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  • Ce diaporama est agrémenté de la musique "The Way You Look Tonight" interprétée ici par le trompettiste de jazz Dizzy Gillespie accompagné du saxophoniste Stan Getz. Ce titre est extrait de l'album "Jazz Journeys Presents the Birth of Bebop, Vol. 1"
    CANALURBANYAIGN

    Avant d’évoquer le Canal d’Urbanya, objectif de la randonnée que je vais vous expliquer ici, laissez-moi d’abord vous parler un peu de l’Histoire d’Urbanya. L’historien la connaît depuis que la première mention du village a été découverte dans un texte médiéval. Cette mention avait été écrite dans un acte du 16 juin 1186 signé au château de Conat par le seigneur Guillem-Bernard de Paracolls (*) en présence d’autres signataires, à savoir, son épouse Blanche de Conat et ses enfants Guillaume, Séguier et Guillelma (les Templiers en pays catalan - Robert Vinas -Edition El Trabucaire). Cet acte avait pour objet de faire donation aux Templiers du Mas Deu, d‘un territoire du nom de « Mollères de Martisag », situé dans la vallée de la rivière Urbanya et sur lequel se trouvait un cortal. On apprend que les limites de ce territoire, sans doute consacré à l’élevage, s'étendaient jusqu'aux dépendances des domaines que les Hospitaliers de Bajoles (**) possédaient déjà dans les parages. Ces limites étaient localisées à l'est, par le « Coll de Creu » ou « col de la Croix », au midi, par la rivière de « Foga (feu) de Martisag », à l'ouest, par  le « Coll de Camprech » et au nord, par la fontaine et le champ de « Madresona ». Aujourd’hui et avec si peu de renseignements, on éprouvera, bien évidemment, beaucoup de difficultés à retrouver ces limites sur nos cartes IGN actuelles. Si « Camprech », c'est-à-dire « Canrec », toujours présent de nos jours, ne pose aucun problème, si « Martisag » est sans doute le lieu-dit « Martiac » dans la haute vallée d’Urbanya, si on peut imaginer que la fontaine et le champ de « Madresona » se trouvent au pied du pic du Madres et du massif du même nom, la partie est, c'est-à-dire le Coll de Creu mentionné reste un mystère. Des cols de Creu, il y en a plusieurs dans le département, Matemale, Clara et Casteil par exemple, pour ne citer que les plus proches mais bien trop éloignés et pas dans la bonne direction pour qu’on puisse les prendre en considération . On peut donc supposer qu’au regard de la description du territoire, il s’agissait soit du Coll del Torn (col de Tour) tout proche où l’on trouve encore un calvaire surmonté d’une croix métallique soit du Col de Jau, où une roche, que certains qualifient de « borne », est gravée d’une mystérieuse petite croix. En 1279, le templier Pierre de Camprodon cède tout ce territoire en acapte (***) à un Pons de Bagols et à un Guillaume Payen, tous deux habitants d’Urbanya. On notera qu’à cette époque, le village s’appelait Orbanyan et plus tard, on le retrouvera mentionné sous le nom d’Orbanya. Alors, je ne sais pas si vous l’avez noté mais dans ce court exposé historique, l’eau a déjà une importance capitale. L’Histoire d’Urbanya et celle de Conat sont identiques et ont suivi le cours de la même vallée où s’écoule la rivière Urbanya, les « Mollères de Martisag » où s’écoule la rivière « Foga » se sont bien sûr des « mouillères » c'est-à-dire des tourbières, la traduction de « Camprech » c’est le « champ du ruisseau ou du canal (rec) », quand à « Madresona », l’acte en question indique clairement la présence d’une fontaine c'est-à-dire d’une source. Tout ça pour dire que si l’eau c’est la vie un peu partout, ici à Urbanya et dans ses proches alentours, cet adage s’est toujours amplement vérifié depuis que les hommes ont décidé d’occuper ce coin de nos montagnes. L’eau est une ressource capitale et bien sûr, elle a surtout servi à irriguer des cultures vivrières, à faire tourner la roue à aubes de plusieurs moulins et à la consommation des hommes et des bêtes pour leur survie. Mais parfois, l’eau leur jouait des mauvais tours au point de les tuer.  C’est ainsi que l’on apprend que le 19 novembre 1716, « 50 maisons du village sont dévastées par la rivière lors d’une crue mémorable emportant des greniers à blés, des meubles et des bestiaux ». « Il ne reste qu’une douzaine de foyers réduit à la mendicité », apprend-on (De l'eau et des hommes en terre catalane - Numa Broc - Llibres del Trabucaire).  De nos jours encore, l’eau consommée au robinet provient d’une résurgence captée au pied du pic Lloset, non loin du Correc de Saint-Estève, et quand une source se tarit, on creuse juste à côté pour en trouver une autre, comme très récemment encore, tant toute cette montagne regorge de « fontaines » souterraines. Au 19eme siècle, le docteur Joseph Anglada a même découvert deux sources d’eaux minérales ferrugineuses  carbonatées mais qui n’ont jamais été exploitées, l’eau ayant un goût métallique (Traité des eaux minérales et des établissements thermaux du département des Pyrénées-Orientales). Alors vous l’aurez compris quand je suis parti faire cette randonnée au canal d’Urbanya que je ne connaissais pas ou vraiment très peu ; pour l’avoir simplement enjambé lors d’une balade au Pic de Portepas ;  je voulais en savoir un peu plus sur l’histoire de ce coin de montagne et ici ce qui m’intéressait c’était surtout l’Histoire de son eau et du canal bien sûr. Comme on l’a vu précédemment, les deux Histoires, celle d'Urbanya et celle de l'eau sont très intimement liées et à vrai dire, j’ai trouvé assez peu de choses sur le canal lui-même et simplement un petit encart dans un document intitulé « Plan de gestion de la Réserve Naturelle de Nohèdes 2006-2009 ». Voilà ce que ce rapport dit du canal d’irrigation d’Urbanya : « la commune d’Urbanya est chroniquement déficitaire en eau. C’est pourquoi l’étiage est soutenu par un canal d’irrigation traditionnel, toujours en activité, bénéficiant d’un droit d’eau centenaire. Le captage sur la Ribera de Torrelles est situé à 1.760 m d’altitude, le canal traverse horizontalement (1.700 m) le versant sud du Pic de Portapàs, avant de se déverser sur le bassin versant d’Urbanya. Le captage, hors réserve naturelle, ne dispose pas d’un répartiteur réglementaire, mais le cours d’eau, au point de prélèvement, ne débite en temps normal que quelques litres par seconde. L’essentiel de l’eau prélevée provient en fait de l’écoulement des zones humides traversées par le canal, notamment dans la partie située près du Coll de Planyas : le canal fonctionne dans ce secteur comme un drain. Toutes les parcelles situées en amont de ce canal sont la propriété de la commune de Urbanya, bien que situées sur la commune de Nohèdes ». Alors vous noterez qu’il n’y aucune mention de la date de sa construction, ni de son usage véritable si ce n’est qu’il est là pour faire face à une éventuelle pénurie en eau à Urbanya. Personnellement, je trouve assez étonnant qu'il n'ait servi qu'à ça et qu'on ne l'ait pas utilisé pour d'autres besoins. Toutefois, quelques éléments comme « traditionnel » « droit centenaire »  nous laissent imaginer une ancienneté certaine. La randonnée allait se transformer en une petite enquête, ce qui n’était pas pour me déplaire. Les plus anciens du village ne disaient rien de plus si ce n’est qu’aux siècles précédents, la forêt telle qu’elle se présente aujourd’hui, n’existait pratiquement plus ou pas et la majeure partie de la haute vallée et notamment la « soulane » était dédiée à l’agropastoralisme et à des cultures vivrières en terrasses. Il faut dire que cette forêt avait été mise à rude épreuve par l’abondance des mines et des forges, par son exploitation artisanale (verriers, charbonniers, etc…) par de nombreux incendies et par son exploitation en bois de chauffage par les habitants.  Ravitaillé à dos d’ânes et de mulets, il y a encore un siècle, le village vivait de sa propre agriculture et donc quasiment en autarcie car la route bitumée n’existait pas. Elle fut construite en 1913 et ce fut d'ailleurs le début de la désertification. J’avais déjà appris pas mal de choses avant même le départ. J’ai donc démarré du village, en passant devant la mairie et en longeant la rivière Urbanya au bord de laquelle, quelques jardins potagers bénéficient d’une eau à bon marché au débit plutôt régulier. Dès le deuxième pont, on notera encore l’importance de l’eau, car sur l’autre rive, chemin du Moulin exactement, deux grandes arcades abritent un ancien lavoir alimenté jadis par un petit canal. Quelques mètres en amont, le moulin est encore là mais la roue à aubes, elle, a disparu. Moi qui était parti avec l’idée d’enquêter sur l’Histoire, la montée vers le pic LLoset puis vers le Roc de Peirafita se transforma aussitôt en une magnifique leçon de choses : passereaux, papillons, fleurs multicolores et champignons en tous genres étaient de la partie. Mon appareil photo s’en donnait à cœur joie et pendant ce temps, je flânais comme jamais. Au village, après avoir poursuivi la route bitumée, celle-ci s’est transformée en une piste terreuse montant à gauche en lacets. Si on s’éloigne de l’eau, on remarque tout en grimpant et sur la gauche, un vallon boisé en contrebas. Dans ce vallon s’écoule le Correc (ruisseau) de Saint-Estève où assez souvent des chevreuils viennent s’abreuver. Ce correc, on va le suivre bien après la ferme bovine puis un peu plus haut encore, on coupe celui de l’Hort. En réalité, dans ce cirque d’Urbanya, des correcs, on en dénombre plus d’une douzaine plus ou moins longs et profonds. Tous coulent pendant des jours voire des semaines dès lors que les pluies deviennent diluviennes. Au lieu-dit la Travessa, deux itinéraires sont possibles pour rejoindre le Canal d’Urbanya, soit on continue tout droit la piste qui monte au col del Torn (Col de Tour) soit on emprunte celle qui file vers le Pic Lloset, passe au pied du Pic de la Moscatosa, direction le Roc de Peirafita. Si le premier parcours est plus facile et plus simple, l’ayant déjà décrit dans une balade au Pic de Portepas, le deuxième est plus difficile mais moins long. Plus difficile car le dénivelé y est plus raide mais aussi parce que rejoindre le canal d’Urbanya par là, nécessite une bonne connaissance des lieux et un bon sens de l’orientation. En effet, après le Roc de Peirafita, la piste s’arrête et il faut marcher presque au plus haut de la crête sur un sentier parfois peu évident à trouver dans cette épaisse forêt de pins à crochets. Moi, dans mon idée d’enquêter sur le canal d’Urbanya, j’ai quitté volontairement le sentier et je suis parti dans cette épaisse forêt à la recherche d’informations. En réalité mais par endroits seulement, cette forêt est moins épaisse qu’elle n’y paraît et quelques clairières s’entrouvrent deci delà. J’ai même trouvé un très bel orri au beau milieu de l’une d’entre elles et quelques vieux murets effondrés laissant à penser que la forêt n’a pas toujours était là, mais ça je le savais déjà. ! Après, ces errements forestiers et cette modeste collecte d’informations, j’ai finalement atteint le canal d’Urbanya ou plutôt le Correc de la Pinouse (Pinosa) car ici c’est encore comme ça que les géographes intitulent ce ruisseau. Là, en compagnie de quelques ramasseurs de champignons, qui eux, étaient montés en 4x4, j’ai commencé ma promenade au fil de l’eau, ramassant à mon tour quelques jolis cèpes venus rejoindre une belle quantité  de « roubillous » déjà glanés au cours de la montée.  En suivant le mince filet d’eau, parfois tumultueux, parfois très calme selon la pente du terrain, j’ai finalement compris que ce minuscule Canal d’Urbanya n’est qu’une « agouille » ou un « rec »  c'est-à-dire un petit canal de dérivation détournant les eaux du Ruisseau de Torrelles pour les amener vers celui de la Pinouse, ce dernier étant un affluent de la rivière Urbanya. De quelle époque date-t-il ? Qui l’a construit ? A quoi pouvait-il servir ?  A toutes ces questions, je ne peux répondre, bien évidemment, que par des hypothèses car l’Histoire n’en dit rien. La première idée qui peut venir à l’esprit c’est que ce canal pourrait avoir été construit au 19eme siècle comme de nombreux canaux du Conflent : Canaveilles (1861) Bohère (1864) Jujols et Nohèdes (1873). Mais il faut savoir que si plus de 540 canaux d’irrigation fonctionnaient au 19eme siècle, la date de leurs constructions pouvait être très variable. C’est ainsi que le plus ancien était celui de Vernet datant de l’an 865 mais celui de Molitg par exemple datait, lui, de l’an 1300. On peut donc tout imaginer car l’usage de l’irrigation remonte à des temps immémoriaux : que les Romains soient passés par là car ils maîtrisaient parfaitement l’eau et quelques vestiges ont été trouvés à Prades et dans le Conflent jusqu’à Llivia en Cerdagne. C’était la Via Confluentana, petite cousine de la Via Domitia. Mais rien n’autorise à penser que les Romains soient venus au dessus d’Urbanya. Dans le Roussillon, les premiers grands canaux ont été construits à l’initiative du roi de Majorque vers 1308 -1310 avec l’emblématique canal du Thuir notamment. Dans le Conflent, mais un peu plus tard seulement, ils ont été l’œuvre des moines de Cuxa ou des abbés de Lagrasse mais si on sait qu’ils servaient à irriguer Prades et ses localités avoisinantes, rien ne permet de penser que le terroir d’Urbanya faisait partie des distributeurs du précieux liquide. De nombreux moulins à eau ont été construit à cette époque et leurs propriétaires pouvaient être bien différents : roi, clergé, seigneur, bourgeois, hospice, etc…  Plus logiquement, et les textes nous autorisant à le penser, le canal pourrait dater des Templiers du Mas Deu car on sait pertinemment qu’eux aussi ont été des précurseurs dans les techniques hydrauliques et dans les systèmes d’irrigation. A l’aide d’ingénieux réseaux de canaux, n’ont-ils pas asséchés divers marais et marécages dans le Roussillon (Bages, Nyls, Bajoles, etc…) pour en faire des terres fertiles et arables ? N’ont-ils pas occupés amplement ces terres d’Urbanya pendant plus d’un siècle pour les transformer en pacages et y faire de l’élevage pour les confier finalement en acapte à deux habitants d’Urbanya ? Au regard des textes et de la conception du canal, creusé à même la terre, malgré une buse en béton très récente au départ et sur quelques mètres,  cette hypothèse reste plausible. Malgré la forêt, les pacages sont encore bien présents de nos jours, au Pic de Portepas et au Bac de Torrelles notamment, et le jour de ma balade, j’ai même rencontré un énorme taureau roux qui jouait dans la boue avec une grenouille aussi rousse que lui. Cette dernière voulait-elle comme dans le Fable de la Fontaine devenir aussi grosse que lui ? Je ne sais pas ! Après avoir atteint la jonction de plusieurs ruisselets et sources s’écoulant dans le canal depuis le Col de Planyas, les rocs des Miquelets et d'Als Pelats, j’ai finalement fait demi-tour et là, je me suis mis en quête de voir si le canal avait servi  à irriguer les « fameuses » terrasses ou « feixes » où l’on cultivait céréales, vergers et autres récoltes vivrières. Pour le retour vers Urbanya, j’ai fait très simple en longeant le canal puis le correc de la Pinouse peu évident à cheminer sur une terrain pentu et dans cette forêt jonchée de troncs d’arbres pourris et de branches cassées.  Mais si j’ai découvert quelques  vestiges de murets et cortals en bordure du canal et dans les alentours, je n’ai pas vraiment trouvé de « feixes » évidentes sur le flanc du Bac de Torrelles ou sur celui de la Pinouse. Les terrasses sont plus évidentes un peu plus bas dans le cirque d’Urbanya et sur la solana (l’adret), le versant ensoleillé. Toutes mes recherches sur le Net et dans divers ouvrages ne m’ont pas permis d’étayer une hypothèse plutôt qu’une autre mais je ne désespère pas d’y arriver un jour. Dans l’immédiat et comme indiqué, il semble que le canal ait surtout été construit pour renforcer le débit de la rivière Urbanya et faire face aux éventuelles périodes de sécheresse, à une époque où plusieurs moulins à eau fonctionnaient dans le vallon et aux abords du village mais on ne peut pas catégoriquement éliminer l’idée qu’aux temps des Templiers, le canal ait été utilisé pour irriguer des zones de pacages et abreuver les troupeaux.  J’ai donc rebroussé chemin avec la ferme conviction que je reviendrais très prochainement me promener au Canal d’Urbanya. D’abord parce que c’est une superbe balade, dans un site très sauvage, fréquenté uniquement par les chasseurs et quelques ramasseurs de champignons aux époques autorisées et surtout j’y ai découvert un sanctuaire faunique et floristique exceptionnel. Au Bac de Torrelles, j’ai vu une incroyable variété d’oiseaux et j’ai surpris trois chevreuils en contrebas du canal et rien que pour ça, je sais déjà que j’y reviendrais. Finalement, après avoir longé le Correc de la Pinouse, j’ai retrouvé la piste descendant vers Urbanya au lieu-dit la Fajosa, non loin de Marciac, là même où les Templiers avaient hérités d’une terre et d’un cortal ayant appartenus au seigneur de Paracolls au 12eme siècle.  Même si cette balade a été longue et parfois difficile, j’ai pris beaucoup de plaisir à marcher avec toutes ces histoires et connaissances dans la tête ! Au total, j’ai accompli un peu plus de 22 kilomètres, recherches dans la forêt du Bac de la Pinouse incluses, pour un dénivelé de 906 mètres et des montées cumulées de 1.510 mètres. Si vous avez l’intention d’emprunter le même itinéraire que le mien, c'est-à-dire en passant par le Roc de Peirafita, munissez-vous d’un GPS dans lequel vous aurez au préalable enregistré le canal en « waypoint », vous le retrouverez plus facilement même si vous ne trouvez pas le sentier forestier qui y mène.  Cartes IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul de Fenouillet et 2249 ET Font-Romeu – Capcir Top 25.

    (*) Paracolls. Les Paracolls étaient une famille de seigneurs et de chevaliers qui possédaient un château perché sur un piton rocheux à proximité des Bains-de-Molitg situé sur la commune de Campôme dans la Vallée de Mosset. Certaines terres de leur domaine s’étendaient dans le Haut-Conflent, dans le Roussillon, dans le Vallespir, dans l’Aude et peut être même en Espagne, lieux où leur nom est resté dans la mémoire toponymique. Même si ce fief est plus ancien, ils régnèrent surtout aux 12 et 13eme siècles. Le nom de certains d’entre-eux comme Guillem-Bernard ou Bérenger notamment traversèrent les siècles, le premier à cause de ses donations aux Templiers et de ses liens avec la couronne d’Aragon et le deuxième pour avoir été un valeureux chevalier et un remarquable troubadour, compositeur de « trobas », c'est-à-dire de poèmes d’amour. (**) Bajoles : Bajoles est un lieu proche de Perpignan, situé de nos jours sur la commune de Cabestany, où une congrégation religieuse des Hospitaliers a longtemps disposé d’une Commanderie que l’on appelait plus communément « Hôpital Saint-Jean-de-Jérusalem ».  (***) Acapte :  Un bail à acapte est un bail à perpétuité, concédé moyennant un droit d’entrée à un tenancier qui a en charge d’exploiter le bien qui lui est confié pour en reverser des redevances soit en nature (bois, produits de l’exploitation,etc..) soit en argent. 


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    JOYEUX-NOEL-2

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  • Ce diaporama est agrémenté de 3 chansons du chanteur et guitariste britannique David Gilmour (ex-Pink Floyd). Extraites de son album "On an Island", elles ont pour titre : "Castellorizon""On An Island" et "Smile".
    ROCHE-GRAVEE-DE-CONAT
    ROCHESGRAVEESCONATIGN
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    Ce joli circuit au départ et au Nord de Conat, je l’ai volontairement intitulé « les pierres gravées et dressées de Conat » car mon objectif principal était justement de partir à la découverte de ces sites que l’on appelle « dolméniques » ou « néolithiques » et que l’archéologue attribue à une civilisation dite « mégalithique ». Dans les manuels scolaires, cette époque, on l’appelle souvent et plus globalement « préhistoire ». En réalité la « préhistoire »  est une très longue période qui va de l’apparition de l’Homme aux premières écritures mais ici on se contentera de partir à la rencontre d’un intervalle bien plus court, estimé entre -15.000 ans et -2.000 ans avant Jésus-Christ. Si pour moi, cette balade était une sorte de chasse aux trésors exceptionnelle couplée à une épreuve de « géocaching » avec GPS, que les randonneurs non passionnés de vieilles pierres ne s’inquiètent pas trop car il n’y a pas que ça à découvrir sur cet itinéraire. En effet, les panoramas eux aussi y sont assez exceptionnels : Massif du Canigou, Vallée  de la Têt de Ria-Sirach et Prades jusqu’au lac du barrage de Vinça et bien plus loin encore, Massif du Coronat jusqu’aux contreforts du Madres mais jolies vues aussi sur la basse et moyenne Vallée de la Castellane et ses belles collines environnantes, paysages arides et tourmentés des serrats et des profonds ravins tout proches. Enfin avec cette randonnée, vous irez à la découverte de la chapelle Sainte-Marguerite de Nabilles et de nombreux vestiges de l’agropastoralisme d’antan. Bien sûr, avec cette randonnée, je n’ai pas la prétention de vous faire découvrir la totalité des roches gravées et dressées de cette crête que l’on appelle plus généralement le Pla de Vall d’en So. Non, pour cela, il faudrait sans doute bien plus qu’une seule journée de marche tant les sites y sont nombreux, variés et disséminés. Certaines de ces roches sont connues sous les noms des hameaux ou lieux-dits où elles se trouvent : Fornols, Llugols, Roc de les Creus, Montsec, Roc de Jornac, Miralles, etc...Toutes sont situées entre les vallées de la Castellane et celles d’Urbanya et Conat, cette zone montagneuse du Haut-Conflent doit son nom à la famille de So auquel ce territoire a appartenu. Au Moyen-Âge, les « So » étaient vicomtes d’Evol mais également seigneurs de bien d’autres fiefs roussillonnais comme Corsavy, Millas ou la Bastide. Selon l’historienne Anny de Pous, les So détenaient également un château à Conat du nom de « Salto », introuvable aujourd’hui.  Quelques années plus tard, Joan de So reçoit du roi de Majorque Jacques II la juridiction militaire sur tous les châteaux du Haut-Conflent, cette présence des « So » sur ce territoire expliquerait sans doute l’intitulé de ce « pla » de Vall d’en So.  Sur les cartes, on le trouve parfois écrit « Vallenso » ou « Balençou » et pour la petite histoire, ce nom occitan de « So » a pour origine un fortin construit en Ariège au 7eme siècle par les Francs. Ce fort, qui fut un des premiers à appartenir à la famille, on lui donna le nom de « Castell de So » ou « Fort de Son », du nom de la petite rivière qui coulait aux pieds de ses murailles. Aujourd’hui, ce castel est plus connu sous le nom de « Château d’Usson » et la petite rivière ne s’appelle plus « Son » mais la « Bruyante », comme quoi les gens du cru « sans faire trop de bruit » ont tout de même de la suite « musicale » dans les idées. Voilà pour l’Histoire du lieu où l’essentiel de la balade se situe. Le départ de Conat est le même que celui que j’avais décrit  dans la randonnée que j’avais intitulée « les Chapelles du Pla de Balençou ». C'est-à-dire que l’on laisse son véhicule sur le parking de la mairie et l’on emprunte la rue du Moulin qui se trouve à droite de la D.26 quand on arrive de Ria. Un panneau de bois indique « Llugols » et l’itinéraire file puis traverse la rivière de Caillau par un petit pont métallique. Un sentier pierreux se met à grimper dans la Soulane. Ici, les pierres de schiste on les foule aux pieds mais on les observe aussi car nos aïeux les ont taillées pour en faire des murets, des abris de bergers ou pour étayer le sentier sur des hauteurs parfois impressionnantes. L’étroite sente est unique et de ce fait, on ne prête pas vraiment attention à la couleur du balisage. A vrai dire, il est assez multicolore car divers « baliseurs » sont passés par là et chacun a voulu laisser le sien. Les baliseurs officiels de comités pédestres, les clubs de rando, divers groupes de randonneurs, des vététistes ou bien encore des associations de chasseurs, tous sont venus avec leur pot ou leur bombe de peintures et on trouve des traits jaunes,  d’autres bleus, des oranges, des jaunes et rouges datant du temps où le Tour du Coronat avait été imaginé, des points verts, des flèches jaunes fluo alors le mieux c’est d’avoir un tracé préenregistré dans un GPS car ce sentier qui va vers Llugols, il faut le délaisser au profit de celui qui file vers la chapelle Sainte-Marguerite de Nabilles. Il fut un temps, où à cette intersection, la chapelle était mentionnée sur une lauze mais cette fois-ci, je ne l’ai pas vu et j’ai suivi des flèches jaunes fluo. Là, les vues deviennent grandioses sur le Canigou et la Vallée de la Têt mais sur la forêt du Coronat aussi, toute proche et ressemblant à une épaisse toison olivâtre. Lézards gris ou verts, papillons multicolores, insectes en tous genres, passereaux, rapaces c’est une nature incroyablement luxuriante qui m’accompagne sur ce sentier. J’ai même surpris une compagnie de perdrix grises puis un étrange serpent dont la dextérité était si monstrueuse qu’il m’a filé entre les pieds sans que je puisse le discerner le moins du monde. Plus loin et plus tard dans la journée, flemmardant au milieu du chemin et en plein soleil, je vais avoir  l’occasion de tirer un autre serpent de ses rêves légers. Enfin, à l’approche de la chapelle ruinée, c’est avec beaucoup d’étonnement que je constate une vingtaine de guêpiers d’Europe planant au dessus de ma tête. Malheureusement, ce superbe spectacle aérien ne va durer que quelques minutes et un seul volatile se posera mais bien trop loin pour que ma photo soit excellente. Ici, autour de la chapelle et aux siècles précédents, le pastoralisme a connu ses heures de gloire et pour peu que l’on s’en donne la peine, on découvre divers orris effondrés et cortals ruinés. Mais comme ce n’est pas seulement pour ces pierres-là que je suis venu aujourd’hui, je me contente de quelques photos et je poursuis la piste qui passe à gauche de la chapelle et monte en direction du Camp de la Coume ou Camp de la Coma en catalan. Là, juste avant d’atteindre le clôture, sur la gauche de la piste et près d’un corral se trouve la grande pierre gravée que je suis venu chercher. Ces pierres, les archéologues les appellent des affleurements, affleurements de schistes primaires pour être plus précis et cette pierre-là, ils lui ont même donné assez improprement le nom de « Roc de les Creux I ». Si je dis « improprement » c’est parce que le seul et véritable « Roc de les Creus » figurant sur la carte IGN se trouve un peu plus haut et que là aussi une incroyable pierre gravée y a été découverte et fera l’objet d’une autre balade au départ d’Urbanya que je vous dévoilerai prochainement. En ce qui concerne celle du Camp de la Coume, elle est gravée de nombreuse cupules, de quelques rigoles et d’une multitude de croix dont les détails ne peuvent être observés et examinés que par l’œil averti d’un archéologue comme Jean Abelanet par exemple dont le livre « Signes sans paroles » fait la part belle à toutes ces gravures rupestres que l’on trouve dans notre beau département. Ces signes rupestres, ces symboles et parfois même ces représentations dites anthropomorphiques, les archéologues les ont globalement désignés comme étant de « l’art dolménique ». Ce terme de « dolménique » signifie que ces gravures sont sensiblement de la même époque que les dolmens et étroitement liées à ces monuments mégalithiques constitués de piliers et de dalles de pierres dont la fonction comme sépulture ou monument funéraire ne fait plus aucun doute. Alors bien sûr, après la découverte de cette magnifique pierre, il ne me restait plus qu’à tenter de vérifier cette assertion. : trouver des dolmens dans les proches alentours. Après quelques recherches sur le Net, j’avais appris que deux dolmens effondrés se trouvaient dans le secteur. Un au lieu-dit le « Roc de l’Homme Mort » et l’autre à la « Font de l’Aram » dont la traduction française pourrait être la « Source du Vallon » ou la « Source du Rameau ».  J’ai donc poursuivi la piste derrière le corral et j’ai abouti près d’un vilain abri pastoral fait de terre, de planches, de poutres et flanqué d’une bâche. Là, j’ai continué sur un étroit sentier en direction du Roc de l’Homme Mort. Le sentier est descendu dans le petit Ravin de Nabilles puis est remonté vers le roc qui était clairement à droite du sentier car je l’apercevais déjà adossé à la forêt de pins. Mon GPS n’étant pas suffisamment précis dès lors que j’étais en mouvement, j’ai un peu galéré pour trouver le dolmen effondré mais finalement j’y suis parvenu, un peu à droite du roc et de l’autre côté de la clôture qui délimite la frontière des deux communes que sont Conat et Ria. Après quelques photos, il ne me restait plus qu’à partir à la recherche de celui de la Font de l’Aram qui, selon les coordonnées que je possédais, était de l’autre côté de la forêt qui me faisait face. J’ai donc repris le sentier initial que j’avais quitté et j’ai poursuivi en direction  du lieu-dit Les Serrianes. Après une première clôture, j’ai traversé sans problème la pinède et j’ai atteint une nouvelle clôture qui entourait une immense prairie herbeuse en jachère. J’ai enjambé la clôture puis j’ai traversé et descendu la longue prairie vers l’est jusqu’à atteindre une piste. J’étais à la Font de l’Aram et il ne me restait plus qu’à trouver l’autre dolmen effondré. En réalité, et pour avoir interrogé le site Wikipédia au préalable, c’était trois dolmens que je devais trouver dont un était ruiné, l’autre détruit quant au troisième, l’article n’en disait rien. Etait-il encore debout ? A vrai dire, j’ai éprouvé un mal de chien a en trouvé un, bien ruiné il faut l’avouer car j’y suis passé deux fois à côté sans vraiment voir qu’il s’agissait d’un vieux dolmen. Ce n’est que lors de mon troisième passage et encore grâce à mon « waypoint » GPS que j’ai vu deux « orthostates », c'est-à-dire deux pierres dressées de chant qui étaient là, plantées dans la terre mais amplement envahies par les herbes et les genêts. Pour le reste, ce n’était qu’un amas difforme de pierres sans réelle logique et sans vraiment d’intérêt car je n’ai pas constaté de gravures et encore moins de cupules contrairement à celui du Roc de l’Homme Mort. Le tumulus avait sans doute lui aussi était chamboulé. Une question me turlupinait, c’était de savoir qui avait pu détruire ces dolmens et là, mes recherches sur le Net m’ont laissées un peu sur ma faim car les avis des archéologues et des historiens semblaient partagés et divergents. Certains comme l’archéologue Jean Abelanet affirme qu’ils auraient été « violés » par des bergers (Lieux et légendes du Roussillon et de Pyrénées Catalanes –Editions Trabucaire),  d’autres disaient que ces destructions étaient l’œuvre de fouilleurs peu scrupuleux, d’autres les attribuaient à des paysans malveillants, d’autres prétendaient que c’était l’Eglise Chrétienne qui avait ordonné ces pillages ne voyant dans ses caveaux d’un autre âge que la représentation d’un culte païen. Il ne me restait plus qu’à rebrousser chemin vers Conat car tous le objectifs que je m’étais fixés avaient été découverts. Au préalable, j’ai néanmoins poursuivi sur quelques mètres la piste vers le nord, histoire d’avoir un court regard sur la Vallée de la Castellane et là, avec pas mal d’émotion et de souvenirs, j’ai atteint la piste que j’avais prise en 2007 lors de l’avant dernière étape de mon Tour du Coronat qui m’avait amené du Refuge de Callau à Llugols. Lors du retour vers Conat, j’ai trouvé près de la clôture entre le Camp de la Coume et  la Font de l’Aram, une autre roche gravée de diverses cupules et d’une croix dont le centre était également creusé d’une cupule. Etait-ce le deuxième dolmen ruiné qui manquait à l’appel ? Possible au regard de la pierre que j’ai vu ! J’ai repris la piste, direction la chapelle Sainte-Marguerite de Nabilles et peu après, au lieu de reprendre la sente par laquelle j’étais arrivé, j’ai tourné à droite en direction d’un cortal ruiné. Là, sur diverses ardoises de schiste, la mention « Conat » m’indiquait clairement le chemin du retour. J’étais ravi car je ne connaissais pas ce parcours tout en descente coupant d’abord divers petits correcs puis rejoignant un vieux sentier muletier menant à « la Carrerada ». Il finit par atteindre deux jolis petits ponts en dos d’âne coupant respectivement le Correc de Nabilles puis la rivière d’Urbanya. Conat a vite été là et j’ai retrouvé ma voiture mais si vous ne connaissez pas la commune, une visite s’impose, d’abord sur les hauteurs pour découvrir la chapelle Sainte-Magdeleine et le château ruiné ayant appartenu aux différents seigneurs puis ensuite dans les venelles du bas et sur les rives  fleuries de la confluence des deux rivières venant de Nohèdes et d’Urbanya et formant la rivière Callau, affluent du Têt. Certains historiens comme Jean Tosti voit dans cette confluence l’origine du nom Conat car la première mention du village était « Conad » et ils imaginent quelle pourrait provenir du mot celtique « condate » signifiant « confluent ». Cette balade telle qu’expliquée ici a été longue de 10 à 11 kilomètres environ incluant tous mes errements. Le dénivelé accompli a été de 457 mètres et les montées cumulées ont été enregistrées sur une distance de 810 mètres. Carte IGN 2348 ET Prades –Saint-Paul-de-Fenouillet Top 25.

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  • En ce mois de décembre, la nouvelle est passée presque inaperçue en France mais malgré ça, je veux rendre hommage à Tugce Albayrak, cette jeune étudiante allemande d’origine turque, âgée de 23 ans, qui est morte sous les coups d’un jeune voyou de 18 ans. Je veux lui rendre hommage car dans l’indifférence quasi générale qui règne de nos jours, des actes d’héroïsme de cet acabit ne sont pas légion. Tugce a payé de sa vie d’être venue en aide à deux autres jeunes filles que plusieurs voyous étaient entrain de tabasser dans les toilettes d’un Mac Donald.

    Si cette terrible affaire n’est pas encore arrivée à vos oreilles, je vous laisse prendre connaissance de l’excellent article de Frédéric Lemaître, journaliste et correspondant pour le Monde à Berlin. Quand à une éventuelle reconnaissance, je pense que Tugce mérite beaucoup plus qu’une simple médaille à titre posthume et lui donnait le nom de la rue où elle a été assassinée serait sans doute la meilleure manière pour ne pas l’oublier et surtout pour ne pas oublier son acte de civisme et de bravoure. Cliquez ici ou sur le lien suivant pour lire l'article du Monde :

    http://www.lemonde.fr/international/article/2014/12/01/l-allemagne-bouleversee-par-le-sacrifice-d-une-jeune-turque_4532157_3210.html


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    Ce diaporama est agrémenté de 3 musiques dont la particularité est d'être appréciée dans les "BUDDHA BAR". Elles ont pour titre et interprète : 
    "El Fuego/Trote King Mix" par Zen Men, "Un Bel Di" par Aria et "Sacral Nirvana" par Oliver Shanti ans Friends.
    LE-ROC-DE-LES-MEDES
    ROCMEDESIGN
    Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.

    Le Roc de les Medes est un sommet rocheux du Massif des Albères culminant à la modeste altitude de 692 mètres. Il est situé au sud de la commune de Sorède. Mais ne vous y trompez pas, une randonnée à ce roc ce n’est pas une simple promenade à faire avec désinvolture. Non pas du tout, les montées sur un petit sentier y sont âpres et si j’osais cette métaphore toponymique, je dirais même qu’atteindre ce roc, c’est un peu « dépasser les bornes » sans trop s’en rendre compte. En effet, tous les toponymistes sont d’accord pour dire que le mot « meda » qui ici en catalan a donné « medes » ou parfois «medas » a pour origine le latin « meta » dont les traductions dans les différentes langues romanes sont nombreuses et variées mais dont les principales sont « bornes », « limites » mais aussi « but », « objectif », « terme » ou « extrémité ». Là où ça se complique c’est que « meta » peut également signifier « cône », « pyramide » voire « meule » ou encore « tas » dans le sens de « monceau » ou « d’amas », tous ces derniers mots étant la plupart du temps utilisé pour évoquer du foin. Or, quand vous aurez atteint le Roc de les Medes, vous comprendrez immédiatement que la quasi totalité de ces interprétations convient parfaitement à la forme géométrique de cette verrue arrondie qui se détache du reste de la crête. En effet, ce roc a la forme d’une borne, d’un cône, d’une meule de foin et comme l’Histoire ne nous a rien laissé de l’origine de son nom, on peut parfaitement imaginer aussi qu’il s’agissait peut être d’une « limite », d’un « objectif », d’une « extrémité » et ce, d’autant plus facilement que la frontière avec l’Espagne n’est pas très loin et a sans doute été amenée à se déplacer au fil des siècles. Alors, avant de démarrer notre balade, voilà ce que l’on pouvait dire sur ce patronyme qui restera sans doute éternellement mystérieux quand à son origine. La balade, elle, commence depuis Sorède mais pour être plus précis du lieu-dit La Farga après avoir traversé le quartier dit de « la Vallée Heureuse ». Pour cela, il suffit d’emprunter le rue dels Castanyers jusqu’à son extrémité et de se garer près d’une grande et belle villa à la façade blanche mi-pierres mi-enduit. A gauche de cette villa, un panonceau et un balisage jaune au départ d’un large passage indique la direction à suivre. Quelques mètres plus loin nous voilà déjà en surplomb de la rivière de Sureda, Sorède en catalan mais ici on l’appelle aussi la Riberette ou le Tassio selon l’altitude où l’on se situe. En été, un petit filet d’eau s’écoule parfois péniblement mais lors de fortes précipitations, le petit ruisseau peut devenir un torrent en furie d’un extrême violence comme lors de l’Aiguat de 1940 ou bien encore plus récemment en novembre 2011. Un escalier descend vers le cours d’eau que l’on enjambe par un petit barrage en béton. De l’autre côté de la rivière de nouveaux panonceaux proposent plusieurs itinéraires dont notre principal objectif du jour que l’on peut lire sur un grand panneau sous une autre forme orthographique en « Roc de las Medas ». On choisit le sentier qui file à gauche vers « N.S (Nostra Senyora) del Castell », c'est-à-dire vers « Notre Dame du Château ». Le petit sentier est toujours balisé en jaune et plutôt évident à suivre, se faufilant sous les châtaigniers et les chênes, ces deux espèces étant les plus emblématiques et pratiquement les seuls arbres dans ce secteur du Massif des Albères. Le sentier s’élève sèchement puis se stabilise laissant parfois entrevoir quelques beaux panoramas sur la Vallée Heureuse, vers le Roc del Migdia (du Midi), le Pic du Néoulous puis dans un étroit triangle formé par le vallon, vers la Plaine du Roussillon dont on ne distingue qu’une faible portion. Après ces premières découvertes, le sentier replonge dans un petit sous-bois de chênes verts et n’en ressort que pour nous offrir les vestiges oubliés d’un agropastoralisme d’antan : enclos entourés de murets et un orri où de manière très amusante et étonnante, une casserole d’époque posée sur un foyer semble attendre les convives. Ici, la pierre sèche était la seule technique de construction possible. Les sous-bois alternent avec quelques rocs embrassant de magnifiques vues rendant ainsi le sentier plus agréable à cheminer. Puis une intersection de chemins se présente avec plusieurs panonceaux directionnels. En raison même des noms qui y sont mentionnés : « Notre Dame du Château » à gauche et « Font dels Miracles » à droite, je suis un peu déboussolé car pour avoir étudié le parcours, je sais que ces deux sites en font partie. Alors, j’interroge mon GPS, me fie à lui et je file vers la « Font dels Miracles ». Avant même d’y parvenir, voilà que se présentent un nouveau carrefour et de nouvelles options embarrassantes sous la forme d’autres panonceaux. Une fois encore, je décide de poursuivre vers la « Font dels Miracles » que mon GPS m’indique comme étant toute proche désormais. Effectivement, quelques mètres plus loin, je tombe sur un ru noirâtre s’écoulant du pied d’un grand hêtre. Là, quelques gouttelettes tombent dans une minuscule flaque d’eau claire mais à la surface irisée et dont le fond est tout aussi noirâtre et bourbeux. La source magique est sans équivoque car sur son tronc est clairement gravé son nom : « Font del Miracles – LH ». Enfin quand je dis source « magique » plutôt que « miraculeuse » c’est parce que j’y ai risqué le fond d’un gobelet et que le lendemain j’ai gagné 48 euros au LotoFoot 7. Je n’ose même pas imaginer ce que j’aurais gagné si j’avais bu un « Nabuchodonosor » rempli de cette eau ! D’ailleurs, cette eau a eu aussi un autre effet déroutant, car en quittant la source, je n’ai plus pensé à regarder mon GPS et je me suis retrouvé plus loin devant un panonceau indiquant des directions qui m’étaient totalement inconnues sur le tracé étudié : « l’Aranyo et le col des Trois Hêtres par le G.R.10 ». J’en ai conclu que je m’étais égaré mais le GPS me rassura bien vite car le sentier montant vers le Roc de les Medes était encore tout proche, légèrement à gauche et au dessus de celui où je me trouvais. Finalement après une dernière montée abrupte et caillouteuse, j’ai atteint un collet où les panoramas s’entrouvraient merveilleusement. Le « Roc de les Medes » était là devant moi, comme je me l’étais imaginé, tel un gros dé à coudre renversé. Un autre roc plus accessible le précédant, j’ai entrepris son ascension et de là-haut, j’embrassais tous les panoramas alentours. D’après mon bout de carte IGN, j’étais 6 mètres moins haut que mon objectif, qui lui paraissait beaucoup plus vertigineux. C’était superbe et je ne regrettais qu’une seule chose : le temps maussade qu’une fois encore Météo France n’avait pas vu venir ni prévoir. Malgré de gros nuages gris, il ne pleuvait pas et c’était déjà beaucoup. Je sortis mon casse-croûte et en quelques minutes, j’avais déjà ingurgité plus de la moitié de mon panier-repas, pourtant très copieux comme toujours. L’ascension depuis La Farga avait de toute évidence creusé mon appétit. Après cette pause, je me suis remis en route en suivant toujours le balisage jaune de l’étroit sentier passant à gauche du Roc de les Medes puis épousant au mieux la ligne de crêtes. Sous le haut rocher, je pris conscience que son ascension était exclusivement réservée aux « varappeurs » expérimentés tant il était abrupt et de ce fait, je poursuivis mon chemin sans regret. A nouveau, le sentier alternait de petits sous-bois de chênes verts, des parties rocheuses et des fenêtres s’entrouvrant sur les amples et profonds vallons qui m’entouraient. A gauche, la Vallée Heureuse et à droite, celle de Lavall que dominait la séculaire Tour de la Massane. La crête semblait se terminer et sans doute distrait par la beauté des panoramas, je pris par erreur un sentier qui partait à gauche en direction du Puig de Nalt. Heureusement, une fois encore, mon GPS me remit sur le bon chemin, me dirigeant vers les ruines du château d’Ultrera qui, elles, se trouvaient à droite. Là, un mauvais sentier pierreux presque exclusivement en descente déboucha au pied des ruines du château wisigoth à l’endroit même où l’inventeur portugais Padre Himalaya, mais de son vrai nom Manuel Antonio Gomes, avait érigé le premier four solaire en 1900. Connaissant déjà très bien les lieux pour les avoir visités à plusieurs reprises et décrits lors d’une randonnée à Notre-Dame du Château, je ne m’y suis pas attardé et plutôt que de monter vers les ruines d’Ultrera que je connaissais aussi très bien, j’ai préféré rejoindre l’imposant et bel ermitage. Sa chapelle avec un magnifique retable du 18eme siècle est superbement décorée et n’a aucune difficulté à être une des plus belles du département. Il faut dire aussi qu’elle est une des rares chapelles que l’on trouve spontanément ouverte presque à longueur d’années et je me souviens qu’en 2008, nous avions Dany et moi longuement conversé avec un jeune gardien très sympathique se prénommant David. Avec beaucoup de patience et de gentillesse, il nous avait conté l’histoire de l’ermitage. Cette fois-ci, je n’ai rencontré personne et je me suis contenté de prendre quelques photos puis de laisser quelques euros en échange d’un cierge que j’ai allumé en pensant à ma mère dont je sentais bien que le terme de sa vie était désormais tout proche. N’étant pas croyant et sans vouloir tombé dans une spiritualité qui n’a jamais été « ma tasse de thé », je me suis dit simplement que cette petite flamme, elle en aurait peut être besoin. Dans le même esprit mais appréciant seulement la valeur patrimoniale de cette chapelle, ma présence ici me semblait néanmoins inopportune et j’ai préféré rejoindre l’aire de pique-nique pour alléger mon sac à dos du casse-croûte restant. De nombreux passereaux virevoltant autour de moi, je me suis mis en quête de les photographier et j’ai passé quelques beaux instants à observer moineaux, pinsons et autres sittelles-torchepot qui semblaient vouloir éviter, coûte que coûte, mon objectif. Seul, un rougequeue noir peu craintif eut la délicatesse de venir sautiller sur le banc jouxtant le mien. Après cet agréable entracte, je suis resté quelques instants à observer la Plaine du Roussillon qui s’étalait remarquablement de la mer jusqu’au Corbières puis, j’ai emprunté la longue piste direction la Vallée Heureuse et comme cette partie de la balade était sans doute la plus lassante, j’ai, en chemin, encore trouvé matière à me divertir avec mon appareil photo. C’est ainsi que j’ai pu figer dans mon numérique quelques paisibles bovins, un papillon Flambé que les épines très pointues d’un ajonc ne semblaient pas alarmer, une buse qui s’amusait à tournoyer dans un ciel redevenu bleu, des alouettes effarouchées qui malheureusement avaient compris depuis « belle lurette » que le verre de mon zoom n’était pas un miroir, une superbe huppe fasciée jouant à cache-cache dans les genêts puis dans un cyprès. Après ces divertissements, la fastidieuse descente se termina avec une jolie vue aérienne sur le parc animalier de la Vallée des Tortues. Il ne me restait plus qu’à remonter la Vallée Heureuse vers La Farga, ce que je fis par la Rue de la Fargue, qui est, de l’autre côté de la rivière, le pendant de la rue dels Castanyers. Au bout de cette dernière rue, la belle boucle au Roc de les Medes se referma après un peu moins de 7 heures sur les sentiers, arrêts, petits égarements et flâneries et photos incluses. J’avais marché sur une distance d’environ 13 à 14 kilomètres m’élevant sur des montées cumulées de 1.130 mètres et sur une déclivité de 526 mètres, le point le plus bas étant à 160 m d’altitude et le plus haut à 686 m. Comme la lecture de ce récit le laisse entendre, sur ce parcours, les découvertes sont nombreuses et là, je ne parle pas uniquement des vues que l’on embrasse depuis les crêtes du Roc de les Medes. Non, le randonneur qui ne connaît pas ce secteur aura sans doute plaisir à découvrir les vestiges du premier four solaire, les ruines du château d’Ultrera et l’ermitage Notre-Dame du Château. De quoi remplir une bien belle journée ! Comme dans ce récit, j’évoque souvent mon GPS dans lequel j’avais enregistré le tracé avant le départ, je tiens à dire qu’il n’est pas réellement indispensable, le balisage et les indications étant très présentes et fort bien mentionnées. Carte IGN 2549 OT Banyuls – Col du Perthus – Côte Vermeille Top 25.
    Il existe une autre version de cette balade au Roc de les Medes depuis le hameau de Lavall, vous en trouverez le lien descriptif en cliquant ici

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  • Le récit que vous allez lire ci-après est l'histoire de Cobazet, domaine forestier situé dans la Haut-Conflent au pied du Massif du Madres entre la Vallée de la Castellane et celle d'Urbanya. Dans la Vallée de la Castellane, le village le plus emblématique est celui de Mosset,  inscrit parmi les plus beaux villages de France et ce récit est le résultat d'un magnifique travail de recherche et de rédaction effectué par un vrai mossétan. Ce mossétan, c'est Julien PUJOL, agriculteur, randonneur émérite, amoureux fou de son pays catalan et fervent adepte du yoga depuis de très longues années. C'est d'ailleurs par l'entremise d'une association de yoga que j'ai connu Julien, les randonnées pédestres nous ont bien évidemment naturellement rapprochés, nous avons appris à nous connaître et avec la gentillesse qui le caractérise, Julien m'a transmis ce récit et m'a autorisé à le publier dans mon blog "Mes Belles Randonnées Expliquées". Je ne peux bien évidemment que l'en remercier. D’abord parce que j’aime l’histoire mais surtout parce que tout comme lui je suis tombé éperdument amoureux de ce coin de montagne…….


    Si Cobazet m’était conté…..

    Je ne suis pas écrivain, je ne suis pas historien, je suis tout simplement un agriculteur qui a travaillé la terre pendant plus de 45 ans et étant toujours aussi amoureux de cette terre catalane qui m’a vu naître, je n’ai pas pu refuser à Amaury, notre ami ardéchois, le fait de coucher sur le papier quelques témoignages, quelque partage sur le vécu concernant le domaine de Cobazet, situé dans cette belle vallée de la Castellane, entre le Col de Jau et le si pittoresque village de Mosset, bien en face de notre Canigou. C’est pour cela que j’ai fait appel à la tradition orale avec les anciens qui ont sué sang et eau dans ces montagnes, avec tout ce que cela induit d’erreurs quant à des interprétations diverses pour le même évènement puisque la mémoire populaire n’a pas toujours la rigueur de l’histoire !!

    Cobazet se prononce en catalan « coubazètt », ceci bien sûr en rapport avec la « cova » qui signifie « grotte », sous-entendant que sur les lieux, il y avait des avens qui ont été comblés par la suite et le « v »qui figure encore sur certaines cartes avec la dénomination « Covazet » devient « b » de par les mystères de la linguistique ! Le domaine de Cobazet, dont le propriétaire actuel est Groupama, décline bien en remontant le temps, l’économie agricole de cette vallée : c’était  de l’élevage et des cultures vivrières, puis l’exploitation de la forêt et enfin l’exploitation de la carrière de talc.

    La première interrogation, à l’arrivée sur le corps de ferme du domaine se pose dès le seuil, à l’entrée du corps d’habitation : sur une pierre de granit sont gravés deux noms et une date : « PARES, LAVILA, 1862 ». Cette date permet de présumer que ce sont ceux qui ont été les constructeurs ou au moins les habitants de cet édifice (les métayers ?). Puisque cela portait le nom de « Métairie de Cobazet » et quelques recherches nous conduisent à Jean Parès, enfant de Mosset, qui nous donne la probable origine de cette pierre gravée : elle repose sur l’analyse des familles Lavila et Parès au 19ème siècle mais sans pouvoir remonter avec précision sur la date exacte de la construction de l’édifice : dans la suite du récit nous essayerons d’établir un lien entre ces familles et le propriétaire des lieux en 1862, Rémi Jacomy. La bâtisse était délabrée lors de son achat et il avait chargé un de ses commis, Louis Lavila, de procéder à sa rénovation. Celui-ci choisit un maçon marié à une de ses cousines Françoise Lavila, née Parès et nous pensons qu’il a voulu honorer ses beaux-parents en gravant leur nom dans le roc. Quant aux origines des habitants de la bâtisse, une voie sur laquelle je m’étais engagé s’est révélée être fausse : à savoir qu’un dénommé Jean-Baptiste Vila, marié en 1810 avec Anne-Marie Parès, possédait, au lieu dit Cobazet, une terre de 2 hectares (erreur suite confusion de noms entre Lavila en un seul mot et La Vila).

    Revenons aux origines de propriété : une vaste propriété rurale dite « montagnes de Mosset » en nature de pacages, bois et forêt de pins, sapins, hêtres et chemins d’exploitation pour une superficie d’environ 1894 hectares ainsi que le domaine de Cobazet, composé d’une maison de maître, de granges et d’écuries, de champs, et de près pour un ensemble d’environ 91 hectares appartenait, entre autres propriétés, dont le site dit « le Caillau », jusqu’e 1861, aux descendants de la seigneurie du Marquis d’Aguilar. Cette famille, depuis 1675, régnait sur le territoire de Mosset jusqu’à la révolution de 1789.

    Comme les descendants des d’Aguilar avaient émigré en Espagne en 1793, leurs biens ont été nationalisés et revendus aux enchères. Seuls la forêt et les vacants y ont échappé. Ils ont été attribués à Jean Gaspar d’Aguilar qui avait émigré bien avant la révolution. La commune de Mosset s’est opposée énergiquement à cette décision par voie de justice. Elle s’est ruinée en d’interminables procès jusqu’en 1811.

    Localement, les délits forestiers sont de plus en plus fréquents. En 1806, les deux gardes forestiers de d’Aguilar sont assassinés au lieu dit Ladou. Leurs cadavres sont retrouvés deux semaines plus tard enfouis dans un four à chaux au Coll del Torn. Après enquête et jugements, le bilan est de sept inculpations : deux acquittements, quatre condamnations à 20 ans de fer à Rochefort et un fuyard.

    A la suite des évènements qui s’ensuivirent, les héritiers revendirent ces biens précisés à celui qui fut un grand acteur du monde économique catalan dans les années 1860-1883, le maître des forges Rémi Jacomy qui était le gérant de la Société des Forges de Ria. C’était un véritable capitaine d’industrie qui fut le promoteur d’une dizaine de haut fourneaux à bois et ceci explique l’achat du domaine de Cobazet pour l’exploitation de ses forêts pour la fourniture du bois et du charbon de bois nécessaire à son industrie.

    Le débardage se faisait alors par ce qu’on appelait « le chemin des Traginers » Le Caillau – Cobazet – le col d’el Torn – le col de las bigues – Estardé. Par la suite nous verrons que c’est toujours sur cette rive droite de la Castellane que fut construite la ligne de chemin de fer. C’est ce qui s’appelait alors « le trajet libre » entre le col de Jau et Prades, de par une convention passée entre Jacomy et la commune de Mosset : « Monsieur Jacomy autorise la commune de Mosset et ses habitants à passer à pied, à cheval et en voiture sur le chemin qu’il a tracé sous la condition, à moins d’autorisation spéciale, d’y passer avec des troupeaux, du minerai ou du charbon de bois » (concurrence oblige !).

    Cette convention (Jugement du 16 Juillet 1861) met fin au conflit qui oppose la communauté de Mosset aux d’Aguilar depuis des siècles. On sait que les habitants pouvaient prélever du bois de chauffage et de construction et défricher les vacants sur tout le territoire de la baronnie. Ce droit global sur tout le territoire est transformé par cantonnement : Jacomy est affranchi de toute servitude sur la partie haute de la forêt (sauf le droit de passage indiqué ci-dessus). La commune devient propriétaire des vacants et de la partie basse de la forêt, c’est-à-dire, grosso modo, de tout ce qui est au-dessous d’une ligne qui va du col de Jau à Estardé.

    Ensuite l’évolution technique et économique fait que les sociétés de Rémi Jacomy sont en faillite en 1882 et tous ses biens sont finalement vendus aux enchères en 1883.

    Commence alors une autre aventure pour les habitants de la vallée de la Castellane : précédemment, c’était l’exploitation du bois de ses forêts qui primait. Avec l’achat, le 4 juin 1883 par le Baron de Chefdebien c’est la grande aventure de l’exploitation de la carrière de talc qui commence. Le talc, tiré de cette roche tendre appelée « stéatite » servait aux usines de Chefdebien pour élaborer, en tant que matériau de charge, la fameuse poudre cuprique CCD (carbonate de cuivre déployé) utilisée pour combattre le mildiou. Plus tard l’arrivée des fongicides de synthèse fit tomber celle-ci dans l’oubli, mais pendant des décennies ce furent, avec le soufre pour combattre l’oïdium, les produits vedette de la pharmacopée viticole !

    Commence alors l’éreintant travail de la mine : dans le journal des Mossétans, nous suivons l’évolution de ce chantier. Qui étaient ces travailleurs de la carrière de talc, ces mineurs qui provenaient de Mosset de Campôme mais aussi des Italiens et des Espagnols ? De 4 à 7  ouvriers en 1887, ils sont de 14 à 20 en 1900 et une quinzaine en 1937. Voici rapidement esquissées leurs conditions de travail. Ils travaillaient du lundi matin 6 heures jusqu’au samedi soir 18 heures. Ils passaient donc le dimanche à Mosset qu’ils quittaient à pied le lundi vers 2-3 heures du matin pour arriver à Cobazet. Là, une petite locomotive à vapeur dont nous reparlerons les amenait au Caillau qui servait alors de dortoir et de cantine, par conséquent, le Caillau portait le nom de « maison des mineurs » (à l’inverse des bâtiments de Cobazet, dont on ne trouve pas l’année de construction, cette « maison des mineurs », fut construite en 1870). Ces mineurs étaient soumis à de conditions de travail draconiennes, un quart d’heures de retard à l’arrivée sur le chantier et c’était la perte d’une demie journée de salaire.

    Ils extrayaient ce minerai, la stéatite, et le chargeaient sur des wagonnets tirés par les vaches, sur la voie ferrée à voie étroite qui l’amenaient au Caillau, ensuite c’étaient les chevaux ou  des mulets qui prenaient le relais pour l’amener à Estardé. Par la suite, le Baron s’équipa de cette petite locomotive à vapeur fabriquée par Decauville et qui fut pompeusement baptisée « stéatite ». En 1950 la carrière fut fermée et elle fut rapatriée aux établissements de Chefdebien à Perpignan puis vendue à la ville de Perpignan en 1954.

    Le talc était transporté à Prades par la route sur les chariots tirés par des bœufs. Le baron de Chefdebien a expérimenté plusieurs autres moyens de transport, sans succès, par plan incliné au-dessus de Campôme, puis par câble entre Cobazet et la Forge haute jusqu’en 1950 environ.

    Etienne Margaill, ancien mineur, mémoire vivante de ce qui fut la grande aventure de la carrière de talc, a les yeux qui brillent lorsqu’il évoque la descente vers l’Estardé, juché sur la cargaison de ces wagonnets tirés par un mulet et dont on pensait qu’ils allaient verser d’un moment à l’autre dans le ravin, car les déraillements étaient monnaie courante, ainsi que le relate un rapport de la gendarmerie de Prades lorsqu’un ouvrier fut blessé après une chute alors que le préposé au serre-frein n’était pas intervenu assez tôt !!!

    Les mineurs de cette carrière de talc vécurent des moments très forts au cours de la guerre 39-45. Pour échapper au STO (service travail obligatoire) beaucoup de jeunes gens s’embauchaient comme mineurs, ce qui les dispensait de partir en Allemagne, et ipso facto beaucoup faisaient partie du maquis. Plusieurs de ces maquis cohabitaient dans la région du col de Jau, et le 12 août 1944 il y eut une rencontre, au Caillau, entre les différentes sensibilités des mouvements de la Résistance pour mettre au point le programme de la Libération. Y étaient, entre autres, les guérilleros FT¨P (Francs-tireurs et partisans) qui vivaient à la Moulinasse, en bas du col de Jau, après leur départ de Valmanya à la suite de l’attaque du village par les Allemands et c’étaient des combattants redoutables qui s’étaient endurcis au combat pendant la guerre d’Espagne.

    Ici, il convient de relater le drame arrivé au curé de Mosset, Isidore Pailler. Ce prêtre, d’origine espagnole, et soupçonné de sympathies franquistes, fut abattu à la Moulinasse et non au Caillau comme la vox populi le relate parfois : quelles en sont les raisons ? Des Mossetans livraient des vivres aux maquisards, ce prêtre, embusqué derrière la moustiquaire, prenait les noms, pour cela il fut arrêté et amené à la Moulinasse. Là, les avis divergent, certains disent qu’il fut jugé sommairement et fusillé et d’autres parlent « d’accident » !! Il aurait été confié à la garde d’un jeune maquisard, aurait tenté de s’enfuir et abattu au cours de cette tentative… Aucune guerre n’est propre !!!

    A la fin de la guerre, ce fut la Société des mines de Carmaux, qui continua quelques temps l’exploitation de la carrière mais, en Ariège, à Luzenac une autre carrière de talc signait l’arrêt de mort du Caillau et ce fut la fin du talc de la Castellane, un bail emphytéotique de 99 ans ayant été signé, ceci bien sûr pour éviter toute concurrence.

    En 1956, La famille de Chefdebien décide alors de vendre le domaine. Celui-ci fut proposé à la Mairie de Mosset. Le conseil municipal se réunit  et c’est par une seule voix de différence à la suite du vote que cet achat fut refusé ! Ce fut alors la Caisse Centrale des Assurances Mutuelles Agricoles qui s’en porta acheteur (tout organisme d’assurance se doit d’avoir dans son patrimoine de quoi pouvoir répondre aux éventuels sinistres). Ce fut le Directeur Général, Monsieur Jacques de ROQUELAURE qui mena toute l’affaire et fit attribuer 3 parts  aux caisses locales de Prades, d’Ille et de Vinca et ipso facto, ce fut la caisse départementale qui en devint le gérant. Ce fut d’abord l’exploitation des forêts par l’ONF, qui fut ensuite confiée à la COFOPYR pour revenir à l’ONF, celle-ci particulièrement efficace pour la gestion de la chasse. Il convient de signaler que grâce, entre autres, à Jean Maurice MESTRES, il y a une excellente collaboration entre les chasseurs et le propriétaire des lieux.

    Par contre, un autre bail emphytéotique avait été signé entre Groupama et la Mairie de Mosset  pour les bâtiments du Caillau et une petite bande de terre y attenant, ceci pour la somme de 1euros par an. Ceci étant une côte mal taillée, l’Assemblée Générale du 30 octobre 1998, sous la Présidence de Roger PAILLES, décidait de vendre le refuge du Caillau à la commune de Mosset.

    Voici rapidement brossé l’historique du domaine de COBAZET, cette perle de notre pays, très chère aussi bien aux habitants de Mosset, qu’à tous les catalans ainsi qu’aux amoureux de nature et de randonnées et j’espère que nous ne verrons jamais des capitaux étrangers venir s’en emparer !!!

    Merci à Etienne MARGAILL, Jean PARES, Jean-Maurice MESTRES, Pierre CAILLIS dont je n’ai fait que retracer les paroles ou les écrits.


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  • Si dans le titre de mon billet mensuel, je parodie le célèbre roman d’Edmonde Charles-Roux « Elle, Adrienne », c’est parce que ce mois-ci, j’aurais bien aimé vous parler affectueusement de ma mère. Ma mère s’appelle Adrienne. Elle a eu 90 ans cette année. Mais moi qui habituellement a la plume plutôt facile, cette fois-ci pas grand-chose ne sort de ma tête. Pourtant, au fond de moi, je sais pertinemment que j’ai tant de bonnes choses à dire sur elle. Tant d’amour à lui restituer. Voilà maintenant 10 jours qu’elle est dans ce qu’on appelle des soins palliatifs. Sans aucunement en vouloir à tous les aides-soignants, infirmiers, infirmières et autres toubibs qui suivent son cas au jour le jour avec beaucoup de professionnalisme et de compassion, je ne peux pas appeler ça des « soins ». Après une « fausse route alimentaire », voilà maintenant 10 jours qu’elle ne boit plus et ne s’alimente plus car son cerveau refuse toute déglutition. Bien sûr quelques tentatives ont été essayées avec de l’eau gélifiée et des aliments mixés mais toutes se sont avérées vaines. Après quelques jours sous un masque à oxygène et quelques perfusions, le corps médical a pris la décision d’arrêter tout acharnement thérapeutique. Je suis pour. Nous sommes pour. Globalement tous ses proches sont pour. Son cœur bat toujours. Elle respire. Voilà la situation aujourd’hui. Une situation que tout le monde, famille et corps médical réunis, subit sans plus pouvoir ne rien faire. Pour combien de temps ? Personne ne le sait. Je n’ai rien d’autre à dire, rien d’autre à écrire…J’attends….Nous attendons….Une attente insupportable….

     

    Quand je pense à elle, souvent il me revient en tête mais allez savoir pourquoi cette vieille mais superbe chanson « Maman, c'est toi la plus belle du monde »….Peut-être à cause de la photo d’elle qui trône devant mon bureau (voir photo) et où elle est magnifiquement jolie….ou bien parce qu'au cours de mon enfance et de ma jeunesse, je l’ai entendu maintes et maintes fois fredonner cette chanson….Sa version préférée, c’était sans doute celle de Luis Mariano…..

     

    En général, quand quelqu’un se meurt, qui plus est une maman, on n’a pas très envie d’écouter de la musique alors si je fais un lien vers cette chanson, n’y voyez aucune provocation de ma part….non c’est surtout pour elle que je fais ce lien……j'espère que là où elle est, elle entendra cette belle chanson qu'elle aimait tant.....

     


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    LE SENTIER DE DECOUVERTE DU BALLON D'ALSACE par jullie68

    Si la visite du Grand Ballon ou Ballon de Guebwiller s’effectue au fil des édifices que l’on y rencontre, bâtiments, stèles et vestiges, sur un sentier dit panoramique, celle du Ballon d’Alsace se réalise sur un véritable sentier de découvertes. En effet,  cet itinéraire est agrémenté d’une dizaine de tables de lecture pédagogiques mais divertissantes qui permettent d’appréhender toutes les facettes de ce prestigieux sommet. Haut lieu touristique devenu grand site national, vous marcherez dans les pas du Marquis de Pezay qui avait été littéralement conquis par cette montagne. C’était en 1770 et voilà comment il faisait le récit de son voyage : "le Ballon d’Alsace est la plus haute, la  plus riche et la plus curieuse des  montagnes des Vosges, tant par ce que la nature y a fait que par ce que les hommes y ont ajouté. Cette partie de la longue chaîne qui sépare l’Alsace de la Lorraine, recèle les mines du Royaume les plus abondantes en cuivre, plomb, argent. Le voyageur qui parvient au sommet met un pied sur l’Alsace, l’autre sur la Lorraine et étend un bras sur la Franche-Comté. Son oeil se perd avant que l’horizon se termine. Méditant, en extase, ravi de ce tableau et nécessairement exalté, celui qui pour la première fois l’admire, s’enivrant du plaisir de la vue, ne craint que la nuit dont il sent que l’heure approche". Cette extase, cette exaltation, cette admiration enivrante des paysages, il ne vous faudra qu’une heure trente pour les vivre car c’est le temps nécessaire pour effectuer le tour de ce magnifique petit circuit de découvertes, flânerie et lecture des tables incluses. C’est ainsi que vous apprendrez que dès le 18eme siècle, toute une foule de pèlerins, botanistes puis touristes gravissent son sommet en toutes saisons mais également que le Ballon d’Alsace constitue la ligne de partage des eaux entre Méditerranée et Mer du Nord. Au sud, la source de la Savoureuse s’écoulant vers le Bassin du Rhône et au nord, des tourbières se transformant en rus qu’ici on appelle « gouttes ». Ces « gouttes » constituent un petit réseau capillaire hydrographique alimentant quelques ruisseaux comme celui de Prele ou des Charbonniers filant vers la Moselle, affluent du Rhin. Vous y découvrirez ensuite une superbe statue équestre de Jeanne d’Arc. Imaginée comme un défi à la Prusse après l’annexion de l’Alsace-Lorraine en 1871, mais édifiée en 1909 seulement, ici la « pucelle d’Orléans » symbolise l’attachement de la France pour cette région dont elle était native. Grâce à la table suivante, vous ferez connaissance avec une vie économique en constante évolution depuis des siècles tout autour du ballon. Une montagne qui a toujours été vivante et qu’aujourd’hui on offre au tourisme de masse mais que désormais, très contradictoirement, on cherche à préserver écologiquement coûte que coûte. A partir de là, vous approcherez de la portion du sentier la plus en balcon et donc la plus abrupte sur les vallées dont celle dite des Charbonniers. Des pancartes de recommandations indiquent la dangerosité du secteur pour les randonneurs et les skieurs qui auraient le tentation de vouloir sortir du sentier. Ici, c’est le paradis des parapentistes et eux seuls ont le droit de se jeter dans le vide et d’aller jouer dans les airs avec le « ballon ». Eux, ils se divertissent un peu plus haut mais vous, en cas de chute, la dernière récréation s’effectuerait beaucoup plus bas. Alors prudence ! Pour les terriens non volants ou pour ceux dont l’adrénaline n’est pas la « tasse de thé », quelques bancs ont été installés aux endroits les plus propices à la contemplation et à la méditation. Si un banc est inoccupé, vous vous empresserez d’y poser vos fesses car entre panoramas et parapentistes dans leurs circonvolutions, le spectacle est tout simplement grandiose pour ne pas dire époustouflant.  Un peu plus loin, une nouvelle table explique les différents types de végétations que l’on rencontre selon l’inclinaison des versants et des combes : forêts, plantes herbacées de la mégaphorbiée et chaumes. La table suivante intéressera plus particulièrement les mystiques puisqu’elle est consacrée au Ballon d’Alsace comme un éventuel observatoire solaire celtique il y a 5.000 ans. Voir à ce sujet et pour un peu plus de détails, mon article sur le Grand Ballon et l’origine étymologique du mot « ballon ». Non loin de là, on rencontre quelques chevaux et caprins qui broutent en recherchant la fraîcheur de la hêtraie d’altitude. A cause du vent qui sévit et de la neige qui s’y amoncelle en hiver, il s’agit d’une hêtraie avec des arbres à la taille plutôt réduite qu’ici on appelle « forêt bonsaï ». C’est ici aussi que l’incommensurable G.R.5 montant du Massif du Rossberg rejoint le sentier de découverte. Après cette série de petites tables de lecture en surplomb des vallées, on atteint le point culminant du ballon où une superbe table d’orientation a été érigée. Elle vous délivre les noms des principaux paysages qui, a 360°, défilent dans une magnifique ronde scénique. D’ailleurs les rondes dansantes c’est pour bientôt car nous sommes le 17 juillet et de grands bûchers ont été dressés pour le 19, jour où se dérouleront ici les Feux des Trois Provinces. Dommage pour nos « pommes » mais nous serons déjà sur le chemin du retour vers les Pyrénées-Orientales ! Comme il se doit, un de ces grands fagots a été dressé tout à côté de la statue de Notre-Dame du Ballon. Cette Vierge fut construite en 1862  pour respecter le vœu d’un fermier qui avait fait cette promesse après s’être perdu dans une tempête de neige mais qui par bonheur en avait miraculeusement réchappé. A partir de là, on amorce la descente et le retour vers la station avec ses fermes-auberges, anciennes marcairies (*) comme l’indique une dernière table de lecture. La balade tire à sa fin et elle se termine devant des stèles commémoratives. De loin, la première paraît assez surprenante avec trois colonnes s’élevant vers le ciel auxquelles un homme nu a été fixé tête en bas et jambes en l’air. On comprend mieux cette allégorie dès lors que l’on sait que cette statue a été élevée à la mémoire de démineurs. En effet, à la fin de la seconde guerre mondiale, de nombreux jeunes ont laissé leur vie au cours d’opérations de déminage, contribuant ainsi à la libération du Territoire de Belfort. La deuxième stèle est plus simple et rend hommage au grand champion cycliste René Pottier qui en 1905 et 1906 s’illustra dans le Tour de France et notamment ici, lors de l’ascension du Ballon d’Alsace. Ainsi se termine cette jolie petite boucle de 4 kilomètres….non pas au plus au sommet du massif vosgien comme l’affirmait par erreur le Marquis de Pezay en 1770 mais au plus méridional et seulement le vingtième en altitude avec ses 1.247 mètres.

    (*) Marcairies : exploitations agricoles du massif vosgien dans lesquelles les vaches laitières sont élevées pour la production du fromage « munster ». Leur nom vient de l’alsacien "malker" dérivé de l’allemand "‘melker", signifiant « celui qui trait les vaches ». Il y a plus de 1000 ans, les marcaires (exploitants) défrichèrent les forêts d’altitude créant ainsi de vastes zones de pâturage appelées hautes chaumes.  Composées presque essentiellement de landes, de pelouses et parfois de tourbières, les hautes chaumes permettent aux bêtes de paître ces zones largement herbacées naturellement.


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    LE SENTIER PANORAMIQUE DU GRAND BALLON (Vosges) par jullie68

    Au mois de juillet dernier, nous avions décidé d’aller passer une semaine dans les Hautes-Vosges, région que nous ne connaissions pas. Nous avions loué un petit chalet à Gerbépal, joli village à 8 kilomètres de Gérardmer. Je ne sais pas si vous êtes comme nous, mais quand on part ainsi, visiter une région, on a bien sûr envie de voir un maximum de choses. On étudie des guides comme le Petit Futé ou le Routard, on regarde les cartes routières, on se fixe des objectifs et des itinéraires puis on se lève tôt et nous voilà partis pour de très longues journées. Le soir, on rentre tard parfois éreintés mais inévitablement ravis. Alors, bien évidemment, pour des fêlés de la randonnée pédestre comme nous le sommes, les Vosges avec ses 18.000 kilomètres de sentiers balisés sont un véritable paradis. D’un autre côté, consacrer des journées entières à des balades quand on n’a qu’une toute petite semaine pour découvrir une région toute entière, c’est un dilemme sans réelles solutions. Alors comment allier les deux et ne pas être trop frustrés ? C’est le problème qui s’est posé à nous et je crois que nous avons trouvé la solution en nous cantonnant à des petits circuits pédestres de 2 heures maximum. Et ça tombait d’autant mieux qu’aux deux principaux « ballons », celui de Guebwiller et celui d’Alsace, il existe des sentiers de découvertes en boucle de cette durée-là. Ah, les « ballons » des Vosges ! Si vous êtes de la même génération que moi, ça évoque inévitablement de vieux souvenirs scolaires. C’était au bon vieux temps où au cours élémentaire, on étudiait sur de grandes cartes géographiques accrochées au mur de la classe, les plus hauts sommets des montagnes françaises. Il y avait les Alpes bien sûr et son célèbre Mont-Blanc avec ses 4.807 mètres (depuis il a grandi d’environ 3 mètres !), les Pyrénées et le pic d’Aneto, haut de 3.404 mètres, cet étranger que l’on s’appropriait sans vergogne oubliant ainsi et presque à jamais que le plus haut sommet français de cette chaîne montagneuse ce n’était pas celui-là. Pour notre instit d’histoire et géo, il semble que le Vignemale avec ses 3.298 mètres portait magnifiquement son nom de « mauvaise montagne ». Le Vignemale, ce mont si mal-aimé, c’était, pour les écoliers que nous étions, le « mont perdu » français des auteurs des livres de géographie. On n’entendait jamais parlé de lui. Ensuite, il y avait le Massif Central  et ses anciens volcans qui avaient pétés les « plombs », il y a quelques milliers d’années créant parfois des puys : le Puy de Sancy à 1.885 mètres d’altitude et le Plomb du Cantal à 1.855 mètres pour ne citer que les plus dominants. Et enfin, il y avait le Jura et les Vosges, vieilles chaînes de montagnes rabotées par le temps et aux modestes altitudes. Le Jura et ses « crêts » dont le Crêt de la Neige et ses 1.720 mètres et  les Vosges et ses « fameux » ballons dont le Ballon de Guebwiller était,  avec ses 1.424 mètres de haut,  le sommet plus emblématique. Enfin, à l’époque, nous l’appelions « Guebwiller » mais il semble que ce nom soit tombé en désuétude au profit du « Grand Ballon », ce qualificatif de « grand » attirant sans doute un peu plus de touristes et notamment en hiver ou la station de ski  est ouverte. La première fois où j’ai entendu ce nom de « ballon » à un cours de géographie, j’ai imaginé des montagnes toutes rondes et en cuir car pour moi, le seul et unique ballon, c’était celui de foot dans lequel je tapais dès que j’avais le moindre temps libre. Alors quand Dany et moi avons pris au sein de ce Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges, la plus belle des routes, c'est-à-dire celle dite des Crêtes, ces vieux souvenirs se bousculaient dans ma tête et j’avais hâte de voir à quoi ressemblait ce « Grand Ballon » de mon enfance. Et là, quand  je l’ai vu pour la première fois, nous étions à son pied, au Col du Haag exactement, et que croyez-vous que j’ai vu en premier ? Un ballon ! Pas de foot mais tout blanc et très ressemblant tout de même ! Une fois arrivés au col,  nous avons garé notre voiture et avons démarré la balade à gauche de l’Office du Tourisme et de l’hôtel du Club Vosgien par le Sentier dit « panoramique » ou « Sittler » c'est-à-dire le parcours le plus long car en réalité, il y a deux circuits. Celui que l’on appelle « du sommet » et qui est donné pour 45 minutes et le « panoramique » pour 1h15. Nous l’avons accompli sans nous presser en 1h30 car comme à mon habitude, la flore et la faune mais également tous les panoramas,  paysages et monuments qui émaillent le circuit ont fait les frais de ma soif de découvertes et ont été enregistrés comme il se doit dans mon appareil photo. Un temps somme toute raisonnable car dieu sait si il y a moult choses à voir sur ce court sentier panoramique. De beaux papillons, des petits passereaux plutôt rares et peu craintifs, des quantités de jolies fleurs dont de nombreuses protégées, les vestiges de l’ancien hôtel détruit au cours de la première guerre mondiale, des stèles civiles et militaires, une table d’orientation et bien évidemment des panoramas incroyablement beaux sur les Vosges, l’Alsace et parfois bien plus loin, jusqu’au Jura et aux Alpes à condition que le temps soit très clair. Et puis bien sûr, il y a ce fameux ballon blanc que j’apercevais du col du Haag mais ce n’était que celui du radar de l’aviation civile qui se trouve au pinacle. Bien évidemment, j’ai grandi et je ne suis pas immature au point de penser que j’allais trouver un ballon de cuir ni même que cette grosse boule blanche ait pu donner son nom à ce mamelon vosgien.  Non, le radar est plutôt récent et sa construction qui a débuté en 1995 s’est terminée en 1998. Par contre et je l’avoue, mais c’est sans doute ce que nous apprenions à l’école,  jusqu’à présent, j’avais cru que le nom de « Ballon » avait été donné à cause des formes arrondies de plusieurs sommets vosgiens et j’avais toujours pris ce précepte comme un dogme.  Que nenni ! Enfin quand je dis « que nenni », en réalité deux thèses s’affrontent. Voilà en un résumé le plus court possible, ce que nous disent les étymologistes d’aujourd’hui : « le terme allemand « Belchen » ou « Bölchen » semble être un diminutif du vieux mot allemand « bolla » qui signifie "récipient arrondi"  ou « bol ». Il est de même origine indo-européenne que le latin « bulla » signifiant un « objet sphérique » et en français une « boule » et désigne donc métaphoriquement « la forme arrondie des sommets » puis ils rajoutent « ce mot « Belchen » compris comme « Bölchen », a influencé le choix du terme français « ballon » au xviiie siècle par les moines bénédictins de Senones, véritables géographes du siècle des Lumières » (extrait de Wikipédia). Mais aujourd’hui, d’autres étymologistes défendent une théorie toute autre : "cependant, il s'agit peut-être aussi d'une référence au culte celtique de « Belenos » – dieu du soleil – qui fut célébré jadis sur les éminences les plus dégagées du massif". (extrait de Wikipédia). Et pour étayer cette dernière thèse, voilà ce que disent d’autres  géographes : « les dénominations « ballons »  sont relativement récentes, mais elles s'appuient sur des traditions anciennes. En allemand, pour désigner ces « ballons », on parle de « Belchen », ce qui n'a aucun rapport avec un ballon et d’ailleurs deux montagnes portent ce nom-là : le Belchen de la Forêt Noire et un autre Belchen dans le Jura suisse. La signification du mot allemand est beaucoup plus claire : elle veut dire « petit Bel », où « Bel » évoque tout naturellement « Belen », le « dieu à la roue », le dieu soleil des celtes et des gaulois. « Belchen » et sa francisation « Ballon » signifient « petit soleil ».Si on ajoute que ces mots remontent à une époque où le foot n'existait pas, on comprendra que nos "ballons" vosgiens sont des lieux sacrés et des observatoires solaires ». Voilà pour cette deuxième argumentation. Allez ! Ce n’est pas moi, le marseillais, fada de « ballon rond » qui peut prendre l’initiative de les départager. Un but partout et le "ballon" au centre. Voilà, nous avons quitté le « Grand Ballon » avec des images plein la tête. Ces belles images ne remplaceront jamais celles de notre enfance, au temps où nous regardions les cartes de géographie en rêvant à des voyages lointains. Non, ces images viendront simplement se rajouter à ce grand album de souvenirs qu’on appelle la mémoire. 


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