•  


    L’été et le mois d’août en particulier ont toujours été pour moi synonymes de pêches en mer. J’ai toujours été un « tueur de poissons », mais sans vouloir en faire une excuse, comment aurait-il pu en être autrement alors que j’ai toujours vécu au bord de l’eau et que de tous côtés, ma famille a baigné dans les « choses de la mer ». Toutes mes vacances se sont déroulées au bord de la Grande Bleue. Pêche sous-marine que je pratique depuis que je sais nager ; un peu moins aujourd’hui à 66 ans ; diverses pêches en bateau (palangrotte, rusclets, traîne, palangres, etc…) auxquelles mon grand-père puis mon père m’ont initié depuis ma plus tendre enfance et enfin pêche du bord à la canne dont j’ai attrapé le virus grâce à mon beau-père. Cette dernière façon de pêcher, je me souviens de la toute première fois, comme si c’était hier. C’était en 1976 et je venais d’acheter une magnifique canne télescopique réglable de 4m50 que j’étrennais pour la toute première fois. A l’époque, mon beau-père habitait encore dans les Pyrénées-Atlantiques et nous étions partis pêcher sur la digue de Socoa. Cette nuit-là, et selon mon beau-père, la pêche avait été mauvaise car nous avions attrapé un seul poisson. Enfin, j’avais attrapé un seul poisson ! Mais quel poisson, j’avais réussi à sortir de l’eau ! Un Sar royal de 2,5 kg encore appelé Sar tambour et en latin Diplodus cervinus. Dieu sait s’il m’avait fait bataillé le gaillard !

    Tous mes étés ont donc été bercés par les flots de la Grande Bleue et si j’en parle maintenant c’est parce que ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui. La montagne a pris le relais. Il faut dire que la pêche du bord à la canne que m’avait inculquée mon beau-père était surtout nocturne et j’avoue qu’en prenant de l’âge, l’envie de dormir à même les rochers du Cap Béar ou bien sur ceux du Cap des Trois Frères à Leucate a quelque peu disparue. Dieu sait si j’en ai passé des nuits à pêcher dans les endroits les plus divers et étonnants mais aussi à dormir quand les poissons avaient décidé eux aussi de disparaître dans les bras de Morphée. J’essayais toujours de trouver des coins de pêche peu fréquentés des autres pêcheurs. Pour cela, j’avais une méthode : lors de mes parties de chasse sous-marine, j’essayais de me souvenir des meilleurs coins, c'est-à-dire de ceux où j’avais vu beaucoup de poissons au plus près du bord. Cette méthode avait néanmoins un inconvénient car parfois les postes accessibles en chasse sous-marine ne l’étaient pas du bord. Alors, il m’arrivait de me retrouver en pleine nuit dans des lieux où personne d’autre n’aurait jamais eu l’idée de venir pêcher. Je me souviens de ce petit matin, où me réveillant au bord de l’eau, quelle ne fut pas ma surprise de constater qu’une mère renard et ses quatre petits renardeaux m’observaient depuis un éperon rocheux se trouvant juste au dessus de ma tête, à quelques mètres seulement. Ils devaient sans doute se demander ce que je faisais là, à dormir, sur leur territoire de prédilection. Parfois, quand je me réveillais, j’avais la surprise d’une belle prise qui s’était accrochée toute seule pendant mon sommeil. Lors d’autres réveils, je constatais parfois avec désarroi que des rats ou bien des goélands étaient venus me chiper quelques sardines me servant d’appâts. Avec mon beau-père, nous passions des nuits entières à pêcher presque sans dormir, il faut dire qu’il avait un véritable don pour la pêche de nuit. Rares étaient les fois où nous revenions bredouilles et les principales prises avaient pour noms : loup, sar, muge, oblade, dorade, congre, murène, mustelle, pageots, rascasses, etc…. Il avait même acquis une certaine « science » de la mer. Selon l’état de la mer, sa température, sa couleur, la hauteur de ses vagues, la puissance de ses rouleaux, les phases de la lune, il était capable de prédire quel serait le résultat final d’une nuit à la pêche. Parfois, quand il arrivait sur le poste de pêche, il disait « ce soir, on va faire du loup ! » ou bien «  cette nuit ne va pas être folichonne ! ». Mon beau-père a pratiquement pêché de nuit jusqu’à son dernier souffle, souffle qui d’ailleurs lui a fait défaut et qui finalement l’a emporté à l’âge de 75 ans à cause de la cigarette dont il avait toujours usé avec excès. Il était capable de fumer deux à trois paquets de Gauloises dans une seule nuit ! Une nuit, il a même fait un petit infarctus sur les roches de Collioure où nous nous trouvions. Cette nuit-là, il avait dû son salut, à sa robustesse et à la réactivité que j’avais eue pour le ramener le plus rapidement possible aux urgences de l’hôpital de Perpignan. Puis, il y avait eu d’autres alertes, alors je me cachais pour aller pêcher car malgré ses gros problèmes de santé, l’envie était toujours là et il tenait absolument à pratiquer sa passion malgré la fatigue qu’une nuit à la pêche pouvait engendrer. Des souvenirs de pêches, il y en eu des bons et des moins bons, des solitaires ou non, mais quand j’y repense aujourd’hui, seules les parties les plus « fabuleuses » et les plus « croustillantes » restent dans ma mémoire. Bien sûr, le plus souvent, ces souvenirs sont relatifs à des parties de pêche du bord à la canne ou bien en bateau car il faut bien admettre que la pêche sous-marine, elle, n’a rien de vraiment convivial. La chasse sous-marine est individualiste et même quand on pêche à deux, on pêche seul car l’autre est uniquement là pour surveiller ce que fait le premier ! Alors les bons moments de chasse sous-marine sont ceux que j’ai passés à former mon fils Jérôme puis ensuite ceux au cours desquels je partais pêcher avec lui.  Enfin, « former » est un bien grand mot car il s’est formé tout seul comme je l’avais fait moi-même. Je n’ai fait que lui enseigner quelques rudiments et des consignes de sécurité quand on chasse seul. La pêche du bord à la canne, elle, est une vraie activité sociale et présente l’avantage de pouvoir durer dans le temps. On sait quand on part mais parfois, on ne sait pas quand on va revenir car le plus souvent c’est le poisson qui nous dicte la conduite à tenir. Si ça mord, on reste, si ça ne mord pas, il faut être patient. On y part avec un ou plusieurs amis, avec un ou plusieurs membres de la famille, tout le monde pêche et c’est l’occasion de blaguer un peu ou parfois beaucoup, c’est selon le cas, car le plus souvent là aussi on est tributaire du bon vouloir du poisson. Si ça mord, le silence doit être de mise. On en profite pour faire un bon pique-nique. Parfois l’ami est là, pour épuiseter la grosse pièce tant désirée. Je me souviens par exemple de cet après-midi d’avril 1991, passée à la pointe du Cap Béar, avec mon ami Emile Lara. En quelques minutes, j’avais pêché quatre poissons mais pour un poids total « phénoménal » de 9,9 kg : un loup ou bar de 6,9 kg et trois sars de respectivement 1,3 kg, 1 kg et 700 grammes. Une pêche mémorable et record que je garde comme un de mes plus beaux souvenirs halieutiques. Je me souviens que ce « fantastique » loup avait, par trois fois, brisé le manche de mon épuisette télescopique alors que mon ami Emile s’évertuait à vouloir le faire rentrer dans le filet. Je me souviens que je lui criais des consignes de délicatesse alors que je m’efforçais de ramener au bord ce loup « gigantesque » que je n’avais même pas osé imaginer dans mes rêves de pêche les plus fous.  Ce loup avait fini au four et farci pour l’anniversaire de mes 42 ans. C’était il y a 24 ans. Des pêches surprenantes, il y en a eu bien d’autres, avec mon beau-père François bien sûr mais aussi avec mon regretté frère Daniel, avec mon beau-frère Jean-Claude quand nous allions pêcher dans la Calanque de Sormiou ou bien sur les îles au large de Marseille. Cette pêche que l’on appelle plus communément « à la pelote », j’ai toujours essayé de la faire connaître à mes meilleurs amis comme Emile ou Gilou de Montferrer, tous deux disparus aujourd’hui malgré la différence d’âge de plus de 30 années qui les séparait. Je me souviens de cette première nuit que j’avais passée avec mon ami Gilou au Cap Béar, au pied du sémaphore, une nuit que moi, j’avais considérée pour lui comme un apprentissage mais au cours de laquelle, il m’avait largement « battu » dans le nombre et la qualité des prises : gros loup de plus de 3 kg, énorme mustelle de plus de 2kg et plusieurs sars et oblades étaient amplement venus remplir sa petite bourriche qui habituellement ne recevait que quelques modestes truites du Vallespir. Je me souviens que Gilou s’était bagarré pendant de longues minutes avec deux congres monstrueux qui finalement avaient cassé son fil en atteignant la surface. Il n’avait jamais eu, au bout de sa ligne, des poissons aussi grands et aussi puissants. Une nuit qui est longtemps restée inoubliable pour nous deux car à chacune de nos rencontres, nous l’évoquions avec un immense bonheur. Le bonheur de deux copains ayant la même passion pour les « choses de la nature ». C’était en 1988. Des souvenirs de pêche, je pourrais presque en remplir un livre tant j’en ai plein la tête. Je me souviens par exemple de ces trois ou quatre nuits où depuis la calanque de Sormiou, nous étions partis en bateau par aller pêcher aux Impériaux ou bien du côté du Cap de Morgiou. Nous avions débarqué et avions mouillé le bateau à quelques mètres du rivage. En pleine nuit, l’ancre n’avait pas tenu et le bateau s’en était allé au gré du vent et vers le large sans que nous nous en apercevions immédiatement. J’avais été obligé de me déshabiller, de plonger dans l’eau noire et de nager parfois très longuement pour le récupérer. A chaque fois, j’y étais parvenu mais je me souviens d’une fois ou tout en nageant, j’avais eu une grosse boule au ventre quand je m’étais mis à penser au film « les Dents de la mer ». Il y a aussi cette tempête qui s’était levée au petit matin alors que nous avions pêché toute la nuit sur l’île de Riou au large de Marseille. Trois quart d’heures de navigation pour rejoindre Sormiou dans une mer devenant de plus en plus agitée au fil du parcours. Nous étions quatre sur notre « coque de noix » qui se remplissait à chaque grosse vague. Moi, je tenais la barre pendant que les trois autres écopaient. Tant bien que mal, nous étions arrivés à la calanque de Sormiou alors que des creux de trois ou quatre mètres formés par un fort vent d’est se dressaient derrière nous. Nous n’en menions pas large car la mer avait ce jour-là quelque chose d’absolument effrayant. Une fois sur la terrasse du cabanon, nous avions pris conscience des risques encourus pour une simple partie de pêche, mais l’année suivante nous avions remis ça car la pêche était devenue une vraie passion. Une passion qui était appréciait de tout le monde car chacun pouvait se régaler d’un bon loup au four, d’une bonne friture, d’un muge au court-bouillon ou bien de quelques sars en papillotes cuits sur le barbecue. Il n’y avait jamais trop de poissons car toute la famille et parfois même les amis en profitaient. Il y a également des souvenirs croustillants comme cette nuit que j’avais passée à la falaise de Leucate. Cette nuit-là, ça ne mordait pas et j’étais revenu bredouille de poissons mais avec un lapin qui s’était jeté sous les roues de ma voiture. Le lapin avait fini à la poubelle car il était hors de question de le manger. En chasse sous-marine, je me rappelle d’un matin où j’étais parti très tôt pêcher dans l’anse de Paulilles et au Cap Oullestreil. Vers 9 h ou 10 heures, et alors que j’avais déjà magnifiquement pêché, un Zodiac s’est approché de moi. C’était les organisateurs du Championnat de France. Derrière moi, j’ai constaté qu’il y avait des dizaines d’équipes et sans le vouloir, je les avais devancé. Les organisateurs pensaient que j’étais un concurrent et quand ils ont vu les beaux poissons que j’avais à la ceinture, l’un d’entre-eux s’est exclamé : « si tu continue, aujourd’hui, c’est toi le champion de France ! ». Je suis sorti immédiatement de l’eau pour ne pas les ennuyer. Ce matin-là, j’avais pêché un congre de plus de 6 kg, un loup de 2,1 kg, une grosse mustelle et plusieurs beaux sars.

    Aujourd’hui, il me reste tous ces beaux souvenirs et surtout quelques superbes photos de ces mémorables instants. Quand le mois d’août arrive, j’ai un peu la nostalgie de tous ces moments-là et j’aime bien regarder mes photos. Je les regarde comme un champion regarderait ses trophées.  Les prises et les « tableaux » les plus fabuleux, j’en ai fait un album photos que j’ai utilisé pour réaliser le diaporama que je présente ici avec cet article. Même si de temps à autres, je vais encore pêcher au Cap Béar, au Cap Oullestreil ou bien du côté des falaises de Leucate, je n’ai plus cette passion chevillée au corps comme je l’avais encore il y a quelques années. J’ai le sentiment que les bredouilles se font plus nombreuses et que le poisson se raréfie. En plus, ma vision de l’animal qu’est le poisson a quelque peu changée et le voir mourir hors de l’eau par manque d’air ne me laisse plus indifférent comme cela a été longtemps le cas. Aujourd’hui, quand je pêche un poisson, je prends soin de réduire au maximum sa souffrance et s’il est trop petit, je le remets à l’eau. Enfin, il faut ajouter à tout ça, le fait que pratiquement toutes les personnes avec lesquelles j’aimais aller pêcher ont quitté ce monde….et aller pêcher tout seul ce n’est pas vraiment rigolo…..Aujourd’hui, et même si j’adore marcher, les souvenirs de mes randonnées pédestres ne remplacent pas les souvenirs des jours et surtout des nuits passées à la pêche. J’ai passé des nuits à rêver : je rêvais de gros poissons parfois éveillé mais le plus souvent en dormant sur les rochers. Parfois la chance a voulu que mes rêves deviennent réalités. Aujourd’hui, quand je marche, il m’arrive aussi de rêver…..alors c’est kif-kif mais je fais quand même mienne cette citation de Saint-Augustin : “Celui qui se perd dans sa passion perd moins que celui qui perd sa passion.”  J’ai beaucoup perdu en allant moins à la pêche !


    1 commentaire

  • Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Préambule

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Préambule

    Le parcours effectué et ses 6 étapes :

    Cliquez sur les étapes pour voir chacune d'entre-elles.

    -Amélie-les Bains (232 m) - Batère (1.460 m) 21,3 km.

    -Batère (1.460 m) - St.Guillem de Combret (1.287m) 21,0 km.

    -St.Guillem de Combret (1.287 m) - Prats-de-Mollo (753 m) 15 km.

    (en réalité, avec mes égarements au départ de cette étape puis dans la forêt du Miracle puis pour la recherche de mon appareil photo que j'ai perdu dans cette même forêt, j'ai parcouru environ 25 km ce jour là)

    -Prats-de-Mollo (753 m) - Notre Dame de Coral 1.081 m) 9 km.

    - Notre Dame de Coral - St.Laurent-de-Cerdans (714 m) 27 km.

    - St.Laurent-de-Cerdans (714 m) - Amélie-les-Bains (232 m) 21,5 km.

    Bibliographie-Sites Internet-Lexique-Remerciements.

    J'ai donc parcouru en 6 jours environ 125 kms pour 10,6 kilomètres de dénivelés positifs.

    (La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    MES JEUNES ANNÉES

    Mes jeunes années

    Courent dans la montagne

    Courent dans les sentiers

    Pleins d'oiseaux et de fleurs

    Et les Pyrénées

    Chantent au vent d'Espagne

    Chantent la mélodie

    Qui berça mon cœur

    Chantent les souvenirs

    De ma tendre enfance

    Chantent tous les beaux jours

    A jamais enfuis

    Et comme les bergers

    Des montagnes de France

    Chantent la nostalgie

    De mon beau pays

     

    Loin d'elle loin des ruisseaux

    Loin des sources vagabondes

    Loin des fraîches chansons des eaux

    Loin des cascades qui grondent

    Je songe et c'est là ma chanson

    Au jour béni des premières saisons

     

    Mes jeunes années

    Courent dans la montagne

    Courent dans les sentiers

    Pleins d'oiseaux et de fleurs

    Et les Pyrénées

    Chantent au vent d'Espagne

    Chantent la mélodie

    Qui berça mon cœur

    Chantent les souvenirs

    De ma tendre enfance

    Chantent tous les beaux jours

    A jamais enfuis

    Et comme les bergers

    Des montagnes de France

    Chantent le ciel léger

    De mon beau pays

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - PréambuleChanson de Charles Trenet 

    Préambule :

    "Où pouvait-on chercher dieu, si ce n'est sur ces montagnes ? Il se confondait, pour moi, avec la poésie de la terre, la découverte plongeante des plaines et des vallées, l'élévation, au sens physique du mot, le ravissement dans les nuées." Extrait du récit " Le chiffre de nos jours ". André Chamson (1900-1983) romancier et académicien français.

     

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - PréambuleMES JEUNES ANNEES

    Cliquez sur la pochette du disque pour écouter la chanson et voir la vidéo

    J'étais dans ma voiture en direction d'Amélie-les-Bains et je fredonnais une vieille chanson en écoutant une radio sur mon lecteur MP3. Ces vieilles paroles, ça faisait des années que je ne les avais plus entendues et là, juste au moment de partir marcher sur ce Tour du Vallespir, voilà qu'elles me revenaient dans la tête comme un boomerang. Cette chanson, c'était mes " Jeunes années " de Charles Trenet interprétée par Les Compagnons de la Chanson.:

    Mes jeunes années

    Courent dans la montagne

    Courent dans les sentiers

    Pleins d'oiseaux et de fleurs

    Et les Pyrénées

    Chantent au vent d'Espagne…..

    Et en écoutant cette chanson, je me mis à penser à ma mère. Sans doute à cause de l'époque, car j'étais encore enfant quand elle avait eu du succès. Puis en écoutant mieux les paroles que j'avais sans doute négligées jusqu'alors, je me mis soudain à penser : dans la vie, il y a de ces coïncidences ! Je pars dans les Pyrénées courir les sentiers du Vallespir à la lisière de la frontière avec l'Espagne et voilà une chanson on ne peut plus adaptée à cette circonstance ! Et je ne sais pas pourquoi, à partir de cet instant, cette magnifique chanson très appropriée à l'aventure que j'allais vivre fut un encouragement supplémentaire aux efforts que j'aurais à entreprendre. Seul bémol à ce texte, mes jeunes années étaient loin derrière moi car avec mes soixante printemps je n'étais plus tout jeune mais même si ça peut paraître idiot, cette chanson me rajeunissait ! Ce refrain, à la fois plein de nostalgie, de poésie mais aussi de gaieté et d'esprit de liberté, me revint dans la tête très souvent tout au long de ce Tour du Vallespir.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Préambule

    Le Vallespir dans la carte des Pyrénées-Orientales.

    LE TOUR DU VALLESPIR ? :

     

    En lisant ce préambule, vous allez d'emblée vous demander pourquoi ce titre " Tour du Vallespir " se termine-t-il par un point d'interrogation ?

    Il y a plusieurs raisons à cela, mais la principale est d'ordre culturel, car pour moi une aventure sans culture, ça n'a pas vraiment de sens. Mais avant de la raconter cette aventure, j'insiste sur ce mot, car pour moi, cela en est toujours une quand je pars ainsi marcher plusieurs jours, il m'a semblé indispensable de replacer mon récit dans son cadre géographique puis d'expliquer les motivations qui m'ont poussé à faire cette longue randonnée. Les raisons de ce point d'interrogation sont donc culturelles et personnelles. Voilà en quatre points, les principales réponses à ce point d'interrogation :

    1)- Le Vallespir c'est quoi ? : Dès l'instant, où j'ai envisagé de faire ce voyage pédestre, voilà, la toute première question que je me suis posée et bien évidemment, je me suis immédiatement tourné vers Internet pour en obtenir la réponse que je tente de résumer ci-après :

    Le Vallespir est une large région vallonnée et montagneuse du département des Pyrénées-Orientales qui s'étire sur une quarantaine de kilomètres le long de la vallée du Tech. Le Tech dont le bassin versant est le plus méridional de France est un fleuve qui prend sa source à une altitude de 2.450 m environ sous le Roc Colom (2.507 m) et qui après avoir parcouru 84,3 kilomètres, se jette dans la mer Méditerranée dans la réserve naturelle du Mas Larrieu, non loin d'Argelès-sur-Mer, où se trouve son embouchure que l'on appelle le Bocal du Tech. La première limite du Vallespir est donc le Tech, de sa source jusqu'à Céret pour ce qui est de la vallée. On peut préciser que dans cette vallée du Vallespir circule la D.115, route principale qui file quasi parallèlement au Tech du Col d'Arès jusqu'à la commune du Boulou. Puis les autres limites sont bien sûr les versants de cette vallée. Il y a le versant qui est ensoleillé et que l'on appelle solana en catalan, ou soulane et adret en français. Pour simplifier, ce versant s'étire des Esquerdes de Rotja jusqu'au contreforts des Albères en passant par les versants abrupts du Massif du Canigou. Le versant sud ou ubac, bac en catalan, est représenté par la frontière avec l'Espagne du Roc Colom (2.507 m) jusqu'au Col du Perthus. Sur ce versant sud, on trouve le pic de Costabonne (2.465 m), le col d'Arès, poste frontière sur la D.115, le Roc de France ou de la Frausa qui culmine à 1.450 mètres pour ne citer que quelques points significatifs. Si la vallée du Tech est le principal creuset du Vallespir, il n'en est pas l'unique et de nombreux affluents ont aidés à son épanouissement : la Lamanère (15,7 km), la Parcigoule (9 km), la Coumelade (15 km), le Riuferrer (17,7 km), le Mondony (9,4 km) et le Maureillas (16,1 km) pour ne citer que les plus importants mais il y en a bien d'autres. Le Tech dans sa partie Vallespir a une exceptionnelle déclivité puisque en une quarantaine de kilomètres son altitude passe de 2.450 mètres à 120 mètres à Céret, commune considérée comme la capitale du Bas-Vallespir, Prats-de-Mollo étant celle du Haut-Vallespir. Cette extraordinaire déclivité en fait un fleuve dangereux voire dévastateur car les fluctuations saisonnières de son débit peuvent être très importantes selon la pluviométrie. En octobre 1940, avec les pluies diluviennes qui s'abattirent sur tout le département, le Tech dévasta tout sur son passage et bâtit tous les records de débit en France : montée des eaux de trois mètres en une demi-heure à Amélie-les-Bains et de huit mètres en une heure à Arles-sur-Tech. Ces crues torrentielles, les catalans les appellent " Aiguat ". Enfin pour être à peu près complet, un brin d'histoire pour signaler que le Vallespir, longtemps espagnol, fut rattaché à la France par le Traité des Pyrénées en 1659. Le Vallespir est une région de Catalogne pleine de légendes et de mystères où les traditions ancestrales restent fortement implantées avec à titre d'exemples la Fête de l'Ours, les sardanes, les feux de la Saint-Jean ou les " castellers ", ces hommes dont l'objectif est de grimper les uns sur les autres pour faire des pyramides humaines les plus hautes possibles que l'on appellent " castells ". Je n'en cite que quelques-unes parmi les principales mais dans le folklore catalan, elles sont abondantes.

    2)- Mais d'où vient le nom Vallespir ? : Ce sont les romains qui occupèrent la région qui l'appelèrent ainsi. Ce mot vient du latin " Vallis Asperi " qui signifie " vallée âpre " mais âpre au sens de difficile, rude, abrupt, coriace, rugueux, avec des aspérités. On peut supposer qu'une autre région celle des Aspres qui signifie " aride " a la même origine étymologique.

    3) Qui a " inventé " le Tour du Vallespir ? : Comme très souvent dans notre beau département et dans les Pyrénées toutes entières, les contours de cette longue randonnée à faire en 6 jours ont été imaginés par le grand pyrénéiste Georges Véron (1933-2005). Dans sa jeunesse, Georges Véron a souvent arpenté les sentiers montagnards du Vallespir qu'il connaissait parfaitement mais c'est en 2001 que le tracé complet avec quelques variantes imaginables fut revu dans sa totalité. Avec l'appui du Conseil Général des P.O et de la Direction de l'Economie et du Territoire, Georges Véron fut à l'origine de l'impression d'un guide où l'on retrouve les étapes de ce tour et qui s'intitule " Canigou-Vallespir-Conflent " paru chez Rando Editions dans la collection " Le Guide RANDO ". Personnellement, j'avais remarqué au cours de mes sorties dominicales du côté de Lamanère ou de Batère, les petits panonceaux jaunes faisant référence à ce Tour du Vallespir mais, jusqu'à cette année 2009, je n'avais jamais pensé l'accomplir dans son intégralité. J'en ignorais d'ailleurs le tracé, la distance et les réelles difficultés. Il faut savoir que depuis l'édition de ce guide en 2002, ce Tour du Vallespir a quelque peu été délaissé au fil des ans par les différents acteurs départementaux. Mais, selon les informations que j'ai pu lire récemment, et qui m'ont été confirmé depuis la fin de " mon tour ", il devrait être réhabilité, au même titre que le Tour du Canigou, au cours des prochaines années. Ce rétablissement ne pourra avoir qu'un effet bénéfique pour le développement d'un tourisme rural dont les Pyrénées-Orientales ont bien besoin.

    4) Pourquoi me suis-je lancé dans ce Tour du Vallespir ? : Depuis 2007 et mon merveilleux " Tour du Coronat " en solitaire, je n'avais plus marché plusieurs jours d'affilée et j'avoue que j'avais depuis quelques temps des " fourmis " dans les jambes ! Je ressentais en moi, cet appel de la montagne et de la Nature, ce désir de liberté absolue que l'on ressent quand on est en pleine montagne, sentiment qui se développe d'autant plus que l'on est seul et livré à soi-même, ce goût de l'effort que les non-sportifs appellent inutile, cette envie de découvrir d'autres horizons et de rencontrer d'autres personnes. A tout cela, se rajoutait le besoin de sortir de la routine quotidienne, routine dont bizarrement j'avais le sentiment qu'elle ne s'était pas interrompue, malgré mon départ à la retraite. Bien sûr, une fois encore, j'aurai préféré partir randonner avec Dany, mais l'âpreté bien réelle du circuit, la longueur et la dureté des étapes conjuguées à sa polyarthrite, nous fûmes contraints d'en décider autrement. Quelques jours avant de partir, je vis les choses sous un autre angle, sous d'autres aspects et je crois que mon départ, une fois encore en solitaire, fut bénéfique pour nous deux, tant sur le plan physique que psychologique. Mais comme toujours en pareil cas, il subsistait en moi un sentiment de frustration, celui de ne pas partager toutes ces jolies " choses " que je ne manquerai pas de voir. Mais j'avais ma petite idée et comme je l'avais fait très souvent après le Tour du Coronat, je l'emmènerai plus tard faire des étapes ou des tronçons d'étapes sur une journée. Ce serait ma façon à moi de me faire pardonner mon voyage en solitaire que de lui faire découvrir un Tour du Vallespir saucissonné.

    Loin d'elle loin des ruisseaux

    Loin des sources vagabondes

    Loin des fraîches chansons des eaux

    Loin des cascades qui grondent

    Je songe et c'est là ma chanson

    Au jour béni des premières saisons

    Tous les gîtes, refuge, hôtel et autre chambre d'hôtes ayant été réservés, il ne me restait plus qu'à sangler mon sac à dos et à grimper sur les " hauteurs de cette vallée âpre ".

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - PréambuleLe guide de Georges Véron

    Cliquez sur le guide pour passer à la 1ere étape.


    votre commentaire
  • Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.1ere étape : Lundi 17 août 2009.

    Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.

    (La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.

    Cliquez sur la carte pour l'agrandir et 2 fois pour un plein écran.

    "Vous ne connaissez pas la dernière bergère Qui règne encore ici sur ces antiques lieux Où les Romains, en conquérants industrieux Fondaient le fer avant le premier millénaire ; En menant son troupeau vers la Tour de Batera A ses pieds, chaque jour, surgit devant ses yeux Ce grand pays de bois et de vallons herbeux Qui va de Saint-Marsal au col de Palomera." Extrait du recueil de poèmes " Ballades catalanes ". André Taurinya (1914-2004) poète français.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.LA MONTRE ET LE PAPILLON :

     

    7h30, me voilà sur le parking des Thermes d'Amélie. J'ignore pourquoi je regarde ma montre, après tout, je ne pars pas sur ce Tour du Vallespir avec l'idée de faire une course contre la montre. Une ridicule habitude sans doute ! Ou alors la crainte d'avoir un ennui et d'arriver au gite à une heure déraisonnable ? Bien au contraire, je démarre plutôt avec l'idée de flâner autant que je le pourrais car dans la marche pédestre, c'est bien ce rythme-là que me plaît. Je viens de passer sans problème devant le vigile, lequel enfermé dans sa guérite, m'a regardé béat et m'a fait signe d'avancer. Il a du me prendre pour un curiste mais, de peur qu'il ne m'arrête, j'ai machinalement accéléré dans la rampe qui accède à la toiture du centre de cure où se trouve le parking. Il y a peu de voitures. Je gare la mienne. Je n'ai pas grand-chose à faire pour être prêt à démarrer : changer mes tennis par mes chaussures de marche, prendre mon bâton et mon bob et harnacher mon sac à dos. Une fois encore avec ses 21 kilos, ce maudit sac est bien trop lourd à mon goût. J'ai eu beau le remplir, le vider, le remplir à nouveau, le revider, le trier, faire la part des choses utiles ou inutiles, indispensables ou superflues, tous les objets qu'il contient ont été mûrement réfléchis et ont pour ambition de me servir au moins une fois. Outre, le poids élevé du sac à dos, l'arrêt total du tabac m'a fait prendre quelques kilos plus que superflus, kilos que j'ai toujours eu un mal fou à éliminer. C'est donc avec deux surcharges pondérales que je m'apprête à démarrer : le sac à dos et mon "bedon". Malgré ça, je suis confiant car je prépare ce Tour du Vallespir depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois et j'ai parfaitement ordonnancé ce départ.  De tous ces objets que contient mon sac à dos, j'en ai fait 4 grandes catégories :

    a) Les aliments tout d'abord, avec il est vrai un gros surplus en prévision d'un jour et demi sans aucune possibilité de ravitaillement à Saint-Guillem de Combret. Je dispose pour cela de 4 coupelles de salades diverses achetées toutes prêtes, 4 boites de gâteaux de riz et un gros taboulé. A ces repas prévisionnels quotidiens, il faut ajouter le repas de ce midi et l'encas de l'après-midi avec une grosse salade composée, 3 sandwichs, 2 oranges, 1 banane, 1 compote et les 4 litres d'eau que j'ai cru utile d'emporter dans 2 gourdes d'un litre et une poche à eau de 2 litres, style Camelback. A tous ces aliments s'ajoutent une grosse boîte de fruits secs, 6 barres de céréales et des compléments énergétiques avec pour l'endurance une boite de poudre à diluer dans l'eau et pour l'énergie six compotes gélifiées, une par jour, pour palier aux " coups de mou " qui ne manqueront pas de survenir.

    b) Viennent ensuite les vêtements que j'ai tenté de réduire au minimum avec un short et un tee-shirt de rechange, 2 paires de chaussettes, un slip, un coupe-vent et un poncho. A cette panoplie du randonneur du dimanche s'ajoute une paire de tongs pour reposer des pieds qui pourraient être endoloris par les longues distances qui m'attendent. J'ai également un sac de couchage de 900 grammes (je n'ai pas trouvé plus léger !) qui, si tout se passe bien, devrait me servir demain soir et pour une seule nuit au refuge non gardé de Saint-Guillem de Combret.

    c) Ce modeste ensemble vestimentaire est complété par une petite mais indispensable boite à pharmacie et par une trousse de toilettes avec gant, serviette, savonnette, rasoir, bombe de rasage, eau de toilette, crème solaire, enfin tout ce qu'il faut pour éviter de ressembler trop vite à un vagabond.

    d) Enfin, il y a tous les autres objets indispensables à une randonnée de 6 jours en solitaire : GPS, deux cartes IGN, descriptifs et certaines copies du topo-guide, téléphone portable, appareil photo, piles de rechange, boussole, sifflet, jumelles, couteau suisse, petite cuillère, lampe frontale, stylo, bouts de ficelle, carnet pour prendre des notes et numéros de téléphone utiles, etc.….

    Voilà les 70 litres de mon sac à dos sont parfaitement remplis et difficile d'y glisser une épingle ou des choses inutiles. Ah oui, j'oubliais ! J'emporte aussi deux objets pas vraiment indispensables : un minuscule lecteur MP3 que mes enfants m'ont offert pour mon anniversaire, très agréable pour écouter un peu de musique et surtout très utile pour oublier que l'on souffre dans les gros dénivelés et un petit livre de poche " Dalva de Jim Harrison " que je vais essayer de lire, si je trouve le temps où, si le soir harassé de fatigue, Morphée ne m'engloutit pas trop vite dans ses bras. 

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.

    Amélie-les-Bains est encore endormie. Vue depuis le parking des Thermes où je viens de ranger ma voiture.

    Avant de quitter le parking des Thermes, la première chose qui me vient à l'esprit, c'est de prendre une photo de la ville d'Amélie encore un peu endormie avec à mes pieds la rivière Mondony. Il faut savoir que ce petit ruisseau insignifiant et tranquille est sans doute à l'origine de la création de cette jolie ville thermale qui doit son nom au roi Louis-Philippe qui, en 1840, ne trouva rien de mieux que de donner à la cité, le prénom de son épouse, la reine Marie Amélie de Bourbon. Antérieurement, ce sont les romains, qui les premiers, surent exploiter les résurgences de ses nombreuses sources d'eaux chaudes, " Aquae Calidae ", qui surgissent de ses jolies et très étroites gorges, dont la fin du défilé se trouve juste derrière moi. Mais comme il faut bien que je démarre, la deuxième chose à laquelle je pense, c'est d'éviter le vigile qui m'a vu passé en voiture et qui ne comprendrait pas comment j'ai pu aussi rapidement me métamorphoser de banal curiste en un authentique randonneur. Heureusement, grâce aux cures de Dany, je connais bien les lieux et pour contourner le vigile, j'emprunte l'ascenseur qui aboutit en bas à l'accueil des Thermes du Soleil. Je traverse le hall et sort du centre de cure sous le regard interloqué des curistes. Ils se demandent sans doute ce que je fais ici dans cet accoutrement du " parfait " randonneur avec mon énorme sac à dos, mon bob biscornu vissé sur la tête et mon bâton de marche. Je salue tout ce joli monde, sort du centre en prenant un air le plus naturel possible, et descend la rue des Thermes. A la hauteur du square de l'Espoir avec sa jolie mairie au style colonial et ses palmiers, je m'arrête un instant pour prendre une photo. Il faut dire qu'au moment de partir la vision de ce mot " espoir " sur cette plaque commémorative suscite en moi quelques réflexions. Pour moi, ce mot est bourré de symboles. En effet, j'ai placé beaucoup d'espoirs dans ce Tour du Vallespir, mais avec ses 6 étapes, ses 120 kilomètres à parcourir et ses 11 kilomètres de dénivelés positifs, il n'en demeure pas moins de nombreuses inconnues. Par expérience, je sais qu'il ne peut pas en être autrement mais j'ai bon espoir de terminer ce périple et surtout de le terminer dans les meilleures conditions possibles. Je place aussi de grands espoirs dans tout ce que je vais découvrir : en bout de course, serais-je déçu ou satisfait ? Espoir de réussir à faire un point sur moi-même car je vis mal ma retraite. Je l'avais sans doute trop idéalisée et je suis déçu et, par mon attitude, je déçois, par là même occasion, mon entourage. J'ai l'indicible espoir que la solitude pourra aussi m'aider à ça !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.

    Le square de l'Espoir, un mot plein de symboles, comme ces pigeons qui dorment paisiblement.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Le Tech. Sans lui le Vallespir n'existerait pas et je ne serais pas là ! me dis-je.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Je suis prêt à démarrer ce nouveau périple, mais sur mon visage, ne lit-on pas une certaine appréhension ?

    J'arrive sur le pont qui traverse le Tech, un autre symbole que je m'apprête à prendre en photo. Sans ce fleuve, je ne serais pas là et il n'y aurait pas de Tour du Vallespir car c'est bien lui qui a façonné toute cette magnifique région. A cet instant précis, mon regard est attiré par des centaines de pigeons qui dorment la tête enfouie dans leur plumage sur un grand arbre dénudé. Un autre symbole que tous ces pigeons, souvent synonymes de paix et de longs voyages. Pourquoi ne prennent-ils pas leur envol ? Sont-ils lassés de voyager ? Le serais-je un jour moi aussi ? Est-il plus fatiguant de voler que de marcher ? Je les regarde en réfléchissant à tout ça. En tout cas, eux ils dorment encore et moi je suis bien éveillé et à pied d'oeuvre pour un long voyage que j'espère paisible mais dont je ne doute déjà pas qu'il sera certainement difficile.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Le vrai tour commence avec ce petit panneau Montbolo où la sente s'élève vite.

    Il est temps de me mettre en route si je ne veux pas arriver trop tardivement au Refuge de Batère, terme de cette première et très longue étape de 21 kilomètres et de plus de 1.200 mètres de dénivelé. Je remonte et longe le Tech en direction de la place de la Sardane que je traverse pour retrouver sans difficulté la rue Héliopolis et la vraie ligne de départ que Georges Véron décrit dans son guide. J'avoue une certaine surprise à la vision d'un unique vieux panonceau indiquant " Montbolo " et d'une seule trace jaune car je m'attendais à trouver un panneau mentionnant le Tour du Vallespir et comme il devrait être un balisage jaune et rouge propre à tous les G.R. de pays. Mais bon, je sais aussi qu'Amélie constitue une possibilité de départ mais que selon le topo-guide, elle n'est pas la seule et qu'il en existe une autre à Arles-sur-Tech. De toute manière, Montbolo est la bonne direction à prendre et je me lance dans cette étroite allée cimentée de lauzes et bordée de vignes vierges qui monte au travers de quelques belles villas jusqu'à l'orée d'une forêt.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Ce chemin que j'emprunte en direction de Montbolo est-il le bon ?

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

     Mais les panoramas sont déjà beaux, vers Amélie et le Pilon de Belmatx notamment !

    Premier dénivelé et premiers essoufflements. J'atteins le bois péniblement. Mon sac à dos semble peser une tonne. Les traces jaunes ont disparu où en tous cas je ne les vois plus ! Je prends logiquement à droite car à gauche le chemin redescend. Je monte sur quelques mètres et tourne maintenant à gauche toujours en montant. Je fais un premier point sur mon GPS et refais lecture de la page du topo-guide que j'ai photocopiée : il n'y a pas de problème ! Le chemin se fait plus large, parfois plus plane et semble suivre de grands pylônes électriques. Au début, je garde mon GPS allumé qui me situe parfaitement sur le tracé enregistré. Ce tracé, je l'ai réalisé sur mon ordinateur à l'aide du très efficace logiciel de cartographie " CartoExploreur ". Le large chemin me paraît si évident et comme je n'en observe pas d'autres, je finis par éteindre le GPS pour économiser ses piles. Je continue. Amélie s'éloigne petit à petit et je surplombe désormais la ville dont j'ai une magnifique vue d'ensemble. Je suis déjà étonné de l'altitude que j'ai gravie après ces premières foulées. Mon coeur bat moins vite, j'ai retrouvé un souffle à peu près normal et je marche d'un pas plutôt régulier. Je progresse toujours sous les câbles électriques sur ce large chemin qui me paraît emprunté. Aussi me voilà très étonné quand au bout d'une vingtaine de minutes celui-ci débouche dans un cul de sac.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Après un court égarement, je retrouve avec satisfaction un cairn et un panneau Montbolo. La vallée du Tech apparaît ainsi qu'Arles-dur-Tech.

    Il y a bien un chemin qui redescend abrupt vers la vallée mais je connais suffisamment le tracé cartographique pour savoir qu'il faut continuer à grimper. Un nouveau point GPS me situe bien entendu hors du tracé. Le véritable chemin semble plus haut, et sur la carte IGN les pylônes sont légèrement en dessous du chemin que j'aurais dû emprunter. J'ai beau analysé ma carte IGN, je ne vois pas avec suffisamment de précision où j'ai pu me tromper. Il y a bien sur la carte quelques petits pointillés mais sur le terrain, je n'ai pas observé d'autre sentier, ni remarqué d'autre balisage, trace de peinture ou cairn par exemple. J'avoue que ça m'ennuie un peu de rebrousser chemin car cela m'obligerait à redescendre puis à remonter, aussi je prends de suite la décision de couper au jugé à travers un petit bois de chênes verts qui, par bonheur, est suffisamment clairsemé et débroussaillé pour être praticable. Le dénivelé plus accentué et le poids terrible du sac à dos mettent de nouveau mon cœur "dans tous ses états ". Je garde mon GPS allumé et le point que je représente se rapprochant peu à peu du tracé me conforte dans l'idée que je marche dans la bonne direction. Les ruines d'une ancienne bergerie au sommet d'un enrochement constituent un élément réconfortant et supplémentaire que le sentier de Montbolo n'est plus très loin. Après 15 minutes d'efforts et de montées incessantes, je coupe enfin la sente de Montbolo et retrouve le balisage jaune aperçu au départ. Au dessus de moi, je reconnais avec soulagement la grande antenne du relais T.V. qui domine Montbolo et que j'avais croisé cet hiver lors d'une sortie en raquettes au hameau oublié de Formentere. Elle est à 712 mètres d'altitude. Un homme et son chien qui font du footing me dépassent mais nous arrivons quasiment ensemble sur un replat à la croisée de plusieurs chemins. L'homme file vers Montbolo que j'aperçois légèrement en contrebas sur ma droite, mais comme le chien vient vers moi pour se faire caresser, l'homme s'arrête et me demande ma destination. Je lui indique le refuge de Batère, mais compte tenu des nombreux kilomètres restant à parcourir, je vois à sa mine qu'il semble très étonné. Du doigt, il me fait néanmoins remarqué un raccourci pentu qui entre dans un bois. Il m'explique que ce sentier coupe le bois et rejoint plus haut la route goudronnée.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Voilà la bonne sente qui monte et m'amène au dessus de Montbolo

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    J'ai déjà accompli un gros dénivelé, en galérant un peu il est vrai,  et j'atterris dans cette belle clairière ombragée

    Je le remercie et je pars dans cet étroit sentier toujours balisé en jaune qui, à mon étonnement, débouche rapidement dans une vaste clairière ombragée où les panoramas sur Montbolo, Amélie et la vallée du Tech vers Céret sont superbes. J'aperçois la route asphaltée juste au dessus. Au fond de la clairière, une jolie maison en pierres semble inhabitée et je profite de cette cache tranquille et fraîche pour me reposer et me restaurer un peu. Une demi-heure plus tard avec une barre de céréales, quelques fruits secs et une énorme lampée d'eau dans l'estomac, je suis fin prêt à reprendre mon itinéraire. Ici mon GPS m'indique 700 mètres d'altitude et c'est avec satisfaction que je prends note de la dénivellation déjà accomplie. C'est d'autant plus encourageant que je connais désormais, par cœur, l'itinéraire à suivre, en tout cas jusqu'à Formentere : Une portion de route goudronnée, puis une longue piste forestière à la déclivité régulière, mais somme toute modeste, où je vais pouvoir marcher d'un bon pas et avec un rythme soutenu au moins jusque là. Quand à la suite, je ne la connais pas, mais le tracé sur ma carte IGN me laisse à penser que même en flânant, je devrais atteindre Batère sans problème vers le milieu de l'après-midi. En effet, après le hameau de Formentere, la piste continue sans aucune complication, et même si après le col de Formentere et jusqu'à la Tour de Batère, l'inclinaison se fait plus sévère, je connais mes possibilités et seule la chaleur torride qui règne aujourd'hui combinée à la longue distance pourraient, le cas échéant, me poser des difficultés. Mais je n'ai pas vraiment d'inquiétude et de toute manière, mon bob, les litres d'eau emportés, les aliments en nombre et les compléments énergisants seront là pour pallier à toute défaillance !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Dans cette jolie clairière près d'un beau mas, je vais m'alimenter un peu, faire une courte pause et prendre quelques photos car les vues vers la Vallée du Tech sont superbes !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Les chemins sont fleuris de nombreuses chicorées sauvages.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Les beaux panoramas se dévoilent : Pilon de Belmatx, pics Canigou et de La Souque, j'entre dans la forêt du Haut-Vallespir et arrive au Col de la Réducta. Un panneau "Formantere" m'indique la direction à suivre.

    Et effectivement ma journée va se dérouler comme je l'ai imaginé :

    -10h20, je quitte le bitume pour la magnifique forêt domaniale du Haut-Vallespir non sans avoir jeté au préalable un regard et quelques photos sur le majestueux massif du Canigou et sur la verte vallée du Tech vers Arles. Seuls les Tabacs d'Espagne, ces magnifiques papillons oranges et une fouine qui traverse la piste devant moi me ralentissent dans ma progression.

    -10h50, j'arrive au col de la Réducta avec son extraordinaire panorama sur tout le Roussillon, des Albères jusqu'à la Méditerranée. Je suis accueilli par un troupeau de vaches nonchalantes trop occupées à ruminer à l'ombre des grands sapins pour faire cas du randonneur solitaire que je suis. Un peu plus haut, je fais quelques photos près d'une stèle en hommage à un certain Jean-Marie et d'une belle croix blanche évocatrice d'un débarquement en Norvège en avril 1940 à Namsos et Narvik. J'ai entendu parlé de la bataille de Narvik ou bien j'ai du voir un film de guerre mais j'avoue qu'il m'est difficile de donner une juste signification à tous ces messages. Assis devant ces épitaphes, je suis néanmoins attendri car ces témoignages prouvent que des hommes aimaient d'autres hommes qui, comme moi, aimaient cette belle montagne du Vallespir. Et l'aimer, au point de vouloir laisser à cet endroit-là, leurs souvenirs éternels, il n'y a guère plus belle preuve d'amour ! Et dieu sait, si en cette magnifique journée d'été, moi aussi, je l'apprécie à sa juste valeur cette belle montagne avec ses superbes forêts, ses plaines et ses vallons, ses bruyères empourprées et ses chemins fleuris. Avec raison, Trenet revient à mes oreilles …….

    Mes jeunes années

    Courent dans la montagne

    Courent dans les sentiers

    Pleins d'oiseaux et de fleurs

    Et les Pyrénées

    Chantent au vent d'Espagne…

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Après le col, j'arrive au milieu des bruyères roses près d'une croix en souvenir du débarquement de Narvik et d'une jolie stèle en hommage à un certain Jean-Marie.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

     Croix en " souvenir d'une promesse - Débarquement en Norvège NAMSOS-NARVIK Avril 1940 FORCA Eugène-Mas Canes "

    Si je ne peux pas donner une juste signification au message de cette croix et à celui de la stèle en hommage à Jean-Marie, je sais seulement que d'autres hommes ont, tout comme moi, aimé intensément cette belle montagne du Vallespir.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Que de chemins parcourus, des beaux chemins en balcon fleuris de bruyères roses et bordés de sapinières. Dans la montée, j'aperçois Formentere et le Pic du Canigou.

    -11h30, je flâne peut-être exagérément et je n'ai pas encore atteint Formentere. Mais comme j'ai faim, je suis déjà en quête d'un joli endroit ombragé pour déjeuner, et si possible avec vue sur tous ces beaux paysages du Vallespir qui jalonnent la piste. En face, la longue crête transfrontalière avec l'Espagne et le Pilon du Belmatx (1.280 m) dominent le panorama. Je sais que j'aurais à le gravir le dernier jour. Aïe ! Aïe ! Aïe ! Je le redoute déjà. Tout en bas au fin fond de la vallée, j'aperçois Arles sur Tech, cité toute blanche d'ici. Puis en remontant le ravin du Riuferrer, je devine Corsavy et Montferrer puis c'est le Pic de la Souque. Puis encore au dessus, défilent quelques hauts sommets qui composent le versant sud du Canigou. Tout en observant ces splendides paysages, je ne peux m'empêcher de me dire : si tout se passe bien, demain c'est par là-bas que je marcherai ! Le chemin fleuri de hautes bruyères roses et bordé de petites sapinettes est agréable mais à cette heure de la journée, il présente un gros inconvénient, celui d'être sans ombre et investi par un cagnard brûlant. J'avoue que cette chaleur caniculaire m'inquiète un peu car je suis encore très loin de l'arrivée, je n'ai pas encore déjeuné mais j'ai déjà consommé trois litres d'eau sur les quatre que j'avais au départ. Comme je me refuse à manger en plein soleil et sous cette forte canicule, je prends la sage décision de poursuivre et heureusement dans les premiers lacets avant Formentere, j'entre enfin dans une zone ombragée et fraîche, propice à un pique-nique.

    -12h, même si j'ai la vue bouchée par d'immenses sapins, je profite de cette fraîcheur et d'un tapis de ramilles pour m'allonger et souffler un peu. J'ôte mon tee-shirt et mon bob trempés de sueur que j'expose sur un rocher à un seul rayon de soleil qui, non loin de moi, réussit à transpercer l'espace. Les efforts accomplis depuis 7h30 ce matin ont décuplé mon appétit. Presque tout y passe ! La grosse salade préparée par Dany, deux sandwichs sur trois, la compote et la banane. J'ai encore faim, mais je me dis qu'il faut que je me raisonne car je n'en ai pas fini avec les montées, et un estomac trop lourd, ce n'est pas bien bon pour avancer ! Je reste une heure à me reposer, à écouter un peu de musique et à bailler aux corneilles au sens propre comme au figuré. Car même si je ne les vois pas, j'entends les croassements de quelques-unes d'entre-elles qui semblent venir des ruines du hameau abandonné de Formentere. Ces cris détonnent dans le silence ambiant qui n'est ici qu'entrecoupé par le gentil gazouillis de petits passereaux.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.OSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Après le déjeuner, je finis par arriver à Formentere, ancien hameau minier. D'ici j'aperçois Amélie-les-Bains, déjà très loin et une grande partie du Bas-Vallespir.

    -13h, je reprends ma marche en avant. Après quelques derniers lacets, je finis par atteindre le hameau oublié. Comme je l'avais déjà fait cet hiver dans le feutre de la neige, au milieu de ces ruines silencieuses et devant ce panorama à couper le souffle sur tout le Vallespir, j'essaie de m'imaginer le tumulte que cette gare minière devait connaître au temps de sa splendeur. C'était au temps où tout autour du Canigou, de Batère à Formentera et de La Pinouse à Rapaloum en passant par les Manerots, on exploitait les mines de fer : bruits métalliques des câbles et des chariots sur les rails, souffles bruissants des fours et des chaudières, cris des hommes, hennissements des mulets et des ânes que l'on forçait à tirer de lourdes charges, bruits sourds des cognées et bruits stridents des scies sur les troncs des arbres que l'on abattait pour alimenter les fourneaux, etc.….Aujourd'hui, il ne reste plus rien de tout cela et si le silence prédomine, il n'est plus absolu comme il pouvait l'être cet hiver. Au printemps et en été, la nature reprend quelques droits et si je prête bien l'oreille, je peux entendre le bourdonnement des abeilles butinant les bruyères, le crissement soutenu de quelques grillons champêtres et toujours le croassement de ces deux corneilles que j'aperçois maintenant tournoyant dans un ciel bleu immaculé. J'avais longuement visité les ruines cet hiver et j'y avais trouvé un certain attrait pour tenter d'y discerner cette vie minière antérieure. Aujourd'hui, sans la neige, le hameau ressemble plutôt à ces " pueblos " désertés du Far-West saccagés par les Indiens, que l'on voit dans les westerns. Il faut dire que le hameau n'est plus, comme il l'était cet hiver, l'objectif privilégié et, après deux ou trois photos, je le quitte, cette fois, très rapidement en continuant la piste rectiligne et ombragée qui se faufile dans une forêt de sapins. Malheureusement pour moi, cette ombre n'est qu'éphémère et soudain les sapins laissent la place à un maquis plus ras, clairsemé de quelques jeunes pins et de petits feuillus. Sur cette large piste, ancienne voie ferrée minière qui file jusqu'aux mines de fer de La Pinouse, je marche à nouveau sous une canicule étouffante commençant à économiser l'eau dont je sais avec certitude que je n'en trouverai pas de sitôt. Il faut dire que ce versant du Vallespir, ensoleillé du matin au soir, ici on l'appelle " solana " et ce n'est pas pour rien ! Pour l'instant, le moindre arbre jetant une ombre sur le chemin est un prétexte à un arrêt ponctué d'une petite gorgée d'eau et parfois d'une noisette de gel survitaminé. Est-ce le soleil qui les attire ? Où est-ce moi, qui, moins distrait par d'autres pôles d'intérêts, y prête plus d'attention ? Toujours est-il que les petites sauterelles et les papillons multicolores me semblent désormais plus nombreux et je dirais même grouillant par endroit. Tous ces insectes sautillent, bondissent, planent, volètent, virevoltent, à un point tel que ça en devient presque étourdissant ! Ils semblent m'accompagner sur ce chemin de croix, qui heureusement doit se terminer avec mon arrivée au Col de Formentere. Mais pour l'instant, ils sont là et il faut que je fasse avec. Quand je marche, ils ne me dérangent pas trop mais dès que je m'arrête, il y a toujours quelques papillons qui se posent sur moi. J'ignore si je pense juste mais j'ai le vague sentiment qu'ils viennent s'abreuver à ma transpiration. Et si je m'arrête vraiment pour faire une pause plus longue, c'est une véritable nuée de papillons chamarrés qui tourne autour de moi ! J'en profite bien sûr pour les prendre en photos et c'est à cette occasion qu'intervient cette image magnifique et inoubliable de ce joli papillon qui est venu se poser sur ma montre et dont j'ai tiré une petite affabulation et le titre de cette première étape : " La montre et le papillon ".

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

     La montre et le papillon 

    Moi : Que fais-tu sur ma montre, joli papillon ?

    Le papillon : Je regarde le temps qu'il me reste à vivre.

    Et toi homme, sous ces brûlants rayons ?

    Moi : Je marche et j'ai l'impression de revivre.

    Vole, vole, ne te pose pas de questions.

    Le papillon : Mais homme, ne vois-tu pas que j'expire !

    Mais à toi, à quoi te sert cette excursion ?

    Moi : Moi, je me promène seul autour du Vallespir.

    Vole, profite de tes ailes et de ta situation.

    Le papillon : Mais la vie me fuit car elle n'est que guivre.

    A toi, l'existence ne te fuit pas compagnon ?

    Moi : Si, et je marche au point d'en être ivre,

    Car la vie, c'est la plus belle des missions.

    Le papillon : Je crois que tu mens comme tu respires,

    Et tout ce que tu dis n'est que pure invention.

    Moi : Il faut me croire, vole et arrête de maudire.

    Il sera vite trop tard si tu ne fais pas attention.

    Le papillon : Ce que tu dis est plus difficile à faire qu'à dire,

    Car la mort est proche et c'est une vraie obsession

    Moi : Alors si tu dis vrai, vole, ne regarde plus l'avenir,

    Oublie la mort et jouis de la vie avec passion.

    Le papillon s'envola et partit butiner la grosse fleur mauve d'un chardon. Je l'observais. Il butinait, butinait, butinait. Au point d'en être ivre ? Je ne sais pas. Mais quant il s'envola de nouveau au dessus de la vallée, ce fut en zigzaguant. M'avait-il entendu ? Je me remis en marche vers d'autres horizons. Lui aussi, me semblait-il.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Le moindre arbre jetant une ombre sur le chemin est un prétexte à un arrêt mais les papillons viennent me butiner. Dans ma tête, les mots "montre et papillon" deviennent déjà le titre d'une fable qu'il me faudra imaginer. Les beaux panoramas vers le Haut-Vallespir et sur des lieux à voir les jours prochains se dévoilent.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Quand j'arrive au col de Formentere, la vision bascule de l'autre côté de la montagne vers les Aspres et la plaine du Roussillon

    -13h40, Au Col de Formentere, le regard bascule sur un nouveau versant. C'est celui des Aspres. Les paysages changent. Ils sont un peu plus arides et avec tout au loin, les Corbières, la plaine du Roussillon et la Méditerranée. L'horizon est soudain plus distant qu'il ne l'était jusqu'à présent. D'ici, la terre et la mer se confondent. L'horizon est imprécis, voilé par une longue barre de brume grisâtre. Plus près, un minuscule village blanc aux tuiles rouges se dresse sur un mamelon au dessus de larges ravins. Ces couleurs contrastent au milieu de cette dense et rase végétation, parfois rousse et parfois olivâtre : je reconnais La Bastide. Le col, croisée de multiples chemins est très fréquenté par d'autres randonneurs. Certains profitent d'un grand pré bien vert pour pique-niquer, d'autres se sont installés en plein soleil devant ces beaux et vastes panoramas pour faire un peu de " bronzette ", d'autres ont choisi l'orée ombragée du bois pour se prélasser, d'autres, comme moi, ne font que passer mais eux redescendent déjà vers les vallons et moi je dois continuer à monter. Ce col est vraiment une invitation à un arrêt systématique. Grillé par le soleil, je fais moi aussi le choix d'une ombre bienfaitrice et file vers la lisière du bois pour un arrêt salutaire. Allongé sur l'herbe, je mange quelques fruits secs mais un gros bourdon et une jolie araignée aux pattes zébrées ne l'entendent de cette oreille. Pour le bourdon, je suis sans doute bien trop près du gros chardon mauve sur lequel il a jeté son dévolu de butineur. Quant à l'araignée, elle vient vers moi et semble mécontente que j'aie rompu le fil qu'elle avait tendu entre deux petits églantiers. De dépit et devant cette nature indocile, je remballe mes affaires et poursuit tout droit la piste qui s'élève maintenant plus hardiment vers Batère. Comme je le fais souvent quand la fatigue se fait sentir, je photographie tout et rien : des fleurs, des papillons, des insectes, des paysages….Tout devient prétexte à une photo, et les photos, prétexte à un bref arrêt profitable.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Au col de Formentere, je veux me reposer, mais si la nature est souvent jolie avec d'innombrables papillons et de très jolies fleurs, elle est parfois hostile et en la circonstance, je suis contraint de continuer. La chaleur a eu raison de mes forces et comme je suis fatigué, je m'arrête souvent et tout devient prétexte à faire des photos.

    J'ai aussi l'exécrable impression de m'éloigner de cette magnifique nature que je suis venu chercher. Heureusement quand le tintamarre des pots d'échappement cesse, il suffit de lever la tête pour observer la magnificence de cette généreuse nature. Forêts, montagnes, ravins, prairies, ici tout est beau et grandiose.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Ici dans le bois de la Fajosa, j'entrevois mes premières carlines mais, avec ces amoncellements d'arbres coupés, les premiers signes de la tempête Klaus aussi. La vision porte loin sur tout le Roussillon jusqu'à la Méditerranée. Les Tabacs d'Espagne butinent les origans. Le col de Formentere avec son pylône électrique qui le domine est déjà dans le lointain.Je grimpe vers la tour de Batère.

    -15h, après une très longue montée à travers le bois de la Fajosa et la forêt domaniale de Saint-Marsal, j'arrive en vue de la Tour de Batère. Ici pour y avoir également fait des raquettes cet hiver, je connais bien ces chemins et je sais que je n'en ai pas encore fini avec les virages. D'ailleurs, de ce premier grand virage, la tour paraît bien petite et encore bien loin, mais l'important pour moi c'est qu'elle soit là ! Car même si ça peut paraître idiot, dans " Tour de Batère " il y a Batère, dans " Batère " il y a refuge de Batère, et le " refuge de Batère " pour moi ça signifie " arrivée " !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Après maints virages, j'aperçois enfin la Tour de Batère et pour moi, c'est le symbole d'une proche fin d'étape. Un dernier coup d'œil vers chez moi et cette jolie plaine du Roussillon que je vais quitter pour quelques jours.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Photos prises à la Tour de Batère et sur le chemin en direction du Col de la Descarga. Sur la dernière photo, on aperçoit un terril, relique de l'exploitation des mines de fer.

    -15h20, je suis au pied de la tour et suis très surpris du nombre de voitures qui sont garées là. D'ailleurs d'autres viennent à ma rencontre et sillonnent bruyamment la piste soulevant un gros nuage de poussière. Bien au-delà de cette pollution, j'avoue qu'ici tous ces touristes qui circulent me dérangent bougrement. J'ai le vilain désagréable sentiment de retrouver plus rapidement que je l'avais imaginé cette civilisation du progrès que j'ai voulu quitter en faisant cette randonnée.

    J'ai aussi l'exécrable impression de m'éloigner de cette magnifique nature que je suis venu chercher. Heureusement quand le tintamarre des pots d'échappement cesse, il suffit de lever la tête pour observer la magnificence de cette généreuse nature. Forêts, montagnes, ravins, prairies, ici tout est beau et grandiose.

    Mais en levant souvent la tête, je m'aperçois aussi que vers le Canigou la couleur du ciel a bien changé. Depuis ce matin que je marche, ce changement de couleur a été progressif et je l'ai surtout remarqué depuis le début de l'après-midi : le ciel est passé d'un bleu outremer à un bleu ciel puis à un bleu très pâle presque blanc, puis ce blanc est devenu gris clair et il est maintenant carrément gris foncé au dessus de ma tête. Par contre, je n'avais pas encore observé ces gros nuages noirs qui semblent stagner sur les hauts pics environnants. Mais stagnent-ils vraiment ?

    Comme au dessus de moi, le ciel n'est encore vraiment menaçant, je décide de faire une pause pour finir mon dernier sandwich et manger une orange devant ce merveilleux Vallespir que je suis venu découvrir. Deux randonneurs descendent du Puig de l'Estelle en courant et me saluent en me voyant. Ont-ils peur de l'orage ? Sans doute !

    -15h50, je me remets en route en direction du Col de la Descarga. J'ai fait quelques centaines de mètres quand une voiture arrive et s'arrête à ma hauteur. Ce sont les deux randonneurs qui couraient et qui me proposent de monter. Je refuse gentiment et ils repartent avec un air désappointé. Je sais que cette invitation partait d'un bon sentiment mais il est hors de question pour moi de faire le moindre mètre autrement qu'à pied sur ce Tour du Vallespir ! Dans la descente vers le col, je coupe mon premier vrai ruisseau de la journée. C'est le Correc de l'Abeurador, c'est-à-dire le ruisseau de l'Abreuvoir. Il porte très bien son nom car il coule vraiment à flots et comme je n'ai plus d'eau depuis plus d'une heure, je remplis une gourde de cette eau glacée qui descend de la montagne. J'y ajoute néanmoins une pastille purificatrice, non sans avoir au préalable, étanchée ma soif en prenant le risque d'en avaler une énorme rasade.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Le ciel s'assombrit alors que je me dirige vers la Col de la Descarga. Au col, la pluie fait son apparition, la tour de Batère s'éloigne mais le refuge de Batère, ancien vestige minier est bientôt là.

    -16h05, c'est sous quelques grosses gouttes de pluie très éparses que j'atteins le Col de la Descarga où je retrouve l'asphalte. Dans ce virage, un petit panonceau m'indique le refuge de Batère à un quart d'heure de marche. Je sors avec empressement mon poncho et recouvre mon sac à dos de son revêtement imperméable. Mais le temps de réharnacher mon sac à dos, la pluie a cessé et je garde le poncho à la main. Le ciel s'est terriblement assombri et je presse désormais le pas pour arriver au refuge au plus vite. Le bitume m'aidant dans cette course contre l'orage qui s'annonce, j'aperçois déjà le refuge qui est là à droite au bout de la route. En arrivant sur la terrasse du refuge, j'ai la fâcheuse conviction qu'ici je suis le seul à " speeder ". En effet, les nombreux clients sont attablés, ils sirotent leurs boissons respectives en papotant et semblent " tranquilles comme Baptiste " et en tous cas, indifférents au ciel noir qui est au dessus de leur tête. Moi, je rentre dans le refuge en me précipitant vers le comptoir.

    -16h15, il n'y a personne, ni dans la salle, ni ailleurs et j'attends sagement devant le comptoir. Au moment où une charmante jeune femme arrive et s'approche de moi, un éclair aveuglant zèbre le ciel d'ébène et illumine la sombre salle du restaurant. Cet éclair est aussitôt suivi d'un énorme coup de tonnerre qui fait vibrer tout le refuge dans un tintamarre métallique. Tout ce petit monde qui était agréablement installé dehors sur la terrasse se précipite comme un seul homme à l'intérieur du refuge. Au bas mot, ce sont une vingtaine de personnes qui, d'un seul coup, envahisse l'intérieur du refuge surpris par une pluie aussi soudaine que battante. Les grosses gouttes qui tombent bruyamment sur la toiture en zinc sont accompagnées de quelques beaux grêlons. Ouf ! Je me dis que j'ai eu beaucoup de chance et que je suis vraiment arrivé à temps. A cinq minutes près, je prenais sur la tête cette terrible saucée.

    J'essaie de me présenter à la souriante barmaid mais il y a un tel brouhaha que j'ai un mal fou à me faire entendre. J'arrive néanmoins à comprendre qu'elle ne me retrouve pas inscrit sur son registre malgré la réservation téléphonique que j'ai faite la semaine dernière. Je lui rappelle avoir réservé, auprès d'une dame, une chambre en demi-pension pour ce soir et un panier-repas à emporter pour demain midi. Comme je viens sans doute de changer de tête, et avant même que je me mette en rogne, elle me dit : " Ne vous énervez pas Monsieur, il n'y a pas de problème, j'ai encore des places dans un dortoir et pour les repas ce n'est pas vraiment un souci ! ". Elle me voit rassuré et me demande de la suivre. Nous ressortons du refuge sous quelques gouttes de pluie mais le plus gros de l'orage semble passé. Elle me présente trois dortoirs, me quitte et me laisse ainsi choisir le lit que je souhaite occuper pour la nuit. La plus grande pièce, celle qui semble partiellement inoccupée, sert en réalité de gîte car il y a une immense table et un coin cuisine plutôt bien agencé avec évier, frigo, réchaud et micro-ondes. De chaque côté, il y a deux autres pièces, plus petites mais essentiellement équipées de lits gigognes. La première chambre semble entièrement occupée par des enfants qui jouent tapageusement aux cartes et dans la deuxième, les lits sont soit défaits ou bien, comme signe d'une occupation certaine, des sacs à dos y sont posés dessus bien en évidence. Je me rabats donc sur la grande salle où il y a encore trois lits. En m'approchant, je constate qu'un seul près du frigo semble vraiment libre puisque aux pieds des deux autres il y a aussi des sacs à dos. Je m'installe et commence à déballer mes affaires avec comme idée première de trouver au fond du sac ma trousse et mes effets de toilettes pour une douche opportune et réconfortante car j'ai l'impression d'être aussi poussiéreux que poisseux. A cet instant précis, deux femmes et deux hommes que j'avais aperçu sur la terrasse rentrent dans le dortoir. Ils mettent à sécher quelques vêtements et des chaussures sur le rebord de la fenêtre qu'ils laissent grande ouverte. De mon côté, et comme je n'ai pas l'intention de dévoiler mon anatomie devant cette gente féminine, je mets à profit cette présence, pour ranger mon sac à dos que j'ai largement mis en désordre et " sans dessus dessous " tout au long de la journée.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Après avoir parcouru plus de 21 kms et 1.200 m de dénivelé sous un soleil torride et avec une charge de 21kg, j'apprécie le rudimentaire confort du refuge de Batère.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    J'occupe la soirée à discuter avec d'autres randonneurs et à quelques photos. Avec cette vue du Pic de la Souque, quelques très bons souvenirs reviennent, ceux d'une récente randonnée à ce sommet avec mon fiston Jérôme.

    -17h15, mes colocataires repartent et je me déshabille prestement et me précipite sous la douche. Avant même de me frotter et de me savonner, je prends un réel plaisir à laisser couler cette eau fraîche sur ma tête. Avec cette eau brunâtre qui s'écoule le long de mon corps, j'ai l'impression que c'est toute la poussière du chemin qui s'échappe dans la bonde. Après plus de 8 heures passées sur les chemins, c'est un vrai bonheur que de se sentir propre, et comme il est tôt et que le souper sera servi à 19h30, je me jette dans le lit et sous la couverture pour un peu de lecture. Dans le dortoir d'à côté, les enfants semblent s'être assagis et le silence et la lassitude aidant, je m'endors avec " Dalva " dans les mains.

    -18h15, donc une heure plus tard, c'est au bruit, entrant par la fenêtre ouverte, de quelques chevaux dont les sabots résonnent sur le bitume que je me réveille. Quand je sors de ma léthargie, je constate qu'une femme et deux hommes sont assis à la grande table qui trône au milieu de la pièce. Nous lions connaissance et un des hommes plus disert que l'autre commence à m'expliquer qu'ils sont neuf randonneurs, hommes et femmes, et qu'ils parcourent le G.R.10. Il me raconte même qu'au départ, il y avait deux groupes bien distincts, et admirable coïncidence, qu'ils sont tous originaires de la même région et que leur rencontre sur le G.R.10 est un pur hasard. En tous cas, voilà une histoire qui restera gravée en eux comme une célèbre image d'Epinal, ville dont il me dit être tous natifs. Il me dit aussi qu'ils traversent les Pyrénées depuis quatre années maintenant mais que leur périple se termine à Collioure dans quatre jours. La femme, elle, semble plus intéressée par mon livre " Dalva " de Jim Harrison que j'ai entre les mains et que je viens de commencer. Elle me dit avoir lu d'autres récits de cet écrivain qu'elle apprécie beaucoup mais pas celui-ci et quand elle se met à me poser des questions sur " Dalva ", elle semble assez frustrée que je ne puisse rien lui dire de ce roman dont je viens de lire trois pages avant de m'endormir. Les enfants ont quitté leur dortoir et ils sont maintenant sur le perron à regarder les chevaux de randonnée qui viennent d'arriver. Je me lève moi aussi et par la fenêtre, j'observe moi aussi les chevaux. Il y a d'ailleurs beaucoup de monde pour regarder ces quatre équidés et ces étranges randonneurs, pour moitié " squaws " et pour moitié " cow-boys ". Avant de s'occuper d'eux-mêmes, leur première tâche est de débâter leurs montures. Puis en deuxième, frottant leurs flancs avec de la paille avec de larges mouvements circulaires, chaque cavalier panse son propre cheval. De cette manière, ils éliminent très rapidement la sueur et les poussières collées sur le poitrail de leurs animaux. Comme la douche l'a été pour moi, ce nettoyage semble agréable aux chevaux. Ils se laissent faire sans broncher. En regardant ces amazones et ces écuyers, je me dis que ça doit être plaisant de randonner sans avoir à porter comme je l'ai fait toute la journée une lourde charge. En tous cas, ça doit être moins éprouvant, mais d'un autre côté avoir à s'occuper des chevaux tous le soirs comme ils le font, ce doit être aussi une sacrée contrainte !

    -19h, la pluie a définitivement cessé et ce gros orage lors de mon arrivée n'a été qu'un grain violent mais passager. Les gros nuages noirs se sont enfuis vers la mer. Le ciel est encore gris mais d'un gris presque blanc qui est plutôt encourageant pour demain. Alors avant le repas, je pars flâner un peu, histoire de repérer la direction à prendre demain et de vérifier si le sentier est balisé à la prochaine étape. Je fais mes dernières photos de la journée. Je contemple aussi tous ces beaux panoramas qui sont là, juste devant le refuge, mais j'observe avec un peu plus d'insistance, ce pic qui au loin confisque l'essentiel du paysage. Ce pic, c'est celui de la Souque que j'ai gravi avec Jérôme, il y a trois semaines. Les bons souvenirs ressurgissent car il y avait tant d'années que je n'avais plus eu cette joie de randonner seul avec mon fils. Mais, cette pensée me rend triste aussi car je me dis : " Quel bonheur j'aurais éprouvé s'il avait pu parcourir ce Tour du Vallespir avec moi ! "

    -19h30, l'heure du souper est arrivée et tous les clients sortent de leur chambre ou de leur dortoir pour rejoindre les deux grandes tables qui ont été dressées sur la terrasse. A mon tour, je m'installe. Je suis au bout d'une table près d'un jeune couple que je n'avais pas encore aperçu. A cette table, je retrouve aussi les neuf randonneurs d'Epinal ainsi qu'un couple d'allemands très sympathique qui effectue eux aussi le G.R.10. Les présentations sont rapides et les causeries bien évidemment tournent toutes autour de la randonnée. Chacun y va de ses propres expériences, de ses découvertes ou de ses espérances, mais dans toutes ces conversations, il y a un dénominateur commun c'est celui du plaisir que nous avons tous à marcher. Les propos sont si intéressants et si captivants qu'on en oublie même le plaisir que l'on prend aussi à manger. Et il faut l'avouer, le cuistot du refuge nous a concocté un excellent repas avec en entrée une très bonne salade bien craquante, puis de succulentes lasagnes et enfin un délicieux gâteau à la crème.

    -22h, le temps est passé si vite. Certains sont déjà partis se coucher mais nous sommes encore quelques-uns à discuter autour de la table. D'autres, que le vin a rendus gais, chantent en tentant d'imiter l'accent allemand. Personnellement, pour rendre service au jeune couple assis à côté de moi, je tente de dessiner sur un petit bout de serviette en papier, et à l'aide de la carte IGN, un parcours de randonnée autour du refuge. En effet, ce sont les seuls clients à être venus ici en voiture mais ils souhaitent tout de même marcher et découvrir un peu la région.

    Je leur propose une boucle très simple qui consiste à emprunter une portion du G.R.10 jusqu'au col de la Cirère pour monter ensuite au Puig de Saint-Pierre et au Puig de l'Estelle avec retour par la Tour de Batère. Ici, on ne peut pas faire plus simple et ce petit circuit a l'air de les satisfaire. Mais comme il est tard et que la fatigue se fait sentir, mes paupières ont un mal fou à rester ouvertes. Je pars me coucher. Mais pour les serveuses, c'est la bonne heure aussi, alors tout le monde en fait autant pour satisfaire à leur évidente requête !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.pSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Quelques images de ma soirée au refuge de Batère. Devant le refuge, très belle vue sur le Vallée du Tech et une large portion du Vallespir.

    Les nuages ont disparus. Allongé sur le lit, j'aperçois par la fenêtre restée ouverte, le ciel étoilé du Vallespir et dans ma tête, toujours ce " fou chantant " qui revient sans cesse…….

    Mes jeunes années

    Courent dans la montagne

    Courent dans les sentiers

    Pleins d'oiseaux et de fleurs

    Et les Pyrénées

    Chantent au vent d'Espagne…..

    Il est 23 heures. Une fois encore, je regarde ma montre. Quelle sale habitude ! Je ne dors pas encore. Et quand la chanson s'enfuit de ma tête, il me revient à l'esprit l'image de ce joli papillon qui est venu se poser sur le cadran de ma montre cet après-midi. A-t-il survécu à cette journée torride ? Si oui, arrive-t-il à dormir sans penser au lendemain ? Demain matin, sera-t-il comme moi, prêt à s'envoler pour un nouvel épisode sur " les hauteurs d'une vallée âpre " ?

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

    Cliquez sur la montre et le papillon pour passez à l'étape suivante


    votre commentaire
  • Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms2eme étape : Mardi 18 août 2009.

    Batère (1.460 m)-Saint-Guillem (1.287 m) 21 kms.

    (La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

    Ils franchirent le col, balayé de vents froids, trouvèrent l'ombre tiède des sentiers perdus sous les charmilles, bordés de fleurettes et de clairs ruisseaux, qui cheminent en palier ou en montées insensibles jusqu'au mamelon rocheux qui domine Sant-Guillem. Extrait du roman " Domenica ou la vallée âpre ". Marie Vallespir. Romancière française.

     

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsUN ECUREUIL JUSTE AU BOUT DE MON NEZ :

    J'ai dû m'endormir vers minuit. Comme souvent, je me suis, au préalable, repassé la pellicule de cette première journée. En plus, dans ce magnifique film, j'avais l'image et la musique. Le refrain de " Mes jeunes années " venait sans cesse enjoliver cette étape pourtant très belle en elle-même. Mais ensuite, la nuit a quand même été très bonne car à ma grande surprise, hier soir, je me suis retrouvé tout seul dans cette immense salle. Tout le monde est parti rejoindre les lits gigognes du dortoir adjacent et aucun compagnon de chambrée n'est venu, par ses ronflements, perturber ma rêverie puis mon sommeil qui, ainsi, a été doux et récupérateur.

    Décidemment, j'ai beau tenter de me convaincre d'arrêter de regarder ma montre, j'ai beau me dire que quand on veut flâner c'est idiot d'avoir toujours l'œil rivé sur le cadran, j'ai beau me dire que personne ne m'attends avant 5 jours, j'ai beau savoir que la journée sera largement suffisante pour atteindre l'arrivée, force est de constater, qu'en randonnée la montre reste un objet utile et essentiel. J'en veux pour preuve ce réveil programmé à 6h30 pour un petit déjeuner prévu à 7h30. Oh, bien sûr, rien ni personne ne m'oblige à me lever si tôt mais ces horaires me conviennent tout simplement. Sur des randonnées comme celle là, j'aime démarrer avec le lever du jour. Je ne suis pas le seul d'ailleurs. Or mis le jeune couple, on prend les mêmes que hier soir et on recommence. Mais autour de la table et devant les bols, si j'ai devant moi les mêmes personnes, les visages, les mines et les regards, eux, sont très dissemblables. Certains somnolent encore et ne semblent pas disposés à beurrer leur tartine. D'autres discutent comme s'il n'y avait jamais eu de G.R.10 à parcourir aujourd'hui, d'autres sont déjà d'attaque et pensent qu'ils perdent leur temps à rester attablés. De mon côté, je suis assez étonné de ma forme physique. Aucune douleur musculaire, ni aux jambes ni ailleurs et surtout pas de courbatures, mais il est tout de même hors de question de négliger ce petit déjeuner. Je prends tout mon temps car personne ne m'attend ce soir à Saint-Guillem de Combret. J'ai bien l'intention de traîner, de regarder ma montre le moins possible et je viens de décider que ça commencerait ici devant mon café au lait.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Je quitte Batère, son refuge, mes amis d'un jour, ses poules, ses vestiges miniers par des sentiers parfaitement balisés en jaune et rouge. Le sentier descend et je m'enfonce pour une paire d'heures dans une épaisse forêt.

    Au bout d'une demi-heure, il me faut tout de même partir, je règle l'addition, pars au dortoir récupérer mon sac à dos qui est fin prêt et que j'ajuste aussitôt sur mes épaules. Tous mes amis d'un jour, d'Epinal et d'Allemagne sont là devant le refuge prêts à partir eux aussi. Quelques mots d'adieu aux plus sympas d'entre eux. Je serre des mains, fait la bise aux dames et salue d'un signe d'autres personnes qui se sont déjà éloignées. Nos routes se séparent ici. Eux partent vers le col de la Descarga et le G.R.10 et moi à l'opposé toujours dans cette magnifique forêt domaniale du Haut-Vallespir. Mais, en raison des couleurs surprenantes de ce matin vaporeux, je ne peux m'empêcher de partir sans jeter un dernier coup d'œil sur tous ces beaux paysages qu'il y a devant le refuge. Je sais pertinemment qu'il va y en avoir bien d'autres, mais ceux-là me retiennent encore comme un aimant : les panoramas sur la Vallée du Tech, Corsavy, Leca et la Souque sont déjà merveilleux dans cette aube nouvelle où s'élève quelques fumerolles de brumes dans un ciel limpide. Je me décide à partir, deux poules aux crêtes rouges semblent vouloir m'accompagner. Il faut dire qu'en leur donnant les restes d'un quignon de pain, je les aide dans cette démarche. En passant devant une voiture, je finis par comprendre l'absence du jeune couple ce matin au petit déjeuner : ils dorment à poings fermés allongés sur leurs sièges. Ils ne sont pas les seuls à dormir encore, d'autres ont dressé leur tente sur un pré, qui un peu plus loin, sert accessoirement de parking mais présente l'avantage d'être en bordure d'une vue grandiose et exceptionnelle. D'ici, on a une superbe et vaste vision du Vallespir vers l'est et comme le soleil tarde à se lever, l'horizon hésite entre la fin d'une nuit bleutée et le prélude à une belle journée orangée. C'est dans cette quiétude ambiante que je quitte définitivement Batère et ses derniers vestiges miniers. Le silence est de mise et je n'entends plus que le bruit de mes lourds godillots qui écrasent l'herbe humide d'une fraîche rosée matinale.

    A partir d'ici et sur un long tronçon, le sentier que j'emprunte est commun au Tour du Vallespir et à celui du Canigou. Le balisage jaune et rouge est enfin bien présent et je n'éprouve aucun mal à le suivre sur ce sentier qui est soudain devenu très caillouteux en descendant de manière abrupte dans le Bois du Roc des Cabres. Mais des chèvres ou des cabris, je n'en verrai point dans cette dense forêt. Juste avant le Roc, le seul mammifère que j'aperçois, c'est un petit écureuil roux. A cinq mètres de moi, je le surprends sur la branche d'un petit pin. J'avance encore un peu car il me tourne le dos puis je m'arrête. Il ne m'a pas vu et j'essaie de ne plus bouger pour qu'il me laisse le temps de récupérer mon appareil photo enfouit dans une housse que je porte à la ceinture. Un caillou roule sous mon pied. Il se retourne et m'aperçoit. Il ne bouge pas car il paraît très surpris de me voir là à trois mètres de lui ! Au lieu de fuir, il saute sur la branche d'un grand pin encore plus proche de moi. Mais j'ai compris son manège car le grand pin est plus propice que le petit pour s'esquiver. Il est là maintenant juste au bout de mon nez. J'hésite entre récupérer mon appareil photo que j'ai un mal fou à sortir de sa housse ou le perdre de vue. L'occasion est trop belle, il faut que je le prenne en photo ! J'essaie de ralentir mes mouvements. Il m'observe. Un geste de trop. Le voilà qui saute et change de branche. Si j'attends encore pour le photographier, à coup sûr, je le loupe. Il se met à grimper, s'arrête de nouveau mais je l'ai dans le viseur et j'appuie sur le déclencheur. Je n'ai pas le temps de réaliser, qu'il est déjà à la cime du grand pin. Il détale maintenant à une vitesse inouïe, sautant de branche en branche. Je l'ai perdu ! Sur l'écran de mon numérique, j'essaie de voir si l'écureuil est sur le cliché que j'ai pris mais sur le moment, je ne l'aperçois pas. Il est vrai que je n'ai eu ni le temps de zoomer ni celui de faire une parfaite mise au point. Je me dis que je verrai sans doute mieux sur l'écran de mon ordinateur et peut-être aurais-je une belle surprise !

     Saute petit écureuil sur le bout de mon nez

     

    Saute petit écureuil sur le bout de mon nez,

    N'ait pas peur, viens vers moi et ne soit pas gêné.

    Tu n'auras aucun mal, si tu te laisses faire,

    Et ce que je propose, c'est loin d'être l'enfer.

     

    C'est une belle photo que j'aurai pour la vie,

    Et que je montrerai que si j'en ai envie.

    Alors saute écureuil sur le bout de mon nez,

    Arrête d'avoir peur et ne soit pas borné.

     

    Ce n'est qu'un souvenir pour mes petits-enfants,

    Que t'avoir en image et pas en triomphant.

    Saute petit écureuil sur le bout de mon nez,

    Si tu ne sautes pas, tu me gâches la journée.

     

    Je n'ai pas d'écureuils dans mon joli bestiaire,

    Approche, n'ait pas peur ou ne soit pas si fier.

    Saute petit écureuil, mon nez c'est du velours,

    Une photo, un portrait c'est parfois de l'amour

     

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Un petit écureuil roux qui ne veut pas se laisser photographier mais je réussis néanmoins à l'avoir et en grossissant la photo, il n'est pas mal du tout !

    De temps à autre, les paysages se dévoilent. Parfois vers l'est où le jour s'est enfin levé mais où les teintes bleutées et orangées de l'aube ont malheureusement laissé la place à une brume poisseuse et grisâtre. Parfois, vers le nord où par dessus les grands sapins, j'arrive de temps à autre à percevoir la grande façade blanche du refuge de Batère. J'arrive devant une grande barrière rocheuse au milieu d'un océan végétal. De là, je suis en surplomb et la vue donne enfin vers l'ouest et le sud. Mais cette vision est restreinte et ce ne sont que de magnifiques forêts à perte de vue. Dans cette verte immensité, seules quelques tristes saignées apparaissent et me rappellent que le 24 janvier dernier, il y a eu dans le département une terrible tempête.

    C'était Klaus, tempête mal nommée par un institut de météorologie allemand puisqu'elle a soufflée avec une fantastique violence essentiellement dans le sud de l'Europe (Portugal, Espagne, Andorre, France, Italie) pour faiblir en Grèce puis terminer sa course en Turquie près de la Mer Noire. Mais, il faut savoir aussi que c'est une allemande Karla Wege, qui la première, eut l'idée en 1954, de donner des noms aux dépressions et anticyclones d'Europe afin que les cartes météos soient plus simples à lire. Aujourd'hui, cet institut de météo monnaye ces noms, et chacun peut se placer sur une liste d'attente pour devenir parrain ou sponsor et donner plus tard son nom ou son prénom à une tempête. Ainsi, difficile de dire qui était ce Klaus Schümann, en l'honneur duquel cette tempête a été ainsi nommée. Les homonymes étant nombreux car ce prénom et ce nom sont fort répandus en Allemagne, le plus connu d'entre tous étant néanmoins l'ancien Directeur Général des Affaires Politiques du Conseil de l'Europe. Mais est-ce bien lui ? Rien n'est moins sûr !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    J'ai quitté le refuge de Batère, dont j'aperçois la toiture depuis la descente dans la forêt. Un piton rocheux se dresse devant moi. Je descends dans le Bois du Roc des Cabres, puis dans une immense forêt légèrement chahutée par la tempête Klaus où pullulent les grosses coulemelles.

    Je repars. La falaise blanche me paraissait infranchissable, mais la petite sente très étroite bifurque juste avant et tourne à droite dans une descente toujours plus raide. Les sombres pins et les grands résineux ont laissé la place à une immense et lumineuse hêtraie où les grosses coulemelles poussent à profusion. Il y a maintenant une heure que j'ai démarré, j'atteins un petit torrent. Sur ma carte, c'est le ruisseau du ravin de la Riverette. Je le traverse et le longe quelques temps. La sente s'aplanie et file sud-ouest. Un quart d'heure plus tard, je croise les premiers panonceaux : Col d'En Cé (veut dire feu, encens) et la Baraque del Faig (hêtre). Je marche dans la bonne direction. Je ne suis pas inquiet mais pourtant ça me rassure car cela fait un bon moment que je serpente dans la forêt et que mon GPS n'arrive pas à faire un point précis sous cette forêt trop dense. Quand au balisage, il est présent, mais parfois trop effacé pour être évident à percevoir. De temps à temps, les cicatrices de Klaus se font plus apparentes mais les forestiers ont fait leur travail et je n'éprouve aucune difficulté à suivre l'itinéraire qui est désormais rectiligne. Je traverse un deuxième ruisseau, c'est le Correc des Cabres. A travers quelques grands pins, je finis par apercevoir le Pic de la Souque. Il semble beaucoup plus proche maintenant, pas de doute, j'arrive au Col d'En Cé.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Photos prises dans le Bois du Roc des Cabres puis en arrivant au Col d'En Cé

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Au col d'En Cé, joli pré planté de ruches avec le Pic de la Souque pour horizon. Je vais m'y arrêter pour prendre un en-cas mais les abeilles ne l'entendent pas ainsi !

    Dans ma tête et pour plusieurs raisons, ce col est dans cette longue journée de marche, une première étape de franchie : d'abord parce que ce col est le carrefour de deux chemins, dont je ne sais trop lequel des deux emprunte vraiment le Tour du Vallespir. Sur les cartes, c'est une étroite sente qui, par la droite, remonte dans la forêt, longe les Canals de Leca dans un décor rocheux et dont le dénivelé est paraît-il plutôt difficile. De l'autre, c'est une large piste qui monte du hameau de Leca et qui file parallèle au Riuferrer, la rivière du fer. Jadis, cette route a été goudronnée mais il n'en reste plus rien. Georges Véron dans son guide conseille cette piste et écrit : " les sages la suivront vers la droite et l'ouest sans s'occuper du balisage qui emprunte, très en contre-haut, un parcours nettement plus pénible ".

    Je ne connais pas cette piste pas plus que le sentier pénible d'ailleurs. Est-elle plus facile ? Sans doute, si je compare les deux itinéraires que par sécurité, j'ai enregistré dans mon GPS. Ici, ce ne sont pas les difficultés qui m'effraient, ni le poids du sac qui me pèse, mais je veux avant tout être sage et je ne me pose donc aucune question. Je délaisse la petite sente balisée en jaune et rouge qui grimpe dans la forêt, et qui, selon les panonceaux, file à la Baraque del Faig en empruntant, et le Tour du Canigou et celui du Vallespir. Malgré ces indications on ne peut plus claires, je n'ai pas le sentiment de faire une entorse au Tour du Vallespir puisque Véron lui-même préconise le parcours que je vais prendre.

    J'ai mis deux heures pour arriver au Col d'En Cé et j'estime qu'il est temps de faire une pause. Le cadre s'y prête avec une jolie pelouse verte et rase comme je les aime. Cette halte me semble indispensable, ne serait-ce que pour reposer mes genoux légèrement endoloris ; douleurs aux articulations engendrées par les multiples torsions de cette longue descente. Je m'arrête, dépose mon sac et commence à sortir quelques friandises. Mais les abeilles, de plusieurs ruches blotties non loin de là dans les fougères, ne l'entendent pas de cette oreille. Oh non, elles ne me piquent pas mais les nombreuses escadrilles qui tournent autour de moi sont suffisamment dissuasives pour me faire comprendre que je me suis ingéré dans un territoire qui n'était pas le mien. Je remballe tout mon attirail et file un peu plus loin vers un endroit plus accue

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Je quitte le col d'En Cé par l'agréable et large chemin conseillé par Georges Véron dans son guide et non pas par le sentier du Tour du Vallespir qui, beaucoup plus haut, longe les Canals de Leca. Pourtant, je n'ai pas le sentiment de faire une entorse au véritable parcours !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Après le Col d'En Cé, de merveilleux panoramas de tous côtés, vers de hauts sommets, vers le cirque d'En Faig, la Souque et la vallée du Riuferrer, rivière du fer alimentée par d'agréables et mélodieux petits rus.

    Bien que clôturée sur ma gauche, sans doute par sécurité pour les troupeaux, car elle est carrément en surplomb de 300 ou 400 mètres au dessus du torrent du Riuferrer, la piste est plaisante à cheminer. Ici aussi quelques arbres ont été étêtés par la tempête Klaus. La déclivité est modeste et quand les arbres ont été épargnés, le chemin se faufile à travers une flore resplendissante où les courts feuillus se mélangent aux petits sapins et aux frêles épicéas. Cette basse végétation présente un avantage non négligeable, celui de pouvoir marcher sans avoir à trop lever la tête pour découvrir cet immense cirque du Faig qui s'ouvre devant moi. Ce cirque, couronné de très hauts sommets qui se détachent sur un ciel bleu cristallin est vraiment splendide : Pic du Roc Nègre (2.714 m) Pic des Très Vents (2.731 m), Pic Roja (2.724 m), Pic de Bassibes (2.637 m), Pic des Sept Hommes (2.651 m). Les crêtes et les flancs de toutes ces hautes cimes où alternent les immenses pierriers blancs et les vertes pelouses sont des invitations à randonner toujours plus haut, même si je sais par avance que je n'aurais pas à monter à ces altitudes sur ce Tour du Vallespir.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

     

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Au pied du splendide cirque d'En Faig, une rafraîchissante baignade dans le Riuferrer un peu perturbée par les sifflements d'une marmotte que je n'arrive pas à apercevoir.Mais en me baignant, j'ai réalisé une rêve, celui de prendre un bain dans une rivière lors de ce Tour du Vallespir.

    Depuis le Col d'En Cé, arrêt compris, j'ai mis exactement une heure pour parcourir les 4 kilomètres de cette piste qui se termine comme elle avait commencé, c'est-à-dire dans une verte prairie plantée de nombreuses ruches. Mais, j'ai retenu la leçon, je laisse les abeilles tranquilles et je préfère filer vers le torrent dont j'entends désormais le clapotis tout proche. J'enjambe quelques rochers car, malgré ce que dit Véron dans son guide, il n'y a ici aucune passerelle. Elle a sans doute été emportée, un jour d'orage, par les flots impétueux du torrent. Je suis déjà sur une autre rive du Riuferrer mais ici, des rives, il y en a plusieurs car la rivière prend sa source à proximité et cherche encore son cours principal dans le début de ce long vallon qui finit sa course 17 kilomètres plus loin, à Arles-sur-Tech. Il fait très chaud et j'ai très chaud, et toutes ses vasques limpides sont des provocations à un bain que je sais presque inévitable. A des lieux de toute habitation, j'ai la quasi certitude d'être seul et éloigné de tout au fond de ce magnifique cirque, j'ôte tous mes vêtements et me dirige vers la rivière. Mais à l'instant précis où j'entre dans l'eau, j'entends un sifflement strident. Serait-ce quelqu'un qui me reluque et qui me trouve beau dans le " plus simple appareil " ? J'ai de l'imagination mais il m'est impossible de croire à ce raisonnement. Je reste néanmoins surpris d'entendre siffler et je regarde autour de moi avec insistance et un peu d'appréhension aussi, je dois l'avouer. Quelqu'un m'aurait-il surpris dans cette tenue d'Adam sans feuille de vigne ? Non, je ne vois personne mais les sifflements aigus se répètent et viennent clairement d'une zone de gros éboulis qui se trouve derrière moi où déboule un autre petit torrent. Je suis pudique et malgré une eau glacée, je plonge plus vite que prévu dans la première marmite venue. J'observe mais je ne vois rien. J'avoue que ce sifflement persistant continue de me troubler. Je sors du torrent, me sèche et j'enfile mon slip. Mais les sifflements irréguliers se poursuivent et je comprends qu'il ne peut s'agir que d'une marmotte qui siffle pour prévenir ses congénères de ma présence. Je retourne au bord du torrent pour figer sur une photo, cet instant ridicule et désopilant dont je rigole encore quand j'y pense. Enfin, malgré l'aspect ridicule de ce moment, j'ai réalisé un rêve celui de me baigner dans une rivière lors de ce Tour du Vallespir. Depuis que je suis enfant, l'eau m'a toujours fortement attirée. 

    Paysages aperçus après avoir enjambé le Riuferrer et quitté le cirque d'En Faig. Le sentier alterne éboulis et jolis passages en sous-bois. De l'autre côté du torrent, j'aperçois la piste empruntée après le col d'En Cé. Le balisage est bon même si ici le panonceau indique seulement le Tour du Canigou. 

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Paysages aperçus après avoir enjambé le Riuferrer et quitté le cirque d'En Faig. Le sentier alterne éboulis et jolis passages en sous-bois. De l'autre côté du torrent, j'aperçois la piste empruntée après le col d'En Cé. Le balisage est bon même si ici le panonceau indique seulement le Tour du Canigou.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    J'ai quitté le cirque d'En Faig (au fond), la sente s'élève au dessus du vallon du Riuferrer dans lequel je viens de me baigner nu. Mais des sifflements aigus, ceux d'une marmotte sans doute, sont venus troubler ce plaisir. En reprenant ma marche, j'en rigole tout seul car je trouve cela désopilant quand j'y repense !

    Après avoir traversé le Riuferrer, c'est une petite sente qui le longe désormais sur la rive opposée. Mais, si le sentier est parallèle à la piste que j'ai suivie depuis le Col d'En Cé, avec ses montées et ses descentes successives dans les cailloux et les éboulis, il est beaucoup moins agréable et facile à arpenter que ne l'était la piste. Seuls les paysages restent plaisants à regarder avec désormais une vue circulaire de tous les pics qui dominent le cirque d'En Faig. Il y a toujours les mêmes auxquels s'ajoutent désormais ceux en face de moi à savoir les pics Gallinasse (2.461 m), Cincreus ou Cinq croix (2.266 m) et Pel de Ca ou Peau du chien (2.112 m). Dans le pierrier du Gallinasse, j'aperçois un isard qui grimpe la pente avec une facilité déconcertante. Il s'arrête et m'observe. Compte tenu de la distance qui nous sépare, il est peu inquiet et continue tranquille son ascension vers le sommet. Bien qu'estimant la distance trop importante, je tente néanmoins une photo en mode rapproché. Le chemin se fait plus doux au sein du bois de la Bac de la Cova dels Porcs (bac signifiant ubac, cova signifiant grotte, on peut traduite textuellement par ubac de la grotte des cochons), je décide de stopper là pour déjeuner car il est 12h30 et je n'ai pas envie de " speeder " inutilement. Je mange en priorité le panier repas confectionné ce matin par le cuistot du Refuge de Batère, constitué d'un gros sandwich omelette au jambon, d'un " bon " morceau de fromage, de 2 tranches de pains d'épices et d'une orange. Je conserve et continue de trimbaler mes salades et mes gâteaux de riz que je garde précieusement en prévision des repas de ce soir et de demain midi. Quand je repars, le ciel s'est quelque peu assombri. Mais cette obscurcissement est sporadique car une " bonne " tramontane pousse vers le sud tous ces gros cumulus le plus souvent très blancs mais quelquefois gris aussi.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    J'ai définitivement quitté En Faig. Une rampe d'éboulis s'élève hardiment et m'oblige à prendre un peu d'énergisant. Un étrange papillon tente de faire du mimétisme sur une feuille, mais pas de bol, le feuille est verte et lui est marron tacheté de bleu. C'est la première fois que j'en vois un comme ça et je ne connais pas son nom. La sente file vers une belle hêtraie où poussent de jolis champignons jaunes, direction la cabane de la Devesa que j'aperçois au loin.

    La sente s'élève maintenant par une sévère rampe qui se fraye un chemin au milieu d'un gros pierrier. La sente ne fait que monter depuis que j'ai redémarré et elle s'accentue encore. L'estomac alourdi par le déjeuner, j'ai un mal fou à retrouver mon ardeur de ce matin. Aussi, je trouve opportun d'ouvrir, pour la première fois de la journée, une nouvelle compote gélifiée énergisante dont j'absorbe, en pressant le tube, une copieuse lichette. L'effet du glucose sur mon organisme est quasiment immédiat et alors que je grimpe en direction de la cabane forestière de La Devesa, un quart d'heures plus tard, j'ai retrouvé une " forme olympique ". J'entre dans une étrange hêtraie où les arbres avec leurs multiples branches tentaculaires qui sortent du sol ressemblent plus à des pieuvres géantes qu'à des végétaux. Les abords du chemin sont parsemés d'une multitude de jolis petits champignons jaunâtres. Au sortir de la hêtraie, j'aperçois enfin au dessus de moi la cabane qui sert régulièrement d'abri aux bergers et de refuge aux randonneurs.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    La cabane de Devesa apparaît et les panoramas se révèlent de tous côtés et jusqu'à la Méditerranée. Dommage une longe chape brumeuse bouche l'essentiel de l'horizon. Mais je réussis néanmoins à apercevoir Amélie-les-Bains d'où je suis parti hier matin, Montbolo et la piste qui monte vers Formentere.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Je grave dans ce grand hêtre, mais sans talent, la mémoire de mon passage ici.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Des chevaux et surtout un gentil et sympathique trio de randonneurs: voilà, quelques bons souvenirs de mon passage près de la cabane de la Devesa.

    Sur ma gauche, je reconnais la verte prairie du Col de l'Estagnol que je connais bien et que je dois rejoindre. Mais pour l'instant rien ne presse, il n'est que 14 heures et je m'arrête pour manger une orange à l'ombre d'un immense hêtre. Machinalement, je me mets à en creuser l'écorce, à l'aide de mon " Laguiole ", pour tenter d'y graver à jamais mes initiales et la date du jour marquant ainsi mon " glorieux " passage sur ce Tour du Vallespir. Mais il faut que je l'avoue, je ne suis pas un artiste en la matière et je resterai sans doute le seul à savoir que je suis passé par là ! Au moment où je m'apprête à repartir, un homme arrive vers moi et, dans un élan très amical, il me salue en me serrant la main avec chaleur. Il semble radieux de rencontrer quelqu'un à qui parler. Il est suivi d'une jeune femme et d'une jeune fille. La jeune femme vient également vers moi me dire bonjour. La jeune fille, elle, poursuit son chemin, et me salue, de loin, d'un sourire timide. Pendant que ses parents m'expliquent leur randonnée, je la vois partir en courant à la rencontre de trois chevaux qu'elle vient d'apercevoir non loin de la cabane. Son père, qui ne la quitte pas des yeux, se met à crier. Il s'étrangle à lui rappeler les règles de prudence les plus élémentaires à adopter avant de se rapprocher des chevaux. Mais la jeune fille les a déjà atteints et les caresse sans aucune retenue ni appréhension. Heureusement, ces chevaux qui vivent le plus souvent à l'état sauvage semblent dociles et de bonne composition. Le père, qui n'était pas entendu, est, par crainte, parti en courant rejoindre sa fille, ce qui a eu pour effet de couper court à notre conversation qui, apparemment, s'orientait sur la manière dont ils devaient poursuivre leur parcours pour rejoindre Leca. Une fois rassuré le père revient vers moi, déplie sa carte IGN et me demande de lui indiquer s'ils peuvent faire une boucle pour rejoindre leur point de départ et retrouver leur véhicule qu'ils ont laissé à Leca. Le doigt pointé vers un proche horizon, je lui désigne d'abord le Col de l'Estagnol, grand pré vert clair que l'on aperçoit au milieu d'un océan de grands conifères au vert plus sombre puis, tout en décrivant le parcours à prendre, mon index descend dans le ravin qui nous fait face. C'est celui de la Font de l'Estagnol. Puis, pointant toujours mon index, je retranscris sur la carte la même description, tout en suivant l'itinéraire en rouge qu'il auront à emprunter.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Avant de repartir de la Devesa vers le col de l'Estagnol, j'ai un large aperçu du chemin parcouru hier, d'Amélie-les-Bains à Batère dont j'aperçois la tour à l'horizon sur ma gauche.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Je laisse la Devesa, sa cabane, ses chevaux, son cadre bucolique et ses beaux panoramas, direction le col de l'Estagnol et son pré verdoyant que j'aperçois au loin.

    L'homme me remercie et le trio repart en direction de la large piste qui démarre au pied de la cabane de la Devesa. Ils me distancent rapidement et disparaissent dans la sombre forêt qui descend le long des flancs du Puig dels Pastors. De mon côté, je continue de flâner, prenant photos sur photos, du site de la Devesa et des alentours mais aussi de tous ces splendides panoramas que je domine et que j'aperçois presque à perte de vue en direction de la mer. Je discerne avec bonheur mais étonnement la quasi totalité du chemin parcouru hier : Mes yeux partent d'Amélie-les-Bains, grande empreinte blanchâtre au fond de la vallée du Tech puis peu à peu, ils montent vers Montbolo que je devine à peine, puis ils cheminent sur cette longue piste qui louvoie telle une couleuvre vers le col de Formentere pour s'arrêter au pied de la tour de Batère parfaitement visible. Absorbé par tous ces beaux paysages et ces magnifiques forêts, quand je sors du Bois dels Pastors pour déboucher sur le vaste et verdoyant pré du Col de L'Estagnol, c'est sous quelques gouttelettes de pluie. Elles tombent d'un modeste nuage noir qui a, sans doute lui aussi, décidé de s'arrêter là pour profiter de ce remarquable spectacle. Pour la deuxième fois en deux jours, me voilà contraint de recouvrir mon sac à dos et de sortir mon poncho dans la précipitation. Sur le grand pré, je retrouve " mon " trio de randonneurs. Ils viennent de nouveau vers moi car ils n'ont pas trouvé la sente qui redescend vers Leca. Je dépose mon sac à dos sur le pré et leur demande de me suivre jusqu'à un petit piquet et à une petite trace jaune, peu visible il est vrai, car peinte à même le sol sur une pierre à la limite de la forêt et de la pelouse.Là, je leur dis de ne plus quitter ce balisage jusqu'à retrouver le panneau Leca qu'ils ont inévitablement rencontré en montant vers le Faig. Je quitte cette charmante famille, non sans leur avoir montré au préalable, et une nouvelle fois, le tracé sur la carte IGN et décrit au père la sente qui devrait les ramener sans problème jusqu'à leur véhicule. Je les mets surtout en garde de délaisser les chemins et les pistes qu'ils vont couper et qui partent vers la droite.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Quand, j'arrive au col de l'Estagnol, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour Jérôme car il y a trois semaines, nous avions déjeuné là avant de monter au Pic de la Souque. D'ailleurs, le pic apparaît au loin en forme de volcan aplati à son sommet. Mais il y a aussi toutes ces montagnes que j'aurai à gravir dans les jours prochains de l'autre côté du versant du Vallespir.

    Un dernier signe de la main et le sympathique " trio " disparaît définitivement dans le bois. J'ôte et replie mon poncho car le petit nuage noir a fichu le camp lui aussi et la pluie fine a cessé. Le petit nuage noir a laissé la place à un magnifique ciel bleu où quelques éphémères et gros cumulus blancs très épars continuent de courir poussés par un vent modéré du nord. Quand je me retrouve sur cet immense pré vert clair, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour Jérôme, il y a trois semaines nous avions déjeuné là avant de grimper au Pic de la Souque. De ce vaste plateau herbeux, la vision bascule sur l'autre Vallespir, celui de la vallée du Tech. Ces paysages sur le Tech et plus loin vers l'Espagne ne sont que successions de petites collines, de profondes ravines et de montagnes beaucoup moins hautes que celles auxquelles je tourne désormais le dos. Est-ce la distance qui me sépare encore de ces paysages, mais j'éprouve pas mal de difficultés à imaginer, que pour finir convenablement cette boucle, il me faudra chevaucher toutes ces " montagnes russes " lors des trois derniers jours. Je rejoins un panneau indicateur qui m'oriente dans la direction à poursuivre : " Volta del Vallespir/Tour du Vallespir - St Guillem ". Malgré mon GPS, j'avoue que ce panneau m'est précieux car hormis le site de Saint-Guillem lui-même, je ne connais plus les chemins qui m'attendent à partir d'ici et pendant encore deux jours jusqu'à Notre-Dame du Coral et Lamanère. Assis bien en face ces jolis panoramas, je grignote quelques fruits secs en observant sur ma carte IGN, les sentiers à prendre pour arriver au refuge de Saint-Guillem ce soir. Je repars par une large piste dont la déclivité s'accentue à chacun de mes pas. Par sécurité, du moins je le pense, je garde à la main et pendant quelques temps mon GPS allumé. Le dénivelé progresse : 1.650 mètres, 1.670, 1.680, 1.700, 1.720, 1.730 mètres, puis, toujours allumé, je finis par le glisser dans la poche de mon short car ce dernier me situe parfaitement sur le tracé. Et là, je commet une erreur grossière car quand je le ressors de ma poche, bien, que n'ayant pas quitté la piste, je m'aperçois que je ne suis plus du tout sur la tracé mais l'altitude a encore augmenté de quelques mètres puisque je suis désormais à 1.765 mètres. Selon la connaissance que j'ai du parcours, je sais que je suis beaucoup trop haut car le point culminant du Tour du Vallespir se situe à 1.808 mètres et ce sera demain au Col de Serre Vernet. Je comprends que je me suis beaucoup trop rapproché de cette altitude pour être sur le bon chemin ! Je ressors la carte de mon sac et remarque qu'effectivement j'ai dû louper la sente qui descend à gauche vers un petit col inscrit sur la carte : la Collada del Réart. Mais je remarque aussi que si je continue la piste, je ne suis plus très loin d'une autre sente qui rejoint la première, peu avant le Roc del Réart. Je choisis cette option et continue de monter sur quelques dizaines de mètres. Et là, surprise et soulagement, juste derrière un virage, j'aperçois un nouveau panneau indiquant clairement : " Volta del Canigo/Volta del Vallespir - St Guillem ". A mes pieds, une étroite sente descend à gauche.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Après le col de l'Estagnol, je me trompe de chemin et la sente grimpe vers des sommets plus élevés que prévus, mais les panoramas sont si merveilleux !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Je me suis trompé de chemin mais par bonheur celui-là aussi à une variante qui va à hameau de Saint-Guillem de Combret !

    Le GPS me situe à 1.771 mètres d'altitude et de là encore, les panoramas sont grandioses sur le Bas et le Moyen Vallespir et la vallée du Tech bien sûr, mais aussi sur le vallon et le bassin de Coumelade et les pics et les crêtes qui l'entourent. Pic de Gallinas (2.029 m), crêtes de Serre-Vernet (1.970 m), Montagne Rase (2.439 m), à vol d'oiseau, je ne suis plus très loin de la haute montagne mais maintenant il me faut descendre dans cette terrible sente qui zigzague des contreforts très rocailleux du Roc Coucoulère jusqu'aux flancs boisés de la Sola du Rossignol. J'ai beau me méfier à outrance de cette étroite sente abrupte, peu empruntée, mal débroussaillée et par endroit ravinée, je ne peux éviter une chute dans les bruyères rases. Heureusement sans gravité, sauf pour une malheureuse petite abeille qui se retrouve plantée par le dard dans la paume de ma main. Malgré la vive douleur momentanée, j'essaie de dégager cette pauvre abeille de cette situation inconfortable, surtout pour elle, car je sais qu'en tirant, une partie de l'abdomen restera planté dans ma peau retenu qu'il est par un petit crochet qui se trouve à la pointe du dard. L'abdomen et le dard étant étroitement relié par un muscle infime et fragile, l'abeille meurt en général de cette intervention. Malgré toute la délicatesse que je peux mettre à cette opération, tout se passe comme prévu : je suis malheureusement obligé de m'y reprendre par deux fois, une première, car le dard et les entrailles toutes entières sont restées plantées dans ma paume et une seconde, pour retirer le dard dont j'ai le vague sentiment que le crochet est resté enfoncé dans mon derme. L'abeille, elle, n'a pas survécu à cette " pitoyable chirurgie " ! Malgré une douleur assez superficielle désormais, je sors, par sécurité, ma trousse à pharmacie et mon " Aspivenin " pour aspirer le reste des toxines injectées par cette pauvre abeille qui, tranquille à butiner, a eu la malchance de croiser ma route.

    Pauvre petite abeille que le rose attirait

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur le rose sentier, voilà que j'ai chuté

    Sur une frêle abeille que le rose attirait.

    Tombé dans les bruyères où est la gravité,

    Pour une abeille gracile que le rose attirait.

     

    Dans la paume de ma main, elle resta plantée,

    Cette jolie abeille que le rose attirait.

    Autant le dire de suite, il faut avoir pitié,

    Pour une abeille fragile que le rose attirait.

     

    Petit corps dans mes mains, j'avais la faculté,

    Pour cette fine abeille que le rose attirait,

    De la tirer de là, avec habileté,

    Cette petite abeille que le rose attirait.

     

    Tirant son abdomen avec dextérité,

    La délicate abeille que le rose attirait,

    S'endormit dans ma main et pour l'éternité.

    Et rose fût sa mort où elle fût attirée

     

    Mais ce triste spectacle m'avait déconcerté.

    Je priais cette abeille que le rose attirait

    De s'envoler vers Dieu qui m'avait écouté.

    Au rose paradis, l'abeille fût attirée.

     

    Et comme cette histoire a une moralité.

    La mort quitta l'abeille que le rose attirait.

    Le matin, elle revint toute ressuscitée,

    Butiner les bruyères encore fraîches de rosée.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms 

    Mon GPS affiche 1.771 m d'altitude, j'aperçois Saint-Guillem 500 mètres plus bas, les crêtes à gravir demain et le splendide vallon de la Coumelade. 

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Il va me falloir 1h40 pour arriver au hameau de Saint-Guillem, écrasant au passage une pauvre petite abeille et galérant dans le dernier bois, couché par la tempête Klaus.

    Je repars contrit en redoublant de vigilance pour ne plus tomber et écraser d'autres innocentes abeilles qui sont très nombreuses sur ce sentier. A chaque détour du chemin, à chaque bout du zig ou parfois du zag, j'aperçois désormais le hameau de Saint-Guillem de Combret. Avec sa chapelle, son refuge et ses quelques maisons, le hameau se rapproche trop lentement à mon goût. Oh non, je ne suis pas pressé car ce soir personne ne m'attends ! Mais je languis d'arriver car cette descente est usante tant pour les muscles et les articulations que par la tension nerveuse que je mets à ne pas trébucher. La pente est très raide par endroits et l'orage d'hier soir a rendu certaines portions du sentier très glissantes. Depuis le dernier panonceau situé à 1.771 mètres d'altitude, et montre en mains, j'ai mis exactement 1h40 pour parcourir un peu plus de quatre kilomètres et arriver au refuge, situé à 1.287 mètres. Et pour couronner le tout, cette descente se termine dans un fatras invraisemblable de bois cassés et d'arbres abattus par la tempête Klaus. A cet instant précis, et après être sorti difficilement, avec quelques égratignures très superficielles mais sans aucun bobo sérieux de ce ramassis d'arbres morts, il me paraît impossible de trouver pires conditions de marche. Le hameau paraît désert. Je passe sous la jolie chapelle. Il est 17 heures tapantes quand j'entre dans le refuge dont la porte est grande ouverte mais où un caleçon a été mis à sécher sous le auvent. Mais le refuge est vide lui aussi. Je m'y installe le plus confortablement possible. Ici le mot " confort " est franchement très exagéré.

    De la paillasse à la cheminée en passant par une grande table et deux bancs en bois, tout y est plutôt spartiate pour ne pas dire austère. Je sors de mon sac à dos tout le nécessaire dont je vais avoir besoin pour vivre c'est à dire pour manger et pour dormir. Sans trop m'étaler car il est fort possible que d'autres randonneurs arrivent encore, j'essaie de m'aménager deux petits coins à moi. Un sur la table, l'autre sur le dortoir. Si d'autres locataires arrivent, seule la couchette posera vraiment un problème car s'il y a une grande estrade en bois pouvant accueillir plusieurs personnes, il y a un seul matelas en mousse et deux gros coussins, type sièges de voiture. Mais en la circonstance, le premier arrivant ayant toujours raison, je m'accapare le matelas et un gros coussin dont je veux montrer l'occupation en y posant mon sac à dos bien en évidence. Par contre, je n'occupe qu'un petit coin de la grande table où j'ai déjà disposé les mets pour ce soir et le " p'tit déj " pour demain matin.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    La chapelle Saint-Guillem de Combret, lieu de passage depuis des siècles

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    En arrivant à Saint-Guillem de Combret, le refuge non gardé est un lieu austère aux conditions spartiates mais ô combien pratiques sur ce Tour du Vallespir !

    Je partage le reste de l'après-midi et la fin de la soirée entre la visite du site de Saint-Guillem de Combret que je connais déjà pas mal, quelques photos et un peu de lecture. La chapelle semble la seule habitation occupée aujourd'hui, aussi j'écourte ma visite et part faire quelques photos des panoramas alentours. De retour au refuge, je feuillette quelques vieilles pages de L'Indépendant de Perpignan qui ont sans doute été laissées ici pour allumer la cheminée puis je reprends la lecture de " Dalva ". Quand le soir se met à tomber, aucun autre locataire n'est arrivé. Le caleçon est toujours là, suspendu sous le auvent de la porte d'entrée et personne n'est venu le décrocher. Certainement quelqu'un qui l'aura oublié ! Je prends mes aises car je sais que plus personne ne viendra maintenant. Tout en lisant " Dalva ", je mange deux salades, un gâteau de riz et quelques fruits secs. Mais après ce frugal repas, la lassitude aidant, mes paupières tombent seules sur mes yeux sans vigueur. Assis à la grande table, je tente de lire à la faible lueur de cinq ou six bougies et seul un petit lézard, qui entre et sort par un fenestron resté entrebâillé, me tient un peu éveillé. Indécis, il cherche sans doute un orifice où se coucher mais hésite entre l'obscurité extérieure et la demi pénombre du refuge. Quand il disparaît définitivement, je n'essaie plus de lutter contre le sommeil et moi aussi, je pars me coucher.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    A Saint-Guillem, je termine la soirée à un peu de lecture et à quelques photos. Mais je suis anxieux car le bois sous le refuge, où se trouve l'arboretum, a été, lui aussi, fracassé par la tempête Klaus. Alors, je me dis : " Comment vont être les chemins lors des jours à venir ? "

    Je repense à cette journée plutôt agréable et sympathique à 99%. Journée à la fois comique sous certains aspects mais aussi angoissante quand je me souviens de la galère dans laquelle j'ai bataillé dans ce dernier bois pour rejoindre le hameau. Mes pensées s'emmêlent entre instants d'angoisse et de bonheur. Mais dans ce jeu du souvenir, l'angoisse et l'anxiété finissent par l'emporter malgré la domination incontestable des instants de plaisir et de bonheur. Je revois parfaitement ce petit écureuil roux qui était tout près de moi mais que je n'ai pas vraiment réussi à photographier convenablement. Je me revois nu dans le Riuferrer, dans cette attitude ridicule et burlesque, à écouter ces sifflements aigus dont je cherchais stupidement la provenance. Je me souviens de ce couple de randonneurs qui sont venus vers moi chaleureusement et le sourire en " banane " pour que je les rassure quant à la direction à prendre. Là aussi, cette rencontre avait un aspect un peu cocasse et dérisoire car ce couple et leur fille semblaient compter sur moi comme les disciples attendaient de Jésus qu'il leur montre le droit chemin. J'exagère un peu, mais s'ils avaient su combien de fois, moi aussi, je me suis transformé en " brebis égarée ", ils auraient passé leur chemin en m'ignorant totalement ! D'ailleurs ne me suis-je pas fourvoyé au cours de cette journée : après le Col de l'Estagnol puis surtout dans ce fouillis de branchages et cet amoncellement d'arbres fracassés ou déracinés. C'est en partie de la faute à Klaus me direz-vous ! Mais même vu sous cet angle, cet égarement m'inquiète. Et si dans les jours prochains, nombres de chemins étaient autant impraticables ? Je suis d'autant plus inquiet, que cet après-midi, je suis parti vainement avec l'idée de visiter l'arboretum qui se trouve juste en dessous, à seulement quelques mètres du refuge. Pourtant c'est un des rares endroits du département où l'on peut apercevoir de grands séquoias ! Mais cet arboretum était lui aussi inapprochable car la tempête avait fait dans ce petit bois d'incommensurables ravages. En général, je suis plutôt fataliste pour ne pas me laisser angoisser inutilement et tomber dans la paranoïa. J'ai beau me dire ; je verrai bien, demain sera un autre jour, c'était bien jusqu'à présent, il n'y a pas de raison que ça change ; les images de ces grands arbres couchés, déracinés, fracassés en deux comme de simples allumettes reviennent sans cesse et m'empêchent de trouver le sommeil. Tout à l'heure, je m'endormais à table et maintenant je n'arrive plus à sortir de ma tête la vision de tous les dégâts de cette tempête Klaus. J'essaie, mais en vain, de me convaincre que les longues randonnées pédestres oscillent souvent entre moments de plaisirs et instants de souffrance et de douleurs. Pourtant et par expérience, je sais que ces revirements de situation sont souvent inévitables, surtout quand on veut se hisser sur " les hauteurs d'une vallée âpre " ?

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

    Cliquez sur l'écureuil pour passer à l'étape suivante


    votre commentaire
  • Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.3eme étape : Mercredi 19 août 2009.

    Saint-Guillem (1.287 m)-Prats-de-Mollo (753 m) 15 kms.

    (La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

    Nous nous aventurâmes jusqu'au village de Prats-de-Mollo. J'avoue que je préférai les bocages de la plaine à ces grandes montagnes couvertes de chênes verts et qui semblent plus faites pour abriter des bandits, que pour assurer le couvert à des honnêtes gens. Extrait de l'essai " Voyage en France en 1787, 1788, 1789 ". Arthur Young (1741-1820) agriculteur, agronome et écrivain britannique.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.LA FAUTE A KLAUS :

    Malgré cette anxiété que j'ai eu hier soir, j'ai fini par m'assoupir. Quand j'y repense, je constate que c'était plutôt une appréhension momentanée qu'une vraie obsession. Puis vers minuit, j'ai été réveillé par un bruit. C'était comme le bruit d'un grattement. Mais une fois éveillé, je me suis aperçu qu'un autre bruit venait du volet d'un petit vasistas qui était resté ouvert et qui grinçait sous une légère brise nocturne. A la faible clarté de ma lampe frontale, je n'ai rien observé qui correspondait au grattement qui m'avait réveillé. Par contre, le rayon plus large que ma lampe projetait contre le mur du refuge me fit remarquer qu'il manquait une grosse pierre à 15 centimètres de ma paillasse. Au fond de ce trou ainsi constitué, il y avait un nid de souris fait d'une bourre blanche, de poils et de fibres diverses. Mais de souris, il n'y en avait point ! Est-ce elle qui grattait avant que je ne me réveille ? Avait-elle eu le temps de décamper avant que je n'éclaire la lampe ? Pour ne plus être embêté par ce grincement lugubre et ces grattements désagréables, je pris les sages résolutions de fermer le vasistas et de déménager ma litière à l'autre bout du bat-flanc. Puis, j'ai profité de ce réveil fortuit pour partir uriner dehors. Le ciel tout entier était étoilé et une belle voie lactée blanchissait le firmament au dessus de la chapelle de l'ermitage. La nuit était douce et quasi silencieuse. Seule une petite brise, frissonnant les feuilles, tentait sans succès de rompre cette quiétude. Comme j'appréciais pleinement l'instant présent, cette sérénité, cette paix secrète et intime, loin du monde bruyant et trop insociable que j'avais quitté, je suis resté de longues minutes sur le pas de la porte, les yeux levés vers le ciel et l'ermitage qui se découpait, à écouter ce silence avant de partir me recoucher. Une fois encore, cette nuit-là fut bénéfique et, à mon grand étonnement, je n'ai ressenti à mon réveil aucune contracture musculaire, ni aucune douleur, malgré les deux longues étapes déjà accomplies et la rusticité du couchage qui ne m'avait pas empêché de dormir profondément.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Quand je quitte Saint-Guillem, vers le sud, le jour est déjà levé mais le hameau est encore dans la pénombre. Ici les panneaux sont on ne peut plus clairs mais mal placés et je vais me tromper avant de me raviser et de reprendre le bon chemin.

    Il est 7 heures. Vers le sud, le jour est déjà levé mais Saint-Guillem de Combret, blotti au fond du vallon de Coumelade, est encore dans une obscure nébulosité. Bloqués par les hauts monts environnants, les rayons du soleil mettront encore plus d'une heure avant d'éclairer complètement le minuscule hameau. Je déjeune de deux gâteaux de riz vite expédiés et d'une grande gorgée d'eau et range tranquillement mes affaires et mon sac à dos en prêtant attention à ne rien oublier dans le refuge. Il est 8 heures quand je démarre avec ma trousse de toilettes, mon gant et ma serviette à la main. Je sais qu'il y a dans le hameau, non loin d'ici, une auge ou plutôt un vieux lavoir dans lequel, par un tuyau de PVC, s'écoule une eau de source cristalline. J'ai bien l'intention de me raser et de faire un brin de toilettes car j'ai la désagréable sensation de me sentir sale et poussiéreux. Je mets un quart d'heure pour me laver et tenter de parfaire ma présentation. Mais j'ai le sentiment que l'eau glacée a eu un seul effet non négligeable sur mon organisme, celui de lui assener un " claquant " coup de fouet qui me permet de démarrer cette étape dans d'excellentes conditions. Je profite pour remplir mes deux gourdes et mon camelback d'une eau fraîche et renouvelée.

    La large piste s'élève rapidement au dessus de l'ermitage. Sur ma droite, là même où hier après-midi j'ai galéré, la tempête Klaus a laissé un immense chantier de désolation dans cette forêt qui était pourtant magnifique. Par contre, en face de moi, les flancs du Puig dels Sarraïs (1.830 m) et du col de Serre-Vernet (1.808m) que je dois cheminer semblent moins meurtris. Il y a bien deci delà, quelques cicatrices, quelques sillons d'immenses résineux couchés, mais rien de bien inquiétant, en tous cas vu d'ici.

    Quelques minutes plus tard, et alors que je m'apprête à poursuivre la piste, je remarque inopinément sur ma droite un panonceau qui semble m'indiquer Prats-de-Mollo et le col de Serre-Vernet par un autre chemin qui s'enfonce dans la forêt. Et je commets là une nouvelle erreur en ne sortant pas immédiatement mon GPS. Quand je le sors, c'est bien trop tard, car mon GPS ne capte plus aucun satellite masqué qu'il est au fond de ce sous-bois touffu. Deuxième erreur, je ne sors pas ma carte non plus, tranquillisé, il est vrai, par ce rassurant panneau. Et quand je sors ma carte, c'est encore beaucoup trop tard car j'ai marché ainsi une " bonne " demi-heure jusqu'à m'inquiéter de ne plus rencontrer le balisage jaune et rouge qui était pourtant bien visible jusqu'à présent. Au regard de la carte, je me rends à l'évidence, je me suis trompé, une fois de plus. Quitte à avoir perdu une heure, je décide de faire demi-tour car ce chemin qui zigzague toujours en forêt sans aucun balisage apparent me trouble et ne m'amènera nulle part et en tous cas pas où je dois aller.

    Quand je retrouve la piste et le panonceau, selon moi, très mal placé à cet endroit, j'ai effectivement perdu une heure. Je m'avance sur la piste et quelques dizaines de mètres plus loin, j'aperçois effectivement les marques de peinture jaune et rouge propres au GRP du Vallespir. Je poursuis la piste et enjambe le fougueux torrent de Coumelade par un large pont bétonné. Peu après, la piste se sépare en deux, mais le balisage est ici parfait et m'oriente vers la droite. Plutôt plane au début, maintenant la piste monte allégrement, effectue deux larges courbes, avant d'atteindre le col Baxo à 1.473 mètres. Au fond de ce petit col herbeux, un nouveau panneau sollicite un départ à gauche. Ici une minuscule sente, encadrée d'une clôture, est barrée d'un petit portail qui est là pour empêcher les bovins de passer mais pas les randonneurs. Sans trop m'en apercevoir, et malgré l'heure perdue, j'ai déjà fait 190 mètres de dénivelé sur les 521 que je dois accomplir pour atteindre les 1.808 mètres du Col de Serre-Vernet. C'est bien sûr encourageant, mais j'évite de trop penser aux 331 mètres restant sur les trois kilomètres d'ascension qui doivent m'amener au pinacle de ce tour du Vallespir.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    J'ai quitté Saint-Guillem par un chemin qui enjambe la rivière Coumelade. Parfaitement balisé, il s'élève rapidement par le col Baxo, file à travers des bois touffus où coulent quelques petits ruisseaux. Mais parfois le chemin se transforme en balcon et j'ai le bonheur d'être en surplomb de superbes paysages. Saint-Guillem est déjà très loin.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Ce chemin parfois en balcon me laisse entrevoir Saint-Guillem que j'ai quitté ce matin. On aperçoit les bois saccagés par la tempête Klaus. Celui au dessus du hameau où j'ai galéré hier lors de mon arrivée et celui en dessous du refuge où se trouve un bel arboretum avec notamment quelques séquioas.

     Malgré le dénivelé, le petit chemin est changeant et agréable. Cheminant le plus souvent en sous-bois et recouvert d'un épais tapis de feuilles mortes, il coupe quelques ruisseaux, affluents de la Coumelade et monte rectiligne offrant quelquefois de magnifiques vues vers le sud mais surtout sur Saint-Guillem et tout le Bassin de Coumelade. Puis soudain, il bifurque dans le sens opposé en direction du Col de Serre-Vernet dans un bois de petits pins chétifs. Il n'est pas tout à fait midi quand j'arrive au col, point culminant de ce périple avec ses 1.808 mètres

    Vaste pré herbeux entouré de pins et de sapins, il semble être le paradis pour nombre de génisses et de vaches blanches indolentes. La plupart sont affalées sur la verte prairie et même mon passage laisse indifférent tous ces bovins, qui repus, ne tournent même pas la tête quand je m'approche d'eux. Ici, les panoramas à 360° sont splendides de tous côtés. De nombreux hauts sommets et de nouveaux pics apparaissent, de nombreuses crêtes composent l'horizon : la Crête des Sept Hommes (2.651m), le Pla Guillem (2.301m), les Roques Blanches (2.252m), les Esquerdes de Rotja (2.316m), le Roc Colom (2.507m) et le Pic de Costabonne (2.465m) pour ne citer que les crêtes les plus connues et les plus attractives. Mais il y aussi de profonds ravins et surtout cette immense et épaisse forêt domaniale qui n'en finit plus de s'étendre sur ce magnifique Haut-Vallespir. Ici, il y a aussi un panneau, mais il ne sert plus à rien car il gît à terre et n'indique plus aucune direction. Je le redresse et essaie en vain de retrouver son emplacement originel. De dépit, je le pose contre un petit pin dans la position qui me semble la plus appropriée avec St Guillem dans la direction d'où je viens. A l'aide d'un bout de ficelle que j'ai trouvé sur la pelouse, j'ai beau l'attacher avec bons sens à une branche du pin, je ne suis guère plus avancé quand à la direction à prendre pour me rendre à Prats-de-Mollo.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    J'arrive au col de Serre Vernet. A 1.808 mètres, c'est le point culminant de mon périple. Les paysages sur le très Haut-Vallespir sont superbes de tous côtés. Ce col est aussi le paradis de vaches et des génisses. Le panonceau indicatif gît à terre, je le redresse et l'attache à un pin mais je ne suis pas plus avançé quant à la direction à prendre pour aller à Prats. Heureusement j'ai mon GPS !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    J'effraie un petit veau puis je m'arrête pour déjeuner dans cet éboulis qui descend très raide du Puig dels Sarraïs vers la vallée de la Parcigoule. Je ne peux trouver plus beau spectacle ! Mais la descente est loin d'être finie, je dois encore atteindre deux cols, celui de la Collade d'En Mandoulé et le col de Coumeille, petit pré verdâtre que j'aperçois tout en bas.

    Mais heureusement, ma carte IGN est là et mon GPS aussi et à force d'avancer dans différentes directions vers le sud, je finis par trouver le bon itinéraire qui file sur le pré puis contourne quelques rochers. Il est midi et j'ai faim, mais comme la suite de l'étape est essentiellement faite de descentes, je prends la décision de continuer un peu pour m'offrir comme hors d'oeuvre un splendide panorama dégagé. Cette sente allie pelouses, petits bois de pins et de feuillus mais aussi rocailles et rochers plus ou moins gros. Mais il y aussi de nombreux et bas genévriers derrière lesquels quelques veaux ruminent leur fourrage. L'un d'entre eux peut se vanter de m'avoir fait une belle frayeur et tressaillir quand il a débouché devant moi alors que je marchai dans un silence de cathédrale. Mais je suppose que lui aussi, il a du avoir une peur " bleue " ! En contournant maintenant le rocailleux Puig dels Sarraïs, le chemin n'est désormais plus qu'amoncellement de blocs déchiquetés et gros pierriers escarpés. Je redouble de vigilance pour éviter toute chute qui, ici, serait catastrophique pour de pas dire fatale. Il est temps que je m'arrête pour déjeuner car je ne trouverai pas meilleur belvédère que ces éboulis, bien exposés au soleil, qui descendent raides vers le vallon de la Parcigoule. Il n'y a plus aucun obstacle devant moi et je déguste à la fois ma salade et ce magnifique spectacle. Assis sur une grosse pierre plate bien chaude et adossé à une autre, j'ai trouvé, dans de ce fauteuil improvisé mais un peu dur il est vrai, une terrasse peu confortable pour mes fesses mais idéale pour mes yeux.

    D'ici, je jouis d'un panorama exceptionnel sur le Bassin de la Parcigoule mais aussi sur une immense partie de ce Haut-Vallespir que je suis venu découvrir. C'est d'ailleurs en mangeant dans ce gros pierrier que j'ai imaginé le titre de mon voyage et de ce récit : " Sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

    Après trois jours de marche, et à cet instant précis, il me semblait qu'aucun autre endroit traversé ne méritait plus ce terme de " âpre " que cet immense magma rocheux. Dans cet éboulis, les aspérités ne manquent pas et l'âpreté, je la touche à chaque instant. Le déroulement imminent de ce Tour du Vallespir me montra malheureusement et très vite que je n'avais pas encore tout connu de cette légendaire âpreté. Quand je repars, la sente, où du moins ce que j'en devine grâce à un balisage abondant et précis, se complique sacrément en étant toujours très rocheuse mais en devenant encore plus abrupte. Pour éviter toute chute, je m'applique à poser mes pieds sur des pierres stables et quand les marches sont trop hautes à descendre, je m'aide autant de mes mains que de mes pieds.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.o

    J'en ai fini avec la longue descente le long du flanc pierreux du Puig dels Sarraïs. Au col de Coumeille, une étrange croix gravée dans la pierre et le pic de Granarols que le chemin contourne au milieu d'une jolie pelouse jonchée de carlines blanches pour se diriger vers un autre puig , celui des Lloses. Ce puig, je vais m'en souvenir très longtemps !

    Après un premier petit col herbeux, la Collade d'En Mandoulé sur la carte, la descente abrupte continue mais la sente moins rocailleuse mais plus terreuse devient plus facile jusqu'au Col de Coumeille (1.566m). Ce collet, petite prairie vert clair, encadrée par le Puig dels Sarraïs et le Pic de Granarols (1.690m) je l'ai entrevu dès le début de la descente du col de Serre-Vernet et depuis je languis de l'atteindre tant mon appréhension d'une mauvaise chute dans ce champ de pierres est ancrée dans ma tête. Aussi, je suis si soulagé en l'atteignant que la première chose est de déposer mon sac à dos et de m'allonger les bras en croix sur ce vert herbage. Mais, à cet endroit, je ne suis pas le seul à avoir fait une croix, un autre chemineau a cru utile d'en graver une dans la pierre, moins éphémère que la mienne. Au regard de son usure générale, des vieilles mousses et de l'érosion de petits conglomérats dans son cadre, cette croix me paraît très ancienne. Depuis quand était-elle là ? Je ne suis pas un spécialiste ni de l'archéologie ni de la géologie mais pour l'avoir lu, je sais que le Vallespir a été occupé bien avant le néolithique, époque où l'homme a vraiment commencé à maîtriser le polissage et la sculpture de la pierre. Alors cette croix, est-ce vraiment une croix ancienne ou une cupule comme celles que les hommes préhistoriques ont laissés gravés un peu partout dans le département ? Quelle âge a-t-elle cette gravure ? 5000 ans, 8000 ans, 10000 ans ? Est-elle plus récente et liée au christianisme ? Ou bien a-t-elle été sculpté par un preux et inventif chevalier en partance pour une croisade ? Comme toujours en pareil cas, j'en prends une photo avec l'idée de l'exposer dans mon futur récit à la fois pour l'agrémenter mais aussi avec le secret espoir que cette photo pourra être vue par de vrais spécialistes qui pourront ainsi et sans doute répondre à nombre de mes interrogations.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    L'étrange croix photographiée au col de Coumeille. Je suis preneur, si quelqu'un a des réponses aux questions que je me pose au sujet de cette croix ?

    Au col de Coumeille, le chemin contourne le Pic de Granarols pour arriver au Puig des Lloses (1.413m). Ici, le sentier tout en pente douce et très praticable est un réel plaisir. Atteindre ce nouvel objectif n'est cette fois qu'une simple formalité. Il est 14 heures tapantes quand j'arrive au Puig des Lloses. Les panneaux directionnels y sont au nombre de trois : " 1- Le Tour du Vallespir vers Saint-Guillem, à savoir l'itinéraire que je viens de parcourir, 2-Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles, col situé à 30 minutes et bien sûr, 3 Prats-de-Mollo par le GRP Tour du Vallespir que je dois suivre pour respecter le tracé de mon GPS et celui de topo-guide de Georges Véron. Le Puig des Lloses ressemble plutôt à un petit collet avec un replat d'où l'on a une vue plongeante sur Prats-de-Mollo. Ici, je retrouve une flore que j'avais perdue de vue depuis le col de Formentere, faite de sorbiers des oiseleurs, de maigres genêts, de rachitiques genévriers et toujours ces bas massifs de bruyères roses que je côtoie depuis mon départ. Mais une chose me surprend sans trop m'inquiéter sur l'instant, ce sont ces petits amoncellements de branchages cassés dont on voit très bien qu'ils ont été laissés là en l'état depuis la tempête Klaus. Quand à Prats-de-Mollo, d'ici, la cité n'est visible que parce qu'une multitude de grands sapins ont été étêtés ou fracassés sur un vaste périmètre. Mais quand je poursuis la sente du Tour du Vallespir en direction du Col du Miracle, je ne suis pas vraiment inquiet. Il y a bien, dés le départ, un pin en travers du sentier mais je l'enjambe très facilement. 50 mètres plus loin, il y en a deux autres mais ceux-là je ne peux pas les enjamber et suis obligé de les contourner, assez facilement il est vrai. Puis, les pins et les sapins renversés en travers se succèdent. J'enjambe, contourne, passe parfois en dessous et quand je ne peux pas, par dessus. Je commence vraiment à galérer et mes membres sont déjà bien égratignés. Mais en y prêtant attention, je remarque que je ne suis pas le seul à être passer par là. Je vois parfaitement que les bas-côtés du sentier ont été piétinés car la terre est meuble aux endroits où un contournement était la seule alternative. Randonneurs, chasseurs, animaux ? Puis, d'un coup plus rien, plus d'arbres couchés sur plusieurs centaines de mètres. J'arrive au ravin du Pas des Vaques qui n'est ici qu'un petit ru où coule un mince filet d'eau sur un fond boueux. Avec un mouchoir en papier que je mouille au préalable, j'éponge toutes mes égratignures. Je traverse le ruisseau sans problème et poursuis mon chemin dans un sombre sous-bois, ce qui me convient très bien, car ça signifie que tous les arbres sont encore debout. Mais ça ne dure malheureusement pas et là, un peu plus loin, ça se complique car il n'y a pas de réel passage, et en tous cas aucune trace d'un franchissement antérieur. Quand je le peux, j'enjambe, mais quand les troncs sont trop hauts, je tente de passer dessous, mais parfois en vain car le problème avec les sapins, c'est qu'ils sont parfois partiellement déracinés et ont encore toutes leurs épaisses ramures. Et quand ils n'ont plus leurs ramilles, c'est encore pire car leurs branches sèches sont autant de poignards qu'il me faut éviter. Alors, je contourne, je descends, je monte tout en essayant de ne pas trop m'éloigner du chemin. Souvent, je suis contraint d'ôter mon sac à dos, qui, dans ce dédale, est un terrible handicap. Ouf ! J'ai réussi à franchir ce nouvel obstacle mais voilà que 150 mètres plus loin, il en apparaît une autre, aussi difficile que le précédent sinon plus.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Au Puig des Lloses, les panonceaux sont nombreux et j'aperçois Prats-de-Mollo tout en bas, pourtant je vais me fourvoyer pendant plus de quatre heures dans cette forêt du Miracle ravagée par la terrible tempête Klaus. En vain. De cette forêt, je vais en ressortir meurtri, égratigné, ensanglanté et surtout brûlé des épaules aux chevilles pour être tombé dans de hautes orties ! De surcroît, je vais perdre mon appareil-photo, ce qui va m'obliger à retourner dans ce fatras pour le retrouver. 

    Je suis fatigué et sanguinolent mais dans ma tête, je me dis que si j'en ai passé un, je peux en franchir d'autres. Je me dis aussi que les forestiers du coin doivent bien être conscients que le Tour du Vallespir est barré par tous ces arbres abattus et je suppose qu'ils ont commencé à déboiser en partant de Prats-de-Mollo et en remontant le sentier. Ce n'est pas possible, ce traquenard va bien finir par s'arrêter ! Je passe plus facilement ce nouveau barrage et arrive à un endroit où le sentier fait un angle droit près d'un piton rocheux en surplomb de Prats-de-Mollo. Ici, je prends conscience des dégâts considérables que la tempête Klaus a provoqué dans ce secteur mais j'arrive néanmoins à parcourir encore 500 mètres sans trop de difficultés avant de tomber sur une autre empreinte d'une forêt complètement ravagée. J'enjambe, je contourne, remonte et redescend sans trop me préoccuper du chemin qui a définitivement disparu dans cet amas incommensurable d'arbres brisés, de troncs fracassés, de branches amoncelées et de branchages empilés. Dans ma tête, j'espère surtout que ce nouveau sillon dévasté ne sera pas trop large et qu'une nouvelle fois, je pourrai le franchir. Par moment, j'arrive dans des impasses. Il m'est impossible de contourner, de passer dessous et malgré la hauteur où se trouvent les troncs, souvent à plus d'un mètre du sol, la seule solution reste de les enjamber. Je n'en suis pas à ma première enjambée mais cette fois, le tronc est-il un peu plus haut où est-ce la fatigue, toujours est-il, que droit sur le rondin, je me sens partir en arrière entraîné par le poids de mon sac. Un coup de reins pour me rétablir, mais ce coup de reins est bien trop puissant et voilà que je pars en avant ! J'ai beau mouliner l'espace avec mes bras pour tenter de tenir en équilibre mais c'est trop tard, mes mains ne rencontrent que le vide et en tous cas, rien où s'accrocher. Je pars en avant, je vais tomber et me rompre le cou dans ce monstrueux chaos, mais une dernière inspiration me donne l'intuition et le sursaut que plutôt que de tomber n'importe où et n'importe comment, il faut mieux que je me jette à un endroit choisi. Voilà, j'ai réussi, si je puis dire ! Je me retrouve planté au milieu d'un gros massif de ronces et de hautes orties. Mon genou gauche a malgré tout cogné fortement une grosse branche et je saigne abondamment. Mais ce n'est pas ça le plus douloureux, mais toutes ces petites brûlures d'orties qui, peu à peu, en partant des chevilles, semblent monter tout le long de mon corps, enflammant surtout mes jambes mais également mes bras. J'ai l'impression de flamber debout et malgré la douleur, je reste planté là au milieu de cette désolation, de ce néant. Je suis tout à coup comme tétanisé par l'angoisse. Mais je perçois que cette angoisse est arrivée de manière soudaine car jusqu'à présent, j'étais trop occupé à m'en sortir. Une fraction de quelques secondes, il me vient à l'esprit de sortir mon portable et d'appeler des secours. Mais en me retournant, et malgré cette complète désolation, je constate que ce n'est pas le néant absolu : à vol d'oiseau, je ne suis pas très loin d'une piste blanche et sableuse que je distingue en contrebas à quatre ou cinq cent mètres. Je discerne des voitures qui y circulent et aussi un mas. Et même si à cet instant précis, je voudrais être un oiseau, je n'en suis pas un ! Je me suis foutu tout seul dans cette " mouise " et il faut que j'en sorte tout seul aussi ! Mais faire cinq cent mètres dans cette dévastation, je sais à l'avance que c'est une impossible gageure.

    La faute à Klaus Schümann

     

    Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

    Je suis tombé par terre c'est la faute à Voltaire.

    Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau.

     

    Il y a 220 secondes exactement, j'ai hurlé :

    Je suis tombé sur un os, c'est bien la faute à Klaus.

    Le nez dans les gentianes, c'est la faute à Schümann.

     

    Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

    Je ne suis pas notaire, c'est la faute à Voltaire.

    Je suis petit oiseau, c'est la faute à Rousseau.

     

    Il y a 220 secondes, j'ai crié :

    J'ai chuté sur les lloses, c'est bien la faute à Klaus

    J'ai brisé mes organes, c'est la faute à Schümann

     

    Je voudrais faire un saut et atterrir à Prats-de-Mollo,

    Je ne suis pas petit oiseau, c'est la faute à mon père !

    Alors il me faut être costaud et que j'ai un sursaut !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Le 24 janvier 2009, la tempête Klaus a provoqué de considérables dégâts dans le Haut-Vallespir. En août, les plaies sont loin d'être toutes cicatrisées.

    C'est donc décidé, je vais rebrousser chemin jusqu'au Puig des Lloses et descendre à Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles. La première chose à faire, c'est retrouver le sentier mais où peut-il bien être dans ce " labyrinthe " végétal trop urticant à mon goût. Seul mon GPS peut me le dire et il faut d'abord que je sorte de ce roncier qui m'enveloppe comme une toile d'araignée. D'ailleurs des araignées, il y en a pas mal ici et comme elles n'apprécient pas trop mon intrusion dans leur domaine réservé, elles me piquent elles aussi. Mais bon, je n'en suis plus à une piqûre près ! Seule solution, sortir par là où je suis arrivé, c'est-à-dire par le haut. Cette fois, j'ôte mon sac à dos, dont je vérifie au préalable toutes les fermetures et je l'envoie valdinguer par-dessus le tronc dont je viens de choir. Je me hisse sur le tronc et me mets carrément à cheval sur lui. Un point GPS me situe à une cinquantaine de mètres du chemin qui est vers le nord et pour moi vers le haut. Je récupère mon sac et poursuit ainsi mes divagations. Je jette mon sac, me hisse à nouveau, le récupère et ainsi de suite. Parfois, je jette mon sac un peu plus loin car j'arrive à jouer les équilibristes sur plusieurs troncs couchés de concert et ma progression s'accélère. Je vais mettre un gros quart d'heures pour retrouver le sentier et encore plus d'une heure pour rejoindre le Puig des Lloses. Quand je regarde ma montre, j'ai du mal à le croire : il est déjà 17 heures et voilà trois heures que je me fourvoie dans cette forêt du Miracle, la mal nommée. Il faut absolument que j'appelle l'hôtelier pour le prévenir que j'aurai du retard. De ce côté-là au moins je serais tranquille et quand je l'ai au bout du fil, effectivement il me rassure. J'ai réservé, j'ai payé et la chambre à l'hôtel Ausseil m'est complètement allouée quoi qu'il m'arrive. Mais s'il savait ce brave homme ce qu'il vient de m'arriver ! Mais n'en parlons plus, j'en suis sorti, même si c'est fourbu, écorché, entaillé, égratigné, brûlé et ensanglanté de la tête aux chevilles. Maintenant, le sentier qui descend vers le Col de Cavanelles au milieu des genêts et des hautes fougères est plutôt agréable et les panoramas sont suffisamment beaux pour que je me remette à prendre des photos. Mais où est mon appareil ? Il n'est pas dans une de mes poches et je ne me souviens pas l'avoir rangé dans mon sac ! Non, il était dans sa housse accrochée à ma ceinture et à ma ceinture, je n'ai plus rien désormais ! Le bouton-pression a dû s'ouvrir et je l'ai perdu ! Je suis désespéré car perdre mon appareil photo c'est comme si j'avais perdu la mémoire de ces trois premiers jours depuis Amélie-les-Bains. Pour moi, c'est inimaginable et il faut que je le retrouve. Sans trop réfléchir, je sors ma dernière gourde d'eau de mon sac à dos et je jette ce dernier dans les hauts genêts en m'assurant qu'on ne le voit pas depuis le chemin. Deux petites branches en forme de croix que je place au bord du sentier pour retrouver cet endroit et me voilà entrain de remonter le sentier, presque en courant, vers cet " enfer vert " où j'ai sans aucun doute perdu mon appareil. Où se trouvera-t-il ? Loin, près ? L'ai-je perdu quand je suis tombé de ce tronc plus haut que les autres ? S'est-il décroché dans le roncier ? Ou bien sous un tronc que j'ai franchi comme un tunnel ? Voilà les questions et bien d'autres qui grouillent dans ma tête alors que je me jette dans cette " impossible " quête. Vu l'heure et le temps que j'ai mis la première fois, il faut à la fois que je fasse vite mais sans pour autant négliger mes recherches. Ce serait idiot de passer à côté sans voir l'appareil par précipitation. L'absence du sac à dos m'aide considérablement mais au fond de moi, je sais que selon l'endroit où la housse est tombée de ma ceinture, c'est comme rechercher une minuscule aiguille dans une énorme botte de foin. Sans le sac mais avec une gourde à la main, je passe néanmoins tous les petits obstacles plus aisément, je traverse le ru du Pas des Vaques, je franchis le premier couloir de sapins anéantis avant que le sentier fasse un angle droit. Rien ! Il me reste encore un barrage à franchir avant ce virage et comme pour le précèdent, j'essaie de me souvenir par où je suis passé à l'aller mais aussi au retour. Et là, au moment où je me baisse pour passer sous les branches encore vertes d'un immense sapin déraciné, le miracle survient ! La petite housse avec mon numérique à l'intérieur est là au milieu du sentier sous la verte ramure. Ouf ! Ouf ! Ouf ! Je respire à pleins poumons. Quel soulagement. Je vérifie mon appareil que j'enfonce au plus profond de la poche de mon short et par sécurité supplémentaire, je referme celle-ci avec le Velcro consacré. Une fois encore, il ne me reste plus qu'à rebrousser chemin. Ce ne sera que la quatrième fois que j'emprunte cet itinéraire et si ça continue, je vais finir par en connaître le moindre recoin par coeur ! D'ailleurs, c'est le cas, car dans ma précipitation et alors que je me suis arrêté pour boire un coup, j'ai posé machinalement mon bob sur un rocher et je l'ai oublié. Mais je ne suis pas inquiet car je sais parfaitement où il se trouve.

    Il est 18 heures quand je passe une nouvelle fois devant la panonceau " Puig des Lloses - 1.413 m - PR6B - Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles - 30 mn ".

    A cet instant précis, je ne sais pas pourquoi, il me vient une abominable anxiété : Et si ce chemin, lui aussi, était impraticable, barré par une forêt saccagée ? Après tout, il n'y a pas d'autre chemin et le peu que j'en ai parcouru avant de retourner chercher mon appareil photo ne me laisse aucune certitude et ne me permet pas d'être rassuré. Après tout, Prats-de-Mollo que j'aperçois en bas est au moins à trois kilomètres à vol d'oiseau et il faut au bas mot compter au minimum le double par le chemin. Tout est encore possible ! Cette terrible angoisse, elle va soudain se transformer en une grosse boule au creux de mon estomac et elle va rester là, encore blotti pendant une heure et demie. Autant, j'ai été longtemps serein cet après-midi même au plus fort de mes élucubrations, autant maintenant je prends conscience que je peux ne pas arriver au bout de cette étape, en tous cas aujourd'hui. Mais je sais aussi que je n'ai pas le choix dans la direction à prendre et je continue. Je récupère mon sac. Les photos que j'avais voulu prendre tout à l'heure, je les prends maintenant. Mais j'avoue que je n'ai plus le cœur à ça ! J'ai toujours cette appréhension et ces questions qui fourmillent dans ma tête et je ne pense plus qu'à une chose : descendre, descendre, et descendre encore au plus vite vers Prats-de-Mollo. Comme prévu et sans problème, j'arrive au bout de 30 minutes à ce que je crois être le col de Cavanelles. A gauche, un grand champ en pente avec un large chemin qui le contourne, un autre chemin qui part droit devant moi et un autre qui part complètement à gauche. Je n'ai plus de tracé sur mon GPS et je ne vois plus le balisage jaune que j'ai entr'aperçu dans la descente. Je suis contraint de stopper pour regarder ma carte IGN. J'en profite pour manger et absorber un peu d'énergisant car je suis exténué. Le chemin qui part droit devant moi n'existe pas sur la carte. Ça m'étonne mais je l'oublie. Celui qui part à droite se termine dans un cul de sac. Je l'oublie aussi. Reste celui qui part à gauche et qui semble être le bon à la lecture de la carte. Je redémarre, c'est bon, j'aperçois un coup de peinture jaune sur le piquet d'une clôture. Je contourne ce lopin de terre que je voyais d'en haut. Le chemin continue de tourner, puis à mon étonnement, il se remet à nouveau à monter. Je suis éreinté et je n'en crois pas yeux quand je retrouve le petit pin sous lequel je viens de manger, il y a un instant. Je n'ai fait que tourner en rond autour de cette parcelle en friches. Mon téléphone sonne. C'est Dany. Elle demande de mes nouvelles. Je ne peux que lui dire bof ! Mais elle veut en savoir plus. Alors sans trop l'inquiéter, je lui raconte très brièvement mes mésaventures et lui explique que je ne suis plus sur le Tour du Vallespir, que je galère pour descendre sur Prats-de-Mollo et qu'il est primordial que je regarde très attentivement ma carte IGN. Je coupe en lui promettant de la rappeler dès que j'arrive à l'hôtel. Je redéploie ma carte et essaie de me situer par rapport au paysage que j'ai en face de moi. Je comprends que je ne suis pas au Col de Cavanelles mais près d'un endroit qui sur la carte s'appelle " La Segnora ". Il y a légèrement sur ma gauche le Puig Fabre (1.147 m), petit monticule débonnaire qui me rappelle étrangement ces petits volcans arrondis que l'on rencontre en Auvergne dans la chaîne des Puys.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.OSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.OSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Avec une chance inouie, j'ai retrouvé mon appareil-photo, le plus gros de ma galère est terminé, mais je descends très anxieux vers Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles car je ne suis pas certain du chemin. Finalement, de ce col, j'aperçois le bourg et un chemin désormais très praticable y descend. Ma grosse boule au creux de l'estomac disparaît.

    C'est par là qu'il me faut aller, car le chemin passe au pied de ce Puig, et là je comprends qu'en bas du champ en friches, il me faut partir complètement à gauche par une piste qui est parfaitement indiquée sur la carte. Je redescends, contourne à nouveau le petit lopin de terre jusqu'à un portail que je n'avais pas aperçu la première fois. Il y a bien une trace jaune sur ce portail et une piste qui démarre derrière. Je l'emprunte. Un peu plus loin, il y a un raccourci toujours balisé en jaune qui part à droite dans de hauts genêts, mais je le néglige car même si mon itinéraire est plus long, la piste me semble très empruntée par des véhicules, car il y a de nombreuses empreintes de pneus sur le sable. Et surtout, je sais que cette piste va me mener là où je veux. J'ai trop erré aujourd'hui pour prendre le moindre risque de me retrouver une nouvelle fois face à des arbres morts et couchés. Toujours cette boule à l'estomac ! La piste fait maintenant une grande boucle et descend j'en suis certain vers le Col de Cavanelles. Dans cette descente, j'ai le bonheur de tomber sur une baignoire qui sert d'abreuvoir aux animaux et de mare improvisée aux têtards. D'un gros tuyau en PVC, il y coule une eau fraîche et claire et je peux ainsi me rafraîchir et surtout nettoyer toutes ces plaies et égratignures d'où des écoulements de sang ont ruisselé mais ont séché depuis. Au fond de moi, je me dis que sans toutes ces traces d'hémoglobine sur la peau, je serais un peu plus présentable pour arriver à l'hôtel ! Mais si après ce nettoyage, j'ai retrouvé un peu de mon " prestige ", cette eau glacée a l'effet désastreux de réveiller toutes ces brûlures d'orties. Elles n'étaient pas tout à fait endormies mais elles sommeillaient et les douleurs s'étaient bien atténuées. D'ailleurs, quand je regarde mes bras et mes jambes, mais mes jambes surtout, elles sont recouvertes presque intégralement de petites boursouflures rouges. Je sais que dans ma pharmacie, je n'ai aucun médicament, aucune pommade, pour tempérer cet urticaire. Je repars et cinq minutes plus tard, j'arrive au Col de Cavanelles. Il est 19h15. Ici la piste continue mais un panonceau indique une sente qui part à droite : " Col de Cavanelles - 1.050 m- PR6- Prats-de-Mollo par le Fort Lagarde 40mn ". Je compulse à nouveau ma carte car je me méfie désormais de tous les raccourcis. Mais celui-là est bon quand je constate qu'il ne descend que dans un environnement rocheux. Je sais que c'est gagné et la boule au creux de mon estomac disparaît comme par enchantement.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.OSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.OSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.OSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.OSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Du col de Cavanelles, je distingue la Tour de Mir, une autre difficulté de ce Tour du Vallespir, le Pic de Costabonne, le Roc Colom où le Tech prend sa source et le château Lagarde que je rejoins 40 minutes plus tard. Du château, j'ai une belle vue sur la vallée du Tech, sur Prats-de-Mollo et son riche patrimoine historique. 

    Dans cette descente rocailleuse, je me remets à faire quelques photos : de Prats-de-Mollo bien sûr, la cité est encore loin mais je sais qu'elle se rapproche à chacun de mes pas, de la citadelle du Fort Lagarde construite par Vauban en surplomb de la ville et de la Tour de Mir juchée sur un piton rocheux au milieu d'une ténébreuse forêt qui me fait face. Cette tour, je la connais pour y être monter à de multiples reprises. Je la prends en photo, mais à vrai dire je ne veux pas trop la regarder car il va me falloir la gravir demain. Et pourquoi le cacher, j'appréhende déjà car la forêt constituera l'essentiel de cette étape. J'ai mis 30 minutes pour arriver au Fort Lagarde au lieu des 40 qu'annonçait le dernier panneau indicatif. Je prends des photos du fort et de la ville dont le clocher carré qui domine l'église Sainte-Juste et Sainte-Ruffine perfore le panorama. Mais ce ne sont que de simples clichés, juste des souvenirs. Il est 20 heures 15 quand j'entre dans la cité. Voilà 12 heures que je suis sur les chemins. Pour combien de kilomètres parcourus ? Je suis incapable de le dire ! Alors faut-il que je l'avoue, sur la fin, la vigueur m'a manqué pour apprécier tout ce patrimoine historique à sa juste valeur ! Cette étape qui était la plus  courte est en fin de compte devenue la plus difficile depuis mon départ. 

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    13 heures sur les chemins, quand j'entre dans Prats-de-Mollo, je suis fatigué et meurtri par cette très longue journée de marche éprouvante et mémorable. C'est au pas de course que j'ai traversé le fort Lagarde construit par Vauban. Je n'en ai pris simplement que quelques photos sans aucune conviction mais pour le simple plaisir de les inscrire dans mon souvenir et surtout pour le réel bonheur d'avoir retrouvé mon appareil photo dans la forêt du Miracle. Cette forêt porte-t-elle bien son nom ? Moi, en tout cas, je reste indécis entre la galère que j'ai vécue pendant 4 heures et le fait d'en être sorti à peu près indemne et pour terminer avec mon appareil photo dans la poche ! Un rescapé lui aussi !

    Alors, ce qui m'importe maintenant, c'est de me retrouver au plus vite à l'hôtel. Aussi quand j'arrive sur la place du Foirail, je m'empresse de demander à une dame la direction de l'hôtel Ausseil et gentiment elle m'indique du doigt une grande porte fortifiée au milieu des remparts et me précise que l'hôtel est situé juste une rue après. Je passe sous le porche, arrive sur une autre place et comme je me souviens du nom de cette place " Josep de la Trinxeria ", je sais que l'hôtel est là. Mais la place est bondée de touristes et occupée par les deux restaurants qui y ont largement installés leurs tables et leurs chaises. La place Josep de la Trinxeria est en réalité une immense terrasse pour les deux restaurants mitoyens et quand je demande l'hôtel Ausseil à un garçon de table, il me réponds simplement : vous y êtes ! Au milieu des tables et devant des clients certainement interloqués par mon " look " de randonneur anéanti, je tente en vain de m'expliquer dans un brouhaha inextricable. On ne s'entend pas ici me dit-il. Suivez-moi ! La salle intérieure du restaurant est vide et je peux enfin m'exprimer :

    - Je suis Monsieur Jullien, j'ai réservé une chambre. Montrez-la moi que je puisse au plus vite prendre une douche.

    - Oui, je crois que vous en avez besoin, me réponds-il avec un petit sourire narquois et en me tendant une clé et en rajoutant : c'est la chambre 7 au deuxième étage.

    - Puis-je manger après ? lui dis-je.

    - Oui, mais ça ne sera peut-être pas en terrasse car tout est plein me réponds-il.

    - Peu m'importe !

    Malgré les escaliers qu'il me faut encore escalader, je m'empresse de monter dans la chambre. Avant toute chose, je me déshabille et me jette sous une douche chaude. J'ai bien essayé d'abord l'eau froide mais ce fut un supplice insupportable. Je n'ai pas insisté car à nouveau les brûlures se sont réveillées de manière presque insoutenable. J'ai appelé Dany pour la rassurer et l'embrasser mais sans trop m'étendre sur tous les déboires que j'avais endurés au court de cette mémorable journée. Les hauteurs du Vallespir ont été sacrément âpres aujourd'hui. Encore plus âpres que je ne l'avais imaginé ! C'est sûr maintenant, le titre de mon aventure " Sur les hauteurs d'une vallée âpre " ne sera pas galvaudé.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Une ruelle à Prats-de-Mollo et le clocher de l'église Saintes Juste et Ruffine.

    ÂPRE EST CE VALLESPIR…… 

     

    Âpre est ce Vallespir que je veux cheminer.

    Dure est la Tour de Mir quand il faut y grimper.

    Je ne fais que grandir sur ces crêtes boisées,

    Les sources ont à jaillir pour combler les fossés.

     

    Âpre est ce Vallespir que je veux affronter.

    Dur est le déplaisir lorsque l'on veut marcher.

    Et si mes pas délirent, rien ne peut m'arrêter,

    Sauf les pins, ces martyrs que le vent a couché.

     

    Âpre est ce Vallespir, je veux le proclamer.

    Dur mon sang à tarir, je ne suis que touché.

    Et ce pourpre élixir, il ne fait que couler,

    Mon corps prêt à bondir sur les chemins dallés.

     

    Âpre est ce Vallespir que j'ai pourtant aimé.

    Dures ces lloses, ces porphyres où j'ai pourtant chuté.

    Et si ma tête chavire, je n'vais pas m'écrouler,

    Sur ces frêles sentiers, dans ces prés parfumés.

     

    Âpre est ce Vallespir où il faut s'arrêter.

    Dur est le point de mire où il faut arriver.

    Et si mon cœur soupire alors qu'il est blessé,

    Mon amour viens vers moi , toi seul peut l'apaiser.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Le lendemain matin, la Tour de Mir me nargue de ces 1.540 mètres d'altitude. Elle se trouve sur le tracé du Tour du Vallespir. Vais-je l'affronter ?

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

    Cliquez sur la forêt ravagée par la tempête Klaus pour passer à l'étape suivante


    votre commentaire
  • Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.4eme étape : Jeudi 20 août 2009.

    Prats-de-Mollo (753 m) - Notre-Dame de Coral (1.091m)

    9 kms.

    (La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

    "Un doux crépuscule d'avril descendait sur le Vallespir encore embrasé des rougeurs ardentes du couchant. C'était l'heure où le rose et l'orangé se disputent, en tons dégradés, les lisières du ciel et se fondent en cette teinte merveilleuse et indéfinissable qui incendie la crête des hautes montagnes". Extrait du roman " Domenica ou la vallée âpre ". Marie Vallespir.

     

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.SANS MIR, J'AI FAIT LE MINIMUM :

    A l'hôtel-restaurant Ausseil, on soigne les clients. Hier soir, le patron a mis tout en œuvre pour que je puisse manger en terrasse. Il est allé chercher un petit guéridon où il m'installa comme un nabab. Seul le service pouvait être critiquable car il a été un peu long mais il faut dire que les tables étaient nombreuses et les clients aussi. Pourtant, en prenant le menu du jour fait d'une escalivade, d'un pavé de morue à la catalane et d'une crème catalane, je pensais pouvoir expédier ce souper typiquement catalan pour partir me coucher tôt. Il n'en a rien été, mais je n'ai pas eu à le regretter. Cette cuisine du terroir était excellente et en plus, tout seul dans mon coin, je me suis bien marré. Il y avait juste derrière moi un groupe de huit personnes, pour moitié catalanes et, pour l'autre moitié parisiennes et le contraste étonnant de ces deux accents antinomiques avait quelque chose de sympathiquement cocasse. Les gens d'ici parlaient ce sympathique français du terroir avec des mots mâchouillés aux intonations catalanes et chez les parigots, les hommes avaient cet accent argotique du titi parisien et les femmes, cet accent pointu à vous crever un œil. Dans le brouhaha général, je ne comprenais pas tout des conversations mais ces échanges et surtout ces sons, que tout opposait, étaient un régal pour mes oreilles et pour mon moral. Aussi, quand le groupe finit par quitter le restaurant, mon intérêt de rester à table disparut avec lui. Il est 23 heures et temps d'aller dormir. Mais du sommeil, il n'y en eut point cette nuit-là. Les orties que j'avais piétinées cet après-midi se rappelaient à mon bon souvenir et les inflammations avaient redoublées d'intensité et étaient devenues insoutenables. A aucun moment, je ne réussis à dormir, à peine somnoler parfois, car dans cette bataille du sommeil et du réveil que se livrait la lassitude et les brûlures, ces dernières gagnaient sans cesse. J'ai essayé une pommade anti-inflammatoire et une à l'arnica, mais sans succès et, seules les douches d'eaux chaudes, que je prenais régulièrement, arrivaient à calmer temporairement ces douleurs.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    En jaune, c'est l'hôtel Ausseil où j'ai été parfaitement reçu. Mais les piqûres d'orties m'ont empêché de dormir. A droite, le porche de la ville fortifiée

    Cette nuit sans dormir a été un vrai calvaire, mais elle présenta l'avantage de me laisser un temps infini pour réfléchir. Mais de toutes ces réflexions, deux revenaient sans cesse et se résumaient ainsi :

    1- Pourquoi hier m'étais-je obstiné si longtemps dans ce guêpier avant de faire demi-tour ?

    2- Que faire aujourd'hui pour ne pas renouveler cette triste et périlleuse expérience, si elle vient à survenir ?

    Je répondais à la première interrogation, en reconnaissant mon entêtement à vouloir coûte que coûte cheminer le Tour du Vallespir. Mais est-ce si important de passer par ce chemin ou bien par un autre ? Et le but n'est-il pas de découvrir le Vallespir et d'arriver à l'endroit désiré ? A la première question ma réponse fut " NON " et à la deuxième ce fut " OUI ". Mais au fond de moi, je savais qu'il y avait eu autre chose aussi, quelque chose d'inconscient, comme une espèce de fascination à vouloir me mesurer à des forces et à des éléments que la nature, elle-même, avait vaincus. Après coup, j'avais le sentiment que mon entêtement à vouloir avancer dans cette forêt massacrée avait été un peu comme aller à la rencontre d'un mystère que je me devais d'élucider.

    Mais désormais, il fallait que je me penche sur l'essentiel. De la solution à la première réflexion découla la résolution de la seconde et je me mis à compulser immédiatement mes cartes. Car la solution se trouvait automatiquement là. Fallait-il que je continue l'itinéraire du Tour du Vallespir, alors que dans ce secteur de Prats-de-Mollo, nombres de chemins ravagés par la tempête Klaus étaient peut-être encore barrés et impraticables ? Pour atteindre Notre-Dame de Coral, objectif de cette quatrième étape, il y avait le GRP Tour du Vallespir avec 21 kilomètres à parcourir, une rude ascension à la Tour de Mir, que je connaissais bien, par le boisé Bassin du Canidell, puis la rectiligne et aplanie crête boisée du Pic des Miquelets (1.632 m) et pour terminer, la descente boisée du Col d'Ares (1.513 m) jusqu'à l'ermitage. Cet itinéraire qui était enregistré dans mon GPS avait un dénominateur commun : " Boisé ". Le mot qui enfante une grosse boule dans mon estomac que je n'arrive plus à expulser. Mais pour se rendre à Notre-Dame de Coral, il y avait aussi un P.R. (Promenades et randonnées) sur la carte, un itinéraire parfaitement dessiné et surligné en rouge. Je l'avais déjà remarqué en étudiant le Tour du Vallespir. Moins long de 10 à 11 kilomètres que le GRP, je l'avais jugé comme une alternative très intéressante en cas de gros pépins physiques. Or, les pépins physiques étaient là ! Alors que faire ? Ce chemin circulait lui aussi en forêt, mais il présentait l'avantage de couper et de longer de manière quasi parallèle la D.115 qui descend du poste frontière du Col d'Ares. Et je me disais que si des arbres étaient tombés, c'est bien dans ce secteur où se trouve la départementale qu'on avait du certainement les dégager en priorité.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Prats-de-Mollo a un riche patrimoine historique et culturel. Ici une jolie cour de chapelle fleurie et ornée de fresques où l'on distingue les deux saintes. Mais pas le temps de m'attarder. Dommage !

    A 5 heures du matin, quand j'éteins la lumière pour tenter de trouver une dernière fois un sommeil réparateur, j'ai pris quelques bonnes résolutions et pour ne pas en oublier, je les ai écrites dans mon petit calepin :

    a) Me rendre demain matin à l'Office du Tourisme et demander des informations sur le GRP Tour du Vallespir qui passe par la Tour de Mir et sur le P.R., l'autre chemin qui va à Notre-Dame de Coral.

    b) Si le GRP Tour du Vallespir est dans son intégralité praticable, je l'emprunterai.

    c) Si je n'ai pas d'informations suffisamment précises et fiables, j'éviterai le GRP Tour du Vallespir au profit de l'autre chemin.

    d) Si ce chemin est lui aussi impraticable, je prendrais la D.115 jusqu'au col de la Guilla puis la piste qui va à Can Moulins et enfin le sentier qui rejoint Notre-Dame de Coral.

    e) Informer les responsables de l'Office du Tourisme quant à la galère que j'ai connu hier entre le Puig des Lloses et le Col du Miracle pour que d'autres randonneurs ne tombent pas dans le même piège.

    f) Passer à la pharmacie pour acheter un calmant qui soulagera mes brûlures.

    g) Penser à passer dans une épicerie car l'hôtel Ausseil ne prépare pas de panier pique-nique.

    Dans ce combat de titans que se livrèrent toute la nuit le sommeil et l'éveil, ce dernier finit par jeter l'éponge vers 6 heures du matin et je m'endormis. Mais vers 7 heures, le bruit de quelques véhicules de livraison dans les ruelles avoisinantes arbitrèrent et mirent fin définitivement à cette bagarre dont je sortis comme le seul vaincu, terrassé et fourbu.

    Depuis mon départ d'Amélie, c'est le premier jour où je suis réellement fatigué et courbaturé. Mon genou gauche est meurtri, me fait mal et la plaie pourtant peu profonde n'est pas jolie à voir car elle suppure abondamment. La douche chaude me réveille un peu mais n'a pas sur mon organisme cet effet habituel de stimulation. La fatigue est là et si je ne fais rien, elle ne s'arrangera pas au fil de la journée. Je mets sur mon genou une compresse de mercurochrome que je scotche avec un gros bout de sparadrap. Pour calmer les douleurs et les inflammations, je prends dans ma pharmacie deux Propofan et un Cycladol que j'avalerai avec le petit déjeuner.

    La terrasse de l'hôtel Ausseil est quasi déserte et hormis un couple de touristes et la charmante serveuse qui vient me servir, il n'y a personne. Je prends seul ce copieux petit déjeuner sous l'œil prévenant et souriant de l'agréable serveuse. Cette dernière m'indique où se trouvent la pharmacie, l'Office du Tourisme et une superette. Par bonheur, tous ces commerces sont situés sur la place du Foirail, mais par contre, elle ne sait pas me dire quels sont les horaires d'ouverture. Les brûlures aux jambes étant toujours virulentes, il m'importe de me soigner dans un premier temps. Par les ruelles désertes, je pars aussitôt en direction de la Place du Foirail. Mais il n'est pas encore 8 heures et tout est fermé sauf la superette qui est ouverte, mais son unique employée est occupée à recevoir un camion de livraison. Au moment où je m'apprête à entrer, la commerçante d'un air ironique et caustique me dit en ricanant : Nous ouvrons à neuf heures ! Je repars vers les ruelles de la ville fortifiée où sans problème, je peux, grâce à une épicerie et à une boulangerie ouvertes, constituer un panier repas pour midi. Je reprends le chemin de l'hôtel, paye ma note par chèque car l'agréable serveuse m'assure que la carte bleue validée à la réservation ne sera pas encaissée et je remonte dans ma chambre. Mon sac à dos est prêt et il ne me reste plus qu'à ranger le pique-nique du midi et partir. Je sors de l'hôtel en remerciant la patronne de l'excellent accueil que j'ai eu et me dirige une nouvelle fois vers la place du Foirail. L'officine est ouverte et la pharmacienne me conseille un gel apaisant " Urticium " et ajoute un petit tube de granules homéopathiques " Urtica Urens ". Assis sur une murette, je badigeonne mes bras et mes jambes de ce gel froid et avale trois granules. Je suis agréablement surpris car les douleurs semblent s'atténuer presque immédiatement.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Sous un beau soleil, je quitte Prats-de-Mollo par un pont qui enjambe le Tech. C'est décidé, je délaisse Mir, sa tour et je fais ma première entorse volontaire à ce Tour du Vallespir. J'emprunte un PR.12 qui est en partie commun avec le fameux " Cami de la Retirada ". Il va me mener sans problème à Notre-Dame de Coral. Je traverse le torrent Canidell et tombe sur ce petit panneau qui vante les mérites de l'Ortie. Moi qui souffre le martyre et qui n'ait pas dormi de la nuit à cause de cette plante urticante, je suis sidéré d'apprendre qu'elle a des vertus anti-inflammatoires !

    La tour de Mir

    Indécis et confus, je pars dans la verdure.

    Prats se réveille alors sous un ciel éclatant.

    Le cœur encore intact d'un esprit d'aventure,

    La Tour de Mir domine le vallon flamboyant.

     

    Hésitant à grimper vers la haute muraille,

    Le maximum à faire est encore important.

    Ma tête grande ouverte tel un bel éventail.

    La Tour de Mir me nargue idem à un géant.

     

    Je balance, j'hésite, tel l'oiseau qui émigre,

    Vers un court minimum où un chemin cuisant.

    Mes jambes sont en feu mais ne sont pas de givre.

    La Tour de Mir fascine les plus agonisants.

     

    Ma décision est prise, je rejoins Notre-Dame,

    Par le libre sentier de tous les résistants,

    Mais l'esprit torturé comme une vieille femme,

    La Tour de Mir m'invite de son pic arrogant.

     

    Sombres sont les sous-bois, la paresse de mise.

    Saint-Antoine est joli et son parc reposant.

    L'horizon est bleuté, ma pensée cristallise.

    La Tour de Mir m'attire de son feu si luisant.

     

    J'escalade, je m'élève vers le col de la Guille,

    Car Notre-Dame est belle dans le soleil couchant,

    Et mon bras appuyant un bâton si futile,

    La Tour de Mir s'enfuit, avec elle mon tourment.

     

    La belle du Coral dévoile ses reliques,

    Ses trésors que l'ermite a veillés pieusement.

    Mes yeux émerveillés par ce pays de biques,

    Le feu, la Tour de Mir s'éteint finalement.

     

    L'Office du Tourisme est toujours fermé et j'ai maintenant un choix à faire : soit j'attends l'heure de l'ouverture en prenant le risque que l'employée ne puisse pas répondre à mes interrogations quant à la praticabilité des chemins soit je me décide tout de suite et opte pour le P.R pour respecter la résolution prise cette nuit.

    En raison de mon état de lassitude avancée et de l'importante différence de distance à parcourir, pratiquement deux fois moins par le P.R., j'opte presque sans réfléchir pour cette solution qui me semble, aujourd'hui, la plus raisonnable. Il y a quelques années, une célèbre publicité annonçait " Mini Mir, il en fait un maximum " mais moi, c'est décidé " je ne vais pas prendre Mir (la tour) et je vais en faire un minimum (de kilomètres) ". Le jeu de mots est un peu lourdaud mais il a le mérite d'être un peu distrayant et de me venir à l'esprit à cet instant où je démarre cette nouvelle journée de marche avec une certaine appréhension.

    Je traverse la place du Foirail et me dirige vers le pont qui traverse le Tech. Ici, il n'y a pas de colombes comme à Amélie mais un cadre de verdure exceptionnel et je retrouve le fleuve pour la deuxième fois depuis mon départ. Pas encore alimenté par ses nombreux affluents, il n'est ici qu'un petit torrent de montagne tranquille au débit relativement modeste en été. Mais cette discrétion du fleuve est très relative au regard de la documentation que j'ai pu lire sur l'Aiguat de 1940. Au carrefour adjacent, je trouve quelques panneaux de randonnées dont celui qui monte à la Tour de Mir. Je traverse la D.115 et cette fois, je suis devant le bon panneau avec un P.R.1, un P.R.3, un P.R.19 et surtout celui que je recherche, le P.R.12 indiquant " Notre Dame du Coral - La Coulometa ". Le balisage est blanc et rouge comme les G.R. Il y a dessous celui-ci, un autre panonceau dont l'itinéraire est vraiment chargé d'Histoire c'est le " Cami de la Retidara ", insolite chemin de l'exil que plus de 100.000 réfugiés espagnols empruntèrent en janvier 1939 pour fuir le régime tyrannique du général Franco. Cet exode massif eut une portée considérable sur la petite cité de Prats-de-Mollo et la région du Vallespir tout entière car il fut très difficile d'accueillir correctement toutes ces familles dans cet hiver très rigoureux qui était déjà là. Après la guerre, un grand nombre de famille s'installèrent dans le Vallespir. Ils eurent des enfants, qui ont grandi et sont devenus français. 70 ans ont passés et aujourd'hui c'est par bonheur que je vais emprunter une portion de ce " chemin du malheur " qui monte au Col d'Ares. J'enjambe le pont qui traverse le torrent du Canidell. Au bout du pont, un petit panneau éducatif sur l'ortie a été installé. Il décrit la plante, ses utilisations et vante ses bienfaits. Et là, chose surprenante, moi dont le lit était un véritable bûcher et qui ai " flambé " toute la nuit à cause de cette maudite plante, j'apprends qu'elle a des qualités d'anti-inflammatoire et qu'on peut même en faire des soupes. Non, je me suis endormi et je rêve, je ne suis pas devant ce panneau, je suis encore dans mon lit à l'hôtel Ausseil. Pincez-moi car je ne peux pas croire ça ! Je repars, la sente monte rudement dans un bois de feuillus où dominent les frênes et les grands châtaigniers. Je marche le plus souvent sous une sombre canopée mais parfois, j'arrive, au détour du chemin ou au travers des branches, à apercevoir Prats, juste en dessous qui s'éloigne, ou bien la Tour de Mir sur ma gauche, petite tétine brune dépassant d'un dodu mamelon verdâtre.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Le PR.12 grimpe dans la forêt. Malgré tout, j'aperçois de temps à autre la Tour de Mir ou les lieux où j'ai cheminé hier. Puis il coupe la D.115 et arrive à la ferme des Casals. Quand il devient un agréable sentier tout en sous-bois, je vais flâner comme jamais je ne l'ai fait depuis mon départ, récupérant ainsi de mon exténuante étape d'hier. 

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Ce chemin tout en sous-bois où je vais paresser, m'amène au col de la Guilla puis sur une piste qui descend vers Can Moulins. Je quitte cette piste par une étroite sente balisée avec des lettres en vieil anglais qui m'entraîne dans le ravin de Coral entre prés fleuris et bois où virevoltent de beaux papillons. Au loin, j'aperçois mon objectif du jour : la chapelle Notre-Dame de Coral.

    Je m'arrête souvent pour calmer ma respiration qui a tendance à s'emballer. Si les anti-inflammatoires ont eu pour effet de calmer mes contractures musculaires, je reste néanmoins marqué par ma terrible journée d'hier et ma nuit agitée. Et je me réjouis d'avoir pris ce chemin déjà suffisamment difficile compte tenu de ma fatigue. Après maints zigzags, j'atteins Saint-Antoine, petit ermitage avec une fontaine et une aire de pique-nique. Je profite de ce lieu calme pour souffler un peu et manger le pain au chocolat que j'ai acheté ce matin. Je repars. Le balisage est formidablement distinct. Je traverse la D.115 pour entrer dans un autre bois où le chemin s'est élargi. Ici la forêt ne semble pas avoir souffert du déchaînement de Klaus. La forêt se termine et le chemin débouche dans un immense pré lumineux où tout à coup les beaux panoramas se dévoilent vers le nord. Le chemin traverse le pré et pénètre dans la grande ferme des Casals. Il est 10h30. Je passe au milieu de la ferme que je quitte par une piste terreuse qui continue vers la D.115. Très vite, je délaisse cette piste au profit d'une autre qui aboutit à un portail. Le balisage du P.R.12 est bien là. Je pousse le portail que je prends soin de refermer derrière moi. C'est un large chemin herbeux tout en sous-bois de petits noisetiers qui démarre ici et longe parallèlement la D.115. Après les rudes montées que j'ai eues jusqu'ici, j'apprécie à sa juste valeur ce sentier fleuri au doux dénivelé. Il est si agréable à cheminer et il fait si beau aujourd'hui, que je flâne, m'arrête, repars, m'arrête à nouveau pour observer une fleur, un oiseau ou un papillon. Tout devient prétexte à un rythme de marche nonchalant et placide. Je vais même jusqu'à m'arrêter plusieurs fois pour déjeuner. Un coup c'est un morceau de quiche acheté à la boulangerie ce matin, une autre fois une salade que je trimballe depuis le départ, une autre fois, un morceau de pizza, un gâteau de riz ou bien une orange. C'est simple, quand je retrouve la D.115 au col de la Guilla (1.194 m), je me suis arrêté trois fois, j'ai mangé tout mon déjeuner, il n'est pas encore midi et j'ai mis plus d'une heure depuis la ferme des Casals pour parcourir deux kilomètres. C'est dire la lenteur avec laquelle j'ai marché, mais cette lenteur est aujourd'hui en parfait synchronisme avec mon état de paresse. Un petit panonceau en direction de Notre-Dame du Coral est planté là au bord de la D.115. Il m'expédie de l'autre côté de la route où un grand portail s'ouvre sur une large piste qui descend vers Can Moulins. Les décors changent, ce n'est plus tout à fait la même végétation. Ici, les grands châtaigniers, les frênes et les hêtres ont quasiment disparus au profit des pins, des chênes verts et des chênes lièges. Sous un soleil de plomb et sur cette large piste terreuse qui descend allègrement, je retrouve machinalement mon rythme de marche régulier et habituel. Seul un abreuvoir dans lequel s'écoule une source arrête mon élan. J'y trempe mon bob déjà bien mouillé de sueur que j'enfonce tout dégoulinant sur ma tête. Frais comme un gardon, je repars sous ce cagnard brûlant mais juste avant Can Moulins, je suis à nouveau arrêté dans ma course par un petit panonceau aux lettres écrites en vieil anglais " N + D + du Coral ". De cet endroit, on aperçoit d'ailleurs les toits de l'ermitage. Au sein d'une dense forêt, la chapelle n'est plus qu'à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau. Une étroite sente raide descend dans une ravine, se stabilise et passe sous les maisons du hameau isolé de Can Moulins. Puis il descend à nouveau dans le bois d'un autre vallon où coule le Coral. Lors de l'analyse du parcours, j'avais prévu de m'y baigner en cas de fortes chaleurs. Mais si les fortes chaleurs sont là, le ruisseau, lui, n'est qu'un petit filet d'eau où il est très difficile de s'y mouiller ne serait-ce que les pieds.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Après avoir traîné comme jamais, je finis par arriver très tôt à Notre-Dame de Coral. Comme à Saint-Guillem, la jolie chapelle est un lieu de pèlerinage et d'ermitage depuis des siècles mais ici elle fait aussi hôtellerie et restaurant. Je suis accueilli par deux énormes Saint-Bernard très gentils mais un peu trop baveux à mon goût. Un panonceau m'indique Lamanère, direction que j'aurais à prendre demain.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms. 

    Après une sieste bienfaitrice dans ma chambre, balades, visite et photos du site sont au programme. Son calme et son cadre de verdure unique se prête bien à ces activités. D'ici, j'aperçois tout au loin les Tours de Cabrens que je dois approcher demain. Je vais garder de Notre-Dame de Coral un souvenir impérissable et l'envie constante d'y amener un jour toute ma famille. 

    Toujours dans les bois, le chemin remonte en zigzaguant jusqu'à l'intersection de deux chemins. Je connais bien cette jonction pour être venu à diverses reprises à Notre-Dame du Coral : il y a le chemin qui descend vers Lamanère et qu'il me faudra prendre demain et celui qui monte en direction de l'ermitage. Il est 13h15 quand j'aperçois les bâtiments et la chapelle. Je suis accueilli aux sons des grognements de deux énormes " Saint-Bernard " qui sont affalés de tout leur long sur le carrelage, certainement frais, du narthex de la chapelle. Ils doivent avoir si chaud qu'ils ne bronchent pas, mais néanmoins, ils m'observent du coin de l'oeil comme pour me dire " ne bouge plus, on te surveille ". Mais, je les connais pour les avoir rencontrés, il y a quelques mois, lors d'une randonnée. Ils sont plus impressionnants que réellement menaçants. Un jeune homme arrive d'un espace privé qui me semble être la cuisine. Je me présente, et il est parfaitement au courant de ma réservation en demi-pension pour une nuit. Force est de constater qu'ici ça fonctionne mieux qu'au Refuge de Batère. Pendant que le jeune homme me parle, les deux molosses se sont levés et sont venus me renifler les mains. Non, renifler n'est pas vraiment le mot. De leurs bajoues humides, ils m'enduisent les mains d'une bave gluante et quand je veux les repousser pour arrêter ce badigeonnage visqueux, le jeune homme me dit : " ils ont peur de votre bâton de marche " ! Je plie mon bâton télescopique et suit le jeune homme qui se dirige à l'étage pour me montrer ma chambre. Ce n'est pas vraiment une chambre mais plutôt un petit dortoir avec trois lits gigognes mais où, en principe, je devrais être seul car peu de randonneurs sont attendus aujourd'hui. Avant de retourner à ses occupations, le jeune homme me demande si je souhaite une boisson fraîche et quand je lui réponds une bière, il m'annonce avec jubilation, et comme si c'était une prouesse, qu'il a même une excellente bière pression. Je ne sais pas si chez lui, cet accueil courtois est habituel mais avec mon tee-shirt détrempé et mon bob avachi, il en a certainement conclu que j'avais dû avoir très chaud toute la matinée et que je devais avoir très soif. Gagné ! Je dépose mes affaires, retourne chercher ma bière et remonte avec dans le dortoir. Maintenant, je n'aspire qu'à une seule chose : " dormir ! ". Je me délecte de cette bière glacée, sors mes effets de toilettes, me déshabille et me précipite en slip sous la première douche venue qui se trouve au fond du couloir. Quand je reviens dans la chambre, et bien que les brûlures se soient formidablement estompées, je m'enduis les bras et les jambes d'Urticium et mets sous ma langue 5 granules d'Urtica Urens que je laisse fondre. Je finis ma bière et me jette sous une couverture et en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, je me vois m'endormir comme un bébé rassasié. Il est 16h30 quand je me réveille au doux bruit d'un aspirateur qui ronfle. Celui-ci arrive de l'extérieur et entre par la fenêtre que j'ai laissée grande ouverte. Quand je m'y penche c'est pour constater que la gérante et sa fille sont entrain de nettoyer leur voiture. M'apercevant à la fenêtre, elle semble confuse de m'avoir réveillé mais je la rassure car en réalité, il n'en est rien, je me suis éveillé tout seul après tout de même plus de deux heures d'un sommeil profond et réparateur. Je pars faire quelques photos de Notre-Dame du Coral qui est vraiment un site magique dans un cadre de verdure remarquable. D'ici, j'arrive à voir et à photographier les fameuses " Tours de Cabrens ", au pied desquelles, j'ai prévu de passer demain.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Quelques images de ma soirée à Notre-Dame de Coral : la jolie chapelle avec ma chambre dont la première fenêtre est ouverte. Devant la fenêtre de ma chambre où, le soir, je vais assister impuissant à la mise à mort d'un pauvre mulot ballotté par trois horribles matous. La marmotte empaillée de l'excellent restaurant " La Bergerie " qui de ses yeux fixes me regarde manger et enfin le beau coucher de soleil vers le Mont Falgas. Ce soir-là, plusieurs randonneurs m'indiquent l'impossibilité qu'ils ont eu de se rendre à la Tour de Mir à cause des arbres couchés par la tempête Klaus et cela me conforte dans la décision d'avoir préféré le PR.12 plutôt que l'itinéraire du Tour du Vallespir. Cela effacera en partie cette entorse non prévue. 

    Assis devant l'entrée de la chapelle, je fais la connaissance d'une randonneuse. Elle marche avec deux amis et font des randonnées en étoiles depuis l'ermitage. Elle vient d'arriver du secteur de la Tour de Mir où ils sont allés randonner aujourd'hui. Au fil de la discussion, elle finit par m'apprendre que, par là-bas, beaucoup d'arbres gisent encore à terre au milieu des pistes et des chemins. Ils ont pas mal galéré et n'ont pas pu respecter la boucle qu'ils avaient initialement envisagée de faire. Puis au moment de faire demi-tour, ils ont éprouvé beaucoup de difficultés pour revenir à l'ermitage depuis la Tour de Mir par un autre chemin. Cette information que je n'ai pas spécialement recherchée arrive à mes oreilles comme un pur soulagement. En effet, après cette difficile journée d'hier et malgré mon désir de faire preuve de prudence, j'avoue que faire le Tour du Vallespir et ne pas respecter son parcours originel me chagrine pas mal. Mais avec cette information, plus aucun regret, j'ai la certitude maintenant d'avoir pris ce matin la bonne décision en choisissant le P.R.12 ! La jeune femme part rejoindre ses amis dans le dortoir. Une petite chatte noire vient se faire câliner, elle ressemble à s'y méprendre à ma petite Milie, mais quand un des deux Saint-Bernard aperçoit ce manège, il est jaloux et veut lui aussi sa part de caresses. Je veux bien le cajoler mais lui ne conçoit pas de recevoir de la tendresse sans en rendre à son tour à grands coups de langue. Et voilà qu'en moins de trois heures, il se met à me passer une deuxième couche de salive collante sur les mains. J'adore les animaux et particulièrement les chiens mais cette écume blanche qui dégouline de ses bajoues a un côté ragoûtant et désagréable et, là c'en est trop. Je remonte vers les toilettes pour me laver les mains puis je me remets au lit pour un peu de lecture. Vers 19h30, je redescends pour m'installer dans la Bergerie. C'est ainsi que s'appelle la jolie salle de restaurant au décor campagnard typiquement catalan. Je suis seul dans la salle, et ce repas, que je mange sous l'œil inerte d'une grosse marmotte empaillée, est vraiment savoureux avec une salade de tomates à la mozzarella, un coquelet rôti avec un excellent petit assortiment de légumes, de riz et d'un délicieux gratin. Et pour clore le tout, on m'apporte une grosse tranche d'un succulent gâteau à la crème pâtissière. Je n'ai vraiment que des louanges à faire de cet accueil de qualité. La chambre est parfaite pour le randonneur que je suis, la cuisine est excellente et raffinée, le tout dans un décor unique et calme et pour couronner le tout avec un rapport qualité/prix des plus raisonnables. Que demander de plus ! Quand je remonte dans la chambre, le soir est entrain de tomber mais le soleil est loin d'être couché. Par la fenêtre, je le regarde décliner peu à peu, grosse boule rouge qui disparaît derrière le Mont Falgas. A cet instant, et en regardant vers ces belles montagnes, je repense à ce " Cami de la Retirada ". Ces chemins de la liberté, ils ont dû en voir passer des contingents de malheureux et de chancelants avec tous ces réfugiés politiques qui étaient obligés de fuir leur pays. Mais dans l'autre sens, cette frontière, elle a dû en voir défiler des bienheureux et des chanceux avec ces résistants et ces combattants de tous bords qui fuyaient le nazisme pour des vies et des destinées nouvelles. Trois chats noirs qui jouent sous ma fenêtre sur la pelouse du parc m'extirpent de cette rêverie et de ces réflexions. Ils jouent à un jeu très cruel, c'est celui du chat et de la souris, comme une parodie d'un " Tom et Jerry " grandeur nature où il y aurait trois " Tom " et dans lequel, le rôle de " Jerry " est tenu par un minuscule mulot dont le sort est scellé d'avance. Les trois " ignobles " matous se renvoient, d'un à l'autre, le petit mulot comme une balle de caoutchouc et quand parfois celui-ci retombe dans l'herbe, j'ai toujours espoir qu'il finisse par arriver à s'échapper. Mais malheureusement, il finit tôt ou tard par se faire rattraper pour un des trois " greffiers ". Décidément la nature est trop cruelle et devant cet impitoyable spectacle, je préfère partir me coucher. Voilà un aspect de l'âpreté du Vallespir que je n'avais pas imaginé au départ de cette randonnée. Comme quoi, on est loin de tout envisager quand on veut se hisser sur " les hauteurs d'une vallée âpre ".

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    L'après-midi, ce gentil chat était venu se faire câliner. A la nuit tombante, sur la pelouse de l'ermitage, accompagnés de ses deux compères, il est soudain devenu un " ignoble assassin " suppliciant un pauvre petit mulot qu'ils se renvoyaient de l'un à l'autre comme un simple balle de caoutchouc. Une nouvelle fable était déjà dans ma tête.

     

    Trois petits " Tom " et un pauvre Jerry

     

    Trois petits " Tom " jouaient dans le parc ombragé.

    Noirs étaient leurs pelages, leurs esprits, leurs pensées.

    Et ce pauvre " Jerry ", que le diable tirait

    Par une fine queue, était désespéré.

     

    Un homme à la fenêtre regardant ce spectacle,

    Espérait du hasard, une étoile, un miracle.

    Mais la dure nature le fit pleurer soudain,

    Les petits " Toms " noirs étaient des assassins.

     

    Il partit se coucher, sensible à sa faiblesse.

    Les petits " Toms " noirs avaient tant de rudesse.

    Croquer une souris tels étaient leurs destins,

    Un " Jerry ", un mulot ce n'est pas un festin

     

    Puis l'homme s'endormit, mais les rêves l'éveillèrent

    Sur son lit, un p'tit " Tom " dormait tel un pépère

    Sans cauchemar aucun, sur ce qu'il avait fait

    Le " Jerry " dans son ventre avait ressuscité.

     

    Dans leurs songes, ils sautèrent dans le parc ténébreux

    Le P'tit " Tom " et " Jerry " avaient l'air si heureux.

    Toute la nuit, ils jouèrent jusqu'au petit matin,

    Comme de bons copains, de gentils diablotins.

     

    Puis le jour se leva et son lot de tracas,

    Les petits " Toms " noirs cherchaient comme un en-cas.

    Point de pauvre mulot pour leur combler la faim,

    Mais un " Jerry " ailé tel un beau séraphin.

     

    Les Petits " Toms " noirs scrutaient en vain le ciel,

    En quête d'un oiseau, de leurs airs criminels.

    Mais le frêle " Jerry " s'était changé en aigle,

    Sur les chats il tomba emportant le plus faible.

     

    Il faut vivre la vie comme un chat, un mulot,

    Caresser les p'tits " Toms ", ignorer les salauds,

    Et si la vie est dure, croque-là doublement

    Comme une petit " Jerry " si tendre et si fondant.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

    Cliquez sur la tour de Mir pour passer à l'étape suivante


    votre commentaire
  • Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms5eme étape : Vendredi 21 août 2009.

    Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms

    (La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms

    Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

    Soudain, la route bifurque. On prend à gauche. On monte en lacets. Et puis, le long des précipices béants, on file sur Saint-Laurent-de-Cerdans, vers la frontière espagnole. Les bois croulent de tous côtés. La cassure du schiste les arrête net au bord de la route. On n'aperçoit plus rien que ce filet de route grise au milieu d'une mer de verdure ensoleillée. Extrait du recueil " Visages de mon pays". Ludovic Massé (1900-1982) Ecrivain et poète français.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms ARCHANGES ET DEMON :

     

    Hier soir, après avoir quitté la fenêtre, je me suis couché et je me suis mis à lire " Dalva ". Mais il me fut très difficile de me concentrer sur la lecture, car en permanence, revenaient, devant mes yeux, les affres de ce petit mulot ballotté par les trois matous. Avant de m'endormir, j'ai pris soin de badigeonner d' " Urticium " mes jambes et mes bras et la lecture finit par me donner ce petit " coup de massue " que les brûlures encore présentes et les pensées aussi sombres que les trois chats empêchaient jusqu'à présent. Dans la nuit, à deux autres reprises, j'ai été obligé de renouveler les applications de crème que j'ai confortées avec les petits granules car de très désagréables picotements m'ont réveillé. 

    Il est 7 heures et autant dire que ce n'est pas la grande forme ce matin. Et pourtant, il va bien falloir que je les parcoure ces 26 kilomètres inscrits au programme du jour. Une fois encore, dans ce secteur extrêmement boisé, j'espère que mon " complice " Klaus m'aura laissé un étroit passage. En tous cas, grâce au gérant, je sais que le chemin est praticable au moins jusqu'à Lamanère. Je pars me jeter sous une douche froide. Et comme je n'y pense pas avant, une nouvelle fois l'eau glacée mets le feu à toutes ces petites rougeurs qui pullulent sur ma peau. La plaie au genou suppure de plus en plus et je renouvelle le pansement d'éosine. Malgré le bien que ça pourrait certainement lui faire, j'hésite à laisser la blessure au grand air car j'ai la crainte de me griffer ou de me cogner au cours de l'étape. Il est 7h30, et une fois encore, je me retrouve tout seul dans la Bergerie avec cet insupportable rongeur empaillé qui me dévisage. 7h30, c'est l'heure décidée, hier soir, d'un commun accord avec le jeune gérant. Hormis le café au lait, tout est prêt sur la table : pain, croissant, beurre, confitures, et comme je ne veux pas partir trop tard pour cette longue étape, j'apprécie d'autant plus cette ponctualité. On m'apporte un broc de lait chaud et un autre de café dans lequel j'arrive à me confectionner deux gros bols de café au lait que je prends néanmoins le temps d'apprécier.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    J'ai quitté Notre-Dame, direction Lamanère, devant moi le boisé Puig de Las Coubines dévoile son aspect pyramidal. Mon appareil-photo commence à dysfonctionner mais je vais le constater que bien plus tard.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur le chemin, un joli oratoire dédié à la Vierge Marie et une date : 1500 !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    J'arrive à Lamanère près de la station d'épuration, par bonheur inodore, et à l'aire de pique-nique. Le temps d'un petit en-cas et je repars dans les ruelles en quête de la bonne direction.

    8h15, je viens de récupérer mon panier-repas et harnaché de mon sac, je suis sur le parvis de la jolie chapelle. Sur l'herbe du parc, les matous sont déjà pied d'œuvre, en quête d'un oiseau, d'un campagnol ou d'un autre mulot. Je laisse ces redoutables chasseurs à leur petit déjeuner et repars par le chemin par lequel je suis arrivé hier après-midi. J'arrive à l'intersection qui descend vers Lamanère, et je poursuis la descente. Dix minutes plus tard, par une petite passerelle en bois, je traverse la Bernadeille, mince torrent au modique débit. Ici, surplombant le ruisseau, il y a un très joli oratoire restauré, dédié à la Vierge Marie et une étonnante date inscrite : 1500 ! L'essentiel de ma marche s'effectue dans de sombres sous-bois qui dominent sur ma gauche le ravin du Coral. Mais, de temps en temps, une fenêtre s'ouvre sur le mont à la fois rocailleux et boisé du Puig de Las Coubines (1.253 m). Toujours presque en descente, le sentier se rapproche peu à peu de la ravine, puis à l'approche de Lamanère, il fait un angle droit et je chemine en balcon au dessus du torrent de la Lamanère. Le petit village le plus méridional de l'hexagone est là, de l'autre côté du torrent, avec pour magnifique toile de fond, la verdoyante et oblongue montagne de la Baga de Bordellat. Le sentier débouche sur une piste qui descend vers la rivière et vers ce que je crois être un petit étang mais qui s'avère être en réalité un bassin de décantation de la station d'épuration du village.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    J'ai trouvé la Carrer de la Font de Dalt, (en français, la rue de la Fontaine d'en Haut), cette étroite ruelle cimentée qui s'élève me remet dans le droit chemin.

    Il est 9h30, à côté du bassin de décantation, il y a une agréable aire de pique-nique bien propre et surtout aucune odeur nauséabonde alors je m'installe pour manger quelques fruits secs avant de repartir vers le village. Dans les petites ruelles, je ne trouve pas immédiatement le chemin qui monte vers les " Tours de Cabrens " où plutôt vers les Estanouses, petit lieu-dit qui selon ma carte IGN se situe sur le Tour du Vallespir. Pourtant, combien de fois y suis-je monter à ces immanquables tours ? Je sors mon GPS car les quelques personnes, qui me regardent passer, repasser, puis passer à nouveau, et qui discutent au beau milieu de la rue, n'ont pas l'air disposés à me venir en aide. La voilà, elle est enfin là, la petite venelle, cette " carrer ", comme ils disent ici. Comment ai-je pu la louper, cette Carrer de la Font de Dalt (fontaine du haut) montant vers les tours, avec ce balisage bien présent et les nombreux panneaux indicatifs accrochés à ce mur ? Sans doute étais-je distrait par le lumineux hameau dans son cadre d'émeraude et sa jolie rivière qui y coule au milieu ! Il est 10 heures quand je m'éloigne de Lamanère par une allée cimentée qui grimpe hardiment. Premier dénivelé, premières souffrances et premières grandes gorgées d'eau. Je m'arrête à la fois pour reprendre mon souffle et pour admirer les jolies maisons avec leurs vertes pelouses et leurs jardins fleuris. Je m'amuse d'un joli cadre peint dans lequel il est écrit : " attention au chat ". Je souris car je suppose que ce cadre aurais mieux trouvé sa place dans le parc de Notre-Dame du Coral, ainsi, les petits mulots auraient pu le lire !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Je laisse Lamanère, son décor verdoyant, ses jolies maisons aux jardins fleuris par une sente bien balisée où virevoltent des papillons multicolores. Les Tours de Cabrens apparaissent très hautes au détour du chemin mais qu'importe puisque je vais au hameau des Estanouses qui lui est situé dessous beaucoup plus bas !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    En montant, j'aperçois les Estanouses, ce minuscule hameau par lequel le Tour du Vallespir devrait normalement passer si j'en crois ma carte IGN, mais désormais c'est un domaine privé gardait par des archanges et deux dobermans. Mais il y a aussi "un démon" qui va me faire monter par les Tours de Cabrens, ces tours minuscules que j'aperçois tout là-haut !

    Je rentre dans un petit bois de chênes, coupe une première piste. Le balisage jaune et rouge du Tour du Vallespir est bien présent et une petite pancarte en ardoise me conforte sur la direction à suivre : " Tours de Cabrens-Pla Castell-Estanouses ". La pente s'accentue, j'entre dans un deuxième bois. A sa sortie, je traverse aussitôt une autre piste. Bien qu'encore très éloignées, deux des trois Tours de Cabrens sont parfaitement visibles au sommet de la haute colline. Mais je ne m'en inquiète pas car de toute manière, je sais que je n'aurais pas y monter. Un autre panneau est là maintenant, au bord d'un sentier terreux : " Les Torres Cabrenç ". J'ai retrouvé une foulée et une respiration régulière, malgré la pente qui s'est amplifiée très sérieusement. Le sentier terreux se termine d'abord par un bois de petits feuillus puis dans des prés de hautes fougères. Ici, les bas-côtés très fleuris du chemin sont des terrains propices à bons nombres d'insectes mais surtout aux abeilles et aux papillons. Des papillons, je n'en ai jamais vu autant depuis mon départ, même sur la piste du Col de Formentere où pourtant il y en avait déjà beaucoup qui tournaient autour de moi. Au fil de mes randonnées et en les photographiant, j'ai appris à les reconnaître : Piérides, Argus, Vulcains, Tabacs d'Espagne, Petites Tortues, Nacrés, Théclas, Ecailles martrées, Apollons, Citrons, à chacun de mes pas c'est un cortège de papillons multicolores qui s'élèvent. Il y en a tellement dans les prés, dans les haies et sur le chemin que parfois quant ils s'envolent, autour de moi ça ressemble à ces milliers de confettis colorés ou à ces petits papiers brillants que l'on jette lors de grandes manifestations. Je rejoins une autre piste plane qui, selon mon GPS doit me faire passer devant le lieu-dit les " Estanouses ". Je m'avance, pas de problème le GPS me situe sur le tracé. Je fait quelques dizaines de mètres et là, je me retrouve devant une clôture où trônent de jolies statuettes d'archanges et de colombes aux ailes déployées et un grand portail ouvert : " Domaine des Estanouses ". Collé sur un pilier, il y a bien un petit cadre avec un chien dessiné, style Doberman mais rien qui annonce une éventuelle méchanceté ni la raison d'être craintif. Et quand je m'approche, bien au contraire, il y a sur la gauche, une caméra avec ces quelques mots amusants : " Souriez, vous êtes filmés ! ". Je reste planté là, indécis quant à la conduite que je dois tenir. D'un côté, j'ai une peur bleue des Dobermans avec un affreux souvenir d'enfance d'une folle course poursuite entre un énorme molosse de cette race et moi perché sur un Solex. De cette " chevauchée fantastique ", j'avais réussi à en sortir sain et sauf, grâce au propriétaire qui, sur un puissant et simple sifflement, avait réussi à stopper net son chien, au moment même où ce dernier était sur le point de me rattraper pour me croquer un mollet. D'un autre côté, je me dis que les propriétaires doivent certainement avoir, à la fois de l'humour avec ce " Souriez, vous êtes filmés ", et une grande amabilité pour exposer ainsi sur leur mur ces chérubins et ces colombes, symboles de douceur et de paix. Je me décide et j'entre, j'ai confiance dans les hommes, un peu moins dans les Dobermans mais après tout, et selon mes cartes, je suis bien sur le GRP Tour du Vallespir et je n'ai pas d'autres solutions que celle-là. Je fais une trentaine de mètres, arrive devant de belles maisons où tout est calme et silencieux. Je m'arrête, troublé par ce silence et m'apprête à poursuivre la piste avec mon GPS à la main, quand tout à coup, en provenance des villas, deux dobermans descendent vers moi en vociférant.

    Je reste pétrifié. Voilà que ma triste expérience se renouvelle, mais cette fois ils sont deux, et je n'ai aucune chance car je n'ai pas de Solex pour fuir mais un sac de 18 kilos qui ruine toute éventualité d'escapade. Heureusement une fois encore, je vais m'en sortir, car du haut d'une terrasse, une femme se met à hurler et les chiens s'immobilisent à deux mètres de moi. Ils continuent de grogner, mais comme j'ai de la mémoire, je raccourcis aussitôt mon bâton télescopique et leur tends une main amicale dont je ne sais pas, s'ils vont la dévorer ou la lécher. Entre temps et alors que les " cerbères " se sont calmés, un homme est également sorti sur la terrasse et m'interpelle en criant :

    - Que voulez-vous ?

    - Je veux aller au Pla de Castell !

    - Non, ce n'est plus possible par là, le chemin est fermé depuis quatre ans !

    - Mais comment est-il fermé ?

    - Vous êtes sur une propriété privée et le chemin n'a plus été défriché !

    - Mais par où puis-je y aller ?

    - Il faut que vous montiez aux Tours !

    Je suis si surpris que je lui pose cette question vraiment idiote :

    - Quelles tours ? Celles de Cabrens ?

    Et il me répond brutalement :

    - Vous en connaissez d'autres ici ?

    Et il ajoute :

    -Il y a un chemin qui passe juste en dessous des tours !

    Je crois qu'à cette idée d'avoir à escalader les Tours de Cabrens, je suis encore plus terrifié que j'ai pu l'être devant les Dobermans. Je les connais trop bien ces tours à signaux de Cabrens pour y être monté à quelques reprises mais jamais avec un sac à doc de 18 kilos ! Un gros dénivelé sur une distance très courte et jamais un replat pour souffler. Comme si cette étape n'était pas suffisamment longue ! Je ne bouge plus. Je suis groggy et je regarde bouche bée cet homme qui vient de me donner un véritable coup de gourdin sur la tête. Et tout en le regardant, je ne sais pas pourquoi, j'ai un mal fou à le croire. Pourquoi, ce chemin n'aurait-il pas été débroussaillé ? D'accord, il est chez lui, mais ne préfère-t-il pas empêcher tout passage de randonneurs sur son domaine ? Je continue à le regarder et je me dis que je me suis bien trompé sur son compte : " Il vous reçoit avec des anges mais en réalité, lui c'est un vrai démon ! ". Lui m'observe aussi et semble s'interroger sur la conduite que je vais adopter. Mais il a le beau rôle avec ses deux chiens de garde qui maintenant se sont couchés à mes pieds. Alors ai-je le choix ? Même si je ne lui montre pas, je repars furieux tout en marmonnant : " Voilà ça m'apprendra à avoir trop confiance dans les hommes ! "

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Après avoir terriblement souffert dans la montée vers le Tours de Cabrens, j'arrive à la première. Elle date du XIVeme siècle. D'ici, malgré quelques nuages, j'ai des vues splendides sur une grande partie du chemin parcouru. Je décide de déjeuner mais des énergumènes exagérément bruyants vont me faire fuir. Au bord la falaise, j'aperçois un autre démon ! Il est très beau !

    Et c'est vrai, peut-être je crois trop en l'homme et pas suffisamment dans les Dobermans. Après tout, ils sont très gentils ces chiens-là quand ils sont bien dressés ! Sur la piste, je retrouve un autre panneau " Torrés de Cabrenç " et un petit sentier que je poursuis mais il s'agit d'un simple raccourci qui m'emmène sur une autre piste un peu plus haut. Il est 11 heures, l'heure a tourné et aujourd'hui, j'ai le sentiment de ne pas avoir beaucoup avancé. Mais bon, d'un autre côté, je ne suis pas en super forme et je me dis qu'il n'est pas utile que je me " brûle " en me dépêchant inutilement. Aussi, je continue de monter à mon rythme qui, je l'avoue, n'est pas bien rapide aujourd'hui. Je coupe un maigre ruisseau, la piste se termine et devient sentier à l'entrée d'un sous-bois. La déclivité s'intensifie mais une tour se rapproche. Je raccourcis mon bâton que je plante plus fermement pour me hisser sans avoir à faire trop d'efforts avec mes jambes. Mais c'est peine perdue, car le poids du sac qui m'entraîne en arrière contrebalance cette vaine manœuvre. Heureusement, j'ai dans ma poche et à portée de main, mon petit tube de " dope ". Habituellement, et cela depuis mon départ, un sachet de gel énergétique me fait amplement la journée mais aujourd'hui j'en ai quelque peu abusé et c'est sûr, cette fois il ne terminera pas cette étape. A la fin du sous-bois, une nouvelle piste apparaît. Je regarde mon GPS plus par curiosité que par nécessité, car ici je n'ai plus de tracé. Entre mon entrée et ma sortie de ce petit sous-bois, j'ai fait quoi ? 200 mètres, 250 mètres, mais l'altitude, elle a progressé de 63 mètres. Je comprends mieux mon essoufflement. Une vingtaine de mètres plus loin, dans la courbe d'un virage, un balisage me renvoie dans les bois par une pente escarpée. Je regarde ma carte IGN et constate qu'il s'agit d'un raide raccourci qui monte à la première tour. Je l'ignore et poursuit par la piste encore une fois plus " roulante " comme disent les cyclistes. Un homme est entrain de redescendre, lui en direction de Serralongue. Nous bavardons un peu, de tout et de rien mais surtout de mon Tour du Vallespir dont il semble dire que c'est pure folie que je le fasse seul. En disant cela, il fait certainement allusion à mon âge et sans doute a-t-il en partie raison. Aussi, je ne le contrarie pas mais je fais mien ce proverbe : " Un fou qui marche va plus loin qu'un sage qui reste assis ". Mais la bible ne dit-elle pas aussi : " La voie qu'emprunte le fou est droite à ses yeux, mais il est sage d'écouter les conseils ". Alors un partout et la balle au centre. Je continue la piste et je finis par arriver devant la première des tours. Ancienne tour à signaux qui date vraisemblablement du XIVeme siècle, elle servait à communiquer avec d'autres tours ou bien avec des châteaux ou des forteresses du Vallespir et du Roussillon. Elle a magnifiquement été restaurée. Il est midi et je m'installe à une table de l'aire de pique-nique aménagée devant la tour. D'autres randonneurs sont déjà là, installés et calmes mais d'autres arrivent et tournent autour de moi comme de bruyants frelons en quête d'un emplacement idéal, qu'apparemment ils n'arrivent pas à trouver. Gesticulant, criant et braillant même, ils semblent se moquer éperdument de tout ce qui les entoure. J'arrête là mon pique-nique pour m'éloigner de ces énergumènes excités mais surtout irrespectueux vis-à-vis des autres et de la quiétude qu'en général on vient chercher dans un tel lieu. Je pars d'abord derrière la tour puis longe le bord de la haute falaise en direction de la deuxième. Sur ma gauche, un panorama superbe me laisse entrevoir une toute petite portion du chemin parcouru aujourd'hui, mais droit devant moi, j'ai une ample et admirable vision des hauteurs que j'ai gambadées depuis Formentere. Avec les jumelles, j'essaie de retrouver plus précisément les endroits et les crêtes où j'ai pu marcher les jours précédents. Mais dans cet horizon lointain et légèrement voilé par quelques nuages blancs, retrouver ces contrées n'est pas si évident. Mais, j'aperçois néanmoins le refuge blanc de Batère, le dôme aplati et reconnaissable du pic de la Souque et je devine les vertes prairies des cols de l'Estagnol et de Serre-Vernet. Après ce bref intermède, je continue à longer la falaise et suis maintenant en surplomb de la maison du " démon " : Les Estanouses sont là à mes pieds, vaste et magnifique domaine avec piscine. J'observe la piste que j'avais commencé à emprunter, elle semble se poursuivre bien après les habitations puis elle s'enfonce dans la forêt où je perds sa trace. J'imagine que je ne saurais jamais comment se termine cette piste. Après tout, le démon n'en est peut-être pas un et mon ressentiment m'a fait perdre la raison ? Mais s'il n'est pas démon, qu'est-il alors ? Un homme serviable qui m'a simplement indiqué un chemin ? Alors archange ou démon ? Mais pour travestir un proverbe bien connu : " chassez le surnaturel, il revient au galop ". Car au moment où je tourne la tête, un nouvel être surnaturel chasse l'autre. Mais celui là est de pierre et je ne vois plus que lui dans la falaise. Une tête parfaite vue de profil et taillée dans cette paroi rocheuse par cette talentueuse " Dame Nature " ou par ce sculpteur fou qu'on appelle l'Univers. Je reste d'abord subjugué par ce visage étrange que j'aperçois à Cabrens pour la première fois alors que j'y suis monté à diverses reprises.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Je reste complètement subjugué par ce profil presque parfait taillé dans la paroi rocheuse par "Dame Nature " ou par ce sculpteur fou qu'on appelle l'Univers.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsôSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Dans l'ordre d'apparition : la 1ere tour du 14eme siècle puis la 2eme tour du 13eme siècle en surplomb de la falaise et des Estanouses que j'aperçois tout en bas, puis enfin, les ruines du château du 11eme siècle où je vais pouvoir enfin déjeuner en paix avec une vision parfaite sur le Pla de Castell et l'itinéraire parcouru ce matin.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Au pied des Tours, je trouve un panonceau " Tour du Vallespir " près d'une vieille ferme envahie par les lierres. Le Pla de Castell est peuplé de papillons. Après avoir souffert toute la matinée, je peux enfin souffler et me fier aux nombreux panneaux pour suivre sagement le chemin. Il arrive dans un Colorado miniature !

    Alors vision due à la fatigue, imagination débordante ou effets de la lumière selon le temps, l'ensoleillement à une heure du jour bien particulière ? Je m'empresse de prendre une photo, puis une deuxième en rapproché. Mais au moment où je vérifie les photos sur le petit écran de mon numérique, ce dernier a l'air de foirer au niveau de la pixellisation et comme je l'ai depuis peu de temps, je n'en connais pas tous les réglages à mettre en œuvre pour réparer ce mauvais fonctionnement. Mais au fait, pourquoi se met-il soudain à " déconner " ici, devant cette sculpture étonnante ? Me jetterait-il un sort ce mauvais génie ?

    Je m'empresse de regarder les photos antérieures. Non, plusieurs photos présentent les mêmes symptômes depuis hier apparemment et peu après mon départ de Prats-de-Mollo. Alors mon numérique a-t-il souffert de mes péripéties dans la forêt du Miracle ou bien l'ai-je mouillé sans m'en apercevoir ? Je suis un peu dégoûté, je l'avoue, mais je vais faire avec, car les mauvaises photos ne sont pas systématiques non plus et je me dis que je pourrais peut-être les corriger avec un logiciel de retouche. Comme je suis un peu perturbé par cet incident qui m'agace, et peut-être aussi par cette fabuleuse figure surnaturelle que je viens de voir, du coup, je finis par en oublier cette deuxième tour que l'on appelle la médiane. Au lieu d'y monter, je passe dessous et j'ai juste le temps de la prendre en photo, et cette photo-là, semble bonne. Je me dis que ce petit écart d'itinéraire n'est pas bien grave. En effet, je connais déjà cette tour, avec ses murs de 5 mètres de large, elle a, paraît-il, servie de prison et est plus ancienne d'un siècle (XIIIeme) que la précédente. Mais surtout, je suis sur une sente, difficile certes, mais bien balisée en jaune. Dans un court dédale de rochers et de petits chênes, la sente finit par remonter vers la troisième tour construite à l'extrême limite de la crête rocheuse. On l'appelle tour, mais en réalité, il s'agit des ruines d'un vieux château du XIeme, dont il ne reste qu'une infime partie de la voûte de l'antique donjon et quelques murailles qui dominent le Pla de Castell et son écrin de verdure. Tranquille cette fois, je m'arrête là pour finir mon déjeuner que quelques nigauds avaient interrompus. Il est 13 heures et après avoir remonté le temps en longeant cette crête, il me faut maintenant la redescendre de l'autre côté et c'est loin d'être une sinécure. Abrupte et glissante plus qu'il ne faudrait, je descends le plus souvent en m'accrochant aux arbres quand ce n'est pas sur le cul. Ici, comme je l'ai déjà fait dans les gros pierriers de Serre-Vernet, je redouble d'attention pour éviter une chute qui pourrait avoir des conséquences dramatiques. Je mets 25 minutes pour atteindre le plat et un petit panonceau où je retrouve le GRP Tour du Vallespir. Je suis surpris de trouver ici ce panonceau mais en consultant les copies du topo-guide, je constate soudain que Véron inscrivait les Tours de Cabrens comme une alternative aux autres chemins. Panonceau ô combien encourageant, car il est inscrit : " Falgos " et c'est bien par là-bas que je dois aller. Je longe les ruines d'une vieille ferme encombrée par les lierres et envahie d'une foisonnante végétation. Ici aussi, les papillons sont nombreux et fantaisistes dans leurs circonvolutions et quand j'arrive au joli carrefour du Pla de Castell, je constate avec bonheur que mon GPS a retrouvé le tracé enregistré. Ce bonheur s'ajoute à celui d'apercevoir le panneau : " Pla de la Muga ". Je file à main gauche par la large piste que je quitte immédiatement, toujours à gauche, à un nouveau panneau : " Tour du Vallespir-Coustouges ". Je ne me rends pas à Coustouges car à ma connaissance il n'existe plus aucune possibilité ni de couchage ni de ravitaillement, mais le véritable Tour du Vallespir passe par ce village frontalier dont les Romains avaient déjà fait de ce lieu, un passage obligé vers ce qu'ils appelaient Hispania, c'est-à-dire l'Espagne. Cette voie, c'était la Via Vallespirani, ancêtre très proche du chemin que j'emprunte aujourd'hui et qui allait au Col d'Ares.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Après le Pla de Castell, j'arrive au Pla de la Muga dans cet étrange " Colorado miniature " où les couleurs des roches et des sables vont du rouge ocre au rouge bordeaux. Mais c'est quoi au juste ces roches ?

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Pas toujours évident à suivre, le chemin circule au milieu de ces roches rouges et atterrit en Espagne devant cette stèle où il est écrit : " Ici née la Muga ". La Muga est une rivière qui se jette dans le golfe de Roses. Pourtant ici tout est sec et rien de laisse à penser qu'il y a la source d'un fleuve de 65 kilomètres de long !

    L'étroite sente se faufile dans un petit bois de pins et débouche sur d'étranges et magnifiques dunes de sables rouges. Ici on voit parfaitement ce travail d'érosion que le vent et surtout l'eau ont façonné sur cette terre qui va de l'ocre rouge au rouge bordeaux. Dunes et vagues de sable que l'on croirait mouvantes mais aussi petites pierres dures et gros rochers érodés ressemblant à des scories ou à d'étranges bombes volcaniques. Alors c'est quoi, ces bizarres formations géologiques rouges que l'on trouve par ici ? Les dépôts des éruptions des proches volcans de la Garrotxa ? Grâce à de petits cairns, je déambule et grimpe dans ce Colorado miniature. Mais entre le chemin à prendre et l'ornière centrale et principale, l'écart est très étroit pour monter au Pla de la Muga. Je finis par m'éloigner du tracé du GPS et me retrouve devant une stèle où il est marqué en catalan : " Ici né la Muga 1216,49 m - Fête de l'Albera Viva 9-6-1996 " et où s'ajoutent les noms d'une douzaine de villages français et espagnols des alentours. Mais je suis surpris car ici tout est sec aujourd'hui et aucune source ne jaillit. Pourtant je crois savoir que la Muga est longue puisqu'elle s'écoule le long de la frontière, puis dans l'Emporda pour finir sa course dans le golfe de Roses du côté d'Empuriabrava. (Renseignements pris sur Internet à mon retour, la rivière Muga est longue de 65 kilomètres et pour un fleuve dont la source semble asséchée en été, je trouve que c'est plutôt pas mal !) J'observe ma carte IGN pour regarder où je suis exactement et retrouver le sentier. Je n'ai jamais été aussi prêt de la frontière, puisque si j'en crois la carte, je l'ai même franchie devant cette stèle. Mais si la Muga se jette dans le golfe de Roses, moi, il me faut partir sans traîner vers un autre golf, celui à 18 trous du domaine de Falgos.

    Je retrouve le sentier dans les pins tout proches. Il se poursuit rectiligne vers le nord sur un chemin de sable blanc au milieu d'une lumineuse hêtraie et de quelques châtaigniers. Puis, soudain ce sentier se transforme en une large piste ensoleillée et colorée qui fait un angle droit, part plein sud et serpente au milieu des petits feuillus et des bruyères roses. J'apprécie ces chemins sableux et souples où je peux rattraper les atermoiements de mes flâneries et de mes divagations. Animés de papillons multicolores et de sauterelles aux ailes bleutées, ornés et parfumés de milles fleurs, colorés par les mauves véroniques, les bruyères roses et les baies rouges des sorbiers des oiseaux qui me font une haie, ce chemin qui ne fait que descendre est une vraie " autoroute du soleil " pour mes jambes fatiguées. Alors est-ce la fatigue, la précipitation ou bien mon insouciance, mais une fois encore, je me trompe pour filer droit vers le pic de la Massanes (1.114 m). Et quand je regarde mon GPS puis ma carte, une fois encore j'ai parcouru quelques centaines de mètres pour rien. Je suis allé tout droit au lieu de poursuivre la piste à gauche qui descend vers Falgos. Heureusement, je n'ai fait que trois cent ou quatre cent mètres et faire demi-tour n'est pas bien grave.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Après cette brève incursion en Espagne, j'ai retrouvé le Tour du Vallespir et un agréable sentier qui doit m'amener à Saint-Laurent-de-Cerdans

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

     

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Ce chemin coloré de mauves véroniques, de bruyères roses et par les baies rouges des sorbiers des oiseaux est animé de papillons multicolores. Pour mes jambes fatiguées, c'est une vraie " autoroute du soleil ". Parfois, je marche aussi en sous-bois et je finis par arriver au golf de Falgos.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    La lassitude plus une déprimante route goudronnée, une fois encore tout devient une excuse à des arrêts photos, de jolis papillons, les " écailles chinées " surtout. Après 7 kms, j'enjambe le ruisseau de Coustouges et entre dans Saint-Laurent. Mais je n'en ai pas fini, il reste encore plus d'1,5 km à parcourir pour arriver à la Maison Noëll !

    Mais je me dis aussi qu'il faut que je redouble d'attention car l'étape est suffisamment longue sans que j'en rajoute inutilement. Il est 15 heures passé, et comme j'ai un petit creux à l'estomac, je profite de cette étourderie, de la tranquillité du lieu et de l'herbe tendre du chemin pour finir mon panier repas très copieux aujourd'hui. Après cet en-cas, je repars toujours au même rythme ma descente vers Falgos au travers d'une hêtraie, des pinèdes et de hautes haies de genêts. Mais quand j'aboutis sur la route qui monte au Domaine de Falgos et descend vers Saint-Laurent de Cerdans, il n'est pas encore 16 heures et mes pensées sont prises en tenaille entre deux sentiments : d'un côté, je suis heureux d'être arrivé là, à quelques kilomètres de l'arrivée car je sais que j'en ai fini avec les hauteurs pour aujourd'hui, et de l'autre, je suis sous le coup d'une grosse désillusion car je pensai trouver un joli sentier fleuri pour rejoindre Saint-Laurent et je ne trouve qu'une route goudronnée qui serpente au milieu des schistes. Et quand je regarde ma carte IGN, cette route qui doit m'amener dans le centre historique de Saint-Laurent de Cerdans, je l'estime à environ 7 à 8 kilomètres. Ma déception est d'autant plus grande que c'est par obligation que je dois rejoindre cette ville, car à l'origine le vrai Tour du Vallespir passait par Coustouges. Mais depuis quelques années, il n'y a plus de possibilité de couchage et quand j'ai organisé mon parcours, je n'ai rien trouvé à Coustouges, ni refuge, ni gîte, ni chambres d'hôtes, ni hôtel. C'est donc par résignation que je me suis rabattu sur Saint-Laurent-de-Cerdans car le Tour du Vallespir y passe à quelques kilomètres au pied du Mont Capell (1.194 m).

    Alors, avec encore tous ces kilomètres à parcourir, autant dire que ma journée est loin d'être finie !

    Comme je le fais souvent en pareil cas, je prends un train de sénateur et tout devient une excuse à faire des photos. Mais ici, il n'y a pas grand-chose à photographier, pas de vastes panoramas, ni de beaux paysages, ni d'amples forêts ou de vertes prairies, mais qu'une triste et tortueuse route de bitume gris encastrée dans la roche. Alors, une fois encore je me rabats sur ces " malheureux " papillons. Mais ici, il y a une chose très étrange : les papillons sont magnifiques mais il y en a pratiquement qu'une seule variété et ce sont les reconnaissables " Ecailles chinées ou Callimorphe ". On peut les confondre avec les " Ecailles martres " qui sont ressemblantes bien que leurs zébrures noires et blanches ne soient pas tout à fait identiques. Je prends bien quelques exemplaires de ces étonnants papillons en photo avec leur ailes contrastées pour moitié oranges et pour moitié zébrées lorsqu'elles sont ouvertes, mais comme il y en a des milliers au bord de la route sur les épilobes, les chardons, les véroniques en épi, les fleurs d'origan et même les fleurs d'orties, j'en ai vite fait le tour. Mais si ces papillons ont la particularité de marauder aussi bien le jour que la nuit, il ne faut pas que je fasse pareil, car si je continue à vadrouiller de la sorte c'est bien à la nuit tombante que je vais arriver.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Avec cette hilarante station météo du Wendland, les Laurentins prouvent qu'ils ont de l'humour !

    17 h, j'arrive sur un pont où coule une rivière, à l'intersection de plusieurs routes. Il y en a une qui va à Coustouges, une autre à Vilaroja et celle que je dois emprunter vers Saint-Laurent. Dix minutes plus tard, j'entre dans le joli bourg où je m'arrête quelques instants sur un banc pour manger et me désaltérer un peu car j'avoue en avoir marre de cette route goudronnée. A quelques mètres du banc, il y a un trépied où est accrochée une chaîne, et au bout de la chaîne, un gros pavé est suspendu.

    Intrigué, je m'approche et je prends en photo cette hilarante station météo du Wendland. Aussi, en traversant la Quera et entrant dans la ville, je me dis : " C'est bien, au moins ici les habitants ont de l'humour ! ". Et c'est vrai que les gens m'ont l'air bien sympathiques. Ici, tout le monde me salue, les passants, les retraités qui jardinent, les badauds, les hommes, les femmes, les jeunes, les vieux. Et quand, je demande mon chemin pour trouver la rue de la Sort, on se met en quatre pour m'expliquer. Du coup, hormis l'effort d'y grimper car la pente est rude, je n'ai aucun problème pour trouver la Rue de la Poste et l'église paroissiale que l'on m'a gentiment indiquées comme repères. Je suis même surpris par tant de prévenance car cherchant encore mon chemin et la Rue de la Sort, un jeune homme brun très sympathique s'approche et me demande :

    -Vous avez l'air perdu, je peux vous aider ?

    -Oui, je cherche à me rendre au numéro 4 de la rue de la Sort, chez Monsieur Mario Lopes.

    -Je suis Monsieur Lopes, suivez-moi, je vais vous y accompagner.

    -Je suis Gilbert Jullien. Enchanté Monsieur Lopes, mais vous alliez dans l'autre sens !

    -Oui, j'allais chercher mon enfant à la garderie.

    -Alors, ne vous dérangez pas, je vais vous attendre ici.

    -Non, écoutez ma femme est à la maison et c'est simple pour y aller. Prenez tout droit, puis tournez à gauche dans la première petite ruelle. C'est la rue de la Sort. Mais au lieu de sonner au numéro 4, allez au numéro 6.

    -Merci, c'est compris, j'y vais de ce pas.

    -A tout à l'heure.

    -A tout à l'heure.

    Le jeune homme repart et une minute après, je suis dans une étroite venelle, devant la petite porte d'une haute maison de village. Une jeune femme très gaie m'ouvre. Je me présente. Isabelle, me dit-elle, avant de me faire très spontanément la bise. Nous montons quelques escaliers qui débouchent sur une grande salle à manger. La demeure me paraît immense, mais elle est surtout magnifique et je ne me prive pas de le lui dire. Avec la volubilité qui semble la caractériser et son agréable accent portugais chantant, Isabelle se met à m'expliquer en détail les origines de cette splendide maison de maître : Elle s'appelle Damia Noëll et fût construite en 1606 et habitée pendant plusieurs siècles par une richissime famille de bourgeois qui s'appelait Noëll. Le premier occupant s'appelait Damia d'où le nom de la maison d'hôtes désormais. (Pour la petite histoire, j'appris sur Internet que ce Damia avait combattu aux côtés de Josep de la Trinxeria et est resté dans l'Histoire de la Catalogne comme un farouche opposant au Traité des Pyrénées et à l'instauration de la gabelle en Vallespir.) Il y a quelques années, les héritiers de la famille Noëll ont décidé de vendre la maison après le décès d'une de leurs grand-mères qui avait vécue dans cette grande bâtisse pendant de longues années et qui ne l'avait plus réellement entretenue. Isabelle et Mario la rachetèrent pour en faire une table et des chambres d'hôtes car ils avaient, depuis longtemps, l'ardent désir de se lancer dans cette activité. Et, quand Isabelle m'amène sur la terrasse extérieure construite en grosses pierres de taille, je reste complètement émerveillé par ce côté-là de la maison. Autant la façade côté ruelle est modeste et ne paye pas de mine, autant ce côté-là est remarquable, avec cette terrasse qui domine une partie du village, la rivière Saint-Laurent, de grands jardins en espaliers et qui est face aux collines et au Mont Capell.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Quelques photos de Saint-Laurent-de-Cerdans au moment où j'arrive dans le village. J'enjambe la rivière Quera, et j'entre dans un village qui respire la fête.

    Mais avec mon sac à dos sur les épaules et mon bâton et mon bob encore à la main, je crois qu'Isabelle a dû se rendre compte que j'étais impatient de rejoindre ma chambre. Oh non, Isabelle ne m'ennuyait pas avec ces vieilles histoires de la famille Noëll, bien au contraire, mais la lassitude devait se lire sur mon visage tiré ! Elle semble confuse mais je l'en excuse car j'ai parfaitement vu qu'elle vivait avec passion cette antique maison et le fait de contribuer à l'embellir et à vouloir la faire revivre. Mais, elle a compris aussi que j'étais fatigué et c'est tout à son honneur. Par d'immenses escaliers en bois vernis, elle m'accompagne à l'étage supérieur où se trouve ma chambre. Une chambre magnifique avec un vrai grand lit, avec des draps tout blancs, recouvert d'un admirable couvre-lit brodé et de vrais oreillers. En y entrant, je ne peux m'empêcher de me dire que cette chambre me change de tout ce que j'ai pu connaître sur ce Tour du Vallespir. En 3 jours, je suis passé de la simple paillasse de Saint-Guillem avec lézard, souris et poussière à volonté à une chambre " princière ". Mais dans une longue randonnée comme celle-là, c'est bien toutes ces petites choses diverses et variées qui créent l'aventure et tout naturellement, je prends plaisir à ces diversités.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Une vue aérienne du village puis la ruelle avant d'arriver à la Maison Noëll. Un instant de détente dans la merveilleuse chambre que l'on m'a allouée. De superbes panoramas sur le Mont Capell et les " serrats " que j'aperçois depuis la magnifique terrasse ou depuis ma fenêtre.

    Après une bienfaisante douche dans une vraie cabine avec des robinets mitigeurs comme à la maison, j'ai aspiré à un petit peu de repos que j'ai une fois encore rempli avec " Dalva ". Mais, je sais que l'on m'attend pour un apéritif de bienvenu à 19 heures tapantes. Je connais le principe de la chambre d'hôtes où tous les convives se retrouvent pour des repas en commun et à une table unique, parfois en présence des propriétaires. Dans le canapé du salon, Mario me présente d'abord sa petite famille. Avec beaucoup de simplicité, tout le monde me fait la bise. Avec la même passion qu'Isabelle, Mario m'explique comment il en est venu à acheter cette maison de maître et la conversation va bon train sur l'histoire des Noëll. Il me parle surtout d'Abdon, le seigneur de Vilaro, âme de la Résistance du Vallespir au temps de la Révolution Française qui fût le plus connu de tous. Nous en sommes là, quand un autre client nous rejoint, venu de Bretagne et passionné de VTT. Alors nous partons nous installer sur la belle terrasse, nous buvons une bière, puis les bavardages s'animent. Mario nous offre un excellent muscat et d'autres convives nous rejoignent. Il s'agit de tchèques. Un couple plutôt timide qui passe leurs vacances dans la région. Ils arrivent tout droit de Bruxelles où ils travaillent au Parlement Européen. Ils parlent très bien le français, en tout cas beaucoup mieux qu'ils ont l'air de le penser et surtout bien mieux que nous pouvons parler le tchèque tous autant que nous sommes ! L'heure du souper arrive et nous partons tous nous installer à la grande table de la salle à manger. Trop occupés en cuisine à préparer les excellents plats que nous devons manger, Isabelle et Mario ne soupent pas avec nous. Mais si nous regrettons leur absence à table, nous n'avons pas à regretter leur présence derrière les fourneaux car ce repas est en tous points remarquable : une craquante salade de chèvre chaud, un gros " galet " grillé, poisson de Méditerranée et un savoureux et copieux " pijama espagnol ", dessert fait d'un flan à l'œuf, d'une boule de glace à la vanille accompagnée d'une demi pèche et d'une demi poire au sirop, le tout agrémenté d'une sauce au chocolat. Entre deux plats, la sympathique Isabelle nous rejoint et viens s'enquérir de l'intérêt que nous portons à ses plats, Mario, lui, est le plus souvent près de nous a harmoniser les débats, et de ce fait, leurs absences au repas n'ont aucune conséquence sur la qualité de nos conversations qui sont agréables et chaleureuses. Chacun se met à raconter à tour de rôle, comment il vit sa passion. Le jeune breton, c'est le VTT qu'il chevauche à sillonner le Vallespir depuis quelques jours. Les tchèques plus passionnées par les visites des musées et le patrimoine roussillonnais parlent avec ferveur du Musée d'Art Moderne de Céret. Et moi, je parle bien sûr des randonnées et de ce Tour du Vallespir que je suis entrain d'accomplir. Cette soirée est une des plus agréables que j'ai passé depuis fort longtemps et quand, nous partons nous coucher, nous avons tous l'air heureux. Nous nous séparons un peu à regrets, et surtout par respect vis-à-vis d'Isabelle et Mario. Nous quittons tous Saint-Laurent-de-Cerdans dès demain matin, mais pour nos hôtes, de nouveaux clients arrivent et comme beaucoup de choses sont à prévoir, ils vont devoir se lever tôt. Une fois encore malgré une évidente lassitude, je ne peux pas m'endormir immédiatement. Cette amicale veillée entre copains d'un jour dans un cadre reposant à souhait m'a fait prendre conscience des difficiles conditions dans lesquelles j'ai vécues depuis cinq jours. Si la solitude de ces derniers jours ne m'a pas véritablement pesée, rencontrer d'autres gens, dialoguer avec eux, partager leur passion et la mienne ont été des instants de vrai bonheur. Je suis assez lucide pour savoir que ce séjour passé ici restera comme un des moments forts de mon aventure. A la veille de terminer mon périple, je m'aperçois que l'âpreté de ces hauteurs, elles ont été merveilleusement matérielles et physiques, par les montagnes, les crêtes et les collines que j'ai escaladé assez souvent en peinant, mais que j'ai, comme toujours, découvert avec ravissement une fois les sommets atteints. Mais en y regardant de plus près, ces hauteurs ont été âpres psychiquement par la solitude que j'ai vécue, les souffrances que j'ai endurées et les réflexions qu'elles ont suscitées en moi. Mais est-ce fini ? Non, il reste encore l'étape de demain ! Mais en partant faire cette randonnée, n'étais-je pas prévenu que ce Tour du Vallespir m'amènerait vers des sommets de bonheurs insoupçonnés mais parfois aussi " sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    L'église de Saint-Laurent-de-Cerdans

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    A la nuit tombante, vue sur le Mont Capell depuis la fenêtre de ma chambre.

     

    De Notre-Dame de Coral à la Maison Noëll

     

    J'avais quitté la belle, j'avais quitté la Vierge,

    Par un souple chemin que longeait le Coral.

    Je tenais mon bâton comme l'on tient un cierge,

    Notre-Dame s'enfuyait sous un ciel idéal.

     

    Un cadre de verdure entourait le hameau,

    La Baga Bordellat, on ne peut plus oblongue

    Où la claire rivière coulait sous les ormeaux,

    Et les Tours de Cabrens veillaient la Serre longue.

     

    Quand le village fut loin qu'on appelle Lamanère,

    Un portail au milieu barrait tout le chemin,

    Un horrible démon me fit perdre mes nerfs

    M'obligeant à m'enfuir sans lui tendre la main.

     

    Des archanges sur un mur m'indiquèrent la route

    Qui montait rudement en direction des tours,

    Âprement est le mot sur lequel j'arc-boute,

    Loin de moi cette idée de faire demi-tour.

     

    Un visage était là sculpté dans la falaise,

    Grand seigneur de Cabrens comme était le tyran,

    Les deux avaient le don de mettre mal à l'aise,

    Les anges, les démons et un vieux vétéran.

     

    Mais que l'on soit démon, beau génie ou bien ange,

    Et que la peur se tient au creux de l'estomac,

    Sur le sort, l'essentiel est d'avoir sa revanche,

    Ma première est de voir d'amples panoramas.

     

    Rouge était le sentier et ocre était la terre,

    A la source asséchée où je perds mon latin,

    Saint-Laurent qui attend la fin de mon calvaire,

    A la Maison Noëll, près d'un petit fortin.

     

    Isabelle, Mario accueillerent la troupe,

    Avec leurs cœurs en or et leur sourire en coin,

    L'amitié, la chaleur envahit tout le groupe,

    Avant que le matin envoie tout ça au loin.

     

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

    Cliquez sur l'archange et le démon pour passer à l'étape suivante


    votre commentaire
  • Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) - Amélie-les-Bains (232 m) 21,5 kms6eme étape : Samedi 22 août 2009.

    Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) - Amélie-les-Bains (232 m) 21,5 kms

    (En raison d'un dysfonctionnement de mon appareil-photo, de très nombreux clichés sont de très mauvaises qualités. J'ai tenté d'en corriger certains afin de leur donner un peu plus de relief.) (La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) - Amélie-les-Bains (232 m) 21,5 kms

    Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

    Les étoiles qui trouent la nuit du Vallespir, les étoiles qui jouent ne pourraient me guérir, seuls tes bras à mon cou… Extrait du roman " Le berger des abeilles ". Armand Lanoux (1913-1983) écrivain français.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms LE PILON ET LA PUREE :

    Avant de me mettre au lit, je suis resté longtemps les bras croisés à regarder par la fenêtre. L'air était chaud et le ciel étoilé. Les montagnes étaient noires mais l'obscurité n'était que partielle. Dans cette nébulosité, quelques étincelles scintillaient dans les collines les plus basses. Une fine ligne de lumière au dessus du Mont Capell faisait comme une longue frise phosphorescente. Je me disais : c'est vers cette lueur que je partirai demain pour la fin du voyage. Mais dans ma tête, ces mots que l'on aurait pu croire sinistres, ne l'étaient absolument pas, bien au contraire. Ce n'était qu'encore et toujours ce désir de marcher vers un horizon inédit et cette espèce d'avidité à découvrir des paysages nouveaux. Mais beaucoup d'autres pensées se bousculaient dans ma tête. Mes sentiments étaient partagés entre l'envie de rentrer à la maison et la nostalgie de terminer un périple auquel je commençais à prendre goût. Après l'éprouvante épreuve que j'avais vécue à la forêt du Miracle, les choses s'étaient plutôt très bien passées malgré l'épisode agaçant aux Tours de Cabrens que j'avais fini par ne plus déplorer et bien au contraire apprécier, grâce à ce visage que j'avais aperçu dans la haute falaise. Marcher deux ou trois jours de plus de cette manière et passer des soirées comme celle que je venais de connaître ne m'aurait pas spécialement dérangé.

    Mais au matin en me levant, je suis plutôt mélancolique. Une mélancolie digne de " Demain dès l'aube… ", cette circonstancielle poésie de Victor Hugo que j'avais apprise à l'école primaire et dont je me souvenais vaguement:

    Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,

    Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.

    J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.

    Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

     

    Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

    Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,

    Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisés

    Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit…..

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    J'ai quitté la Maison Noëll et leurs sympathiques propriétaires Isabelle et Mario par une multitude d'escaliers qui rejoignent le bas de Saint-Laurent. Le ciel est blanc et n'est pas aussi lumineux qu'hier. En plus, mon appareil photo " n'en fait qu'à sa tête " ! Je ne parviens à comprendre d'où vient le problème quant à la mauvaise qualité des images : dysfonctionnement de l'appareil ? humidité ? choc ? 

    Mais une " bonne " douche puis cette espèce d'effervescence qu'il y a autour du petit déjeuner finissent par sceller le sort de cette nostalgie. Tout le monde semble excité à cette idée de partir. Mes amis d'un jour sont, tout comme moi, presser de quitter Saint-Laurent-de-Cerdans. On part tous dans des directions opposées mais pour chacun, et avec des itinéraires complètement différents, les distances à parcourir seront très longues. Le jeune vététiste part vers sa Bretagne natale, les Tchèques doivent rejoindre Bruxelles et leur travail au Parlement Européen et moi, j'ai encore une vingtaine de kilomètres avec de gros dénivelés qui m'attendent avant de rallier Amélie. Et pourtant, je prends le trajet le plus rectiligne sinon en poursuivant le vrai tracé du Tour du Vallespir par Montalba, celui de la carte IGN mais qui n'est pas celui de Véron, l'étape aurait fait 8 ou 9 kilomètres de plus. Mais à dire vrai aussi, mon itinéraire est loin d'être le plus facile car il en existe un autre qui évite toutes les crêtes et donc tous les dénivelés. Mais avant le départ, il m'a fallu faire un choix et encore une fois, j'ai opté pour celui que Véron indiquait dans son topo-guide.

    Mon sac à dos, mon bâton et mon bob m'attendent déjà devant la porte car je n'ai pas de panier repas à récupérer. Mais au moment de partir, Isabelle a néanmoins cette délicatesse de m'offrir un gros sachet de croissants. Il est déjà 8h 30 et après les traditionnelles bises aux dames et les serrages de mains aux hommes, je sors dans la petite ruelle de la Sort.

    Les Tchèques chargent leur voiture. Un dernier signe de la main et je prends la ruelle de l'Eglise qui me fait faire un demi-tour de celle-ci. J'ai bien envie de découvrir le patrimoine historique de Saint-Laurent-de-Cerdans mais malheureusement le temps me manque. Dommage, car je connais uniquement cette ville comme la capitale de l'espadrille que l'on appelle ici la " vigatana " mais aussi pour ses colorées " Toiles du Soleil " connues dans le monde entier. Je descends un long escalier d'une centaine de marches qui surplombe magnifiquement le bas de la ville. Malheureusement, les fumées d'un écobuage qui montent vers moi voilent cette vision. A la première épicerie venue, je m'arrête pour quelques achats pour le pique-nique de midi mais en complétant simplement le gros sachet de croissants qu'Isabelle m'a donné. Je remplis mes gourdes à une jolie fontaine où coule une eau délicieusement douce et fraîche. Par chance, cette fontaine est sur l'itinéraire enregistré dans mon GPS, ce qui m'évite de longues tergiversations pour trouver la bonne direction à prendre pour sortir de Saint-Laurent-de-Cerdans.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Bien que balisée en jaune, la sente qui doit rejoindre le Tour du Vallespir n'est pas facile à suivre dans cette épaisse végétation essentiellement composé de petits chênes verts et de quelques pins. Elle coupe des pistes par des raccourcis peu évidents à voir mais heureusement, je reconnais certains signes rencontrés lors d'une précédente sortie dominicale au Mont Capell comme ces gros rouleaux bleus. De temps à autres, quelques panonceaux me rassurent quant au chemin à poursuivre. Mon numérique continue à mal fonctionner au niveau de la pixellisation et les photos apparaissent blanches sur l'écran. Les lointains panoramas sont sans relief mais heureusement mes yeux sont là pour pallier à cette défaillance ! Je peste tout de même car le reportage que j'ai prévu de faire à mon retour s'en ressentira !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Je suis presque monté au Mont Capell. J'aperçois Saint-Laurent-de-Cerdans au loin. De beaux paysages se sont dévoilés dans la montée. A un minuscule cairn, je quitte la piste pour une étroite sente où je retrouve le Tour du Vallespir. Cette sente descend enfin vers le col de Noëll.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Au col Noëll, j'arrive sur une large piste qui va au Mas de La Bouadelle. Le Mont Capell est dans mon dos désormais mais d'autres sommets m'attendent encore !

    Cette route d'abord goudronnée qui se transforme rapidement en une piste sableuse puis en un sentier au bon dénivelé, je la reconnais immédiatement. Elle grimpe en direction du Mont Capell que j'ai déjà gravi avec Dany lors d'une sortie dominicale. Tout en montant dans cet exceptionnel décor de verdure, je comprends mieux pourquoi, dans ce pays, des hommes se sont battus becs et ongles pour empêcher que la THT passe au Mont Capell. Celle ligne à très haute tension prévue par EDF qui doit rallier l'Espagne n'a rien à faire ici, dans cette forêt vierge de toute habitation, terrain de jeu des hardes de sangliers et qui abrite d'autres espèces floristiques et fauniques remarquables. Par de courts raccourcis, le sentier continue à couper la piste sableuse. Tous les coins ombragés sont bons à prendre tant la chaleur est déjà lourde et étouffante. Au pied du mont, en retrouvant le balisage jaune et rouge du Tour du Vallespir, une fois encore, je regarde ma montre. Deux heures, j'ai mis pour arriver ici et une de mes gourdes est déjà passée à la trappe.

    Maintenant la piste redescend au milieu des genêts et des fougères en direction du Col de Noëll et du Mas de la Bouadelle. Je prends bien sûr quelques photos mais sans vraiment de conviction car cette fois c'est sûr, mon appareil est complètement déréglé et à chacune des photos, il suffit que je regarde l'écran pour faire cet amer constat. Les photos sont sans relief, voilées, fades et blanches. Un peu comme la couleur du ciel aujourd'hui qu'un air chaud venant de la mer embrume. Je ne sais que faire et je m'en veux d'être parti de la maison sans avoir lu la notice. En arrivant à ce col de Noëll, j'aimerai bien savoir si ce " Noëll " a un rapport avec la famille dont m'a longuement parlé Mario hier soir. Je suppose que oui. Vers le nord-ouest, une longue écharpe de nuages blanchâtres stagne sur les montagnes. Mais dans la direction où je file, le ciel est immaculé. La piste se remet à monter jusqu'à un carrefour où j'aperçois le Mas Bouadelle sur ma droite derrière une haie de feuillus.

    Blotti dans un joli cadre de verdure, l'endroit me semble agréable pour venir y passer un week-end, randonner, se reposer et quitter pour un temps la civilisation. Je promets de m'en souvenir. En me retournant, je vois à l'opposé, une clôture et un portail auquel un panonceau jaune est accroché. Il indique : " Pilon de Belmatx " sans autre indication, ni d'altitude, ni de distance, ni de temps pour y parvenir. Je ne connais pas grand chose de ce pic que je n'ai jamais escaladé, sauf que j'ai lu dans quelques guides de randonnées, qu'il est souvent considéré, avec plus de mille mètres de dénivelé depuis Arles-sur-Tech, comme un sévère " incontournable " pic des Pyrénées-Orientales. D'ailleurs chaque année, on y organise une épreuve désormais notoire dans le calendrier des spécialistes des courses en montagne.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms 

    Je quitte le carrefour de la Bouadelle par une terrible sente qui s'élève raide sous un cagnard brûlant, direction le Puig de la Senyoral (1.315m) et le Pilon de Belmatx (1.280 m). Dans cette sévère montée, je vais souffrir physiquement mais aussi moralement !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Dommage que les photos soient blanches car les visions des panoramas sur Saint-Laurent et les montagnes gravies hier sont superbes ! Le Mont-Capell est déjà loin maintenant et les tours de Cabrens ne sont visibles qu'en mode rapproché.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Déprimé, je me mets à pleurer dans cette terrible sente rocailleuse qui monte à 1.212 m à la Serra de la Garsa. Mais après le déjeuner et le col de la Senyoral, je me reprends et continue de monter vers le Pilon de Belmatx sur un chemin plus large où l'ombre est très rare. Le temps est lourd et je n'ai jamais eu si chaud !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Je viens de déjeuner, je quitte la Serra de la Garsa et descend au col de la Senyoral. Mais d'ici, je vois parfaitement que le chemin remonte de " plus belle "

    Alors comme hier soir, je n'ai pas trouvé trop de temps pour revoir sur le papier cette étape, j'ouvre ma carte IGN car j'ai vraiment besoin de savoir ce qui m'attend.

    Le Pilo de Belmaig, car c'est ainsi et en catalan qu'il est présenté sur ma carte, culmine à 1.280 mètres. Devant ce portail, je suis à 980 mètres d'altitude selon mon GPS et le calcul est simple et rapide, à ceci près, qu'un autre pic, le Puig de la Senyoral se présente juste avant à 1.315 mètres de hauteur. Mais quand je regarde le parcours d'un peu plus près, je constate qu'en réalité, jusqu'à ce Pilon de Belmatx ou Belmaig, ce n'est qu'une succession de descentes et de montées. D'ailleurs, il suffit que je lève la tête et la montée est déjà là devant mes yeux et la ligne de départ à mes pieds. Cette longue montée commence ici exactement, et je la vois qui monte, monte, monte, monte…. dans la montagne qui me fait face. Mais sommes toutes, cette étude fortuite de ma carte a un effet plutôt bénéfique sur mon moral. Après tout, ce n'est guère plus que 300 mètres de dénivelé que je vais avoir à monter et non pas mille. Les mille mètres, par contre, je vais avoir à les descendre et même peut-être un peu plus pour aller à Amélie, mais j'ai le temps d'y penser. Je pousse le portail et je m'élance dans cette sente qui monte au milieu d'une lande de fougères et de genêts. D'emblée, la sente s'élève très abrupte. Sous un cagnard de plomb, la chaleur monte comme du feu le long de mes jambes. Jamais, je n'ai eu si chaud depuis mon départ. La transpiration sort par tous les pores de ma peau, mais l'aspect le plus désagréable c'est cette sueur salée qui coule de mon front, emplit mes yeux, me rend aveugle et me fait pleurer. Avec le bob, je tente de m'essuyer ces yeux qui larmoient sans cesse, mais c'est en vain, car le bob, lui aussi, est trempé de sueur. Je sens que je peine dans cette sente raide, souvent caillouteuse, parfois très ravinée, mais cette fois, et sans appareil photo marchant convenablement, les papillons, pourtant nombreux, ne sont plus un dérivatif à cette souffrance. Alors, je sors mon lecteur MP3 pour écouter un peu de musique. Trois chansons sur quatre sont des slows, des musiques douces avec de belles mélodies comme je les aime. Ce n'est jamais la panacée, mais dans cette ultime rampe rocailleuse et terrible avant le Pla de la Conca, je me dis que la musique devrait m'être d'une aide précieuse. En tous cas, depuis mon départ c'est toujours ainsi que j'ai vécu ces moments où je m'enfermai dans la musique pour oublier l'âpreté des montées. Mais cette fois, je ne sais pas pourquoi, la musique a un effet inverse. Ai-je accumulé trop de fatigue ? Ce dénivelé est-il soudain trop difficile pour mes vieilles jambes ? Est-ce la chaleur conjuguée à trop d'efforts consécutifs ? Est-ce un simple coup de déprime après mon réveil cafardeux de ce matin ? En tous cas je ne l'entends plus cette musique et je me laisse submerger par des idées noires pensant aux êtres chers que j'ai aimé et qui ont quitté cette terre. Puis, je me mets à penser à ma mère, elle qui aimait tant mes récits de randonnées et qui disait toujours quand elle en avait terminé leur lecture : " C'est bien, je suis contente, j'ai l'impression d'avoir marcher avec toi sur ces chemins ". Elle ne pourra plus lire d'autres histoires, ni marcher avec moi sur ce Tour du Vallespir : Alzheimer est passé par là ! Toutes ces idées noires finissent par m'engloutir et je me mets soudain à "pleurer comme une madeleine ". Quand j'arrive au sommet, je m'écroule en pleurs dans la caillasse. J'ai un mal fou à retrouver une respiration normale car les sombres pensées s'entrechoquent dans ma tête comme les auto-tamponneuses d'une fête foraine. Maintenant, je repense à mes enfants et aux altercations que j'ai eues avec eux juste avant mon départ. Ils critiquaient ma manière trop " personnelle " de vivre ma retraite et j'avais un mal fou à m'expliquer et à me défendre. Je l'ai tant idéalisée cette retraite et hormis notre voyage à la Réunion et ces quelques jours sur le Tour du Vallespir, depuis une année, elle se passe si peu comme je l'avais imaginée. Je trouve peu de réponses à ces attaques mais je me promets d'y réfléchir et de faire des efforts. J'étais sans doute dépressif depuis quelque temps et cette déprime rejaillit aujourd'hui. Je sors lessivé de cette violente montée, de ces angoisses et de cette crise de larmes incontrôlable. Je reste de longues minutes allongé sur ce petit col pierreux à tenter de récupérer pour retrouver mes esprits. Quand je me lève enfin, c'est pour m'apercevoir qu'ici, les décors changent. Je vais quitter un maquis ensoleillé et brûlant pour un chemin gazonné et plus large qui redescend dans un petit bois de pins jusqu'à un verdoyant collet. Il est 12 heures tapantes et comme d'ici, je vois parfaitement qu'après un petit col, la pente remonte de la plus belle des manières, je préfère arrêter là pour déjeuner et me reposer un peu. Ici, je suis au sommet de la Serra de la Garsa à 1.212 mètres d'altitude, je vois parfaitement Saint-Laurent-de-Cerdans, le Mont Capell, le chemin parcouru aujourd'hui et les autres montagnes traversées hier. Mais décidément, il fait bien trop chaud dans ce pré caillouteux et je pars déjeuner dans le bois, bien à l'ombre des pins.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Je finis par arriver au Puig de la Senyoral (1.315 m), point culminant de cette journée, mais la sente va redescendre un peu et remonter encore au Pilon de Belmatx (1.280 m). Ici, j'ai parcouru environ la moitié de la distance du jour.

    40 minutes, il a duré cet arrêt, pas le pique-nique car je n'avais pas très faim, mais il a failli être bien plus long car je me suis assoupi quelques minutes sur un tapis de ramilles. Mais heureusement quelques fourmis voraces ont su me réveiller et me déloger de leur territoire. Après le collet de la Senyoral, à 1.182 mètres selon mon GPS, où je croise un nouveau panonceau " Pilon de Belmatx ", la pente continue toujours en plein soleil, puis, elle entre avec bonheur dans une fraîche hêtraie. Mais elle en ressort presque aussitôt et longe désormais des haies de buplèvres, de genêts, de fougères, de framboisiers ou des ronces aux mûres bien noires mais peu sucrées. Ce chemin que j'arpente très légèrement sur le versant sud de la Serra de Montner, suit une longue crête qui finit bien après le Pilon de Belmatx au col de Paracolls. Mais dans l'immédiat, il me faut atteindre la première difficulté de cette crête qui n'en finit plus de monter, le Puig de la Senyoral. Mais au moment où je l'atteins et avant même de réaliser où je suis, je ne vois qu'une chose devant moi, ce paysage à perte de vue jusqu'à la Méditerranée et sur ma droite, le Roc de France (1.450 m). Le Pilon de Belmatx est devant moi légèrement en contrebas bouchant quelque peu l'horizon. Le temps de quelques " fades " photos au sommet et je descend dans un pente très raide vers ce pilon ardent que le soleil au zénith semble vouloir enflammé. J'ai vidé mes deux bidons et malgré mon désir d'économie, j'ai déjà entamé la poche Camelback de 2 litres. Si le chemin continue ainsi jusqu'à l'arrivée avec si peu d'ombre, c'est moi qui vais finir liquéfié. D'autant qu'après ce nouveau collet, le chemin remonte légèrement vers un sommet rocheux.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Après le Puig de la Senyoral, le chemin redescend vers le Pilon de Belmatx que j'aperçois devant moi. D'ici, les grands panoramas s'entrouvrent jusqu'à la mer mais dommage, au loin, une écharpe de gros nuages blancs obstrue tout l'horizon.

    En arrivant, comme je suis persuadé qu'il s'agit du sommet du Pilon de Belmatx, je pose pour une photo, tel Hillary au sommet de l'Everest. Mais quand je redescend et contourne ces rochers, c'est pour m'apercevoir que le véritable sommet est beaucoup plus loin et surtout un peu plus haut. Un gros mamelon arrondi et rocailleux est encore à gravir devant moi. Une fois encore, je prête une grande attention à ne pas tomber dans ce sentier qui zigzague dans les rochers. Cette attention est d'autant plus nécessaire que la fatigue se fait plus astreignante et je sens bien que mes jambes ne répondent plus aussi bien aux sollicitations permanentes auxquelles elles sont soumises. Je transpire comme un malade et en tous cas, comme jamais depuis le début de ce Tour du Vallespir. La sente est parfois si difficile qu'ici les baliseurs ont mis des cordes pour se tenir et se hisser sur les hautes marches que constituent ces blocs de roches. Et quand j'arrive enfin au sommet, je comprends pourquoi on l'appelle " pilon ". Je ne sais pas si ce nom a la même signification que celle qu'en donne le Larousse mais ce sommet peut se vanter de m'avoir désagréger à l'état de purée. Je suis décomposé, vermoulu et malgré les boissons énergétiques et les gels énergisants, les dénivelés en plein soleil et à répétition ont eu raison de mes forces.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsLe marcheur libre au Pilon de Belmatx

    Le marcheur dans sa tête était un homme libre,

    Mais son cœur était triste et la sente pénible.

    Il se mit à pleurer sur de sombres pensées,

    Le pas plus hésitant à vouloir avancer.

     

    Courbé sur son bâton, il souffrait le martyre,

    Montant toujours plus haut sans vouloir ralentir.

    Un pilon sur sa route releva le défi,

    Belmatx, il s'appelait, dans la géographie.

     

    Le marcheur entêté voulut lui faire face,

    Mais un soleil brûlant lui ôta toute audace.

    Ecrasé par les roches et tous les minerais,

    Il sortit du pilon à l'état de purée.

     

    Mais au fond du vallon, l'attendait Amélie.

    Il releva la tête car elle était jolie.

    Il quitta le Pilon comme on salue l'artiste,

    Car vaincre en étant seul, ce n'est pas réaliste.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Avant d'arriver au Belmatx, le chemin suit une longe crête rocheuse, la Serra de Montner où il est difficile de progresser. A un moment, je crois être arrivé au sommet et je me prends en photo. Mais non le Pilon est encore beaucoup plus loin et un peu plus haut. Je viens de boire ma dernière goutte d'eau et vais souffrir en plein soleil.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Le chemin du Belmatx est si difficile que le club de randonnée d'Arles-sur-Tech " les Caminadors Lliures " a installé des cordes pour se hisser. J'arrive au sommet près d'une petite construction et d'une rose des vents. Les vues sont superbes !

    Il est impératif que je reprenne des forces et pour cela il faut que je m'arrête un peu, car après tout il n'est que 14 heures ! Après une photo devant un petit caisson fait de pierres et de briques rouges surmontée d'une rose des vents et où il est écrit en catalan " Els Caminadors lluires ", en français " les marcheurs libres ", je pars m'installer bien en surplomb d'Arles-sur-Tech.

    D'ici, je profite d'un panorama exceptionnel à 360 degrés. Mais mon regard est surtout attiré par le versant opposé de cette vallée du Tech que je domine. Une fois encore, je cherche à retrouver les sentiers sillonnés, les monts escaladés, les cols franchis les premiers jours et si parfois je décèle un endroit, je ne peux m'empêcher de penser au fond de moi : " Que de chemins parcourus en 6 jours ! ", " Que de jolis paysages traversés ! ", " Que de belles montagnes gravies ! ". Et encore qu'aujourd'hui, ce n'est pas le temps idéal pour une observation méthodique car depuis le Massif du Canigou et descendant jusqu'à la mer, il y a une longue masse nuageuse blanchâtre qui semble immobile et voile une immense partie de l'horizon. Tout en mangeant quelques fruits secs, ici au sommet de ce pic, je prends vraiment conscience du plaisir que j'ai eu à marcher, plaçant très loin derrière ce bonheur, et au second plan, toutes les déconvenues et les adversités que j'ai rencontrées. Maintenant, je suis à quelques arpents de l'arrivée et même si je dois redoubler de vigilance et passer encore quelques heures sur ces chemins, je me fais un principe et un devoir d'arriver en bon état et entier à Amélie.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Je suis au sommet du Belmatx mais j'ai tant souffert aujourd'hui : chaleur, manque d'eau, dénivelé, fatigue et déprime que présentement et toute proportion gardée, je considère ce sommet comme mon Everest à moi. Pourtant, avec ses 1.280 mètres d'altitude, c'est un sommet plutôt modeste mais pour les Arlésiens, c'est aussi un sommet mythique !

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Après le Belmatx, il y a plus de 1.000 mètres de descente à faire sur des sentes caillouteuses ou terreuses et parfois ravinées. Heureusement, les vues sont belles.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Après le col de Paracolls, je coupe le G.R.10 et ignore la Batterie Santa Engracia. Ici, je quitte définitivement ce Tour du Vallespir, direction Amélie-les-Bains. Mais dans la descente, c'est seulement Arles-sur-Tech que j'aperçois pour l'instant  depuis le chemin.

    Voilà, les dispositions dans lesquelles je suis au moment d'amorcer cette longue, raide et difficile descente vers le Col de Paracolls. Plus de milles mètres de dénivelé négatif que je vais avoir à descendre pour rejoindre Amélie. Et quand j'arrive au Col de Paracolls, c'est une première étape de franchie. Il est 15 heures et il m'a fallu presque trois quart d'heures pour parcourir les 380 mètres de ce dénivelé négatif et les 1.500 mètres de cette pente très raide, pierreuse, terreuse et souvent très ravinée. Maintenant, je comprends mieux pourquoi, on classe cette randonnée dans les " difficiles " malgré son altitude relativement modeste. Ici au col, le chemin coupe un GR.10 plein d'ornières. G.R. que j'avais laissé à Batère et qui file ici en direction de la frontière espagnole vers le Roc de France.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Après avoir longtemps cheminé en surplomb d'Arles-sur-Tech, j'aperçois enfin Amélie-les-Bains au travers de quelques branches. Peu de temps après, je retrouve un sentier que je connais bien. C'est celui du 25eme Léger qui monte vers la Chapelle Santa Engracia et les Batteries. Le Pilon de Belmatx est loin désormais.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsoSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kms

    Après avoir terminé toutes mes victuailles mais sans boire, c'est avec un grand bonheur que je tombe sur la source de la Madone, je bois jusqu'à plus soif. Puis, je descends en courant vers le parking des Thermes. La voiture n'est pas là ? Si !

    Là, je quitte définitivement le tracé du Tour du Vallespir, celui de la carte IGN mais pas celui de Véron. Et dans ces conditions, une fois encore, je n'ai pas l'impression de faire une entorse à ce tour. Je descends vers Arles-sur-Tech par le G.R.10, avant de bifurquer à droite par une nouvelle sente balisée en jaune qui entre et circule dans une châtaigneraie en direction de la Batterie de Santa Engracia. Quand de temps à autre, je sors de la dense forêt, c'est pour mieux dominer Arles-sur-Tech. Mais à vrai dire, ce sentier qui contourne la ville en zigzaguant, je n'en vois plus la fin. Je n'ai pas l'impression de lambiner et pourtant, il est 16 heures quand j'aperçois le panneau " Grande Batterie ". Ces batteries dites de Santa Engracia sont les ruines de petits bastions de surveillance construits par Vauban pour protéger le fort d'Amélie. Elles ne sont qu'à 5 minutes de marche et je ne les connais pas mais aujourd'hui j'en ai " plein les pattes " et je me dis que j'aurais certainement l'occasion d'y revenir. Je continue vers Amélie dont j'aperçois la ville entre quelques branches une demi-heure plus tard. Ici, pour y être déjà monté, je reconnais le panonceau " Chapelle Santa Engracia " qui se trouve à 15 minutes. Ce sentier, que l'on appelle le " Chemin du 25eme léger " en mémoire aux célèbres carabiniers napoléoniens, je le connais parfaitement. A un endroit que l'on a gentiment baptisé " Place Ascensio " j'ignore pourquoi, il y a un banc et comme j'ai faim, je m'arrête pour manger. J'ai tellement faim que je dévore tout ce qui reste de comestible au fond de mon sac à dos et il n'est pas question que je ramène quoi que ce soit à la maison. Mais ingurgiter autant sans pouvoir avaler la moindre goutte d'eau, j'avoue que ce n'est pas facile. Quand je repars, je suis content car hormis ma grosse boîte de fruits secs, je n'ai plus rien de consommable à transporter. 17 heures, je débouche sur la D.53, route goudronnée qui monte vers Montalba et descend vers Amélie. Mais je connais la sente qui descend par des raccourcis qui vont m'emmener en un rien de temps au parking des Thermes. Je ne sais pas pourquoi, je me sens léger, comme les 25eme qui devaient eux aussi descendre ce chemin, et j'ai l'impression de galoper dans cette descente. Disparue la fatigue et seule la Source de la Madone où coule une eau fraîche m'arrête dans cet élan. Je bois jusqu'à plus soif, remplis une gourde à moitié et continue ma descente au même rythme. Quand j'arrive en surplomb du grand parking, ce dernier est vide. Pas une seule voiture et surtout pas la mienne. Non c'est une blague, ce n'est pas possible, je rêve, on m'a piqué ma bagnole ! Je presse encore un peu plus le pas. Je cours dans cette ruelle cimentée toute en descente, l'œil rivé sur le parking. Non, elle est là, je l'aperçois maintenant ! Je m'arrête à bout de souffle, le cœur battant et les jambes tétanisées….

    Mes vieilles années

    Courent dans la montagne

    Courent dans les sentiers

    Pleins de maux et de pleurs

    Et les Pyrénées

    Hurlent au vent d'Espagne

    Crient la souffrance

    Qui brisa mon cœur…

    Voilà, j'ai jeté mon sac à dos dans le coffre, j'ai délaissé mes chaussures de randonnées au profit des tennis, j'ai repris la voiture, je suis passé sans m'arrêter devant la guérite vide du parking des Thermes. Mais en passant devant les bistrots d'Amélie, ça était plus fort que tout, je me suis arrêté à la terrasse d'un café pour savourer 50 centilitres d'une bière très fraîche dont j'avais rêvée une grande partie de l'après-midi et en tous cas, dès l'instant où j'avais manqué d'eau. Mais je n'ai pas traîné car je languissais de rentrer. Je suis remonté dans la voiture et j'ai longuement hésité avant d'écouter une radio sur mon MP3. J'avais sans doute la crainte d'une nouvelle coïncidence, style mes " Jeunes Années " de Trenet. Non, il n'y avait que de la " parlote " et j'ai alors changé de station. Mais qu'elle ne fut pas ma surprise, cette station passait la célèbre chanson de Joe Dassin " Le Chemin de papa ". :

    Qu'il est long, qu'il est loin, ton chemin, papa

    C'est vraiment fatigant d'aller où tu vas

    Qu'il est long, qu'il est loin, ton chemin, papa

    Tu devrais t'arrêter dans ce coin…..

    J'éteignis la radio. Non pas que je n'aimais pas cette chanson, bien au contraire. Mais là ce n'était plus du hasard, dans ce pays plein de légendes et de mystères, le Vallespir ne s'amusait-il pas à me jeter un sort ! C'est vrai, il avait été long, fatiguant et plein d'embûches ce Tour du Vallespir, et je le finissais meurtri. Mais au-delà de sa longueur et son âpreté, je savais que je garderai comme seuls souvenirs tous ces beaux paysages qu'il m'avait été donné de voir. Mon seul regret, j'avais vu peu d'animaux sauvages et en tous cas bien moins qu'il y a deux ans autour du Coronat : beaucoup de papillons, d'insectes, de lézards et d'oiseaux, mais seulement une fouine, deux écureuils, un isard et une vipère. Mais malgré cette petite déception, dans ma tête, le vrai titre de ce récit resterait quand même : " Sur les hauteurs d'une vallée âpre " mais belle.

     

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 6 : Saint-Laurent-de-Cerdans - Amélie-les-Bains - 21,5 kmsFin du récit 

    Cliquez sur le coeur si vous voulez consulter

    la bibliographie-les sites Internet-Le lexique-les remerciements


    votre commentaire
  • Bibliographie - Sites Internet - Lexique - Remerciements :

    Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi : ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui voudraient faire le contraire, et l'immense majorité de ceux qui ne veulent rien faire.

    Confucius (551 av.JC-479 av.JC).

     

    Bibliographie et cartographie :

    (Vous trouverez ci-dessous le topo-guide et les cartes que j'ai utilisés lors de ce Tour du Vallespir. Les autres livres m'ont permis de m'imprégner de cette région et ainsi de mieux la comprendre sur le plan culturel. Concernant l'Histoire et la géographie du Vallespir, de nombreux sites Internet m'ont aidé dans ces domaines.)

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Bibliographie - Sites Internet - Lexique - Remerciements

    -Canigou-Vallespir-Conflent- Le Guide Rando- Georges Véron- Rando Editions-2002.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Bibliographie - Sites Internet - Lexique - Remerciements

    -Carte IGN Top 25 2349 ET Massif du Canigou

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Bibliographie - Sites Internet - Lexique - Remerciements

    -Carte IGN Top 25 2449 OT Céret Amélie-les-Bains Palalda-Vallée du Tech.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Bibliographie - Sites Internet - Lexique - Remerciements

    -Promenade littéraire à travers le Vallespir - Recueil de textes et de poèmes- Michel Wallon - Les Presses- Littéraires-2002.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Bibliographie - Sites Internet - Lexique - Remerciements

    -Domenica ou la Vallée âpre- Roman- Marie Vallespir- Les Presses de l'Imprimerie du Vallespir-1959. Préface de Joseph Ribas. 

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Bibliographie - Sites Internet - Lexique - Remerciements

    -Mes Cahiers du Vallespir - Recueil Traduction de poèmes en catalan- Robert Gendre - Imprimerie Le Castellum-1975. Préface d'Abdon Poggi.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Bibliographie - Sites Internet - Lexique - Remerciements

    -Ballades Catalanes- Recueil de poèmes et de photographies- Alain Taurinya- Michèle Maurin - Editions Magellan et Cie - 2002

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Bibliographie - Sites Internet - Lexique - Remerciements

     -Mes jeunes années racontées par ma mère et moi - Essai de Charles Trenet et Marie-Louise Caussat-Trenet- Editions Robert Laffont-1978

     

    Sites Internet :

     (Autant que c'est possible, j'essaie de faire en sorte que les liens fonctionnent, chose peu facile certains changeant de nom de domaine, d'autres disparaissant carrément.)

    - http://clubdelittenim.wordpress.com/randonnees/

    - http://cortsavisempre.free.fr/index.html

    - http://histoireduroussillon.free.fr/Decouvrir/Regions/Vallespir.php

    - http://jeantosti.com/roussillon.htm

    - http://lamanere-barrutet.com/

    - http://pagesperso-orange.fr/casafr/vallespir/vallespir.htm

    - http://www.amelie-les-bains.com/

    - http://www.charles-trenet.net/

    https://www.vallespir.com/

    https://www.sudcanigo.com/item/damia-noell-chambres-dhotes/

    http://www.haut-vallespir.fr/

    - http://www.hotel-ausseil.com/

    - http://www.la-clau.net/

    - http://www.lamanere.fr/

    - http://www.mairie-perpignan.fr/

    - http://www.maisondupatrimoine-ceret.fr/

    - http://www.mediterranees.net/

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Montbolo

    - http://www.notredameducoral.com/

    https://www.vallespir-tourisme.fr/

    - http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rga_0035-1121_1941_num_29_2_4312

    - http://www.pratsdemollolapreste.com/

    - http://www.pyrenees-orientales.pref.gouv.fr/

    - http://www.reserves-naturelles.org/

    - http://www.reynes.fr/html/vallespir.htm

    - http://www.vallee-du-tech.com/

    - http://www.ville-arles-sur-tech.fr/

    - http://www.ville-saint-laurent-de-cerdans.fr/

     

    Cette liste de sites Internet n'est pas exhaustive car j'ai également consulté des sites comme Wikipédia, Wiktionnaire, Généanet, Freelang ou Lexilogos et divers forums. Il y a certainement bien d'autres sites concernant le Vallespir, la Vallée du Tech, les villes et les lieux visités lors de cette randonnée. Que ceux qui les ont créés m'excusent de ne pas les citer mais il m'était bien sûr impossible de tous les mentionner dans ce récit. Tous les sites évoqués ci-dessus ont largement contribués soit à la préparation ou à la réalisation du Tour du Vallespir lui-même soit à la rédaction de ce récit. Pour ces raisons, je remercie très sincèrement les auteurs, les propriétaires et les webmestres de tous les sites compulsés.

     

    Petit lexique classé dans un ordre d'apparition dans ce récit :

     

    Le lexique ci-dessous n'a pas la prétention d'être complet. Il reprend la plupart des noms propres cités pour tenter de les décrire ou de les expliquer dans l'ordre chronologique où ils apparaissent dans ce récit. Grâce à ces explications, j'espère que le lecteur appréhendera mieux la géographie et l'histoire du Vallespir. J'ai volontairement oublié certains noms et j'aurais pu par exemple citer Céret qui est la sous-préfecture du département des P.O, considérée comme la capitale du Bas-Vallespir, mais son absence vient simplement que la ville n'est pas située sur le Tour du Vallespir.

     

    Vallespir : Région vallonnée et montagneuse du département des Pyrénées-Orientales qui s'étire sur une quarantaine de kilomètres le long de la vallée du Tech. Le mot vient du latin " Vallis Asperi " qui signifie " vallée âpre " mais âpre au sens de difficile, rude, abrupt.

    Vallée du Tech et l'aiguat de 1940 : Bassin versant d'environ 750 km2 le plus méridional de France. Le Tech, long de 85 km, est un fleuve côtier des Pyrénées-Orientales qui prend sa source, dans le massif du Costabonne, au Roc Colom à une altitude de 2.450 m environ. Ce bassin versant associe montagne et plaine, avant d'atteindre la Méditerranée au lieu-dit le Bocal du Tech. Par son débit qui peut-être parfois très exceptionnel (4000 m3/s), le Tech est une fleuve redoutable. Au fil des siècles, il a très souvent débordé laissant le Vallespir et toute la Catalogne exsangue. Les plus effroyables inondations, qu'ici on appelle " aiguat ", ont eu lieu en 552, 1224, 1763, 1842 et 1940. Le Haut-Vallespir ayant été l'épicentre de cette catastrophe d'octobre 1940, de nombreux habitants gardent encore en mémoire les images d'horreur et de désastre de ces crues monstrueuses : 300 personnes perdirent la vie en Catalogne dont 50 côté français, 60 immeubles furent emportés à Arles-sur-Tech et Amélie-les-Bains où la gare et le casino disparurent dans les flots, des dizaines d'habitation furent emportées à Prats-de-Mollo et dans de nombreux autres villages. Des éboulements gigantesques de plus de 50 mètres de hauteur barrèrent la vallée (La Baillanouse), 4 usines électriques et de nombreuses entreprises furent pulvérisées, les coulées à la fois liquides et solides se déversèrent dans les campagnes dévastant toutes les cultures et laissant dans les terres arables une incroyable accumulation de rochers, de cailloux et de sables inadaptée à l'agriculture future, les flots emportèrent de nombreux ponts et voies de communication. Ces précipitations diluviennes furent considérées par les météorologues comme une " anomalie fantastique " de la nature. Vous trouverez quelques témoignages de l'époque sur la page Internet suivante : http://pluiesextremes.meteo.fr/france-metropole/Aiguat-fantastique-sur-le-Roussillon.html

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Bibliographie - Sites Internet - Lexique - RemerciementsMes jeunes années : Les paroles de cette chanson sont de Charles Trénet et la musique de Marc Herrand, pianiste, arrangeur de talent et ancien ténor des Compagnons de la Chanson. Elle date de 1949 (encore une coïncidence puisque c'est l'année de ma naissance !) et la partition est parue aux Editions Raoul Breton. Charles Trenet l'a composée lors d'une tournée qu'il effectuait au Canada. Dans l'importante discographie de Trenet, cette chanson figure dans pas moins de 27 disques et albums. Elle est donc une chanson très importante du registre du poète et chanteur. Charles Trenet y évoque ses souvenirs de jeunesse quand il allait courir la montagne du côté du Vallespir, du Canigou ou de la Cerdagne qu'il aimait tant. En 1922, son père s'installe comme notaire à Perpignan, ville dont il est natif. Peu de temps après, il fait la connaissance d'Albert Bausil, un ami à son père. Albert Bausil, l'enfant du Canigou, le poète et écrivain, chantre inspiré du Roussillon, lui fait découvrir les arts et la culture catalane. Pour le petit garçon émerveillé au regard clair, cette rencontre est capitale et Albert Bausil devient son mentor, voire son Pygmalion. Sans cet homme, qui aura sur l'adolescent une influence capitale, il n'y aurait peut-être pas eu de "Fou chantant", mais rien qu'un petit architecte de province… Bausil accueille Charles dans son "Coq Catalan", un petit hebdomadaire littéraire, satirique et sportif. Le jeune poète y fera ses premières armes, des vers qui, déjà, respirent la liberté et l'amour de la vie avec enthousiasme. Cette chanson a été reprise par nombre d'autres chanteurs et surtout par de nombreuses chorales comme les Petits Chanteurs à la Croix de Bois par exemple. Mais les meilleurs interprètes de Trenet restent les Compagnons de la Chanson qui ont repris un grand nombre de textes du grand poète. En 1978, "Mes jeunes années racontées par mère et moi" est un livre autobiographique écrit à quatre mains par Charles Trenet et sa mère Marie-Louise Caussat-Trenet paru aux Editions Laffont.

    (Personnellement, cette chanson, reste le souvenir et le symbole d'une jeunesse insouciante, éprise de liberté et d'amour de la vie et de la nature. Je me reconnais dans cette chanson et en la réentendant, elle est devenue tout naturellement un hymne à mon Tour du Vallespir). Cliquez sur l'image de la partition ci-dessus pour écouter la chanson.

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Bibliographie - Sites Internet - Lexique - Remerciements

     

    Georges Véron : Ce grand pyrénéiste né dans la Sarthe en 1933 est mort en 2005. Professeur de biologie, il a d'abord pratiqué le football et l'athlétisme pendant plus de vingt ans avant de découvrir les Pyrénées. Quand il découvre la chaîne de montagnes, il en " tombe amoureux " et en fait rapidement sa passion. Il enchaîne les balades à un rythme qui lui vaut le surnom de " stakhanoviste de la montagne ". En 1968, il effectue la traversée des Pyrénées et réussit le pari d'aller de la mer Méditerranée à l'océan Atlantique par la haute montagne, en 41 étapes, uniquement à l'aide de cartes. Il devient ainsi le créateur de la Haute Randonnée Pyrénéenne, célèbre H.R.P qui traverse les Pyrénées par les chemins pédestres des plus hautes crêtes et des plus hauts cols. A partir de là, il va se consacrer presque exclusivement à la randonnée, à pied mais aussi en V.T.T. Membre du Club alpin français, collaborateur de la Fédération française de la randonnée pédestre, il participe à la création du célèbre G.R.10, longue randonnée de 850 kms qui part d'Hendaye dans les Pyrénées-Atlantiques et se termine à Banyuls-sur-Mer dans les Pyrénées-Orientales . En 1978, il enseigne à Tarbes, conseiller technique de l'association " Randonnées Pyrénéennes ", Georges Véron publie de nombreux ouvrages et une trentaine de guides de randonnées consacrés aux Pyrénées : 100 randonnées, 100 plus beaux sommets, itinéraires de VTT et chemins de Saint-Jacques de Compostelle, etc.… Avec son topo-guide Canigou, Vallespir, Conflent, il est le créateur du Tour du Vallespir.

    Amélie-les-Bains : Autrefois, la ville s'est appelée les " Bains d'Arles ", nom provenant d'Els Banys (les bains) et d'Arles pour Arles-sur-Tech. Ce nom désignait un monastère qui était érigé à cet endroit. Le nom actuel date de 1840 et fut donné à la commune en hommage à la reine Marie-Amélie, épouse de Louis-Philippe, qui faisait de nombreux séjours aux Thermes. Vaste de 2943 hectares, située au cœur du Vallespir, au bord du Tech et de son affluent le Mondony, la commune est désormais composée de 2 autres villages qui ont été annexées : Palalda en 1942 et Montalba en 1962. La cité est une station thermale renommée depuis l'antiquité.

    Montbolo : Cité située sur la rive gauche du Tech à 600 mètres d'altitude, on l'appelle couramment le " Balcon du Vallespir " tant son panorama est exceptionnel sur la plaine du Roussillon, le Canigou, la chaîne des Albères et la vallée du Tech. De son exposition plein sud, Montbolo reçoit un ensoleillement maximum en hiver et, en été cette chaleur est tempérée par la fraîcheur due à l'altitude. L'absence de toute activité industrielle contribue à une qualité de l'air remarquable et pour compléter ce cadre idyllique, l'alimentation en eau est assurée par des sources captées à plus de 1500 mètres d'altitude. Ce village est également connu pour sa procession de la " Rodella " qui se déroule chaque 30 juillet et dont l'origine païenne remonterait au début du christianisme. Depuis l'église Saint-André de Montbolo, cette procession consiste à se rendre par un sentier forestier à l'abbaye d'Arles-sur-Tech pour aller vénérer les reliques des saints Abdon et Sennen. Mais la particularité de ce pèlerinage est de descendre une croix chrétienne sur laquelle a été placé un grand cerceau fait d'un enroulement de cire d'abeille que l'on appelle " la Rodella ". Il existe également autour de cette " Rodella " une légende basée sur un texte historique de 1465 que vous pouvez découvrir sur les deux sites Internet suivants :

    - http://histoireduroussillon.free.fr/Decouvrir/Traditions/Rodella.php

    https://www.labalma.fr/index.php/fr/camping-fr/fetes

    Formentere ou Formentera : Col à 1.133 m d'altitude situé à la limite du Haut-Vallespir et des Aspres sur le chemin du Tour du Vallespir et l'ancienne voie ferrée minière. Non loin de ce col, il y a le hameau oublié de Formentere, ancienne gare minière qui a eu son heure de gloire au temps de l'exploitation des mines de fer autour du Massif du Canigou (Batère, les Manerots, La Pinouse, Rapaloum, etc.…). De Formentere, grâce à une ligne de câbles et de chariots de plus de 5 kilomètres, le minerai cuit était descendu par voie aérienne jusqu'à Arles-sur-Tech.

    Batère : Lieu situé à cheval entre Vallespir, Aspres et Haut- Conflent connu pour sa tour médiévale du 13eme siècle construite à l'époque où les Rois de Majorque régnaient sur le Roussillon et la Cerdagne. Cette tour à signaux assurait la surveillance et la communication à l'aide de fumées le jour et de feux la nuit. Elle était certainement en liaison avec d'autres tours et châteaux du Vallespir (Montbolo, Corsavy, Cos, Mir, Palalda, Cabrens) et les tours d'autres régions comme la Tour de la Massane ou bien celle de la Madeloc. Mais Batère est également connu pour ses anciennes mines de fer, fer apprécié depuis la nuit de temps (200 avant JC). Ces mines étaient les plus importantes du département, elles alimentaient un nombre incalculable de forges. Les mines fonctionnèrent jusqu'en 1994 donnant à toute la région un essor économique considérable. En 1953, la société d'exploitation construisit à 1.540 m d'altitude un bâtiment pour les mineurs et leurs familles, ce bâtiment sert désormais de refuge et de gîte aux randonneurs de tout poil.

    La tempête Klaus : Le 23 janvier 2009, Klaus est le nom donné à une tempête en cours de formation par l'Institut de Météorologie allemand en l'honneur d'un certain Klaus Schümann. Au départ, c'est le satellite Météosat qui va envoyer des images d'une dépression étonnante situé sur l'Atlantique Nord, profonde dépression qui va engendrer des vents d'une force exceptionnelle et d'une vitesse inouïe. Cette tempête a principalement touché le sud-ouest de la France, la principauté d'Andorre, le nord de l'Espagne et une partie de l'Italie entre le 23 et le 25 janvier 2009. Dans le sud de la France, nombreux sont ceux qui considèrent à juste titre comme plus dévastateur Lothar, la tempête de décembre 1999, mais ce n'est pas le cas du Vallespir et du Roussillon où Klaus a été bien plus violent. Le 24 janvier, les dégâts ont été considérables et en tous cas, évalués à 38 millions d'euros. Le département a été reconnu comme en état de catastrophe naturelle. Tous les records ont été battus : 216 km/h au Col d'Envalira, 193 km/h à Formiguères, 191 km/h pendant deux heures au Cap Béar, 184 km/h à Perpignan, record absolu de 1999 battu de plus 40 km/h. Les forêts de résineux (pins sylvestres et cèdres) du Vallespir ont été parmi les plus ravagées et l'importance des dégâts a été estimée avec des prises de vue aériennes. Au-delà des dégâts, le problème pour la filière bois, c'est que cette tempête Klaus est arrivée dans une conjoncture économique beaucoup plus mauvaise qu'en 1999.

    Riuferrer : Affluent du Tech, le Riuferrer (la rivière du fer) est un torrent impétueux d'une longueur de 17,7 kms qui prend sa source dans le cirque du Faig au pied du Puig dels Tres Vents à une altitude de 2.300 m environ et se jette dans la Tech à Arles-sur-Tech. De nombreux pêcheurs parcourent ses rives pour ses excellentes truites.

    La Coumelade : Affluent du Tech, la Coumelade est une rivière qui prend sa source sur le versant sud de la crête des Tres Vents à 2.570 mètres d'altitude et qui, après avoir parcouru 15 kms, se jette dans le Tech au hameau Le Tech. Dans sa partie torrent, elle appréciait des adeptes de la descente en canyon.

    Saint-Guillem de Combret : Situé dans la vallée de la Coumelade, le minuscule hameau est essentiellement connu pour son ermitage dont l'histoire commence au 9eme siècle. A cette époque, une chapelle dédiée à Sainte-Magdeleine de Combret avait été construite par un certain " Guillem ". Guillem offrait, sans aucune compensation, gîtes et couverts à tous les pèlerins qui partaient de Saint-Michel de Cuxa pour se rendre à Saint-Jacques de Compostelle par le col d'Ares et l'Espagne. Guillem était si apprécié de tous les voyageurs et le lieu si prisé, qu'après sa mort tout le monde l'appela Saint-Guillem malgré qu'il n'ait jamais été canonisé. Aujourd'hui la chapelle et ses dépendances sont connues sous le nom de Saint-Guillem de Combret. Le hameau dispose d'un refuge non gardé. Malgré quelques restaurations, la chapelle a peu changé au fil des siècles, elle mesure 15 mètres de long pour 4 mètres de large et est de style roman. Sa cloche très ancienne est exceptionnelle et est à l'origine d'une légende prétendant que Guillem l'aurait modelée de ses propres doigts car il en reste, paraît-il, encore l'empreinte sur le métal. Le 22 juillet de chaque année, les habitants du village Le Tech, de Prats de Mollo et d'autres villages alentours effectuent un pèlerinage.

    La Parcigoule : C'est une rivière de 9 kms de longueur, affluent du Tech qui prend sa source à une altitude de 1.920 mètres au lieu-dit Les Estables. Elle rejoint le Tech au hameau de Saint-Sauveur entre Prats-de-Mollo et la Preste. Le bassin de la Parcigoule présente la particularité d'avoir été une des vallées les plus déboisées et dépeuplées du Vallespir, tout d'abord à cause des nombreuses forges qui utilisaient intensément son bois puis à cause des crues répétitives (aiguat) d'octobre 1940 puis d'avril 1942. Un reboisement et des barrages ont été aménagés pour stabiliser et protéger la vallée.

    Joseph de la Trinxeria : né en 1637 à Prats-de-Mollo, commune d'Espagne à l'époque, il s'insurgea contre la gabelle, cette célèbre taxe sur le sel, abolie depuis 1292 mais qui venait d'être réhabilitée en 1661 par Louis XIV après l'annexion de la Catalogne du Nord (Roussillon, Vallespir, Conflent, Cerdagne, Capcir) au royaume de France par le Traité des Pyrénées de 1659. En 1666, indigné d'avoir été surtaxé par les Gabelous, ces préposés chargés de la récolte, il leva une armée d'Angelets et tint tête pendant quelques années à toutes les troupes envoyées contre lui. Ces nombreuses victoires lui apportèrent un énorme prestige et nombreux furent ceux qui se rallièrent à sa cause. Il devint rapidement un héros dans le Vallespir tout entier et bien au-delà encore dans toute la Catalogne. C'est en partie à cause de ces révoltés que Louis XIV fit construire par Vauban, le Fort Lagarde de Prats-de-Mollo à partir de 1677. Quelques années plus tard, Joseph de la Trinxeria qui n'avait pas renié ses origines, devint officier des armées d'Espagne et se battit contre le royaume de France aux côtés des Miquelets. Il ne cessa jamais de se battre sur de nombreux fronts et termina sa vie comme colonel en 1689. Il mourut en 1694.

    Prats-de-Mollo - La Preste : Avec une superficie de presque 12.000 hectares, cette commune est la plus étendue du département des Pyrénées-Orientales. Située au bord du Tech à 735 mètres d'altitude, elle dispose d'un patrimoine historique exceptionnel : Eglise gothique Saintes Juste et Ruffine, Fort Lagarde et fortifications construites par Vauban, Tour de Mir, nombreuses chapelles, etc.… Il faut dire qu'au regard de sa situation géographique, Prats fût tout au long de son histoire le théâtre de soubresauts franco-espagnols incessants. Longtemps tournée vers l'agriculture, l'élevage, la sylviculture et quelques industries locales (textiles, espadrilles, etc.…), la cité vit désormais du tourisme et des Thermes de la Preste, bourg rattaché à Prats mais éloigné de huit kilomètres à une altitude de 1.130 mètres. Le mot " Prats " signifie " prés " mais deux versions s'opposent quant à l'origine du mot " Mollo ", certains le traduisant par " mouillé " d'autres avançant qu'il signifie " grosse pierre" en catalan. Alors " prés mouillés " ou " prés bornés ", les deux définitions ont leur logique tant la cité a été souvent la scène de crues mémorables mais aussi un bourg toujours borné ou limité par une frontière mouvante et parfois incertaine. Il faut savoir en effet que malgré le Traité des Pyrénées de 1659 signé entre le roi de France Louis XIV et Philippe IV, roi d'Espagne, le véritable tracé de la frontière entre la province du Roussillon et l'Espagne ne fût déterminé et borné que deux siècles plus tard en 1866 avec le Traité de Bayonne entre l'Empereur Napoléon III et la reine Isabelle II d'Espagne. De par leur situation géographique ambiguë et instable, c'est dire si les Pratéens ont longtemps été indécis et désorientés quant à leur citoyenneté réelle. Alors n'est-il pas un peu logique qu'ils aient été avant tout catalans avant d'être espagnols ou français ? En raison de son milieu, de son relief varié et de ses richesses naturelles remarquables (flore, faune et géologique) la commune a été classée " Réserve Naturelle " en 1986.

    La tour de Mir : Situé à 1.540 m d'altitude et datant du 13eme siècle, comme la tour de Batère, la tour de Mir était chargé d'émettre des signaux pour assurer les communications avec d'autres tours comme celle de La Guardia, une autre tour de Prats-de-Mollo où a été érigé ensuite le Fort Lagarde. A cette époque où les catalans se lancent dans de nombreuses conquêtes tout autour de la Méditerranée, la tour de Mir présente l'avantage d'être à la fois tournée vers la mer et vers l'intérieur des terres, car plus particulièrement affectée à la surveillance de Col d'Arès, passage obligé vers des territoires intérieurs comme le royaume d'Aragon notamment. De son piton rocheux, on aperçoit très distinctement le château et les tours de Cabrens, elles-mêmes en liaison avec la Tour de Batère et ainsi de suite jusqu'aux tours des Albères et du Roussillon. La tour de Mir est située sur le chemin du Tour du Vallespir.

    La Retirada : Le mot " Retirada " signifie " retraite " en espagnol mais il désigne plus particulièrement l'exode humanitaire que des milliers de républicains espagnols vécurent à partir de janvier 1939. En deux semaines, c'est 100.000 réfugiés qui passent la frontière au col d'Arès pour fuir la dictature de Général Franco dont l'alliance avec le régime nazi d'Hitler inquiète l'Europe toute entière. Le 31 janvier, le ministre de l'intérieur Albert Sarraut vient à Prats-de-Mollo pour organiser ces arrivées massives. Il fait construire 4 camps d'hébergement dans la vallée du Tech. Tout est bon pour accueillir les réfugiés et affronter ce glacial et cinglant hiver. Le 13 février, la frontière est officiellement fermée et gardée par les soldats de Franco. Mais ce sont environ 500.000 personnes, pleines d'un espoir d'un avenir meilleur qui arrivèrent en France par de multiples passages frontaliers. Mais pour ces réfugiés, internés dans des camps ceinturés de fils barbelés, cette espérance fût le plus souvent déçue, car ils avaient fuit l'arbitraire, la torture et la terreur instaurée par le régime totalitaire espagnol pour ne trouver en France que privation de liberté, dans des conditions généralement pitoyables pour ne pas dire inhumaines.

    Notre-Dame du Coral : Il s'agit d'une chapelle longue de 23 mètres et large de 7 mètres qui a été construite sur un éperon rocheux à 1.091 m d'altitude dans un cadre de verdure exceptionnel. On pense qu'à l'origine, au 9eme siècle, il s'agissait d'un simple sanctuaire (petite chapelle ou oratoire) qui servait de lieu de prières. Puis comme souvent, un village, ici Miralles, se développa autour de cette chapelle. La légende prétend qu'une statue de bois représentant la vierge Marie provenant de cette chapelle ait été dissimulée dans un tronc d'arbre, puis retrouvée plus tard. Cette trouvaille aurait été l'occasion d'un engouement populaire qui amena la construction de la nouvelle église paroissiale de Miralles. C'est ainsi que Notre Dame du Coral est apparue, bâtie sur les restes de la chapelle primitive, pour servir d'église aux habitants du village. Dans les textes historiques, Sancta Maria de Coral apparaît à partir de l'an 1267 comme appartenant à l'abbaye de Camprodon (Espagne). Mais au fil des siècles, et selon les mouvements de la frontière, le site eut divers propriétaires religieux, privés ou publics. Mais les occupants de la chapelle ont été le plus souvent des ermites forains qui voyageaient en quête de charité et d'oboles. A présent, la chapelle et certaines de ses dépendances servent de refuge avec gîtes, restaurant, tables et chambres d'hôtes. L'étymologie de " Coral " est très discutée mais la plus probable est que ce nom viendrait simplement de " corail " comme la couleur rouge de certaines roches que l'on trouve dans le secteur en montant par exemple vers le col de Malrems ou le Pla de la Muga.

    Lamanère : C'est un village du Vallespir situé à 777 mètres d'altitude et à vol d'oiseau vers le sud à moins de 3 kms de la frontière espagnole. Entourée de montagnes et de collines avec les Baga de la Sadella et de la Bordellat (1.554 m) au sud, le Mont Nègre (1.425 m) à l'est, le Roque de Cap de Ca et la serra de Cabrens (1.326 m) au Nord, le Puig de las Coubines et El Tossal (1.281m) à l'ouest et nichée au fond d'une verdoyante vallée à la jonction de plusieurs rivières et ruisseaux (Lamanère, Taix, etc.…) elle est la commune la plus méridionale de l'hexagone. Riche de divers minerais (fer, or, plomb argentifère, cuivre) qui y furent exploitaient en leurs temps, son nom proviendrait du catalan " La Menera " signifiant " La Minière ". Grâce à ses paysages magnifiques et variés, elle est un lieu propice à de nombreuses activités de plein air (randonnées, VTT, baignades, canyonning, etc.…). Mais de par son emplacement géographique très isolé, on ne connaît pas grand-chose de son histoire, si ce n'est qu'elle a longtemps était dépendante de la commune de Serralongue où régnaient au Moyen-Âge les seigneurs de Cabrens. Mais Lamanère, c'est aussi une rivière, affluent du Tech, longue de 15,7 kms, qui elle-même est alimentée par d'innombrables petits ruisseaux affluents.

    Les Estanouses : Minuscule hameau perdu du Haut-Vallespir situé au pied des tours de Cabrens, non loin des villages de Lamanère et de Serralongue à une altitude de 1.019 mètres. Il y a encore quelques années (2004 ou 2005), on pouvait le traverser en empruntant une des variantes du Tour du Vallespir. Aujourd'hui, ce chemin est barré car il est devenu un domaine privé, et si j'en crois mes recherches Internet, faisant chambres et tables d'hôtes pour accueillir les touristes.

    Cabrens : La seigneurie de Serralongue, commune du Vallespir, est gouvernée dès le 11eme siècle par les " seigneurs de Cabrenç " en référence aux chèvres qui peuplaient les collines et qui étaient les seuls animaux à pouvoir grimper jusqu'à leur château. Le premier seigneur fût Oriol de Cortsavi mais la dynastie des Cabrens composée de diverses familles au gré des alliances et des successions eut une immense influence sur une grande partie du Vallespir et régna fort longtemps et au moins jusqu'en 1792, date à laquelle l'état français créa les communes et où le dernier seigneur Abden Senen de Ros, baron de Cabrens s'expatria en Espagne. Aujourd'hui le site de Cabrens est surtout connu pour ses trois tours, objectifs de randonnées à partir de Lamanère ou de Serralongue. Situées au faîte d'une crête rocheuse, les trois tours sont en réalité les ruines du château construit en 1086 par les seigneurs de Cabrens, celles d'un donjon adjoint au 11eme siècle qui aurait fait office de geôles et enfin celle d'une tour à signaux du 14eme siècle qui communiquait avec de nombreuses autres tours du Vallespir (Mir, Batère et Cos). Au regard de sa position géographique dominante, l'ensemble devait constituer une forteresse quasi imprenable.

    Saint-Laurent-de-Cerdans : Le village daterait du 11eme siècle, date à laquelle des moines de l'abbaye d'Arles-sur-Tech aurait construit une église dédiée à Saint-Laurent, martyr du 3eme siècle. Le terme " Cerdans " apparaît au 12eme siècle avec le nom d'un mas (Manso de Cerdanis). Mais ce nom lui-même proviendrait du nom d'un peuple des montagnes de la région, descendant des Ibères qu'on appelait " Les Cérêtes ". Ce peuple serait aussi à l'origine des noms de la ville de Céret et de la région de Cerdagne. La ville construite à l'intersection de plusieurs cours d'eau (la Quére, le Saint-Laurent, la Bilvera, etc.…) est entourée de plusieurs " serrats ", petites chaînes de montagnes (Cogull, Montner, Provadona, Capell, Garsa, etc.…) dont la plupart dépassent les 1.000 mètres d'altitude. Elle fût un lieu de passage, d'échanges et surtout de contrebande avec l'Espagne tout au long des époques. Pendant très longtemps, la prospérité de la cité a reposé sur les industries liées au fer avec de nombreuses forges alentours qui ont données leurs noms à des lieux-dits (la Forge del Mig, la Forge d'en Bosc, la Forge d'Avall, etc.…), au bois (exploitation du châtaignier encore très présent dans les forêts de nos jours) mais l'industrie la plus originale a été celle de la fabrication d'espadrilles que l'on appelle ici " vigatanes " et qui, bien sûr, a été étroitement liée aux fabriques de tissus. Ces deux dernières activités artisanales sont encore bien présentes aujourd'hui au travers des sociétés " Vallespir Sandales " et " Les Toiles du Soleil ". Grâce à son riche patrimoine historique, culturel et naturel et au tout proche domaine hôtelier de Falgos pourvu de son terrain de golf de 18 trous, le village vit désormais au rythme du tourisme.

    La famille Noëll : Le 23 janvier 1676, l'église de Saint-Laurent-de-Cerdans avait brûlé ainsi que quelques maisons voisines dont celle de la famille de Noëll. Au 18eme siècle, la destruction de ces documents anciens avait amené Abdon Noëll à solliciter du roi de France Louis XV la reconnaissance et la confirmation de sa qualité de noble et de ses titres. C'est en décembre 1766 qu'Abdon de Noëll reçut cette confirmation et ses nouvelles lettres de noblesse signée de Louis XV et du duc de Choiseul. Il fût nommé baron de Vilaro, petit hameau proche de Saint-Laurent. Notaire à Saint-Laurent-de-Cerdans, Abdon, le seigneur de Vilaro, âme de la Résistance du Vallespir, fût le plus connu de tous car en avril 1793 avec l'aide du général espagnol Antonio Ricardos, il évita le massacre programmée par la Convention Nationale de toute la population de Saint-Laurent-de-Cerdans. Quand on sait que cette guerre entre la France et l'Espagne, galvanisé par l'hostilité de la monarchie espagnole envers la République Française, commença pour empêcher l'organisation d'une simple procession, on comprend mieux l'attachement que les Laurentins avaient pour leurs traditions et leur liberté de culte. Ce culte de l'église et cette liberté sont encore fermement ancré de nos jours et on les retrouve à travers diverses manifestations.

    Puis ce fût Jacques de Noëll qui, au 20eme siècle, grimpa l'échelle de la renommée, mais dans un autre registre, celui de la musique. Il fut un grand compositeur de musiques catalanes et de sardanes. Et comme ici en Vallespir, comme dans toute la Catalogne, la sardane est une danse et une musique sacrée, Jacques de Noëll fût un musicien très apprécié. Il y eut également Louis, archéologue apprécié, frère de Jacques mais mort trop jeune pour être resté dans l'Histoire. Mais tout au long des siècles, les de Noëll étaient surtout de riches aristocrates et des notables reconnus, certains étaient notaires, d'autres maîtres de forge ou propriétaires d'exploitations minières, d'autres propriétaires terriens. Malgré la perte de leurs titres de noblesse à la Révolution Française, les de Noëll gardèrent un certain prestige dans tout le Roussillon certains devenant des chefs d'entreprise reconnues, d'autres tentèrent l'aventure de la vie politique, beaucoup devenant maires de nombreuses communes. La bâtisse, maison de famille des de Noëll à Saint-Laurent-de-Cerdans avait été construite en 1606 et le premier occupant avait été un certain Damia (1560-1612) qui, au côté de Joseph de la Trinxeria, s'était révolté contre les effets néfastes du Traité des Pyrénées de 1659. Cette maison Damia Noëll a été rachetée, il y a quelques années, par un couple très sympathique Isabelle et Mario Lopes, qui en ont fait une table et des chambres d'hôtes absolument remarquables.

    Pilon de Belmatx ou Belmaig : Ici en Catalogne, on prononce " Belmach ". Il s'agit d'un sommet du Vallespir avec une altitude somme toute modeste puisque élevée au dessus du niveau de la mer à 1.280 mètres seulement. Il est situé sur une longue crête rocheuse qui s'appelle la Serre de Montner et qui surplombe la cité d'Arles-sur-Tech. Mais sa renommée vient justement de la difficulté que l'on rencontre à le gravir à partir d'Arles-sur-Tech puisque c'est pas moins de 1.020 mètres de dénivelé qu'il faut accomplir sur un sentier très difficile car terreux et caillouteux et très souvent raviné. Pour y monter, il faut emprunter un tronçon du célèbre GR.10 jusqu'au Col de Paracolls et c'est certainement pour çà que cette randonnée s'inscrit très souvent comme une " incontournable " du département. Montagne mythique pour les Arlésiens, chaque printemps, un trail de 11 kilomètres, course réunissant des spécialistes de ce sport mais aussi de simples concurrents est organisée par l'association Arles-Belmaig. Est déclaré vainqueur du " Km Vertical Walsh " celui qui accomplit exactement les 1.000 mètres de dénivelé (environ 100 mètres avant le sommet) dans le laps de temps le plus court.

    Arles-sur-Tech : Bien que n'ayant pas traversé cette ville lors de ce Tour du Vallespir, je l'ai eu très souvent devant mes yeux lors de la 1ere et de la dernière étape. Comment parler du Vallespir sans évoquer Arles-sur-Tech qui est certainement une des villes les plus anciennes de cette région puisqu'on a retrouvé des vestiges datant de la Préhistoire (dolmen). Comment parler d'Arles-sur-Tech sans parler de sa Sainte-Tombe et des saints Abdon et Sennen. En ce qui concerne la Sainte-Tombe et son fameux mystère, il s'agit d'un sarcophage de pierre du 3eme siècle qui est situé dans une courette de l'église et qui produit une quantité d'eau pure importante et " d'origine inconnue " (200 à 300 litres par an en moyenne, parfois beaucoup plus, jusqu'à 800 litres l'an). La thèse du miracle a bien évidemment été la première avancée, tandis que d'autres hypothèses ont vu le jour tout au long de l'histoire, relayées ces dernières années par des médias avides de sensationnel. Malgré un premier travail sérieux et concluant dans les années 60 et encore récemment, le panneau situé au dessus du sarcophage explique encore aujourd'hui que la Sainte Tombe n'ait pas livré son secret. Mais la théorie la plus souvent émise serait que le couvercle serait suffisamment poreux pour laisser pénétrer l'eau des pluies alors que le fond du sarcophage serait parfaitement imperméable. Quand à Abdon et Sennen, en l'an 960 un abbé se nommant Arnulfe aurait rapporté de Rome des reliques authentifiées comme étant celles de ces deux saints persans. Elles vaudront à Arles le surnom de "ville des Corps Saints". Ces deux Saints sont toujours vénérés à Arles. Mais autour de ces saints, il existe une légende qui se recoupe avec une autre légende du Vallespir, celle des " Simiots ", des êtres malfaisants, dévoreurs d'enfants, moitié félins et moitié singes qui vivaient dans les forêts et les montagnes du Vallespir. Je vous laisse le soin de prendre connaissance de ces légendes sur les excellents sites suivants :

    https://www.sudcanigo.com/decouvrir/contes-et-legendes/

    http://histoireduroussillon.free.fr/Decouvrir/Legendes/Simiots.php

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Abdon_et_Sennen

     

    Remerciements :

     

    Je remercie très sincèrement toutes les personnes qui m'ont accueillies lors de mes différentes arrivées d'étapes : au Refuge de Batère, à l'hôtel Ausseil à Prats-de-Mollo et à Notre-Dame du Coral. Partout, je fus parfaitement reçu. Bien sûr, ma meilleure soirée mais la plus onéreuse aussi fût celle passée à la Maison Damia Noëll à Saint-Laurent-de-Cerdans, il est vrai en table et chambre d'hôtes d'une qualité remarquable. L'accueil d'Isabelle et Mario fût tel qu'ils méritent vraiment une mention spéciale. Je conseille vivement cet endroit à tous les randonneurs qui pourront se permettre de dépenser 78 euros pour une demi-pension. J'ai essentiellement marché en solitaire sur ce Tour du Vallespir mais je remercie les quelques personnes que j'ai rencontré au cours de ce voyage et qui, d'une manière ou d'une autre, l'ont rendu plus agréable ou plus facile : le vigile des Thermes d'Amélie qui ne m'a pas fait de difficulté pour garer ma voiture, l'homme qui faisait un footing avec son chien à Montbolo qui m'a aidé dans la direction à prendre, le couple qui craignait l'orage et qui voulait me prendre en voiture à la Tour de Batère, quelques clients et l'aimable groupe d'Epinal rencontré au refuge de Batère qui effectuaient le GR.10, le très chaleureux couple et leur fille que j'ai aidé à la cabane de la Devesa au dessus de Leca, l'homme qui m'a expliqué le plus court chemin à prendre au Fort Lagarde, la dame qui m'a expliqué où se trouvait l'hôtel Ausseil, les anonymes clients catalans et parisiens du restaurant Ausseil qui m'ont permis de passer une agréable soirée à Prats-de-Mollo et ce, malgré la terrible journée que j'avais vécue, la pharmacienne de Prats-de-Mollo qui a su parfaitement calmer mes brûlures d'orties, la gentille randonneuse rencontrée à Notre-Dame de Coral, les propriétaires du Domaine des Estanouses avec lesquels depuis je me suis lié d'amitié, le breton vététiste et le jeune couple de Tchèques, clients de la Maison Damia Noëll. Je remercie enfin ma femme qui m'a laissé partir seul, mes enfants de m'avoir offert un lecteur MP3, objet ô combien précieux qui m'a énormément aidé dans les instants les plus difficiles. Je remercie enfin Charles Trenet et ses interprètes Les Compagnons de la Chanson pour leur magnifique chanson " Mes jeunes années ", mélodie avec laquelle j'ai marché très souvent tout au long de cette randonnée. Quand j'éprouvais des difficultés, cette chanson était là pour me remonter moral et enthousiasme. Pour moi, cette chanson restera pour toujours comme un hymne à ces 6 jours passés en Vallespir. 6 jours " Sur les hauteurs d'une vallée âpre " qui resteront à jamais gravés dans ma mémoire.

     

    Divers :

     

    Peu de temps après mon retour, le 24 août exactement, et en raison de la terrible et éprouvante épreuve que j'avais vécue dans la forêt du Miracle au dessus de Prats-de-Mollo, il m'a paru utile d'alerter les autorités pour que d'autres personnes ne tombent pas dans le même piège que les arbres couchés par la tempête Klaus du 24 janvier 2009 m'avaient tendu. J'ai donc adressé un e-mail à la Mairie de Prats-de-Mollo, à l'ONF, à la Fédération et au comité départemental de la Randonnée Pédestre pour les informer de la galère que j'avais éprouvée dans ce secteur du Tour du Vallespir situé peu après le Puig des Lloses en direction du Col du Miracle.

     

    Le 14 septembre, c'est avec satisfaction que je recevais une réponse de Madame Marie-Claire Baills, directrice de l'Office de Tourisme de Prats-de-Mollo dans laquelle elle m'informait avoir contacter Monsieur Joseph Dunyach, Président du club local de randonnée pédestre " Délit Ténim ". Ce dernier me répondait à travers une lettre jointe au message de Madame Baills.

     

    Pour les remercier de m'avoir répondu et d'être intervenu ultérieurement dans ce secteur de Prats-de-Mollo, j'ai volontairement joint à ce récit nos différents échanges de messages.

     

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Bibliographie - Sites Internet - Lexique - Remerciements

     

    Message adressé le 24 août 2009 à la Mairie de Prats-de-Mollo, à l'ONF, à la Fédération Française de Randonnée Pédestre et à son Comité départemental des Pyrénées-Orientales.

     

    Monsieur le Maire de Prats de Mollo, Mesdames, Messieurs,

     

    J'ai réalisé la semaine dernière la randonnée du Tour du Vallespir en 6 jours d'après le Guide Rando de Georges Véron : Canigou, Vallespir, Conflent paru chez Rando Editions. Randonnant beaucoup tout au long de l'année, j'avais eu l'occasion de remarquer que ce tour était plutôt bien balisé et que les panneaux indicateurs étaient nombreux. Je n'ai pas trouvé non plus sur Internet de contre-indications à effectuer ce tour. C'est donc en toute confiance mais muni néanmoins d'un GPS, d'un téléphone portable et des cartes IGN appropriées que je suis parti d'Amélie vers Batère le 1er jour, puis vers Saint-Guillem le 2eme jour, puis vers Prats de Mollo le 3eme jour, puis à Notre-Dame de Coral le 4eme jour, puis à St Laurent de Cerdans le 5eme et retour à Amélie le 6eme.

     

    Tout s'était très bien passé jusqu'au Puig des Lloses (1.413 m) qui sauf erreur de ma part se trouve sur la commune de Prats de Mollo. A cet endroit, le balisage rouge et jaune propre au Tour du Vallespir ainsi que le panneau d'orientation m'indiquait de poursuivre vers la droite alors qu'un 2eme panneau me proposait de descendre à gauche vers Prats de Mollo par le col de Cavanelles. Effectuant bien sûr le Tour du Vallespir et ayant de toute manière ce tracé-là enregistré dans mon GPS, j'ai normalement poursuivi vers la droite d'autant que rien à cette intersection du Puig des Lloses ne pouvait me laisser supposer que cette portion du Tour du Vallespir dans laquelle j'allais m'engager était complètement impraticable.

     

    J'ai 60 ans et je pense être un marcheur chevronné. Pourtant je ne vous cache pas qu'à cause des nombreux arbres décimés qui jonchent encore le sentier sur ce secteur depuis la tempête Klaus du 24 janvier dernier, j'ai eu à un moment le vague sentiment que j'était tombé dans un véritable traquenard. En effet, j'ai commencé à enjamber un premier arbre puis à passer sous un second, puis troisièmement à contourner un premier groupe d'arbres, puis je suis passé sous quelques autres arbres couchés puis au bout de 1,5 kms sans autre solution j'ai finalement quitté le chemin pour éviter un amoncellement qui me semblait de quelques mètres de large seulement (on constate en effet que le vent à suivi des couloirs plus ou moins larges) mais qui en réalité étaient absolument infranchissables. J'ai donc fini par me perdre dans cet immense labyrinthe d'arbres abattus et j'ai même pensé à un moment à appeler les secours depuis mon portable. Heureusement, que j'ai su garder mon sang-froid et grâce à mon GPS j'ai pu, après de multiples efforts, retrouver le sentier et j'ai réussi à rebrousser chemin pour en définitive rejoindre Prats par le col de Cavanelles.

     

    Attention ce message que je vous adresse et cette histoire que je vous relate n'ont pas pour objet d'émettre un grief envers quiconque mais simplement à vous prévenir qu'à cet endroit après le Puig des Lloses, le tour du Vallespir est particulièrement dangereux et infranchissable. Mais peut-être le saviez-vous ? De mon côté, je sais pertinemment que la tempête Klaus a provoqué des dégâts considérables et que ce n'est pas en quelques mois que l'on peut effacer les cicatrices d'un tel désastre. Je pensai toutefois que dans la mesure où un chemin serait impraticable un simple petit panonceau d'interdiction aurait été mis en place. Ayant eu l'occasion de marcher dans les Landes et le Gers il y a quelques semaines, j'avais eu l'occasion d'apprécier ce type de pancartes sur de nombreux sentiers. J'ai donc été très étonné qu'au Puig des Lloses aucun panneau ne vienne prévenir le randonneur de cette dangerosité, d'autant qu'un autre chemin permet d'accéder à la commune de Prats dans d'excellentes conditions. En été où les randonneurs sont très nombreux à parcourir les chemins de notre beau département des PO, je pense que de simples petits panneaux d'interdiction et/ou de conseils en pareils endroits seraient d'une redoutable efficacité et éviteraient bien des désagréments comme ceux que j'ai connus.

     

    Voilà, après tous ces déboires, et après trois heures d'errements, j'ai fini par arriver à Prats de Mollo avec seulement quelques égratignures, quelques bleus et les mollets douloureusement brûlés par les orties et griffés par les ronces.

     

    Le lendemain avant de repartir, j'ai longuement réfléchi sur le sentier que j'allais prendre et plutôt que d'opter par la poursuite du Tour du Vallespir par la Tour de Mir et le col d'Arès dont je sais que le secteur est particulièrement boisé aussi, j'ai emprunté le chemin le plus court pour rejoindre l'ermitage de Notre Dame de Coral. Il s'agit du PR.12 qui passe au col de la Guille. Bien m'en a pris, puisqu'une fois arrivé à l'ermitage, j'appris par d'autres randonneurs, qui en revenaient, que les chemins de la Tour de Mir et du col d'Arès étaient eux aussi barrés par de nombreux arbres couchés. Je ne l'ai pas constaté par moi-même !

     

    Voilà il m'a paru utile de vous apporter ce témoignage qui est tout frais. Comme je l'ai dit je ne fais aucun grief à personne d'autant que parmi les acteurs à qui j'adresse ce message, je ne sais pas qui est responsable des arbres couchés, du balisage présent ou absent, de la prévention à mettre en place en pareil cas, etc...

     

    J'espère simplement que quelqu'un fera bon usage de ce message.

     

    Recevez, Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs, mes respectueuses salutations.

     

    Gilbert JULLIEN

    Licencié à la FFRP sous le N° 0579504G

     

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Bibliographie - Sites Internet - Lexique - Remerciements

     

    Lettre réponse reçue de Monsieur Joseph Dunyach par l'intermédiaire de Madame Marie-Claire Baills, directrice de l'Office de Tourisme de Prats-de-Mollo.

     

    OFFICE DE TOURISME**

    66230 PRATS DE MOLLO - LA PRESTE

     

    DUNYACH Joseph

    Président du club de randonnée FFRP " Delit Tenim "

    Membre du Comité directeur départemental des PO

    Responsable des Sentiers

    Tel : 04.68.39.77.18

     

    A Monsieur JULLIEN Gilbert

     

    Monsieur,

     

    Je viens de prendre connaissance de votre courrier du 25 Août au sujet des problèmes que vous avez rencontré sur le Tour du Vallespir. Ce courrier m'avait été communiqué par le Président départemental lors de la réunion du Comité Directeur du 31 août à Perpignan et je le classe parmi ceux qui font plaisir à lire car ils démontrent la qualité des randonneurs de la FFRP et leur soucis de parfaire notre terrain de jeu naturel.

    Vous avez très bien exposé tous vos problèmes et je me sens un peu responsable de ce qui vous est arrivé car j'avais apposé un panneau de fermeture de sentiers à l'entrée du sentier au départ de Prats et je n'avais pas pensé aux randonneurs arrivant dans l'autre sens ce que je vais m'empresser de corriger en attendant l'ouverture que nous espérons prochaine de ce beau sentier sur le secteur du Miracle après le désastre de la tempête Klauss qui nous a donné bien des soucis.

    Je profite de ce courrier pour vous informer que le Tour du Vallespir va être complètement finalisé car il fait partie du grand projet du Conseil Général à travers son entité " Canigou Grand Site ".

    Si vous souhaitez recevoir les documents sur cet itinéraire vous pouvez nous communiquer vos coordonnées postales.

    Pour ce qui est du secteur de la Tour du Mir, la situation est tout à fait normale.

    J'ose espérer que ce courrier vous soulagera un peu de la galère que vous avez connu et je vous prie de m'en excuser encore une fois.

    Je joins une copie de ce courrier au Président du Comité Départemental qui m'avait demandé de vous répondre en tant que responsable du secteur ainsi qu'à Monsieur le Maire de Prats de Mollo La Preste.

     

    Recevez Monsieur mes sincères salutations et peut être au plaisir de se connaître un jour à Prats ou sur l'un de nos sentiers du Haut-Vallespir.

     

    DUNYACH Joseph

    Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Bibliographie - Sites Internet - Lexique - Remerciements

    Cliquez sur le photo pour revenir à l'accueil du blog.


    votre commentaire

  • Ce diaporama est agrémenté de 4 chansons sur le thème de l'arbre. Elles ont pour titre et sont interprétées par "Auprès de Mon Arbre" par Georges Brassens, "Même Pas Un Arbre" par Lynda Lemay, "Comme Un Arbre" par Maxime Le Forestier et "Aux Arbres Citoyens" par Yannick Noah.
    LE-CHEMIN-DES-FRENES
    Voir taille réelle
    CHEMINDESFRENESIGN

    Voilà maintenant quatre ans que j’ai acheté une petite maison à Urbanya et de ce fait, j’arpente régulièrement cette contrée. Dans ce blog, j’ai déjà eu l’occasion à maintes reprises de vous expliquer quelques itinéraires tournant autour de ce pittoresque petit village du Haut-Conflent. Encore très récemment, je vous ai conté une longue et belle balade jusqu’au bien notoire Refuge de Callau. Je pensais avoir fait le tour des principaux sentiers mais comme ma curiosité est presque sans limite, j’en découvre parfois de nouveaux. C’est le cas de ce Chemin des Frênes ou Cami de les Freixes dont j’ai trouvé le nom sur la carte cadastrale du village. Une balade plutôt courte n’excédant pas 6 km mais pleine d’imprévus et de découvertes. Des chemins qui se perdent dans les bois, j’en ai également trouvé, des sentiers oubliés et sans réelles issues mais encadrés de murets en pierres sèches aussi, mais celui-ci, qui à la particularité de courir sous les frênes et d’être « creux » dès le départ m’a paru bien plus longtemps praticable alors je m’y suis engagé pensant qu’une jolie randonnée y était réalisable. Elle le fut mais au prix de quelques errements qui au fil du temps ont pris des allures de plaisirs et d’aventures car finalement j’y ai fait de nombreuses découvertes et en plus j’ai réussi à en faire une boucle me ramenant vers Urbanya. Je suppose que cette accessibilité, je la dois aux chasseurs, principaux arpenteurs, qui n’oublient pas de temps à autres, de débroussailler les chemins pour accéder à leurs territoires fétiches où viennent s’égayer sangliers, chevreuils et autres cervidés mais je la dois aussi à tous les bovins laissés en liberté qui creusent des petites sentes et de ce fait ouvrent des nouveaux passages dans les endroits les plus inattendus. Sur ces terres oubliées depuis longtemps mais bâties de multiples vestiges agropastoraux, le plus souvent en terrasses en raison de la déclivité, des hommes courageux cultivaient autrefois des céréales, des pommes de terre et des vergers. Ici, au temps jadis, la forêt était peu présente et même si aujourd’hui, on imagine avec peine cette idée, quelques ancestrales photos retrouvées au fond de vieux greniers sont là pour prouver cette absence.  On est d’autant plus conforté dans cette idée, que plus l’on avance dans la balade plus les vestiges du temps passé y sont nombreux malgré une végétation qui s’épaissit. De ce fait, la faune pense y être en sécurité car désormais la forêt a tout envahi et notamment les frênes qui sont de très loin, les arbres les plus communs dans cette partie nord-ouest du village. Mais, quand la chasse rouvre, tous ces animaux deviennent des  gibiers et en sont pour leur frais. Cette terre qu’ils pensent avoir reconquise aux hommes devient trop souvent leur nécropole.  Puis la chasse s’arrête, les chemins s’embroussaillent de nouveau,  alors ils reviennent s’abreuver à la rivière. Car pour tout vous dire, ici au milieu coule la rivière. La rivière d’Urbanya, c’est le point central et le fil conducteur de cette balade, alors quand le chemin se perd, il faut la garder en repère et descendre vers elle, pour retrouver sur son autre rive, la suite de l’itinéraire.  La rivière d’Urbanya est le principal ruisseau mais il est alimenté par de multiples correcs secondaires descendant des montagnes les plus élevées formant un cirque autour du vallon : pic de Portepas, pic del Torn, roc de Peyrefite, pic Lloset, etc.…. Tous ces sommets, j’ai déjà longuement expliqué comment les gravir et parvenir à leur pinacle. Alors bien sûr, tout démarre du village où l’on laisse sa voiture sur le vaste parking. On enjambe le petit pont sur la rivière et l’on poursuit devant la mairie jusqu’au pont suivant. Là, commence, le chemin de Las Planes (les plaines), longeant toujours la rivière. On va suivre ce chemin sur une centaine de mètres et jusqu’au moment où le bitume disparaît. Nous avons presque atteint les dernières maisons du village et devant elles, le chemin amorce un virage sur une piste désormais terreuse. Ici, on prête attention car juste après ce virage, un autre chemin bien plus herbeux cette fois file à main droite. On l’emprunte mais presque aussitôt on le quitte pour un étroit sentier qui, sous des noisetiers, descend vers un petit ruisseau. Le sentier passe sous le tronc d’un énorme bouleau que les éléments naturels ont presque couché de manière horizontale. Le Correc de l’Hort, c’est le nom du ruisseau, est enjambé. On se faufile au travers d’un passage anti-animaux et l’on poursuit désormais sur un chemin creux. C’est notre Chemin des Frênes ou Cami de les Freixes. Les frênes, il suffit de lever la tête pour en constater l'étonnante présence. Si en Conflent, le frêne ne représente que 7 à 8% des arbres et n’arrive qu’en 4eme position au niveau des feuillus, après les chênes verts et pubescents et les hêtres, ici, dans ce secteur, ils sont légions. Ici, pour l’essentiel, il s’agit du Frêne élevé ou Frêne commun ou Fraxinus excelsior pour les érudits de botanique et pour tous ceux aussi qui ne veulent pas que le latin disparaisse à jamais de nos écoles. Dans d’autres régions, il est connu sous d’autres dénominations comme le Grand Frêne ou Frêne à feuilles aiguës ou bien encore le « Langue d’oiseau » ou le « Quinquina d’Europe ». Ce dernier nom est donné à un vin que l’on peut réaliser en faisant macérer son écorce. Quelque soit le nom et bien qu’il existe plusieurs espèces, ici c’est toujours le même arbre et il peut atteindre 40 mètres de haut mais avec un tronc dont la circonférence restera toujours modeste et d’un mètre au maximum pour les plus vieux d’entre eux. Au départ de la balade, seuls quelques rares merisiers arrivent à les concurrencer mais plus l’on monte en altitude et plus la diversité s’intensifie avec d’autres feuillus mais en quantité négligeable (érables, acacias, châtaigniers, saules, aulnes, etc.…) Plus haut encore, quelques pins à crochets et d’autres résineux vont peu à peu se mêler à la lutte de cette épaisse canopée.  Le frêne, lui, va rester néanmoins très présent d’abord parce qu’il s’agit d’un arbre qui aime la lumière et l’eau, mais qui s’adapte aussi et très vite à tous les terrains. Il a en outre d’étonnantes facilités à coloniser presque tous les types de sols et une aisance à se régénérer grâce à ses samares que le vent emporte. De plus, il drageonne couramment à partir d’une souche coupée et développe un système racinaire très étendu.  Ici, au dessus d’Urbanya, si on le trouve en grande quantité, c’est parce qu’il fut un temps où ses qualités étaient reconnues comme bien plus importantes et nombreuses que n’importe quel autre arbre y compris le chêne. Il reboise des zones assez facilement, il se traite facilement en taillis, son bois résistant et souple est d’excellente qualité pour la fabrication de manches d’outils, d’objets usuels et de pièces de charrue, il est un excellent bois de chauffage, quand à son feuillage, il était amplement utilisé comme un fourrage dont raffolent tous les animaux de la ferme. A toutes ses destinations bien en usage aux siècles précédents s’ajoutent les propriétés médicinales de son écorce et de ses feuilles que nos aïeux n’avaient pas manqué de constater pour soigner la goutte, les rhumatismes ou les maladies diurétiques. Enfin, les plus anciens avaient appris à guérir les piqûres de serpents avec le suc de ses feuilles. Alors si le chemin est encore bordé de pierres sèches, si les feixes, les orris, les cortals et les ruines de tous ces vestiges sont si nombreuses c’est parce que l’agropastoralisme a été la principale source d’existence pendant très longtemps. Ici, on était avant tout berger, éleveur ou paysan de père en fils et les quelques autres métiers qu’ils pouvaient y avoir dans le village étaient des sous-traitants ou détaillants des trois premiers : meuniers, forgerons, boulangers, épiciers, bouchers, charretiers, muletiers, herboriste, rebouteux, etc.…. Seuls le curé et l’instituteur, quand il y en avait un, étaient considérés comme des gentilhommes dont le travail n’était pas en corrélation avec la nature, la terre ou l’eau. Mais revenons au départ de notre Chemin des Frênes. Sur la droite, on domine les toitures des dernières maisons par dessus une clôture faites de poteaux reliés par des fils de fers. Attention, ces clôtures sont pléthores et peuvent parfois être électrifiées. A partir de là, le  Chemin des Frênes bien nommé se poursuit en surplomb de petits prés ou de vergers en bordure desquels on entend la rivière chanter. Sur la gauche, s’élèvent des murets, plus ou moins hauts, le plus souvent construits en épaisses et lourdes pierres de schistes. Quelques vieux chemins ou sentiers coupent ces murets, en réalité d’anciennes terrasses, et mènent le curieux que je suis vers un vieil orri effondré ou un cortal ruiné. La forêt a tout envahi et les oiseaux y volètent à profusion. J’entends un pic se régalant à creuser son nid dans le bois tendre d’un tronc. C’est le printemps et sa maison doit être prête pour recevoir sa dulcinée et qui sait l’heureux événement d’une prochaine procréation. Je le surprends en plein labeur. Il s’agit d’un superbe pic épeiche à la jolie calotte rouge et au plumage blanc et noir. Un peu plus loin, un admirable rouge-gorge chante à s’égosiller et dévoile à qui veut l’entendre son magnifique poitrail rouge orangé. Dans cette forêt, il suffit d’un peu de patience et l’on arrive à observer une quantité incroyable d’autres oiseaux sur les branches des frênes encore un peu dénudées en cette saison : bruants, mésanges, fauvettes, sitelles, grimpereaux, geais, moineaux, rouges-queues, serins, bouvreuils sont visibles et audibles mais les plus nombreux restent les pinsons et les merles. A cette époque, les mâles,  en quête d’une compagne, se perchent toujours aux faîtes des arbres les plus grands et entonnent des chants étourdissants. Les fleurs poussent déjà à profusion. Les genêts d’un jaune lumineux éclairent les bords du chemin et les espaces les moins boisés. Les papillons et les abeilles viennent y butiner le bon nectar tout frais. A chacun de mes pas, papillons et autres insectes volants, voltigeurs et sauteurs s’éparpillent dans une tourbillonnante anarchie. Mon numérique multiplie les clichés. Sur la droite, la clôture disparaît en filant vers le bas du vallon mais le large chemin se poursuit tout droit et dans une douce élévation. Un agréable palier est atteint à la côte 1.015. La forêt disparaît un instant et laisse la place à un vaste et merveilleux panorama. En réalité, il s’agit d’un petit éperon rocheux faisant office de superbe mirador sur l’ample vallon, le village et tout au loin sur un majestueux Canigou encore bien enneigé. La balade pourrait presque s’arrêter là tant c’est beau ! La contrée a pour joli nom « Ventos de Baix » que l’on peut traduire en « lieu venté d’en bas ». Mais aujourd’hui pas de vent, ni en bas, ni en haut, alors je décide de poursuivre bien que le sentier soit moins évident désormais. Il est néanmoins bien présent. Le sentier monte et passe sous un magnifique pin à crochets bien visible sur la gauche car isolé au milieu des frênes. Un peu plus haut, le chemin continue sous deux autres pins à crochets s’accrochant l’un à l’autre. On reste sur le sentier le plus évident en ignorant toutes les petites caminoles qui partent à droite comme à gauche. Les caminoles sont ces étroites petites sentes que les bovins creusent au hasard de leurs divagations. Des fenêtres s’ouvrent sur l’autre versant de la rivière Urbanya et l’on y remarque d’autres petits sentiers ce qui me conforte dans l’idée de poursuivre cette balade. La haute végétation se renforce, les petits buissons comme les genêts se font plus discrets, les résineux se font plus nombreux, les frênes prennent de la hauteur, les vues disparaissent, la forêt s’assombrit et le sentier monte désormais dans un sous-bois aux essences plus variées. Au fond du vallon qui se creuse, la rivière chante toujours mais en sourdine. Une ruine se présente sur la gauche de l’itinéraire. Un ancien « cortal » sans doute avec de hauts murs presque intacts mais c’est tout et pour le reste, poutres pourries et immenses lauzes de la toiture gisent à l’intérieur. Au pied de la ruine et en bordure du sentier, je découvre une borne blanche surmontée d’un chevron rouge. Une deuxième un peu plus loin. Elles marquent une limite. Peut-être celle de la forêt domaniale de Nohèdes-Urbanya, mais sans certitude ? J’essaierais de trouver une explication ! Je reste sur le sentier le plus emprunté qui se faufile sur d’anciennes terrasses. Ici, à cause d’un fort taux d’humidité, toutes les pierres que par habitude on qualifie de « sèches » sont désormais moussues. Le chemin est parfois encadré de noisetiers stériles mais qui à l’origine ont du être très productifs car on voit bien qu’ils ne sont pas là par hasard.  Le sentier devient moins évident mais continue et finalement j’atteint un petit ru presque uniquement bourbeux : c’est le Correc de les Freixes. Sur certaines cartes de Géoportail, j’ai noté que ce lieu est parfois intitulé le « Bac de les Freixes ». Il faut dire que les frênes sont encore très présents sur ce flanc ombragé du vallon. J’enjambe le « correc » aisément. En contrebas, j’entends la mélodie d’une rivière plus importante et je décide de descendre vers ce que j’imagine être un torrent. Ici commence la vraie incertitude de la balade car le sentier a quasiment disparu mais par bonheur de petites sentes creusées par les animaux se poursuivent en balcon sur l’autre rive du Correc des Freixes. Je les emprunte jusqu’à la confluence des deux cours d’eau que finalement j’atteins sans difficulté. La carte I.G.N que j’ai emportée me permet de savoir qu’il s’agit bien de la rivière Urbanya. La rivière est là et l’enjamber à cet endroit n’est qu’une simple formalité. De part et d’autres de cet enfantin passage, le petit torrent forment néanmoins de minuscules cascades et de jolies petites vasques. Après les 240 mètres de dénivelé déjà accomplis sous un chaud soleil et une température presque caniculaire, ces cuvettes aux eaux claires sont bien trop tentantes. Je transpire alors malgré l’ombrage qui règne dans ce sous-bois, je me déshabille et dans une parfaite tenue d’Adam, j’opte pour une baignade rafraîchissante mais bien agréable après la suée. Après cette immersion sauvage et dénudée dans les eaux limpides de la rivière Urbanya, je décide de poursuivre sur l’autre rive en grimpant vers un muret en pierres sèches. A l’instant même où je me mets à grimper, quelle n’est pas ma surprise de me retrouver presque nez à nez avec un énorme « matou » noir.  Il a de longs poils et de magnifiques yeux d’un vert intense. A sa façon de se dissimuler derrière un rocher toute en continuant à m’observer fixement, j’ai immédiatement supposé qu’il s’agissait d’un « chat sauvage ». Sans doute, un chat domestique abandonné et redevenu sauvage par la force des choses. Avec son pelage noir, brillant et fourni, il paraît magnifique et pas du tout affamé. J’espère que ce n’est pas qu’une illusion car je sais qu’une telle toison indispensable en hiver cache parfois une maigreur insoupçonnable. Quand je l’ai vu, il était certainement entrain de chasser car les rives de la rivière sont sans contexte l’endroit le plus propice à trouver pitance : les oiseaux, les gros insectes, les rongeurs et autres lézards y sont toujours très nombreux. En tentant de m’approcher d’un peu plus près pour le photographier bien mieux, il s’est enfui dans des hautes herbes mais j’avais déjà compris qu’il était anxieux de ma présence sur son terrain de chasse favori. Je n’ai donc pas insisté et sur la rive opposée, j’ai poursuivi la caminole en direction de cet amoncellement de pierres sèches ressemblant à un muret. Après le muret, la caminole s’est rapidement transformée en un sentier plus évident qui m’a servi de fil d’Ariane en direction du lieu-dit Orriet. A mi-chemin, j’avais remarqué sur la carte I.G.N qu’un autre sentier partait vers un autre lieu-dit du nom de « Serra Mitjana ». Ces deux appellations, « Serra Mitjana » et « l’Orriet », j’avais enregistrées leurs positions dans mon G.P.S car des vestiges y étaient clairement mentionnés. Pour atteindre le « Serra Mitjana » qui est un vieux cortal en ruines et que l’on peut traduire en « la colline du milieu », j’ai fait un court aller-retour en galérant un peu car le petit sentier qui y mène est peu évident, encombré de branchages et mal débroussaillé.  C’est assez marrant la manière dont les anciens donnaient des noms ordinaires et pratiques aux lieux qu’ils avaient l’habitude d’habiter ou de fréquenter : le haut, le bas, le milieu, venté, hort signifiant le jardin, Freixes pour les frênes, planes pour les plaines..... Pour aller vers l’Orriet, et malgré de nombreuses fougères encore sèches en cette saison, une sente plus dégagée m’entraîne vers une clairière et un autre cours d’eau, petit torrent bien plus fougueux que celui des Freixes : le Correc du Coll del Torn prenant sa source près du col et du pic éponymes.  Là, de l’autre côté du ruisseau, je tombe sur un chemin creux bien plus large encore bordé de pierres sèches qui débouche au lieu-dit « Orriet » où je découvre une grande bâtisse encore bien debout mais où la toiture et un plancher paraissent jouer les équilibristes. Une grande plaie béante s’ouvre sur la façade avant et bien évidemment je me garde bien d’y entrer tant le danger semble omniprésent. Ce chemin, malgré quelques hésitations, je vais l’emprunter assez facilement jusqu’à Urbanya et ce n’est qu’à mon retour que je découvrirais sur les plans cadastraux, qu’il s’agit du Cami ou « Chemin de l’Orriet ». Un Orriet étant un petit orri c'est-à-dire un minuscule abri de berger en pierres sèches, il n’y a aucune logique avec la grande ruine subsistant en ce lieu portant ce nom. Il me faudra sans doute y retourner, chercher et voir si un tel petit édifice est encore présent à cet endroit. J'en ai bien trouvé un mais un peu plus bas du vallon. D’ailleurs, emprunter ce chemin de l’Orriet dans son intégralité sera un prochain objectif et peut être aura-t-il lui aussi le privilège d’un autre article dans mon blog. Le retour vers Urbanya s’effectue sur une partie plus ensoleillée du vallon qu’on a coutume d’appeler « solana » ou « sola ». La soulane ou adret en français. Alors bien évidemment, ce tronçon de la balade est moins boisé et permet des vues assez incroyables sur le vallon d’Urbanya et sur toutes les montagnes environnantes. Les vestiges agropastoraux y sont aussi nombreux que sur l’autre versant. Les amoncellements de pierres sont le paradis des gros lézards verts. La flore y est bien différente de l’autre versant avec de nombreux buissons épineux comme les ronciers, les prunelliers ou les aubépines. Les papillons et les oiseaux qui en occupent les airs ne sont pas les mêmes que sur l’autre flanc du vallon. Ici, on rencontre des alouettes, des pies grièches, des tariers et des traquets. Près de l’arrivée et pour ceux qui ne la connaissent pas, il ne faudra pas oublier de vous rendre à la cascade. Pour cela, il suffit de prêter l’oreille et le murmure de l’eau qui tombe en cascade de 5 à 6 mètres de hauteur vous servira de fil conducteur. L’été et tout spécialement les jours de forte canicule, elle est le lieu de baignade privilégié des enfants du village et de quelques adultes qui les accompagnent. Ils aiment venir s’y rafraîchir en laissant couler la cataracte sur leurs têtes, leurs épaules et leurs dos. Certains encore plus téméraires ne dédaignent pas plonger dans la petite marmite que l’eau a creusée en tombant. Les eaux y sont cristallines mais bien fraîches quelque soit la saison. Après la cascade, le village est presque déjà là. On longe la rivière Urbanya sur sa rive gauche ou bien sur sa rive droite selon le choix effectué au départ de la cascade où une petite passerelle de bois attend votre décision. Dans les sous-bois, les belles ancolies semblent jouer les timides en baissant leurs superbes corolles d’un bleu violacé. Les doronics sont plus gaillardes et dressent fièrement leurs pétales jaunes.  Quoi qu’il en soit la fraîcheur de la rivière accompagne les derniers pas et ce d’autant que cette jolie balade se termine encore à l’ombre des grands frênes. Cette randonnée est à faire de préférence au printemps car le Chemin des Frênes bénéficie encore d’un bon débroussaillage effectué par les chasseurs en hiver. Si vous n’aimez pas les chemins non balisés, ne vous risquez pas à la faire telle qu’expliquée ici.  Idem si les petits égarements ou les incertitudes vous stressent. Ici, le tracé indiqué sur la carte IGN est le plus juste possible mais comme je n’ai pas enregistré de tracé « trackback » dans mon G.P.S, c'est-à-dire en marchant, il peut être parfois qu’approximatif, notamment sur la partie entre le Correc de les Freixes et celui du Coll del Torn. La boucle telle qu’indiquée ici sur la carte I.G.N, et mesurée à fortiori, est longue d’environ 5,750 km. Cette distance inclut l’aller-retour à la cascade et au cortal Serra Mitjana, point culminant de la balade à 1.125 mètres d’altitude. Elle n’inclut pas toutes les découvertes des autres cortals et orris que l’on peut découvrir en sortant de l’itinéraire indiqué ici. Avec ces courtes incartades, le dénivelé est d’environ 270 mètres. Il s’agit donc d’une toute petite balade où le poids de l’histoire rurale d’Urbanya est omniprésent. Elle est dédiée à ceux que l’aventure et l’aspect sauvage d’une randonnée non balisée ne rebutent pas. Carte IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul de Fenouillet Top 25.

    Enregistrer


    1 commentaire