• Ce diaporama est agrémenté de la très belle musique de Michel Legrand "The Summer Knows" paroles de la chanson d'Alan et Marilyn Bergman, musique du film de Robert Mulligan "Summer of 42" (Un Eté 42) avec Jennifer O'Neill. Ici, elle jouait successivement par Michel Legrand (piano), Toots Thielemans (harmonica) et Jackie Evancho (chant).

    Les Cabanes de Goutets (1.463 m) depuis La Foulie (947 m) (Commune de Le Port-Ariège)

    Les Cabanes de Goutets (1.463 m) depuis La Foulie (947 m) (Commune de Le Port-Ariège)

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    Les Cabanes de Goutets (*), vous connaissez ? Si vous n’habitez pas l’Ariège voire mieux ce canton qu’on appelle plus précisément le Massatois (commune de Massat), situé dans le Couserans, il est fort probable que non ! Je vous rassure, avant d’y aller moi-même, je ne connaissais pas l’endroit. D’ailleurs, et pour être franc, la toute première fois où j’ai vu cet intitulé dans un guide touristique ariégeois et sans même avoir lu l’article, j’ai immédiatement pensé à un lieu propice à accueillir des enfants et dans lequel des cabanes auraient été construites afin qu’ils viennent y goûter. Prendre leur « quatre-heures » comme nous le disions jadis, mais également goûter aux joies diverses de récréations campagnardes. Alors bien sûr, j’avais tout faux, et d’ailleurs, j’aurais dû m’en apercevoir car « Goutets » s’écrit avec « ts » à la fin et non pas avec un « r » ou « rs » ! Non, le site de Goutets (*) est une zone pastorale dont certains historiens s’avancent à dire qu’elle était déjà là au 14eme siècle. Minuscule hameau presque essentiellement constitué de ce que l’on appelle très communément des « orris », ici des « courtals », c’est-à-dire des petites cabanes en pierres sèches, la zone en question a été réhabilitée et vit désormais une nouvelle vie depuis 1974. Dorénavant protégé, cet espace agropastoral, qu’ici on appelle « bourdaou (**) » est situé à une altitude moyenne de 1.400 mètres dans un cirque magnifique au pied du Pic des Trois Seigneurs. Si le site continue d’être une zone d’estives ; après une très longue période de déprise agricole ; il présente l’avantage d’être ouvert à la randonnée pédestre. C’est donc pour ce dernier motif que nous sommes en ce jeudi matin du 13 juin 2019 au hameau de La Foulie.  En vacances pour 8 jours dans le petit village de Le Port, cette balade donnée pour 3h30 présente tous les avantages que nous nous sommes fixés. Une distance et un dénivelé de 560 mètres raisonnables, un cadre magnifiquement montagnard correspondant à ce que nous sommes venus chercher en choisissant l’Ariège pour nous dépayser et en plus, un départ depuis La Foulie, hameau peu éloigné de notre lieu de villégiature. Il est 8h30 quand nous garons notre voiture sur le petit parking de La Foulie. Comme le temps est plutôt agréable ; même si de gros nuages blancs très mobiles dominent parfois le cirque ; on pourrait presque dire que l’on va sans doute aimer tout ce qui nous attend, un peu, beaucoup, passionnément, à la Foulie ! D’ailleurs, si nous n’étions pas des êtres respectueux de la Nature, nous pourrions presque dire ça en effeuillant une des grandes marguerites poussant au bord même du parking. Mais non, même pour cause d’Amour avec un grand « A », écarteler une fleur pour ne garder que son cœur n’est pas dans nos principes ! Dès le départ, les indications sont précises et le balisage très bon. D’ailleurs, les gens du cru ont fait des efforts ; efforts humoristiques de surcroît ; pour rendre cette balade encore plus agréable, en accrochant une plaque « Chemin des randonneurs », puis un peu plus loin, avec un panonceau « par ici la rando ». Le parcours vers les Cabanes de Goutets porte le numéro 16 et on se dit déjà qu’on va faire en sorte d’y faire confiance au maximum, même si beaucoup plus tard et lors du retour, à un endroit bien précis; mais un seul ; il sera la cause d’une bonne galère !  Dans l’immédiat, un étroit sentier très herbeux nous entraîne vers le hameau Le Carol que l’on aperçoit juste au-dessus.  A cause d’un petit ruisseau qu’il faut enjamber, de nombreux ruissellements et donc d’une herbe très grasse et glissante, la montée vers Le Carol nécessite dès le départ un peu d’attention, ce qui ne m’empêche nullement de me vautrer dans la gadoue après une jolie « gamelle » dans la partie la plus boueuse. Mon appareil-photo est intact et c’est déjà un bon point, même si l’objectif est mouillé de gouttelettes et que je ne m’en aperçois pas immédiatement. Une végétation luxuriante, pas mal de fleurs des prés, des granges typiquement ariégeoises avec leur toiture typique à redents, un vieux lavoir, une minuscule source coulant au sein d’une dense fougeraie, des ânes en quantité qui s’y prélassent et y trouvent pitance, voilà  les découvertes de nos premières foulées. Le Carol arrive. Il s’agit d’un tout petit hameau suspendu à flanc de montagne avec une très belle vue sur le vallon, vallon se terminant au loin par le cirque glaciaire des Trois Seigneurs. Le village semble recroquevillé sur lui-même, avec des maisons très près les unes des autres. Est-ce pour se réchauffer lors des hivers très rigoureux ? Rien ne le dit mais cette chaleur est déjà bien présente dans le cœur des gens qui habitent le hameau. Alors que la conversation vient à peine de s’engager avec un couple très gentil, à propos de la beauté de leur village, ces derniers nous invitent à visiter leur jolie maison.  Ils vont jusqu’à nous proposer un café. Nous les remercions de leur accueil mais refusons le café car leurs bagages sur le perron de la porte  et des fleurs en godets dans des cartons nous laissent supposer une arrivée imminente. C’est bien le cas. La maison étant pour eux une résidence secondaire, ils nous confirment être en vacances et viennent effectivement d’arriver. Nous les saluons une dernière fois et les laissons à leurs affaires courantes et à leur installation, dont on connaît parfaitement l’importance pour être souvent dans le même cas.  Le sentier continue à s’élever en longeant quelques jolies maisons, parfois très fleuries,  puis on sort très vite du hameau à hauteur d’un vieux et grand lavoir. Une chèvre curieuse puis un chat très câlin stoppent notre élan et nous divertissent de longues minutes. Un bois est là, le plus souvent constituée de divers feuillus mais presque jamais vide d’un très riche patrimoine bâti. Granges à la pelle qui jalonnent le chemin, parfois en ruines, parfois mal en point et quelquefois magnifiquement restaurées en lieu d’habitation ou de villégiature. Toutes ces granges ont ces pignons à gradins ou à échelons qu’on appelle « redents » ou « à pas d’oiseau » et dont les dalles qui les constituent sont ici appelées « peyrous ». Des étables, des bergeries et des terrasses sont bien présentent elles aussi et prouvent,  si nécessaire qu’il y a eu ici une occupation agricole montagnarde très conséquente. Devant une très belle grange rénovée, un jeune couple ; d’origine étrangère à cause de leur accent ; travaille durement à défricher leur terrain envahi par de grands genêts en fleurs. Estivants eux aussi, ils nous confirment que le débroussaillage est indispensable chaque année. Surtout les genêts, les fougères et les ronciers qui ont un pouvoir incroyable  à se développer car ici ils trouvent un terreau et une humidité à leur parfaite convenance. Ayant une maison à Urbanya, dans le Haut-Conflent, on leur confirme savoir tout ça et être logés à la même enseigne de ce défrichage annuel inéluctable ! On laisse les jeunes défricheurs à leur dur labeur mais dès lors, les bois de divers feuillus et les broussailles laissent la place à une très belle et sombre forêt. Des arbres immenses et sans doute séculaires dressent leur tronc vigoureux et leurs amples ramures très haut dans le ciel. Des hêtres presque essentiellement. De nombreux vestiges d’habitats sont encore là. Parfois une clairière s’entrouvre laissant apparaître à l’horizon la pyramide tronquée et trapézoïdale du Mont-Valier ou bien encore bien plus près la longue crête du Massif des Trois Seigneurs. Légèrement saupoudrées de plaques de neige éparses, nous avions initialement prévus de monter à son pic situé à 2.199m d’altitude, à partir du Port de Lers. Ça, c’était au début de nos vacances, mais avec l’arrivée d’une couche de neige inattendue dès le premier jour, la météo a contrarié nos plans. Nous n’étions pas vraiment équipés pour marcher dans la neige et sur des névés,  alors on a changé notre fusil d’épaule essayant de chercher d’autres randonnées beaucoup plus dans nos cordes que celles de gravir de hauts sommets très nombreux ici en Ariège.  Mais qu’à cela ne tienne car ce département est un tel réservoir de belles randonnées qu’il faut vraiment le vouloir pour ne pas en trouver quelques-unes à son goût ! Cette randonnée aux « Cabanes de Goutets » est venue remplacer celle prévue au pic des Trois Seigneurs. On ne saura jamais si on a gagné ou perdu au change ? Après le franchissement d’un petit ruisseau, le sentier sort de la forêt et aboutit sur une piste forestière. Pour quelques minutes et une centaine de mètres seulement, car juste après le balisage jaune indique qu’il faut reprendre un autre sentier forestier montant de nouveau à gauche. Ici aussi pour quelques minutes seulement, car peu après, la forêt se termine laissant la place à un ample amphithéâtre presque essentiellement herbeux. C’est le début du cirque. Les premières cabanes en pierres sèches sont là, certaines en ruines et d’autres à encorbellements encore bien debout. Cette architecture-là serait-elle plus solide que l'élévation traditionnelle ? On peut raisonnablement se poser la question. Le sentier toujours bien balisé en jaune circule au sein de ces ruines et orris. Dany qui a la fringale décide d’arrêter là au milieu des cabanes pour déjeuner et se reposer un peu. Je mets à profit cet arrêt avec une double occupation : déjeuner tout en tentant de photographier la Nature : oiseaux, fleurs et papillons essentiellement. Ici, nous sommes au lieu-dit Les Pradals et le regard porte à la fois vers le cirque des Trois Seigneurs et le vallon que nous venons de longer en balcon. Tout le reste n’est que « verdure » sous toutes ces formes ou bien alors « minéralité » à partir d’une certaine altitude.  Dany qui a l’œil bien plus perçant que moi a aperçu un chevreuil. Elle m’appelle et me le montre du doigt. Il est assez loin dans la prairie se trouvant en contrebas, mais suffisamment visible pour un rapproché photographique. Nous allons l’observer de très longues minutes avant qu’il ne disparaisse derrière un dôme herbeux. Nous repartons en essayant de ne pas perdre de vue le balisage jaune.  Pourtant, c’est très vite peine perdue dès lors que les premières mouillères se présentent.  Ici, prêter attention à ne pas mettre les pieds dans l’eau ou la gadoue, tenter de les poser correctement sur des mottes de laîches sans se tordre les chevilles et regarder en même temps si le balisage jaune est présent sont des besognes quasiment incompatibles dès lors que les trois sont à faire en même temps. Parfois, le sentier ressemble à un ru mais quoi qu’il advienne le balisage jaune est définitivement perdu. Ici, de nombreuses grives sautillent sur l’herbe fraîche de la prairie. Je réussis à les photographier avant qu’elles ne s’envolent en éventail. Pendant que Dany traverse les tourbières un peu plus bas, je grimpe jusqu’à l’orée d’un bois où finalement je retrouve un semblant de sentier et le balisage jaune à l’instant d’enjamber un tout petit torrent. Il s’agit du ruisseau de Pistoulet, affluent de la rivière l’Arac, principale grande rivière du secteur.  Dany me rejoint et désormais un bon sentier herbeux file vers les Cabanes de Goutets, enfin vers celles qui sont quasiment toutes en bon état et regroupées en un petit lotissement. On imagine aisément qu’il s’agit des cabanes restaurées dont il est fait mention dans le dépliant que nous avons trouvé à notre location. Les cabanes sont là avec des styles architecturaux bien différents mais toutes en pierres sèches et avec d’énormes ardoises de lauzes dès lors que les toits sont pointus. Certaines cabanes, style maison ou grange, ont seul un toit pointu, d’autres en ont deux, d’autres ont la couverture volontairement herbeuse et moussue grâce à une bonne épaisseur de terre engazonnée. Elles sont recouvertes de « gispet » ; cette herbe que l’on trouve très souvent dans les pelouses d’altitude est là pour assurer l’étanchéité. Ces dernières ont le  plus souvent leurs toitures arrondies et ressemblent aux orris traditionnels tels qu’on les rencontre sur l’ensemble du massif pyrénéen. Certains orris sont petits et carrés, d’autres plus grands et rectangulaires, certains ont des enclos et d’autres pas. Ici, on trouve un peu de tout, techniques de constructions à encorbellements ou plus traditionnelles « à joints vifs », quoi qu’il en soit la pierre sèche reste le principal élément de construction même si désormais les portes en bois sont sans doute plus nombreuses qu’au temps jadis. De ce fait et à chaque instant, on s’attend à voir apparaître un « hobbit » ou un « schtroumpf ». Après une photo-souvenir devant une cabane, je propose à Dany de partir tous les visiter. En définitive, il n’y en a pas tant que ça ouvertes et la visite est plutôt rapide. Si les façades servent de repaires à une quantité incroyable de lézards, qu’elle n’est pas ma surprise de trouver quelques brebis à l’intérieur d’une cabane dont la porte est fermée. La première brebis a envie de sortir mais par crainte que cette envie ne se transforme en « mouton de Panurge » et que les autres ne suivent, je fais en sorte de la repousser vers l’intérieur. A regrets, mais par respect à l’égard du berger, je referme la porte derrière moi. Ici, dans ce bel amphithéâtre naturel qu’est le cirque des Trois Seigneurs, tous les animaux, ovins, caprins et bovins,  vivant en cheptel sont les bienvenus. Ils trouvent à rassasier leur insatiable appétit. Il ne manque que des chevaux mais nous en verrons un peu plus bas au lieu-dit La Plagne !  A l’aide du balisage jaune, toujours bien présent, le parcours se poursuit en direction de l’habitation du berger. Cette dernière et quelques enclos sont posés là, sur un mamelon à la fois rocheux et herbeux dominant le vallon. Très vite, une piste forestière prend le relais du sentier et descend à gauche de l’habitation du berger. Si ce n’est un bref égarement un peu plus bas,  et à cause d’un curieux panonceau « numéro 16 » mal placé, cette large piste se termine très facilement à la Foulie. Pour l’instant, la belle et ample vallée descendant jusqu’au hameau est à nos pieds et elle s’entrouvre magnifiquement. Cet amplement panorama nous laisse entrevoir le chemin déjà réalisé et celui restant à faire. Alors que nous sommes en contemplation depuis de longues minutes, deux vautours fauves viennent tournoyer au-dessus de nous. Je les regarde planer autour de nous, parfois dessus, parfois devant nous, à gauche ou droite, tout en me demandant ce que nous représentons pour eux ? Sommes-nous une simple curiosité ou ont-ils un regard purement alimentaire qui les fait s’approcher de nous de plus en plus près ? Je me dis que si c’est ce dernier cas qui prédomine, c’est plutôt vexant d’être considéré comme de la viande alors qu’il y a ici de jeunes veaux, des cabris et des agneaux une grande partie de l’année ! Finalement et à bien y réfléchir, ce ne sont que des oiseaux, avec des cervelles d’oiseaux……oiseaux qui ont probablement faim et cherchent pitance ! Ils repartent et vont rejoindre leurs congénères qui eux s’éclatent beaucoup plus haut près des cimes d’altitude. Si la piste forestière est plus astreignante que n’importe quel sentier, elle est plus roulante et en même temps elle est pour moi, plus adaptée aux photos de la  Nature que j’ai constamment envie de prendre. Oiseaux, papillons et fleurs sont plus pratiques à photographier dès lors qu’il n’est pas nécessaire de regarder en permanence où l’on met les pieds ! Ici, les oiseaux sont compliqués à prendre en photo car la végétation est presque constamment exubérante des deux côtés de la piste. Il faut donc de la patience et surtout de la chance. Le meilleur moyen de les repérer reste leurs chants. Enfin, quand ils daignent chanter ! Les fleurs sont nombreuses et bien évidemment par les mêmes que celles d’altitude. Quand aux papillons, une petite brise les empêche de tenir en place mais néanmoins quelques jolis spécimens s’enregistrent dans mon numérique. Quand la Foulie se présente, Dany et moi sommes surpris que cette balade se termine déjà. Oui, on a bien aimé cette randonnée qui est allé crescendo.  Sauf à être un peu balourd dans mes propos, je pourrais presque dire qu’on l’a bien aimé au début, puis ensuite beaucoup, puis passionnément en arrivant aux Cabanes de Goutets et enfin à La Foulie ! J’ai rencontré pas mal de problèmes avec mon appareil-photo dont le paramétrage par défaut s’est déréglé en permanence, mais malgré  ça et dans l’ensemble, quand je visionne mes photos, je suis plutôt satisfait du résultat. Quand à mon GPS, il n’a pas fonctionné correctement non plus, à cause des piles très vite vides, et de ce fait,  je n’ai pas pu enregistrer le parcours effectué. Sur les différents dépliants que j’ai pu lire seuls le temps et le dénivelé cumulé positif sont donnés pour respectivement 3h30 aller et retour et 560 mètres. Ici, à la Foulie, la distance est donnée pour 9 km. J’ai donc virtuellement tracé le parcours effectué sur mon logiciel CartoExplorer et je trouve une distance réalisée d’environ 10,5 km pour des montées cumulées de 811 m et un dénivelé de 516m. Le point le plus bas est La Foulie à 947 m d’altitude et le plus haut à 1.463 m au premier hameau de Goutets. Malgré quelques différences dans les chiffres, vous disposez de tous les éléments pour y aller. Alors n’oubliez pas, ce sont les Cabanes du Goutets, Goutets avec « ts » à la fin ! Carte IGN 2047 ET Massat – Pic des Trois Seigneurs – PNR des Pyrénées Ariégeoises Top 25.

    (*) Les Cabanes de Goutets : Avant même de lire le livre de Jean-Louis LOUBET (**) et après avoir tenté de lire tout ce qu’il était possible de lire à propos du lieu-dit de Goutets et de ses cabanes, il m’a semblé bon d’en faire une récapitulation la plus complète possible. La voici ci-après. Attention, je tiens à préciser que la plupart du temps je n’affirme rien et que je ne fais que reprendre des informations que j’ai trouvées (en italique) soit sur des guides ou dépliants touristiques soit sur Internet. Concernant l’origine de « Goutet » tout d’abord, il semble que la plupart des toponymistes soient d’accord pour dire que ce nom a incontestablement un rapport avec l’eau, ce qui n’est pas illogique quand on connaît le lieu et surtout quand on sait qu’il y a un ruisseau éponyme. C’est ainsi que le latin « gutta », mot signifiant « goutte » se retrouve en « gota » dans de très nombreuses langues et dialectes romans comme l’espagnol, le portugais, le catalan et l’occitan bien sûr. Ce « Goutet » ariégeois (on en trouve ailleurs aussi !) aurait donc pour origine le latin « gutta » puis l’occitan « gota ». Soyons néanmoins conscients qu’ici nous sommes désormais très loin de la « goutte originelle » et qu’il s’agit plutôt « d’une source ou d’une rigole d’écoulement des eaux dans un champ » (Source extraite du site ariégeois de M. Philippe Cabau de Fauronne). L’historien Jean Tosti, dans son site consacré aux noms de famille, confirme le diminutif de « goutte » et le toponyme désignant une source dans le Massif Central. Dans le Vercors, un rocher où jaillit une source est également appelé « Goutet » et on pourrait ainsi multiplier plusieurs autres exemples un peu partout en France. Le « Goutet » serait donc la source et son ruisseau, et si ici le nom a été mis au pluriel avec un « S » à la fin, on peut sans crainte imaginer qu’il y avait plusieurs sources et plusieurs ruisseaux ou mieux peut-être se référer au nombre de hameaux distincts qui étaient de 4. Ici, on les appelle des « bourdaous » (**). A ces explications qui paraissant les plus plausibles, on peut y ajouter celles extraites du livre « Souvenirs wisigothiques dans la toponymie méridionale » de Pierre-Henri Billy, livre intégralement consultable sur Internet.

    Pour le reste, et tiré d’un dépliant intitulé « le Hameau d’estives de Goutets en pays de Massat »,  on apprend que « le site protégé (depuis 1998) est inclus dans une Zone de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager (ZPPAUP) (1994) et qu’il est caractérisé par une architecture originale, associant granges et cabanes en pierres sèches, découlant du système des « bourdaous » (des groupes de granges relevaient d’un mode d’exploitation particulier qui associait prés de fauche individuels et pâturages communautaires). Un programme de restauration du Bâti a été confié à l’A.A.P.R.E (Association Ariégeoise pour Personnes en Recherche d’Emploi) sous la conduite d’un architecte. Ici, le Massif des Trois Seigneurs offre des paysages d’estives portant l’empreinte caractéristique des glaciers : abrupt d’un verrou, fond de cirque sont autant de lieux naturels de pacage pour les troupeaux. Le secteur de Goulurs-Goutets est marqué par une tradition agropastorale très ancienne, qui forge l’identité des montagnes du pays de Massat. Après une déprise importante, les estives ont fait l’objet dès 1974, d’aménagements pastoraux sous l’égide d’une Association Foncière Pastorale. Cette démarche se poursuit aujourd’hui avec succès grâce au soutien de la Fédération Pastorale de l’Ariège : un vacher et un berger gardent désormais près de deux cent bovins et trois cent ovins, renouant ainsi avec une activité qui est la vocation première du site. Labellisé par la F.M.P.S (Fédération Méridionale de la Pierre Sèche), le sentier de découverte et d’interprétation de l’Estive de Goutets, étape du Tour du Massif des Trois Seigneurs, est le fruit de la collaboration entre Syndicat des Montagnes de Massat – Le Port, Association Montagne et Patrimoine, Communauté des Communes du Massatois, O.N.F, Association de Développement du Couserans, Fédération Pastorale et Conseil Général de l’Ariège, DIREN Midi-Pyrénées, Association I.S.C.RA. Vous trouverez en vente à l’Office de Tourisme du Couserans, à l’Office de Tourisme de Massat et dans les mairies du Port et de Massat, un carnet qui vous aidera dans votre démarche d’interprétation. Les bornes disposées (?) tout au long de l’itinéraire, depuis le hameau du Carol, renvoient à un chapitre donné (architecture, paysage, pastoralisme). Au cœur d’une zone protégée, le sentier traverse un espace pastoral dont il importe de respecter la quiétude et la sécurité ! Vous devez donc, au cours de la visite, refermer les portes, tenir vos chiens en laisse (à cause des troupeaux et des chiens de protection) et penser à ramener vos déchets ». Voici ce que l’on peut lire sur ce dépliant que j’ai pu me procurer. De quand date-t-il et est-il toujours d’actualités pour l’ensemble des informations qui y sont données ? Je ne saurais pas vous le dire, mais je n’ai pas vu les « fameuses » bornes dont il est fait référence !

    Dans d’autres textes, on apprend que le site de Goutets est là depuis la fin du 18 siècle ou le début du 19eme, certains pensent même à une petite présence dès le 14eme siècle. A l’origine, le motif de cet intérêt soudain aurait été la forte croissance démographique du 18eme siècle. Peu de personnes le savent mais jusqu’à 1795, la France ; avec 28,5 millions d’habitants cette année-là ; est le 3eme pays derrière la Chine et l’Inde pour sa population totale. Il y a nécessité à nourrir toutes ces bouches et les ressources alimentaires jamais suffisantes entraînent les populations des vallées vers des zones plus hautes non encore exploitées et plus particulièrement dans des lieux où l’eau est abondante une grande partie de l’année. Ici aux Goutets, il y avait quatre villages distincts avec une vie communautaire, lesquels de juin à septembre accueillaient les bergers et leurs bêtes. Le plus haut des quatre était à l’altitude de 1.463m non loin de l’endroit où le ruisseau éponyme prend sa source. Les sources et plus généralement les eaux de ruissellements y sont nombreuses. On dénombrerait sur l’ensemble du site plus de 200 constructions en pierres sèches. Outre le travail pastoral consistant à garder les troupeaux, à traire les vaches et les brebis,  à fabriquait du beurre et des fromages, on défrichait et on déforestait pour agrandir les surfaces de fauches et les pâtures, pour y planter des cultures vivrières, on y élevait des lapins, des poules et des cochons pour nourrir les familles présentes. La vie s’organisait autour des « bourdaous », système de « remues » saisonnières impliquant la nécessité de changer de place et d’habitat selon les ressources disponibles pour les gens et les bêtes et selon les saisons.

    Comme dans tous les milieux ruraux, le site de Goutets a connu des phénomènes de déprises agricoles et donc de déclins, déclin amplifié par la révolution industrielle et l’exode rural ou plus simplement car l’agriculture et l’élevage de montagne étaient des plus contraignants.  Il faut savoir que pendant très longtemps, ici en Ariège, mais ailleurs aussi, ceux qui exploitaient les terres le faisaient sous l’autorité d’un seigneur, d’un richissime bourgeois ou d’ecclésiastiques qui en étaient les seuls vrais propriétaires. Si le servage avait été aboli, le fermage avait pris sa place, mais en réalité peu de choses avaient changé pour ceux qui travaillaient à la campagne ou à la montagne. Pour tous ces gens-là, la vie ne s’était guère améliorée. Aussi, quand la révolution industrielle engendra ses premiers effets et emplois, les paysans, surtout les hommes, s’empressèrent, pour améliorer l’ordinaire, d’aller chercher un travail ailleurs. Forgeron, charbonnier, colporteur, mineur, porteur de glaces, montreur d’ours, etc., les métiers étaient très nombreux et d’une extrême variété. Au début, il s’agissait de le faire aux périodes agricoles creuses, puis de plus en plus ils laissèrent leurs femmes s’occuper de tout le reste. La vie de cette paysanne déjà très rude se transforma souvent et très vite en de véritables enfers, car elle était doublée de celle de mère au foyer, la plupart du temps, au sein d’une famille très nombreuse où les multiples enfants qu’il fallait nourrir et éduquer venaient s’ajouter aux grands-parents qu’elle devait soutenir jusqu’à leur dernier souffle. Le temps eut vite raison de ces difficultés insoutenables et il est fort probable que le site de Goutets n’échappa pas à cette règle.

    Enfin, si toutes les cabanes sont en pierres sèches, il est important de signaler qu’elles sont parfois bien différentes et pour cause, puisqu’elles avaient des destinations qui l’étaient aussi. Ainsi, si au début, les premières constructions furent de simples abris ou murs sous roches, très vite, l’Homme acquit les techniques permettant des élévations plus abouties. C’est pourquoi, on trouve des « orris », dont le mot correspondait plutôt au site d’exploitation, c'est-à-dire à « la jasse », surface bâtie d’une ou plusieurs cabanes et clôturée parfois de murets également en pierres sèches que le berger occupait quotidiennement. Si pour l’œil non averti, ces cabanes pouvaient être ressemblantes, le connaisseur y décelait des « mazucs », minuscules cabanes semi-enterrés où l’on entreposait le beurre et les fromages pour les affiner et les amener jusqu’à maturation.  Le « courtal » était une cabane plus ample et un peu plus confortable, à laquelle un enclos était adjoint qu’on appelait « parec », parec dans lequel le bétail passait les nuits à l’abri des éventuels prédateurs. Le « parec » était parfois relié à l’habitation par une « marga », couloir pratique permettant d’amener les brebis plus facilement pour la traite. Le « cabanat » était un orri de quarantaine destiné essentiellement aux animaux malades ou bien prêts à mettre bas. Le « besau » ou « canaleta » était un petit canal d’arrosage permettant d’amener de l’eau, depuis une source ou un ruisseau, jusqu’à l’orri désiré. Certaines cabanes servaient de granges ou de fenils, d’autres de greniers, d’étables ou de bergeries. Il y en avait bien sûr qui servaient d’habitations, plus ou moins grandes et diverses dans leur conception et leur nombre de pièces. Le plus souvent, elles étaient agrémentées d’une porte en bois,  et à l’intérieur, on pouvait y trouvait une grande dalle servant de table, d’autres plus petites servant de sièges, quelques niches permettant de menus rangements et quelquefois un rudimentaire foyer ou un simple orifice servant de cheminée. A l’extérieur, on y trouvait souvent des bancs et une table, voire des escaliers le tout en pierres sèches ou fait de rondins. Le « parsou », « penh » ou « porcatiéra »  servaient de porcherie. D’autres petites cabanes faisaient office de poulailler ou de niche pour les chiens. Toutes ces architectures, formées d’un bâti sans aucun mortier et dressées avec essentiellement des pierres extraites à proximité, étaient le fruit d’un savoir-faire ancestral mais également d’une main d’œuvre souvent importante. Ces techniques se transmettaient de génération en génération. Certaines cabanes étaient des constructions dites « en tas de charge » ou « à encorbellements » constituées d’une voûte élevée de manière successive et concentrique, avec des pierres sèches et une ou plusieurs dalles finales. Certaines cabanes étaient construites de façon plus traditionnelle,  Les minerais utilisés étaient du cru et pour l’essentiel soit du schiste soit du granit. Ainsi, si on avait la certitude qu’il y avait des spécialistes, maçons, bâtisseurs professionnels et parfois même, maîtres émérites de la pierre sèche, il arrivait souvent que d’autres métiers soient capables par contrainte d’élever des cabanes quasi similaires sinon quelquefois aussi parfaites. C’était le cas de certains bergers, paysans, agriculteurs, éleveurs, vignerons, essartiers et défricheurs, chasseurs, braconniers, cantonniers, carriers, puisatiers dont la nécessité de leurs travaux était de savoir travailler et élever la pierre sèche.  Ici, aux Cabanes de Goutets, il est fort probable que de nombreux métiers aient participé à ces élévations ou à leur restauration au fil des décennies.

    (**) Le livre de Jean-Louis LOUBET : Jean-Louis Loubet, dont le métier était professeur de géographie, est un ancien maire de la commune ariégeoise de Le Port (1978-2005). Après des études et des recherches sur le site de Goutets, il a participé activement à sa rénovation puis à sa conservation. En 2010,  il a écrit un livre paru aux Editions Lacour qui est une véritable référence quant à ce site montagnard agropastoral. Ce livre qu’il faut lire pour tout connaître de Goutets a pour titre : « Un site remarquable dans le Haut-Couserans, Goutets - Contribution à une connaissance du milieu montagnard et de son organisation pastorale ».

     Les Cabanes de Goutets (1.463 m) depuis La Foulie (947 m) (Commune de Le Port-Ariège)Les Cabanes de Goutets (1.463 m) depuis La Foulie (947 m) (Commune de Le Port-Ariège)


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  • Ce diaporama est agrémenté de la musique "Benedictus" du compositeur et musicien gallois Karl Jenkins, jouée ici et successivement, d'abord par La Concordia de Fribourg sous la direction de Jean-Claude Kolly et 7 choeurs fribourgeois, puis par 2Cellos, c'est à dire les violoncellistes Luka Sulic et Stjepan Hauser accompagnés du Zagreb Philharmonic Orchestra..

    VLe Sentier du Berger depuis Leucate-Village

    Le Sentier du Berger depuis Leucate-Village

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    Quand à quelques jours de son opération du genou ; prothèse totale du genou droit ; Dany m’a annoncé qu’elle voulait faire une petite balade pédestre, j’ai d’abord été étonné, puis, le choix de ce « Sentier du Berger à Leucate » est venu à moi comme une évidence. Il est vrai que les agréables et récents « Sentier du Guetteur », puis celui « du Pêcheur », que je venais d’effectuer ici même, étaient encore tout frais dans ma mémoire. Je lui ai soumis l’idée, lui précisant simplement qu’il faudrait qu’elle fasse attention car ce sentier est parfois caillouteux voire rocheux par endroits. Elle acquiesça. Mais afin qu’elle prenne pleinement conscience de ce qui l’attendait, j’ai même rajouté qu’il serait un peu idiot qu’elle se fasse une entorse du genou avant même que la chirurgie ait le temps de lui en poser un tout neuf. Elle accepta l’idée de ce « Sentier du Berger » et comme la journée du lendemain s’annonçait très belle, il ne restait plus qu’à préparer un pique-nique et nos sacs à dos. Si ma venue sur la falaise de Leucate était relativement récente, je me demandais depuis combien de temps Dany n’y était plus venue ? Je me souvenais d’un temps où nous venions régulièrement avec les enfants. Pour eux, le plateau de Leucate était un terrain de jeu presque illimité. Les seules limites réelles étaient les murets en pierres sèches mais notre curiosité et notre vitalité nous les faisaient très souvent enjamber ou contourner. Nous ne nous approchions du bord de la falaise que pour aller pêcher ou se baigner à la Plagette et le reste du temps nous prenions la précaution de rester bien à l’intérieur du plateau. C’est d’ailleurs là que nous avons commencé à cueillir des amandes douces et à ramasser des asperges sauvages. Pour nous, c’était devenu un agréable passe-temps et pour les enfants, un jeu ludique. Pour les amandes, la difficulté résidait à trouver les bons arbres aux amandes douces au milieu de cette profusion d’arbres aux amandes amères. A la fin, nous connaissions trois ou quatre « bons » amandiers et là, le challenge était de venir cueillir les amandes avant que d’autres cueilleurs ne soient passés avant nous. Autant vous dire que ce n’était jamais gagné d’avance, car les gens du coin connaissaient les bons arbres encore bien mieux que nous, mais une petite poignée d’amandes douces suffisaient très souvent à notre bonheur. Elles finissaient très souvent dans la frangipane d'une galette, même quand la période des rois était passée. Avec Dany, ils nous arrivaient aussi de venir seuls. Après une soirée au resto, nous venions au bord de la falaise en voiture. Assis, le nez levé vers les étoiles et face à l’immensité du ciel et de la mer, nous papotions de tout et de rien. C’était l’occasion de se retrouver sans les enfants, en tête à tête, dans un cadre majestueux et idyllique.  Quand la nuit était complètement noire, seules les lumières de la Franqui et des autres stations balnéaires audoises les plus proches nous apportaient un semblant de clarté. Grâce à ces lumières, le golfe du Lion dessinait sa courbe parfaite jusqu’à disparaître dans un insondable horizon. Nous nous bécotions un peu et plus d’une fois, la voiture terminait sa course dans un chemin abandonné. Nous étions jeunes, un peu « dingos » à vrai dire, et ces récréations amoureuses mettaient du piquant dans nos vies, qui sans cela, auraient été probablement trop routinières. En tous cas et pour rien au monde, serrés l’un contre l’autre, nous n’aurions changé l’exiguïté de l’habitacle de la voiture contre un lit de trois mètres de large dans le plus grand et le plus beau des palaces. Oui, à cette époque, il fallait que nous soyons un peu fous pour passer une partie de la nuit sur ce plateau de Leucate ! Voilà les souvenirs fabuleux que je me remémorais de cet endroit où nous allions déambuler dès demain. De ce « Sentier du Berger » que nous allions réaliser, nous n’en connaissions pas les contours, mais la plupart des chemins du plateau n’avaient plus aucun secret pour nous, tant nous les avions arpenter à la recherche d’amandes, d’asperges ou de tranquillité. A l’époque, ce sentier balisé existait-il d’ailleurs ? Rien n’est moins sûr ! Nous n’avions jamais vu ni aucun berger ni aucun mouton. A l’époque, le seul « berger » à avoir de l’intérêt à nos yeux était celui de l’étoile. Quand la nuit était noire, l’étoile du Berger fixait nos regards et nous rendait la pareille de son œil scintillant sur nos ardeurs de jeunesse. Rien n’a vraiment changé de nos jours, les murets et les amandiers sont toujours là et nous aussi, sauf que nous avons pris 30, 35, 40 ans de mieux. Je suppose que si nous sommes encore là après toutes ces années, c’est que les sentiments très forts que nous avons toujours partagés sont encore là eux aussi ? Le lendemain 17 mars. 10h30. Nous voilà sur le parking Pierre Gonzales et devant l’office du tourisme, prêts à démarrer. La place, elle, est bien jolie car c’est la toute première fois que je la vois lancer ses jets d’eau en rafraîchissantes arabesques. Près du point d’information, un panonceau annonce la couleur : « Sentier du Berger – 7 km ». Aujourd'hui, je n’ai rien préparé ou si peu. Je n’ai lu qu’un petit dépliant trouvé sur le Net. Ce qu’il dit du sentier est très succinct : «  Cette boucle dans les sillons du berger permet de comprendre la vocation pastorale du plateau et de rejoindre un point de vue remarquable sur le littoral », mais il est néanmoins très intéressant car truffé d’informations sur les découvertes à y faire. Des plaques commentées jalonnent le parcours, apprend-t-on en sus. Je connais bien le démarrage car c’est exactement le même que pour le « Sentier du Guetteur ». Descente de l’avenue Francis Vals puis direction Le Foyer. Là, je retrouve l’amusant panonceau du « sentier de randonnées pour les Nuls ». On se dirige ensuite vers le chemin Neuf et son moulin où j’aperçois un magnifique couple de huppes fasciées. Posées une sur l’autre, la situation laisse apparemment supposer qu’elles n’attendent pas la nuit étoilée pour se lancer dans leurs ébats amoureux. Elles n’ont pas de voiture mais un grand cyprès semble avoir la même destination. Dany qui ne s’intéresse pas autant que moi à l’avifaune, et qui de ce fait, ne flâne pas autant que moi, les fait s’enfuir. Je peste sur l’instant car la photo d’un tel accouplement aurait été inédite pour moi,  mais grâce à cette fuite, je réussis à les photographier séparément. Nous laissons les dernières maisons derrière nous et descendons dans le vallon où se trouve la Fontaine du Loin. Seule ressource en eau potable du village pendant très longtemps, elle tire son nom de la distance qu’il fallait accomplir pour aller chercher son eau. L’itinéraire remonte sur le plateau et c’est là qu’il diffère avec celui du Guetteur. Les fameuse plaques « commentées » ne le sont pas vraiment, mais on finit par comprendre que chaque relief de plâtre représente une activité du temps jadis voire une perspective paysagère. Celle représentant une roue de charrette venant en complément du balisage jaune qu’il nous faut suivre. Les chemins encadrés de murets circulent entre de petites parcelles plantées de vignes, d’amandiers ou d’oliviers. Plus rares sont celles en jachère. Chaque petite parcelle ou presque dispose de son casot ou de son petit cabanon, ce dernier est le plus souvent planqué dans le lieu le plus ombragé. Les amandiers sont déjà en fleurs et de nombreuses fauvettes semblent s’y complaire. C’est l’occasion rêvée pour les photographier car avec elles, et le reste du temps, une photo n’est jamais facile. Ce qu’il y a de bien dans ces parcelles, c’est que la plupart sont encore amplement cernées de haies sauvages, de taillis, de boqueteaux et parfois même de petites pinèdes. Cet environnement si particulier retient une faune sédentaire et en attire une autre plus voyageuse. Les deux créent une biodiversité remarquable dont le plateau peut s’enorgueillir. On regrette simplement l’asphalte des chemins, plus adapté aux pneus des voitures qu’à nos chaussures de randonneurs. Mais ne soyons pas étroits d’esprit, car comme on l’a vu, la voiture a parfois son utilité. Gisant sur la route avec la tête écrasée, une couleuvre de Montpellier l’a traversé au mauvais moment. Finalement, au lieu-dit « Les Breisses » (les sorcières), le macadam disparaît et laisse la place à un vrai sentier pédestre. Ce dernier, plutôt pierreux, file et parvient à la ruine d’une ancienne bergerie. Enfin, c’est ce que signale une nouvelle balise de plâtre et ce que prétend mon bout de carte I.G.N. La bergerie pourrait ressembler à une vraie demeure si sa toiture était encore là et si une ou deux fenêtres avaient trouvé grâce aux yeux de ceux qui l’ont édifiée. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Pourtant, son pignon présente une belle entrée en arceau et son intérieur est composé deux grandes pièces distinctes. Or mis la porte, on note comme seules ouvertures sur l’extérieur, de petites embrasures dont certaines ressemblent plus à des meurtrières militaires qu’à de vraies fenêtres permettant à l’air de circuler. Sans doute, était-ce suffisant pour l’aération et priorité était donnée à la sécurité du troupeau ? Cette absence d’ouverture n’aurait-elle pas un rapport avec cette légende qui prétend que les nuits de pleine lune, des sorcières, assises sur leur balai, rodaient en ces lieux ? Il se dit que nos anciens croyaient parfois en ces sornettes ? Il est vrai qu’à bien y réfléchir, à quoi aurait pu servir un balai dans un endroit aussi impossible à balayer sinon qu’à planer ? La suite du sentier devient plus caillouteuse et nous emmène au lieu-dit « Pelat » où le « Sentier du Vigneron », jusqu’à présent commun avec celui du « Berger », part dans une autre direction. J’imagine que la toponymie « Pelat » a une relation probable avec la tonsure des moutons, c'est-à-dire la « pelade », à moins qu’il s’agisse d’un lieu plus « pelé » parmi les autres ? Quoi qu’il en soit, il définit quelque chose de « chauve », de « dénudé ». Au bout d’une longue et vaste vigne se terminant à la lisière d’une pinède, on entrevoit enfin ce qu’est le pastoralisme sur ce plateau. Cris d’un berger, aboiements de chiens, sons des clochettes et quelques furtives chèvres sont les signes d’une pastoralité vraisemblablement renaissante. Pas de moutons apparemment, mais la scène se passe loin de nous. Une  biquette égarée erre sur la route et les cris parvenant jusqu’à nous sont probablement ceux du chevrier dans le but d’un rassemblement escompté, mais sans doute très difficile, tant ce plateau est un dédale à tout point de vue. Labyrinthes de murets, de chemins et de végétation, tout ici converge à un égarement presque inévitable. Les chèvres ne font pas exception. Si le berger ou le chevrier doit connaître tout ça par cœur, les chèvres, guidées par leur désir de brouter, n’ont sans doute que faire de cette savante expérience de leur mentor. On se désintéresse de la chèvre pour regarder vers le ciel car à l’instant même un joli rassemblement d’oiseaux noirs à la tête claire le traverse, direction nord-est, c'est-à-dire vers la mer. Oies sauvages, grues ou grands cormorans ? Ici difficile de dire de quelle espèce il s’agit, tant les oiseaux volent haut en altitude. Avec leur vol plutôt lourd, fait d’incessants battements d’ailes, je parierais plutôt pour de grands cormorans. Les oiseaux volent en « V », en plusieurs même, mais ces « V » se disloquent peu à peu et quand ils s’éloignent, le rassemblement équivaut à un désordre sans nom que ma fille n’aurait pas renié. Ils disparaissent de notre vue et on poursuit le sentier devenant de plus en plus caillouteux. J’ai lu sur le dépliant que le Cap des Trois Frères était un repère pour les oiseaux migrateurs et en voilà une jolie et éclatante démonstration. Un nouveau carreau de plâtre stylisé de pierres trouées et de vagues annonce la proximité de la falaise.  Elle est là et le Cap des Trois Frères pas très loin sur notre gauche. C’est d’ailleurs à gauche qu’il faut poursuivre le « Sentier du Berger » comme l’indique un panonceau directionnel. 3,7 km mentionne-t-il en sus. C’est la distance qu’il nous reste à parcourir. On se dit qu’on a tout le temps de flâner et c’est ce que l’on fait d’ailleurs. Sauf qu’il faut prendre garde à d’autres personnes qui ne pensent pas comme nous. C’est le cas de deux vététistes qui déboulent et nous évitent d’extrême justesse et par je ne sais quel miracle. On les voit s’arrêter plus loin à hauteur du rocher de la Sorcière. Apparemment, ils sont intrigués par la témérité de deux hommes juchés dessus. Les deux hommes se photographient mutuellement, ensemble et parfois seul avec une perche à selfies. J’ai toujours entendu dire que cet endroit, comme bien d’autres ici, était dangereux car des éboulements y survenaient et il est vrai que le bas de la falaise atteste de ces derniers. Mais depuis combien de temps cette falaise était-elle rongée par l’érosion, la pluie, la mer, le vent et le temps ? Véritable mille feuilles comme on peut le voir du bas de la falaise, de la côte ou de la mer, elle daterait du Pliocène, c'est-à-dire entre 2 et 5 millions d’années. Alors il a du en débouler des rochers depuis !   Non, cette falaise est tout simplement dangereuse car elle est haute de 30 mètres et qu’un moindre faux-pas peut être fatal, surtout les jours de très forte tramontane où il n’est pas recommandé de trop s’approcher du bord. Alors ces hommes sont-ils téméraires, inconscients du danger ou sûr d’eux ? Je me souviens d’un temps où je descendais derrière ce rocher et à flanc de falaises pour aller pêcher au Cap des Trois Frères ou à l’Anse du Paradis qui se trouvent en contrebas. Pêche de jour parfois, mais pêche de nuit très souvent aussi. Je n’ai jamais vu aucun rocher tomber, mais oui, j’étais à la fois téméraire et inconscient, et aujourd’hui, je ne vais pas reprocher à d’autres ce que je faisais moi-même étant bien plus jeune. Je n’ai jamais pensé à l’idée de faire un faux-pas, c’est aussi simple que ça. Aujourd’hui, point de pêcheurs à la canne à la pointe du Cap des Trois Frères, mais d’autres pêcheurs hors pairs que sont des cormorans et des goélands Je les prends en photos. Dany, elle, s’affaire à trouver un coin pour pique-niquer, suffisamment loin du bord de la falaise dont elle a peur, mais néanmoins confortable. Les sous-bois de la pinède tapissés de ramilles feraient bien son affaire mais la plupart servent de W.C aux nombreux visiteurs de passage. Du coup, cette quête se transforme à poursuivre le « Sentier du Berger » jusqu’à hauteur de l’Anse du Paradis où l’itinéraire quitte la falaise et amorce le retour vers Leucate Village. Par chance, cet éloignement de la falaise offre d’autres possibilités de pique-nique et Dany finit par trouver l’alcôve idéale avec ramilles et ombrages sous un pin que les vents du nord ont sévèrement couché. J’y découvre de nombreuses ophrys, minuscules orchidées parmi lesquelles je crois savoir qu’il y a une qui est très rare, car endémique à la Catalogne et aux Corbières, la bien nommée Ophrys de Catalogne. J’ignore si c’est celle-ci, mais je suppose qu’il me faudrait beaucoup de chance pour qu’il en soit ainsi. En tous cas, pendant que Dany se repose, je profite de cette découverte pour partir voir si d’autres fleurs sont présentes aux alentours. C’est comme cela que je découvre quelques iris nains blottis dans une espèce de pelouse caillouteuse se trouvant derrière un vieux casot ruiné. Mauves, jaunes et blancs, ils sont disséminés mais poussent toujours entre les interstices de rochers. Après ces nouvelles photos, je retourne pique-niquer en essayant de retrouver au mieux le parcours que j’ai emprunté pour arriver jusqu’ici. Pas si évident, car si l’éloignement est modeste, tous les décors se ressemblent mais finalement j’y parviens, après la brève inquiétude d’un égarement redouté. Couchée sur une feuille de papier-bulles avec le sac à dos en guise d’oreiller, Dany s’est assoupie. Je la laisse à ses songes et décider de l’instant où il faudra redémarrer. Nous repartons. Alors que nous avons accompli seulement quelques dizaines de mètres, voilà de nouvelles fleurs très belles avec la présence sur un vaste périmètre de Narcisses douteux. Blanches avec un port bien dressé, elles attirent quelques papillons et notamment des Piérides du Réséda qu’on appelle plus communément les « Marbré de vert ». Le sentier alterne bonnes portions ombragées sous les pineraies et parties plus caillouteuses avec toujours l’omniprésence de ces pierres trouées propres à ce plateau. Certaines très lourdes et plutôt hautes sont plantées dans le sol comme de petit menhirs. Bien que très modeste, la faible élévation finit par offrir de magnifiques vues à presque 360 degrés. C’est ainsi qu’apparaissent au loin le phare, la tour météo et le sémaphore puis l’étang de Salses-Leucate avec pour toile de fond les Albères et les Corbières maritimes. Au delà, un ciel voilé de blanc et parfois même nuageux empêche de voir plus loin. L’arrivée sur le village est superbement progressive et aérienne. J’y photographie magnifiquement un couple de coucous geais, migrateurs précoces, mais oiseaux peu craintifs que j’aperçois régulièrement au cours de mes balades pédestres, et ce depuis quelques années. Cet oiseau est assez bruyant et notamment en période d’accouplement et c’est ainsi qu’il se fait remarquer. Quand à son côté peu craintif, il est probablement en relation avec son origine migratrice africaine, qui est le sud du Sahara, où il n’a sans doute que peu de prédateurs. Ici, son aire de répartition principale est la Plaine du Roussillon mais il semble s’adapter à d’autres reliefs un peu plus hauts comme le piémont des Corbières, des Albères, des Aspres, du Bas-Conflent ou du pays Fenouillèdes. Il se dit que sa présence, parfois prématurée, serait directement liée aux développements des chenilles et notamment des chenilles processionnaires. Autre particularité de ce très bel oiseau, la femelle est un redoutable parasite pour les pies bavardes dont elle squatte temporairement les nids pour y déposer ses propres oeufs. Elle se décharge ainsi de la contrainte de la couvaison. La balade se termine avec ces belles images et celles de nombreux rouges-queues noirs et étourneaux peu farouches eux aussi. Jolis oiseaux, de belles fleurs, quelques papillons et des criquets, ce plateau de Leucate réserve de bien belles trouvailles pour qui sait les observer ou les découvrir. Le photographe averti, lui, n’aura aucun mal à appréhender ces richesses. Le printemps n’est plus très loin et la Nature s’éveille déjà à l’aube d’une nouvelle saison. Les premières ruelles de Leucate sont là et descendent en direction du centre-ville. Je propose à Dany une rapide visite de ce dernier ainsi qu’un détour par les ruines du château, mais pour aujourd’hui le « Sentier du Berger » semble suffire à son bonheur. Elle refuse. Occasion rêvée sans doute pour revenir une autre fois à Leucate, histoire de se remémorer une fois encore les agréables souvenirs d’un temps où nous étions plus jeunes. Une jeunesse parfois turbulente, quand nous venions avec les enfants, parfois empreinte d’un peu de folie quand nous venions seuls, mais toujours riche en émotions. Erasme qui s’y connaissait en folie a écrit « C’est bien la pire folie que de vouloir être sage dans un monde de fous » Aujourd’hui a été une journée de pire folie ! Nous avons été très sages !  Cette balade telle qu’expliquée ici a été longue de 7,8 km, errements photographiques non inclus. Dénivelé insignifiant et montées cumulées 140 m. Carte I.G.N 2547 OT Durban – Corbières – Leucate – Plages du Roussillon Top 25.

     


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  • Diaporama sur la musique "Where I Am From"  de Topher Mohr and Alex Elena (free music)

    La Boucle de La Palme depuis La Palme (Aude)

    La Boucle de La Palme depuis La Palme (Aude)

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    Cette « Boucle de La Palme », balade pédestre audoise dont je vous fais le récit ci-après, je l’avais découverte par hasard sur un site Internet. C’était au tout début du mois de septembre 2014. A l’époque, j’étais à la recherche de renseignements sur le « Sentier du Golfe Antique », randonnée de 75 kilomètres autour des étangs de Bages-Sigean que finalement j’avais réalisée en 3 jours quelques jours plus tard. Je l’avais donc inscrite sur mes tablettes et en ce début avril 2016, j’ai pensé qu’il était temps d’y aller. Un seul regret après cette décision : j’ai bien enregistré un tracé trouvé sur le Net dans mon G.P.S mais je n’ai pas suffisamment préparé cette sortie et notamment la découverte de la commune elle-même dont j’ignorais qu’elle puisse être historiquement si riche. Ce n’est qu’après coup que j’ai pris conscience de ma méprise. A la balade, peut-être aurait-il fallu y adjoindre une visite guidée de La Palme ? En effet, cette Boucle de La Palme est assez paradoxale car les intérêts que l’on peut trouver à la réaliser sont aussi nombreux dans la commune qu’au cours de la boucle elle-même. Enfin, je dis ça à condition bien sûr que l’on soit curieux de tout comme je peux l’être et que la randonnée ne se résume pas au seul aspect sportif. Richesses patrimoniales, architecturales et historiques dans la cité, vestiges agropastoraux, panoramas sur la mer et les étangs, flore et faune de la garrigue méditerranéenne lors de la boucle sont au programme de cette jolie randonnée. Il faut rajouter à tout ça le parc éolien que l’on traverse mais là, je ne sais pas s’il faut être heureux ou pas car je ne suis pas suffisamment calé sur les bienfaits ou les méfaits engendrés par ces installations énergétiques. Une chose est certaine, ma préférence ira toujours à l’éolien par rapport au nucléaire.  A cause de ces nombreuses éoliennes sans doute, cette boucle m’a rappelé la dernière étape du Sentier du Golfe Antique, entre Portel-des-Corbières et Port-la-Nouvelle, que j’évoque plus haut. Il faut dire que les deux itinéraires ne passent qu’à quelques décamètres l’un de l’autre. Un petit bonheur nostalgique et supplémentaire pour moi à cause des agréables souvenirs que j’en conservais. Le jour J, nous sommes le 1er avril; mais n’y voyez aucun malice; je laisse ma voiture à La Palme sur la bien nommée place des Palmiers. Là, je pars à la recherche de la vraie ligne de départ dont je ne connais que le nom : « Chemin des Caveaux ». Cette quête me permet de découvrir la beauté du village et une « bonne » partie de son centre historique. Voilà 40 ans que j’habite le Roussillon et je m’aperçois que j’ignore tout de La Palme, pourtant seulement distante d’une trentaine de kilomètres de mon domicile. Cette découverte imprévue de La Palme se résume à déambuler dans les ruelles, à regarder les monuments, Tour de l'Horloge, ancien pont-levis de Barbacane notamment, puis à les photographier mais j’imagine qu’une visite guidée de la commune aurait été préférable. Je suppose qu’elle existe. Tout en flânant dans la cité, je découvre quelques traits de peinture jaune sur certains murs mais aucun panonceau et aucune indication quand à la balade que je veux réaliser. Alors comment savoir s’il faut les suivre ? Finalement, les quelques indications que j’ai récupérées sur le Net plus le tracé urbain bien que très imprécis enregistré dans mon G.P.S me permettent de m’orienter et de m’y retrouver assez facilement. Je sors de la ville à droite de l’imposante église dédiée à Saint-Jean, d’abord par la rue Lamartine qui se poursuit sur un chemin gravillonneux encadré de cyprès. Les cyprès laissent la place à des vignobles. La vue s’entrouvre sur des paysages de garrigue. Une intersection se présente. Le Chemin des Caveaux est là, à droite comme l’indique une plaque signalétique. Le chemin file toujours entre des vignobles. Sur la droite, une petite colline où s’accrochent de superbes villas les domine. Très vite, les vignes disparaissent et un maquis typiquement méditerranéen prend le relais. Je laisse mon G.P.S allumé car l’itinéraire, au milieu d’autres sentiers possibles, devient moins évident. Le printemps est là et les fleurs de la garrigue me le font savoir. La plupart sont communes mais quelques inconnues viennent se rajouter à mon herbier photographique. Je les fige toutes dans mon numérique. Une cabane en pierres sèches est là, au milieu d’un champ amplement épierré. Je pars la découvrir mais une porte en bois en obture l’entrée. Devant la porte close, la cabane ressemble au « casot » d’un vigneron. Pourtant, il n’y a pas de vigne et les seules plantations domestiques se résument à de jeunes oliviers et à quelques cyprès. Malgré la désolation évidente du lieu, ici la vie a cours même si elle n’est que temporaire. Toutefois, une question reste en suspens : quelle activité peut-on trouver à y faire alors qu’il n’y a rien ? Du farniente ? Je ne trouve que cette explication, laquelle, il est vrai, me convient à merveilles. Je suis parti très tard et midi a déjà sonné depuis trois quarts d’heures. Une table et un banc, tous deux élevés avec d’énormes pierres, le tout bien à l’abri d’un cers rafraîchissant soufflant en direction de la mer, voilà l’endroit rêvé pour pique-niquer. Entre deux éoliennes, une buse plane dans le ciel et j’ai le vague sentiment qu’elle prend de gros risques à flirter ainsi avec les pâles. Elle vient un instant vers moi puis disparaît à jamais derrière une petite pinède. Après le casse-croûte, je prends tout mon temps et m’amuse avec mes appeaux, essayant de faire venir vers moi quelques fauvettes jouant dans les bosquets tout proches. Je repars. Le chemin passe au milieu d’incroyables amoncellements de pierres. Certains ont la forme de grands rectangles et je me demande à quoi pouvaient-ils bien servir ? Enclos à troupeaux ? Anciennes parcelles cultivées ? Le chemin s’élève régulièrement. Les panoramas commencent à se dévoiler derrière moi. À mes pieds, La Palme, si vous me permettez l’expression. Plus loin, un fragment d’étang et quelques petits bouts des Corbières, enfin rien de vraiment folichon dans un ciel devenant trop laiteux vers le sud. Beaucoup plus intéressant, ce semblant de hameau tout en pierres sèches que je viens d’apercevoir sur ma droite. J’y file sans hésiter, enjambant les buissons les plus bas et évitant les ligneux et les épineux les plus agressifs. Dans cet incroyable dédale de caillasses, je regarde constamment où je mets les pieds. Je pénètre à l’intérieur d’une cabane en pierres sèches. Oui, incroyable, ahurissant, inconcevable, monumental sont les adjectifs les plus justes pour qualifier la quantité de pierres que l’on a pu sortir de terre et entasser ici pour élever une simple petit abri d’un mètre carré tout au plus. Des murets d’une longueur invraisemblable, des tas de pierres rangées sur des mètres de haut et de large avec la précision d’un horloger, comme si de cette méticulosité dépendait la survie de ceux qui ont vécu ici. En tous cas, on ne peut être qu’émerveillé par cette architecture à la fois si colossale mais si rustique et donc l’utilité est loin d’être évidente pour le promeneur que je suis. La « capitelle » contraste bougrement avec les deux éoliennes moulinant dans son dos. J’en prends quelques photos. On dirait deux énormes sèche-cheveux et dans ce décor déjà si sec et si âpre, on aurait presque envie de crier « arrêtez de tourner ! Tout est déjà si asséché et si aride ici ! ». Après cette surprenante découverte, la suite devient plus monotone. Seules quelques fleurs nouvelles à photographier et deux pancartes de bois directionnelles balisées en jaune, les toutes premières depuis le départ, retiennent mon attention. Un joli lézard vert somnole au sommet d’un petit amas pierreux. Il détale quand je m’approche. Très vite une intersection se présente et au regard des panoramas qui s’entrouvrent, j’ai le sentiment d’en avoir terminé avec l’essentiel de la déclivité. De nombreux panonceaux de randonnées sont cloués à un poteau coiffé de la mention « Cambouisset ». Parmi tous ces panonceaux, je ne retiens que celui indiquant vers la droite : « La Palme – 6,2 km ». Un coup d’œil sur mon bout de carte au format A4 où j’ai imprimé le tracé pour constater que la large piste que j’emprunte file sur le bien nommé Plat des Graniers. C’est sur ce plateau qu’on était dressé un grand nombre d’éoliennes dans une rectitude à faire pâlir un comanche ou un apache, organisateurs d’une file indienne. Le Plat des Graniers est presque plat, il est en tous cas bien reposant. Je traverse la rangée d’éoliennes et après un virage à 90°, l’itinéraire descend vers les lieux-dits « Chante-Perdrix » et les « Trois Jasses ». Un « Chante-Perdrix » de plus si j’ose dire, après le long examen toponymique et étymologique que j’avais réalisé sur cette appellation lors de ma récente balade à « Canto Perdrix » au départ de Portel-des-Corbières. Ici, je retrouve quelques vignes mais mon attention est surtout captivée par une quantité incroyable d’iris nains de toutes les couleurs. Il y en a des bleus, des jaunes et des blancs, et à ce parterre déjà bien coloré, viennent s’ajouter de nombreuses tulipes sauvages orangées et de minuscules ophrys. Je laisse sur ma gauche une carrière aux monceaux de minerais chamarrés eux aussi. Désormais la descente s’accentue avec de jolies vues en balcon sur la mer, les salins et l’Etang de La Palme. Debout sur leurs planches, quelques fans de glisse « kitesurfent » sur une eau d’un bleu grisâtre. Un panonceau directionnel me stoppe net dans cette descente pourtant rectiligne et m’indique de partir à droite. J’observe mon G.P.S et c’est également la direction à prendre. Je sors mon bout de carte pour constater que le tracé fait le tour d’une modeste colline intitulée « Les Cortals d’Aval ». Comme je le fais le plus souvent, je ne déroge pas à la randonnée proposée et au tracé enregistré dans mon G.P.S me disant qu’il y a sans doute un intérêt à rallonger le parcours en passant par là. En réalité et or mis un petit circuit de gymkhana et de moto-cross sans grand intérêt, la seule importance que je trouve à cette boucle autour des Cortals d’Aval se sont les belles vues plongeantes sur La Palme. Je pense d’ailleurs que cet itinéraire un peu plus long ne sert qu’à ça : voir La Palme dans sa globalité. Depuis le chemin, on embrasse toute la cité mais dans le ciel blafard qui prédomine, cette succession et ce déploiement d’habitations et de bâtiments n’ont sans doute pas le même attrait que sous un ciel bleu et pur. Un peu plus loin encore, je retrouve les belles vues sur l’étang et les quelques kitesurfs glissant dans le vent. Bien trop loin pour être photographié convenablement, un groupe de flamands roses a trouvé refuge dans le petit bassin paisible d’un grau. J’ajuste mes jumelles pour les voir plonger sans cesse et jusqu’au cou leur long bec dans l’eau trouble et la vase à la recherche d’un peu de nourriture. Plus près de moi, deux gros oiseaux s’envolent en poussant des jacassements aigus et vont se poser dans un petit bosquet de pins tout proche. En zoomant avec mon numérique, je reconnais des coucous geai déjà observés lors d’autres randonnées. Après cette jolie découverte et sans trop m’en rendre compte, j’ai atteint le quartier Saint-Vincent. J’y découvre une croix au pied de laquelle claudique un étonnant cormoran. Ce matin, j’avais déjà été surpris de voir un goéland en plein centre ville mais là, je l’avoue, cette nouvelle présence ornithologique me surprend encore plus. Avec sa démarche oscillante et nonchalante, j’ai le sentiment que l’animal est blessé et je tente de m’en approcher. Mais non, il s’envole sans problème alors que je suis à moins d’un mètre de lui. Une fois sur le Chemin de Saint-Vincent, je comprends mieux cette présence que j’ai pensé singulière sur l’instant. Ici s’écoule un petit ruisseau où barbotent de nombreux colverts. J’y découvre même une Aigrette garzette bien occupée à chercher pitance et apparemment peu inquiète de ma présence. Le ruisseau alimente de vieux lavoirs puis son chenal se poursuit vers l’étang. Le Chemin du Lavoir m’amène vers le magnifique Square Désiré Pech. Avec son joli étang et son vieux moulin de la Peïssero, c’est bien plus qu’un simple square ou qu’un simple jardin public. J’en fais le tour et profite de sa quiétude pour finir les restes de mon casse-croûte assis sur un banc. Quelques colverts ont déjà trouvé un intérêt à s’approcher de moi mais ils arrivent trop tard, je n’ai vraiment plus rien à leur donner à manger. Il est 16h30. Je laisse les palmipèdes de La Palme à leur fringale. De coup, ils repartent palmer. Peut-être est-il temps de rejoindre ma voiture ? Mais où est-elle au juste ? Une fois encore mes pérégrinations dans les ruelles m’entraînent vers le centre-ville où je retrouve tous les monuments découverts ce matin plus quelques autres comme l'église Saint-Jean et le château. Décidément, j’aime bien La Palme et cette cité mérite une visite plus approfondie. Et puis quand on est randonneur, comment ne pas aimer une commune où il existe un « Chemin des Poutous » ? Des poutous, en voilà justement ! Un couple de tourterelles s’embrasse à pleine bouche. Enfin, plutôt à plein bec ! Pas de doute, le printemps s’installe ! Concernant mes connaissances de la ville, je me dis que dans l’immédiat je me rattraperais en compulsant la riche documentation que je trouverais probablement sur Internet même si je reste persuadé que le faire au préalable aurait été plus judicieux. Finalement, ma voiture est là sur le parking de la place des Palmiers. Palmiers, La Palme, une cité pleine de palmipèdes, y aurait-il un quelconque rapport toponymique (*) ? Je me dis qu’en rentrant à la maison, il faudra que je pense à vérifier tout cela aussi. Telle qu’expliquée ici et incluant toutes les « sorties de piste » et mes divagations dans les ruelles, cette Boucle de La Palme a été longue de 11,460 km pour un dénivelé de 101 mètres. Les montées cumulées ont été de 253 mètres. Sur la plupart des sites Internet et certains topo-guides, elle est donnée pour une distance de 9,5 km et réalisable en 2h30. Comme toujours, j’en ai mis presque le double mais alors que de jolies choses entrevues ! Carte 2547 OT Durban – Corbières – Leucate – Plages du Roussillon Top 25.

    (*) Toponymie de La Palme : le nom daterait du 4eme ou 5eme siècle et aurait pour origine le retour de pèlerins en provenance de Jérusalem. Ces derniers avaient pris l’habitude de revenir de la Terre Sainte avec une branche de palmiers à la main. Cette palme dite « palme de Jéricho » était la preuve la plus éclatante et la plus glorieuse de leur pèlerinage et bien évidemment ils étaient fiers de la mettre en exergue auprès de ceux qui étaient restés au pays. La meilleure manière de se prévaloir de cette fierté était de déposer « la palme » sur l’autel de la paroisse lors d’une cérémonie religieuse ou d’une procession. De cette coutume qui ne concernait que quelques personnes, les pèlerins revenant d’Orient,  la population autochtone se serait mise à les appeler les « Paulmiers » ou les « Paumiers », le nom variant selon les régions. S’installant et faisant souche dans ce secteur de l’Aude, cette appellation aurait fini par donner le nom de « Palman » à un embryon de cité, cité qui par la suite serait devenue « La Palme » au fil du temps.

     

     

     

     


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  • Diaporama sur des musiques jouées à l'harmonica par Mimid Allouat

    Les Contreforts des Monts Tauch depuis Maisons (Aude)

     

    Les Contreforts des Monts Tauch depuis Maisons (Aude)


     

    Cette randonnée que je vous conte ici, je l’ai trouvée sur l’excellent site Internet « Visorando » sous la dénomination « Les Contreforts du Mont Tauch ». Ma version est un peu personnelle car j’y ai rajouté une courte variante. Dans des versions quasi identiques à celle de Visorando, certains topo-guides la proposent sous l’intitulé « Balades à Maisons » ou « Autour de Maisons », Maisons étant la petite commune audoise servant de ligne de départ. Toutes ces appellations sont justes mais n’ont pas mon entière adhésion. Je m’en explique. Je n’aime pas les appellations « Balades à Maisons » ou « Autour de Maisons » car je trouve que ça fait un peu « tour du pâté de maisons », ce qui n’est pas vraiment le cas. En effet, avec ses 20 km de distance, cette randonnée est plutôt longue. Quand à la désignation « Les Contreforts du Mont Tauch », elle me paraît bien trop réductrice car elle ne correspond pas à la réalité du parcours, l’itinéraire étant très loin de se cantonner aux flancs de cette montagne audoise. Personnellement, je préfère ma version plurielle « Les Contreforts des Monts Tauch », même si elle peut paraître tatillonne. En effet, si l’on prend un recul suffisant en regardant la carte I.G.N, on constatera qu’il y a en réalité deux « Mont Tauch ».  Le premier se trouve au sud-est de Maisons. C’est la notoire Montagne de Tauch, longue plate-forme calcaire avec son point culminant le Pech de Fraysse situé à 916,5 mètres d’altitude. Si je dis notoire c’est parce que la crête de cette montagne est bien connue des randonneurs car on y trouve aussi l’Enseigne plus communément appelée la Tour des Géographes qui se dresse à 878,5 mètres. Ce sommet est célèbre pour avoir été jadis un jalon sur la Méridienne de France. Il est désormais occupé par une imposante antenne de télécommunications et de nombreuses éoliennes. Cette Montagne de Tauch offre d’incroyables panoramas à 360° et de ce fait, elle est devenue une incontournable randonnée pour de nombreux clubs de marche. Dans mon blog, j’ai déjà eu l’occasion d’expliquer une balade à la Tour des Géographes au départ de Padern. Le deuxième « Montauch » est une petite colline se trouvant au nord de Maisons à l’altitude de 599,4 mètres. En réalité, elle est dans le périmètre de la commune de Palairac. La boucle proposée sur le site Visorando file vers cette colline, s’approche d’un de ses flancs mais n’y va pas réellement. Moi, je suis allé découvrir cette colline car j’avais lu sur Internet qu’il s’agissait d’un haut-lieu de l’exploitation minière audoise. Vous noterez la nuance dans la manière d’écrire « Montauch », et pour cause,  cette seconde dénomination serait apparemment une erreur des géographes de l’I.G.N. Ils ont écrit « Montauch » au lieu de « Monthaut », la « montagne haute ». L’erreur reste néanmoins excusable car la toponymie du mot « Tauch » aurait pour origine la racine indo-européenne « kuk/tsuk » dont les nombreux dérivés oronymiques « tuc/tous/tos/taus », pour n’en citer que quelques uns,  signifient plus simplement  « une tête », « un sommet », « une hauteur », « une élévation ».  Je m’engouffre donc dans ce minuscule lapsus comme dans une brèche pour mettre au pluriel l’intitulé de ma balade puisque j’ai largement emprunté les contreforts de ces deux « monts ».

    A Maisons, le départ de cette longue boucle démarre indifféremment depuis la place du village ou du plan d’eau, la distance les séparant s’effectuant de toute manière soit au départ soit au retour. Personnellement, j’ai choisi le plan d’eau où sans problème, j’ai pu laisser ma voiture. Il faut dire qu’à l’instant même où je traverse Maisons, un groupe de randonneurs vient de démarrer du village. Ils ne me rattraperont jamais mais je fais en sorte qu’il en soit ainsi car je les trouve bien trop bruyants à mon goût. Aujourd’hui, je suis seul et j’ai envie de marcher avec sérénité et dans la discrétion des bruits de la nature. Le départ s’effectue face à un jeu d’enfants. J’emprunte la large piste qui monte à droite de l’étang et d’emblée j’accélère le pas. Je ne flâne pas comme je le fais d’habitude et je garde le même rythme soutenu assez longtemps. Je commence vraiment à lambiner dés lors que le son de mes bruyants condisciples s’est suffisamment estompé. Finalement, les voix disparaissent à jamais de mon radar auditif au moment même où je laisse sur ma droite le dôme boisé du Montrouch. Une demeure en pierres joliment restaurée trône à son sommet. Sans doute s’agit-il de la bergerie mentionnée sur la carte. La documentation que j’ai pu lire de ce lieu, semble-t-il privé de nos jours, raconte que cette bergerie a été élevée avec les pierres d’un vieux château médiéval dont il ne reste presque plus rien aujourd’hui. Ce château, que l’on retrouve dans un texte de 1208 sous le nom de « forçia du Mont Rubeo », le « fort du Mont Rouge » avait été édifié ici en 1170 par Pierre-Olivier, seigneur de Termes. Comme de nombreux autres fortins, au nombre de 28 selon les historiens, celui-ci était là pour défendre une fraction du puissant territoire de cette dynastie seigneuriale. Les seigneurs de Termes ont régné sur plus de 70 villages et hameaux et ont dominé pendant presque trois siècles toute cette partie des Corbières. Voilà pour la petite histoire de Montrouch. Le balisage est jaune mais parfois peu visible, alors par sécurité j’allume mon G.P.S et me fie à la fois au trajet Visorando que j’ai enregistré mais aussi à celui du terrain. Une fois encore, j’ai le nez creux car le trajet « Visorando » s’avère faux à l’endroit même qui est indiqué comme étant l’intersection de ce P.R avec le célèbre G.R.36. Quoi qu’il en soit, le G.P.S n’est pas totalement superflu car le parcours en question n’est pas spécialement bien balisé même si l’on y trouve quelques cairns et des rubans attachés à quelques branches. Les chemins de traverse sont suffisamment nombreux sur toute cette boucle pour que l’on puisse s’égarer avec ou sans étourderie. Au départ, l’itinéraire s’élève régulièrement, passe de l’altitude de 296 mètres au plan d’eau à celle de 620 mètres à l’intersection avec le G.R.36. Normal car il file droit vers les contreforts de la Montagne de Tauch. Ici, la longue table calcaire que l’on est habituée à voir depuis son versant oriental, c'est-à-dire du côté de Tuchan, ressemble à une colline oblongue profusément boisée d’une forêt olivâtre dans le moindre de ses interstices. Sur sa crête, les ailes blanches et tournoyantes de nombreuses éoliennes se détachent en gobant une douce tramontane. Bien trop douce en tous cas, car elle éprouve les pires difficultés à se débarrasser des gros cumulus qui arrivent sans cesse du nord. Sur ce tronçon, or mis de superbes panoramas sur tout le secteur mais surtout vers le Canigou et le Bugarach, tous deux encore bien enneigés, pas grand-chose à mettre dans le ventre de ma carte mémoire photographique. La plus belle image reste néanmoins le château de Quéribus, bastion inexpugnable, qui apparaît comme posé sur le flanc d’un Canigou opalescent. Ici, pas encore de papillon, peu de fleurs et peu d’oiseaux dans cette garrigue méditerranéenne mais subissant des influences montagnardes certaines. Je m’ennuie un peu car je m’attendais à trouver une faune et une flore un peu plus visibles. Ces absences ont-elles un rapport avec la présence désagréable d’une ligne électrique à haute tension traversant tout le décor ? Heureusement, la suite va être un peu plus généreuse. Le tracé Visorando étant faux, il me faut marcher plus de 800 mètres de mieux pour trouver la bonne intersection avec le G.R.36, de manière quasi rectiligne il est vrai. Là, je découvre les premiers panonceaux directionnels depuis le départ. Le traditionnel balisage blanc et rouge du G.R file à droite vers le « Sommet du Tauch » et à gauche vers le « Col de la Garde ». Cette dernière direction est la bonne et j’en profite pour souffler un peu car le sentier est plutôt bon et plat sans réelle déclivité or mis un tout petit mamelon à franchir au pied du Pech de la Gardiole. Ce mamelon représente le point culminant de cette balade à 638 mètres d’altitude. Sur deux kilomètres environ, ce sentier file en balcon au dessus de Maisons, de son beau vallon et de ses sombres forêts, puis c’est une descente un peu scabreuse car caillouteuse, argileuse et ravinée vers la Serre de Barbaza. Là, je retrouve une nouvelle piste forestière et un second lot de panonceaux : « Notre-Dame de Faste » à droite et « Maisons » à gauche. Je tourne à gauche en empruntant cette agréable et large piste qui file au milieu des magnifiques et embaumantes bruyères arborescentes. Magnifiques et embaumantes car amplement garnies de jolies gerbes de fleurs blanches en cette saison. Le Col Lemercier est atteint. Je ne m’y attarde pas car il est encombré d’un colossal pylône à haute tension. Le seigneur Canigou avec sa cape blanche apparaît presque ridicule entre les pieds de ce géant d’acier. Cette curieuse image donne l’impression d’une lutte inégale entre une affreuse et gigantesque modernité et une beauté sauvage qui serait réduite à une portion congrue. Heureusement, pour avoir gravi le Canigou l’an dernier, je sais qu’il n’en est rien. L’électricité passe partout y compris à travers la splendeur, la dénaturant au passage mais je sais que sans elle, je n’aurais pas pu écrire ce récit et qu’il n’y aurait pas de blog. J’oublie rapidement le géant d’acier en lui tournant le dos. Je descend en pente douce vers un autre col, celui de Ferréol, guère plus intéressant puisque exclusivement asphalté car à l’intersection des départementales D.39 et D.123. Je traverse le carrefour où seule une étonnante stèle en forme de montjoie annotée de difficiles inscriptions ralentit ma marche en avant. Je n’en comprends pas exactement tout le sens mais il y est question d’une donation avec le mot « donne », d’un « mestre Jean », de « Jésus de Nazareth » et d’une date : « 1862 ». La suite de la direction à prendre, je la trouve sur mon G.P.S et c’est très clairement la même que celle d’un panonceau annonçant « G.R 36 – Palairac ». Une large piste débute mais je la quitte presque aussitôt par la gauche car d’autres panonceaux se présentent. Ils se suivent et se ressemblent : « Villerouge - Palairac » toujours avec la fameuse empreinte blanche et rouge propre aux G.R. Je quitte le large chemin au profit d’une sente qui s’élève doucement laissant entrevoir de nouveaux panoramas. La Montagne de Tauch est désormais derrière moi et je file vers l’autre Montauch, le faux, l’usurpateur de patronyme. Toujours bien estampillé de blanc et de rouge, l’itinéraire jusqu’au Col de Couise devient plus évident et sans réelle difficulté. J’ai éteint mon G.P.S. Je le rallume en arrivant au col car là et comme prévu, je dois filer vers les contreforts du deuxième Montauch, en réalité le Monthaut si j’en crois l’excellent site Internet consacré aux mines de Palairac. Je suis là pour ça, pour découvrir une partie des anciennes mines de ce village audois avec l’espoir de compléter ma collection de « pierres » de quelques jolis fragments de minerais. Je suis pétrophiliste ou pétrophile. Enfin, j’ai à la fois l’espoir d’en trouver et d’apercevoir quelques vestiges car il se dit que dans ce secteur, certains filons auraient été déjà exploités par les Maures, les Romains et peut-être même par les Gaulois, sans compter tous les autres qui ont suivi. Parmi ces filons, du fer bien sûr mais aussi de l’argent, de l’or, du cuivre, du plomb et quelques autres minerais bien précieux comme de l’antimoine ou de la barytine et bien d’autres encore qu’il serait trop fastidieux de citer ici. Des roches si précieuses, que toutes ces mines ont été depuis toujours source de conflits entre les différents seigneurs locaux, les Termes et les moines de l’Abbaye de Lagrasse notamment. Elles ont même servi de monnaie d’échange dans des traités royaux. Le large chemin que j’emprunte est bon et agréable car il domine amplement toute la région. C’est d’ici que les paysages sont les plus aériens. J’en profite pour m’arrêter et déjeuner, assis sur une pierre au bord du chemin, les jambes ballantes au dessus d’un modeste vide se terminant par la dense canopée de quelques feuillus. Apparemment, les passereaux sont bien plus présents sur ce Montauch-là.  En tous cas, ils en passent beaucoup au dessus de ma tête mais peu semblent vouloir s’arrêter dans le bois avoisinant. Je photographie néanmoins deux ou trois oiseaux sans doute plus sédentaires. Au loin, je constate que la Montagne de Tauch, la bien nommée, a retrouvé sa forme tabulaire si coutumière. Seule déception, les mines que je découvre après le pique-nique ne sont pas à la hauteur de mes espérances, en tous cas par rapport à ce que j’avais pu en lire. J’avais lu qu’il y avait en son temps 71 zones d’extraction à ce « Monthaut » et je ne découvre qu’une ou deux mines à ciel ouvert, un petit aven et une galerie au bord du chemin dans laquelle je n’ose guère m’engouffrer car la plupart des étaies gisent à terre. Quand aux échantillons de minerais que j’avais espoir de rajouter à ma collection, je ne trouve rien de vraiment folichon. Un seul bonheur dans ce monde souterrain peu attractif avec la présence d’un couple de chauve-souris que je peux photographier car elles semblent encore en hibernation et peu effarouchées de ma présence. Le chemin paraît faire le tour de la colline mais finalement je trouve une petite sente qui semble vouloir m’entraîner vers le sommet. La sente ressemble à un véritable labyrinthe encadré de hauts buis. J’ai la crainte de m’y perdre mais le désir de découverte est plus fort. Après maints zigzags dans un bois très touffu, le dédale se termine près d’un minuscule « barrenc » rempli d’une eau très claire et au dessus d’un aven bien plus profond et caverneux que le premier. Enfin, bien trop profond pour moi ! Je n’envisage pas une seule seconde d’y descendre car j’estime que ça ne serait pas bien prudent. De toute manière, j’angoisse déjà à l’idée de faire demi-tour et de me retrouver face à face avec ce sous-bois compliqué qui m’a mené jusqu’ici. Finalement, plus de peur et aucun mal car je retrouve assez facilement l’itinéraire pris à l’aller. Seul vrai intérêt à ce deuxième Montauch, outre les paysages aériens, une laie et ses trois rejetons que j’ai dérangés mais qui sont venus s’inscrire dans mon bestiaire photographique. Après cette virée vers ce dernier contrefort, je retrouve le G.R 36 au col de Couise puis à nouveau la D.39. Une fois encore, et pour la continuité et l’orientation du parcours, je fais confiance au tracé Visorando que j’ai également imprimé sur un bout de carte I.G.N. Le tracé édité est très clair, il me faut descendre la D.39 vers la gauche jusqu’au col de La Bousole. Sur la route bitumée, une jolie paroi rocheuse creusée d’excavations freine mon ardeur. Il s’agit d’anciennes carrières des 18 et 19eme siècles. Dans la cavité, l’eau a fait son œuvre sous la forme de quelques charmantes draperies et pétrifications diverses. Je les photographie puis je ramasse quelques fragments cristallisés gisant à terre au milieu des éboulis. La D.39 puis un chemin tracé sur mon bout de carte m’emmènent directement hors boucle vers la mine de La Canal. Au passage, j’aperçois la galerie de la mine de l’Aiguille fermée par une grille. Il en va de même pour celle de La Canal qui se résume à une galerie d’exhaure qui est donc commune avec le lit d’un ruisseau, celui de Canal. Cet aller-retour depuis le col de la Bousole est presque inutile et peu enrichissant car toutes ces galeries souterraines sont fermées par des grilles et donc inaccessibles par mesures de sécurité. Alors je râle un peu car il se dit qu’elles sont bien conservées malgré une exploitation vieille de 2000 ans mais finalement je comprends que la sécurité soit prioritaire. Ne pourrait-on pas les sécuriser et être ainsi en mesure d’organiser des visites touristiques au moins pour les randonneurs de passage ? Au retour, j’oublie le bitume de la D.39 au profit d’un large chemin qui s’enfonce et descend dans une forêt de grands résineux. « O.N.F - Forêt Communale de Maisons » indique un panneau à l’orée de celle-ci. De gros bolets biscornus et jaunes y poussent à profusion mais il y a d’autres champignons, des blancs notamment, peu engageants car trop flasques mais presque aussi volumineux que les jaunes. Or mis de les cueillir en photos et d’en chercher leurs noms sur Internet ou dans des guides spécialisés, les champignons ne m’intéressent guère à cause de leur dangerosité. Il faut avoir un Q.I de 200 pour arriver à tous les connaître et surtout à différencier les comestibles des toxiques, raisons pour lesquelles les gens ramassent toujours les mêmes. Je préfère nettement découvrir le patrimoine même s’il est vétuste comme c’est le cas ici. Pour cela, il n’est pas rare que je quitte l’itinéraire principal. Ici par bonheur et comme dans toute cette région, les vestiges miniers et ceux de vieilles bergeries sont presque aussi nombreux que les champignons. Au sein du Plan Pastou, entre Sarrat de la Saquette boisé d’un côté et Coume de l’Ausi verdoyante de l’autre, je prends enfin plaisir à divaguer sous l’ombrage d’immenses conifères. Malheureusement l’ombre ne dure pas, pas plus que mes divagations car elles ont la fâcheuse propension à rallonger une balade déjà suffisamment longue. Quand le soleil se remet à darder, je découvre très singulièrement un grand boqueteau de mimosas en fleurs, sans doute le reliquat d’une ancienne plantation qu’un vieux berger du coin ou peut être un mineur avait planté car il aimait les arbres fleuris. Les paysages s’entrouvrent de nouveau, toujours vers la Montagne de Tauch et ses éoliennes. Je les aperçois alignées sur sa crête comme de grands ventilateurs blancs. En tous cas, l’air qu’elles brassent n’arrive pas jusqu’à moi et c’est sous une chaleur suffocante pour la saison que je descends vers la Bergerie de Courdure. La bergerie que je découvre est un joli mas au bord de la D.123. Ici commence la partie la plus laborieuse de cette randonnée car la D.123 menant vers Maisons se confond avec la fin de cette boucle soit 2,5 km d’asphalte avant de retrouver ma voiture au plan d’eau. Par bonheur, quelques fleurs, des passereaux et un rapace ainsi qu’un inattendu mausolée ont la délicatesse de divertir mon esprit et mon appareil photo sur cette portion tout en descente. Je retrouve le hameau pour une rapide visite mais autant l’avouer le plan d’eau reste sa partie la plus captivante. « Pêche autorisée, baignade interdite » annonce une grande pancarte. J’en suis presque à regretter que ce ne soit pas le contraire tant je finis tout en sueur cette longue randonnée. J’envie le colvert qui y barbote nonchalamment. Il vient vers moi et caquette à tout va, en me regardant dans l’attente d’une offrande. Il a de la chance ce colvert car un paquet de « Petit Beurre » encore intact dort au fond de mon sac à dos. Le colvert est gourmand et moi aussi. A nous deux, le paquet passe à la trappe de nos becs respectifs. Mais le « Donald Duck Maisons » peste quand j’arrête mes largesses et me le fait savoir en se mettant debout et en battant violemment des ailes. Je laisse le canard capricieux à ses fantaisies et je termine la balade par le tour du plan d’eau qu’alimente le petit Ruisseau des Bacs. Le canard continue de me suivre mais finit par comprendre que le « resto » est définitivement fermé. Après cette longue balade sous un chaud soleil, heureusement pas toujours présent car parfois dissimulé derrière de gros nuages, ce dernier tour est rafraîchissant car je peux tremper mes pieds dans l’eau froide du ruisseau. Telle qu’expliquée ici, cette randonnée a été longue de 20,800 km pour des montées cumulées de 1.200 m, chiffres extraits de mon G.P.S. Bonnes chaussures de marche, eau et alimentation en quantité suffisante sont recommandées sur ce parcours et ce d’autant si vous y allez un peu plus tard dans la saison. N’oubliez votre obole pour le canard, il sera peut être encore là aux beaux jours ! Il est capricieux mais si beau avec son col vert si rutilant ! Carte IGN 2447 OT Tuchan – Massif des Corbières Top 25.

     


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  • Diaporama agrémenté de la chanson et musique "Smoke Gets In Your Eyes", composée par Jerome Kern et écrite par Otto Harbach successivement interprétée ici par The Platters, Miles Davis et Barbra Streisand..

    Le Gouffre de l'Oeil Doux à Saint-Pierre-la-Mer (Aude)

    Le Gouffre de l'Oeil Doux à Saint-Pierre-la-Mer (Aude)

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    Samedi 5 mars 2016. Il est 6h du mat. Tout en prenant mon p’tit déj, je suis entrain de me demander si je ne vais pas aller randonner avant de rejoindre Dany qui est en cure à Balaruc-les-Bains. Soins matinaux obligent, j’ai quelques heures à perdre avant ce déplacement. Il me suffit d’arriver à Balaruc dans le milieu d’après-midi et tout sera parfait. Alors pourquoi ne pas occuper cette agréable matinée par une petite balade pédestre et pourquoi ne pas en trouver une sur le trajet depuis Perpignan ? Aussitôt dit, aussitôt fait et une fois encore, la carte I.G.N vient à mon secours pour trouver la petite promenade quasi parfaite : le « Gouffre de l’Oeil Doux ». C’est le nom du lieu-dit sur lequel je jette définitivement mon dévolu. Situé dans l’Aude et plus précisément au sein de la Montagne de la Clape, à proximité de la petite commune nautique de Saint-Pierre-la Mer, plusieurs boucles plus ou moins longues semblent envisageables autour de ce gouffre.  J’en dessine une sur mon logiciel CartoExploreur dont le contour paraît convenir au temps que je veux y consacrer : 2 heures environ pour une distance de 5,2 km. Autant dire que ce n’est pas aujourd’hui que mon rythme de flâneur invétéré va se métamorphoser en sprinteur ! Autant l’avouer aussi quand j’ai aperçu ce nom pour la première fois sur la carte, ma curiosité a décuplé. Que se cache-t-il derrière ce nom assez équivoque de « Gouffre de l’Oeil Doux » ? Le mot « gouffre » a une connotation « négative » car « risquée » voire « périlleuse » faisant inévitablement penser à un « abîme » mais « l’Oeil Doux » vient contrebalancer ce « mauvais aspect » et laisse imaginer un « regard bienveillant ». Alors sur Internet, je me mets rapidement en quête de tous savoir à son sujet. Si la toponymie (*) de l’ « Oeil Doux » est bien expliquée et facile à trouver, le gouffre, lui, est ce que l’on appelle scientifiquement un cénote (**), mot que je découvre également pour la première fois. Décidément, ce samedi commence bien et je sens que ça va être un jour ludique et enrichissant !  Les photos que je découvre sur le Net montrent un petit lac verdâtre entouré de hautes falaises calcaires. La lecture des nombreux sites qui lui sont consacrés le décrive comme très énigmatique car les légendes et les réalités semblent constamment se chevaucher. La tradition par exemple raconte que le célèbre commandant Cousteau y serait venu plonger pour mettre fin à l’aspect mystérieux de l’origine de ses eaux. D’autres disent que tout ça n’est qu’une fable. Au-delà des explications géologiques très intéressantes car peu communes et assez insolites que je découvre à son sujet, ce qui frappe quand je fais des recherches, ce sont tous ces faits divers que se sont accumulés à son propos ces dernières années. Des faits divers le plus souvent macabres car se terminant malheureusement par la mort de leurs acteurs : accidents de plongée meurtriers, plongeons de la falaise fatals, noyades, hydrocutions, suicides, j’en passe et des plus horribles et le gouffre a même servi de « planque » pour un assassin qui a voulu y cacher sa petite amie après l’avoir étranglée. Le gouffre n’a donc à priori rien de doux et c’est normal quand on approfondit son étonnante toponymie. Il s’agit d’un pléonasme toponymique (*). « L’Oeil Doux » c’est également le nom du vaste « plan » qui le domine ainsi que celui d’une ancienne bergerie aujourd’hui transformée en écomusée. « Le lac, œil du paysage » écrivait Victor Hugo mais ici, « l’Oeil Doux », c’est médiatiquement bien plus qu’un simple lac, c’est une fabrique à faits divers. J’ai enregistré le tracé dans mon G.P.S, préparé mon sac à dos, acheté quelques victuailles pour le pique-nique et quand je pars vers le « Gouffre de l’Oeil Doux », voilà en résumé les principales données que j’ai de lui.  Je pars pourtant en balade sans appréhension vers cet objectif que certains pourraient considérer anxiogène. La balade, elle, démarre, sur la départementale D.1118, au lieu-dit le Réveillou. J’y laisse ma voiture sur un grand parking agrémenté d’une aire de pique-nique bien agréable car à l’ombre d’une jolie pinède. La boucle que j’ai dessinée commence ici et il suffit de suivre une large allée encadrée d’une clôture pour être d'emblée sur le bon itinéraire. Quand les palissades se terminent, j’ai immédiatement les deux pieds dans une garrigue typiquement méditerranéenne et comme les panonceaux indicatifs sont bien présents, la suite ne me pose aucun problème d’orientation. Il suffit de choisir le sentier de droite ou de gauche. Le balisage est de couleur jaune. Moi, je prends celui de droite pour démarrer et je reviendrais par celui de gauche pour finir. Outre les panonceaux directionnels, il ne faut pas oublier de lire un grand panneau sur lequel ont été énumérées toutes les recommandations de prudence. Elles ne sont pas superflues et en tous cas, bien en corrélation avec tous les accidents que j’ai pu lire dans les différents faits divers rapportés par les médias. Au sein du maquis, il ne faut que quelques minutes pour être au bord de la falaise et surplomber le cénote. Comme indiqué sur le panneau informatif, le pourtour de la falaise nécessite une grande prudence et une attention de tous les instants surtout si l’on s’y approche au plus près comme je le fais moi-même. Pour faire des photos aériennes du gouffre, je prends quelques risques mais que j’essaie de mesurer et de maîtriser au mieux. Je me mets sur le cul quand j’estime qu’il y a danger à rester debout et ce d’autant plus, qu’un « bon » cers souffle vaillamment. Les photos sont d’autant plus difficiles à prendre que la luminosité n’est pas parfaite avec un soleil au zénith mais dans un ciel bien trop laiteux et parfois même nuageux. Heureusement les nuages poussés par le vent filent vers la mer. Je fais le tour de la falaise par la droite pour rejoindre la rive du petit lac. La fin de la descente est assez scabreuse car selon l’endroit, elle peut être rocheuse, caillouteuse, ravinée ou glaiseuse et regroupe parfois plusieurs de ces désagréments. Je redouble de vigilance. Le rivage ne présente guère d’intérêts si ce n’est que la mare apparaît encore plus petite que d’en haut et que quelques oiseaux viennent y batifoler dans les joncs, les prunelliers, les églantiers et les amandiers, tous en fleurs à cette époque de l’année. Moi, qui suis toujours attiré par la moindre flaque d’eau, je comprends aisément qu’en été la tentation de venir s’y baigner soit grande malgré les interdictions et les risques avérés. Après cette jolie mais brève découverte, je pars vers la bergerie mais elle est fermée et bien évidemment l’écomusée aussi. Là, quand on tourne le dos à la bergerie, j’emprunte à droite un large chemin longeant des vignes. Il file rectiligne, traverse un petit bois de pins et retrouve une autre vigne de l’autre côté. Je traverse cette vigne qui m’amène directement à la lisière de l’étang de Pissevaches. Ici, les abords de l’étang sont des zones quasi inaccessibles car humides et largement embroussaillées. Ils ont des airs de savane africaine et je m’attends presque à voir surgir la faune qui va avec. Mais non, ici pas d’éléphants, pas de rhinocéros, pas de zèbres, pas d’antilopes, ni aucun méchant fauve comme on peut en voir en liberté à la Réserve de Sigean. Tout est parfaitement calme et seuls quelques passereaux et limicoles se laissent photographier et s’envolent quand je tente de m’en approcher au plus près. A proximité de petits bassins, j’ai enjambé une clôture pour me rapprocher au plus près des oiseaux mais très rapidement mes pieds s’enfoncent dans ce milieu tourbeux et mes chaussures se remplissent d’eau. Je fais demi-tour. Outre les oiseaux, quelques papillons tourbillonnent à la recherche d’un peu d’humidité. Ce n’est pas ce qui manque car il a du pleuvoir la veille ou l’avant-veille et c’est un ballet incessant de passereaux et de lépidoptères. Les papillons sont quasiment toujours les mêmes mais les bruns Tircis sont de très loin les plus nombreux. Une large piste longe cette « savane » et file vers l’Oustalet où se trouve un charmant centre équestre. Charmant car outre les chevaux, les ânes et les nombreux poneys, il y a une ferme où l’on peut emmener les enfants en visite. Le lieu est un « site naturel protégé », à la fois ouvert et boisé et ce décor contrasté ajoute à sa beauté. Une demi douzaine de panonceaux de randonnées finissent de me persuader de l’intérêt qu’il y a à y revenir un jour ou l’autre, peut être avec mes petits-enfants qui viennent souvent en vacances à Gruissan : « Sentier des vignes et de la garrigue », « Sentier du Pech de la Bade », « Sentier des cistes et du romarin », « Sentier des Cayrols », « Sentier d’interprétation de l’Etang de Pissevaches », « La Clape à pied autour de l’Oeil Doux », tous ces parcours étant soient facilement réalisables à pied ou soient en VTT pour certains d’entre eux. Après, l’Oustalet, l’itinéraire en garrigue pourrait paraître plus monotone mais il n’en est rien car le sentier s’élève et d’amples panoramas s’entrouvrent sur le Golfe du Lion : les Terres Salées, les Cabanes de FleuryValras-Plage et bien plus loin encore sur toute la baie et vers Sète dont on aperçoit le Mont Saint-Clair à l’horizon. Outre, les beaux paysages vers la Méditerranée, le chemin alterne pinèdes, vignobles et garrigues à bruyères arborescentes où de nombreux passereaux semblent y trouver un biotope à leur parfaite convenance : fauvettes, pipits, pinsons, serins et chardonnerets s’y rencontrent en « bonne » quantité. Se sont-ils sédentarisés ou bien ne sont-ils que de passage dans leur longue migration ? En tous cas, je prends beaucoup de plaisir à tenter de les photographier. Après ce long entracte ornithologique, la balade touche à sa fin. Je retrouve le parking et l’aire de pique-nique ombragée. Comme prévu, j’ai mis deux heures pile pour boucler cet agréable parcours. A cause des passereaux omniprésents, j’aurais pu aisément en mettre le double. J’ai encore un peu de temps devant moi avant de poursuivre vers Balaruc, alors j’en profite pour sortir le casse-croûte du coffre de ma voiture et passer quelques minutes supplémentaires ici, à l’ombre des grands pins, entre Oeil Doux et Réveillou. Deux noms prédestinés ? Je ne sais pas ! En tous cas, après ce frugal déjeuner, je m’allonge sur les ramilles et mes yeux, dont je ne sais pas si ils sont doux, ont une fâcheuse tendance à ne pas vouloir rester « réveillés ». Je somnole mais quelques gouttes de pluie viennent me sortir de cette torpeur. Il est temps que je file vers Balaruc. La balade telle qu’expliquée ici a été longue de 5,2 km. La déclivité est négligeable puisque du niveau de la mer jusqu’au point culminant, il y a tout juste 52 mètres d’écart. Carte IGN 2546 OT Narbonne Top 25.

    (*)L’œil Doux  vient du mot composé occitan « Uèlh Dotz » qui est un pléonasme toponymique, ce type de pléonasme étant assez courant en toponymie. C’est ainsi que « l'œil » a pour signification la source au sens d'ouverture, de puits, de point d’eau, de résurgence et « doux » est la francisation du mot occitan « dotz » qui peut être à la fois  une canalisation, un conduit mais aussi une source (du latin ducere : conduire, ducem : conducteur, guide).

    (**) Les cénotes (du maya dz'onot signifiant puits sacré, via l'espagnol cenote) sont des gouffres ou avens ou dolines d'effondrement, en milieu karstique, totalement ou partiellement remplis d'une couche superficielle d'eau douce et parfois d'une couche inférieure d'eau de mer s'ils communiquent avec l'océan par des failles ou autres conduits. (Extrait de l’Encyclopédie Wikipédia)

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