Lors d’une correspondance, Voltaire a écrit « Les beaux esprits se rencontrent » mais la tradition a finalement retenu « les grands esprits se rencontrent ». Il faut dire que donner un paternel historique et authentique à cette citation paraît compliqué, plusieurs auteurs l’ayant utilisée. Enfin peu importe car je n’aurais pas le prétention de dire que mon esprit est beau ou grand, mais toujours est-il qu’en inventant ce « Circuit des Trois églises à partir d’Ur », j’ai inopinément et bien involontairement copié celui d’un confrère. Ce confrère, c’est le remarquable site « P.O Express » , quant à sa balade, elle s’intitule « Autour d’Ur ». Comme je le fais régulièrement, j’analyse les cartes IGN et leurs vues aériennes à la recherche d’éventuelles possibilités de balades. C’est ainsi qu’est né ce circuit bien avant que je prenne conscience que « P.O Express » avait eu la même idée avant moi. Ce n’est d’ailleurs qu’après l’avoir accomplie, que j’ai découvert cette étrange similitude. Là, où la ressemblance est encore plus insolite et incroyable, c’est que nous l’ayons accomplie tous les deux dans le même sens et ayons choisi Ur comme ligne de départ, ce qui bien entendu n’est qu’un choix personnel et aucunement une obligation. Seule différence : le nom donné à cette balade. Pour moi, ce n’est qu’une fois que le circuit fut accompli que ce nom de « Circuit des Trois églises » vint à moi comme une évidence. En effet, dans les trois communes traversées que sont Ur, Villeneuve-des-Escaldes (*) et Llivia les édifices religieux sont de très loin les bâtiments les plus notables car les plus visibles. Je pourrais presque dire qu’au sein de cette balade, ils sont omnipotents. D’ailleurs, et même si nous venons de garer notre voiture sur le parking tout proche rue de Brangoly, c’est bien de l’église Saint-Martin d’Ur que démarre réellement cette balade. Nous la trouvons malheureusement fermée. Nous la contournons puis remontons la D.618 jusqu’à la rue de Belloc sans nous préoccuper des quelques panonceaux de randonnées que nous avons aperçus. Dans l’immédiat, je me fie à mon tracé GPS. De toute façon, ces panonceaux indiquent Les Cascades ou Llivia mais par un parcours qui s’intitule « Par-delà la frontière ». Ce parcours, c’est celui qui pour partie m’a servi à imaginer ce circuit. Le second étant le sentier qui longe le Canal de La Soulane d’Ur à Villeneuve-des-Escaldes. Le troisième tronçon entre cette dernière commune et Llivia ayant été repéré sur des vues aériennes de Géoportail. Nous voilà donc entrain de remonter la rue de Belloc la bien nommée. La bien nommée car guère plus loin, un panonceau nous indiquera la direction de la chapelle Santa Maria de Belloc que nous avons déjà eu l’occasion de découvrir au départ de Dorres. Dans l’immédiat, on laisse les dernières jolies maisons d’Ur et on continue tout droit un large chemin de terre qui aboutit devant une bâtisse que la carte IGN définit comme étant une citerne. C’est bien une citerne car une rigole est déjà là. Bien balisé en jaune ; et parfois même en bleu ; le chemin continue à gauche et s’élève en longeant la rigole cimentée. Les premiers panoramas sur Ur et quelques collines environnantes se font jour. Plus loin, quelques sommets plus ou moins hauts et un bout de la plaine cerdane où les couleurs olivâtre et paille se partagent les espaces. Il en sera ainsi à chaque vue, à chaque panorama sur cette superbe Cerdagne. Deux panonceaux directionnels se présentent dont le nôtre indiquant clairement l’orientation à prendre et les valeurs attachées : « Villeneuve – 0h40 – 2,3 km ». On délaisse celui montant vers la chapelle de Belloc. L’orientation est simple puisqu’il s’agit de suivre un canal sur sa rive droite. Ce canal, c’est celui dit de la Soulane. Il récupère toutes les eaux ruisselant sur le flanc sud de la montagne de Belloc. Si depuis le départ, j’ai déjà photographié un ou deux papillons et quelques fleurs, ici, tout au long du canal, je mets constamment à profit mon goût immodéré pour la photo naturaliste. Les fleurs y sont en grand nombre et d’une grande diversité quant à la petite faune elle est bien présente aussi à condition d’être dans un état d’éveil constant. Le cadre étant très bucolique, la flânerie est préconisée. On ne s’en prive pas et ce d’autant que les vues sont limitées voire absentes le plus souvent et que la marche s’effectue essentiellement en sous-bois. Du côté gauche, la montagne de Belloc n’offre que de rares paysages de steppes. Sur un terrain pentu où émergent de très nombreux affleurements rocheux, il y pousse essentiellement des graminées dorées parsemées de quelques arbustes et buissons. Sur la droite, c’est un contraste étonnant avec un bois très touffu composé essentiellement de feuillus. Sur la carte IGN, le lieu-dit est dénommé bien à propos « Les Verdures » ! Les oiseaux y sont plutôt rares et ce n’est qu’avec beaucoup de persévérance que je vais réussir à y photographier un seul pinson mais également un pic épeiche qui a la délicatesse de venir égayer mon pique-nique. En effet, en raison de l’heure bien avancée, c’est au bord du canal mais avec vue sur la colline d’El Castellar que nous choisissons de piqueniquer. Outre le pic, la chance est avec moi, puisqu’à l’endroit où nous stoppons, une grenouille rousse a élu domicile dans le canal. Si la fin du canal est synonyme d’arrivée à Villeneuve-des-Escaldes, elle n’est pas la fin de visions de la Nature. Sur ce talus que nous cheminons parallèlement à la D.618, elle est encore bien présente. Des fleurs différentes à celles du bord du canal mais pas moins jolies et aussi diverses. Quelques papillons peu faciles à photographier car très remuants les butinent. Si l’entrée dans Villeneuve s’effectue en coupant la rivière La Riverète, c’est surtout quelques vestiges du passage du Tour de France 2021 lors de l’étape Céret – Andorre qui marquent nos esprits. Dans un village déserté, l’église qui est dédiée à Saint-Assiscle et à Sainte-Victoire nous attire comme le miel attire les mouches. L’église étant entourée d’un petit cimetière, Dany n’a pas trop envie de s’y éterniser. Au carrefour suivant, le bien nommé Cami de Llivia qu’il nous faut suivre est juste là à droite. Il permet de retrouver très rapidement des paysages champêtres avec de jolies vues aériennes car il présente l’avantage de cheminer un relief collinaire. Un fois enjambée la rivière d’Angoustrine, au lit aussi torrentiel que minéral, la « partie de campagne » reprend ses droits. Fleurs, papillons et lézards me ralentissent et s'opposent très souvent à mon désir de ne pas me faire distancer par Dany. Sur ce « Cami d’En Calvera » ; ou « Chemin du Calvaire » ; ce n’est que plus tard et un peu plus loin que les passereaux viennent se distraire devant mon objectif. La colline se termine et laisse la place à la plaine et à ses immenses champs de céréales. Les graines les attirent et nous les voyons sortir des champs et monter vers le ciel comme des petits boulets de canons. Les oiseaux sont très nombreux, divers mais malheureusement peu faciles à immortaliser. Il me faut arriver au niveau d’une ferme et de ses bâtiments pour en figer quelques-uns. Après cette marche solitaire entre Villeneuve et Llivia, la cité enclavée est synonyme de retour à une bruyante civilisation. Ici, quel contraste avec les villages français ! Les terrasses, les bars et les restaurants étant noirs de monde, nous filons direct vers le centre historique et l’église Notre-Dame des Anges où dans ce secteur tout est beaucoup plus calme. Nous y flânons dans les jolies ruelles. Les maisons y sont souvent colorées et décorées de statuettes allégoriques. Par bonheur, l’église est ouverte et il y a une nef incroyablement belle avec un magnifique retable et plusieurs petites chapelles amplement décorées. Là aussi quel contraste avec la France où tous les édifices religieux sont le plus souvent fermés ! Nous sortons de Llivia mais sans pouvoir éviter que la société de consommation nous rattrape. Un cornet de glaces ici, un café chaud et une bière bien fraîche là. Il faut dire que malgré les 1.200m d’altitude, la température en plein soleil doit sans doute avoisiner les 25 degrés voire peut-être plus. Depuis le canal de la Soulane et son agréable ombrage, nous avons toujours marché en plein soleil, même si ce dernier s’est quelque peu voilé au fil de notre cheminement. De ce fait, il a fait chaud. La sortie de Llivia et le retour vers Ur est d’une simplicité enfantine. Le chemin, commun avec celui de Saint-Jacques de Compostelle est constamment bien balisé à chaque intersection. Finalement c’est toujours tout droit, mais ça je le savais déjà en observant la carte IGN. On y flâne encore en se laissant distraire par tout et n’importe quoi. Un rapace dans le ciel en vol stationnaire mais qui a la bonté de venir se poser sur une clôture, une botteleuse qui avale des andains de foin et les recrache en gros ballots, des très beaux chevaux et des étourneaux qui les accompagnent pour picorer leur crottin, un pancarte qui explique les dérives passées de la frontière, une vieille borne gravée et toujours des fleurs et des papillons dont j’essaie de sélectionner ceux non encore photographiés. Ainsi les kilomètres défilent et quand Ur est là, nous en sommes presque surpris. Ainsi se termine cette jolie balade dont on ne peut regretter qu’une seule chose : être restés à la porte des églises françaises. Peut-être y-a-t-il un moyen de les visiter mais j’avoue qu’à ce titre nous sommes partis la fleur au fusil et surtout sans nous renseigner au préalable ? D’un autre côté, il est vrai aussi que nous sommes partis sans savoir que les églises en deviendraient les principales visées. Telle qu’expliquée ici, cette balade a été longue de 11km, cela incluant la bonne visite du centre historique de Llivia. Les montées cumulées ont été de 344m. Le point le plus bas est à 1.190m non loin de la borne frontière N°44 entre Llivia et Ur et le point le plus haut à 1.307m au départ du Cami de Llivia à Villeneuve-des-Escaldes. Cartes IGN 2249OT Bourg-Madame – Pic Carlit – Col de Puymorens et 2250ET Bourg-Madame – Mont-Louis – Col de la Perche Top 25.
(*) Toponymie du nom "Escaldes" : « Le nom d'Escaldes provient du latin "calidae" qui désigne une source d'eau chaude. Les eaux thermales d'Escaldes dont la température peut atteindre 68 °C étaient utilisées au xve siècle pour le lavage et la teinture de la laine. Elles servent aujourd'hui à alimenter le centre thermoludique de Caldea. Les habitants sont les Escaldencs », voilà ce que l'on peut lire sur la page Wikipédia consacrée à la paroisse Escaldes-Engordany de la Principauté d'Andorre. Ainsi, ce nom qui est celui d'une commune andorrane est également bien présent en Cerdagne où les sources d'eaux chaudes sont légions. D'ailleurs, si on le trouve accolé à la commune de Villeneuve, on le trouve également sous la dénomination "les Escaldes" à la gare d'Ur dont le panneau mentionne "Ur-Les Escaldes", cette gare desservant les 2 communes. C'est ainsi que ces sources ont engendré depuis très longtemps, et notamment depuis la présence des Romains, la création de bains chauds que l'on trouve un peu partout dans cette région. C'est le cas à Err, à Dorres, à LLo mais aussi à Andorre avec le centre thermoludique Caldéa dont la notoriété le décrit comme étant le plus important d'Europe. L'excellent site consacré aux Pyrénées-Orientales nous conte la très jolie histoire des bains des Escaldes sur la page consacré à Villeneuve. C'est ici.
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15 décembre 2018. Ragaillardis par une forme physique un peu meilleure, nous voilà au départ de Montalba-le-Château pour une petite randonnée de ma composition. Cette randonnée, je l’ai intitulé « Circuit des bornes frontières de 1258 » (*). Si j’en revendique la paternité, c’est parce qu’après avoir dessiné ce circuit sur mon logiciel CartoExploreur, j’ai cherché sur Internet si quelqu’un l’avait déjà décrite avant moi et je n’ai trouvé personne. Bien sûr et pour être honnête jusqu’au bout, il y a bien le site « Un catalan en rando » qui évoque ces bornes-là dont une sur la commune de Montalba, mais il n’y a pas de tracé et les photos ne sont pas très parlantes quant au lieu de son départ. Enfin si certains sites évoquent ces bornes, je n’ai trouvé personne les proposant lors d’un circuit au départ de Montalba. Pourtant dieu sait si ma liste des randonnées connues dans le département des P.O est longue quand à celle dédiée aux sites de randonnées, elle ne l’est guère moins. Alors certains me diront que les bornes frontières c’est du déjà vu et ils n’auront pas tort. J’en veux pour preuve cette balade au départ de Bélesta que j’avais intitulée « À travers les âges et le parcours d’eau », balade qui m’avait déjà permis de découvrir ces mêmes bornes en solitaire. Cette fois-ci bis repetita, mais au départ de Montalba et avec Dany, mon accompagnatrice préférée. Alors que Météo France nous avait promis un grand ciel bleu, Montalba nous accueille sous un ciel plutôt voilé. Mais peu importe, l’envie de marcher et d’être au grand air est là. D’ailleurs de l’air, il n’y en a pas. Pas la moindre brise, pas le moindre souffle de vent et c’est tant mieux ainsi car la marche s’effectue sur un plateau qui sans aucun doute doit être un corridor idéal pour notre décoiffante tramontane. Après avoir rangé notre voiture sur un grand parking à l’entrée du village, me voilà déjà, GPS en mains, à chercher la ligne de départ. Rue du Barry puis rue de l’Eglise sont les premières voies qu’il faut emprunter. On tourne carrément le dos au village et l’église dédiée à la Vierge de l'Assomption est rapidement visible au bout de cette rue plutôt rectiligne. Mon appareil-photo est entré très vite en action avecun rassemblement de pigeons picorant un champ labouré, avec des paysages presque à 360°, quelques étourneaux sur des arbres effeuillés, un oratoire blanc, un bel amoncellement de gros blocs granitiques dont je cherche toujours si l’un d’entre-eux n’aurait pas une quelconque silhouette. L’église est fermée, alors je me contente de quelques photos. Nous en faisons le tour, passons derrière le petit cimetière et la suite de l’itinéraire est déjà là, très rectiligne une fois encore. Rectiligne, le chemin l’est sur 2 km environ mais avec un revêtement varié et très inégal. Parfois herbeux, parfois sableux puis carrément asphalté puis terreux, il y en a pour tous les goûts. Parfois, il est même très humide car le secteur regorge de « mouillères ». Des panonceaux précisent qu’il s’agit de pistes DFCI. Dany, qui aujourd’hui, n’a apparemment pas l’intention de speeder, me laisse tout le loisir de me livrer à ma passion pour la photo ornithologique. Alors j’en profite, même si quand on est deux la photo naturaliste est toujours bien plus compliquée que quand on est seul. A hauteur du Serrat del Sastre, le massif du Canigou fait son apparition. Très enneigé, j’en suis déjà à regretter d’être venu avec ce ciel laiteux voire carrément gris qui écrase toutes les perspectives. Cette météo blafarde ôte cette belle luminosité qui m’a si souvent permis de photographier le Canigou dans des conditions optimales, c'est-à-dire avec un blanc des cimes immaculé et un ciel bleu azur d’une pureté incroyable. Aujourd’hui, rien de tout cela et le seigneur catalan fait grise mine. Même en zoomant, le gris-blanc délavé du ciel se confond avec les cimes enneigées. Je ronchonne après cette météo hivernale pourtant somme toute normale pour la saison. Derrière nous, Montalba apparaît dans sa vision la plus belle et la plus conforme à ce qu’il est, celle d’un minuscule village fortifié plutôt ramassé sur lui-même et perché au sommet d’un petit promontoire. Après un bref ralentissement du aux véhicules de nombreux chasseurs terminant leur battue, nous reprenons notre marche et finalement le chemin rectiligne se termine et débouche devant un grand champ verdoyant. Sur notre gauche, le Roc del Mut. Dans le creux d’une petite dépression, des petits bouts de panoramas apparaissent : la Plaine du Roussillon, la Méditerranée, le Massif des Albères. Il faut longer le champ par la gauche jusqu’à trouver un étroit sentier filant au sein d’une végétation essentiellement broussailleuse et contournant le Roc del Mut. Quelques petits chênes verts, des chênes kermès, des bruyères arborescentes, beaucoup d’ajoncs, dont quelques uns déjà fleuris, de rares romarins, voilà à quoi se résume ce maquis broussailleux et sauvage dans lequel les hommes ont décidé d’installer un immense champ de panneaux solaires. Un jour, j’ai lu qu’on appelait ça des fermes photovoltaïques. Moi, le mot « ferme » me renvoie à mon enfance, à la campagne marseillaise où des animaux s’égayaient dans une basse-cour mais aussi à des petites figurines d’animaux avec lesquelles je jouais quand j'étais gosse. Alors quand je lis « ferme photovoltaïque », j’ai les poils qui se dressent. Et pourquoi pas « métairies solaires » pendant qu’on y est ? Le mot « ferme » n’a-t-il pas suffisamment de significations différentes pour qu’on se complaise à en rajouter avec des fermes « marines », « éoliennes », « solaires » et que sais-je encore ? On débouche sur une piste qui se faufile entre les panneaux solaires et le Pilóu d’en Gil. C’est au sommet de ce petit dôme que se trouve la première de nos bornes frontière. Il s’agit d’une élévation cylindro-conique, et donc en forme d’obus, maçonnée assez grossièrement avec des pierres du secteur et du mortier sableux. Elle n’a rien d’exceptionnelle et d’ailleurs, la première question que l’on se pose est « date-t-elle vraiment de 1258 ? ». On est en droit d’en douter tant cette borne paraît moderne dans sa « maçonnerie ». Si borne de 1258 il y avait, sans doute celle-ci a-t-elle été amplement restaurée. Outre le fait qu’elle marquait la frontière, on peut se demander « pourquoi a-t-elle été élevée au sommet de cette butte ? »« Pour qu’on la voit de loin ? » « Etait-elle un lieu d’observation ? » « De jonction ? » « De rassemblement de soldats en faction ? » Sans doute tout cela à la fois. Pour Dany et moi, et outre ma curiosité personnelle, elle n’a qu’une seule fonction : être un lieu de repos et de pique-nique avant de se lancer dans la suite du parcours. La suite, c’est d’abord la piste qui longe puis passe derrière les panneaux solaires. Toutefois, dès lors qu’on la quitte (mais rien ne vous y oblige mais nous ne le savions pas !) il s’agit de chemins très pentus, ravinés à l’extrême mais qu’il nous faut descendre. Sur le cul parfois, tant les difficultés sont grandes et la peur de débouler omniprésente. Finalement et par bonheur, nous arrivons en bas sans encombre, au niveau d’une intersection. La suite de l’itinéraire est en face sur un autre mamelon où se trouvent les deux autres bornes de 1258. Il s’agit des bornes dites de Bélesta. Bélesta-la-Frontière la bien nommée. Il se dit que bien d’autres bornes seraient présentes dans le secteur mais le plus souvent inaccessibles. Je connais celle du Puig Pédrous pour y être aller randonner, mais c’est tout. Alors je me dis quel dommage de ne pas être en mesure de voir à quoi elles ressemblent. Ces deux-là, en tous cas, sont parfaitement mentionnées sur des panonceaux et les découvrir est un jeu d’enfant. La première est plus massive que celle du Pilóu d’en Gil mais elle a la même forme cylindro-conique et exactement la même maçonnerie. On y décèle une croix que certains spécialistes décrivent comme « pattée », l’attribuant ainsi au Royaume d’Aragon. En grimpant sur les roches qui se trouvent derrière la borne, j’aperçois la seconde, environ 100 mètres plus loin, direction nord-ouest. Un petit sentier fait la jonction entre les deux. J’y file pendant que Dany m’attend. Cette troisième et dernière borne de notre circuit est la plus élancée mais a toujours la même forme et le même conglomérat maçonné. C’est celle qui permet la meilleure observation aérienne des lieux alentours. J’y observe une espèce de gros pied maçonné servant de patte et d’assise comme si les constructeurs avaient voulu la protéger de la violence de la tramontane en y adjoignant une jambe de force. Son petit air penché est-il la cause de cet étrange pied et donc une sécurité supplémentaire pour ne pas qu’elle tombe ? On est en droit de le croire en observant l’ensemble. En tous cas, outre les questions déjà soulevées précédemment, ici la question principale que l’on se pose est de savoir « quel était l’intérêt d’avoir deux bornes si proches l’une de l’autre ? » Je ne vois qu’une seule réponse : « elles n’étaient peut-être pas dans le même royaume ? », ce que confirmerait la fameuse croix pattée de la première. « La frontière passait donc au milieu et les bornes étaient des postes frontières comme on en voit de nos jours ? » Cette dernière thèse semble peu probable compte tenu de la configuration du terrain et de la végétation telle qu’on l’observe de nos jours. Pourquoi les voyageurs voulant passer d’un royaume à une autre seraient-ils passer par là, dans un endroit aussi peu praticable ? « Mais il y a 760 ans, tout était-il pareil ? »« Rien n’est moins sûr ! » Finalement toutes ces questions restent sans réponse car cette frontière de 1258 (*) entre royaumes de France et d’Aragon a toujours été une énigme aux yeux des historiens. « D’où partait-elle ? » « Sigean ?» « Leucate ?» « Fitou ? » « Où passait-elle exactement ? » « Sur la crête des Corbières maritimes correspondant grosso-modo à la présente frontière entre Aude et Pyrénées-Orientales ? » « Et puis après ?» « Où se poursuivait-elle ? » Voilà de nouvelles questions qui subsistent quand on se lance dans la lecture des rares ouvrages évoquant cette frontière et le Traité de Corbeil qui l’avait entérinée. D’ailleurs, « cette ligne existait-elle vraiment ? » Durant les 400 ans où ce traité a prévalu, les nombreuses guerres et la multitude d’échauffourées entre les deux royaumes sont là pour prouver que leurs limites étaient floues et parfois même fluctuantes au gré des victoires et des annexions d’un camp ou d’un autre. Dany peu intéressée par ces phallus « bruts de décoffrage » et par leur Histoire m’attend sagement. Quand je finis par la rejoindre, et dans une transmission de pensée incroyablement similaire, nous nous disons « et si nous allions voir le genévrier remarquable ? ». Nous voilà donc partis vers cet arbre vénérable dont nous avions vu la mention sur un panonceau indicatif. L’arbre étant très proche des bornes, nous y parvenons très vite et force est d’avouer que nous sommes un peu déçus. Le genévrier est certes beau mais il n’a rien d’exceptionnel. Il faut dire que d’emblée nous le comparons à celui d’Opoul se trouvant au lieu-dit Vall d’Oriola et bien sûr la comparaison ne peut pas tenir tant celui d’Opoul est extraordinaire à tous points de vue. Cet arbre, j’ai déjà eu l’occasion de le présenter lors de deux autres balades : « Le Sentier du myrte et du genévrier depuis le château de Salveterra » et le « Sentier de la roche insolite ». Après cette dernière découverte, il est temps de prendre le chemin du retour direction l’intersection précédemment traversée puis le lieu-dit « Roc de Naut ». Les possibles découvertes consistent désormais à observer les décors, décors certes pour nous deux, mais également quelques oiseaux pour moi, même s’il faut reconnaître qu’ils sont assez rares dans ce biotope typiquement méditerranéen. Ça se résume à quelques fauvettes occupant le maquis et à des alouettes, lesquelles, ont une nette préférence pour les terrains fraîchement défrichés. Apparemment, les pistes ont beaucoup évoluées par rapport au bout de carte I.G.N que je trimballe dans ma poche mais que je sors régulièrement tant les chemins sont légions dans ce secteur. Un panneau explique la raison de ces nouvelles pistes DFCI : « investissement en réponse à la sécheresse et au changement climatique ». Je garde mon GPS allumé et nous empruntons la piste DFCI F170. C’est apparemment la bonne direction et mon tracé GPS me le confirme. Après quelques virages sur cette très large piste, dès le premier ruisseau traversé, il faut la quitter et prendre un chemin qui, à gauche, monte dans la garrigue. Ce ruisseau, est-ce celui de Bellanouse ? Je ne saurais le certifier mais en tous cas l’eau y coule à flot. On retrouve la large piste un peu plus haut mais on continue de l’ignorer au profit d’un large et bon chemin sableux qui file à gauche en direction d’amples vignobles. Dès les premières vignes, le chemin les contourne par la droite puis par la gauche. A partir de là, l’itinéraire devient plus simple. D’abord parce qu’il est rectiligne et qu’il suffit de suivre celui le plus emprunté. Ce chemin continue de longer et de traverser dès vignes le plus souvent en s’élevant sur une très légère déclivité. Cette modeste montée offre néanmoins de jolies vues à presque 360%. Droit devant le Canigou fait office de point de mire. Dès lors que l’on atteint un coteau planté d’une amanderaie, le chemin bifurque à droite mais retrouve très vite sa rectitude. Ici, les vignobles se partagent l’espace avec d’immenses champs verdoyants. Un trio de corbeaux y cherche une pitance puis à notre approche, les volatiles s’envolent à poussant des cri rauques et puissants. Finalement, nous retrouvons du bitume et une première maison au lieu-dit Prat d’en Fosse. Il suffit désormais de suivre cette route asphaltée et après deux virages, Montalba-le-Château apparaît presque droit devant. On retrouve l’itinéraire emprunté au départ et le village est très vite là. Nous partons quitter le sac à dos dans le coffre de la voiture avant de repartir pour une visite plus approfondie du village dont nous connaissons mal le patrimoine. Petites ruelles, jolies placettes, les fameuses voûtes « balendras » typique des villages médiévaux avec leurs escaliers et leurs terrasses, un beau beffroi avec son horloge et son clocher en fer forgé si distinctif du midi de la France, la maison de l’économiste et sociologue de renom Alfred Sauvy dont une plaque commémore son existence ici, l’agréable jardin Sistach avec son espace de repos et sa vue splendide sur le Canigou, des sculptures métalliques si étranges représentant presque essentiellement des chèvres (**), des portes en arcades ou poternes, les fortifications tout autour du château avec son ancienne tour à signaux et sa chapelle St Jean dont on ne voit malheureusement que le joli clocher-mur, de vieilles maisons où certains linteaux gravés d’une date ne laissent planer plus aucun doute quant à leur ancienneté. Oui, il y a un très beau patrimoine à découvrir à Montalba-le-Château mais une fois de plus, nous notons le peu d’intérêt que l’on prête aux visiteurs de passage que nous sommes car le château et les églises sont fermés. Montalba n’est malheureusement pas un cas isolé et nos déceptions à vouloir découvrir le patrimoine roussillonnais s’enchaînent à chacune de nos sorties. Telle qu’expliquée ici, cette balade a été longue de 10k700 pour des montées cumulées de 280 m et un dénivelé de 140 m environ. Assez paradoxalement le point le plus haut est le village de Montalba lui-même, c'est-à-dire la ligne de départ. A moins d’avoir un sens de l’orientation excessivement développé, un tracé G.P.S est fortement recommandé. Carte IGN 2448 OT Thuir – Ille-sur-Têt Top 25.
(*) Le traité de Corbeil et la frontière de 1258 : Signé le 11 mai1258 au prieuré de Saint-Jean-en-l'Isle, près de Corbeil, entre les représentants du roi d'Aragon, Jacques Ier et ceux du roi de France, Louis IX, plus connu sous le nom de Saint-Louis, ce traité de paix est ratifié à Barcelone le 13 juillet suivant. Il est d’abord là pour régler des problèmes de territoires et mettre fin à de vieilles querelles la plupart du temps liées à des doléances anciennes de part et d’autres. C’est ainsi que Louis IX a la nostalgie de la vieille Marche d’Espagne fondée par Charlemagne en 806 incluant entre autres les comtés de Barcelone et du Roussillon, alors que la Maison d’Aragon prétend depuis très longtemps à des suzerainetés sur Montpellier, Millau et Carcassonne. Ce traité est donc là pour entériner plusieurs engagements de bonne volonté dans les deux camps. C’est ainsi que le roi de France renonce à ses droits de suzeraineté sur le comté de Barcelone et les autres comtés catalans dont le Roussillon et la Cerdagne. En contrepartie, Jacques Ier renonce, d'une part, au Fenouillèdes et au Peyrepertusès cédant ainsi les châteaux de Puylaurens, Fenouillet, Castel Fizel, Peyrepertuse et Quéribus mais il renonce aussi à ses droits de suzeraineté sur les comtés de Toulouse et de Saint-Gilles ainsi que sur le Quercy, la vicomté de Narbonne et l'Albigeois, les comtés de Carcassonne, de Foix et du Razès, Béziers, le Lauraguais et le Minervois, Nîmes et Agde, Millau, le Gévaudan, une partie du Rouergue mais également la Provence. Il ne conserve que la seigneurie de Montpellier, la vicomté de Carlat et la baronnie d'Aumelas. A l’époque et comme on le voit au travers de ces renoncements, on parle peu de frontière mais plutôt de territoires et de limites. Toutefois, ces acquisitions dessinent d’elles-mêmes une ligne qui va faire office de frontière. Celle qui nous intéresse ici c’est celle qui passe au sud des Corbières désormais protégée côté français par les forteresses des Termes, d’Aguilar, de Niort-de-Sault, de Quéribus, de Peyrepertuse et de Puilaurens. Cette nouvelle ligne va être bénéfique pour les deux parties car des deux côtés, on n’avait pas attendu le traité pour protéger ses possessions et de nombreuses villes, villages, églises avaient été fortifiées. On peut citer des villes comme Perpignan, Ille-sur-Têt et Vinça mais il y en a bien d’autres. Il y a aussi des petits villages aux forts d’importances parfois inégales disposant le plus souvent de tours défensives comme Périllos, Castelvell, Palmes, Roquevert, Trémoine, Lansac, Bélesta, Montalba, Latour-de-France, Cuxous, Caladroy, Corbous, Arsa, Le Vivier, Fenouillet. Des églises comme celle de Saint-Martin de Latour-de-France ou de Saint-Barthélémy de Jonqueroles. Le traité va engendrer de nouvelles forteresses comme celle de Salveterra à Opoul ou bien Salses un peu plus tard. Les historiens parlent parfois de « ligne Maginot médiévale ». La frontière se poursuit vers l’ouest et sépare désormais les deux royaumes car outre le comté de Barcelone, les renoncements du roi de France sur la Catalogne permettent à Jacques 1er de posséder les comtés du Roussillon, du Conflent, de Cerdagne, d’Urgel, de Berga, de Ripoll, du Bésalu, d’Empuries, d’Ausona et de Girona. Le but louable qui était de faire la paix est atteint mais celui d’éviter des enclaves subsiste malgré tout. La pire des enclaves est sans doute celle qui a consisté à séparer des populations aux langues différentes. C’est ainsi que des catalans se sont retrouvés dans le royaume de France et vice-versa. En restant peu claire et donc floue, cette frontière ne sera jamais trop respectée et sera constamment l’objet de malentendus entre les deux royaumes, engendrant des conflits quasi permanents, et ce jusqu’en 1659 et le Traité des Pyrénées…..mais ça c’est une autre Histoire.
Les bornes sur le terrain ont-elles matérialisées cette frontière ? C’est la thèse la plus souvent admise par les historiens. Outre celles présentées dans ce reportage, il se dit qu’il y en aurait également du côté de Fitou, Fitou ayant pour origine le latin « fita » signifiant « limite » ou « borne ». Il se dit également qu’il y en aurait quelques autres perdues dans la nature, nature où la végétation trop dense ne permettrait pas d’y accéder ou de les retrouver. Tout est possible. En tous cas, les plus connues sont celles présentées ici dites de Bélesta et du Pilóu d’en Gil auxquelles il faut rajouter celle du Puig Pédrous. Quand à la plus remarquable c’est sans doute celle de Montner que l’on appelle la « Roque d’en Talou ». Elle ne ressemble pas du tout aux précédentes puisqu’il s’agit d’une simple roche gravée d’une croix pattée aragonaise d’un côté et de l’autre du blason avec les armoiries des Montesquieu, seigneurs de Latour-de-France. Ce blason est surmonté de la date de 1617 qui serait probablement la date de son burinage. Cette roche marque-t-elle la frontière de 1258 ? Les historiens le pensent car la croix pattée ressemble très étrangement à celle qui se trouve au pied de la borne de Bélesta. Est-ce suffisant ? Voilà une question à laquelle comme bien d’autres je n’ai pas de réponse……
(**) Fête de la chèvre : Apparemment, chaque année Montalba-le-Château fête la chèvre au mois d'octobre. C'est en tous cas ce qui transparaît de divers articles et reportages que j'ai pu lire sur Internet. Cette fête explique sans doute les étranges sculptures métalliques les représentant au sein du vieux village.
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Cette magnifique randonnée vers l'ermitage Notre-Dame de Coral au départ du col d’Ares, réalisée le jeudi 30 mars 2017, est le résultat d’un double fondement. Le premier est d’être passé au col d’Ares le dimanche auparavant pour une virée en Espagne et là, nous avons été scotchés par les panoramas époustouflants que nous embrassions à 360 degrés sur les montagnes enneigées. Vers le nord, il y avait bien sûr l’inévitable Massif du Canigou, la montagne la plus imposante et la plus resplendissante d’entre toutes, avec comme assise, la longue crête des Esquerdes de Rotja, également toute de blanc vêtue. Vers le nord-ouest et du haut de ses 2.465 mètres, le pic de Costabonne, pyramide immaculée toute proche, était le maître incontesté d’un long chapelet de sommets se perdant dans l’infini de la chaîne pyrénéenne. La meilleure vision que l’on pouvait en avoir était le Mont Falgas, sommet à 1.610 m d’altitude dominant le col et servant à la fois de borne géodésique et de frontière. France Espagne ou Espagne France, ici la frontière avait connu les pires détresses, les pires souffrances, les pires horreurs en 1939 avec la Retirada mais aujourd’hui peu importait, ici comme ailleurs, seule la beauté avait repris ses droits, n’ayant jamais eu de démarcation. Nous en profitions. Ces belles visions avaient commencé en voiture, et tout en montant vers le col depuis Prats-de-Mollo, nous nous sommes arrêtés une demi-douzaine de fois pour observer ce spectacle grandiose. Il faut dire que le temps était superbe et que le blanc des montagnes contrastait merveilleusement avec le bleu du ciel. Aucun nuage pour ternir ce tableau. Tout n’était que pureté autour de nous et j’ai bien senti que Dany était en extase devant tant de splendeur. Elle a fini par me dire « il n’y a pas des randos par ici ? ». Et sans trop réfléchir, je lui ai répondu « oui, ça doit pouvoir se faire ! ». L’idée était lancée et dans ma tête, elle a immédiatement fait son chemin. Tout en poursuivant la route vers le col frontière, je me souvenais de randonnées antérieures. Il y avait mon Tour du Vallespir d’août 2009 bien sûr, dont je gardais de ce secteur de Prats-de-Mollo, un goût d’inachevé, à cause des nombreuses forêts couchées par la tempête Klaus qui m’avaient meurtri, mais surtout qui m’avaient empêché d’effectuer l’itinéraire authentique et programmé, passant par la Tour de Mir et le col d’Arès. J’avais été contraint d’emprunter un court P.R passant par le col de la Guilla. Au fond de ma tête et malgré la certitude d’avoir effectué le bon choix, j’ai toujours gardé de cette seule entorse au Tour du Vallespir, sinon un regret au moins une contrariété. Il y avait aussi la Tour de Mir, gravie plusieurs fois et un génial Cami de la Retirada effectué trois ans auparavant. Dans la voiture, nous avons évoqué les différentes possibilités, pesant les « pour » et les « contre », analysant au pif les distances, les dénivelés, etc.… La conclusion, c’est qu’en réalité, nous n’avions pas trop envie de refaire une balade déjà accomplie. J’ai fini par dire à Dany « ne t’inquiètes pas, je trouverais bien une rando à faire ! ». En arrivant au col, nous avons garé la voiture puis avons longuement erré de tous côtés, ne voulant rien manquer des scènes qui s’offraient à nous. Finalement, nous nous sommes arrêtés près de la stèle en hommage aux républicains espagnols et là, nous avons gravi un chemin montant en direction du Mont Falgas. Tout en montant, et outre quelques paysages déjà vus, il y avait un autre décor à nos pieds, sur notre droite, peut être moins attractif au prime abord car sans neige mais il était long, vaste et presque insondable. En tous cas, et au plus loin que portait la vue, ce magnifique panorama disparaissait dans des vapeurs bleuâtres. Le regard se déployait sur une longue succession de « montagnes russes » constituées de petits ravins, de forêts plus ou moins sombres, de prairies verdoyantes, de monts dénudés ou boisés, de profonds vallons et d’élévations dont les plus hautes formaient la frontière entre Vallespir et Espagne. Un paysage devant lequel nous sommes restés de très longues minutes à nous répéter « que c’est beau ! ». La vue portait entre autres vers quelques lieux bien connus, souvenirs d’autres jolies balades : Baga de Bordellat, col de Malrems, Tours de Cabrens, Mont Nègre, Pilon de Belmatx, Roc de France. De l’autre côté, versant Canigou, j’essayais de montrer à Dany, quel avait été l’itinéraire de mon Tour du Vallespir, mais de trop nombreux obstacles et la trop longue distance qui nous en séparait en limitaient mon exposé. En redescendant du Mont Falgas, un vieille pancarte « Volta del Vallespir » cloué à un pin m’envoya le dernier déclic, ce fameux deuxième fondement et je dis à Dany : « ça te dirait de randonner en partant d’ici ? » Elle me répondit « oui » sans hésiter, et chose rarissime, ni même sans me demander quel était mon objectif, ni sans poser aucune question. De toute évidence, elle aimait l’idée et le coin. Mon objectif, c’était d’aller à Notre-Dame de Coral et de réaliser ainsi, ce petit bout du Tour du Vallespir que je n’avais pas pu accomplir en 2009. Voilà comment est née cette randonnée. Quatre jours plus tard, nous voilà à pied d’œuvre au col d’Ares. Il est 10 heures et ô miracle, la météo est quasi identique à celle du dimanche. Un anticyclone domine tout le sud de la France et le Vallespir n’y fait pas exception. Ciel bleu et pur et même si la neige a du fondre un peu, les montagnes continuent d’être merveilleusement blanches. Nous laissons la voiture près de la stèle et empruntons le fameux chemin «« Volta del Vallespir », balisé de jaune et de rouge, comme tout bon G.R.P. Il s’élève un peu puis tout en descente se met à longer la clôture matérialisant la frontière. Il évite ainsi le Mont Falgas, encore que monter à son modeste pinacle ne soit pas vraiment une corvée. L’itinéraire très bien balisé ne présente aucune difficulté, les seules complications se résumant à quelques pentes très abruptes nécessitant un peu plus d’attention et de prudence. Le sentier court sur une pelouse où poussent les genévriers, des genêts flétris et des fougères couchées car encore sèches en cette fin mars. Il y a aussi de petits pins à crochets, de rares sapins et la plus présente végétation se compose de feuillus aux branches dénudées. Quelques petits oiseaux les occupent et sont pour moi, l’occasion d’haltes photographiques régulières. Un grand rapace au plumage noir mais à la face blanche entre également dans la partie. Plus petit qu’un vautour fauve, il joue au voltigeur, s’amusant à tournoyer puis à zigzaguer sur la ligne frontière comme un contrebandier s’amuse à déjouer les pièges tendus par les douaniers. Jamais il ne me laissera l’occasion de l’identifier disparaissant à jamais sur le versant espagnol. Côté passereaux, les mésanges sont les plus nombreuses mais il y a aussi quelques alouettes et des grives qui s’enfuient au dernier moment et toujours à quelques mètres de nous seulement. Tout ce petit monde sauvage reste difficile à photographier. Comme je l’avais imaginé, cette descente à cheval entre Vallespir et Espagne embrasse constamment des vues grandioses. De rares fleurs et quelques papillons viennent compléter ce tableau naturaliste. L’itinéraire coupe une piste qu’il est bon d’ignorer. Ce chemin de traverse, outre son évident privilège qu’est le raccourcissement, présente sans doute l’avantage de moins de monotonie. Descentes plus douces, sous-bois tapissés de feuilles, chemins verdoyants car herbeux, le parcours se modifie agréablement et finit par atteindre le lieu-dit Case d’Amont. La « Maison du Mont ». Quel joli nom pour cette belle masure, mi en ruines, mi-restaurée mais si authentique car essentiellement en pierres sèches ! Elle tire son nom par la fait même qu’elle est joliment posée au sommet d’un tertre et coiffée de quelques arbres. Tout autour, il y a des prairies ondulantes et verdoyantes, entrecoupées de haies et de murets, et surtout depuis sa terrasse quelle vision sur ces paysages incroyablement beaux et reposants ! On a qu’une envie : l’acquérir ! Une halte est d’autant plus inévitable que ce lieu si solitaire, si retiré, si désert de toute présence humaine, et donc si paisible, est, pour mon bonheur, occupé essentiellement par les tariers, les pinsons, les rouges-queues noirs et quelques bruyants corbeaux. Chacun son territoire. Les corbeaux occupent les prairies où paissent quelques bovins. Les plus nombreux volent autour de Cal Poubill, petit hameau tout proche que l’on aperçoit en contrebas, posé sur une autre éminence, celle d’El Tossal. Avant de venir ici, j’ai voulu connaître la toponymie de « Cal Poubill » et j’ai appris qu’en français, on pouvait le traduire en la « maison de l'aîné ou du jeune enfant » ou « la maison des héritiers ». Perchés au plus haut des cimes, les pinsons des arbres portent bien leur nom et chantent à tue-tête car la saison des amours vient de commencer. Les rouges-queues sautillent un peu partout mais avec une nette préférence pour les piquets des clôtures. A chaque arrêt, ils entament cette étrange danse consistant en une vacillation sur leurs pattes, de haut en bas et de bas et haut, animation si caractéristique de leur espèce. Les tariers des prés sont les plus indécis, hésitant constamment entre un point le plus bas, sur la pelouse où il trouve pitance, et le plus haut sur un rocher ou un arbre mort, où ils aiment à se retrouver en couple ou à plusieurs pour déguster l’insecte qui a eu la malchance de tomber dans leurs becs. Après ce long entracte ornithologique que Dany a mis à profit pour se restaurer d’une barre de céréales et de quelques fruits secs, nous poursuivons vers Notre-Dame de Coral. Les vues s’entrouvrent sur le vallon du Col d’Ares et du Coral et sur quelques demeures isolées : Coste de Dalt et Can Moulins. Le chemin toujours aussi simple évite Cal Poubill et atterrit sur une large piste. Cette piste, fraction la plus monotone de la randonnée, c’est celle qui permet de rejoindre la chapelle en voiture depuis la D.115. A pied, cette portion est relativement courte et heureusement nous la quittons assez vite au profit d’un petit sentier, lequel, dans un sous-bois de résineux, descend directement vers l’édifice religieux. Un chevreuil, qui devait y dormir, s’enfuit en détalant, non s’en avoir au préalable joué à l’indiscret. Station et posture suffisantes pour l’immortaliser dans mon numérique. Voilà déjà 8 longues années que je ne suis plus revenu à Notre-Dame de Coral. Depuis mon Tour du Vallespir exactement, et pour Dany c’était un an auparavant lors d'une sortie avec le club de notre commune. Pourtant, le lieu est toujours aussi paradisiaque. Rien n’a changé ou presque, or mis l’aubergiste qui nous fait visiter les lieux et la disparition des deux gros Saint-Bernard qui gardaient l’entrée. Le maître des lieux a changé, mais il est aussi sympathique que le précédent, et les gentils molosses semblent avoir disparus. J’en serais presque à regretter leurs signes d’affection et de bienvenue qui consistaient pourtant en de grands coups de langue si désagréables car si baveux et si collants. Bien sûr, je retrouve avec enchantement la belle chapelle si sobre, ses ornements et ses beaux retables, car si l’Éternel me laisse perplexe, la chrétienté et ses trésors me tiennent à cœur. Je retrouve aussi la salle du restaurant, où j’avais soupé et petit-déjeuné si merveilleusement, étant même surpris d’un rapport qualité prix si séduisant dans un coin si retiré. Mais autant l’avouer, c’est la vue du porche d’entrée et de la fenêtre de la chambre que j’avais occupée qui me laissent le plus de nostalgie. Elles me renvoient toutes deux à un maximum de souvenirs bien plus marquants et liés entre eux d’ailleurs à cause de chats noirs. Ils sont restés fortement ancrés dans ma mémoire. Ce porche où assis sur son perron, j’avais longuement conversé avec une charmante randonneuse de passage, évoquant entre autres les aléas de nos marches respectives, aléas provoqués par la tempête Klaus de janvier 2009, 8 mois auparavant. Elle marchait en étoiles autour de la chapelle et moi, j’en étais à la quatrième étape du Tour du Vallespir qui allait en compter six. Malgré cette différence de programmes, nos difficultés dues à Klaus avaient été sensiblement les mêmes : des arbres couchés entravant bons nombres de chemins et mettant à mal nos organisations et les plans prévus. De cette agréable conversation et de nos difficultés similaires, j’en avais conclu qu’avoir emprunté le col de la Guilla pour venir de Prats-de-Mollo jusqu’ici avait été une sage décision. Pendant que nous parlions, deux chats noirs, aux airs innocents, étaient venus se frotter gentiment dans nos jambes pour se faire câliner. Ces chats noirs, en réalité au nombre de trois, ressemblant si terriblement à ma jolie petite Milie, avaient été, avec Klaus, les « chats noirs » de mon périple. Je regardais presque avec obsession, la fenêtre de cette chambre, chambre où l’après-midi, j’avais longuement fait la sieste, récupérant ainsi de mon épuisante étape de la veille entre Saint-Guillem de Combret et Prats-de-Mollo. Mais cette fenêtre était surtout synonyme d’une tragédie que j’avais vécu en direct le soir venu. Tragédie pour un pauvre petit mulot que ces mêmes chats noirs, si dociles l’après-midi, se lançaient de l’un à l’autre comme on joue avec une balle de caoutchouc. Entre les griffes de ces horribles matous, aussi noirs dehors que dedans, la petite souris, longtemps vivante et toujours prête à s’échapper, avait fini par abdiquer et devant tant de méchanceté gratuite, j’avais préféré partir me coucher, incapable d’assister à la fin de cette exécrable bestialité. Cet homicide en direct m’avait inspiré un poème. Un poème violent dont la morale était douce pour le mulot et terrible pour les chats (**). Ce poème-là, je l’avais voulu ainsi, bien que la violence et la brutalité n’étaient pas, loin s’en faut, les subtilités préférées de mes poésies. Mais que voulez-vous ? Je m’étais promis que chaque étape serait l’objet d’un ou plusieurs poèmes selon mon vécu, mon humeur et mon ressenti. Le lendemain matin, je l’avais ressenti ainsi et avant de démarrer l’étape suivante vers Lamanère, les Tours de Cabrens puis Saint-Laurent de Cerdans, je m’étais mis à l’écrire. Une premier jet bien sûr, que j’avais finalisé en rentrant à la maison. A l’instant même où je retrouvais Notre-Dame de Coral, voilà ce que me rappelait ce lieu : de très nombreux souvenirs, certains magiques et d’autres plus amers. L’aubergiste nous ayant accueilli avec sympathie et prévenance, Dany et moi aurions bien déjeuné au restaurant, étant les seuls clients, mais pour une fin mars, il faisait déjà très chaud et c’était à coup sûr, jeter les salades et le reste du pique-nique qui attendaient sagement notre appétit et notre bon vouloir au fond de nos sacs à dos respectifs. La table du pique-nique était là, devant l’entrée de la chapelle, alors on fit la promesse de revenir un jour et bien plus vite, sans attendre 8 ans de plus, et l’on se contenta du dépliant annonçant les menus et leurs prix. Le pique-nique terminé, Dany s’est allongée sur un banc pour une sieste improvisée et moi, je suis parti pour quelques photos animalières dont les premières étaient très simples. C'était celles des animaux de la ferme. Ils étaient là tout proches et ne bougeaient pas. Coq, poules, canards, oie et ânons, ces animaux me ramenaient à mon enfance, au temps où le dimanche nous allions en famille, chez mes grands-parents paternels qui habitaient la campagne marseillaise. Animaux sauvages en période nuptiale avec des sittelles et des mésanges qui sautent et piaillent dans les grands arbres et semblent se donner le mot pour déjouer l’objectif de mon appareil photo. Cette fois, ma patience l’emporte. Il est temps de repartir. Le chemin file devant l’entrée de la chapelle, légèrement sur la droite, sous les grands arbres et en direction de la Font del Coral. Il s’agit du P.R.12 comme indiqué sur un tronc. Il va jusqu’à Prats-de-Mollo mais nous l’abandonnerons bien avant et à hauteur de la D.115. La fontaine Font del Coral se découvre peu après le départ, avec deux petites tables en forme de champignons. En réalité, il s’agit d’une source émergeant d’un muret et sur lequel une plaque de marbre évoque la Vierge et l’enfant. Outre la sculpture, des gravures indiquent « Maria – Bons gratiae » et une date incertaine, sans doute 1948, année où la frontière fut rouverte entre la France et l’Espagne. Notre Dame de Coral connaît de très nombreuses processions depuis fort longtemps et les fidèles sont depuis toujours venus des deux pays. Il n’y a jamais eu de différence car la Catalogne formait un tout et les croyances étaient les mêmes et c’est le Traité des Pyrénées de 1659 qui a scindé la région. La fontaine existait déjà et en 1948, la plaque de marbre a sans doute été l’occasion de rendre hommage à la Vierge et à ses ouailles qui faisaient l’effort de l’honorer en parcourant des kilomètres. Les sources avec leur eau fraîche étaient toujours bienvenues après de si longues marches. D’ailleurs, l’Histoire (*) de Notre-Dame de Coral est assez bien restée dans les annales mais comme très souvent quand il s’agit de religion, elle oscille entre légende et authenticité. Après la source, le chemin file essentiellement en sous-bois puis descend en direction du Ravin du Col d’Ares. Un ruisseau éponyme s’y faufile, puis il est rejoint guère plus loin par ceux du Vall d’Aques et de Sabric pour devenir le torrent de Coral. A l’endroit où il faut l’enjamber, il est large de deux mètres tout au plus et surtout peu profond, permettant un passage sur l’autre rive relativement aisé en marchant sur quelques gros galets. Ici, commence le début de la déclivité qui doit nous ramener au col d’Arès, soit 500 mètres de dénivelés environ. Toujours en sous-bois, mais au sein de décors assez variés, le bon chemin monte en alternant ravins, hautes falaises calcaires puis vertes prairies, en direction de la Coste de Dalt. Or mis des vaches, des taureaux et des veaux en grande quantité, et qu’il nous faut éviter en zigzaguant pour pallier à toutes réactions aussi soudaines qu'inattendues, le lieu est désert et seule la postière qui est de passage nous délivre un signe d’amitié depuis sa voiture. La bâtisse semble vide mais sans doute que les propriétaires sont bien trop occupés à leurs tâches agricoles. Du coup, on ne fait que passer ne trouvant pas utile de les déranger. Pourtant, si j’en crois ce que j’ai lu sur Internet, il s’agit d’un coin très agréable et très apprécié des visiteurs. La Coste de Dalt fait partie des réseaux « Gîtes de France » et « Bienvenue à la ferme ». Il est vrai que l’endroit est très calme et que depuis la terrasse de biens jolies vues se dévoilent sur la crête frontière du Vallespir, le vallon du Coral et sa chapelle. Nous poursuivons puis nous arrêtons sur l’herbe pour prendre un en-cas et un peu de repos. Ici, je connais l’itinéraire qui nous attend, tout en montée et je pense opportun de recharger les accus. Sous le regard incrédule de quelques vaches, nous repartons mais le P.R 12 nous amène très vite sur la D.115. J’observe mon bout de carte I.G.N pour constater que nous sommes non loin du Pla de l’Espinasse, vaste paradis herbeux pour les chevaux et les bovins et d’une partie boisée du nom d’Homme Mort. Cette dernière appellation me laisse songeur mais correspond-elle à un épisode tragique de cette terrible retraite des républicains espagnols ? On peut seulement l’imaginer. Je reconnais un peu le lieu car j’y suis passé lors d’une balade sur le « Cami de la Retirada » voilà 3 ans. D’ailleurs, un panonceau « Cami de la Retirada » se présente et pour nous, il est désormais synonyme de fin du bitume. Avant et pendant la guerre de 39/45, ce chemin n’avait pas d’appellation et tous les sentiers passant par cette frontière avaient un seul nom : « El Camino de la Libertad ! » Liberté, pour les Républicains espagnols fuyant les exactions de Franco et liberté aussi quand l’offensive allemande de 1940 obligea bon nombre de persécutés et de résistants à fuir la France et le régime nazi. L’itinéraire grimpe sur une pelouse encadrée de pins à crochets, la plupart bien envahis par les chenilles processionnaires lesquelles ont déjà quitté leur nid douillet et s’éclatent avec nous à la queue leu leu. Quel dommage tous ces arbres qui sont entrain d’agoniser à cause de ces petites bêtes ! Nous atteignons la chapelle ruinée de Sainte Marguerite. Elle a servi de refuge pendant très longtemps à de très nombreux pèlerins et bien évidemment aux réfugiés de 1939. Elle a perdu son clocher et sa toiture est désormais envahie par une végétation hétéroclite, allant de la menue herbe folle au petit pin en passant par les genévriers et des feuillus. Nul doute que les racines de ces arbres auront raison de sa voûte et qu’elle finira par s’effondrer si rien n’est entrepris pour modifier le cours des choses. Pourtant et contrairement à d’autres chapelles bien plus ruinées, une belle restauration semble encore envisageable. Nous laissons la chapelle à ses blessures, montons sur une butte herbeuse où les paysages s’entrouvrent vers un merveilleux Canigou. Toujours en extase devant cette magnificence, Dany en profite pour réaliser quelques postures yogi. Une manière de se relaxer avant d’en terminer. Il est temps de repartir mais comme la déclivité s’accentue, les jambes deviennent plus lourdes et le souffle plus court. Alors, on flâne comme jamais depuis le départ, regardant sans cesse vers ce vallon du Coral toujours aussi captivant et plus amplement vers ce Vallespir dont on ne se lasse pas. Une dernière petite grimpette et le col d’Arès est enfin là. Nous sommes un peu fourbus mais heureux de cette formidable balade. Je le suis sans doute un peu plus que Dany car j’ai réalisé plusieurs rêves : D’abord celui de lui faire plaisir en organisant pour elle cette randonnée dont elle avait tant envie. Ensuite accomplir un bout du Tour du Vallespir que je n’avais pas pu réaliser en 2009. Retrouver Notre Dame de Coral et quelques souvenirs que j’y avais laissé lors de mon passage. Oui, dimanche dernier, j’avais vu juste, cette randonnée méritait bien d’être réalisée. Elle a été longue de 10 à 11 km pour des montées cumulées de 1.200 mètres, ces deux chiffres étant approximatifs mais sans doute très proches de la vérité, les piles de mon GPS m’ayant lâché dans les derniers kilomètres. Le dénivelé entre le point le plus bas et le plus haut étant de 502 mètres. Le plus haut étant le col d’Ares à 1.513 m d’altitude et le plus bas à 1.011 m au niveau du ravin du col d’Ares. Carte I.G.N 2349 ET Massif du Canigou Top 25.
(**) L'Histoire de l'ermitage de Notre-Dame de Coral est très bien relatée sur le site de l'Histoire des Pyrénées-catalanes et vous la trouverez en cliquant ici, mais en cherchant un peu sur Internet, on arrive à trouver d'autres informations très intéressantes sur le lieu El Coralou bien encore orientées mysticité comme le site de la Société Périllos dont une page est dédiée Sainte Angelinaet par ce biais à ce lieu.Rajoutons simplement que l'édifice religieux du 17eme siècle est classé aux Monuments Historiques depuis le 18 avril 1990. Ces annales historiques, nous les devons à plusieurs écrivains de la fin du 19eme siècle et du début du 20eme et notamment à Joan Baptista Moli, abbé de son état et curé de Prats-de-Mollo, lequel en 1871 a écrit un petit ouvrage d'une trentaine de pages intitulé "Récit historique de Notre-Dame de Coral". En 1862, mais sous la forme poétique, Alphonse Blanc écrit un ouvrage intitulé "Le Vallespir et Notre-Dame de Coral" puis en 1925, c'est l'abbé Joseph Gibrat, lui aussi curé de Prats-de-Mollo qui consacre un recueil à l'ermitage. La plupart de ces ouvrages sont épuisés et seulement présents dans de rares bibliothèques. Enfin, il faut savoir qu'il existe une Association pour la Sauvegarde de Notre Dame du Coral, l'A.S.C.O.R. C'est elle qui organise les pèlerinages, aplecs et toutes les manifestation religieuses vers la belle chapelle.Elle a également édité un petit ouvrage en catalan intitulé "L'ermitatge Nostra Senyora del Coral".
(*) Trois petits « Tom » et un pauvre Jerry
Au cours de la 4eme étape du Tour du Vallespir, je suis arrivé tôt et sans encombre à Notre-Dame de Coral. La 3eme étape, elle, avait été terrible pour mon organisme à cause de chutes provoquées par les conséquences de la tempête Klaus. A l'ermitage, je ne pense qu'à une chose, me reposer et récupérer pour les étapes suivantes. Le soir, alors que je prends le frais à la fenêtre de ma chambre, j'observe trois chats noirs qui jouent avec un pauvre mulot. Comme une balle, ils se renvoient ce pauvre animal. La pauvre petite bête cherche en permanence à s'échapper mais son sort semble déjà scellé. Devant tant de bestialité, je préfère partir me coucher. L'après-midi même, deux de ces trois chats étaient venus se faire câliner et paraissaient si dociles. Ce terrible jeu du chat et de la souris m'amène à écrire cette poésie où j'inverse le dénouement.
Trois petits " Tom " jouaient dans le parc ombragé.
Noirs étaient leurs pelages, leurs esprits, leurs pensées.
Et ce pauvre " Jerry ", que le diable tirait
Par une fine queue, était désespéré.
Un homme à la fenêtre regardant ce spectacle,
Espérait du hasard, une étoile, un miracle.
Mais la dure nature le fit pleurer soudain,
Les petits " Toms " noirs étaient des assassins.
Il partit se coucher, sensible à sa faiblesse,
Les petits " Toms " noirs avaient tant de rudesse.
Croquer une souris, tel était leur dessin,
Un " Jerry ", un mulot ce n'est pas un festin.
Puis l'homme s'endormit, mais les rêves l'éveillèrent.
Sur son lit, un p'tit " Tom " dormait tel un pépère,
Sans cauchemar aucun, sur ce qu'il avait fait,
Le " Jerry " dans son ventre avait ressuscité.
Dans leurs songes, ils sautèrent dans le parc ténébreux,
Le P'tit " Tom " et " Jerry " avaient l'air si heureux.
Toute la nuit, ils jouèrent jusqu'au petit matin,
Comme de bons copains, de gentils diablotins.
Puis le jour se leva et son lot de tracas,
Les petits " Toms " noirs cherchaient comme un en-cas.
Point de pauvre mulot pour leur combler la faim,
Mais un " Jerry " ailé tel un beau séraphin.
Les Petits " Toms " noirs scrutaient en vain le ciel,
En quête d'un oiseau, de leurs airs criminels,
Mais le frêle " Jerry " s'était changé en aigle
Sur les chats, il tomba emportant le plus faible.
Il faut vivre la vie comme un chat, un mulot,
Caresser les p'tits " Toms ", ignorer les salauds,
Et si la vie est dure, croque-là doublement,
Comme une petit " Jerry " si tendre et si fondant.
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Savez-vous qu’en allant gravir le pic Dourmidou (*) vous montez dans un dortoir ? Original non ? Et pourtant c’est la vérité, sauf que les puristes de la toponymie rajouteront qu’il s’agit d’un « dortoir pour animaux ». Eh oui ! « Dourmidou » en occitan et « Dormidor » en catalan signifie « dortoir » et on peut étendre la traduction à tous les lieux destinés au sommeil : chambre à coucher, chambrée, chambrette. En ce 18 août 2016, c’est le modeste challenge que Dany et moi nous sommes fixés : grimper au Dourmidou. Sans tente et donc sans l’idée d’aller y dormir, encore que par grand beau temps et sans vent, l’idée ne doit pas être si saugrenue que ça. Ce n’est pas le cas en ce moment. Depuis Urbanya, nous sommes descendus sur Prades puis nous avons pris le route de Mosset et filons vers le col de Jau avec un seul but : partir gambader en montagne. Notre choix c’est porté sur le pic Dourmidou, à cause de sa proximité depuis Urbanya et du peu de temps que nous voulons consacrer à la marche aujourd’hui car en ce moment la météo est capricieuse. Le Dourmidou est une montagne très arrondie et à la végétation rase que les anciens appelaient « Tuc ». Rien à voir avec le gâteau d’apéritif bien connu, ce mot gascon, et donc occitan, présentant l’avantage de définir en une seule syllabe une hauteur arrondie dans un paysage plat. Une bosse tout simplement. « Tuc de Dourmidou » disait-on ou écrivait-on alors au 19eme siècle. La veille, il y a eu de très violents orages et après Mosset, quelle n’est pas notre surprise de constater que le bitume de la route devient de plus en plus vert, un peu comme si l’on avait passé une tondeuse sans ramasser l’herbe coupée. En réalité et y regarder de plus près, il s’agit d’innombrables feuilles que la violence d’une pluie de grêlons a mâchouillé et mis à terre. Quelques virages plus tard, l’étonnement s’amplifie encore d’un cran, car dans les endroits les plus ombragés il y a d’épais névés. Notre arrivée au Col de Jau confirme ce que nous pensons : « ce n’est pas de la neige, mais d’énormes grêlons que le vent a amoncelé sous forme de petites congères ». Sur les pelouses, toutes les ornières ombragées sont remplies de ces amas de glace. Malgré la quinzaine d’heures qui s’est écoulée depuis et un soleil bien présent, certains grêlons ont encore la taille d’une balle de ping-pong. Nous nous mettons en route, non pas par le chemin classique et un peu barbant consistant à suivre la clôture rectiligne se terminant au sommet du Dourmidou mais en tentant de refaire le même itinéraire que nous avions emprunté lors de notre dernière ascension. C’était il y 10 ans. En mars 2006 exactement. Nous avions entrepris de monter en raquettes au sommet en effectuant une boucle pour profiter au maximum d’une neige immaculée. Nous ouvrons un portail donnant sur un enclos dans lequel quelques chevaux nonchalants se serrent les uns aux autres. Ils paraissent tenir un conciliabule à moins qu’ils ne dorment debout car aucun ne se retourne malgré notre présence. Un seul se tient à l’écart des autres dans une attitude très étonnante et cocasse. Il se roule par terre les quatre fers en l’air comme quelqu’un qui est « mort de rire ». Une photo de ce moment « rare » et on laisse le « dada gaga » à ses délires en empruntant la piste herbeuse qui file vers l’ouest. Elle est parallèle à la D.84 et file vers le lieu-dit la Devèse sur la carte où elle se termine. Je suis assez surpris car les fleurs sont rares mais les papillons plutôt nombreux, sans doute grâce à la clémence de la météo aujourd'hui. Le secteur du Dourmidou est très prisé des botanistes pourtant les fleurs se résument à quelques chardons et carlines et aux roses callunes, de loin les plus nombreuses. Sans doute, la saison est-elle déjà trop avancée. La plupart des papillons qui volètent ont clairement soufferts eux aussi des orages de grêle. Leurs ailes sont meurtries et leurs couleurs sont devenues ternes. La plupart, les ailes déchiquetées ne méritent pas une photo. Je sélectionne. Le chemin entre assez vite dans un bois de grands conifères, se met à tourner vers le nord avant de se terminer dans un fatras de gadoue et de branches cassées. Il y a un ru boueux qui s’écoule au milieu de tout ça. Je ne reconnais plus le parcours pris il y a 10 ans en raquettes. Nous enjambons le monceau de branchages et continuons sur un sentier plutôt évident qui finalement sort très rapidement du bois. Devant nous, il y a une lande assez pentue mais à la végétation rase et après un coup d’œil sur mon bout de carte IGN, je prends la décision de la traverser en diagonale mais tout en montant sur la butte qui se trouve sur notre droite. Un chevreuil qui devait dormir dans des genêts se lève brusquement et s’enfuit en direction de la forêt qui se trouve en contrebas. Au vol, je réussis à le photographier avant qu’il ne l’atteigne. C’est marrant car à cet instant, je me mets à penser au « dortoir pour animaux » et je me demande si d’autres chevreuils y dorment encore à cet instant. Au milieu des callunes fleuries, des ras genévriers et myrtilliers, la marche est néanmoins peu aisée et en tous cas, elle l’est beaucoup moins qu’avec la neige et les raquettes. Le paysage qu’on pense pelé et facilement praticable de loin est trompeur quand on a les pieds dans cette végétation compacte. Un vautour fauve vient aux nouvelles mais poursuit son chemin vers des carcasses moins animées que les nôtres. Au fur et à mesure que l’on s’élève, les vues s’entrouvrent sur un large vallon descendant des premiers flancs du Dourmidou. Au plus haut de la butte, nous tombons sur une sente clairement tracée par les nombreux troupeaux qui fréquentent les lieux. On les appelle parfois « caminoles ». Dans les endroits glaiseux et encore humides, on y distingue clairement les empreintes de nombreux sabots mais ceux aussi de quelques pas humains. C’est encourageant. Sur une belle distance, le cheminement devient aussitôt plus facile mais à force de rencontrer d’autres sentes aussi étroites les unes que les autres, on ne sait plus laquelle il faut emprunter. Dany décide de continuer l’ascension, c'est-à-dire vers l’est, alors que je suis plutôt partisan de partir vers le nord. Je sais qu’en partant plein est, nous retrouverons très vite et inévitablement les clôtures que j’ai voulu éviter au départ. De plus, et au regard de la configuration du terrain, en partant vers le nord, je sais que d’autres panoramas sur l’Aude se dévoileront bien plus vite et plus amplement sur les plus proches d’entre eux. On se sépare, mais je garde toujours un œil sur elle, montant doucement mais sûrement en diagonale. Je vois que peu à peu elle fait de même et finalement à force d’avancer plutôt à l’oblique, nous nous retrouvons un peu plus haut sur un chemin bien plus large. Compte tenu des profondes ornières, nous n’avons aucune peine à imaginer que des véhicules à moteur l’ont empruntée avant nous. Sans doute des tracteurs ou des véhicules tout terrain. Nous passons au pied d’une zone rocheuse occupée par des passereaux. Je me mets aussitôt en quête de les photographier et la première tentative est la bonne car apparemment les roches et les quelques genévriers qui y poussent à proximité constituent leur habitat. Ils ne semblent pas vouloir s’en éloigner. Ce sont tous des Tariers. Le terrain s’aplanit enfin et on choisit une fois encore la sente la plus évidente. Elle tourne vers l’est, continue sur le plat puis descend un peu avant de s’élever nord-est et très clairement le plus directement possible vers le sommet qui est droit devant nous. Ici, la montagne est une mer mauve colorée par les innombrables callunes. Quelques animaux blancs, groupés en troupeau, s’y détachent au loin, pas plus grands que des têtes d’épingles. Pourtant, dans cette flore qu’on pourrait penser essentiellement violine et rose, j’y découvre un plant de callunes blanches (**), variété jamais observée jusqu’à ce jour. On s’engage dans cet océan végétal sur des caminoles qui partent en tous sens mais c’est trop vite oublier que les flancs de cette montagne, que nous avions gravi en raquettes sans qu’aucune végétation ou presque nous gêne, sont coupés de quelques ruisseaux et donc jonchés de tourbières voire de zones carrément marécageuses. Pour avancer, ça devient parfois une vraie galère. Un parcours du combattant dans le pire des cas. Des chevaux, eux, y gambadent pourtant sans aucune difficulté. A force de marcher dans la flotte et la boue, d’enjamber de petits ruisseaux, de contourner des sources ou de simples résurgences que les pluies d’hier ont engendrées, de se fourvoyer dans les fondrières et les mottes de laîches, nous déviions peu à peu de l’itinéraire le plus direct. Finalement, à moins d’un kilomètre du but ultime qu’est le sommet du Dourmidou, la fameuse clôture, à laquelle par entêtement j’ai voulu échapper, est là à quelques mètres seulement. Nous l’enjambons et la suivons désormais mais Dany en a « plein les pattes » et décide que l’heure du déjeuner a sonné. Pour elle, elle est d’autant plus arrivée que le ciel s’est obscurci de gros nuages gris. Ils arrivent du Massif du Madres et de celui du Coronat poussés par un modeste carcanet. Au loin, quelques nuages en panache s’échappent du pic du Canigou, un peu comme si un Indien procédait à des signaux de fumée. Au dessus de nous et dans un ciel coupé en deux ; azur vers le Dourmidou et gris vers le col de Jau, des rapaces tournoient dans le ciel en poussant des cris aigus. Il y en a clairement de deux espèces différentes. Une buse variable sans doute car d’un brun plutôt sombre et l’autre probablement un milan royal car bigarrée de marron et de blanc. Les deux font des vols stationnaires à peu de distance l’un de l’autre et c’est le meilleur moment pour les photographier avec des clichés rapprochés et en rafales, en croisant les doigts qu'il y en est quelques uns de bons.Tout en mangeant, Dany m’avoue qu’elle n’ira pas plus loin. Un peu par crainte d’un « rouchat » et beaucoup par fatigue. Je n’insiste pas. Je lui demande de m’attendre, de garder mon sac à dos et je pars pour un rapide aller retour vers le sommet. Là-haut, à 1.843 m d’altitude, je découvre le gros cairn matérialisant le pinacle. Je ne lambine pas. Le temps de jeter un coup d’œil à 360° et de prendre deux ou trois photos et je redescends à tout berzingue sous un ciel qui se gâte de plus en plus avec de gros nuages gris qui se rapprochent. J’ai quand même pris le temps d’observer bon nombre de lieux déjà cheminés : Pech de Bugarach, des Escarabatets, de Fraissinet, Pelade, Sarrat Naout, Pic Roussillo, pour ne citer que les plus remarquablement visibles sur les flancs nord-est. Je retrouve Dany. Nous amorçons la descente en suivant « l'interminable » clôture et sans pratiquement s’arrêter. Je ne met le frein que pour quelques photos : fleurs, papillons, oiseaux, bovins et paysages en pensant qu’ils seront toujours les bienvenus dans mon futur diaporama. Sur le parking du col de Jau, pendant que Dany s’emploie à son activité préférée qu’est la conversation, ici avec un couple de touristes, je pars pratiquer une des miennes, la photo. Fleurs, stèle, croix pattée sur une roche et encore et toujours des papillons que la menace d’orage ne semblent pas effrayer. Alors, j’ai envie de leur crier « partez, sinon vous ne résisterez pas à un autre orage de grêlons ! » mais ils sont trop occupés à butiner. Alors nous laissons les papillons à leur aventureux butinage et quittons le col de Jau, direction Urbanya où nous passons les vacances. Sans doute, savent-ils déjà que la grêle ne retombera pas de sitôt ! N’ayant pas d’informatique à Urbanya, je n’ai pas pu réaliser de tracé G.P.S, l’itinéraire proposé sur la carte I.G.N n’est donc qu’approximatif. Je précise toutefois avoir fait en sorte qu’il soit le plus proche de la vérité en visionnant des vues aériennes sur Géoportail et en réalisant le tracé à partir de ces observations. Je considère que le parcours réalisé est long d’environ 8 à 9 km pour un dénivelé de 337 mètres (1.506/1.843). Les montées cumulées sont estimées à 540 mètres. Cartes I.G.N 2248 ET Axat – Quérigut – Gorges de l’Aude – 2348 ET Prades – St-Paul-de-Fenouillet et 2249 ET Font-Romeu – Capcir Top 25.
(*) Le « Dourmidou » ou « Dourmido » c’est également le « Dormidor » , dénomination que l’on retrouve du côté de Matemale avec le pic et le col del Dormidor à respectivement 2.042 m et 1.939 m d’altitude. Tous sont des déverbatifs du verbe « dormir » signifiant un « dortoir » et ça quelque soit les langues, ici catalanes ou occitanes en l’occurrence. L’explication retenue pour ce sommet est qu’il s’agirait d’un dortoir pour animaux. « C’est le sommet où se repose le bétail en estive. Là- haut, des clôtures frontières contiennent en pâturage les bovins qui ont tendance, sous le soleil, à se regrouper sous les rares végétations » peut-on lire dans le numéro 61 du Journal des Mossétans (toponymie du nom « jau » dans ce même numéro) que l’on trouve sur le Net. Il faut savoir que le Dourmidou constituait aussi un lieu de passage et donc de repos pour les troupeaux qui se rendaient en estive vers le Massif du Madres, vers la Jasse de Callau ou vers Cobazet peut-on lire dans un autre vieux texte. C’est encore le cas de nos jours au regard de ce que j’ai pu lire.
(**) Callune blanche (Calluna vulgaris) : Si j’en crois le site Tela botanica, le réseau de la botanique francophone et bible des botanistes internautes, la callune blanche n’est pas censé exister à l’état sauvage. Pourtant de nombreux plants ont déjà été observés un peu partout en France. Le plus souvent, ces quelques pieds sont aperçus au milieu d’une population mauve ou rose et de ce fait, les avis sont partagés entre albinisme, accident génétique et mutation spontanée. En tous cas, pas de doute, le pic Dourmidou recèle cette jolie rareté. Il faut simplement espérer que les nombreux animaux domestiques ou sauvages qui fréquentent cette montagne ne les dévoreront pas car la callune est un fourrage naturel.