologique et le pique-nique, nous repartons. Le chemin s’élève et laisse apparaître les premières vignes. Elles sont entourées de murets en pierres sèches aussi rouges pour la plupart que la terre du chemin. Quelques mètres plus loin, la roche insolite est là, sur la droite, et sa vision si soudaine, presque inattendue, nous laisse quelque peu circonspects. Ce n’est pas de la déception mais les images que nous avions vues sur le Net et gardées en mémoire nous laissaient imaginer un cercle au diamètre une peu plus important. Pour le reste, force est de reconnaître que ce cercle jaune ocre quasi parfait enchâssé dans une roche presque pourpre a un aspect plus qu’étonnant. On comprend mieux que des géologues aient pu s’intéresser à cette curiosité pour comprendre comment cette forme circulaire avait pu se produire. Que des illuminés y trouvent une quelconque raison de s'exciter, là je l’avoue, ça me laisse pantois ! Je veux bien que cette formation géologique soit vieille de -110 millions d’années mais est-ce une raison pour imaginer les plus fous et farfelus scénarios ? Après tout, les montagnes qui nous entourent ne sont-elles pas beaucoup plus anciennes ? Enfin, moi aussi je joue aux hurluberlus en essayant de pousser cette mystérieuse porte minérale, photo à l’appui. Après la découverte de notre principal objectif, nous poursuivons la boucle. Enfin, nous essayons car au virage suivant, plusieurs pistes se présentent. J’en dénombre au moins trois sans compter de petits sentiers descendant dans le ravin de Malevent. Un coup d’œil sur mon bout de carte I.G.N et nous voilà fixés et rassurés, c’est le premier chemin qu’il faut prendre, celui qui file vers le nord. Il monte dans une pinède touffue, composée de petits arbres souffrant d’une plantation bien trop serrée où le soleil a du mal à pénétrer. De ce fait, la photosynthèse a du mal à s’effectuer et de nombreuses branches sont déjà sèches, et seuls les faites présentent un peu de verdure, une verdure d’autant plus amoindrie que les chenilles processionnaires sont déjà bien présentes, organisant leurs dégâts deci delà.  Au bout de cette pinède, l’itinéraire débouche devant une espèce de auvent en tôles ondulées couvrant partiellement une petite mare.  Quelle n’est pas notre surprise de tomber nez à nez avec un rapace nocturne dormant sur une poutre du auvent ? Le temps qu’il réalise que nous sommes là et je l’ai déjà figé dans mon numérique. Je suis ravi de ce cliché car c’est bien la première fois qu’une telle manifestation ornithologique se produit devant mon appareil photo. Le temps d’une seule photo et il décolle dans notre direction, déployant ses ailes impressionnantes, pour un vol lourd et bruyant, si lourd, si bruyant et si impressionnant qu’à son passage nous baissons machinalement la tête alors qu’il est déjà bien haut. La photo m’apprendra plus tard qu’il s’agit d’un Hibou grand-duc ou Grand-duc d’Europe, volatile plutôt abondant dans les Corbières mais prédateur d’autres oiseaux y compris d’autres rapaces nocturnes plus petits que lui. En réalité, il mange de tout, n’est pas difficile dans ses goûts et je me demande même si sa présence près de cette mare n’est pas essentiellement alimentaire, cette dernière contenant de nombreux gros têtards. Après cette belle surprise, nous poursuivons la montée et finalement, atterrissons sur la crête d’une colline où les vues s’entrouvrent enfin. Le large chemin laisse la place à un sentier rocailleux. Les reboisements de pins cessent et la garrigue prend le relais. Ici le calcaire et la garrigue sont rois. D’un côté, vers le nord, c’est le Planal de la Salina, petite plaine alluvionnaire que le ruisseau de Robol a modelé et de l’autre, vers le sud, il y a des combes et d’autres collines blanches que ce même ruisseau tout en méandres a continué de façonner. Malgré ça, la proche vision reste limitée car la végétation écrase tous les reliefs. Au loin, on aperçoit Salveterra et les ruines de son château perché sur le plateau. Encore plus loin, c'est le Montolier de Périllos et sa station radar. Ici, le premier panneau « terrain militaire – défense d’entrer N°63 » se présente avec ses avertissements d’usage « tirs en cours – danger de mort » et « articles 413-5 et R-644-1 du Code pénal ». Alors, on s’arrête sur l’instant puis on s’avance un peu car les vues sont telles que le moindre mouvement militaire serait inévitablement visible puisque ici les arbres ont disparu et la végétation se résume à un maquis plutôt bas. Tout n’est que silence autour de nous et la moindre détonation d’armes de guerre  s’entendrait à des kilomètres à la ronde. Il n’y a pas de militaires, c’est un fait. A moins de faire demi-tour, il n’y a pas d’autres sentiers alors on continue un peu car le sentier descend dans une combe. Je m’arrête pour jeter un coup d’œil à mon bout de carte I.G.N et constate que la départementale 9 n’est plus très loin, ayant déjà accompli au moins les 2/3 de cette courte balade. Alors, on continue en pressant un peu plus le pas, un peu par crainte d’avoir enfreint une interdiction mais beaucoup par peur d’une amende sans doute inévitable en cas d’un éventuel contrôle. Mais non, tout est calme et seul le chant de quelques oiseaux de garrigue et le bruit de quelques voitures sur la D.9 rompt ce savoureux silence. Finalement, après être descendus sur un sentier très caillouteux, nous débouchons au Planal de la Salina, à l’endroit même où un pont de la D.9 enjambe le correc de Robol. Je me souviens de ce pont et de la grotte de la Nantella se trouvant à proximité. Je l'avais découverte l'an dernier lors de ma balade au château de Salveterra. Alors, je propose à Dany d’aller découvrir cette étonnante « cauna », site d’autant plus singulier qu’il est assez perdu et régulièrement squatté par des vagabonds. Il n’est donc pas recommandé pour une femme seule. En effet, ce lieu, insolite lui aussi, mi-grotte, mi-cortal en ruines, est régulièrement habité par des S.D.F comme le prouvent les nombreux vestiges d’une occupation plus ou moins récente : matelas, canapé, vêtements usagés et  restes de bivouacs. Dany soulève les mêmes interrogations que celles que je m’étais posées quand j’avais découvert cette grotte pour la première fois : A quoi pouvait bien servir cette bâtisse dans ce lieu si âpre situé au bord de ce ruisseau le plus souvent asséché ? La question reste en suspens car toutes mes recherches sur le Net n’ont rien donné. Il ne reste plus qu’à rejoindre la côte 207 où se trouve notre voiture, beaucoup par la D.9 et un peu dans la garrigue par un raccourci peu évident mais présentant l’avantage indéniable de quelques photos florales et fauniques permettant de finir en beauté et dans la nature. Les fleurs sont belles et colorées. Elles ont pour noms glaïeuls sauvages, ophrys, coquelicots, céphalanthères, liserons. La faune se sont quelques papillons et criquets qu’une météo printanière favorable a fait sortir de leurs cocons et de leurs oothèques. Il y a aussi des serins d'un jaune bien évidemment "canari". Pour Dany, une autre belle nature reste à découvrir : le genévrier séculaire de la Vall Oriola que j’avais découvert tout seul, il y a 8 jours. Nous voilà donc partis vers la Belle Auriole, mais en voiture cette fois….alors bien évidemment je ne vous raconte pas….. Cette balade à la « roche insolite » est longue de 6 km environ pour de modestes montées cumulées de 300 mètres et un dénivelé de 76 m. Des chaussures à tiges hautes sont fortement conseillées à cause des caillasses qui sont le revêtement principal. Carte I.G.N 2547 OT Durban – Corbières - Leucate Top 25.

     

    (*) Roche insolite d’Opoul : Si l’on veut décrire de manière assez simple cette curiosité, on peut dire qu’il s’agit d’une roche d’origine sédimentaire s’inscrivant dans un faciès calcaire argilo – gréseux. Elle date de la période géologique que l’on appelle le crétacé inférieur aptien, formation estimée entre moins 108 et moins 114 millions d’années. Comme très souvent dans le calcaire, on y trouve quelques cristaux de quartz et des filons de calcite. Selon leur teneur en calcaire, on attribue à ces roches sédimentaires des terminologies différentes (calcaire, marne, argile) voire la réunion de deux d’entre-elles (calcaire argileux ou argile calcaire). Dans le cas présent, la forme cylindrique contient un peu plus de grès (grains de sable consolidés) que l’enveloppe qui l’entoure, laquelle contient plus d’argile. Son aspect insolite, elle le doit bien évidemment à sa forme circulaire quasi parfaite de 50 cm de diamètre et aux couleurs bien différentes des deux structures, le cercle presque ocre et la roche tout autour couleur lie de vin voire presque pourpre à certains endroits.


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  •  Ce diaporama est agrémenté de 5 musiques du compositeur Alexandre Desplat tirées du film de Terrence Malick "The Tree of Life", "L'Arbre de la vie" en français. Dans l'ordre de leur écoute, elles ont pour titre "Motherhood", "Skies", "River", "Clouds" et "Emergency of life".

    Le Sentier du myrte et du genévrier depuis le château  de Salveterra (Opoul-Périllos)

    Le Sentier du myrte et du genévrier depuis le château  de Salveterra (Opoul-Périllos)


     

    J’ignore pourquoi mais chaque fois que je vais randonner du côté d’Opoul, la tramontane est déchaînée. Une simple mais troublante coïncidence sans doute. 80, 90, 100 km/h, je ne sais pas mais une chose est sûre, ça décoiffe. Bon d’accord, je n’ai pas beaucoup de cheveux mais ce n’est pas une raison ! C’est le cas en ce 5 avril 2017 quand je laisse ma voiture au pied des ruines du château de Salveterra, au bord de la petite route filant vers le hameau de Périllos. Sur ma carte I.G.N,  j’ai dessiné une boucle, laquelle passant par le Serrat de la Murtra, doit m’amener vers Périllos, puis bien après, vers la Vall d’Oriola où paraît-il se trouve un genévrier multi séculaire. Vénérable est le terme le plus souvent employé. A son propos, circulent les chiffres les plus fous. 4 à 5.000 ans pour certains mais au moins 2.000 ans pour les botanistes. Sa circonférence est de 4,60 mètres et encore, les avis sont également divergents selon la méthode employée pour le mesurer. Il aurait même obtenu un label « arbre remarquable de France » par l’association A.R.B.R.E.S qui se charge de répertorier tous les arbres exceptionnels de France méritant des mesures de protection et de sauvegarde.. Il faut le voir pour le croire, voilà ce je me suis dit quand j’ai appris son existence. Un ancêtre en tous cas, que l’on peut aborder en voiture, mais comme très souvent quand il s’agit de découvrir, ma préférence est allée en priorité vers l’approche pédestre.  Il y a donc plusieurs objectifs à cette longue balade que j’intitule assez naturellement le « Sentier du Myrte et du Genévrier », le mot catalan « Murtra » signifiant « myrte », qui comme chacun sait, est une plante aux multiples attraits, médicinaux mais gustatifs aussi, servant par exemple à la confection d’infusions digestives, de liqueurs ou bien à parfumer des viandes en sauce. A ce propos, notons d’ailleurs de nombreuses similitudes avec les baies de genièvre, fruits du genévrier, utilisées depuis très longtemps en médecine, pour ses propriétés digestives, dans la fabrication d’alcools et en cuisine.  Je viens d’enfiler mes godillots, d’harnacher mon sac à dos et démarre d’un petit collet séparant les lieux-dits Coma del Mir et Planal del Sorbier, ce dernier étant le premier jalon qu’il me faut franchir sur la carte I.G.N. La tramontane est si forte que parfois je recule au lieu d’avancer, pourtant le chemin que j’emprunte est tout en descente. Ma casquette, que j’ai pourtant pris soin de visser très fort sur ma tête, s’envole très loin derrière moi et je suis déjà contraint de rebrousser chemin pour aller la rechercher. Ce n’est pas tant pour sa valeur, ni pour mes cheveux et encore moins pour ma coiffure, étant plutôt dégarni. Non, je n’ai rien de tout cela, mais à vrai dire, je crains les premiers coups de soleil sur la « cabeza ».  A l’instant où je récupère ma casquette, j’en suis presque à me décourager et à deux doigts de faire demi-tour car je me dis que « marcher avec un tel vent toute la journée sera inéluctablement très désagréable ». J’insiste néanmoins, remplace ma casquette par un bonnet ayant moins de prise au vent et là, ô surprise, la tramontane faiblit au fur et à mesure que je descend dans un paysage de garrigue. Une garrigue déjà très fleurie. Comme toujours, je démarre un inventaire végétal photographique : ajoncs, prunelliers, thyms et romarins, sont les plantes fleuries les plus présentes et donc visibles, avec quelques crépides jaunes et de petits bouquets de muscaris bleus. Mais en cherchant bien, d’autres fleurs plus rares se font jour au regard du curieux que je suis. Le vent n’est pas propice aux clichés des petites fleurs car elles sont ballottées en tous sens alors je n’insiste pas. Quelques oiseaux et papillons occupent cette végétation et s’envolent à tire d’ailes lors de mon passage. Impossible de les photographier eux aussi, la force du vent me déstabilise et empêche tout cliché nécessitant une immobilité parfaite. C’est le cas de la photo animalière et quand je dis « qu’ils s’envolent à tire d’ailes », ce n’est pas vraiment la bonne expression, car en réalité et dès lors qu’ils s’élèvent, ils sont, pour la plupart, emportés comme des fétus de paille par la violence des bourrasques. Les grives et les alouettes sont les plus reconnaissables car celles qui s’opposent le mieux aux rafales. Ailes déployées, elles luttent et se posent quelques mètres plus loin. Idem pour un couple de perdrix que le vent ne semble pas freiner dans leur quête à s’éloigner de moi. Quelques battements d’ailes lourds et bruyants et les voilà déjà, 100 mètres plus loin au fin fond d’une ravine. Le vent faiblit toujours car le large chemin continue de descendre dans un vallon dominé par le Serrat de la Murtra. Cette colline sert de paravent. J’atteins et enjambe une petite combe asséchée puis le chemin remonte en direction d’une vaste ruine. C’est le Cortal de la Murtra. Des panoramas se dévoilent sur d’autres ravines entourées de basses collines. Au fond de l’une d’entre elles, et sur un terrain limoneux et dénudé, un vignoble rectangulaire aux souches parfaitement alignées détonne dans ce paysage disloqué de maquis. Derrière la ruine, un étroit sentier prend le relais du large chemin, et toujours à l’abri du vent, s’élève en douceur sur le flanc est du « serrat ». Il est jalonné de nombreux cairns, petits et grands,  faciles à ériger, tant les cailloux sont sur le sol le revêtement le plus commun. J’ajoute mes propres pierres aux édifices déjà constitués. Au sein de cette minéralité croissante, une flore nouvelle apparaît. Les magnifiques orchis géants en sont les plus beaux représentants mais il y a aussi de nombreux pieds d’ajoncs et de luzerne aux fleurs d’un jaune flamboyant ainsi que des prunelliers aux jolies petites fleurs blanches. Il vaut mieux éviter de se frotter à ces derniers arbustes à cause de leurs épines noires dont elles tirent leur autre nom. J’y observe les premiers plants de « murtra », le fameux myrte qui donne enfin un sens au patronyme de cette colline essentiellement calcaire et donc bicolore. Le blanc du calcaire et le vert de la végétation, sous un ciel que la tramontane tente de colorer d’azur, je trouve ça beau. Le vent faiblissant au fil du jour, les nuages resteront présents, s’étiolant parfois ou bien devenant carrément menaçants au fil de leur passage du nord-ouest vers le sud-est. Là où je me trouve, il fait très beau pour l’instant et c’est bien là l’essentiel, mais au loin, au sommet de la colline du Montolier, une longue écharpe nuageuse s’accroche à cette modeste élévation à 717 mètres d’altitude. Dans cet horizon grisâtre, apparaît le globe opalin de la station radar. Lors d’une jolie et ludique balade au départ de Périllos, j’avais gravi cette colline voilà 2 ans. D’ailleurs, en contrebas et sur ma droite, je reconnais la minuscule chapelle Sainte Barbara, également découverte en cette occasion. Le sentier s’aplanit quelque peu et soudain, au bout du « serrat », le hameau de Périllos semble surgir de la garrigue comme une étrange apparition. A cet instant, me reviennent à l’esprit, les nombreuses lectures le plus souvent mystiques à son propos. Il faut dire que vu d’ici, avec la tour ruinée de son vieux château et le clocher-mur de son église romane, il a tout du hameau fantôme.  Ces premiers éléments sont les plus apparents et le peu de vie autour, voire l’absence totale de toute humanité pendant de longues années, ont probablement contribué à ce mysticisme. Quelques petites sauges échappées d’un jardin colorent de mauves les bas-côtés du sentier. Avec les moutardes sauvages aux fleurs jaunes, elles forment de très beaux massifs.  Le minuscule village est rapidement là, mi-magnifiquement restauré, mi-toujours ruiné. J’en apprécie toujours les quelques textes, de bienvenue ou historiques, écrits à l’attention des visiteurs.  C’est une belle initiative que malheureusement on ne rencontre que trop rarement dans les hameaux. Les premiers occupants que j’aperçois se résument à des volées de moineaux et à des rouges-queues noirs plus solitaires jouant sur les toitures et les murets. Or mis, quelques menues restaurations nouvelles, rien n’a vraiment changé depuis ma dernière venue, alors je n’ai pas vraiment envie de m’éterniser. Je me contente d’une nouvelle visite, presque au pas de course, que seules quatre dames très sympathiques arrivent à enrayer. Tout comme moi, elles déambulent dans le hameau. Une conversation s’engage, au cours de laquelle j’apprends que la plus âgée des quatre, qui est sans doute nonagénaire,  a fait jeunesse ici et y a longtemps vécu, avant de déménager sous d’autres cieux, poussée par un exode rural inéluctable. Les autres dames, un peu plus jeunes, la soutiennent et de ce fait, je comprends aisément que notre rencontre et notre conversation ne soient pas leur priorité. Je ne les retiens pas plus que ça et préfère les laisser partir vers leur quête de souvenirs. Des souvenirs pour cette très vieille dame qui se balancent sans doute entre les bons de son enfance et de plus douloureux liés au déracinement ultime. Je me souviens avoir lu bien des raisons et bien des calamités à cette désertification lente mais inexorable de Périllos : le phylloxera à la fin du 19eme siècle, la guerre de 14/18, la grippe espagnole, puis de nouveau la guerre de 39/45, la sécheresse et l’éloignement. Eloignement de la révolution industrielle et de l’urbanisation des villes. Loin des grands axes routiers et économiques, il n’en fallait pas plus et le hameau a vu partir son dernier habitant en 1970. Aujourd’hui le milieu associatif solidaire s’évertue à tenter de lui redonner un peu de vie. Un « hostal », c'est-à-dire une auberge, en est la preuve même si elle est fermée à la mauvaise saison. Je poursuis ma balade toujours grâce au tracé G.P.S que j’ai enregistré. Il m’entraîne en contrebas du hameau, en direction de la route bitumée que je délaisse très vite au profit d’un chemin bien évident qui se faufile au milieu des buis puis de hauts genévriers. Depuis ce chemin, je surprends un énorme sanglier. Il déboule dans les éboulis d’un ravin se trouvant en contrebas et s’engouffre sans coup férir dans des bosquets où il disparaît. Au même instant et au même endroit, un rapace s’élève dans le ciel et j’en suis à me demander si les deux épisodes fauniques ne sont pas liés. Le rapace, sans doute une buse, a-t-elle dérangé le sanglier dans son sommeil ou peut-être est-ce le contraire ? Le parcours descend dans ce petit ravin, la Coma d’En Canaval, puis remonte aussitôt, ôtant toute monotonie et le transformant en une courte mais rude « montagne russe ». La dernière de ces montagnes offre quelques paysages nouveaux presque à 360 degrés. Vers la Serre de Vingrau, vers  Périllos dont la vision d’ici est bien différente et plus loin, vers la colline tabulaire de Salveterra » où a été érigé le château d’Opoul. Cette dernière image me donne une petite idée du chemin déjà parcouru. Très étonnamment, si la garrigue reste typiquement méditerranéenne, la végétation a quelque peu changé et j’observe par exemple et pour la première fois, des cistes cotonneux et des lauriers-tins, tout deux fleuris. Ici, les plants de ciste sont très nombreux et entièrement recouverts de ces fleurs roses si belles mais qui ont toujours cet aspect chiffonné si curieux. Il y a aussi des euphorbes, de minuscules jonquilles  jaunes et des tulipes sauvages orange. Les buis, les genévriers, les nerpruns, les pins sont également plus nombreux mais dans l’ensemble cette végétation reste plutôt rase. Un œil sur mon bout de carte I.G.N pour constater que l’eau a toujours été une obsession et si les combes sont nombreuses, elles sont le plus souvent asséchées. Elles ne se remplissent et s’écoulent que lors d’orages violents mais à condition qu’ils soient durables dans le temps. L’Aiguera de Nyerra, les Aiguerasses, la Font de l’Ase, la Fonteta, autant de noms qui sont le reflet de l’importance de l’eau et de cette hantise à en manquer.  Dans les Corbières, de l’eau il y en a beaucoup, mais elle est souterraine et si on en veut, il faut aller la chercher, parfois très profondément. Ici, le sourcier était le sorcier. On l’appréciait mais on le craignait. La crainte était qu’il ne trouve pas l’eau tant espérée. Un puits asséché était considéré comme un grand malheur. L’exode rural n’est pas étranger à ces difficultés d’approvisionnements en eau et les quelques bergeries en ruines qui parsèment mon parcours sont les témoins abandonnés de ce passé, loin d’être simple. Il est 12h30, je m’arrête à proximité de l’une d’entre elles. Il s’agit du Cortal Botet. Envahi par la végétation, il m’offre un ombrage propice au pique-nique envisagé et quelques pierres gisant à terre pour y poser mes fesses.  La tramontane a carrément cessé. Les oiseaux sont de sortie mais les photographier reste compliqué car le chant de mes appeaux ne semble pas convenir à ceux qui logent ici, dans les arbres et les murailles. Du coup, je pars à l’aventure, sandwich en mains pour tenter d’en surprendre quelques uns. Une mésange et un bruant sont les perdants de cette partie de cache-cache. J’abandonne le cortal. Les papillons se font plus présents et si la plupart se résument à de gros et beaux Flambés, qu’elle n’est pas ma surprise de découvrir pour la première fois autant de « Proserpines ». Je me souviens que la dernière fois où j’avais photographié cette jolie espèce bariolée de blanc, de rouge et de noir, c’était lors d’une balade à la « Trancade d’Ambouilla », non loin de Villefranche-de-Conflent. Le spécimen aperçu et photographié était plutôt décati car sans doute en fin de vie. Ici, je suis ravi,  car ces superbes papillons volent en tous sens, et en plus ils semblent peu craintifs, se posant sur de nombreux supports, minéral ou végétal. Au loin et en contrebas, j’aperçois la Vall d’Oriola, les toitures rouges de ses quelques bâtisses et ses vignes qui l’entourent sur sa partie nord. Au beau milieu de l’une d’elles, j’y distingue clairement le genévrier séculaire. Un rapproché photographique me le confirme, « oui, il semble bien que ce soit lui ! » Il ne me reste plus qu’à partir à sa découverte. Le chemin est désormais tout en descente et atteindre la « Belle Auriole » en traversant le lieu-dit l’Iglesieta n’est qu’une simple formalité. L’Iglesieta, signifiant « petite église », je suis étonné de n’avoir rencontré en chemin aucun vestige d’un vieil édifice religieux, à moins que le nom fasse référence à cette petite chapelle que je découvre ici au Vall d’Oriola, dédiée à Saint-Joseph.  Parmi les panonceaux indicatifs, il y a celui mentionnant le « Vieux Genévrier », alors je traverse la propriété déserte sans trop me poser de question, entrant même dans la minuscule chapelle, toujours entraîné par ma curiosité immodérée. Je m’assoie et y médite de très longues minutes, sans prier, mais en ayant comme très souvent en pareil cas de tendres pensées pour les êtres qui ne sont plus de ce monde mais qui continuent à être chers à mon coeur. Après cet instant de recueillement, le vieil arbre n’est plus très loin et de surcroît, un vigneron occupé à des replantations m’en  indique gentiment le plus court chemin. Après quelques courts zigzags dans la garrigue, le genévrier est effectivement là, incroyablement majestueux,  car solitaire au milieu du vignoble. Ma première réflexion est de me dire « mis dans un petit pot, quel extraordinaire bonsaï il ferait ! » et il serait sans contestation aucune, « le plus beau de ma collection ! » mais aussitôt une deuxième pensée me traverse l’esprit : « comment cet arbre a-t-il pu si durablement et si magnifiquement franchir tous les affres du temps ? ».  Je ne vois qu’une explication à cette interrogation. Toutes les personnes qui l’ont côtoyé ou croisé, l’on trouvait si remarquable et si admirable que personne n’a jamais osé s’en prendre à lui et l’abîmer. Oui, vénérable est le terme le mieux approprié car il inspire le respect. Plus tard, le père du propriétaire de la « Belle Auriole », parlant de lui, me dira qu’il pense qu’il était déjà là au temps des Romains et que très probablement, il se trouvait au milieu d’un vignoble déjà existant. Alors, ils n’étaient pas si fous que ça les Romains qui ont trouvé que cet arbre ne gênait en rien la culture de la vigne ! Sa vision plus proche ne fait que confirmer ce que l’on pense de loin. Il est très beau. Creux pour ne pas dire caverneux comme la plupart des vieux arbres qui ont souffert du temps et de la sécheresse. Noueux à souhaits, son écorce entièrement rainurée est bien celle du genévrier mais elle a un aspect parfait et lisse que n’ont pas les arbres plus jeunes dont la surface des branches est rêche. Ici, les branches sont bien épaisses et donc solides, avec cette ramification et cette coiffe végétale quasi irréprochables, ce petit air penché que des siècles de tramontane lui ont donné, lui offrant ainsi un port si naturellement somptueux. Un vrai « bonsaï » grandeur nature que les hommes ne sont capables de reproduire qu’artificiellement, à l’aide de matériels et de techniques de « tortures » infligées aux arbres qu’ils manipulent. Le fan de « bonsaïs » que je suis sait que l’aspect sec ou mort s’appelle « jin » ou bien « sharimiki » et consiste à ôter de force mais toujours avec prudence l’écorce du tronc qui est censée protéger l’arbre. Les branches, penchées ou tortueuses,  sont obtenues grâce à des poids où à des liens en cuivre que l’on laisse un temps suffisant pour qu’elles prennent les formes voulues. Les genévriers se prêtent bien à toutes ces techniques, mais ici, rien de tout ça. Tout est naturel et ç’est bien cela qui est si beau et si insolite en sus de son âge hors du commun si prodigieux. La Nature est la plus douée des artistes, je le savais déjà mais voilà un bel exemple supplémentaire ! Avant de repartir, je ne peux m’empêcher de le photographier sous toutes les coutures, puis je m’assoies en m’adossant à son tronc, occasion d’y manger une compote, mais surtout prétexte à recueillir un peu de son énergie et de sont influx qui lui ont permis de traverser les siècles. Je ne sais pas si c’est vrai mais j’ai lu ça il y a peu de temps : « se mettre en contact avec un arbre par en recueillir un peu de sa vitalité ». Toujours incrédule à ce genre de choses, je me dis que l’arbre est si exceptionnel que ça ne coûte rien d’essayer. « Auprès de mon arbre, je vivais heureux, je n’aurais jamais du m’éloigner de mon arbre.... » chantait Brassens et je pense que les propriétaires de la Belle Auriole doivent la fredonner souvent cette chanson. Heureux de cette belle découverte, je m’éloigne du vieux genévrier en traversant une vigne et en rejoignant une piste dont un panonceau m’a appris qu’elle se dirigeait vers Vingrau. Au milieu de cette vigne, mon regard est tiraillé entre le vieil arbre qui s’éloigne derrière moi et les nombreux oiseaux très occupés à se délecter des graines de graminées que la tramontane a jeté à terre. Je fais le choix de m’intéresser aux deux en les photographiant. Force est de reconnaître que l’arbre est un modèle plus docile. Je retourne vers la Vall d’Oriola et me venge sur quelques oiseaux qui gambadent sur un petit amas de fumier et de copeaux de bois. Sous d’immenses pins, sans doute séculaires eux aussi,  j’ y rencontre en cette occasion le père du propriétaire. Or mis la conversation déjà évoquée à propos de l’ancienneté du genévrier, j’apprends qu’il vient aider son fils dans quelques travaux de restauration. Outre l’activité vinicole et agricole, son fils s’est spécialisé dans la fabrication et la distribution de spiruline, cette algue si vivifiante paraît-il. Quand à la « Belle Aurore », elle fait gîte et chambres d’hôtes, non sans difficultés car l’électricité n’est obtenue qu’à l’aide d’éoliennes et surtout de panneaux solaires qu’il faut acheter, installer, maintenir et rentabiliser car il s’agit d’un lourd investissement. Quand à l’eau et comme je le disais plus haut, elle continue à être une denrée rare dans ce secteur des Corbières. Je quitte ce lieu si agréable car si paisible, qui se veut si loin du monde et de la civilisation. Un monde et une civilisation qu’il faut néanmoins séduire et attirer car  il faut y survivre et ce n’est sans doute pas facile. J’emprunte la route asphaltée. Un couple de touristes un peu paumés arrête leur voiture à ma hauteur : « Bonjour Monsieur, il se trouve où le vieil arbre ? ». Je leur indique le chemin tout en pensant qu’un gros travail de marketing, bien en profondeur,  doit être accompli avant que la « Belle Auriole » devienne un lieu bien plus connu et fréquenté pour autre chose que son genévrier. Après tout, c’est bien à cause de l’arbre que je suis là moi aussi ! Je ne suis pas un spécialiste mais je verrais bien le genévrier comme logo d’une campagne publicitaire en faveur du gîte mais d’un autre côté, je me dis que ça serait faire prendre un risque à ce trésor végétal qu’il faut impérativement préservé de toute agression. Notre monde est si fou ! Dans un pré bordant la route, deux superbes chevaux retiennent mon attention et celle de mon numérique. Ils tournent la tête mais restent indifférents à mon passage préférant mastiquer du foin qu’en faire. Dans ce coin si silencieux et si pacifique, je les comprends. Mon G.P.S m’intime de partir à gauche sur un large chemin qui entre à nouveau dans le maquis. Des alouettes sautillent dans ce qui ressemble à un ru asséché. Quelques mètres plus loin, valse hésitation car une intersection se présente mais par bonheur, deux randonneuses, à peine entrain de déjeuner, m’indiquent le bon chemin qui est censé rejoindre le château et donc la ligne d’arrivée. Je les écoute et leur fait confiance tant elles semblent sûres de leur fait. Je leur fais d’autant plus confiance que mon G.P.S est indécis et imprécis et en outre, je n’ai pas trop envie de m’éterniser car l’énorme molosse qu’une d’entre-elles tient seulement par le collier a l’air grognon. Il grogne en m’observant fixement, naseau en l’air, gueule ouverte, crocs apparents et babines gluantes. Il est très dissuasif et je comprends que ces deux jeunes dames n’aient aucune crainte à se promener toutes seules dans cette garrigue si déserte. J’appréhende que sa maîtresse en perde le contrôle car à coup sûr il se jetterait sur moi. Du coup, je les remercie et les quitte sans tarder et en accélérant le pas, pourtant la pente qu’il me faut gravir est de très loin la plus sévère de la journée. Si sévère qu’arrivé à son terme, je m’allonge tout essoufflé contre un vieux muret en pierres sèches, bien à l’abri de la petite brise qui a remplacé la tramontane. J’en profite pour finir les restes de mon casse-croûte sous les circonvolutions d’un épervier. Quelques vues s’entrouvrent magnifiquement, sur la mer et le Canigou enneigé et comme le terme de cette balade n’est plus très loin, j’exploite au mieux cette pause ensoleillée. Quelques minutes plus tard, accompagnées de leur gros chien, les deux serviables randonneuses arrivent vers moi. En les voyant approcher, je me dis qu’à coup sûr, le molosse va se ruer sur moi mais non, une laisse agrémentée d’une longe l’en dissuade et d’ailleurs, sans doute trop occupé à flairer des odeurs animales, il passe sans aucun regard vers moi.  Ouf ! Ma mémoire est toujours vivace et elle garde profondément enfouie les deux expériences où j’avais été confronté à de redoutables dobermans. Tout s’était bien terminé les deux fois, mais l’expression bien connue : « N'est pas sage qui n'a pas peur », je la fais mienne. Je termine cette balade par un feu d’artifice photographique floral car ici les fleurs sont légions : centranthes, muscaris, ails roses, narcisses, phalangères, laitues, cynoglosses, lamiers. Un bouquet final que je clôture par l’étrange photo d’une voiture complètement rouillée, déjà vue ce matin, et dont je me demande encore comment elle a pu atterrir ici, si loin dans ce désert essentiellement rocailleux et végétal ? J’en cherche en vain la marque et je repars. Le col, où j’avais tant lutté contre le vent pour démarrer cette randonnée, est là, à quelques encablures. Une faible brise me pousse vers lui. Le Roc Redon, est là, sur ma droite, mais bien trop loin du sentier pour que l’envie de m’y rendre se matérialise. Il s’agit d’un insolite bloc rocheux solitaire servant en même temps de cabane et de lieu de varappe pour débutants. J’ai lu également qu’il y aurait une citerne, l’eau remontant d’un puits souterrain naturel. Finalement, je garde cette découverte pour une prochaine fois et je continue me disant que j’ai bien fait de ne pas m’être laissé intimider par la tramontane et d’avoir insisté tant j’ai pris plaisir à cette jolie balade. Telle qu’expliquée ici, errements inclus, elle a été longue de 13,4 km pour des montées cumulées de 532 mètres. Le dénivelé est de 184 m entre le point le plus bas à 216 m sur la route menant au Vall Oriola, non loin du Cortal Sanyes et le plus haut à 400 m au lieu-dit Les Ières sur le Serrat de la Murtra.  Carte I.G.N 2547 OT Durban – Corbières - Leucate Top 25.


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  • Diaporama agrémenté de la musique d'Ennio Morricone "Il était une fois dans l'ouest", titre original

    "C'era une volta il west" et bande originale du film de Sergio Leone de 1968 "Once Upon a Time in the West" .

    Notre-Dame de Coral en boucle depuis le col d'Ares (Prats-de-Mollo)

    Notre-Dame de Coral en boucle depuis le col d'Ares (Prats-de-Mollo)

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    Cette magnifique randonnée vers l'ermitage Notre-Dame de Coral au départ du col d’Ares, réalisée le jeudi 30 mars 2017, est le résultat d’un double fondement. Le premier est d’être passé au col d’Ares le dimanche auparavant pour une virée en Espagne et là, nous avons été scotchés par les panoramas époustouflants que nous embrassions à 360 degrés sur les montagnes enneigées.  Vers le nord, il y avait bien sûr l’inévitable Massif du Canigou, la montagne la plus imposante et la plus resplendissante d’entre toutes, avec comme assise, la longue crête des Esquerdes de Rotja, également toute de blanc vêtue. Vers le nord-ouest et du haut de ses 2.465 mètres, le pic de Costabonne, pyramide immaculée toute proche, était le maître incontesté d’un long chapelet de sommets se perdant dans l’infini de la chaîne pyrénéenne. La meilleure vision que l’on pouvait en avoir était le Mont Falgas, sommet à 1.610 m d’altitude dominant le col et servant à la fois de borne géodésique et de frontière. France Espagne ou Espagne France, ici la frontière avait connu les pires détresses, les pires souffrances, les pires horreurs en 1939 avec la Retirada mais aujourd’hui peu importait, ici comme ailleurs, seule la beauté avait repris ses droits, n’ayant jamais eu de démarcation. Nous en profitions. Ces belles visions avaient commencé en voiture, et tout en montant vers le col depuis Prats-de-Mollo, nous nous sommes arrêtés une demi-douzaine de fois pour observer ce spectacle grandiose. Il faut dire que le temps était superbe et que le blanc des montagnes contrastait merveilleusement avec le bleu du ciel. Aucun nuage pour ternir ce tableau. Tout n’était que pureté autour de nous et j’ai bien senti que Dany était en extase devant tant de splendeur. Elle a fini par me dire « il n’y a pas des randos par ici ? ». Et sans trop réfléchir, je lui ai répondu « oui, ça doit pouvoir se faire ! ». L’idée était lancée et dans ma tête, elle a immédiatement fait son chemin. Tout en poursuivant la route vers le col frontière, je me souvenais de randonnées antérieures.  Il y avait mon Tour du Vallespir d’août 2009 bien sûr, dont je gardais de ce secteur de Prats-de-Mollo, un goût d’inachevé, à cause des nombreuses forêts couchées par la tempête Klaus qui m’avaient meurtri, mais surtout qui m’avaient empêché d’effectuer l’itinéraire authentique et programmé,  passant par la Tour de Mir et le col d’Arès. J’avais été contraint d’emprunter un court P.R passant par le col de la Guilla. Au fond de ma tête et malgré la certitude d’avoir effectué le bon choix, j’ai toujours gardé de cette seule entorse au Tour du Vallespir, sinon un regret au moins une contrariété.  Il y avait aussi la Tour de Mir, gravie plusieurs fois et un génial Cami de la Retirada effectué trois ans auparavant. Dans la voiture, nous avons évoqué les différentes possibilités, pesant les « pour » et les « contre », analysant au pif les distances, les dénivelés, etc.… La conclusion, c’est qu’en réalité, nous n’avions pas trop envie de refaire une balade déjà accomplie. J’ai fini par dire à Dany « ne t’inquiètes pas, je trouverais bien une rando à faire ! ». En arrivant au col, nous avons garé la voiture puis avons longuement erré de tous côtés, ne voulant rien manquer des scènes qui s’offraient à nous. Finalement, nous nous sommes arrêtés près de la stèle en hommage aux républicains espagnols et là, nous avons gravi un chemin montant en direction du Mont Falgas. Tout en montant, et outre quelques paysages déjà vus, il y avait un autre décor à nos pieds, sur notre droite, peut être moins attractif au prime abord car sans neige mais il était long, vaste et presque insondable. En tous cas, et au plus loin que portait la vue, ce magnifique panorama disparaissait dans des vapeurs bleuâtres.  Le regard se déployait sur une longue succession de « montagnes russes » constituées de petits ravins, de forêts plus ou moins sombres, de prairies verdoyantes, de monts dénudés ou boisés, de profonds vallons et d’élévations dont les plus hautes formaient la frontière entre Vallespir et Espagne. Un paysage devant lequel nous sommes restés de très longues minutes à nous répéter « que c’est beau ! ». La vue portait entre autres vers quelques lieux bien connus, souvenirs d’autres jolies balades : Baga de Bordellat, col de Malrems, Tours de Cabrens,  Mont Nègre, Pilon de Belmatx, Roc de France. De l’autre côté, versant Canigou, j’essayais de montrer à Dany, quel avait été l’itinéraire de mon Tour du Vallespir, mais de trop nombreux obstacles et la trop longue distance qui nous en séparait en limitaient mon exposé.  En redescendant du Mont Falgas, un vieille pancarte « Volta del Vallespir » cloué à un pin m’envoya le dernier déclic, ce fameux deuxième fondement  et je dis à Dany : « ça te dirait de randonner en partant d’ici ? »  Elle me répondit « oui » sans hésiter, et chose rarissime, ni même sans me demander quel était mon objectif, ni sans poser aucune question. De toute évidence, elle aimait l’idée et le coin. Mon objectif, c’était d’aller à Notre-Dame de Coral et de réaliser ainsi, ce petit bout du Tour du Vallespir que je n’avais pas pu accomplir en 2009. Voilà comment est née cette randonnée. Quatre jours plus tard, nous voilà à pied d’œuvre au col d’Ares. Il est 10 heures et ô miracle, la météo est quasi identique à celle du dimanche. Un anticyclone domine tout le sud de la France et le Vallespir n’y fait pas exception. Ciel bleu et pur et même si la neige a du fondre un peu, les montagnes continuent d’être merveilleusement blanches. Nous laissons la voiture près de la stèle et empruntons le fameux chemin «« Volta del Vallespir », balisé de jaune et de rouge, comme tout bon G.R.P. Il s’élève un peu puis tout en descente se met à longer la clôture matérialisant la frontière. Il évite ainsi le Mont Falgas, encore que monter à son modeste pinacle ne soit pas vraiment une corvée. L’itinéraire très bien balisé ne présente aucune difficulté, les seules complications se résumant à quelques pentes très abruptes nécessitant un peu plus d’attention et de prudence. Le sentier court sur une pelouse où poussent les genévriers, des genêts flétris et des fougères couchées car encore sèches en cette fin mars. Il y a aussi de petits pins à crochets, de rares sapins et la plus présente végétation se compose de feuillus aux branches dénudées. Quelques petits oiseaux les occupent et sont pour moi, l’occasion d’haltes photographiques régulières.  Un grand rapace au plumage noir mais à la face blanche entre également dans la partie. Plus petit qu’un  vautour fauve, il joue au voltigeur, s’amusant à tournoyer puis à zigzaguer sur la ligne frontière comme un contrebandier s’amuse à déjouer les pièges tendus par les douaniers. Jamais il ne me laissera l’occasion de l’identifier disparaissant à jamais sur le versant espagnol. Côté passereaux, les mésanges sont les plus nombreuses mais il y a aussi quelques alouettes et des grives qui s’enfuient au dernier moment et toujours à quelques mètres de nous seulement. Tout ce petit monde sauvage reste difficile à photographier. Comme je l’avais imaginé, cette descente à cheval entre Vallespir et Espagne embrasse constamment des vues grandioses.  De rares fleurs et quelques papillons viennent compléter ce tableau naturaliste. L’itinéraire coupe une piste qu’il est bon d’ignorer. Ce chemin de traverse, outre son évident privilège qu’est le raccourcissement, présente sans doute l’avantage de moins de monotonie. Descentes plus douces, sous-bois tapissés de feuilles, chemins verdoyants car herbeux, le parcours se modifie agréablement et finit par atteindre le lieu-dit Case d’Amont. La « Maison du Mont ». Quel joli nom pour cette belle masure, mi en ruines, mi-restaurée mais si authentique car essentiellement en pierres sèches ! Elle tire son nom par la fait même qu’elle est joliment posée au sommet d’un tertre et coiffée de quelques arbres. Tout autour, il y a des prairies ondulantes et verdoyantes, entrecoupées de haies et de murets, et surtout depuis sa terrasse quelle vision sur ces paysages incroyablement beaux et reposants ! On a qu’une envie : l’acquérir ! Une halte est d’autant plus inévitable que ce lieu si solitaire, si retiré, si désert de toute présence humaine, et donc si paisible, est, pour mon bonheur,  occupé essentiellement par les tariers, les pinsons,  les rouges-queues noirs et quelques bruyants corbeaux. Chacun son territoire. Les corbeaux occupent les prairies où paissent quelques bovins. Les plus nombreux volent autour de Cal Poubill, petit hameau tout proche que l’on aperçoit en contrebas, posé sur une autre éminence, celle d’El Tossal. Avant de venir ici, j’ai voulu connaître la toponymie de « Cal Poubill » et j’ai appris qu’en français, on pouvait le traduire en la « maison de l'aîné ou du jeune enfant » ou « la maison des héritiers ». Perchés au plus haut des cimes, les pinsons des arbres portent bien leur nom et chantent à tue-tête car la saison des amours vient de commencer. Les rouges-queues sautillent un peu partout mais avec une nette préférence pour les piquets des clôtures. A chaque arrêt, ils entament cette étrange danse consistant en une vacillation sur leurs pattes, de haut en bas et de bas et haut, animation si caractéristique de leur espèce. Les tariers des prés sont les plus indécis, hésitant constamment entre un point le plus bas, sur la pelouse où il trouve pitance, et le plus haut sur un rocher ou un arbre mort, où ils aiment à se retrouver en couple ou à plusieurs pour déguster l’insecte qui a eu la malchance de tomber dans leurs becs. Après ce long entracte ornithologique que Dany a mis à profit pour se restaurer d’une barre de céréales et de quelques fruits secs, nous poursuivons vers Notre-Dame de Coral. Les vues s’entrouvrent sur le vallon du Col d’Ares et du Coral et sur quelques demeures isolées : Coste de Dalt et Can Moulins.  Le chemin toujours aussi simple évite Cal Poubill et atterrit sur une large piste. Cette piste, fraction la plus monotone de la randonnée, c’est celle qui permet de rejoindre la chapelle en voiture depuis la D.115. A pied, cette portion est relativement courte et heureusement nous la quittons assez vite au profit d’un petit sentier, lequel, dans un sous-bois de résineux, descend directement vers l’édifice religieux. Un chevreuil, qui devait y dormir, s’enfuit en détalant, non s’en avoir au préalable joué à l’indiscret. Station et posture suffisantes pour l’immortaliser dans mon numérique. Voilà déjà 8 longues années que je ne suis plus revenu à Notre-Dame de Coral. Depuis mon Tour du Vallespir exactement, et pour Dany c’était un an auparavant lors d'une sortie avec le club de notre commune. Pourtant, le lieu est toujours aussi paradisiaque. Rien n’a changé ou presque, or mis l’aubergiste qui nous fait visiter les lieux et la disparition des deux gros Saint-Bernard qui gardaient l’entrée. Le maître des lieux a changé, mais il est aussi sympathique que le précédent, et les gentils molosses semblent avoir disparus. J’en serais presque à regretter leurs signes d’affection et de bienvenue qui consistaient pourtant en de grands coups de langue si désagréables car si baveux et si collants. Bien sûr, je retrouve avec enchantement la belle chapelle si sobre, ses ornements et ses beaux retables, car si l’Éternel me laisse perplexe, la chrétienté et ses trésors me tiennent à cœur. Je retrouve aussi la salle du restaurant, où j’avais soupé et petit-déjeuné si merveilleusement, étant même surpris d’un rapport qualité prix si séduisant dans un coin si retiré. Mais autant l’avouer, c’est la vue du porche d’entrée et de la fenêtre de la chambre que j’avais occupée qui me laissent le plus de nostalgie. Elles me renvoient toutes deux à un maximum de souvenirs bien plus marquants et liés entre eux d’ailleurs à cause de chats noirs. Ils sont restés fortement ancrés dans ma mémoire. Ce porche où assis sur son perron, j’avais longuement conversé avec une charmante randonneuse de passage, évoquant entre autres les aléas de nos marches respectives, aléas provoqués par la tempête Klaus de janvier 2009, 8 mois auparavant. Elle marchait en étoiles autour de la chapelle et moi, j’en étais à la quatrième étape du Tour du Vallespir qui allait en compter six. Malgré cette différence de programmes, nos difficultés dues à Klaus avaient été sensiblement les mêmes : des arbres couchés entravant bons nombres de chemins et mettant à mal nos organisations et les plans prévus. De cette agréable conversation et de nos difficultés similaires, j’en avais conclu qu’avoir emprunté le col de la Guilla pour venir de Prats-de-Mollo jusqu’ici avait été une sage décision. Pendant que nous parlions, deux chats noirs, aux airs innocents, étaient venus se frotter gentiment dans nos jambes pour se faire câliner. Ces chats noirs, en réalité au nombre de trois, ressemblant si terriblement à ma jolie petite Milie,  avaient été, avec Klaus,  les « chats noirs » de mon périple. Je regardais presque avec obsession, la fenêtre de cette chambre, chambre où l’après-midi, j’avais longuement fait la sieste, récupérant ainsi de mon épuisante étape de la veille entre Saint-Guillem de Combret et Prats-de-Mollo.  Mais cette fenêtre était surtout synonyme d’une tragédie que j’avais vécu en direct le soir venu. Tragédie pour un pauvre petit mulot que ces mêmes chats noirs, si dociles l’après-midi, se lançaient de l’un à l’autre comme on joue avec une balle de caoutchouc.  Entre les griffes de ces horribles matous, aussi noirs dehors que dedans, la petite souris, longtemps vivante et toujours prête à s’échapper, avait fini par abdiquer et devant tant de méchanceté gratuite, j’avais préféré partir me coucher,  incapable d’assister à la fin de  cette exécrable bestialité.  Cet homicide en direct m’avait inspiré un poème. Un poème violent dont la morale était douce pour le mulot et terrible pour les chats (**). Ce poème-là, je l’avais voulu ainsi, bien que la violence et la brutalité n’étaient pas, loin s’en faut,  les subtilités préférées de mes poésies. Mais que voulez-vous ? Je m’étais promis que chaque étape serait l’objet d’un ou plusieurs poèmes selon mon vécu, mon humeur et mon ressenti. Le lendemain matin, je l’avais ressenti ainsi et avant de démarrer l’étape suivante vers Lamanère, les Tours de Cabrens puis Saint-Laurent de Cerdans, je m’étais mis à l’écrire. Une premier jet bien sûr, que j’avais finalisé en rentrant à la maison. A l’instant même où je retrouvais Notre-Dame de Coral, voilà ce que me rappelait ce lieu : de très nombreux souvenirs, certains magiques et d’autres plus amers.  L’aubergiste nous ayant accueilli avec sympathie et prévenance, Dany et moi aurions bien déjeuné au restaurant, étant les seuls clients, mais pour une fin mars, il faisait déjà très chaud et c’était à coup sûr, jeter les salades et le reste du pique-nique qui attendaient sagement notre appétit et notre bon vouloir au fond de nos sacs à dos respectifs.  La table du pique-nique était là, devant l’entrée de la chapelle, alors on fit la promesse de revenir un jour et bien plus vite, sans attendre 8 ans de plus, et l’on se contenta du dépliant annonçant les menus et leurs prix. Le pique-nique terminé, Dany s’est allongée sur un banc pour une sieste improvisée et moi, je suis parti pour quelques photos animalières dont les premières étaient très simples. C'était celles des animaux de la ferme. Ils étaient là tout proches et ne bougeaient pas. Coq, poules, canards, oie et ânons, ces animaux me ramenaient à mon enfance, au temps où le dimanche nous allions en famille, chez mes grands-parents paternels qui habitaient la campagne marseillaise. Animaux sauvages en période nuptiale avec des sittelles et des mésanges qui sautent et piaillent dans les grands arbres et semblent se donner le mot pour déjouer l’objectif de mon appareil photo.  Cette fois, ma patience l’emporte. Il est temps de repartir. Le chemin file devant l’entrée de la chapelle, légèrement sur la droite, sous les grands arbres et en direction de la Font del Coral. Il s’agit du P.R.12 comme indiqué sur un tronc. Il va jusqu’à Prats-de-Mollo mais nous l’abandonnerons bien avant et à hauteur de la D.115. La fontaine Font del Coral se découvre peu après le départ, avec deux petites tables en forme de champignons. En réalité, il s’agit d’une source émergeant d’un muret et sur lequel une plaque de marbre évoque la Vierge et l’enfant. Outre la sculpture, des gravures indiquent « Maria – Bons gratiae » et une date incertaine, sans doute 1948, année où la frontière fut rouverte entre la France et l’Espagne. Notre Dame de Coral connaît de très nombreuses processions depuis fort longtemps et les fidèles sont depuis toujours venus des deux pays. Il n’y a jamais eu de différence car la Catalogne formait un tout et les croyances étaient les mêmes et c’est le Traité des Pyrénées de 1659 qui a scindé la région. La fontaine existait déjà et en 1948, la plaque de marbre a sans doute été l’occasion de rendre hommage à la Vierge et à ses ouailles qui faisaient l’effort de l’honorer en parcourant des kilomètres. Les sources avec leur eau fraîche étaient toujours bienvenues après de si longues marches. D’ailleurs, l’Histoire (*) de Notre-Dame de Coral est assez bien restée dans les annales mais comme très souvent quand il s’agit de religion, elle oscille entre légende et authenticité. Après la source, le chemin file essentiellement en sous-bois puis descend en direction du Ravin du Col d’Ares.  Un ruisseau éponyme s’y faufile, puis il est rejoint guère plus loin par ceux du Vall d’Aques et de Sabric pour devenir le torrent de Coral. A l’endroit où il faut l’enjamber, il est large de deux mètres tout au plus et surtout peu profond, permettant un passage sur l’autre rive relativement aisé en marchant sur quelques gros galets. Ici, commence le début de la déclivité qui doit nous ramener au col d’Arès, soit 500 mètres de dénivelés environ. Toujours en sous-bois, mais au sein de décors assez variés, le bon chemin monte en alternant ravins, hautes falaises calcaires puis vertes prairies, en direction de la Coste de Dalt. Or mis des vaches, des taureaux et des veaux en grande quantité, et qu’il nous faut éviter en zigzaguant pour pallier à toutes réactions aussi soudaines qu'inattendues, le lieu est désert et seule la postière qui est de passage nous délivre un signe d’amitié depuis sa voiture. La bâtisse semble vide mais sans doute que les propriétaires sont bien trop occupés à leurs tâches agricoles. Du coup, on ne fait que passer ne trouvant pas utile de les déranger. Pourtant, si j’en crois ce que j’ai lu sur Internet, il s’agit d’un coin très agréable et très apprécié des visiteurs. La Coste de Dalt fait partie des réseaux « Gîtes de France » et « Bienvenue à la ferme ». Il est vrai que l’endroit est très calme et que depuis la terrasse de biens jolies vues se dévoilent sur la crête frontière du Vallespir, le vallon du Coral et sa chapelle. Nous poursuivons puis nous arrêtons sur l’herbe pour prendre un en-cas et un peu de repos. Ici, je connais l’itinéraire qui nous attend, tout en montée et je pense opportun de recharger les accus. Sous le regard incrédule de quelques vaches, nous repartons mais le P.R 12 nous amène très vite sur la D.115. J’observe mon bout de carte I.G.N pour constater que nous sommes non loin du Pla de l’Espinasse, vaste paradis herbeux pour les chevaux et les bovins et d’une partie boisée du nom d’Homme Mort. Cette dernière appellation me laisse songeur mais correspond-elle à un épisode tragique de cette terrible retraite des républicains espagnols ? On peut seulement l’imaginer. Je reconnais un peu le lieu car j’y suis passé lors d’une balade sur le « Cami de la Retirada » voilà 3 ans. D’ailleurs, un panonceau « Cami de la Retirada » se présente et pour nous, il est désormais synonyme de fin du bitume. Avant et pendant la guerre de 39/45, ce chemin n’avait pas d’appellation et tous les sentiers passant par cette frontière avaient un seul nom : « El Camino de la Libertad ! » Liberté, pour les Républicains espagnols fuyant les exactions de Franco et liberté aussi quand l’offensive allemande de 1940 obligea bon nombre de persécutés et de résistants à fuir la France et le régime nazi. L’itinéraire grimpe sur une pelouse encadrée de pins à crochets, la plupart bien envahis par les chenilles processionnaires lesquelles ont déjà quitté leur nid douillet et s’éclatent avec nous à la queue leu leu.  Quel dommage tous ces arbres qui sont entrain d’agoniser à cause de ces petites bêtes ! Nous atteignons la chapelle ruinée de Sainte Marguerite. Elle a servi de refuge pendant très longtemps à de très nombreux pèlerins et bien évidemment aux réfugiés de 1939. Elle a perdu son clocher et sa toiture est désormais envahie par une végétation hétéroclite, allant de la menue herbe folle au petit pin en passant par les genévriers et des feuillus. Nul doute que les racines de ces arbres auront raison de sa voûte et qu’elle finira par s’effondrer si rien n’est entrepris pour modifier le cours des choses. Pourtant et contrairement à d’autres chapelles bien plus ruinées, une belle restauration semble encore envisageable. Nous laissons la chapelle à ses blessures, montons sur une butte herbeuse où les paysages s’entrouvrent vers un merveilleux Canigou. Toujours en extase devant cette magnificence, Dany en profite pour réaliser quelques postures yogi. Une manière de se relaxer avant d’en terminer. Il est temps de repartir mais comme la déclivité s’accentue, les jambes deviennent plus lourdes et le souffle plus court. Alors, on flâne comme jamais depuis le départ, regardant sans cesse vers ce vallon du Coral toujours aussi captivant et plus amplement vers ce Vallespir dont on ne se lasse pas. Une dernière petite grimpette et le col d’Arès est enfin là. Nous sommes un peu fourbus mais heureux de cette formidable balade. Je le suis sans doute un peu plus que Dany car j’ai réalisé plusieurs rêves : D’abord celui de lui faire plaisir en organisant pour elle cette randonnée dont elle avait tant envie. Ensuite accomplir un bout du Tour du Vallespir que je n’avais pas pu réaliser en 2009.  Retrouver Notre Dame de Coral et quelques souvenirs que j’y avais laissé lors de mon passage. Oui, dimanche dernier, j’avais vu juste, cette randonnée méritait bien d’être réalisée. Elle a été longue de 10 à 11 km pour des montées cumulées de 1.200 mètres, ces deux chiffres étant approximatifs mais sans doute très proches de la vérité, les piles de mon GPS m’ayant lâché dans les derniers kilomètres. Le dénivelé entre le point le plus bas et le plus haut étant de 502 mètres. Le plus haut étant le col d’Ares à 1.513 m d’altitude et le plus bas à 1.011 m au niveau du ravin du col d’Ares. Carte I.G.N 2349 ET Massif du Canigou Top 25.

    (**) L'Histoire de l'ermitage de Notre-Dame de Coral est très bien relatée sur le site de l'Histoire des Pyrénées-catalanes et vous la trouverez en cliquant icimais en cherchant un peu sur Internet, on arrive à trouver d'autres informations très intéressantes sur le lieu El Coral ou bien encore orientées mysticité comme le site de la Société Périllos dont une page est dédiée Sainte Angelina et par ce biais à ce lieu. Rajoutons simplement que l'édifice religieux du 17eme siècle est classé aux Monuments Historiques depuis le 18 avril 1990. Ces annales historiques, nous les devons à plusieurs écrivains de la fin du 19eme siècle et du début du 20eme et notamment à Joan Baptista Moli, abbé de son état et curé de Prats-de-Mollo, lequel en 1871 a écrit un petit ouvrage d'une trentaine de pages intitulé "Récit historique de Notre-Dame de Coral". En 1862, mais sous la forme poétique, Alphonse Blanc écrit un ouvrage intitulé "Le Vallespir et Notre-Dame de Coral" puis en 1925, c'est l'abbé Joseph Gibrat, lui aussi curé de Prats-de-Mollo qui consacre un recueil à l'ermitage. La plupart de ces ouvrages sont épuisés et seulement présents dans de rares bibliothèques. Enfin, il faut savoir qu'il existe une Association pour la Sauvegarde de Notre Dame du Coral, l'A.S.C.O.R. C'est elle qui organise les pèlerinages, aplecs et toutes les manifestation religieuses vers la belle chapelle.Elle a également édité un petit ouvrage en catalan intitulé "L'ermitatge Nostra Senyora del Coral".

     

    (*) Trois petits « Tom » et un pauvre Jerry

    Au cours de la 4eme étape du Tour du Vallespir, je suis arrivé tôt et sans encombre à Notre-Dame de Coral. La 3eme étape, elle, avait été terrible pour mon organisme à cause de chutes provoquées par les conséquences de la tempête Klaus. A l'ermitage, je ne pense qu'à une chose, me reposer et récupérer pour les étapes suivantes. Le soir, alors que je prends le frais à la fenêtre de ma chambre, j'observe trois chats noirs qui jouent avec un pauvre mulot. Comme une balle, ils se renvoient ce pauvre animal. La pauvre petite bête cherche en permanence à s'échapper mais son sort semble déjà scellé. Devant tant de bestialité, je préfère partir me coucher. L'après-midi même, deux de ces trois chats étaient venus se faire câliner et paraissaient si dociles. Ce terrible jeu du chat et de la souris m'amène à écrire cette poésie où j'inverse le dénouement.

     

     

    Trois petits " Tom " jouaient dans le parc ombragé.

    Noirs étaient leurs pelages, leurs esprits, leurs pensées.

    Et ce pauvre " Jerry ", que le diable tirait

    Par une fine queue, était désespéré.

     

    Un homme à la fenêtre regardant ce spectacle,

    Espérait du hasard, une étoile, un miracle.

    Mais la dure nature le fit pleurer soudain,

    Les petits " Toms " noirs étaient des assassins.

     

    Il partit se coucher, sensible à sa faiblesse,

    Les petits " Toms " noirs avaient tant de rudesse.

    Croquer une souris, tel était leur dessin,

    Un " Jerry ", un mulot ce n'est pas un festin.

     

    Puis l'homme s'endormit, mais les rêves l'éveillèrent.

    Sur son lit, un p'tit " Tom " dormait tel un pépère,

    Sans cauchemar aucun, sur ce qu'il avait fait,

    Le " Jerry " dans son ventre avait ressuscité.

     

    Dans leurs songes, ils sautèrent dans le parc ténébreux,

    Le P'tit " Tom " et " Jerry " avaient l'air si heureux.

    Toute la nuit, ils jouèrent jusqu'au petit matin,

    Comme de bons copains, de gentils diablotins.

     

     

    Puis le jour se leva et son lot de tracas,

    Les petits " Toms " noirs cherchaient comme un en-cas.

    Point de pauvre mulot pour leur combler la faim,

    Mais un " Jerry " ailé tel un beau séraphin.

     

    Les Petits " Toms " noirs scrutaient en vain le ciel,

    En quête d'un oiseau, de leurs airs criminels,

    Mais le frêle " Jerry " s'était changé en aigle

    Sur les chats, il tomba emportant le plus faible.

     

    Il faut vivre la vie comme un chat, un mulot,

    Caresser les p'tits " Toms ", ignorer les salauds,

    Et si la vie est dure, croque-là doublement,

    Comme une petit " Jerry " si tendre et si fondant.

     


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  • Ce diaporama est agrémenté de la chanson "La Bicyclette", musique de Francis Lai et paroles de Pierre Barouh

    jouée successivement par les groupes "Paris danse-t-il ?", "Djangology Quartet", "Zazapat" puis chantée par Yves Montand.

    La Voie verte de l'Agly en VTT depuis Rivesaltes jusqu'au Barcarès.

    La Voie verte de l'Agly en VTT depuis Rivesaltes jusqu'au Barcarès.

    La Voie verte de l'Agly en VTT depuis Rivesaltes jusqu'au Barcarès.

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    Il m’arrive de faire du vélo. J’ai un V.T.T. Le plus souvent, c’est pour faire des courses. Enfin pas des courses cyclistes, non des emplettes et éviter de prendre la voiture. Je l’enfourche aussi pour partir dans la garrigue, appareil photo en bandoulière. J’aime bien. C’est bon pour la santé et c’est écologique. Mais si j’aime bien le vélo, en vélo, je n’aime pas « faire la roue ». Faire la roue au sens figuré bien sûr. Faire le paon.  Pour moi, « faire la roue », c’est crâner en vélo, c’est foncer, faire du chrono, descendre à tout berzingue sur des pentes caillouteuses ou boueuses comme j’en vois parfois « s’éclater » à cette discipline. C’est le cas échéant se mesurer aux autres pour montrer qu’on est le plus rapide. C’est plastronner. Je conçois, mais aujourd’hui, j’abomine. J’ai un peu pratiqué mais ce n’est plus ma « tasse de thé ». Enfin maintenant et vu mon âge, car bien évidemment, j’ai connu ça aussi quand j’étais un peu plus jeune. Il fut un temps où je courais derrière mon fils. Il est passionné de VTT. Je me souviens d’une mémorable traversée des Albères en VTT, depuis le Pic Néoulous jusqu’à Banyuls-sur-Mer. J’étais arrivé sur les rotules et ce d’autant que la veille, nous venions de finir une longue randonnée sur 2 jours autour du Pic des Tres Estelles. C’était en 2006. Aujourd’hui, avec 11 ans de plus, je serais bien incapable de répéter ce type de challenges. Alors bien sûr quand le projet m’est venu d’aller parcourir « la Voie verte de l’Agly » depuis Rivesaltes jusqu’au Barcarès,  en VTT et non pas à pied ; une fois n’est pas coutume ; loin de moi était l’idée de le faire en fonçant ou en cherchant à établir un record. Non, d’abord parce que je ne le pourrais pas, mais surtout parce que mes objectifs étaient tout autres et multiples. Mon premier était bien sûr d’aller découvrir ce qu’était réellement cette « Voie verte de l’Agly », filant de la commune si célèbre pour son muscat et son « Babau » jusqu’à la  Méditerranée. Si je fais abstraction du Canal de la Robine, déjà réalisée en VTT puis lors d'un périple pédestre de 3 jours sur le Sentier du Golfe Antique, la seule  « voie verte »  que j’avais empruntée jusqu’à présent était celle entre Barbotan-les-Thermes et La Bastide d’Armagnac, une quinzaine de kilomètres que j’avais accompli à pied, enjambant ainsi et sans le savoir la frontière entre les départements du Gers et des Landes. Epreuve assez facile car essentiellement plane, se prêtant parfaitement à la marche à pied et à la flânerie, et ce d’autant que le soir venu, Dany qui effectuait sa cure annuelle à Barbotan était venue me rechercher en voiture au terme de cette belle expérience. C’était en 2006 et j’en gardais que de très bons souvenirs, à cause de la faune très présente ; oiseaux, papillons, chevreuils notamment ; et de la verdure quasi permanente et assez exceptionnelle que cet itinéraire d’une simplicité enfantine empruntait. Simplicité par le fait même que le tracé était une ancienne voie ferrée, donc facile à suivre, avec tous les aspects ludiques que cela comportait. Cette fois-ci et bien que le fil conducteur ne soit plus une voie ferrée mais le fleuve Agly, je n’espérais pas moins de découvertes et de plaisirs. Voilà quel était mon état d’esprit et le premier de mes objectifs. Mon second était de passer un bel après-midi au grand air avec arrêt goûter en cours de route.  Mon troisième était d’aller prendre un « pot » ou une glace à la plage, et plus si affinités avec la mer et la température de son eau. Ensuite, mes autres visées seraient fonction du bon vouloir de la nature. Aller photographier les oiseaux bien évidemment ; j’en espérais beaucoup à cause de la proximité de l’Agly ; ce fleuve dont j’ai toujours adoré les quelques rives parcourues. En randonnée j’entends, car je ne compte plus le nombre de sorties où son lit a servi d’écrin voire de perspectives à de jolies balades. Tapez "Agly" dans la rubrique "recherche" de mon blog et vous verrez les résultats. Long de 81 km,  sa source, en réalité une résurgence, naît au sein d’une petite grotte située au pied du mythique Pech de Bugarach. Elle est visible au bord de la D.14 entre le col de Linas et le hameau de Camps-sur-l’Agly. La rivière est ensuite alimentée par de nombreux ruisseaux secondaires, son débit s’amplifie, et tant bien que mal, elle se fraye un chemin dans les abyssales gorges karstiques de Galamus. Elle se calme quelque peu à Saint-Paul de Fenouillet, bouillonne à la Clue de la Fou, puis un peu cernée par une kyrielle de « serrats », elle zigzague longuement avant d’être en partie capté par l’aqueduc d’Ansignan puis carrément freinée puis bloquée par le barrage de Caramany. Là, on en maîtrise son débit lors des crues, mais le plus souvent, on la laisse tranquille, et de ce fait,  la rivière poursuit sa course assez paisiblement jusqu’à la mer, irriguant au passage d’innombrables terres et villages plus ou moins limitrophes : Rasiguères, Planèzes, Latour-de-France, Estagel, Cases-de-Pène, Espira, Rivesaltes, Claira, St-Laurent-de-la-Salanque, Torreilles, Le Barcarès, pour ne citer que les plus proches. Ces 5 derniers villages sont ceux que l’on peut découvrir sur la Voie verte, à condition de faire le choix de la quitter. Je n’ai pas prévu de le faire car une journée entière serait sans doute nécessaire. Après avoir programmé Rivesaltes et le Cami Saint Martin sur mon G.P.S de voiture, il n’est pas encore 14h quand je gare ma voiture au bord de ce chemin. Je sors le vélo du coffre de la voiture et j’harnache immédiatement mon petit sac à dos. Aujourd’hui, il est ultra léger et son contenu se résume à un camelback avec 2 litres d’eau fraîche, quelques biscuits, une pomme, une orange, deux barres de céréales et tout le menu matériel indispensable à une virée proche de la civilisation : papiers d’identité,  porte-monnaie, carte bancaire et téléphone portable. Les cloches de l’église de Rivesaltes résonnent. Il est 14h tapantes et me voilà déjà entrain de pédaler direction Le Barcarès. Je n’ai pas fait 100 mètres qu’une ribambelle de passereaux s’envolent d’un champ et viennent se percher sur des câbles électriques. Des alouettes lulu, reconnaissables à leurs pattes avec leur griffe postérieure démesurée. L’appareil photo entre en action et moi, je marche déjà à côté de mon vélo car les oiseaux se succèdent presque sans interruption. « A ce rythme-là, j’arrive à Barcarès dans trois jours » me dis-je ! Je décide de ne plus m’arrêter jusqu’à atteindre l’Agly. Mais la rivière est déjà là, toute proche, coupée par un passage à gué qui se trouve sur ma droite. Je m’y dirige. Des oiseaux sont là aussi dans de grands arbres, mais avec un ballet incessant de voitures, ils ne tiennent pas en place. Je repars. La signalisation de la «Voie verte» » est parfaitement présente et après un passage sous l’autoroute « la Catalane » et quelques coudes et tunnels permettant d'esquiver la Nationale 9, j’arrive enfin sur cette fameuse « Voie verte ». Quasi rectiligne, son revêtement est un enrobé très lisse. Je me dis que ça va être un vrai plaisir que d’y rouler dessus, et ce d’autant, que la voie est large de 3 ou 4 mètres, et parfaitement sécurisée grâce à de solides rambardes en bois qui l’encadrent de chaque côté.  L’Agly est là, sur la droite. Un panneau vient d’annoncer la couleur : «Voie verte de l’Agly – Rivesaltes – Le Barcarès – Commune de Rivesaltes – 13 km – Conseil Général ». Merci à lui. Quelques mètres plus loin, un autre panneau explique que cette voie est en réalité une digue permettant d’améliorer le lit de la rivière lors des crues et de préserver la qualité écologique de ce milieu sensible. J’approuve. Sur la gauche, il y a des vignobles puis le centre commercial de Claira apparaît. Un groupe de coureurs me dépasse sans coup férir. Des sprinteurs qui « font la roue » et se la suce, comme on dit dans le jargon cycliste. Moi, la seule chose qu’il m’arrive déjà de sucer, c’est la canule du tuyau de mon « camelback » d’où jaillit une eau glacée, toujours bienvenue car il fait déjà très chaud. Je suis souvent sur mes deux jambes, hésitant entre photographier des corvidés qui occupent les vignes, et des cormorans le lit de la rivière. Les corvidés s’envolent et assez paradoxalement s’approche de la rivière. Des corneilles. Guère plus loin, c’est un héron. Très craintif. A mon approche, il s’envole, malgré les précautions que j’ai prises pour tenter de me dissimuler. Les cormorans sont les plus présents. Je dépasse une jeune femme qui marche à pied. A cause de mes arrêts aussi imprévus que fréquents, nous nous dépassons à tour de rôle. Au bout d’un instant,  intriguée par mon « manège », la conversation s’installe car curieuse, elle se demande ce que je peux bien photographier. Sur l’écran de l’appareil, je lui montre les oiseaux que je viens de capter et elle paraît très étonnée de la puissance du zoom. Elle travaille au centre commercial et rentre chez elle à pied, habitant près du village de Claira. Je suppose qu’elle travaille chez un parfumeur car malgré la chaleur, elle est très bien maquillée et embaume sa présence d’une agréable fragrance. Je repars. Les vignes ont laissé la place à d’immenses vergers magnifiquement fleuris. Blancs ou roses, les champs se succèdent parfois entrecoupés de nouveaux vignobles. Sur ma droite, j’aperçois une jolie chapelle. J’y file et pour cela, sors de la «Voie verte». Mon bout de carte I.G.N m’apprend qu’il s’agit de la Capella Sant-Père ou Saint-Pierre. Elle est fermée mais pour ma satisfaction et celui de mon appareil photo, de nombreux pinsons en occupent les grands pins qui l’entourent. Je réussis une seule photo. Je repars, non sans avoir photographiés d’amusants tags peints sur un « casot » qui se trouve au bord de la voie. Les oiseaux se succèdent mais ce ne sont pas toujours ceux que j’avais escomptés. J’avais imaginé un peu plus d’oiseaux « aquatiques » au fil du parcours mais après le héron, je vais me contenter de deux aigrettes et de quelques colverts. Le retour sera plus singulier. Mais peu importe, j’aime tous les oiseaux. Coucous geai et huppe fasciée seront les plus beaux car les plus originaux à photographier mais il y aura aussi des serins, un troglodyte, des chardonnerets, des pinsons, des pouillots, des pipits, des alouettes et des bruants, tous plus chantants les uns que les autres mais pas toujours faciles à immortaliser. La patience est de mise et le vélo est parfois encombrant. Il va en être ainsi sur tout le trajet, aller et retour. Un couple de colverts joue dans la flaque boueuse que les pluies des jours précédents ont laissé en bordure d’une vigne. Ma présence les indiffère, tant ils sont en permanence le bec dans la boue à chercher pitance, surtout la femelle, le mâle est plus enclin à me surveiller du coin de l’oeil. A cet endroit, d’autres colverts préfèrent l’Agly tout comme un ragondin qui traversera le fleuve lors du retour. C’est le seul que je verrais.  De nombreux cyclistes continuent de me doubler et j’en vois même un, ultra rapide, qui est déjà sur le chemin du retour. Un champion sans doute, qui m’a doublé dès le départ du Cami Saint-Martin et le voilà déjà dans l’autre sens.  Puis c’est autour d’une jolie « championne » de me dépasser. Surgissant dans mon dos, je ne l’ai même pas vu arriver. A une vitesse incroyable, elle me dépasse sur des rollers, écouteurs d’un baladeur sur les oreilles. Elle patine magnifiquement bien et d’une manière chaloupée, eurythmique et régulière. Sa superbe silhouette et son mini short blanc très moulant ne sont pas étrangers à autant d’harmonie. Le Barcarès, 8,3 km indique un panonceau. Rivesaltes 6,7 km. Je file jusqu’aux indications suivantes et m’arrête peu après pour le goûter. Joli prétexte car à cet endroit, un étroit sentier descend vers la rivière dont les alluvions forment des grèves de sables et de graviers relativement accessibles. Accessibles mais bien trop béantes pour qu’un photographe animalier puisse y trouver un vrai bonheur. Malgré ça et par chance, je réussis à y photographier un troglodyte mignon et un rougequeue noir jouant sur des tas de bois flottés et une aigrette garzette perchée au sommet d’un grand arbre, mais je prends le temps de goûter au calme et à mes biscuits. Claira, Saint-Laurent-de-la-Salanque, Torreilles, les jolies communes roussillonnaises vont se succéder de part et d’autres de la voie. Elles sont peu éloignées et à seulement quelques coups de pédale de la «Voie verte»  mais comme je continue à flâner à outrance, j’estime qu’il ne serait pas raisonnable d’aller m’y perdre et ce d’autant, qu’outre les oiseaux, il y a toujours quelque chose à découvrir sur ce parcours : flore et papillons par exemple. Et quand ce n’est pas le cas, je n’hésite pas à laisser mon vélo contre la balustrade pour descendre sur les berges de l’Agly, toujours en quête de l’avifaune qui occupe sa végétation et les roselières notamment. A hauteur de Saint-Laurent-de-la-Salanque, des travaux m’obligent à emprunter un pont sur la D.11 et à basculer sur l’autre rive du fleuve. La piste est moins lisse et donc beaucoup moins roulante que la «Voie verte» mais elle m’offre d’autres paysages, d’autres foyers d’intérêts.  Ici, les champs sont beaucoup plus consacrés au maraîchage et notamment à la culture de l’artichaut ou de la salade. Autres cultures, autres oiseaux, avec des corbeaux, des pies, des étourneaux et des pigeons. Bien trop loin pour les photographier correctement, un groupe de choucas occupent d’imposantes ruines du côté de Torreilles. Au retour, je vais avoir la chance de photographier un héron garde-bœufs non loin de là, volatile solitaire plutôt rare et sans doute était attiré par les atouts gastronomiques d’un labourage récent. Au pont suivant, celui sur la D.81, la «Voie verte» devient à nouveau libre. Je m’y dirige. Les travaux sont là sous la forme de deux grandes pelles mécaniques qui débroussaillent les berges de l’Agly et arrachent notamment les cannes de Provence, plantes envahissantes qui freinent son écoulement. Quel n’est pas mon étonnement de voir que de nombreux cyclistes et marcheurs sont passés outre l’interdiction et côtoient les engins sans trop de prudence. La mer n’est plus très loin et trois éléments m’en apportent l’intime conviction. Le lit de l’Agly qui s’est bien agrandi et un peu plus loin à hauteur du Mas de la Torre, les premiers palmiers et les premiers goélands lesquels accompagnés des mouettes rieuses occupent une grève au milieu même de l’Agly. Dans quelques recoins du fleuve, chaque espèce semble avoir trouvé le biotope qui lui convient : les cormorans d’un côté, les foulques de l’autre et les goélands et les mouettes au milieu. Surprise de ma présence, une poule d’eau plonge pour rejoindre les roselières. Je n’en verrai que deux mais celle-ci, la première, échappe à mon objectif photo. Au retour, une deuxième sera plus conciliante. Un panneau mentionnant le dernier kilomètre transforme ma conviction en certitude. L’embouchure de l’Agly est là, très large mais presque quasiment obstruée par un long bras de sable. En quête d’un frugal repas, quelques mouettes rieuses arpentent les rives de ce bras et l’autre berge du fleuve. Mon insistance à vouloir les photographier les vont s’enfuir vers d’autres rivages. Sur la gauche, les premiers campings. Ici, j’ignore pourquoi, les poteaux des balustrades qui encadrent la «Voie verte» servent de nids et de repaires à d’innombrables « tarentes de Mauritanie ». Chaque poteau a sa tarente voire plusieurs. Petites, moyennes ou grandes, il y en a bien plus que de baigneurs sur la plage. Si les seconds sont moins nombreux, les deux espèces aiment le soleil et leur couleur bronze est déjà quasiment similaire.  La plage est là, presque sans fin, sur la droite et sur la gauche, quasiment vide mais ponctuée par des barres d’immeubles de loin en loin. Quelque rares « lézards » occupent les dunes.  Dans un premier temps, je file vers le centre de Barcarès mais les quelques terrasses des bars ouverts sont déjà bien bondées. Je n’ai pas envie ni d’attendre ni d’aller jusqu’au port, alors en désespoir de cause j’abdique, fais demi-tour  et tente d’oublier la bière ou la glace un instant convoitées. Parfois, je me surprend à autant de volonté vis-à-vis de cette « maudite » gourmandise qui me poursuit depuis mon enfance et enrobe de couenne mon épiderme. « Mais non, tu n’es pas gros, tu as simplement la peau épaisse ! » comme l’exclamait un ami cher qui me voulait du bien et se voulait rassurant. Aujourd’hui, aucune raison de prendre un gramme supplémentaire ! Absents de la plage, les touristes sont bien trop présents dans le centre de Barcarès malgré une saison estivale encore bien éloignée. Pas vraiment tous des vacanciers sans doute mais le beau temps et le chaud soleil a également fait sortir quelques roussillonnais de leurs « pieux », comme les tarentes des leurs. Je repars vers le delta de l’Agly, me déchausse et file dans l’eau pour un bain de pied. Il est si raffraichissant que je me contente de ça aujourd’hui. Il faut dire que je suis le seul fou à vouloir tenter cette expérience. Je repars vers la « Voie verte ». Un rouge-queue noir sautille sur les rambardes et les ganivelles. Exagérément joueur, il semble disposé à une partie de cache-cache dont je n’ai pas vraiment envie, car lui courir derrière, vélo en main, n’est pas la meilleure façon pour se livrer à la photo ornithologique. Je n’insiste pas d’autant que j’estime que le temps du retour est arrivé. A l’instant même où je repars vers Rivesaltes, une jeune cavalière juchée sur un magnifique pur-sang me coupe le chemin. Sur mon vélo minable, je joue au « chevalier galant » et la laisse passer non sans lui avoir demandé l’autorisation de la photographier. Elle acquiesce. La jeune fille à une belle prestance malgré son très jeune âge. Monture superbe et amazone pleine d’assurance, voilà sans doute les plus beaux clichés de la journée. Ils pourraient presque suffire à mon bonheur d’avoir accompli cette « Voie verte » de l’Agly ». Que dire du retour sinon que pris par le temps, je vais appuyer un peu plus sur les pédales sur les portions les plus monotones, mais jamais au point de « faire la roue ». Oiseaux, papillons, chèvres, chevaux, paysages, tout est encore prétexte à mon penchant pour la flânerie et il est 18h30 quand j’atteins le passage à gué de Rivesaltes, près du centre équestre Saint-Martin. Le soleil déjà au ponant mais encore bien éclatant vient coucher quelques rayons dans le lit de la rivière. Un pêcheur lance son leurre sur ce drap étincelant. Il mouline et le fil qu’il ramène en douceur donne l’impression que l’étoffe scintillante va s’effilocher en des millions d’étoiles. Mais non, rien ne se passe. Le fil bredouille, au sens propre et au sens figuré, et coupe simplement la lumière. Rien d’autre ne bouge sauf quelques ramiers et cormorans qui s’envolent à tire d’ailes et à tour de rôle. Ils planent dans de courtes circonvolutions et reviennent se poser sur leurs lignes de départ respectives, grands arbres pour les premiers ou berges de la rivière pour les seconds. Je profite de ces belles images. A l’extrémité d’une branche, et sans doute au sortir d’un bain, une alouette lulu vient faire sécher ses ailes. Elle s’ébroue, gratte du bec son plumage et sors de ce toilettage toute ébouriffée. Finalement, elle reprend sa position bien au soleil. J’ai tout le loisir de l’immortaliser. Un peu plus loin, juché dans un platane, un choucas semble m’observer de son regard sévère. Mains non, il regarde dans le vide et se laisse photographier sans bouger. Quelles visions merveilleuses de la nature ! Quelles images reposantes qu’il me faut quitter à regrets ! Cette balade en VTT est allée bien au-delà de mes desseins. Une fois encore, j’ai eu de la chance car l’avifaune a été plus que présente et le grand beau temps de ce jour de printemps a facilité les photographies. Passereaux, corvidés, échassiers et oiseaux marins ont pu être immortisalisés. Je suis ravi car c’était l’objectif le plus incertain. Aller et retour, cette balade cycliste a été longue d’environ 30 km. Il faut y rajouter un ou deux kilomètres qui m’ont amené dans le centre de Barcarès. Je l’ai accompli en 4h50, arrêts inclus. Ils ont été nombreux, très nombreux et mon temps n’est donc pas une référence fiable. Un peu plus de 6 km/h, le temps d’un marcheur correct, pas d’un extra-pédestre. Si vous « faites la roue », vous pouvez aisément en mettre 3 ou 4 fois moins ! Mais quel dommage de foncer et de ne pas profiter de cette nature et de toutes ces découvertes qui vous seront offertes ! Si vous désirez des renseignements complémentaires concernant cette « Voie Verte de l’Agly » et ses prolongements, il existe un site Internet bien documenté : :

    http://www.af3v.org/-Fiche-VVV-.html?voie=179

    Enfin, si vous voulez connaître toutes les "voies vertes" de France, le mieux est de vous rendre sur le site de l'Encyclopédie Wikipédia en cliquant ici.

    Carte I.G.N 2548 OT Perpignan - Plages du RoussillonTop 25.


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     Diaporama sur la chanson de Marcel Mouloudji "Un jour tu verras", musique de Georges van Parys, jouée ou interprétée successivement par Franck Pourcel et son orchestre, Marcel Mouloudji, Yves Dunot et le Harfonia Danse Orchestra et le groupe Odeia avec la voix d'Elsa Birgé.

    La Roche gravée de Fornols et autres découvertes depuis Campôme

    La Roche gravée de Fornols et autres découvertes depuis Campôme

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    « La Roche gravée de Fornols (*) et autres découvertes depuis Campôme (**) », voilà le titre de cette nouvelle randonnée. Une nouvelle randonnée que cette fois j’ai tenté de préparer au mieux et en tous cas, pas avec la légèreté et l’improvisation comme la précédente sur les «Chemins Ruraux de Serralongue».  De ce « rocher gravé de Fornols-Haut » ; son titre cadastral exact ; je crois que j’ai lu tout ce qu’il était possible de lire sur Internet, mais pour être franc, l’envie de venir la découvrir avait démarré bien avant, avec la lecture il y  a trois ans du livre  « Autrefois des hommes…..préhistoire du pays catalan » dont l’auteur n’est ni plus ni moins que l’« inventeur » de cette roche, l’archéologue Jean Abelanet qui l’avait découverte en 1983. Dans la foulée, et pour la connaître un peu mieux, j’y avais rajouté la lecture d’un vieux numéro d’ « Archéologia » de 1987, c’est dire si le sujet me fascinait.  Pour moi, cette roche gravée, c’était presque devenue la « Lascaux » des Pyrénées-Orientales. Si j’ai tout lu, délaissant les aspects trop scientifiques pour moi, j’ai surtout retenu qu’il s’agit « du seul témoignage connu d’art paléolithique de plein air sur le territoire français et l’un des rares en Europe… » dont les moulages des différents tracés ont laissé apparaître « 17 représentations animales et 23 figures géométriques (chevrons, zigzags, réticulés, clatriformes », voilà le résumé « accessible » qu’en fait l’Encyclopédie Wikipédia. Le site précise que les espèces animales les plus présentes sont le bouquetin et l’isard mais qu’on y trouve aussi des oiseaux comme le vautour fauve et bizarrement un grèbe castagneux, oiseau aquatique par excellence, alors que tous les spécialistes s’accordent à dire que cette roche a toujours été située dans une zone aride voire quasi désertique. Faut-il pour autant imaginer que les dessinateurs paléolithiques s’y cantonnaient ? Ils devaient bouger je suppose, selon les saisons et les déplacements des animaux qu’ils pourchassaient. Les autres sites Internet m’ont apporté divers renseignements utiles comme les coordonnées « probables » de son emplacement, (je vais partir avec plusieurs !)  ou bien l’heure idéale à laquelle il est préférable de la découvrir afin qu’apparaissent au mieux les rainures formant les gravures rupestres. Enfin, j’ai trouvé un site où les emplacements des différentes gravures, et notamment les plus visibles, sont précisés, dessins et indications à l’appui.  Pour tout le reste et notamment les détails trop techniques, s’ils m’intéressent, j’avoue qu’étant un profane en archéologie, ils ne m’apparaissent pas essentiels à la visite que j’ai l’intention de programmer. Voilà quel est mon état d’esprit quand je m’apprête à partir découvrir cette « fameuse » roche gravée de Fornols. Bien évidemment, je sais que les gravures sont peu évidentes à déchiffrer pour un œil non exercé comme le mien mais tant pis, j’ai envie d’aller voir comment les chasseurs ou les bergers du temps jadis se transformaient en artistes naturalistes, voire avant-gardistes à leurs heures perdues. Et puis, outre cette roche, mes lectures m’ont appris et démontré que bien d’autres explorations étaient possibles autour du lieu-dit Fornols et sur un périmètre un peu plus large intitulé le « Pla de Vallenso » dont j’ai déjà eu l’occasion de vous parler à maintes reprises dans mon blog. Jugez plutôt ! Orri de Carmajou, plusieurs orris pagode vers Montsec et Fornols, nombreuses roches à cupules ou avec de croix néolithiques, chapelle ruinée de Saint-Christophe de Fornols, ruines du château de Paracolls, sans négliger quelques cortals « oubliés » et les trouvailles imprévues toujours possibles dans ce secteur très riche « préhistoriquement » parlant. Enfin, il y a Campôme, qui mérite sans doute mieux qu’une visite au pas de charge.  J’ai donc dessiné un circuit me permettant de voir déjà tout ça et pour ceux qui voudrait en voir bien plus encore, comme par exemple la chapelle Sainte Marguerite de Nabilles, les roches gravées du Roc de les Creus ou de Conat (Camp de la Coume) tout est possible aussi, à condition de rallonger cette boucle déjà bien longue. Le 10 mars au matin, me voilà à Campôme garant ma voiture sur une aire de pique-nique au bord de la rivière La Castellane. Il est 10h30. La météo est excellente. Comme prévu, je pars visiter le village, pas vraiment au pas de charge ; ce n’est pas mon rythme ; mais avec déjà dans la tête la liste des autres découvertes à venir. Comme elles sont nombreuses, je ne veux pas m’éterniser ici. Petites ruelles pavées, église, placettes, sculptures, linteaux gravés,  fontaine, padris, oratoire, fours à pain traditionnels, j’essaie de découvrir un maximum de choses sans pour autant lambiner et j’en ressors un gros quart d’heures plus tard. La dernière ruelle m’amène sur le Cami d’En Paroll, avec lequel mon tracé G.P.S, une fois n’est pas coutume, semble parfaitement d’accord. Je poursuis ce « cami ». Rapidement et grâce à des panonceaux en bois, les directions se précisent : « Fournous et Paracolls » d’un côté et « Roqueplane » de l’autre. En « Fournous », bien évidemment,  j’imagine qu’il faut lire « Fornols » et je continue donc cette route asphaltée, en réalité, c’est déjà la piste DFCI C015, que j’aurais l’occasion de retrouver dans la journée. Au sommet d’arbres effeuillés, quelques passereaux printaniers stimulent ma passion de la photo ornithologique. D’autres oiseaux s’empiffrent d’insectes dans les arbres fruitiers amplement fleuris. Plus haut, le chemin coupe le canal de Campôme irriguant les champs du village. Capté dans la Castellane, il faut sortir de l’itinéraire et partir sur la droite pour aller le découvrir. Une plaque carrelée en explique son cheminement, lieux-dits à l’appui. Long de 2 km, il a été maçonné en 1953 mais son origine est sans doute beaucoup plus ancienne puisqu’un acte de 1300 fait déjà référence à son éventuelle construction. Je retourne sur mes pas et retrouve les panonceaux « Fournous » et « Paracolls » ainsi qu’un panonceau directionnel de randonnée m’indiquant « N°7-Orri de Carmaju-1h50 ». Voilà le bon sentier à prendre et avec cet orri, la première découverte qui est prévue au programme ! Sur la droite, un sentier entre dans un petit bois de chênes rouvres puis s’élève aussitôt dans un type de garrigue que je connais bien car c’est la même que celle que j’emprunte à longueur d’années sur la solana d’Urbanya. A vol d’oiseau, il est vrai que les deux lieux sont peu éloignés, 6 à 7 km tout au plus. Chênes rouvres, verts et kermès, bruyères, genêts à balais et oroméditerranéens, spartiers purgatifs, romarins, thyms, cistes à feuilles de laurier, ronciers, prunelliers et quelques petits pins d’Alep chétifs et épars composent l’essentiel de la végétation. L’élévation immédiate offre de jolies vues sur Campôme et plus amplement sur une belle portion de la Vallée de la Castellane. Comme souvent dans le Conflent, de  vieilles terrasses le plus fréquemment effondrées laissent imaginer une vie rurale antérieure.  A l’instant même où cette élévation faiblit puis se stabilise par endroits, ce sont des paysages plus vastes qui se dévoilent : merveilleux Canigou enneigé, forêt de Cobazet aux essences et aux couleurs partagées, et enfin Mosset, que les arbres ont la délicatesse de laisser entrevoir à travers leurs branches, comme pour nous dire « regardez-le, il est là notre plus beau village de France ! » Au dessus de Mosset, quelques crêtes me rappellent de bien jolies balades : Roc des 40 croix et pic del Rossello par exemples. La garrigue disparaît soudain et laisse la place à un bois de résineux où se mêlent pins et cèdres, tous plutôt petits et de la même taille et dont on comprend qu’ils sont le résultat d’une plantation qui n’a rien de naturel. L’orri de Carmajou est là, blotti au sein de ce boisement. Tout en rondeur, sauf son toit plutôt aplati, avec néanmoins une légère éminence en son centre, il est quasiment parfait. Moi, qui à ma maison d’Urbanya, me suis essayé à l’édification de quelques murets en pierres sèches, je suis toujours émerveillé d’une telle perfection dans ces pierres amoncelées et emboîtées les unes aux autres. Ce travail manuel au cordeau, j’ai constaté de visu que des artisans étaient encore capables de le faire de nos jours mais je suppose qu’ils sont rares et ce savoir-faire va sans doute se perdre au fil du temps. Dommage ! Une date gravée sur une pierre nous indique son édification : 1932. Quelques photos de l’ouvrage et je repars. Une large piste forestière se présente très vite avec un panonceau mentionnant la « Chapelle Saint-Christophe ». Je poursuis la piste vers la gauche dont je sais qu’elle est mon fil d’Ariane sur quelques kilomètres encore. Quand à la chapelle, malgré une nouvelle mention et son inscription au programme, j’estime qu’il est encore bien trop tôt pour partir vers elle. J’ignore toutes les intersections et reste sur la piste principale, la DFCI C010, celle que j’ai enregistrée dans mon G.P.S. De vastes panoramas se sont entrouverts vers la Vallée de la Têt et toujours vers un seigneur Canigou qui bagarre au soleil le titre de « roi de l’éblouissement ».  Sous mes pieds, de longs cortèges de chenilles processionnaires divaguent en tous sens. J’évite de les piétiner malgré les blessures irréversibles qu’elles occasionnent aux arbres. Pas vraiment surprenante cette profusion de chenilles car la plupart des résineux sont envahis de leurs cocons, horribles barbes à papa auxquelles il vaut mieux éviter de se frotter.  Heureusement ces voraces et nomades chenilles, ne sont pas les seuls animaux. Oiseaux, quelques papillons et même un écureuil plutôt craintif viennent divertir cette portion un peu « longuette » de l’itinéraire. Sans doute pas assez longue car je me débrouille pour la poursuivre bien au delà de l’itinéraire prévu. Heureusement que je connais bien ce coin et la vue de la Chapelle Sainte Marguerite de Nabilles au loin et en contrebas me fait prendre conscience de mon erreur. J’enjambe une barrière, coupe à travers bois et retrouve très vite un immense champ où le tracé de mon G.P.S se superpose parfaitement à l’alignement que forme une longue clôture. Je connais d’autant bien ce secteur que je l’ai déjà emprunté lors de précédentes balades : à la Roche gravée de Conat et au Roc de les Creus notamment. En réalité, il s’agit d’un simple raccourci évitant les sinuosités de la  piste descendant vers le Pla de Vallenso, Montsec puis Llugols et le cas échéant un peu plus loin vers Prades. Tous ces chemins et sentiers ainsi que les pistes n’ont plus aucun secret pour moi tant je les ai empruntés à diverses reprises, le plus souvent à pied mais une fois en V.T.T aussi, depuis le col de Jau. Si je les ai empruntés, c’était toujours avec des objectifs précis ou bien lors de mon Tour du Coronat de 2007, mais dans ma tête, une chose est sûre : j’ai la certitude de ne pas avoir tout découvert ! Ici, au dessus de Llugols et à proximité de Montsec, je sais par exemple qu’il y a des orris en forme de pagode et quelques roches gravées que je n’ai jamais eu le temps d’aller explorer, celle de Fornols en fait partie mais il y en a quelques autres aussi pour lesquelles j’ai réussi à me procurer les coordonnées géographiques. Le Pla de Vallenso est là. De nos jours, c’est une zone d’estives pour bovins et ovins avec la présence de quelques enclos. Je me trouve sur sa partie la plus plane, mais la région est vaste et broussailleuse, zébrée par des pistes et esquissée de rares champs et de nombreuses zones de reboisement. La vue porte très loin et jusqu’à la Méditerranée. Grâce aux coordonnées relevées sur le Net, je découvre assez aisément les deux orris recherchés. Ils ont en effet cette forme en pagode plutôt insolite et inhabituelle, qu’on ne trouve pratiquement qu’ici, quant aux cupules, elles sont creusées au pied d’un étrange rocher dressé comme un menhir. Il est planté là,  superbe car faisant face au Canigou. Fruit d’un hasard géologique ou élévation humaine ? On est en droit de se poser la question tant il est le seul rocher debout dans ce paysage où toutes les autres roches sont essentiellement planes. Grâce à la découverte plutôt rapide de tous ces lieux et vestiges, j’ai gagné du temps pour vaquer à d’autres plaisirs. Alors j’en profite pour m’essayer à quelques photos ornithologiques. Ici, les rouges-queues noirs et les pipits sont les plus nombreux et donc les plus faciles à photographier. La proximité d’une source boueuse fréquentée par un troupeau de vaches n’est pas étrangère à cette présence. Mais il y a aussi des fauvettes, des tariers, des gobe-mouches, des pies-grièches et de rares pouillots, beaucoup plus dynamiques et bien plus compliqués à immortaliser dans mon numérique car les ronciers leur servent d’habitats de proximité. Ce gain de temps à courir derrière des oiseaux m’entraîne vers d’autres trouvailles inattendues et c’est ainsi qu’ayant enjambé une clôture, je découvre un autre orri pagode, inédit celui-ci, « temple pastoral rustique » mais probablement peu utilisé car envahi par les ronciers. Il est situé près d’un immense cortal ruiné, lequel lui aussi, a perdu depuis longtemps toute fonction agro-pastorale. Une autre roche gravée de cupules se présente. Juste à côté, il y a un étrange regroupement de pierres dont certaines sont dressées vers le ciel comme d’énormes canines pointues encadrant d’autres roches gisant au sol.  Tout ça est si peu naturel qu’on voit bien qu’il s’agit d’un ouvrage, abîmé  certes, mais séculaire à coup sûr. Antique chemin pavé ? Ancienne enceinte dévastée délimitant une parcelle ? Vaste dolmen effondré comme il y en a tant et tant dans ce secteur ? Autre type de sépulture ? Il y a un tel désordre pierreux que seul un vrai spécialiste pourrait sans doute me le dire. Cela est d’autant plus étrange que mes pérégrinations suivantes en direction d’un « correc », celui de Vallauria, m’entraînent vers des vestiges et des rochers aux similitudes « incroyables ».  Mêmes roches dressées et pointues encadrant d’autres roches gisant à terre, quantité incroyable de cupules, encoches et rainures patinées aux formes géométriques inhabituelles et incertaines. Si tout cela étonne l’archéologue en herbe que je suis, je suppose que cette zone ayant été maintes et maintes fois prospectée par nombre de vrais spécialistes, toutes ces découvertes sont d’un intérêt mineur puisque mes lectures n’en font que de simples signalements sans plus de précisions. Il est vrai aussi que toutes ces roches gravées gardent encore beaucoup de secrets car pas plus les cupules que les croix n’ont livrées leur exacte vérité et tous les écrits à leur propos ne sont que des hypothèses. Ces amoncellements seraient d’anciennes sépultures, cela  a été vérifié parfois par la présence d’ossements ou d'outils de silex, et tous ces signes gravés seraient liés aux rites funéraires qui s’y déroulaient. Pour les cupules reliées entre elles, on évoque la possibilité de « libations ». Voilà en résumé, les explications de la plupart des archéologues.  Aujourd’hui, avec le Canigou superbement enneigé en guise de majordome, ces croupes de schistes se transforment, pour mon plus grand plaisir, en tables de pique-nique.  Après le déjeuner et cette exploration « sépulcrale », je repars vers de nouvelles, cette fois en direction du Cortal Freixa, petite bâtisse blanche que j’aperçois au loin vers le nord et de l’autre côté du correc. Une petite caminole, sans doute tracée par les troupeaux, y file presque directement. Seul souci dans cet itinéraire quasi évident et en tous cas inévitable, il me faut esquiver en permanence les bas prunelliers, les foisonnants et rampants ronciers et autres redoutables ajoncs aux épines dures et piquantes comme des poignards. Un seul ratage et c’est la piqûre assurée et un saignement garanti. Quel idiot d’être parti randonner en bermuda et avec un tee-shirt à manches courtes ! Je le regrette amèrement. Cet étroit sentier que je pensais évident n’est pas si facile que ça et c’est là que je m’aperçois très vite que mon cuir n’est pas du tout le même que celui des bovins, qui eux, déambulent sans crainte dans cette végétation perforante. En tous cas, il est bien plus fragile et je ressors pas  mal ensanglanté de cette courte promenade à  « percer peau lisse ».  Heureusement quelques mouchoirs en papier ont vite raison de ces saignements que j’appréhende toujours. Je retrouve le sourire en retrouvant la bonne piste et le « Cul Blanc Palace », appellation gravée sur le linteau de la partie ancienne et en pierres sèches du Cortal Freixa. Au milieu de la ruine, quelques « sentinelles » asséchées recouvertes de  papiers merdeux semblent expliquer cette désopilante toponymie. Les autres parties du cortal sont du même acabit mais à la puissance 10 car elles servent d’étables aux vaches qui y trouvent refuge et utilisent tous ces appentis comme latrines. Pas de quoi s’éterniser, alors je file par la piste à la recherche du dernier orri pagode qui doit se trouver à proximité. Blotti dans un bois, je l’aperçois par chance sur la gauche et à l’intersection d’une autre piste. Pistes DFCI CO15 et bis annoncent des pancartes. Il ressemble aux autres mais surtout à celui de Carmajou, même forme, même taille mais moins évident à découvrir car tout autour,  l’embroussaillement y est bien plus important. En raison de l’étrange ressemblance des cinq orris que j’ai découvert en quelques heures, j’imagine qu’ils sont tous du même « bâtisseur » et en tous cas de la même confrérie de maçons. Quelques photos de l’orri et je repars, cette fois en direction de mon objectif majeur : la « Roche gravée de Fornols ».  Non pas pour la découvrir vraiment car ce n’est pas encore la « bonne heure », mais pour identifier son emplacement exact.  Comme indiqué dans mes lectures, la bonne heure est celle où la « lumière est frisante ». Ce n’est pas encore le cas, loin s’en faut, encore que j’en suis à me demander si cet indice va m’être utile ? En effet, dans les années 80 quand la roche a été découverte puis analysée, elle était située au milieu de la garrigue et bénéficiait sans doute d’un bel ensoleillement, or j’ai lu qu’elle était désormais au sein d’une zone de reboisement et donc certainement un peu plus ombragée. Mon G.P.S contient deux coordonnées bien distinctes mais tout de même séparées de quelques encablures. Il me faut donc chercher et à vrai dire,  je « préfère guérir que courir ». En réalité, je vais faire les deux. Guérir, car une fois encore la végétation est carrément « déchirante ». Je saigne déjà un peu partout et abondamment.  Et courir, car les reboisements ont largement envahi les lieux, et surtout les points géophysiques enregistrés dans mon GPS. Pourtant, ils sont censés correspondre au célèbre rocher aux dessins rupestres. Je m’égare, tourne en rond, découvre les ruines de vieux cortals oubliés, reviens sur mes pas et le pire c’est que dès que je rentre dans un sous-bois mon G.P.S perd un peu les pédales et se fait moins précis. Alors que faire sinon errer au petit bonheur la chance mais G.P.S allumé toujours en main ? C’est ce que je fais en essayant de ne pas me décourager. Dans ce dédale broussailleux ou boisé qui en démoraliserait  plus d’un, mon seul bonheur a été de découvrir très vite une superbe roche gravée de jolies croix sans doute néolithiques. Affleurements rocheux comme disent les archéologues mais malheureusement je n’ai pas « affleuré » le bon rocher ! Alors, je décide de remettre à plus tard mes recherches et je file vers une deuxième roche gravée dont je possède les coordonnées puis ce sera la chapelle Saint Christophe de Fornols plus facile à trouver. Les coordonnées étant très bonnes, je n’ai aucune difficulté à trouver le rocher en question. Avec ses cupules reliées entre elles par des entailles, ce rocher me rappelle bougrement celui du Roc de les Creux, même s’il est un peu moins « saisissant ». Mêmes cupules, mêmes rainures et même motif triangulaire. Je parierais qu’il s’agit du même graveur. Jean Abelanet leur donne le nom de « figurations soléiformes ». Juste à côté et sur un autre rocher, une grosse cupule pas circulaire celle-ci mais étrangement ovale. Une vraie curiosité car au pays de l’ovalie, le rugby n’existait pas encore aux temps préhistoriques ! Sans traîner, je file vers la chapelle Saint Christophe. Un panonceau au bord de la piste m’en indique la direction.  Cette chapelle romane très ruinée face au Canigou date du 11eme siècle et aurait servi d’ermitage avant son effondrement pour cause de désintérêt total du à son éloignement. Elle a eu ses heures de gloire et servait de lieu de procession aux fidèles qui venaient des fermes les plus proches où depuis les différents hameaux situés dans  les vallées environnantes, Castellane et Caillau principalement. Chaque hameau avait sa chapelle, ce qui n’empêchait nullement les gens de se retrouver car les dates des processions étaient différentes. La foi chrétienne devait être plus effective et plus solidaire que de nos jours car les gens étaient disposés à marcher sur de longues distances pour participer aux célébrations. Aujourd’hui, la seule procession, c’est celle de quelques vaches lesquelles accompagnées de leurs très nombreux veaux détalent et se dispersent en me voyant. Une seule parait plus téméraire et semble enclin à une corrida improvisée. Elle me regarde fixement en tapant du sabot. Je m’écarte et m’éloigne car j’ai oublié ma muleta. Par contre, je n’ai pas oublié l’épisode du taureau qui m’avait foncé dessus sur le « Cami d’El Viver ». Il est encore là, tout frais, blotti dans un coin de ma tête. Et puis, j’ai déjà suffisamment saigné pour aujourd’hui ! Leur enclos est là, ouvert mais surtout couvert de fumier et de bouses. Ce purin  attire les insectes, qui eux-mêmes attirent les oiseaux, lesquels attirent l’objectif de mon Réflex. Je prends en photo quelques bergeronnettes. Il ne faut pas que je m’éternise et me disperse car le soleil décline déjà  et l’heure propice à la découverte de la « Roche gravée de Fornols » va finir par arriver. Elle arrivera d’autant plus vite qu’elle reste à découvrir. Je fais le tour de la chapelle en pressant le pas, visite son intérieur en regardant où je mets les pieds et la tête aussi, car cette ruine est une vraie ruine avec une nef bien éventrée et qui ne demande qu’à s’éventrer un peu plus. Ça serait nigaud de prendre une pierre sur la tête lors d’une randonnée où le but est que les pierres m’en mettent plein les yeux. Sur le badigeon restant mais qui s’effrite et s’effondre au fil du temps, je note la présence d’estampilles décoratives ressemblant à un sceau ou à une empreinte animale. Il y en a des solitaires et d’autres sous la forme de frises. Il m’a fallu 10 minutes et la visite de la chapelle est déjà terminée, direction la Roche gravée de Fornols. Je remonte la piste déjà empruntée bien décidé à la trouver cette fois-ci.  G.P.S allumé, j’essaie de procéder avec méthode. La méthode est de me dire que cette roche, si renommée, doit être un peu visitée et que même si ce n’est pas tous les jours, un semblant de chemin doit y mener. Le problème, c’est que les petits sentiers « probables » sont légions, soient tracés par les bovins soient par les animaux sauvages, sangliers et chevreuils notamment. Alors, j’avance lentement, en essayant de rester logique. Je croise les indices que je vois et ceux que je détiens, c'est-à-dire les chemins aux herbes les plus couchées et les waypoints « incertains » de mon G.P.S. Après avoir divagué dans la garrigue, j’avance désormais à l’intérieur d’une pinède m’arrêtant plus souvent afin que le G.P.S ait le temps de faire le point le plus correctement possible. Malgré une imprécision évidente, dont je sais qu’elle peut être de 3 mètres voire de 30 mètres au maximum,  je sens bien que le « waypoint » G.P.S correspondant à la roche n’est plus très loin maintenant. En tous cas, j’ai fini de traverser la pinède et ici, il y a des roches un peu partout. Il y a même un long affleurement sur lequel je grimpe, m’offrant de jolies vues vers Molitg-les-Bains et le vallon de la Castellane.  Je saute comme un cabri d’une roche à une autre, m’arrêtant sur chacune d’entre-elles pour faire un point G.P.S qui devrait être plus précis désormais, car ici plus rien ne bloque les signaux satellitaires. C’est le cas. L’écrêtement rocheux se termine et me voilà « perché » sur le dernier rocher. J’en descends et là, ô surprise, j’étais « quillé » sur la Roche gravée de Fornols !  Comment ne pas la reconnaître alors que j’ai observé sa photo des dizaines et des dizaines de fois au cours de mes différentes lectures ? Mais sur l’instant, quelle déception aussi toutes ces lignes gravées partant dans tous les sens ! Au premier abord, impossible de discerner la moindre gravure animalière. Alors bien sûr, j’étais au courant des difficultés qu’il y aurait à appréhender un dessin mais cette fois j’ai tout prévu.  Plan détaillé du rocher, photos récupérées sur le Net avec indications, magazine avec explications et moulages, je sors tout de mon sac à dos. Le soleil décline, la lumière est rasante comme indiquée pour une perception « idéale ».  Avec le plan, les photos et les dessins, j’observe la roche dans ses moindres détails prenant un maximum de photos. Quelques gravures correspondant aux photos apparaissent, peu évidentes car l’œil a toujours la fâcheuse tendance à regarder les gros traits au détriment des plus fins. Grave erreur !  Alors finalement,  j’aperçois néanmoins la tête d’un bouquetin, celle d’un chamois, puis une autre tête, le postérieur d’un cervidé, des pattes, la tête d’un oiseau, puis un autre oiseau, les motifs géométriques trouvés et décrits par l’archéologue Dominique Sacchi, celui là même qui a procédé aux moulages. Pour le reste, j’ai espoir que mes photos me dévoileront des motifs bien plus tard mais à vrai dire sans vraie conviction tant la roche est veinée de toutes parts. Veines naturelles ou pas ? Tout se mélange. Une seule chose est certaine : il y a bien des figures géométriques sur cette roche ! Elle en est même farcie ! Trop de dessinateurs et graveurs sont passés par là et la plupart avaient sans doute peu de talent. Quel gâchis ! J’en suis même à me demander si tous ces archéologues n’ont pas pris leurs désirs pour des réalités voire s’ils ne  sont pas venus ici après avoir fumé « des petites herbes de Provence » comme aurait dit Coluche.  Pourtant, j’ai lu que la plus grande des gravures n’excédait pas 16 cm. Faut-il en déduire que la plus grande fait 15 cm ? Un dessin animalier de 15 cm, ça devrait se voir non ? Non, je ne vois  rien de plus. Rien de vraiment précis de cette taille-là. La profondeur des traits est très inégale et on finit très vite par se perdre dans un tel foisonnement de lignes, traces ou rayures. Je m’assois, finis mon casse-croûte dans l’attente d’un assombrissement de la roche qui arrive à la vitesse grand « V » car les cèdres lui font rapidement ombrage. Mais non, la lumière est plus que « frisante » mais je ne distingue rien de nouveau alors je range tout mes documents et décide qu’il est temps de quitter les lieux car il me reste encore à découvrir le château de Paracolls, enfin ce qu’il en reste. Je suis ravi de ma découverte mais force est d’admettre que pour l’apprenti archéologue que je suis, Fornols n’est pas la « Lascaux » des P.O. Celui qui vient ici sans aucune préparation ni aucun document repartira forcément très déçu. Il risque de passer à côté de l’essentiel. Bien évidement, je peux comprendre que les vrais spécialistes veuillent la protéger d’un trop grand nombre de visiteurs et bien évidement d’éventuels vandales ! Au regard, de ce que je viens de voir, il en est déjà passé de trop nombreux ! Fornols est une vraie richesse,  mais pour les archéologues seulement, et tout compte fait, c’est peut-être mieux ainsi ! Circulez, il n’y a rien à voir à Fornols ! Je retrouve la piste et j’accélère le pas. Il est déjà 17h passé. Voilà déjà plus de 6 heures que je suis sur les chemins. Je l’accélère encore plus dès lors que j’aperçois les ruines de Paracolls en contrebas, mais le chemin descend puis remonte et ainsi de suite. Il finit de me « casser » les pattes. Au sommet d’une butte, un amoncellement de pierres en forme de long muret me laisse songeur d’autant que mon bout de carte I.G.N ne précise rien à son sujet et que je n’ai rien lu à son propos. J’y monte. Au regard de l’épaisseur des murs ; plus d’un mètre ; le simple poste de guet ou de chasse me paraît peu probable et il ne peut s’agir que d’une vieille fortification. Poste avancé de Paracolls ? Je ne sais pas. Un pylône avec deux paraboles se présente et un petit sentier descend sur sa droite. Je l’emprunte bien que la carte ne le mentionne pas, mais j’imagine aisément qu’il s’agit d’un raccourci qui évite la piste qui descend vers le château que l’on aperçoit tout en bas. Bingo ! La piste est là et après deux ou trois virages, les remparts ruinés et les murs éventrés du château apparaissent. Ils ne sont plus très loin et en tous cas, ils sont dans la ligne de mire du chemin creux qui y mène. Sur la droite, j’entrevois le défilé de la Castellane et la D.14 et leurs sinuosités parallèles. Je grimpe vers les ruines par le sentier qui me parait le plus utiliser. Elles sont rapidement là avec quelques ouvertures en arcades et de nombreux vestiges qui me paraissent intéressants à photographier : colonne gravée, bénitier, gravures, sculptures et puis bien évidemment la chapelle qui est l’élément le mieux conservé.  L’ensemble est un vrai nid d’aigle malgré sa modeste élévation à 564 m d’altitude. D’ici, on domine et on embrasse des vues aériennes et plongeantes remarquables sur Molitg et ses thermes. La Castellane y passe tout en bas, au pied de son flanc nord et dans des gorges vertigineuses. Juché au plus haut entre tous ces murs ruinés, une chose me frappe, c’est l’austérité du lieu. Je ne sais pas pourquoi mais j’imagine mal que des seigneurs aient pu vivre ici avec bien-être. Il y a bien les restes d’une citerne, indispensable à la vie, mais les autres pièces me paraissent petites et de surcroît, elles sont parfois encombrées de gros blocs de granit qui en réduisent considérablement l’espace. J’ai toujours pensé qu’un seigneur digne de ce nom avait un goût prononcé pour l’aisance et le confort, or ici, rien ne donne cette impression. Pourtant, je pousse mon imagination à son paroxysme en essayant d’imaginer ce qu’a pu être le château à ses débuts. Les murs étaient sans doute très hauts comme un fortin ou une tour et le volume était donc tout en hauteur. Je ne vois donc qu’un seul intérêt à cet ouvrage perché très spartiate : la protection ! Comme pour la plupart des châteaux médiévaux d’ailleurs, le but était d’abord de se défendre ! Les seigneurs de Paracolls devaient avant tout se protéger. Contre qui ou contre quoi ? Pour qui ou pourquoi ? Je n’en sais rien à vrai dire car voilà le principal élément que je n’ai pas eu le temps de potasser en organisant cette balade. Ayant concentré mes recherches principalement sur la roche gravée de Fornols, je me promets de lire autant qu’il est possible l’Histoire de ces seigneurs de Paracolls (**). Mes explorations se terminent avec les vestiges de ce vieux château mais ce qu’il y a de bien c’est que je m’en crée déjà de nouvelles, avant même la fin de cette longue balade. Elle n’est donc pas finie et même si quelques kilomètres sont encore à faire pour rejoindre Campôme et ma voiture, je sais déjà qu’il me faudra encore vagabonder sur Internet pour la terminer complètement. Avant même de la commencer, cette randonnée se voulait « ludique et culturelle » et c’est bien qu’elle garde encore ces aspects-là après son terme. « Ne pas marcher idiot ! », un précepte que j’aime bien, même si par expérience et tolérance, j’admets et comprends que ce ne soit pas le seul ressort possible de la marche à pied.  Telle qu’expliquée ici et tracée sur la carte, errements non  compris, cette randonnée est longue de 16,5 km pour des montées cumulées de 1.125 mètres. J’ai du facilement accomplir 2 ou 3 km de plus. Le dénivelé est de 417 mètres entre le point le bas à 513 m au pied du château de Paracolls et le plus haut à 930 m sur la piste DFCI C010 à l’endroit même où l’on quitte cette piste pour descendre vers le Pla de Vallenso. A la saison chaude, il faut emporter de l’eau en qualité suffisante. Les manches courtes tant sur les jambes que sur les bras sont à bannir si vous devez errer dans la garrigue comme je l’ai fait moi-même. Carte IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul-de Fenouillet Top 25.

     

    (*) Fornols : La première mention est « Villa Fornols », du latin « furnus » signifiant « four » et définissant sans doute des petits fours servant à traiter différents minerais, abondants dans la région. Du hameau, il ne subsiste que quelques orris et la chapelle Sant Cristau (Saint-Christophe) qui date du 11eme siècle (Références toponymiques Lluis Basseda, extraites de l’Histoire de Mosset). D’autres historiens pensent qu’il pouvait s’agir de fours à chaux ou à briques.

     

    (**) Histoire des Paracolls : Pour diverses raisons, retracer l’Histoire des seigneurs de Paracolls n’est pas simple. Primo, parce qu’elle est ancienne et que les documents sont bien évidemment très rares. Ils se résument à quelques mentions deci delà dans des parchemins, cartulaires voire à des registres notariés pour les parties les plus récentes. Secundo, la généalogie est très limitée et surtout elle est un véritable imbroglio entre les véritables ancêtres ayant portés le nom ; les plus anciens ;  et ceux, qui au gré  des privilèges ou héritages, ont obtenu le titre de « seigneur de Paracolls ». Ajoutons à cela, les fils qui portent un prénom identique à celui de leur père, ce qui ne facilite pas les choses. Enfin et tertio, cette « vraie » famille ayant porté le nom n’a été puissante et n’a vraiment régné que deux ou trois siècles environ, du Xeme au XIIeme, ce qui bien évidemment en restreint encore un peu plus les études. Apparemment, c’est à cette période que le château dit de Paracolls a été le plus souvent occupé par cette famille, sans doute sous la forme propre au système féodal consistant en un petit fortin sous l’autorité d’un seigneur, protégé par une garnison très réduite. Ensuite, on évoque plus souvent un fief, un domaine, une baronnie dans lequel le château était inclus même s’il n’était pas ou peu habité. Compte tenu de la taille du rocher en granit sur lequel il repose, on ne pouvait pas faire plus grand. Le lieu a du également servir de tours à signaux, système qui avait cours à l’époque pour communiquer en cas de risques. Or, les dangers étaient nombreux et fréquents. Un hameau est-il à ses pieds ? C’est possible encore que les pieds soient très limités ; les flancs ouest et est sont très abruptes quand au flanc nord, tout en en à-pics sur les Gorges de la Castellane, il est carrément inconstructible et ne peut recevoir que des remparts réduits et limités en longueur. D’ailleurs, les fortifications que l’on aperçoit aujourd’hui sont essentiellement sur le versant sud et sont très proches du château. De surcroît, l’Histoire et les légendes s’entremêlent et de ce fait, il devient ensuite très difficile de démêler le vrai du faux, le réel du légendaire. Les toponymistes ne semblent pas très d’accord sur l’origine du mot « Paracolls ». Selon Louis Basseda,  il viendrait du latin « para » signifiant « défense » et « collus » signifiant « col. « Paracolls » serait donc un « col à défendre ». Pour d’autres, et notamment Jacques-Joseph Ruffiandis, principal historien à s’être intéressé à cette famille,  il s’agirait d’une « pera collis » ou « colline de pierres ». Parles-t-on de cet éperon rocheux granitique où se trouvent les ruines aujourd’hui ? Pour le second, ça ne fait aucun doute mais rien n’est moins sûr pour la première hypothèse, car le rocher ne présente pas les caractéristiques d’un col, lieu de passages. Un hameau de Paracolls aurait-il existé dans ce secteur ? Certains le pensent.  Se trouvait-il à un col ? Par col entend-on défilé ? On peut simplement émettre des hypothèses. Paracolls se confondait-il avec le Campôme d’aujourd’hui ? Si les deux apparaissent comme indissociables dans le temps, rien ne plaide pas pour cette théorie. Campôme n’est pas situé à un col. Sa toponymie catalane initiale « Campoltme », vient de sa première mention en 901 « Campo ultimo », sans doute du latin « campus ultimus », le « dernier champ », en l’occurrence celui rattaché à Mosset. Alors toutes les suppositions sont permises y compris celle qui consisterait en une « toponymie » venant d’un horizon plus lointain et antérieur à sa première mention connue datant de 948. Après tout, n’y a-t-il pas dans le Vallespir un autre « Paracolls » ? Nom que l’on retrouve cette fois pour un vrai col et les ruines d’un minuscule hameau se trouvant à proximité.  Ils sont situés au dessus d’Arles-sur-Tech, sur le célèbre G.R.10.

    948- L’Histoire des Paracolls commence à cette date-là avec la première mention « castrum Paracollis » qui fait de ce château un des plus anciens du Conflent. On peut donc supposer que des « châtelains » sont déjà là. Dans le Journal des Mossétans N°28 (Histoire de Mosset), Jean Llaury, dans un résumé tiré d’un ouvrage de Jacques-Joseph Ruffiandis, donne 996 comme première mention du site et 1095 comme première mention du château, précisant que c’est à cette date-là, que Guillaume Raymond, petit-fils de Wilfred (héritier du comte de Cerdagne), aurait transmis à son héritier direct, Guillem Jorda, les châteaux d’Eus et de Paracolls. Les armes de Paracolls portaient sur un écu plusieurs pals sur lesquels était un ours dressé mangeant des alises.

    1102- Raymond Bérenger de Paracolls est cité parmi d’autres comme exécuteur testamentaire des dernières volontés de Guillem Jorda, comte de Cerdagne à l’instant où ce dernier s’apprête à partir en pèlerinage sur le tombeau du Christ. On peut donc sans crainte imaginer qu’y avait un lien de suzeraineté entre les deux seigneurs et que Paracolls était le vassal du Comte de Cerdagne. Raymond Bérenger partant lui-même en croisade, une légende à propos d’un trésor à Paracolls est née de cet épisode dont l’histoire est magnifiquement contée par Jean Llaury dans le Journal des Mossétans N°53 (Histoire de Mosset).

    1139-1157 - Guillaume de Paracolls s'attacha à la fortune politique des vicomtes de Fenollet, dont il se montra toujours le vassal fidèle et parfois le conseiller. On le rencontre, le 23 mars 1139, réglant, de concert avec l'abbé de Cuxa, Grégoire, divers différends qui divisaient Hualger de Fenollet et Adalbert de Camèles, au sujet d'un manse situé dans cette dernière localité. Le 8 avril 1141, ce même vicomte fit une concession à la Milice du Temple, à laquelle Guillaume de Paracolls parut comme témoin, et le 27 juin 1142, une seconde concession fut faite à l'ordre des Templiers en présence du seigneur de Paracolls, par le même vicomte Hualger. Guillaume de Paracolls est encore mentionné dans un acte de donation faite à la Milice du Temple par Raymond, comte de Barcelone, le 19 septembre 1147. Enfin, dans un dernier document dépourvu de date, mais qui semble appartenir à l'année 1157, Pierre de Domanova fit abandon à la Chevalerie du Temple de Salomon, de quelques droits seigneuriaux qu'il percevait sur les domaines de la Milice situés au lieu de Centernac, en Fenollet, en présence du vicomte de Hualger de Fenollet, de Guillaume de Paracolls, de Bernard, prieur de Sainte Marie de Marcevol, d'Artal, évêque d'Elne, et de plusieurs autres seigneurs laïques.

    1173 – Guillaume Bernard de Paracolls, successeur du précédent, est compté, au nombre des barons du comté de Roussillon et autres magnats ou barons de sa terre.

    1175 – Le 24 janvier, Guillaume-Bernard de Paracolls, est cité en qualité de signataire du traité de paix et de trêve que le roi Alphonse II d’Aragon fit approuver par les barons de Comté de Roussillon et de ses autres terres. Ce seigneur possédait, en plus du fief de Molitg et de ses dépendances, des manses à Ille et à Angoustrine. Un autre document de cette même année, nous apprend le mariage de Blanche de Conat avec Guillaume-Bernard de Paracolls. Ils eurent trois enfants : Guillaume, Séguier et Guillelma. Le 13 septembre 1175, Guillaume Bernard de Paracolls, Bérangère, sa sœur, et Blanche de Conat, son épouse, vendirent à Ugo, abbé de Sainte-Marie de Poblet, tous les ports, pâturages, eaux et boisages qu'ils possédaient dans la vallée de Maran, à Subiran et à Roda et dans toutes leurs limites d'Angoustrine.

    1186 - Six ans plus tard, par acte fait au château de Conat, le 16 juin, Guillaume-Bernard de Paracolls et Blanche de Conat, son épouse, Guillaume de Paracolls, Séguier et Guillelma, leurs enfants, accordèrent au précepteur de la Milice du Mas-Deu, le territoire dit Mollères de Mortisag, dans la vallée d'Urbanya, s'étendant jusqu'aux dépendances des domaines que les hospitaliers de Bajoles possédaient déjà dans ces parages.

    1217 - Le 2 octobre, Guillaume Bernard jure l’édit de paix et de trêve publié par Nuno Sanche d’Aragon, seigneur du Roussillon et de Cerdagne pour le diocèse d’Elne et de Cerdagne. Selon les historiens, il est difficile de savoir si c'est toujours le même Guillaume Bernard, ou son fils aîné Guillaume.

    1230 - Le baron Guillaume Bernard de Paracolls occupe le château en sa qualité de suzerain. A cet instant, il est le seigneur de Molitg, Campôme, Conat, Fornols, Estanyils et Croells. L’ensemble formera une baronnie jusqu’à la révolution de 1789. Vous noterez que Mosset n’en fait pas partie et pour cause, la cité à son propre château et seigneur depuis le bas moyen âge, seigneurie qui n’aura de cesse d’essayer de dominer son voisin de Paracolls. Ce Guillaume-là serait le héros peu glorieux d’une histoire d’amour qui se termine mal pour la plupart de ses acteurs et dont on dit qu’elle serait elle aussi une fabuleuse légende, légende qui est restée sous le nom de « El Gorg de la Mossa ou Moussa » (le Gouffre de la servante). Retrouvez-là elle aussi dans le Journal des MossétanN° 53 ou bien sur le site de l’Office du tourisme de Molitg-les-Bains.

    1235 – Guillaume Bernard de Paracolls est encore cité comme témoin, dans un privilège accordé à la commune de Villefranche-du-Conflent, par Nuno Sanche, seigneur du Roussillon et de la Cerdagne, à la date du Il des calendes de mars 1235 (Cartulaire de Villefranche-du- Conflent).

    1250- Le château reste la possession  des Paracolls jusqu’à cette date-là et il se dit que la légende précédente ne serait pas étrangère au déclin définitif de la famille car selon la prédiction de Guillelma, la fameuse servante de la légende, Guillaume Bernard est mort, atteint par une flèche, en voulant défendre son château, lequel est pillé, ravagé puis brûlé par des brigands espagnols. Selon la légende, ils voulaient dérober un fabuleux trésor. Au cours de cette attaque, son fils Bernard est également mort dans d’atroces souffrances. Le petit-fils du Guillelma, Raymond, seul survivant masculin s’est réfugié à Saint-Martin du Canigou où il a pris la bure. Il  termine ses jours en ermite dans une cabane proche du château. On dit qu’il priait sans cesse en souvenir de ses aïeux et tenter d’expier leurs péchés.

    1254 – Les héritiers Paracolls n’ayant plus d’enfant mâle, un texte nous informe de la donation du domaine à Bernat de Berga, l’évêque d’Elne. Le domaine est ensuite partagé à sa mort. Le 17 novembre, une dame Sibille de Paracolls renonce à la redevance d’un agneau que ses prédécesseurs recevaient.

    1258- Le 11 mai, signature du Traité de Corbeil. Saint-Louis cède la Catalogne et bien évidement le Roussillon au roi Jacques de Majorque. La frontière se déplace et passe désormais par le col de Jau et le pic Rossillou, pour ne parler que de la ligne la plus proche de la vallée de la Castellane. Paracolls passe dans le Royaume de Majorque. Jacques 1er le Conquérant, souverain d'Aragon partage son royaume en deux et donne à l'aîné l'Aragon et la Catalogne, et au cadet les îles Baléares, la Catalogne Nord et la seigneurie de Montpellier. C’est « le royaume de Majorque ». Cet éphémère royaume fut en butte constante avec son voisin qui l'annexa en 1344. Le dernier roi de Majorque fut capturé, on lui céda la seigneurie de Montpellier qu'il refusa. Il remonta une armée et conquit à nouveau le Conflent, qui lui était acquis. Mais le roi d'Aragon put le reprendre.

    1264 -Dame Sibille de Paracolls confirmait aussi, le 3 des ides de mai (13 mai) 1264, les acquisitions que le même hôpital venait de faire de quelques possessions situées au territoire d'Ille, et tenues par un homme du seigneur de Paracolls (Ibid., parch., B., H9). Cette rente avait été approuvée, le même jour, par Raymond d'Urg et Esclarmunde, son épouse, qui avaient reçu, pour droit de mutation, « 25 sous barcelonais bons)) et couronnés, valant deux marobotines doubles de bon « or et de juste poids)), ce qui semble indiquer que Raymond d'Urg et son épouse tenaient ces possessions d'Ille en fief pour dame Sibille de Paracolls.

    1268 – Esclarmunde se rattachait sans doute à la famille seigneuriale de Molitg, car un acte de 1268 (Lib. feudor, A., fo 74) l'appelle Esclarmunde de Conat, et nous apprend que la villa de Riutort, en Capcir, était tenue en fief, à cette époque, par Bérenger d'En, pour dame Esclarmunde de Conat et Raymond d'Urg, son mari.

    1281- Dame Sibille de Paracolls ayant épousé Chabert de Barbaira en 1233, chevalier faydit occitan, seigneur de Puilaurens et de Quéribus, un document nous apprend que leur fils Bernard de Paracolls signe un acte, sans doute de donation au domaine royal.

    1286 – Le seigneur Guillem de So de Roquefort reconnaît tenir en fief de Guillaume de So, seigneur d’Evol, le tiers de la dîme de Paracolls, qui était alors possédée par Pons de Conillach.

    1293 - Un acte du 9 des calendes d'avril 1293 montre les dîmes de la paroisse de Molitg tenues en fief pour le roi, sans autre feudataire intermédiaire que Guillaume de So de Sainte-Colombe. Plus tard dans l’année, Pons de Conillach, de Fuilla, reconnaît tenir pour Guillem de So, de Sainte-Colombe, la part des dîmes de Paracolls et de Sainte-Marie de Molitg, le fief d'une charge de seigle à retirer de la dîme de Sposolla et un manse aux Anglars.

    Vers 1295, le château est  effectivement possession des Rois de Majorque. Il inclut le fief de Molitg.

    1299 –1300 - La chapelle du château dédiée à Saint Pierre est mentionnée pour la première fois et dans un document du 9 avril 1300, il est indiqué que les dîmes de la paroisse sont acquises au roi.

    1305 – Jacques II, roi de Majorque, déclare que le lieu de Comes est confronté à l'ouest, avec le château royal de Paracolls.

    1305-1340- Le château présentant peu d’intérêt dans le système défensif de la Vallée de la Castellane, dépassé qu’il est par ceux de, Mosset (1175), Catllar (1267), Molitg (13eme siècle), la Tour de Mascarda (1350), il est inféodé à Pons de Caramary par le roi Jacques II de Majorque selon la coutume dite de « Barcelone ». Ce sire Pons de Caramany est viguier de Cerdagne de 1303 à 1309 puis lieutenant général du roi de Majorque de 1311 à 1314. Un acte de 1312 confirme la donation royale de Paracolls en faveur de Pons de Caramany par Sançhe, fils de Jacques II. Il avait déjà reçu les fiefs de Comes et de Stanyls depuis 1304. Un autre document de février 1313 confirme que Pons de Caramany a bien le titre de baron,  « seigneur de Paracolls ». Sous ce titre, ce dernier fait partie de la cour des deux derniers rois de Majorque et il est même présent au palais royal de Barcelone en octobre 1327, lorsque Jacques II de Majorque prête foi et hommage au roi Jacques d’Aragon. En mars 1340, on le retrouve lors d’une vente à Comes (au dessus d’Eus). On perd sa trace en 1340.

    1348 : Toute la vallée de la Castellane est frappée par la peste. Paracolls et ses habitants n’échappent sans doute pas à cette terrible calamité.

    1356- Le baron de Paracolls, François de Caramany, fils de Pons, est l’assistant du gouverneur du Roussillon, nommé par le roi d’Aragon Pierre IV le Cérémonieux, il devient ensuite conseiller à la cour royale de Perpignan. Ses fonctions le retiennent loin de ses terres et de ses vassaux d’autant que l’époque n’est guère propice aux voyages ! En effet, après la peste, un nouveau fléau s’abat sur la contrée : les routiers des Grandes Compagnies, des bandes de pillards sont finalement anéantis dans leur repaire de Tarerach le 14 juin 1364.

    1362 – François de Caramany vend une partie de son domaine à Jaspert de Trégura et notamment Moligt, Campôme, Croells ainsi que le château de Comes, avec tous droits et dépendances.

    1373-1382- La seigneurie de Paracolls appartient à François de Trégura, également seigneur de Molitg précisent les textes retrouvés.

    1386 – Le 4 juillet, Hugues IV, baron de Santa Pau, de  Castellfolit de la Roca, senyor de Mont-Ros hérite par testament d’André de Fenouillet de la baronnie de Mosset,  Mascarda et le fief de Paracolls.

    1390 – Jaspert de Trégura est nommé viguier du Conflent et du Capcir. En bon administrateur, il s’est aperçu que les épidémies et les guerres avaient dépeuplé son domaine, il fit appel aux personnes qui voudraient s’établir à Molitg ; pour les attirer, il offrait habitation, terres et franchises. Le 19 juin 1408, il porte le titre de seigneur de Paracolls. Simple damoiseau, en 1410, il porte le titre de chevalier et est choisi comme exécuteur testamentaire de Pierre de Fenollet. Le baron de Paracolls avait épousé (avant 1406) Marguerite, fille de Pierre du Vivier, damoiseau de Clayra, et nièce de Johana, épouse de Guillem Jorda, seigneur du Boulou, qui l'institua son héritière universelle par son testament du 1er juillet 1410.

    1411-1428 - Par le jeu des héritages, il semble qu’à cette époque (dates incertaines) l’essentiel de la seigneurie ait appartenu à Miquel de Cardona qui possédait aussi Molitg, Campôme, Paracolls et Cômes. Un autre document précise qu’elle passa ensuite de la famille Viader à la famille Alemany, probablement par l'intermédiaire des Cardona, dont un membre, Miquel de Cardona, seigneur de Molitg, Campôme, Paracols, Coma et Vall de Conat, avait épousé Claire, nièce d'Antoine Viader. (Il faut sans doute noter qu’à cette époque le titre de baron de Paracolls appartient à un Trégura alors que le domaine appartient probablement à d’autres familles (Cardona, Viader, Alemany).

    1429 - Le 23 juin, Pierre du Vivier, pour les bons services qu’il a reçus de Jaspert de Trégura, seigneur du château de Paracolls [Molitg] lui donne la faculté devant Jean Morer, notaire de Millas, pour lui et ses successeurs, d’utiliser le bois de la forêt de Salvanère pour alimenter sa mouline ou moulin à fer de Campôme, à la condition qu’il paye un droit d’entrée de deux paons et une somme de 3 ou 6 deniers par charge de bois qui se retirera des dits bois.

    1450 - Jaspert passe un acte important avec le seigneur de Mosset pour pouvoir amener l’eau de la Castellane à sa forge de Campôme et pour avoir l’autorisation de faire du charbon de bois sur le territoire de Mosset et de la Bastide de Mascardá. A sa mort, Jaspert de Trégura laissait deux fils Pierre et Gispert ainsi que trois filles : Michaele épouse d’Antoine de Vilanova, Blancheflor et Jeanne.

    1453 - Le 17 avril, et il y a lieu de croire que Jaspert de Trégura ayant laissé deux fils, c’est l'aîné Pierre qui lui succède à Paracolls. A cette époque, les comtés de Roussillon et de Cerdagne sont occupées par les troupes de Louis XI.

    1469 - 22 juin, Pierre de Trégura est cité dans un acte comme « donzell, seigneur de Molitg, de la baronnie de Paracolls et lieutenant du gouverneur des comtés du Roussillon et de Cerdagne ”  ; il embrassa le parti des français, fut chargé d’organiser les troupes royales dans la région de Prades et reçut à cet effet le grade de capitaine. Sa fille Jeanne épousa un officier français Bertrand de Beauregart ; son fils Jean lui succéda mais mourut jeune en 1487 sans postérité.

    1487 - Le 29 octobre, la succession revient à Jeanne de Trégura. Après la mort de Bertrand du Beauregart, son premier mari, Jeanne a épousé Jorda de Marça, donzell de Corneilla-de-la- Rivière, qui fit son testament à Catllar, le 23 juin 1501. Jeanne de Trégura, qui s'était toujours réservé le titre de baronne de Paracols, mourut vers l'an 1505, et sa succession revint, par indivis, à son proche parent, Ange de Vilanova, donzell de Millas, alors domicilié à Saint-Féliu-d'Amont, et à sa cousine, Anna de Trégura, fille du donzell Gispert de Trégura, que nous croyons frère cadet de l'ancien capitaine de Prades, Pierre de Trégura.

    1505 - Par acte du 19 juin, Gispert de Trégura, au nom de sa fille, et Jean de Vilanova, comme tuteur de son fils, convinrent de s'en rapporter à l'arbitrage du damoiseau Roger Garriga, du docteur Jean Salvetat, de Jean de Malorgues et de François de Çanespleda, qui décidèrent que la succession de Pierre de Trégura, comprenant la baronnie de Paracolls, demeurerait indivise entre Angelot de Vilanova et Anna de Trégura-Çanespleda, leur vie durant. Anne de Trégura mourut avant l'an 1530, et son mari, Jean de Çanespleda, qui, dans un acte de 1531, se dit usufruitier de tous les biens qui avaient appartenu à dame Anne, son épouse, mourut peu de temps après, laissant un fils du nom de Roger qui vivait encore en 1543.

    1543-  Angelot de Villanova dit le Magnifique devint seigneur de Molitg et baron de Paracolls. Le sire était un fin lettré, on le trouve, cependant, mêlé aux luttes féodales de cette époque ; en particulier, il eut un diffèrent avec Henri Cantá seigneur de Château-Roussillon. Il se marie deux fois et à 5 enfants dont Michel de Vilanova qui lui succède. A cette époque, les conflits locaux sont légions, le plus souvent motivées par les guerres de religions. Michel n’est pas en reste.  A ces guerres entre seigneurs viennent s’ajouter les huguenots et des bandits qui écument la région du Conflent et plus largement toutes les Pyrénées. La période est trouble et le reste longtemps.

    1583 – Michel de Vilanova périt assassiné. Son fils Jean est héritier de ses titres et de ses biens, lui succède à la tête de la baronnie de Paracolls ; il habitait ses domaines une grande partie de l’année, s’occupant de ses forges : en plus de celles de Campôme et de Cruells,  il en avait acquis d’autres en Conflent.

    1593-1595 – C’est cette occupation en Conflent qui est à la base de la rivalité qui s’éleva entre lui et le seigneur Don Garau de Cruylles de Mosset lequel tirait également un revenu important de la production du fer. Le seigneur de Mosset et Jean de Vilanova, baron de Paracolls se firent la guerre dévastant leur domaine. De très nombreux habitants de la vallée, de Campôme en particulier, y perdirent la vie. Le dit baron de Molitg et de Paracolls défend à ses vassaux d’approcher de Mosset qu’il qualifie de caverne de voleurs et de bandouliers.

    1608-1641 - Jean de Vilanova décède et son fils Joseph, né en 1608, lui succède mais meurt très jeune en 1636, léguant la baronnie de Paracolls à sa mère Magdeleine qui l’apporta en dot à son second époux Gaspard de Llupia. en 1623. Gaspard meurt en 1634 avec le titre de baron de Paracolls laissant son héritage à son fils aîné également prénommé Gaspard. Ce dernier décède à son tour en 1641 mais sans enfant, il transmet ses fiefs seigneuriaux par testament à son frère Charles de Llupia.

    1642-1789 -  Charles de Llupia a hérité de tous les biens : Paracolls, Belpuig, Castelnou, Llupia. Mêlé à la révolte du Roussillon, il prend ouvertement le parti de l’Espagne ; ses biens en France, sont mis sous séquestre puis confisqués par Louis XIV. En 1653, ces biens appartiennent Isabelle Dulac, veuve de Pierre de La Cavalleria, épouse en secondes noces de Pierre de Talon. En 1667, ils appartiennent à un certain Diego Rodrigue, marchand de Bayonne, puis en 1668, en faveur du baron de Monclar. A la mort de Charles de Llupia, son fils Ange-Charles adresse une requête au roi qui lui rend généreusement ses biens. Cependant, Ange se fixe en Espagne où il est élevé à la dignité de marquis ; ses descendants gardèrent la seigneurie de Molitg, Paracolls et Cômes jusqu’à la révolution de 1789. Pendant ce temps, mais surtout au XVIeme siècle,  les Llupia sont devenus des maîtres de forges car les mines de fer sont très nombreuses dans la Vallée de la Castellane. On en décompte plus d’une dizaine. Ces forges deviennent parfois sources de conflits entre le seigneur de Paracolls et celui de Mosset. Le temps n’a pas arrangé les rapports entre les deux seigneuries. C’est en 1789 que Paracolls et son château sont détachés de Molitg et rattachés à Campôme. Bien que les premiers bains « Els banys » soient mentionnés en 1543, c’est à partir du XVIIIeme siècle qu’ils se développent vraiment. C’est un des marquis de Llupia qui fit aménager l’installation rudimentaire des fameux bains de Molitg qui purent ainsi être facilement ouverts au public dès 1785. Peu à peu, les bains vont remplacer les mines dans les affaires des anciens seigneurs. Il y en a deux portant le nom de leurs propriétaires respectifs « els banys Llupia » et « els banys Mamet ». Notons qu’au cours de cette période si mouvementée, trois dates sont à retenir : 1653, une deuxième épidémie de peste sévit dans la vallée aussi meurtrière que celle de 1348.  1659, signature du traité des Pyrénées entre Louis XIV et le roi Philippe IV d’Espagne. Les frontières se déplacent à nouveau. La France annexe le comté du Roussillon, le Capcir, le Vallespir, de nombreux villages de Cerdagne et le Conflent. Paracolls redevient français. 1789, la Révolution Française a pour effet la réquisition de tous les biens appartenant à la noblesse. Paracolls n’y échappe pas.

    1792- Pour Campôme, c’est la fin de la dépendance de la seigneurie des Paracolls. La commune devient autonome.

     

    Voilà ce que l’on peut dire des Paracolls, de leur Histoire (sans doute très incomplète) et de leur château. Tous ces textes, toutes ces dates, je les ai recueillies sur Internet auprès de différents sites qu’il serait bien trop long d’énumérer ici. Notons toutefois que les plus nombreuses annales ont été extraites de l’Histoire de Mosset (Journal des Mossétans) grâce à des articles rédigés par Jean Llaury, d’après un ouvrage de Jacques-Joseph Ruffiandis. Il y en a aussi tirées de l’Histoire de Caramany ou du Roussillon et de Pyrénées-Orientales et des sites Internet de Molitg ou bien encore du Dictionnaire de biographies roussillonnaises de l'abbé J. Capeille que l’on trouve sur le site Internet https://mediterranees.net/. J’en remercie tous leurs auteurs sans exception avec une palme particulière à Jacques-Joseph Ruffiandis qui a été sans doute le tout premier à s’intéresser à cette famille. Son ouvrage est malheureusement introuvable de nos jours.

     

    12eme siècle : Le « Paracolls », le plus enraciné dans l’Histoire pourrait être un Bérenger, plus connu sous son nom de troubadour « Bérenger de Palasol ». A Perpignan, une rue porte son nom. Il a laissé de nombreuses chansons de geste et poèmes. Voilà ce qu’en écrit Jean-Baptiste de La Curne de Sainte-Palaye dans son « Histoire littéraire des troubadours » en 1774 page 442 : « Bérenger de Palasol fut, selon nos vies manuscrites un chevalier catalan, du comté de Roussillon, pauvre, mais distingué par sa figure et par ses manières, joignant aux travaux de la chevalerie, les plaisirs de l'amour et le goût des vers. Ermésine, femme d'Arnaud d'Avignon et  fille de Marie de Pierrelatte, captiva son coeur et devint l'objet de ses chansons. L'historien du Languedoc le compte parmi les troubadours qui florissaient sous Raimond V, mort en 1194. » Sauf que les avis des historiens sont très partagés, certains ne pensant pas qu’il s’agit d’un « Paracolls » mais le disent originaire du fief de Pallol, ancienne villa située dans le voisinage et à l'ouest d'Elne, le seul domaine de ce nom que l'on rencontre dans l'ancien comté du Roussillon. (Annuaire de 1834. - Bernard ALART, Bérenger de Palazol, dans le Xeme Bulletin de la Société Agricole, Scientifique et Littéraire des Pyrénées-Orientales). L’époque où il a vécu reste d’ailleurs très incertaine, voir la biographie qui lui est consacrée sur le site https://mediterranees.net/biographies/capeille/CapeillePa-Per.pdf. Sur l’encyclopédie Wikipédia, il est mentionné sous le nom de Berenguer de Palou et l’on rajoute qu’il aurait été le vassal de Gausfred III du Roussillon qui a vécu de 1103 à 1164 et pour lequel, il l’aurait honoré de divers chants tel celui intitulé « Jaufres ». En 1207, il aurait fait un don d'un bien aux Templiers de Saint-Hippolyte afin d'être enterré dans le cimetière templier (Histoire du Roussillon)

     

    Il est à noter qu’il existe de très vieilles cartes postales montrant le château de Paracolls dont une notamment datant de 1902. Bien évidemment, il paraît en bien meilleur état qu’il ne l’est de nos jours. Photographié depuis Molitg et donc avec vue de son flanc nord, on y distingue encore de très hauts remparts crénelés, c’est dire si en un peu plus d’un siècle, ce patrimoine de notre Histoire a vu ses vestiges se dégrader très fortement. Il serait peut-être temps de s’y intéresser avant son écroulement total et sa disparition définitive.

     

    Le nom continue d’être porté par de nombreuses personnes des deux côtés de la frontière catalane, la région de Barcelone étant de loin celle où l’on en recense le plus. L’appellation « Paracolls » dans le Vallespir a-t-elle une liaison avec celle du Conflent ? Je n’ai rien trouvé à ce propos. Notons qu'outre les lieux déjà cités, ici à Campôme et au dessus d'Arles-sur-Tech, on trouve les ruines d'un autre Paracoll, sans "S" cette fois, non loin du lieu-dit Les Conques, au dessus de La Preste-les-Bains.

     


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  • Diaporama sur la chanson "La Mer" de Charles Trenet, jouée par Biréli Lagrène (extrait de son album Gipsy Project)

    Le Circuit de la Soulsoure depuis Saint-Hippolyte-de-la Salanque

     Le Circuit de la Soulsoure depuis Saint-Hippolyte-de-la Salanque

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    A l’origine, la Soulsoure, Solsora (*) sur les cartes était le nom d’une modeste agouille (carte cadastrale) et celui d’une petite zone marécageuse située entre la cité de Saint-Hippolyte et l’étang de Salses-Leucate. L’agouille traversait le site et de ce fait, l’appellation était commune. L’agouille a été aménagée en canal et a pris le nom de son célèbre concepteur Pierre-Paul Riquet. C’est une vieille histoire dont l’origine date de 1686 (**). Aujourd’hui la Soulsoure, c’est surtout le nom d’une bande littorale de 49 ha protégée par un plan de gestion dans lequel un grand nombre d’institutions et d’acteurs sont parties prenantes. Plus simplement, il s’agit d’une vaste zone humide ayant un intérêt écologique et environnemental primordial. Le circuit pédestre que je vous propose ici est bien connu des marcheurs, promeneurs et coureurs hippolytains mais si vous devez y aller aussi, sachez qu’il nécessite un respect capital du milieu dans lequel vous aurez à circuler. Eux le savent mais les visiteurs pas toujours. Si ça vous chante, vous pourrez l'allonger à votre guise car les chemins sont nombreux tant vers l’intérieur des terres que vers l’étang de Salses. Vers l’étang, vous pourrez l’agrandir en partant vers le nord-ouest et vers Salses en direction du hameau de Garrieux par exemple. Vers le nord-est, vous serez un peu plus limité à cause de la presqu’île de La Coudalère. Dans cette dernière direction, le terrain militaire dit de Saint-Laurent-de-la Salanque constituera une contrainte qu’il vous faudra impérativement contourner ou précéder (comme nous l’avons fait) pour revenir vers la ligne de départ. La deuxième contrainte est bien évidemment l’Etang de Salses lui-même mais ça je suppose que dès lors que vous aurez regardé le tracé sur la carte I.G.N, vous aurez compris qu’aller au-delà de cette limite, c’est la garantie d’une baignade certaine ! Si l’été, ça ne pose pas ou peu de problème, en janvier, l’idée même d’un simple bain de pieds peut être mal perçu. C’est pourtant ce que nous avons failli connaître au cours de cette balade. Oui, vous l’aurez  compris, l’objectif principal de cette balade est de longer une belle partie de la bordure de cet étang et autant que possible de profiter de cet environnement insolite et sauvage. Flore et faune vous y attendent  mais les deux sont fragiles. Nous, en raison du temps que nous voulions y consacrer, on s’est cantonné à une partie somme toute modeste mais suffisante pour avoir un très bel aperçu de ce que peut être cette Soulsoure. Il y a donc eu le plaisir de marcher avec comme horizon, un horizon changeant et parfois même une absence d’horizon car ici quand il est fait beau mais un peu brumeux, le ciel et l’eau se confondent assez souvent et seuls d’étroits rubans plus sombres encadrent ce paysage tout bleu. Ces rubans sont la terre, avec sur la gauche quelques collines du côté de Salses, les Corbières maritimes, et sur la droite, cette longue et fine langue que constitue la presqu’île lagunaire sableuse de Barcarès-Leucate. Plus près, c’est le blanc qui prédomine avec les barres d’immeubles et les marinas du Barcarès.  Marcher est un agréable plaisir mais le faire en y insérant quelques découvertes, c’est bien mieux. Tel était notre deuxième objectif : découvrir ! En la matière, il y a bien sûr les décors, les paysages,  l’occupation et l’activité humaine, plus globalement la vie du lieu, sa flore et sa faune mais je ne vais pas vous raconter d’histoires car je suppose que vous commencez à me connaître et parmi ces découvertes il y en a une qui justifie notre présence ici : l’avifaune ! En effet, cette zone comme la plupart de tous les étangs méditerranéens est un haut-lieu de l’ornithologie. Certains oiseaux ne font qu’y passer le temps de s’alimenter et de prendre un peu de repos, d’autres y sont sédentaires et enfin, il y a ceux  qui y restent le temps de la reproduction. Venir ici sans pouvoir assouvir ma passion de la photo ornithologique en particulier et animalière en général aurait donc été un sacrilège !  Le départ de la balade s’effectue depuis Saint-Hippolyte. Nous trouvons une place où nous garer à proximité de la très imposante église Saint-Michel avec son superbe clocher et nous remontons le boulevard de la Marine, nous passons devant le tout autant imposant « castell » médiéval qui fait l’angle avec la rue Jeanne d’Arc. Marine, Jeanne d’Arc, j’en suis à me demander de quel bord politique est  la commune ? Enfin, peu importe, aujourd’hui le seul front à retenir est le front de mer, enfin celui de l’étang et nous en sommes encore à chercher la cave vinicole qui est la vraie ligne de départ de cette boucle. Nous n’avons pas prévu de visiter le village, qui mérite sans doute un détour plus conséquent au regard de l’Histoire que j’ai pu en lire sur le Net. Voilà l’avenue Paul Riquet que nous recherchons. La cave est là. Nous poursuivons tout droit. Le canal est déjà là. Tout droit lui aussi. Droit comme un « I ». Nous le longeons sur sa berge gauche. Sur sa berge droite, de grands cyprès servent de miradors à une palanquée de grandes Aigrettes tandis que de nombreux étourneaux et tourterelles ont trouvé refuge sur les câbles électriques. Les moineaux semblent avoir une nette préférence pour les tamaris où ils se cachent. Des occasions presque inespérées d’engranger les premières photos ornithologiques. Si la présence des aigrettes s’explique par l’abondance de petits poissons dans le canal, des mulets apparemment, celle des autres volatiles reste plus mystérieuse. Nous poursuivons. Un gros ragondin fait sa toilette. Une première passerelle se présente mais nous en faisons l’impasse car mon bout de carte m’en indique une deuxième un peu plus loin. Les cyprès ont quasiment disparu et ont laissé la place à de grands peupliers blancs et à quelques pins. Les premiers sont effeuillés et quelques oiseaux ont élu domicile au plus haut de leur faîte. En raison des branchages faisant obstacle, ils sont impossibles à photographier. Les Grandes Aigrettes au bec jaune laissent la place à quelques aigrettes garzettes au bec noir et à une multitude de petits passereaux : serins, rouges-queues, gobe-mouches, verdiers, chardonnerets, bruants.  Un grand bonheur pour moi de voir tous ces oiseaux alors que nous en sommes à peine à la partie que j’imaginais comme la moins intéressante du parcours. Je ne peux malheureusement pas les photographier tous convenablement. Voilà la deuxième passerelle. Elle fait office d’écluse. Cette fois, il faut traverser et longer la berge opposée. Les grands peupliers disparaissent et laissent la place à une plus grande variété arbustive avec des cannes, des peupliers plus modestes dans leur taille et quelques autres essences. Dans le canal, les roselières se font plus présentes. Elles servent de repères aux gallinules poules d’eau. Une étrange créature vient crever la surface, je la prends en photo mais très vite elle replonge dans les profondeurs du canal. Tortue ? Poisson carnassier ? Serpent ? Je ne saurais jamais ! La photo reste incertaine mais je parierais bien pour un poisson carnassier ou une grosse tortue d’eau. L’étang approche et avec lui, apparaissent les premiers cabanons et les premières barques de la Fount del Port. Très étonnant, ces quelques pieds de vignes au milieu même du canal.  Quelle jolie manière de mettre de l’eau dans son vin  ou l’inverse !  Une pancarte Natura 2000 présente et explique ce qu’est le « complexe lagunaire de Salses-Leucate » et rajoute qu’il est un « site européen majeur pour la conservation de la biodiversité ». Un grand cormoran dort sur un piquet planté à plusieurs mètres du rivage mais mon insistance à vouloir le photographier semble le réveiller. Il bat lourdement des ailes comme quelqu’un qui étire ses bras après un profond sommeil puis il s’envole en rasant la surface. Désormais, nous longeons le bord même de l’étang en marchant sur un épais tapis d’algues sèches mais fortement imbibées par les pluies des jours précédents. Nous pataugeons et de ce fait, nous sommes contraints de rallier le chemin principal. A regret car quelques échasses occupent les portions sableuses. Le chemin est encadré de ganivelles, ces palissades dont l’utilité est double : freiner les vents de sable et encadrer les déplacements humains. Mais là aussi, les orages de la veille ont créée quelques grandes flaques d'eau pas toujours facile à franchir. Seul privilège à cette entorse obligée, la découverte d’un vraie « barraca », maison traditionnelle du pêcheur construite avec les roseaux du coin et le bois flotté. On continue tant bien que mal jusqu'à atteindre une passerelle sur l’agouille Ventouse. Mais les choses se compliquent car des employés qui travaillent au débroussaillage nous indiquent que nous ne pourrons pas aller plus loin, les eaux de l’agouille ont débordé et ont envahi les chemins adjacents. Nous faisons demi-tour avec dans la tête la quasi certitude que la balade est déjà terminée. On retourne au bord de l’étang et continuons au plus près de l’eau en suivant un jeune homme qui promène son chien. Eux sont carrément dans l’eau ; le chien jusqu’au poitrail et l’homme jusqu’aux mollets, et nous sur la berge mais sans le vouloir, ils nous montrent un itinéraire que nous n’aurions jamais découvert. En effet, nous arrivons à l’embouchure de l’agouille Ventouse où un amoncellement de branchages, de roseaux et d’algues a créé un pont si épais et si solide que nous le chevauchons sans trop de crainte. En tous cas, nous réussissons à franchir l’agouille large de presque 3 mètres sans nous mouiller les pieds. On continue en alternant, les passages sur le rivage ou entre les ganivelles au gré de leur praticabilité. D’autres oiseaux apparaissent : passereaux des roseaux mais aussi des goélands, des mouettes rieuses et quelques autres limicoles. Un petit régal pour moi. La marche devient plus simple même si pour éviter une zone vraiment inondée, elle nous oblige à entrer dans une propriété privée sur quelques dizaines de mètres. Après cette courte infraction, nous voilà désormais sur une portion littorale bien plus praticable. Petits ou grands, les oiseaux de étangs se succèdent : hérons, chevaliers, passereaux. Nous passons devant une villa et quelques minutes plus tard débouchons sur une grande esplanade. Devant nous, le fameux terrain militaire, à droite une route asphaltée et à gauche un immense ponton en ciment donnant sur les flots. J'apprendrais plus tard que ce ponton construit en 1924 et mis en service en 1927 servit de base pour les hydravions du célèbre ingénieur Pierre-Georges Latécoère. Carte  à l’appui, j’explique à Dany que l’heure est arrivée de faire un choix : soit prolonger la balade en continuant le littoral puis en faisant le tour du terrain militaire soit prendre la route qui part à droite et qui doit nous ramener à Saint-Hippolyte. Plus pragmatique que moi, elle me réponds que c’est surtout l’heure du déjeuner qui est déjà arrivée et elle file aussi sec vers l’extrémité du ponton, seule « aire de pique-nique » digne de ce nom à ses yeux. Assise au bord du ponton, les pieds ballants au dessus de l’eau, la voilà qui s’installe et se met à manger sa salade face à l’immensité de l’étang. Je fais de même sous le regard inquiet d’un grèbe huppé qui lui aussi est entrain de déjeuner. Enfin, lui en est tout juste à tenter de le pêcher par des apnées successives, longues et de plus en plus éloignées de nous. Avec beaucoup de difficulté, je tente bien évidemment de le photographier. Face à nous l’étang bleuté et au loin sur notre gauche, un Massif du Canigou excessivement enneigé qui vient de surgir des nuages comme un diable à ressort jaillit de sa boîte. Enfoui qu’il était sous de gros cumulonimbus, nous ne l’avions pas remarqué. Après ce frugal déjeuner, je continue à m’adonner au plaisir de la photo pendant que Dany en profite pour un peu de repos sous un soleil suffisamment tiède pour tomber dans une agréable torpeur. Ici, de nombreux passereaux occupent les salicornes, les soudes et autres plantes halophiles poussant à profusion. Quelle n’est pas ma surprise de découvrir pour la toute première fois le si joli « Gorge bleue à miroir ». Il est temps de repartir. Dany a opté pour la formule la plus courte c'est-à-dire celle qui ne fait pas le tour du terrain militaire. Nous prenons la route bitumée D.11h jusqu’à l’entrée du dit terrain. Bien évidement, le fait même de quitter le bord de l’étang rend cette balade moins captivante. Les oiseaux y sont moins nombreux. Seuls quelques étranges tags sur un transfo électrique abandonné, le tableau d’une Vierge Marie jeté dans des décombres qui n'ont rien à faire là et quelques chèvres jouant sur les palettes d’un capharnaüm  retiennent l’attention de mon appareil photo. Voir les fossés transformés en dépotoirs et de jeunes cabris et leurs mères juchées sur des palettes et gambader au milieu de bouteilles de gaz me rend plutôt « furax ». Nous arrivons devant la grille du terrain militaire et il nous faut quitter l’asphalte. Ici, nous tournons à droite à hauteur d’une métairie au style résolument catalan, en pierres et « cayroux ». Un chemin y file derrière puis se poursuit de manière évidente tout en zigzaguant. Finalement l’itinéraire devient quasiment rectiligne. Si vous n’avez pas pris la précaution d’un tracé G.P.S, il vous faudra suivre le chemin le plus emprunté. Vous ne pouvez guère vous tromper car c’est à la fois celui qui dispose d’un maximum d’ornières et le plus bourbeux à la fois, les deux allant ensemble à cause de l’activité agricole permanente et des pluies des jours précédents sur un terrain argileux peu perméable. Il traverse des champs en friches, d’autres envahis d’immenses serres plus ou moins abandonnées mais surtout, il pénètre ce qui fait la richesse du pays salanquais, c'est-à-dire le maraîchage,  les vergers, les vignobles et l’élevage équin ou ovin. Tout au bout, ce chemin débouche sur la départementale D.11, laquelle à droite retourne vers le centre de Saint-Hippolyte. Nous retrouvons notre voiture après 3h30 sur ce « Circuit de la Soulsoure ». La balade se termine après une dizaine de kilomètres parcourus, le « trackback », c'est-à-dire le tracé de mon G.P.S enregistré en marchant, m’annonçant 10,099 km, pour un dénivelé quasiment nul de 3 mètres maxi. J’ai photographié une bonne vingtaine d’oiseaux d’espèces bien différentes mais ce chiffre, il faudrait le multiplier par trois pour obtenir un recensement fidèle des oiseaux réellement aperçus au cours de la balade. Carte I.G. N 2548 OT Perpignan – Plages du Roussillon Top 25.

     

    (*) La Solsora : En français le Soulsoure est le nom de la « Soude commune », en latin « Salsola soda », le mot « salsona » ayant pour origine le nominatif « salsus » signifiant « salé ». Il s’agit d’une plante halophyte et succulente dont on tire depuis des siècles le fameux carbonate de soude ou carbonate de sodium par combustion de ses cendres, élément essentiel dans la fabrication du verre et du savon.

    (**) Le canal Paul Riquet de Saint-Hippolyte : En 1666, sous le règne de Louis XIV et grâce à un édit de Colbert,  commencent les premiers travaux du « canal royal du Languedoc ». Sous la férule de Pierre-Paul Riquet, les travaux durent une quinzaine d’années et sont motivés par le souhait de faciliter le commerce, du blé notamment. En 1789, les révolutionnaires lui donnent le nom de « canal du Midi ». Bien plus tard, entre 1838 et 1858 et après le creusement définitif du « canal de la Garonne », l’ensemble devient le « canal des Deux-Mers ». Si l’idée de relier la Méditerranée à l’Atlantique date de l’antiquité mais a sans cesse été reprise au fil des différentes couronnes, on peut citer Auguste, Néron, Charlemagne, François 1er, Charles IX ou encore Henri IV, deux siècles auront presque été nécessaires pour parvenir réellement à concrétiser ce projet d’une voie navigable entre les deux mers. Entre ces deux dates, une multitude d’autres projets de canaux secondaires seront imaginées par divers ingénieurs au gré des intérêts commerciaux, des guerres à répétition, des signatures de traités, des périodes de paix, des nouveaux conflits, de nouveaux accords, etc, etc....Si certains verront le jour, l’insuffisance de finances et le désintérêt soudain pour un projet qui paraissait essentiel quelques années auparavant sont les principales causes de nombreux avortements. Il en est ainsi de ce qui devait être le canal du Roussillon dont Vauban était le promoteur. Quand on évoque Vauban, on pense inévitablement stratégie et systèmes de défense et bien évidemment l’idée de relier le Roussillon au canal royal du Languedoc par un autre canal est d’abord militaire. Nous sommes en 1686 et il faut se rappeler que le comté du Roussillon vient d’être annexé au royaume de France par le traité des Pyrénées de 1659, au même titre que d’autres régions pyrénéennes espagnoles comme le Vallespir, le Capcir, le Conflent et une partie du comté de la Cerdagne, pour ne citer que les plus proches de Saint-Hippolyte. Cette région essentiellement d’origine catalane est dans une période de grande instabilité et pour Vauban, les aspects sûreté et sécurité sont primordiaux. Il est important de réprimer le moindre antagonisme, la moindre opposition, de faire face à d’éventuelles représailles venant du royaume d’Espagne. C’est ainsi qu’en 1686 est creusé le canal de la Robine dont le prolongement après Port-la-Nouvelle doit rejoindre l’étang de La Palme puis celui de Salses-Leucate, lequel une fois traversé reliera Perpignan par un canal démarrant à proximité du village de Saint-Hippolyte. Les agouilles étant nombreuses dans le secteur, on peut supposer que les ingénieurs ont utilisé une petit cours d’eau voire une source existante débouchant au lieu-dit la Font del Port (la Fontaine ou la Source du Port en français) : la Solsora (*) sans doute. Il faut se souvenir que depuis toujours les salines étaient nombreuses à proximité de Saint-Hippolyte dont l’appellation Sant Hipolit de la Salanca, nous rappelle que les « salanques » c'est-à-dire les « Terres Salées » étaient habituelles dans ce secteur. Voilà donc le principal projet du canal dit du Roussillon tel qu’il est repris par l’ingénieur Antoine Niquet après la mort de Riquet en 1680 et même si d’autres ébauches (vers Rivesaltes et l’Agly, Canet et Port-Vendres, les Fenouillèdes et les Corbières) ont été un temps envisagées, la plupart restent soit trop peu rationnelles soit carrément utopiques. Les travaux de ce canal du Roussillon commencent un peu partout et le creusement du canal de Saint-Hippolyte débute en 1691 mais par absence de budgets et diverses autres raisons (risque de guerre devenu caduc avec l’Espagne, opposition des héritiers Riquet, désintérêts commerciaux dus aux progrès routiers et maritimes, etc…) la plupart de toutes ces entreprises ne seront jamais menées jusqu’à leur terme. Il faut noter que le canal de Saint-Hippolyte prendra le nom de Riquet alors que ce dernier est déjà mort depuis 1680 quand commencent les travaux en 1691. On peut donc supposer qu’il s’agit d’un hommage, d’un souhait ou d’une exigence des héritiers car il a été le premier à coucher sur le papier, l’idée même d’un canal reliant l’étang à la commune. Après deux ans de creusement, le projet est abandonné mais la liaison entre le village à l’étang est terminée. Ce tronçon de canal n’aura jamais l’usage initial qui était militaire ni commercial mais, puisqu’il court jusqu’à l’étang, il va permettre d’assainir l’intérieur des terres en proies aux marécages et aux inondations régulières diminuant ainsi les nombreux risques liés aux maladies infectieuses qui en découlent depuis toujours, tant pour l’homme que pour la faune. En effet, avec le canal et les autres agouilles Capdal, Ventouse, du Trial et leurs réseaux, les eaux de sources et de pluies peuvent désormais être drainées vers l’étang. L’Etat français cédera le canal à la commune qui diminuera sa taille, aménagera ses berges et sera chargée de son entretien et de sa protection. Voilà un condensé des différentes lectures que j’ai pu faire sur le sujet mais si vous voulez l’approfondir, je vous conseille la lecture du livre de Gilbert Larguier « Découvrir l’Histoire du Roussillon XIIe-XXe siècle » parue aux Presses Universitaires de Perpignan en 2010, on y évoque beaucoup le Canal du Roussillon et un peu ce tronçon hippolytain.


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