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montalba

Le Circuit des Bornes frontière de 1258 depuis Montalba-le-Château

Publié le par gibirando

 

Ce diaporama est agrémenté de 5 musiques interprétées par le duo irlando-norvégien "Secret Garden". Elles ont pour titre : "Atlantia", "Chaconne", "Pastorale", "Nocturne" et "Adagio", oeuvres de l'auteur-compositeur Rolf Løvland et extraites de l'album "Songs From A Secret Garden".

Le Circuit des Bornes frontière de 1258 depuis Montalba-le-Château

Le Circuit des Bornes frontière de 1258 depuis Montalba-le-Château

Cliquez sur les photos pour les agrandir. 2 fois pour un plein écran.


 

15 décembre 2018. Ragaillardis par une forme physique un peu meilleure, nous voilà au départ de Montalba-le-Château pour une petite randonnée de ma composition. Cette randonnée, je l’ai intitulé « Circuit des bornes frontières de 1258 » (*). Si j’en revendique la paternité, c’est parce qu’après avoir dessiné ce circuit sur mon logiciel CartoExploreur, j’ai cherché sur Internet si quelqu’un l’avait déjà décrite avant moi et je n’ai trouvé personne. Bien sûr et pour être honnête jusqu’au bout, il y a bien le site « Un catalan en rando » qui évoque ces bornes-là dont une sur la commune de Montalba, mais il n’y a pas de tracé et les photos ne sont pas très parlantes quant au lieu de son départ. Enfin si certains sites évoquent ces bornes, je n’ai trouvé personne les proposant lors d’un circuit au départ de Montalba. Pourtant dieu sait si ma liste des randonnées connues dans le département des P.O est longue quand à celle dédiée aux sites de randonnées, elle ne l’est guère moins. Alors certains me diront que les bornes frontières c’est du déjà vu et ils n’auront pas tort. J’en veux pour preuve cette balade au départ de Bélesta que j’avais intitulée « À travers les âges et le parcours d’eau », balade qui m’avait déjà permis de découvrir ces mêmes bornes en solitaire. Cette fois-ci bis repetita, mais au départ de Montalba et avec Dany, mon accompagnatrice préférée. Alors que Météo France nous avait promis un grand ciel bleu, Montalba nous accueille sous un ciel plutôt voilé. Mais peu importe, l’envie de marcher et d’être au grand air est là. D’ailleurs de l’air, il n’y en a pas. Pas la moindre brise, pas le moindre souffle de vent et c’est tant mieux ainsi car la marche s’effectue sur un plateau qui sans aucun doute doit être un corridor idéal pour notre décoiffante tramontane. Après avoir rangé notre voiture sur un grand parking à l’entrée du village, me voilà déjà, GPS en mains, à chercher la ligne de départ. Rue du Barry puis rue de l’Eglise sont les premières voies qu’il faut emprunter. On tourne carrément le dos au village et l’église dédiée à la Vierge de l'Assomption est rapidement visible au bout de cette rue plutôt rectiligne. Mon appareil-photo est entré très vite en action avec un rassemblement de pigeons picorant un champ labouré, avec des paysages presque à 360°, quelques étourneaux sur des arbres effeuillés, un oratoire blanc, un bel amoncellement de gros blocs granitiques dont je cherche toujours si l’un d’entre-eux n’aurait pas une quelconque silhouette. L’église est fermée, alors je me contente de quelques photos. Nous en faisons le tour, passons derrière le petit cimetière et la suite de l’itinéraire est déjà là, très rectiligne une fois encore. Rectiligne, le chemin l’est sur 2 km environ mais avec un revêtement varié et très inégal. Parfois herbeux, parfois sableux puis carrément asphalté puis terreux, il y en a pour tous les goûts. Parfois, il est même très humide car le secteur regorge de « mouillères ». Des panonceaux précisent qu’il s’agit de pistes DFCI. Dany, qui aujourd’hui, n’a apparemment pas l’intention de speeder, me laisse tout le loisir de me livrer à ma passion pour la photo ornithologique. Alors j’en profite, même si quand on est deux la photo naturaliste est toujours bien plus compliquée que quand on est seul. A hauteur du Serrat del Sastre, le massif du Canigou fait son apparition. Très enneigé, j’en suis déjà à regretter d’être venu avec ce ciel laiteux voire carrément gris qui écrase toutes les perspectives. Cette météo blafarde ôte cette belle luminosité qui m’a si souvent permis de photographier le Canigou dans des conditions optimales, c'est-à-dire avec un blanc des cimes immaculé et un ciel bleu azur d’une pureté incroyable. Aujourd’hui, rien de tout cela et le seigneur catalan fait grise mine. Même en zoomant, le gris-blanc délavé du ciel se confond avec les cimes enneigées. Je ronchonne après cette météo hivernale pourtant somme toute normale pour la saison. Derrière nous, Montalba apparaît dans sa vision la plus belle et la plus conforme à ce qu’il est, celle d’un minuscule village fortifié plutôt ramassé sur lui-même et perché au sommet d’un petit promontoire. Après un bref ralentissement du aux véhicules de nombreux chasseurs terminant leur battue, nous reprenons notre marche et finalement le chemin rectiligne se termine et débouche devant un grand champ verdoyant. Sur notre gauche, le Roc del Mut. Dans le creux d’une petite dépression, des petits bouts de panoramas apparaissent : la Plaine du Roussillon, la Méditerranée, le Massif des Albères. Il faut longer le champ par la gauche jusqu’à trouver un étroit sentier filant au sein d’une végétation essentiellement broussailleuse et contournant le Roc del Mut. Quelques petits chênes verts, des chênes kermès, des bruyères arborescentes, beaucoup d’ajoncs, dont quelques uns déjà fleuris, de rares romarins, voilà à quoi se résume ce maquis broussailleux et sauvage dans lequel les hommes ont décidé d’installer un immense champ de panneaux solaires. Un jour, j’ai lu qu’on appelait ça des fermes photovoltaïques. Moi, le mot « ferme » me renvoie à mon enfance, à la campagne marseillaise où des animaux s’égayaient dans une basse-cour mais aussi à des petites figurines d’animaux avec lesquelles je jouais quand j'étais gosse. Alors quand je lis « ferme photovoltaïque », j’ai les poils qui se dressent. Et pourquoi pas « métairies solaires » pendant qu’on y est ? Le mot « ferme » n’a-t-il pas suffisamment de significations différentes pour qu’on se complaise à en rajouter avec des fermes « marines », « éoliennes », « solaires » et que sais-je encore ? On débouche sur une piste qui se faufile entre les panneaux solaires et le Pilóu d’en Gil. C’est au sommet de ce petit dôme que se trouve la première de nos bornes frontière. Il s’agit d’une élévation cylindro-conique, et donc en forme d’obus, maçonnée assez grossièrement avec des pierres du secteur et du mortier sableux.  Elle n’a rien d’exceptionnelle et d’ailleurs, la première question que l’on se pose est « date-t-elle vraiment de 1258 ? ». On est en droit d’en douter tant cette borne paraît moderne dans sa « maçonnerie ». Si borne de 1258 il y avait, sans doute celle-ci a-t-elle été amplement restaurée. Outre le fait qu’elle marquait la frontière, on peut se demander « pourquoi a-t-elle été élevée au sommet de cette butte ? » « Pour qu’on la voit de loin ? » « Etait-elle un lieu d’observation ? » « De jonction ? » « De rassemblement de soldats en faction ? » Sans doute tout cela à la fois. Pour Dany et moi, et outre ma curiosité personnelle, elle n’a qu’une seule fonction : être un lieu de repos et de pique-nique avant de se lancer dans la suite du parcours. La suite, c’est d’abord la piste qui longe puis passe derrière les panneaux solaires. Toutefois, dès lors qu’on la quitte (mais rien ne vous y oblige mais nous ne le savions pas !) il s’agit de chemins très pentus, ravinés à l’extrême mais qu’il nous faut descendre. Sur le cul parfois, tant les difficultés sont grandes et la peur de débouler omniprésente. Finalement et par bonheur, nous arrivons en bas sans encombre, au niveau d’une intersection. La suite de l’itinéraire est en face sur un autre mamelon où se trouvent les deux autres bornes de 1258. Il s’agit des bornes dites de Bélesta. Bélesta-la-Frontière la bien nommée. Il se dit que bien d’autres bornes seraient présentes dans le secteur mais le plus souvent inaccessibles. Je connais celle du Puig Pédrous pour y être aller randonner, mais c’est tout. Alors je me dis quel dommage de ne pas être en mesure de voir à quoi elles ressemblent. Ces deux-là, en tous cas, sont parfaitement mentionnées sur des panonceaux et les découvrir est un jeu d’enfant. La première est plus massive que celle du Pilóu d’en Gil mais elle a la même forme cylindro-conique et exactement la même maçonnerie. On y décèle une croix que certains spécialistes décrivent comme « pattée », l’attribuant ainsi au Royaume d’Aragon. En grimpant sur les roches qui se trouvent derrière la borne, j’aperçois la seconde, environ 100 mètres plus loin, direction nord-ouest. Un petit sentier fait la jonction entre les deux. J’y file pendant que Dany m’attend. Cette troisième et dernière borne de notre circuit est la plus élancée mais a toujours la même forme et le même conglomérat maçonné. C’est celle qui permet la meilleure observation aérienne des lieux alentours. J’y observe une espèce de gros pied maçonné servant de patte et d’assise comme si les constructeurs avaient voulu la protéger de la violence de la tramontane en y adjoignant une jambe de force. Son petit air penché est-il la cause de cet étrange pied et donc une sécurité supplémentaire pour ne pas qu’elle tombe ? On est en droit de le croire en observant l’ensemble. En tous cas, outre les questions déjà soulevées précédemment, ici la question principale que l’on se pose est de savoir « quel était l’intérêt d’avoir deux bornes si proches l’une de l’autre ? » Je ne vois qu’une seule réponse : « elles n’étaient peut-être pas dans le même royaume ? », ce que confirmerait la fameuse croix pattée de la première. « La frontière passait donc au milieu et les bornes étaient des postes frontières comme on en voit de nos jours ? » Cette dernière thèse semble peu probable compte tenu de la configuration du terrain et de la végétation telle qu’on l’observe de nos jours. Pourquoi les voyageurs voulant passer d’un royaume à une autre seraient-ils passer par là, dans un endroit aussi peu praticable ? « Mais il y a 760 ans, tout était-il pareil ? » « Rien n’est moins sûr ! » Finalement toutes ces questions restent sans réponse car cette frontière de 1258 (*) entre royaumes de France et d’Aragon a toujours été une énigme aux yeux des historiens. « D’où partait-elle ? » « Sigean ?» « Leucate ?» « Fitou ? » « Où passait-elle exactement ? » « Sur la crête des Corbières maritimes correspondant grosso-modo à la présente frontière entre Aude et Pyrénées-Orientales ? » « Et puis après ?»  « Où se poursuivait-elle ? » Voilà de nouvelles questions qui subsistent quand on se lance dans la lecture des rares ouvrages évoquant cette frontière et le Traité de Corbeil qui l’avait entérinée. D’ailleurs, « cette ligne existait-elle  vraiment ? » Durant les 400 ans où ce traité a prévalu, les nombreuses guerres et la multitude d’échauffourées entre les deux royaumes sont là pour prouver que leurs limites étaient floues et parfois même fluctuantes au gré des victoires et des annexions d’un camp ou d’un autre. Dany peu intéressée par ces phallus « bruts de décoffrage » et par leur Histoire m’attend sagement. Quand je finis par la rejoindre, et dans une transmission de pensée incroyablement similaire, nous nous disons « et si nous allions voir le genévrier remarquable ? ». Nous voilà donc partis vers cet arbre vénérable dont nous avions vu la mention sur un panonceau indicatif. L’arbre étant très proche des bornes, nous y parvenons très vite et force est d’avouer que nous sommes un peu déçus. Le genévrier est certes beau mais il n’a rien d’exceptionnel. Il faut dire que d’emblée nous le comparons à celui d’Opoul se trouvant au lieu-dit Vall d’Oriola et bien sûr la comparaison ne peut pas tenir tant celui d’Opoul est extraordinaire à tous points de vue. Cet arbre, j’ai déjà eu l’occasion de le présenter lors de deux autres balades : « Le Sentier du myrte et du genévrier depuis le château de Salveterra » et le « Sentier de la roche insolite ». Après cette dernière découverte, il est temps de prendre le chemin du retour direction l’intersection précédemment traversée puis le lieu-dit « Roc de Naut ». Les possibles découvertes consistent désormais à observer les décors, décors certes pour nous deux, mais également quelques oiseaux pour moi, même s’il faut reconnaître qu’ils sont assez rares dans ce biotope typiquement méditerranéen. Ça se résume à quelques fauvettes occupant le maquis et à des alouettes, lesquelles, ont une nette préférence pour les terrains fraîchement défrichés. Apparemment, les pistes ont beaucoup évoluées par rapport au bout de carte I.G.N que je trimballe dans ma poche mais que je sors régulièrement tant les chemins sont légions dans ce secteur. Un panneau explique la raison de ces nouvelles pistes DFCI : « investissement en réponse à la sécheresse et au changement climatique ». Je garde mon GPS allumé et nous empruntons la piste DFCI F170. C’est apparemment la bonne direction et mon tracé GPS me le confirme. Après quelques virages sur cette très large piste, dès le premier ruisseau traversé, il faut la quitter et prendre un chemin qui, à gauche, monte dans la garrigue. Ce ruisseau, est-ce celui de Bellanouse ? Je ne saurais le certifier mais en tous cas l’eau y coule à flot. On retrouve la large piste un peu plus haut mais on continue de l’ignorer au profit d’un large et bon chemin sableux qui file à gauche en direction d’amples vignobles. Dès les premières vignes, le chemin les contourne par la droite puis par la gauche. A partir de là, l’itinéraire devient plus simple. D’abord parce qu’il est rectiligne et qu’il suffit de suivre celui le plus emprunté. Ce chemin continue de longer et de traverser dès vignes le plus souvent en s’élevant sur une très légère déclivité. Cette modeste montée offre néanmoins de jolies vues à presque 360%. Droit devant le Canigou fait office de point de mire. Dès lors que l’on atteint un coteau planté d’une amanderaie, le chemin bifurque à droite mais retrouve très vite sa rectitude. Ici, les vignobles se partagent l’espace avec d’immenses champs verdoyants. Un trio de corbeaux y cherche une pitance puis à notre approche, les volatiles s’envolent à poussant des cri rauques et puissants. Finalement, nous retrouvons du bitume et une première maison au lieu-dit Prat d’en Fosse. Il suffit désormais de suivre cette route asphaltée et après deux virages, Montalba-le-Château apparaît presque droit devant. On retrouve l’itinéraire emprunté au départ et le village est très vite là. Nous partons quitter le sac à dos dans le coffre de la voiture avant de repartir pour une visite plus approfondie du village dont nous connaissons mal le patrimoine. Petites ruelles, jolies placettes, les fameuses voûtes « balendras » typique des villages médiévaux avec leurs escaliers et leurs  terrasses, un beau beffroi avec son horloge et son clocher en fer forgé si distinctif du midi de la France, la maison de l’économiste et sociologue de renom Alfred Sauvy dont une plaque commémore son existence ici, l’agréable jardin Sistach avec son espace de repos et sa vue splendide sur le Canigou, des sculptures métalliques si étranges représentant presque essentiellement des chèvres (**), des portes en arcades ou poternes, les fortifications tout autour du château avec son ancienne tour à signaux et sa chapelle St Jean dont on ne voit malheureusement que le joli clocher-mur, de vieilles maisons où certains linteaux gravés d’une date ne laissent planer plus aucun doute quant à leur ancienneté. Oui, il y a un très beau patrimoine à découvrir à Montalba-le-Château mais une fois de plus, nous notons le peu d’intérêt que l’on prête aux visiteurs de passage que nous sommes car le château et les églises sont fermés. Montalba n’est malheureusement pas un cas isolé et nos déceptions à vouloir découvrir le patrimoine roussillonnais s’enchaînent à chacune de nos sorties. Telle qu’expliquée ici, cette balade a été longue de 10k700 pour des montées cumulées de 280 m et un dénivelé de 140 m environ. Assez paradoxalement le point le plus haut est le village de Montalba lui-même, c'est-à-dire la ligne de départ. A moins d’avoir un sens de l’orientation excessivement développé, un tracé G.P.S est fortement recommandé. Carte IGN 2448 OT Thuir – Ille-sur-Têt Top 25.

(*) Le traité de Corbeil et la frontière de 1258 : Signé le 11 mai 1258 au prieuré de Saint-Jean-en-l'Isle,  près de Corbeil, entre les représentants du roi d'Aragon, Jacques Ier et ceux du roi de FranceLouis IX, plus connu sous le nom de Saint-Louis, ce traité de paix est ratifié à Barcelone le 13 juillet suivant. Il est d’abord là pour régler des problèmes de territoires et mettre fin à de vieilles querelles la plupart du temps liées à des doléances anciennes de part et d’autres. C’est ainsi que Louis IX a la nostalgie de la vieille Marche d’Espagne fondée par Charlemagne en 806 incluant entre autres les comtés de Barcelone et du Roussillon, alors que la Maison d’Aragon prétend  depuis très longtemps à des suzerainetés sur Montpellier, Millau et Carcassonne. Ce traité est donc là pour entériner plusieurs engagements de bonne volonté dans les deux camps. C’est ainsi que le roi de France renonce à ses droits de suzeraineté sur le comté de Barcelone et les autres comtés catalans dont le Roussillon et la Cerdagne. En contrepartie, Jacques Ier renonce, d'une part, au Fenouillèdes et au Peyrepertusès cédant ainsi les châteaux de PuylaurensFenouilletCastel FizelPeyrepertuse et Quéribus mais il renonce aussi à ses droits de suzeraineté sur les comtés de Toulouse et de Saint-Gilles ainsi que sur le Quercy, la vicomté de Narbonne et l'Albigeois, les comtés de Carcassonne, de Foix et du Razès, Béziers, le Lauraguais et le Minervois, Nîmes et Agde, Millau, le Gévaudan, une partie du Rouergue mais également la Provence. Il ne conserve que la seigneurie de Montpellier, la vicomté de Carlat et la baronnie d'Aumelas. A l’époque et comme on le voit au travers de ces renoncements, on parle peu de frontière mais plutôt de territoires et de limites. Toutefois, ces acquisitions dessinent d’elles-mêmes une ligne qui va faire office de frontière. Celle qui nous intéresse ici c’est celle qui passe au sud des Corbières désormais protégée côté français par les forteresses des Termes, d’Aguilar, de Niort-de-Sault, de Quéribus, de Peyrepertuse et de Puilaurens. Cette nouvelle ligne va être bénéfique pour les deux parties car des deux côtés, on n’avait pas attendu le traité pour protéger ses possessions et de nombreuses villes, villages, églises avaient été fortifiées. On peut citer des villes comme Perpignan, Ille-sur-Têt et Vinça mais il y en a bien d’autres. Il y a aussi des petits villages aux forts d’importances parfois inégales disposant le plus souvent de tours défensives comme Périllos, Castelvell, Palmes, Roquevert, Trémoine, Lansac, Bélesta, Montalba, Latour-de-France, Cuxous, Caladroy, Corbous, Arsa, Le Vivier, Fenouillet. Des églises comme celle de Saint-Martin de Latour-de-France ou de Saint-Barthélémy de Jonqueroles. Le traité va engendrer de nouvelles forteresses comme celle de Salveterra à Opoul ou bien Salses un peu plus tard. Les historiens parlent parfois de « ligne Maginot médiévale ». La frontière se poursuit vers l’ouest et sépare désormais les deux royaumes car outre le comté de Barcelone, les renoncements du roi de France sur la Catalogne permettent à Jacques 1er de posséder les comtés du Roussillon, du Conflent, de Cerdagne, d’Urgel, de Berga, de Ripoll, du Bésalu, d’Empuries, d’Ausona et de Girona. Le but louable qui était de faire la paix est atteint mais celui d’éviter des enclaves subsiste malgré tout. La pire des enclaves est sans doute celle qui a consisté à séparer des populations aux langues différentes. C’est ainsi que des catalans se sont retrouvés dans le royaume de France et vice-versa. En restant peu claire et donc floue, cette frontière ne sera jamais trop respectée et sera constamment l’objet de malentendus entre les deux royaumes, engendrant des conflits quasi permanents, et ce jusqu’en 1659 et le Traité des Pyrénées…..mais ça c’est une autre Histoire.

Les bornes sur le terrain ont-elles matérialisées cette frontière ? C’est la thèse la plus souvent admise par les historiens. Outre celles présentées dans ce reportage, il se dit qu’il y en aurait également du côté de Fitou, Fitou ayant pour origine le latin « fita » signifiant « limite » ou « borne ». Il se dit également qu’il y en aurait quelques autres perdues dans la nature, nature où la végétation trop dense ne permettrait pas d’y accéder ou de les retrouver. Tout est possible. En tous cas, les plus connues sont celles présentées ici dites de Bélesta et du Pilóu d’en Gil auxquelles il faut rajouter celle du Puig Pédrous. Quand à la plus remarquable c’est sans doute celle de Montner que l’on appelle la « Roque d’en Talou ». Elle ne ressemble pas du tout aux précédentes puisqu’il s’agit d’une simple roche gravée d’une croix pattée aragonaise d’un côté et de l’autre du blason avec les armoiries des Montesquieu, seigneurs de Latour-de-France. Ce blason est surmonté de la date de 1617 qui serait probablement la date de son burinage. Cette roche marque-t-elle la frontière de 1258 ? Les historiens le pensent car la croix pattée ressemble très étrangement à celle qui se trouve au pied de la borne de Bélesta. Est-ce suffisant ? Voilà une question à laquelle comme bien d’autres je n’ai pas de réponse……

(**) Fête de la chèvre : Apparemment, chaque année Montalba-le-Château fête la chèvre au mois d'octobre. C'est en tous cas ce qui transparaît de divers articles et reportages que j'ai pu lire sur Internet. Cette fête explique sans doute les étranges sculptures métalliques les représentant au sein du vieux village. 

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La Batterie (887 m) et la chapelle Santa Engracia depuis Arles-sur-Tech (270 m)

Publié le par gibirando

Diaporama sur la musique "2 Hearts, 1 Soul" du groupe Yinyues (free music)

La Batterie (887 m) et la chapelle Santa Engracia depuis Arles-sur-Tech (270 m)

La Batterie (887 m) et la chapelle Santa Engracia depuis Arles-sur-Tech (270 m)

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La « Batterie Santa Engracia », à l’altitude de 887 mètres, est une sortie pédestre bien connue des randonneurs catalans. L’ancienne batterie de Vauban n’est pas à proprement parlée une « incontournable » des Pyrénées-Orientales mais elle demeure une balade relativement bien prisée de nombreux clubs de marche. Indifféremment, on peut y grimper soit depuis Arles-sur-Tech soit depuis Amélie-les-Bains, différents itinéraires avec de multiples variantes pouvant être organisés autour de cet objectif principal ou secondaire. Personnellement, cette randonnée dort dans mes tablettes depuis les années 2008/2009. En avril 2008, et alors que depuis les thermes d’Amélie, j’avais réalisé un court aller retour vers la chapelle éponyme, j’avais découvert des panonceaux mentionnant cette fameuse « Grande Batterie ». Ce jour-là, le temps m’avait manqué pour m’y rendre. Je m’étais donc contenté de découvrir la belle Chapelle Santa Engracia magnifiquement restaurée par de courageux bénévoles ainsi que sa grande croix blanche dominant superbement Amélie et les Gorges du Montdony. Depuis, j’avais gardé de ce lieu, le souvenir de ses divins aspects : sérénité d’un havre de paix et stupéfiant mirador. J’ai décidé de l’inscrire à nouveau au programme de cette sortie. En effet, la batterie et la chapelle peuvent faire l’objet d’une sortie commune ou séparée. Un an plus tard, en août 2009, lors mon Tour du Vallespir en 6 jours, la « Batterie Santa Engracia » est revenue sur le devant de ma scène pédestre. A l’époque et lors de la dernière étape entre Saint-Laurent-de-Cerdans et Amélie-les-Bains, j’étais passé à 5 minutes d’elle sans y aller, faisant ainsi l’impasse mais avec le projet avéré d’y revenir. Avec ce récit, c’est donc chose faite mais pas sans peine car la déclivité sur un terrain pas toujours facile est loin d’être évidente : 617 mètres de dénivelé jusqu’à la batterie depuis la ligne de départ à Arles-sur-Tech situé à 270 mètres d’altitude. Il est 10 h quand je laisse ma voiture sur la place Joseph Monin à proximité de la Salle des Fêtes. Je demande mon chemin à un passant et ce dernier m’indique que le célèbre G.R.10 que je dois emprunter passe derrière la salle. Je trouve aisément le panonceau et le fameux balisage blanc et rouge. Parmi diverses directions, je prends note de celle qui m’intéresse au premier chef : « Coll de Paracolls – 2 h – G.R.10 », même si je sais que pour atteindre la batterie, il me faudra tourner au préalable et juste avant ce col. Je me dirige vers une vieille usine amplement délabrée dont l’exploitation consistait à traiter le minerai de fer en provenance des mines de Batère. Je tourne à droite puis longe les murs de l’usine aux vestiges rouillés par le temps puis enjambe le pont sur le Tech. Oiseaux au bord de la rivière, fleurs printanières mais surtout quelques vieilles cartes postales contant la vie passée d’Arles-sur-Tech freinent mes premières ardeurs. Cette vie passée, c’est celle de l’exploitation du fer dont j’ai toujours essayé d’approfondir mes connaissances de l’Histoire à travers des bouquins mais en les complétant au mieux par des balades pédestres : Mines de Batère et de la Pinouse, Rapalum, les Manerots, FormenteraEscaro autant de sites « vallespiriens » et « conflentistes » que j’ai pris plaisir à découvrir. Au bout du pont, un deuxième panonceau accroché à un transformateur électrique se présente et sa comparaison avec le premier me laisse assez songeur : « Coll de Paracolls – 3,6 km ». Deux heures pour effectuer moins de 4 kilomètres, je me dis que ça promets ! Décidément, le Vallespir ne changera jamais et restera toujours « la vallée âpre » si chère aux Romains auxquels elle doit son nom : « Vallis asperi ».  Ce rapide calcul est assez contradictoire avec l’analyse du parcours jusqu’à la batterie que j’ai trouvé sur un site Internet dont le jeune webmestre annonce la boucle que je dois effectuer comme étant « une randonnée facile ». Excusable parce que jeune, l’insoucieux ignore que ce qui est facile à 30 ans ne l’est pas nécessairement à 67, d’où mon refus quasi systématique de décrire mes randonnées avec ce genre de références. La facilité ou la difficulté et le temps de marche d’une randonnée sont des critères bien trop personnels. En tous cas, ils le sont pour moi et j’avoue n’avoir jamais été trop attentif au « fameux » indice IBP mis en place par la fédération. Le mieux est de bien se connaître et de connaître son état de forme du moment. Est-ce mon désir de tenir le temps imparti par ce panonceau mais voilà que j’ai déjà perdu le balisage du G.R.10 ? Un demi-tour presque immédiat et un retour vers la dernière empreinte blanche et rouge me remettent dans le droit chemin, qui n’est pas droit du tout. En effet, il est surtout peu logique car il tourne à gauche en franchissant la clôture que j’avais suivie par erreur, puis très curieusement, il traverse un muret en pierres sèches, désormais effondré. Derrière le mur, l’itinéraire est bien là. Il continue et coupe très vite une large piste allant vers Can Valent. La suite bien balisée devient plus évidente à suivre même si le terrain, lui, ne l’est pas vraiment. Une sente très ravinée, parfois caillouteuse, parfois gréseuse, parfois carrément rocheuse s’élève rudement et souvent en zigzaguant au milieu des bruyères arborescentes et des genêts fleuris. La végétation plus haute se résume à quelques rares chênes. Ces derniers sont verts, rouvres ou plus rarement lièges mais au fur et à mesure de l’élévation, ils se mélangent à d’autres essences et notamment aux grands hêtres puis aux châtaigniers qui finalement vont prendre le quasi monopole au plus haut de la forêt. Dallé par endroits, je foule de mes gros godillots le sentier muletier du temps jadis. C'était la route la plus courte entre la France et l’Espagne. C’était le temps où le mulet et l’âne étaient les meilleurs amis du paysan, du contrebandier, du soldat et du vagabond. Dans cet entrelacs minéral et végétal peu aisé, les mains viennent quelquefois en aide aux pieds pour franchir un palier. Un palier, c’est l’occasion pour moi de souffler un peu et de profiter pleinement des jolies vues s’ouvrant sur Arles et son ample vallée du Tech. Au dessus de la cité et sur l’autre versant, le Massif du Canigou est encore bien enneigé, mais comme il est bien trop chapeauté d’un capuchon de nuages blancs, il a à l’apparence d’une montagne plutôt modeste qu’un géant aurait dégauchie. Aujourd’hui, et malgré un saupoudrage de neige, les plus hauts pics perdent leur aspect glorieux et somptueux. Parfois, ces paliers sont enrichis d’un poteau couronné d’une pancarte faisant référence au « kilomètre vertical », course pédestre bien connue consistant à démarrer d’Arles-sur-Tech située à 284 m d’altitude puis à atteindre au plus vite le Pilo de Belmaig ou Pilon de Belmatx perché 1.000 mètres plus haut. Je ne cours pas, bien au contraire, et pourtant, après mes récents problèmes de santé, les paliers 484 et 684 mètres sont pour moi autant de petites satisfactions à les avoir déjà atteints dans un délai plus que correct. Je ne retiens vraiment de cette difficile ascension qu’un nom inscrit sur mon bout de carte I.G.N : la Font de les Amors. Inutile de traduire mais où est-elle au juste cette source prodigieuse ? Un filet d’eau de quelques centimètres me fait imaginer que « les Amors » sont là. Il faut dire que tout en montant, les panoramas se raréfient, et dans ces sous-bois de châtaigniers, or mis de bien trop rares fenêtres qui s’entrouvrent sur des bouts de Vallespir, rien n’incite à une flânerie exagérée. Les plantes fleuries se raréfient et je n'ai photographié qu’un seul rouge-gorge depuis les oiseaux aperçus au pont sur le Tech. Sans trop d’illusions et à chaque pin rencontré ou presque, je ralentis un peu mon allure, car j’ai toujours espoir de découvrir l’Isabelle, ce fameux papillon protégé si rarissime à voir mais paraît-il présent dans le Haut-Vallespir. Ici, les pins sont rares et l’Isabelle encore plus. Je n’en vois point bien évidemment. Quand j’atteins l’intersection filant vers la Batterie Santa Engracia, c’est avec une satisfaction certaine que j’observe ma montre indiquant 12h15. Je sais que l’objectif est désormais à moins de 2 kilomètres et la déclivité bien moindre que celle déjà accomplie. Je décide d’aller manger à la batterie. Le sentier plus doux et enfin bien plus praticable devient plus agréable à cheminer. Seuls un ruisseau rafraîchissant, deux couples d’anglais un peu paumés et les ruines du Mas Nou d’Eixena ralentissent mes pas soudain redevenus plus alertes. Il est 13 heures tapantes quand je retrouve le panonceau déjà vu lors de Mon Tour du Vallespir : « Grande Batterie – 0h05 – P.R.1 ». Cette fois, pas question d’éviter cette « Grande Batterie » même si je sais qu’elle n’est ni de cuisine ni celle d’un orchestre et seulement militaire. En tous cas, une chose est sûre, cette batterie rechargera mes accus. Effectivement, la Batterie de Santa Engracia est déjà là avec sa muraille colossale et ce n’est ni un orchestre que j’entends, ni des prières dédiées à Sainte-Engrâce mais bien les fous rires joyeux mais très sonores d’un groupe de randonneurs. Ils occupent par petits groupes la totalité de la plate-forme militaire mais ils ont tous l’air de bien se marrer chacun dans leur coin. Une dame vient vers moi et me demande si je suis seul puis elle passe son chemin quand je lui réponds. « Oui, je suis seul ! »  Finalement je comprends que ma présence aussi soudaine qu’imprévue a failli contrarier chez elle une envie très pressante. Je laisse la dame à son besoin naturel et le reste du groupe sur la vaste et vieille esplanade stratégique et monte au sommet d’un rocher faisant office de pinacle. Je ne regrette pas ces quelques mètres supplémentaires d’élévation, car d’ici, le cul assis sur une borne géodésique et la girouette franco-catalane tournoyant au dessus de ma tête, il n’y a pas de meilleur poste d’observation sur une immense partie du Vallespir et bien plus loin encore vers la Plaine du Roussillon et la Méditerranée. Vers le nord, le ciel s’est quelque peu éclairci et le sieur Canigou, bien qu’encore coiffé d’un gros bonnet cotonneux, décide enfin de dévoiler ses plus beaux atours. Vers le sud et sous un firmament bleu et limpide, les rocs Saint-Sauveur et de France (Frausa) me rappellent à leurs agréables souvenirs d’une récente balade. Vers les autres points cardinaux, dont une rose des vents me donne l’orientation, se sont là aussi des paysages magiques de tous côtés. C’est avec un émerveillement et un étonnement sans cesse renouvelés, que ces paysages défilent à nouveau devant mes yeux, comme au temps de mon périple tout autour du Vallespir. Le récit de ce périple au sein de cette magnifique région et au dessus de cette belle vallée du Tech, je l’avais intitulé « Sur les hauteurs d’une vallée âpre ». Âpre le périple l’avait été en 2009, âpre, la balade l’est encore aujourd’hui, car si j’ai attendu la fin du pique-nique et que le groupe de randonneurs ait quitté les lieux pour partir visiter tous les recoins de la batterie, j’en suis à peine au tout début de ma découverte qu’une mauvaise chute m’envoie choir dans les branches d’un ciste desséché. Le ciste est déjà mort depuis longtemps mais ses branches sont encore suffisamment dures et ligneuses pour me déchirer l’avant-bras gauche sur 5 ou 6 cm. Après ma « gamelle » du Tour de la Pelade dont j’étais sorti avec une égratignure superficielle de la main droite, cette fois-ci, il s’agit d'une coupure bien plus profonde qu’il me faut soigner. Rien n’y fait et malgré une trousse à pharmacie bien achalandée en pansements de toutes sortes, mon sang s’écoule de la plaie comme d’un robinet grand ouvert. Le saignement se poursuivra pendant presque 4 heures sans que rien ne l’arrête ou presque. Le plus efficace restera le mouchoir en papier directement collé sur la plaie sanguinolente mais quand le papier est gorgé de sang, il refuse de coller et tombe lui aussi. Je vais renouveler l’opération pratiquement jusqu’à l’arrivée où enfin, le sang coagulé fera finalement office de cautérisation naturelle. Dans l’immédiat, et malgré cet incident qui me fait perdre pas mal de temps, je décide de poursuivre mes découvertes, d’abord celle de la « Grande Batterie » puis la boucle initialement prévue. Pour le néophyte que je suis, la batterie se résume à de hautes et larges fortifications composées d’impressionnantes murailles mais bien évidemment un tacticien militaire y trouvera bien d’autres intérêts architecturaux et surtout stratégiques. Elles sont construites en pierres sèches et sans aucun mortier. Les seuls mortiers que la batterie ait connus ont été ceux que les artilleurs ont été contraints de monter jusqu’ici. On imagine bien évidemment, l’immense besogne que cette construction a du nécessiter et les efforts entrepris par les soldats pour y amener des pièces d’artillerie permettant de tirer plus de 2 km en contrebas. Paradoxe de l’Histoire, ici aucun coup de canon n’aurait jamais résonné. Avant de venir ici et comme je le fais la plupart du temps, j’ai tenté de m’initier à l’Histoire de cette batterie en cherchant un maximum d’informations sur Internet. Autant l’avouer, je suis resté quelque peu sur ma faim et ce malgré de nombreuses informations sporadiques recueillies de-ci de-là. J’ai néanmoins appris qu’elle aurait été construite en 1670 selon les directives de Vauban qui était venu visité le Roussillon l’année précédente. A-t-elle été construite en même temps que la citadelle de Fort-les-Bains (Fort d’Amélie) ou du moins dans sa continuité, on peut le supposer. Cette dernière a été construite en 1670 sur le site de vieux édifices médiévaux et sur les conseils de Noël Bouton, comte de Chamilly et intendant du Languedoc qui voulait réprimer la contrebande du sel et mettre fin à la révolte des Angelets (1661-1675). Les Angelets étaient ces vallespiriens initiés par le célèbre Josep de la Trinxeria qui étaient entrés en révolte contre Louis XIV suite à l’instauration de la gabelle après le Traité des Pyrénées de 1659, traité qui avait vu le Vallespir espagnol et catalan annexé par la France. Cette annexion s’est faite dans la douleur et quand on sait que les travaux de construction du fort étaient financés avec les impôts payés par les vallespiriens et qu’en plus certains « gabelous » y résidaient, on comprend mieux les animosités qu’il y avait dans les deux camps et l’envie d’en découdre. Dès l’automne 1670, Jacques de Borelly de Saint Hilaire, ingénieur militaire de Vauban, dessine de nouveaux plans et poursuit le chantier déjà entrepris. Le fort terminé, Saint Hilaire et les différents commandants du fort se plaignent d’un manque criant d’infrastructures et demandent des moyens financiers supplémentaires à Louvois. Des modestes aménagements sont apportés mais Louis XIV, Louvois et Vauban sont réticents à trop investir car ils jugent que le lieu est bien trop petit et de ce fait, n’est pas réellement stratégique. En 1674, les Espagnols assiègent Fort-les-Bains alors que de nombreux travaux sont en cours. Le siège est rapidement levé mais malgré cette première alerte, la configuration du fort et ses moyens de défense évoluent assez peu. Il faut attendre 1679 et la deuxième visite de Vauban dans le Roussillon pour qu’il soit jugé utile à la sécurité du Roussillon et des Pyrénées sans qu’il soit reconnu pour autant comme une pièce maîtresse de la « ceinture de fer ». De grosses améliorations sont néanmoins apportées. Comme vous le voyez, autour de l’Histoire de Fort-les-Bains, cette « Grande Batterie » est peu ou jamais évoquée et l’on sait seulement qu’elle était un moyen supplémentaire de le défendre d’abord contre les Angelets puis contre les Espagnols. La frontière étant très proche et le relief géographique très alambiqué, les premiers ingénieurs avaient sans doute compris que le fort serait vulnérable à partir des versants montagneux qui l’entourent et le dominent. Ils ne s’étaient pas trompés puisqu’en 1793, et après un long siège de plusieurs semaines, le fort commandé par le gouverneur Michel Jean Paul Daudiès tombe aux mains des soldats espagnols du général Antonio Ricardos. Le fort et ses alentours dont les « batteries », petite et grande, continueront à être occupés par des militaires pendant encore un siècle. Voilà ce que l’on peut dire de l’Histoire de cette « Grande Batterie ». Il existe également une « Petite Batterie » mais j’ignore où elle se trouve et la carte I.G.N ne la mentionne pas. Après cette découverte non accidentelle mais accidentée de la « Grande Batterie », je continue l’itinéraire vers la Chapelle Santa Engracia. Cet itinéraire, on l'appelle plus communément le chemin du 25eme léger, en référence à un vaillant régiment d'artillerie créé en 1796 dont les faits d'armes glorieux un peu partout sont nombreux, y compris ici en Roussillon. Je connais déjà cette « route stratégique » pour aller à la chapelle et je sais que les vues plongeantes sur Arles y sont exceptionnelles. Depuis ce chemin, un rapproché photographique me permet même d’y voir ma voiture distante de plus de 2 km. Le désir de refaire ce chemin et l’envie de retourner à la chapelle sont donc intacts tant j’avais trouvé ses extérieurs et ses alentours bien agréables et reposants. La chapelle est encore paisible et par bonheur, quand je pousse sa jolie porte, celle-ci s’ouvre assez « divinement » je l’avoue. Je ne m’y attendais pas, tant de nombreuses chapelles du département demeurent hermétiquement closes aux randonneurs. L’intérieur est sobre mais beau, bien à l’image de tout ce que l’on peut voir ici : table d’orientation, paysages, décors, jardins, fontaine, lieux de repos aménagés avec des bancs, nombreuses pancartes explicatives de son histoire, croix panoramique, j’y passe plus d’une heure, en grande partie avec l’agréable compagnie d’un gentil couple de touristes. Ils profitent de mon culot à avoir pousser la porte de la chapelle et tout comme moi, eux aussi vont laisser un petit laïus sur le livre d’or. Nous sortons ensemble de l’église et dès lors qu’ils aperçoivent qu’un saignement s’écoule de mon bras, ils veulent coûte que coûte l’arrêter. Malgré leur trousse à pharmacie encore bien plus garnie que la mienne, ils n’y parviennent qu’à moitié et je quitte Santa Engracia direction l’arrivée avec un gros paquet de mouchoirs en papier imbibés d’une coagulation rougeâtre bien plus impressionnante que douloureuse. Les mouchoirs ne tombent plus enrobés qu’ils sont d’un gros morceau de sparadrap mais un petit filet de sang continue de se manifester. Est-ce la perte de sang alliée à la longueur de la balade, mais la fatigue commence à se faire sentir. Je languis l’arrivée et seules deux chèvres perdues sur des rochers abrupts au dessus d’un profond ravin me stoppent dans cette longue descente vers Arles-sur-Tech. Je les observe longuement. Perchées sur un étroit piton rocheux, elles semblent chercher une issue mais sans trop de succès. Elles montent puis redescendent, partent à gauche puis à droite comme un peu perdues dans ce décor minéral et végétal apparemment fermé, mais vraisemblablement ouvert car comment auraient-elles pu arriver sur ce parapet rocheux ? Je ne peux malheureusement rien faire pour elles et je repars avec dans la tête, l’histoire de la chèvre de Monsieur Seguin qui voulait courir la montagne et qui finalement avait été dévorée par un loup. Ici, elles courent la montagne mais peu de chance qu’un loup les dévore. Peut être un vautour fauve et encore ? Je me raisonne. Elles s’en sortiront en trouvant l'exutoire qui leur a permis de prendre pied sur cette falaise escarpée. Une demi-heure plus tard, je retrouve l’asphalte quitté depuis ce matin 10h. Il est 16h30. « Mas Draguines » m’indique un panneau signalétique devant un petit groupe d’habitations. Je ne quitte plus cette route de la Batllie qui descend vers des rangées d’immeubles et un centre sportif, si j’en crois mon bout de carte I.G.N. Le Tech s’écoule devant moi et j’y file direct en coupant au milieu des immeubles et des pelouses. Ce raccourci m’amène très vite sur un large chemin herbeux ressemblant à la fois à un parcours sportif et à un arboretum. En tous cas, trois ou quatre personnes courent au milieu de ludiques panneaux donnant les noms des arbres que l’on rencontre ici. Je remonte la rive droite du Tech et si les arbres m’intéressent, les oiseaux fréquentant le bord de la rivière ont de loin ma préférence. Je prends encore le temps d’en photographier quelques-uns.  Après cet intermède, la boucle est bientôt terminée. J’aperçois l’usine désaffectée sur l’autre berge, le pont et le transformateur électrique devant moi. Je finis les restes de mon casse-croûte au bord du fleuve, dans la quiétude d’une petite grève et sous le regard un peu inquiet d’un couple de colverts. Ils sommeillent côte à côte et je fais en sorte ne pas les déranger. Pour eux, comme pour moi, le printemps est là et c’est la saison des passions et des sentiments. Il leur faut un peu de tranquillité pour s’aimer. Ma passion de la randonnée, je l’ai bien assouvie aujourd’hui et la tranquillité, j’en ai eu ma dose pareillement, mais n’empêche qu’il faut que je rentre à la maison. Je vis en couple moi aussi. Je traverse le pont, la balade tire à sa fin. Elle a été longue de 12,9 km incluant la visite de toutes les curiosités. Le dénivelé est de 623 m entre le point le plus bas à 264 m sur la rive du Tech et le plus haut à 887 m à la batterie. Les montées cumulées s’élèvent à 1.205 m. Carte IGN 2449OT Céret – Amélie-les-Bains-Palalda – Vallée du Tech Top 25. 

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La Batterie (887 m) et la chapelle Santa Engracia depuis Arles-sur-Tech (270 m)

Publié le par gibirando

Diaporama sur la musique "2 Hearts, 1 Soul" du groupe Yinyues (free music)

La Batterie (887 m) et la chapelle Santa Engracia depuis Arles-sur-Tech (270 m)

La Batterie (887 m) et la chapelle Santa Engracia depuis Arles-sur-Tech (270 m)

Pour agrandir les photos cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.


 

La « Batterie Santa Engracia », à l’altitude de 887 mètres, est une sortie pédestre bien connue des randonneurs catalans. L’ancienne batterie de Vauban n’est pas à proprement parlée une « incontournable » des Pyrénées-Orientales mais elle demeure une balade relativement bien prisée de nombreux clubs de marche. Indifféremment, on peut y grimper soit depuis Arles-sur-Tech soit depuis Amélie-les-Bains, différents itinéraires avec de multiples variantes pouvant être organisés autour de cet objectif principal ou secondaire. Personnellement, cette randonnée dort dans mes tablettes depuis les années 2008/2009. En avril 2008, et alors que depuis les thermes d’Amélie, j’avais réalisé un court aller retour vers la chapelle éponyme, j’avais découvert des panonceaux mentionnant cette fameuse « Grande Batterie ». Ce jour-là, le temps m’avait manqué pour m’y rendre. Je m’étais donc contenté de découvrir la belle Chapelle Santa Engracia magnifiquement restaurée par de courageux bénévoles ainsi que sa grande croix blanche dominant superbement Amélie et les Gorges du Montdony. Depuis, j’avais gardé de ce lieu, le souvenir de ses divins aspects : sérénité d’un havre de paix et stupéfiant mirador. J’ai décidé de l’inscrire à nouveau au programme de cette sortie. En effet, la batterie et la chapelle peuvent faire l’objet d’une sortie commune ou séparée. Un an plus tard, en août 2009, lors mon Tour du Vallespir en 6 jours, la « Batterie Santa Engracia » est revenue sur le devant de ma scène pédestre. A l’époque et lors de la dernière étape entre Saint-Laurent-de-Cerdans et Amélie-les-Bains, j’étais passé à 5 minutes d’elle sans y aller, faisant ainsi l’impasse mais avec le projet avéré d’y revenir. Avec ce récit, c’est donc chose faite mais pas sans peine car la déclivité sur un terrain pas toujours facile est loin d’être évidente : 617 mètres de dénivelé jusqu’à la batterie depuis la ligne de départ à Arles-sur-Tech situé à 270 mètres d’altitude. Il est 10 h quand je laisse ma voiture sur la place Joseph Monin à proximité de la Salle des Fêtes. Je demande mon chemin à un passant et ce dernier m’indique que le célèbre G.R.10 que je dois emprunter passe derrière la salle. Je trouve aisément le panonceau et le fameux balisage blanc et rouge. Parmi diverses directions, je prends note de celle qui m’intéresse au premier chef : « Coll de Paracolls – 2 h – G.R.10 », même si je sais que pour atteindre la batterie, il me faudra tourner au préalable et juste avant ce col. Je me dirige vers une vieille usine amplement délabrée dont l’exploitation consistait à traiter le minerai de fer en provenance des mines de Batère. Je tourne à droite puis longe les murs de l’usine aux vestiges rouillés par le temps puis enjambe le pont sur le Tech. Oiseaux au bord de la rivière, fleurs printanières mais surtout quelques vieilles cartes postales contant la vie passée d’Arles-sur-Tech freinent mes premières ardeurs. Cette vie passée, c’est celle de l’exploitation du fer dont j’ai toujours essayé d’approfondir mes connaissances de l’Histoire à travers des bouquins mais en les complétant au mieux par des balades pédestres : Mines de Batère et de la Pinouse, Rapalum, les Manerots, FormenteraEscaro autant de sites « vallespiriens » et « conflentistes » que j’ai pris plaisir à découvrir. Au bout du pont, un deuxième panonceau accroché à un transformateur électrique se présente et sa comparaison avec le premier me laisse assez songeur : « Coll de Paracolls – 3,6 km ». Deux heures pour effectuer moins de 4 kilomètres, je me dis que ça promets ! Décidément, le Vallespir ne changera jamais et restera toujours « la vallée âpre » si chère aux Romains auxquels elle doit son nom : « Vallis asperi ».  Ce rapide calcul est assez contradictoire avec l’analyse du parcours jusqu’à la batterie que j’ai trouvé sur un site Internet dont le jeune webmestre annonce la boucle que je dois effectuer comme étant « une randonnée facile ». Excusable parce que jeune, l’insoucieux ignore que ce qui est facile à 30 ans ne l’est pas nécessairement à 67, d’où mon refus quasi systématique de décrire mes randonnées avec ce genre de références. La facilité ou la difficulté et le temps de marche d’une randonnée sont des critères bien trop personnels. En tous cas, ils le sont pour moi et j’avoue n’avoir jamais été trop attentif au « fameux » indice IBP mis en place par la fédération. Le mieux est de bien se connaître et de connaître son état de forme du moment. Est-ce mon désir de tenir le temps imparti par ce panonceau mais voilà que j’ai déjà perdu le balisage du G.R.10 ? Un demi-tour presque immédiat et un retour vers la dernière empreinte blanche et rouge me remettent dans le droit chemin, qui n’est pas droit du tout. En effet, il est surtout peu logique car il tourne à gauche en franchissant la clôture que j’avais suivie par erreur, puis très curieusement, il traverse un muret en pierres sèches, désormais effondré. Derrière le mur, l’itinéraire est bien là. Il continue et coupe très vite une large piste allant vers Can Valent. La suite bien balisée devient plus évidente à suivre même si le terrain, lui, ne l’est pas vraiment. Une sente très ravinée, parfois caillouteuse, parfois gréseuse, parfois carrément rocheuse s’élève rudement et souvent en zigzaguant au milieu des bruyères arborescentes et des genêts fleuris. La végétation plus haute se résume à quelques rares chênes. Ces derniers sont verts, rouvres ou plus rarement lièges mais au fur et à mesure de l’élévation, ils se mélangent à d’autres essences et notamment aux grands hêtres puis aux châtaigniers qui finalement vont prendre le quasi monopole au plus haut de la forêt. Dallé par endroits, je foule de mes gros godillots le sentier muletier du temps jadis. C'était la route la plus courte entre la France et l’Espagne. C’était le temps où le mulet et l’âne étaient les meilleurs amis du paysan, du contrebandier, du soldat et du vagabond. Dans cet entrelacs minéral et végétal peu aisé, les mains viennent quelquefois en aide aux pieds pour franchir un palier. Un palier, c’est l’occasion pour moi de souffler un peu et de profiter pleinement des jolies vues s’ouvrant sur Arles et son ample vallée du Tech. Au dessus de la cité et sur l’autre versant, le Massif du Canigou est encore bien enneigé, mais comme il est bien trop chapeauté d’un capuchon de nuages blancs, il a à l’apparence d’une montagne plutôt modeste qu’un géant aurait dégauchie. Aujourd’hui, et malgré un saupoudrage de neige, les plus hauts pics perdent leur aspect glorieux et somptueux. Parfois, ces paliers sont enrichis d’un poteau couronné d’une pancarte faisant référence au « kilomètre vertical », course pédestre bien connue consistant à démarrer d’Arles-sur-Tech située à 284 m d’altitude puis à atteindre au plus vite le Pilo de Belmaig ou Pilon de Belmatx perché 1.000 mètres plus haut. Je ne cours pas, bien au contraire, et pourtant, après mes récents problèmes de santé, les paliers 484 et 684 mètres sont pour moi autant de petites satisfactions à les avoir déjà atteints dans un délai plus que correct. Je ne retiens vraiment de cette difficile ascension qu’un nom inscrit sur mon bout de carte I.G.N : la Font de les Amors. Inutile de traduire mais où est-elle au juste cette source prodigieuse ? Un filet d’eau de quelques centimètres me fait imaginer que « les Amors » sont là. Il faut dire que tout en montant, les panoramas se raréfient, et dans ces sous-bois de châtaigniers, or mis de bien trop rares fenêtres qui s’entrouvrent sur des bouts de Vallespir, rien n’incite à une flânerie exagérée. Les plantes fleuries se raréfient et je n'ai photographié qu’un seul rouge-gorge depuis les oiseaux aperçus au pont sur le Tech. Sans trop d’illusions et à chaque pin rencontré ou presque, je ralentis un peu mon allure, car j’ai toujours espoir de découvrir l’Isabelle, ce fameux papillon protégé si rarissime à voir mais paraît-il présent dans le Haut-Vallespir. Ici, les pins sont rares et l’Isabelle encore plus. Je n’en vois point bien évidemment. Quand j’atteins l’intersection filant vers la Batterie Santa Engracia, c’est avec une satisfaction certaine que j’observe ma montre indiquant 12h15. Je sais que l’objectif est désormais à moins de 2 kilomètres et la déclivité bien moindre que celle déjà accomplie. Je décide d’aller manger à la batterie. Le sentier plus doux et enfin bien plus praticable devient plus agréable à cheminer. Seuls un ruisseau rafraîchissant, deux couples d’anglais un peu paumés et les ruines du Mas Nou d’Eixena ralentissent mes pas soudain redevenus plus alertes. Il est 13 heures tapantes quand je retrouve le panonceau déjà vu lors de Mon Tour du Vallespir : « Grande Batterie – 0h05 – P.R.1 ». Cette fois, pas question d’éviter cette « Grande Batterie » même si je sais qu’elle n’est ni de cuisine ni celle d’un orchestre et seulement militaire. En tous cas, une chose est sûre, cette batterie rechargera mes accus. Effectivement, la Batterie de Santa Engracia est déjà là avec sa muraille colossale et ce n’est ni un orchestre que j’entends, ni des prières dédiées à Sainte-Engrâce mais bien les fous rires joyeux mais très sonores d’un groupe de randonneurs. Ils occupent par petits groupes la totalité de la plate-forme militaire mais ils ont tous l’air de bien se marrer chacun dans leur coin. Une dame vient vers moi et me demande si je suis seul puis elle passe son chemin quand je lui réponds. « Oui, je suis seul ! »  Finalement je comprends que ma présence aussi soudaine qu’imprévue a failli contrarier chez elle une envie très pressante. Je laisse la dame à son besoin naturel et le reste du groupe sur la vaste et vieille esplanade stratégique et monte au sommet d’un rocher faisant office de pinacle. Je ne regrette pas ces quelques mètres supplémentaires d’élévation, car d’ici, le cul assis sur une borne géodésique et la girouette franco-catalane tournoyant au dessus de ma tête, il n’y a pas de meilleur poste d’observation sur une immense partie du Vallespir et bien plus loin encore vers la Plaine du Roussillon et la Méditerranée. Vers le nord, le ciel s’est quelque peu éclairci et le sieur Canigou, bien qu’encore coiffé d’un gros bonnet cotonneux, décide enfin de dévoiler ses plus beaux atours. Vers le sud et sous un firmament bleu et limpide, les rocs Saint-Sauveur et de France (Frausa) me rappellent à leurs agréables souvenirs d’une récente balade. Vers les autres points cardinaux, dont une rose des vents me donne l’orientation, se sont là aussi des paysages magiques de tous côtés. C’est avec un émerveillement et un étonnement sans cesse renouvelés, que ces paysages défilent à nouveau devant mes yeux, comme au temps de mon périple tout autour du Vallespir. Le récit de ce périple au sein de cette magnifique région et au dessus de cette belle vallée du Tech, je l’avais intitulé « Sur les hauteurs d’une vallée âpre ». Âpre le périple l’avait été en 2009, âpre, la balade l’est encore aujourd’hui, car si j’ai attendu la fin du pique-nique et que le groupe de randonneurs ait quitté les lieux pour partir visiter tous les recoins de la batterie, j’en suis à peine au tout début de ma découverte qu’une mauvaise chute m’envoie choir dans les branches d’un ciste desséché. Le ciste est déjà mort depuis longtemps mais ses branches sont encore suffisamment dures et ligneuses pour me déchirer l’avant-bras gauche sur 5 ou 6 cm. Après ma « gamelle » du Tour de la Pelade dont j’étais sorti avec une égratignure superficielle de la main droite, cette fois-ci, il s’agit d'une coupure bien plus profonde qu’il me faut soigner. Rien n’y fait et malgré une trousse à pharmacie bien achalandée en pansements de toutes sortes, mon sang s’écoule de la plaie comme d’un robinet grand ouvert. Le saignement se poursuivra pendant presque 4 heures sans que rien ne l’arrête ou presque. Le plus efficace restera le mouchoir en papier directement collé sur la plaie sanguinolente mais quand le papier est gorgé de sang, il refuse de coller et tombe lui aussi. Je vais renouveler l’opération pratiquement jusqu’à l’arrivée où enfin, le sang coagulé fera finalement office de cautérisation naturelle. Dans l’immédiat, et malgré cet incident qui me fait perdre pas mal de temps, je décide de poursuivre mes découvertes, d’abord celle de la « Grande Batterie » puis la boucle initialement prévue. Pour le néophyte que je suis, la batterie se résume à de hautes et larges fortifications composées d’impressionnantes murailles mais bien évidemment un tacticien militaire y trouvera bien d’autres intérêts architecturaux et surtout stratégiques. Elles sont construites en pierres sèches et sans aucun mortier. Les seuls mortiers que la batterie ait connus ont été ceux que les artilleurs ont été contraints de monter jusqu’ici. On imagine bien évidemment, l’immense besogne que cette construction a du nécessiter et les efforts entrepris par les soldats pour y amener des pièces d’artillerie permettant de tirer plus de 2 km en contrebas. Paradoxe de l’Histoire, ici aucun coup de canon n’aurait jamais résonné. Avant de venir ici et comme je le fais la plupart du temps, j’ai tenté de m’initier à l’Histoire de cette batterie en cherchant un maximum d’informations sur Internet. Autant l’avouer, je suis resté quelque peu sur ma faim et ce malgré de nombreuses informations sporadiques recueillies de-ci de-là. J’ai néanmoins appris qu’elle aurait été construite en 1670 selon les directives de Vauban qui était venu visité le Roussillon l’année précédente. A-t-elle été construite en même temps que la citadelle de Fort-les-Bains (Fort d’Amélie) ou du moins dans sa continuité, on peut le supposer. Cette dernière a été construite en 1670 sur le site de vieux édifices médiévaux et sur les conseils de Noël Bouton, comte de Chamilly et intendant du Languedoc qui voulait réprimer la contrebande du sel et mettre fin à la révolte des Angelets (1661-1675). Les Angelets étaient ces vallespiriens initiés par le célèbre Josep de la Trinxeria qui étaient entrés en révolte contre Louis XIV suite à l’instauration de la gabelle après le Traité des Pyrénées de 1659, traité qui avait vu le Vallespir espagnol et catalan annexé par la France. Cette annexion s’est faite dans la douleur et quand on sait que les travaux de construction du fort étaient financés avec les impôts payés par les vallespiriens et qu’en plus certains « gabelous » y résidaient, on comprend mieux les animosités qu’il y avait dans les deux camps et l’envie d’en découdre. Dès l’automne 1670, Jacques de Borelly de Saint Hilaire, ingénieur militaire de Vauban, dessine de nouveaux plans et poursuit le chantier déjà entrepris. Le fort terminé, Saint Hilaire et les différents commandants du fort se plaignent d’un manque criant d’infrastructures et demandent des moyens financiers supplémentaires à Louvois. Des modestes aménagements sont apportés mais Louis XIV, Louvois et Vauban sont réticents à trop investir car ils jugent que le lieu est bien trop petit et de ce fait, n’est pas réellement stratégique. En 1674, les Espagnols assiègent Fort-les-Bains alors que de nombreux travaux sont en cours. Le siège est rapidement levé mais malgré cette première alerte, la configuration du fort et ses moyens de défense évoluent assez peu. Il faut attendre 1679 et la deuxième visite de Vauban dans le Roussillon pour qu’il soit jugé utile à la sécurité du Roussillon et des Pyrénées sans qu’il soit reconnu pour autant comme une pièce maîtresse de la « ceinture de fer ». De grosses améliorations sont néanmoins apportées. Comme vous le voyez, autour de l’Histoire de Fort-les-Bains, cette « Grande Batterie » est peu ou jamais évoquée et l’on sait seulement qu’elle était un moyen supplémentaire de le défendre d’abord contre les Angelets puis contre les Espagnols. La frontière étant très proche et le relief géographique très alambiqué, les premiers ingénieurs avaient sans doute compris que le fort serait vulnérable à partir des versants montagneux qui l’entourent et le dominent. Ils ne s’étaient pas trompés puisqu’en 1793, et après un long siège de plusieurs semaines, le fort commandé par le gouverneur Michel Jean Paul Daudiès tombe aux mains des soldats espagnols du général Antonio Ricardos. Le fort et ses alentours dont les « batteries », petite et grande, continueront à être occupés par des militaires pendant encore un siècle. Voilà ce que l’on peut dire de l’Histoire de cette « Grande Batterie ». Il existe également une « Petite Batterie » mais j’ignore où elle se trouve et la carte I.G.N ne la mentionne pas. Après cette découverte non accidentelle mais accidentée de la « Grande Batterie », je continue l’itinéraire vers la Chapelle Santa Engracia. Cet itinéraire, on l'appelle plus communément le chemin du 25eme léger, en référence à un vaillant régiment d'artillerie créé en 1796 dont les faits d'armes glorieux un peu partout sont nombreux, y compris ici en Roussillon. Je connais déjà cette « route stratégique » pour aller à la chapelle et je sais que les vues plongeantes sur Arles y sont exceptionnelles. Depuis ce chemin, un rapproché photographique me permet même d’y voir ma voiture distante de plus de 2 km. Le désir de refaire ce chemin et l’envie de retourner à la chapelle sont donc intacts tant j’avais trouvé ses extérieurs et ses alentours bien agréables et reposants. La chapelle est encore paisible et par bonheur, quand je pousse sa jolie porte, celle-ci s’ouvre assez « divinement » je l’avoue. Je ne m’y attendais pas, tant de nombreuses chapelles du département demeurent hermétiquement closes aux randonneurs. L’intérieur est sobre mais beau, bien à l’image de tout ce que l’on peut voir ici : table d’orientation, paysages, décors, jardins, fontaine, lieux de repos aménagés avec des bancs, nombreuses pancartes explicatives de son histoire, croix panoramique, j’y passe plus d’une heure, en grande partie avec l’agréable compagnie d’un gentil couple de touristes. Ils profitent de mon culot à avoir pousser la porte de la chapelle et tout comme moi, eux aussi vont laisser un petit laïus sur le livre d’or. Nous sortons ensemble de l’église et dès lors qu’ils aperçoivent qu’un saignement s’écoule de mon bras, ils veulent coûte que coûte l’arrêter. Malgré leur trousse à pharmacie encore bien plus garnie que la mienne, ils n’y parviennent qu’à moitié et je quitte Santa Engracia direction l’arrivée avec un gros paquet de mouchoirs en papier imbibés d’une coagulation rougeâtre bien plus impressionnante que douloureuse. Les mouchoirs ne tombent plus enrobés qu’ils sont d’un gros morceau de sparadrap mais un petit filet de sang continue de se manifester. Est-ce la perte de sang alliée à la longueur de la balade, mais la fatigue commence à se faire sentir. Je languis l’arrivée et seules deux chèvres perdues sur des rochers abrupts au dessus d’un profond ravin me stoppent dans cette longue descente vers Arles-sur-Tech. Je les observe longuement. Perchées sur un étroit piton rocheux, elles semblent chercher une issue mais sans trop de succès. Elles montent puis redescendent, partent à gauche puis à droite comme un peu perdues dans ce décor minéral et végétal apparemment fermé, mais vraisemblablement ouvert car comment auraient-elles pu arriver sur ce parapet rocheux ? Je ne peux malheureusement rien faire pour elles et je repars avec dans la tête, l’histoire de la chèvre de Monsieur Seguin qui voulait courir la montagne et qui finalement avait été dévorée par un loup. Ici, elles courent la montagne mais peu de chance qu’un loup les dévore. Peut être un vautour fauve et encore ? Je me raisonne. Elles s’en sortiront en trouvant l'exutoire qui leur a permis de prendre pied sur cette falaise escarpée. Une demi-heure plus tard, je retrouve l’asphalte quitté depuis ce matin 10h. Il est 16h30. « Mas Draguines » m’indique un panneau signalétique devant un petit groupe d’habitations. Je ne quitte plus cette route de la Batllie qui descend vers des rangées d’immeubles et un centre sportif, si j’en crois mon bout de carte I.G.N. Le Tech s’écoule devant moi et j’y file direct en coupant au milieu des immeubles et des pelouses. Ce raccourci m’amène très vite sur un large chemin herbeux ressemblant à la fois à un parcours sportif et à un arboretum. En tous cas, trois ou quatre personnes courent au milieu de ludiques panneaux donnant les noms des arbres que l’on rencontre ici. Je remonte la rive droite du Tech et si les arbres m’intéressent, les oiseaux fréquentant le bord de la rivière ont de loin ma préférence. Je prends encore le temps d’en photographier quelques-uns.  Après cet intermède, la boucle est bientôt terminée. J’aperçois l’usine désaffectée sur l’autre berge, le pont et le transformateur électrique devant moi. Je finis les restes de mon casse-croûte au bord du fleuve, dans la quiétude d’une petite grève et sous le regard un peu inquiet d’un couple de colverts. Ils sommeillent côte à côte et je fais en sorte ne pas les déranger. Pour eux, comme pour moi, le printemps est là et c’est la saison des passions et des sentiments. Il leur faut un peu de tranquillité pour s’aimer. Ma passion de la randonnée, je l’ai bien assouvie aujourd’hui et la tranquillité, j’en ai eu ma dose pareillement, mais n’empêche qu’il faut que je rentre à la maison. Je vis en couple moi aussi. Je traverse le pont, la balade tire à sa fin. Elle a été longue de 12,9 km incluant la visite de toutes les curiosités. Le dénivelé est de 623 m entre le point le plus bas à 264 m sur la rive du Tech et le plus haut à 887 m à la batterie. Les montées cumulées s’élèvent à 1.205 m. Carte IGN 2449OT Céret – Amélie-les-Bains-Palalda – Vallée du Tech Top 25. 

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La Batterie (887 m) et la chapelle Santa Engracia depuis Arles-sur-Tech (270 m)

Publié le par gibirando

Diaporama sur la musique "2 Hearts, 1 Soul" du groupe Yinyues (free music)

La Batterie (887 m) et la chapelle Santa Engracia depuis Arles-sur-Tech (270 m)

La Batterie (887 m) et la chapelle Santa Engracia depuis Arles-sur-Tech (270 m)

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La « Batterie Santa Engracia », à l’altitude de 887 mètres, est une sortie pédestre bien connue des randonneurs catalans. L’ancienne batterie de Vauban n’est pas à proprement parlée une « incontournable » des Pyrénées-Orientales mais elle demeure une balade relativement bien prisée de nombreux clubs de marche. Indifféremment, on peut y grimper soit depuis Arles-sur-Tech soit depuis Amélie-les-Bains, différents itinéraires avec de multiples variantes pouvant être organisés autour de cet objectif principal ou secondaire. Personnellement, cette randonnée dort dans mes tablettes depuis les années 2008/2009. En avril 2008, et alors que depuis les thermes d’Amélie, j’avais réalisé un court aller retour vers la chapelle éponyme, j’avais découvert des panonceaux mentionnant cette fameuse « Grande Batterie ». Ce jour-là, le temps m’avait manqué pour m’y rendre. Je m’étais donc contenté de découvrir la belle Chapelle Santa Engracia magnifiquement restaurée par de courageux bénévoles ainsi que sa grande croix blanche dominant superbement Amélie et les Gorges du Montdony. Depuis, j’avais gardé de ce lieu, le souvenir de ses divins aspects : sérénité d’un havre de paix et stupéfiant mirador. J’ai décidé de l’inscrire à nouveau au programme de cette sortie. En effet, la batterie et la chapelle peuvent faire l’objet d’une sortie commune ou séparée. Un an plus tard, en août 2009, lors mon Tour du Vallespir en 6 jours, la « Batterie Santa Engracia » est revenue sur le devant de ma scène pédestre. A l’époque et lors de la dernière étape entre Saint-Laurent-de-Cerdans et Amélie-les-Bains, j’étais passé à 5 minutes d’elle sans y aller, faisant ainsi l’impasse mais avec le projet avéré d’y revenir. Avec ce récit, c’est donc chose faite mais pas sans peine car la déclivité sur un terrain pas toujours facile est loin d’être évidente : 617 mètres de dénivelé jusqu’à la batterie depuis la ligne de départ à Arles-sur-Tech situé à 270 mètres d’altitude. Il est 10 h quand je laisse ma voiture sur la place Joseph Monin à proximité de la Salle des Fêtes. Je demande mon chemin à un passant et ce dernier m’indique que le célèbre G.R.10 que je dois emprunter passe derrière la salle. Je trouve aisément le panonceau et le fameux balisage blanc et rouge. Parmi diverses directions, je prends note de celle qui m’intéresse au premier chef : « Coll de Paracolls – 2 h – G.R.10 », même si je sais que pour atteindre la batterie, il me faudra tourner au préalable et juste avant ce col. Je me dirige vers une vieille usine amplement délabrée dont l’exploitation consistait à traiter le minerai de fer en provenance des mines de Batère. Je tourne à droite puis longe les murs de l’usine aux vestiges rouillés par le temps puis enjambe le pont sur le Tech. Oiseaux au bord de la rivière, fleurs printanières mais surtout quelques vieilles cartes postales contant la vie passée d’Arles-sur-Tech freinent mes premières ardeurs. Cette vie passée, c’est celle de l’exploitation du fer dont j’ai toujours essayé d’approfondir mes connaissances de l’Histoire à travers des bouquins mais en les complétant au mieux par des balades pédestres : Mines de Batère et de la Pinouse, Rapalum, les Manerots, FormenteraEscaro autant de sites « vallespiriens » et « conflentistes » que j’ai pris plaisir à découvrir. Au bout du pont, un deuxième panonceau accroché à un transformateur électrique se présente et sa comparaison avec le premier me laisse assez songeur : « Coll de Paracolls – 3,6 km ». Deux heures pour effectuer moins de 4 kilomètres, je me dis que ça promets ! Décidément, le Vallespir ne changera jamais et restera toujours « la vallée âpre » si chère aux Romains auxquels elle doit son nom : « Vallis asperi ».  Ce rapide calcul est assez contradictoire avec l’analyse du parcours jusqu’à la batterie que j’ai trouvé sur un site Internet dont le jeune webmestre annonce la boucle que je dois effectuer comme étant « une randonnée facile ». Excusable parce que jeune, l’insoucieux ignore que ce qui est facile à 30 ans ne l’est pas nécessairement à 67, d’où mon refus quasi systématique de décrire mes randonnées avec ce genre de références. La facilité ou la difficulté et le temps de marche d’une randonnée sont des critères bien trop personnels. En tous cas, ils le sont pour moi et j’avoue n’avoir jamais été trop attentif au « fameux » indice IBP mis en place par la fédération. Le mieux est de bien se connaître et de connaître son état de forme du moment. Est-ce mon désir de tenir le temps imparti par ce panonceau mais voilà que j’ai déjà perdu le balisage du G.R.10 ? Un demi-tour presque immédiat et un retour vers la dernière empreinte blanche et rouge me remettent dans le droit chemin, qui n’est pas droit du tout. En effet, il est surtout peu logique car il tourne à gauche en franchissant la clôture que j’avais suivie par erreur, puis très curieusement, il traverse un muret en pierres sèches, désormais effondré. Derrière le mur, l’itinéraire est bien là. Il continue et coupe très vite une large piste allant vers Can Valent. La suite bien balisée devient plus évidente à suivre même si le terrain, lui, ne l’est pas vraiment. Une sente très ravinée, parfois caillouteuse, parfois gréseuse, parfois carrément rocheuse s’élève rudement et souvent en zigzaguant au milieu des bruyères arborescentes et des genêts fleuris. La végétation plus haute se résume à quelques rares chênes. Ces derniers sont verts, rouvres ou plus rarement lièges mais au fur et à mesure de l’élévation, ils se mélangent à d’autres essences et notamment aux grands hêtres puis aux châtaigniers qui finalement vont prendre le quasi monopole au plus haut de la forêt. Dallé par endroits, je foule de mes gros godillots le sentier muletier du temps jadis. C'était la route la plus courte entre la France et l’Espagne. C’était le temps où le mulet et l’âne étaient les meilleurs amis du paysan, du contrebandier, du soldat et du vagabond. Dans cet entrelacs minéral et végétal peu aisé, les mains viennent quelquefois en aide aux pieds pour franchir un palier. Un palier, c’est l’occasion pour moi de souffler un peu et de profiter pleinement des jolies vues s’ouvrant sur Arles et son ample vallée du Tech. Au dessus de la cité et sur l’autre versant, le Massif du Canigou est encore bien enneigé, mais comme il est bien trop chapeauté d’un capuchon de nuages blancs, il a à l’apparence d’une montagne plutôt modeste qu’un géant aurait dégauchie. Aujourd’hui, et malgré un saupoudrage de neige, les plus hauts pics perdent leur aspect glorieux et somptueux. Parfois, ces paliers sont enrichis d’un poteau couronné d’une pancarte faisant référence au « kilomètre vertical », course pédestre bien connue consistant à démarrer d’Arles-sur-Tech située à 284 m d’altitude puis à atteindre au plus vite le Pilo de Belmaig ou Pilon de Belmatx perché 1.000 mètres plus haut. Je ne cours pas, bien au contraire, et pourtant, après mes récents problèmes de santé, les paliers 484 et 684 mètres sont pour moi autant de petites satisfactions à les avoir déjà atteints dans un délai plus que correct. Je ne retiens vraiment de cette difficile ascension qu’un nom inscrit sur mon bout de carte I.G.N : la Font de les Amors. Inutile de traduire mais où est-elle au juste cette source prodigieuse ? Un filet d’eau de quelques centimètres me fait imaginer que « les Amors » sont là. Il faut dire que tout en montant, les panoramas se raréfient, et dans ces sous-bois de châtaigniers, or mis de bien trop rares fenêtres qui s’entrouvrent sur des bouts de Vallespir, rien n’incite à une flânerie exagérée. Les plantes fleuries se raréfient et je n'ai photographié qu’un seul rouge-gorge depuis les oiseaux aperçus au pont sur le Tech. Sans trop d’illusions et à chaque pin rencontré ou presque, je ralentis un peu mon allure, car j’ai toujours espoir de découvrir l’Isabelle, ce fameux papillon protégé si rarissime à voir mais paraît-il présent dans le Haut-Vallespir. Ici, les pins sont rares et l’Isabelle encore plus. Je n’en vois point bien évidemment. Quand j’atteins l’intersection filant vers la Batterie Santa Engracia, c’est avec une satisfaction certaine que j’observe ma montre indiquant 12h15. Je sais que l’objectif est désormais à moins de 2 kilomètres et la déclivité bien moindre que celle déjà accomplie. Je décide d’aller manger à la batterie. Le sentier plus doux et enfin bien plus praticable devient plus agréable à cheminer. Seuls un ruisseau rafraîchissant, deux couples d’anglais un peu paumés et les ruines du Mas Nou d’Eixena ralentissent mes pas soudain redevenus plus alertes. Il est 13 heures tapantes quand je retrouve le panonceau déjà vu lors de Mon Tour du Vallespir : « Grande Batterie – 0h05 – P.R.1 ». Cette fois, pas question d’éviter cette « Grande Batterie » même si je sais qu’elle n’est ni de cuisine ni celle d’un orchestre et seulement militaire. En tous cas, une chose est sûre, cette batterie rechargera mes accus. Effectivement, la Batterie de Santa Engracia est déjà là avec sa muraille colossale et ce n’est ni un orchestre que j’entends, ni des prières dédiées à Sainte-Engrâce mais bien les fous rires joyeux mais très sonores d’un groupe de randonneurs. Ils occupent par petits groupes la totalité de la plate-forme militaire mais ils ont tous l’air de bien se marrer chacun dans leur coin. Une dame vient vers moi et me demande si je suis seul puis elle passe son chemin quand je lui réponds. « Oui, je suis seul ! »  Finalement je comprends que ma présence aussi soudaine qu’imprévue a failli contrarier chez elle une envie très pressante. Je laisse la dame à son besoin naturel et le reste du groupe sur la vaste et vieille esplanade stratégique et monte au sommet d’un rocher faisant office de pinacle. Je ne regrette pas ces quelques mètres supplémentaires d’élévation, car d’ici, le cul assis sur une borne géodésique et la girouette franco-catalane tournoyant au dessus de ma tête, il n’y a pas de meilleur poste d’observation sur une immense partie du Vallespir et bien plus loin encore vers la Plaine du Roussillon et la Méditerranée. Vers le nord, le ciel s’est quelque peu éclairci et le sieur Canigou, bien qu’encore coiffé d’un gros bonnet cotonneux, décide enfin de dévoiler ses plus beaux atours. Vers le sud et sous un firmament bleu et limpide, les rocs Saint-Sauveur et de France (Frausa) me rappellent à leurs agréables souvenirs d’une récente balade. Vers les autres points cardinaux, dont une rose des vents me donne l’orientation, se sont là aussi des paysages magiques de tous côtés. C’est avec un émerveillement et un étonnement sans cesse renouvelés, que ces paysages défilent à nouveau devant mes yeux, comme au temps de mon périple tout autour du Vallespir. Le récit de ce périple au sein de cette magnifique région et au dessus de cette belle vallée du Tech, je l’avais intitulé « Sur les hauteurs d’une vallée âpre ». Âpre le périple l’avait été en 2009, âpre, la balade l’est encore aujourd’hui, car si j’ai attendu la fin du pique-nique et que le groupe de randonneurs ait quitté les lieux pour partir visiter tous les recoins de la batterie, j’en suis à peine au tout début de ma découverte qu’une mauvaise chute m’envoie choir dans les branches d’un ciste desséché. Le ciste est déjà mort depuis longtemps mais ses branches sont encore suffisamment dures et ligneuses pour me déchirer l’avant-bras gauche sur 5 ou 6 cm. Après ma « gamelle » du Tour de la Pelade dont j’étais sorti avec une égratignure superficielle de la main droite, cette fois-ci, il s’agit d'une coupure bien plus profonde qu’il me faut soigner. Rien n’y fait et malgré une trousse à pharmacie bien achalandée en pansements de toutes sortes, mon sang s’écoule de la plaie comme d’un robinet grand ouvert. Le saignement se poursuivra pendant presque 4 heures sans que rien ne l’arrête ou presque. Le plus efficace restera le mouchoir en papier directement collé sur la plaie sanguinolente mais quand le papier est gorgé de sang, il refuse de coller et tombe lui aussi. Je vais renouveler l’opération pratiquement jusqu’à l’arrivée où enfin, le sang coagulé fera finalement office de cautérisation naturelle. Dans l’immédiat, et malgré cet incident qui me fait perdre pas mal de temps, je décide de poursuivre mes découvertes, d’abord celle de la « Grande Batterie » puis la boucle initialement prévue. Pour le néophyte que je suis, la batterie se résume à de hautes et larges fortifications composées d’impressionnantes murailles mais bien évidemment un tacticien militaire y trouvera bien d’autres intérêts architecturaux et surtout stratégiques. Elles sont construites en pierres sèches et sans aucun mortier. Les seuls mortiers que la batterie ait connus ont été ceux que les artilleurs ont été contraints de monter jusqu’ici. On imagine bien évidemment, l’immense besogne que cette construction a du nécessiter et les efforts entrepris par les soldats pour y amener des pièces d’artillerie permettant de tirer plus de 2 km en contrebas. Paradoxe de l’Histoire, ici aucun coup de canon n’aurait jamais résonné. Avant de venir ici et comme je le fais la plupart du temps, j’ai tenté de m’initier à l’Histoire de cette batterie en cherchant un maximum d’informations sur Internet. Autant l’avouer, je suis resté quelque peu sur ma faim et ce malgré de nombreuses informations sporadiques recueillies de-ci de-là. J’ai néanmoins appris qu’elle aurait été construite en 1670 selon les directives de Vauban qui était venu visité le Roussillon l’année précédente. A-t-elle été construite en même temps que la citadelle de Fort-les-Bains (Fort d’Amélie) ou du moins dans sa continuité, on peut le supposer. Cette dernière a été construite en 1670 sur le site de vieux édifices médiévaux et sur les conseils de Noël Bouton, comte de Chamilly et intendant du Languedoc qui voulait réprimer la contrebande du sel et mettre fin à la révolte des Angelets (1661-1675). Les Angelets étaient ces vallespiriens initiés par le célèbre Josep de la Trinxeria qui étaient entrés en révolte contre Louis XIV suite à l’instauration de la gabelle après le Traité des Pyrénées de 1659, traité qui avait vu le Vallespir espagnol et catalan annexé par la France. Cette annexion s’est faite dans la douleur et quand on sait que les travaux de construction du fort étaient financés avec les impôts payés par les vallespiriens et qu’en plus certains « gabelous » y résidaient, on comprend mieux les animosités qu’il y avait dans les deux camps et l’envie d’en découdre. Dès l’automne 1670, Jacques de Borelly de Saint Hilaire, ingénieur militaire de Vauban, dessine de nouveaux plans et poursuit le chantier déjà entrepris. Le fort terminé, Saint Hilaire et les différents commandants du fort se plaignent d’un manque criant d’infrastructures et demandent des moyens financiers supplémentaires à Louvois. Des modestes aménagements sont apportés mais Louis XIV, Louvois et Vauban sont réticents à trop investir car ils jugent que le lieu est bien trop petit et de ce fait, n’est pas réellement stratégique. En 1674, les Espagnols assiègent Fort-les-Bains alors que de nombreux travaux sont en cours. Le siège est rapidement levé mais malgré cette première alerte, la configuration du fort et ses moyens de défense évoluent assez peu. Il faut attendre 1679 et la deuxième visite de Vauban dans le Roussillon pour qu’il soit jugé utile à la sécurité du Roussillon et des Pyrénées sans qu’il soit reconnu pour autant comme une pièce maîtresse de la « ceinture de fer ». De grosses améliorations sont néanmoins apportées. Comme vous le voyez, autour de l’Histoire de Fort-les-Bains, cette « Grande Batterie » est peu ou jamais évoquée et l’on sait seulement qu’elle était un moyen supplémentaire de le défendre d’abord contre les Angelets puis contre les Espagnols. La frontière étant très proche et le relief géographique très alambiqué, les premiers ingénieurs avaient sans doute compris que le fort serait vulnérable à partir des versants montagneux qui l’entourent et le dominent. Ils ne s’étaient pas trompés puisqu’en 1793, et après un long siège de plusieurs semaines, le fort commandé par le gouverneur Michel Jean Paul Daudiès tombe aux mains des soldats espagnols du général Antonio Ricardos. Le fort et ses alentours dont les « batteries », petite et grande, continueront à être occupés par des militaires pendant encore un siècle. Voilà ce que l’on peut dire de l’Histoire de cette « Grande Batterie ». Il existe également une « Petite Batterie » mais j’ignore où elle se trouve et la carte I.G.N ne la mentionne pas. Après cette découverte non accidentelle mais accidentée de la « Grande Batterie », je continue l’itinéraire vers la Chapelle Santa Engracia. Cet itinéraire, on l'appelle plus communément le chemin du 25eme léger, en référence à un vaillant régiment d'artillerie créé en 1796 dont les faits d'armes glorieux un peu partout sont nombreux, y compris ici en Roussillon. Je connais déjà cette « route stratégique » pour aller à la chapelle et je sais que les vues plongeantes sur Arles y sont exceptionnelles. Depuis ce chemin, un rapproché photographique me permet même d’y voir ma voiture distante de plus de 2 km. Le désir de refaire ce chemin et l’envie de retourner à la chapelle sont donc intacts tant j’avais trouvé ses extérieurs et ses alentours bien agréables et reposants. La chapelle est encore paisible et par bonheur, quand je pousse sa jolie porte, celle-ci s’ouvre assez « divinement » je l’avoue. Je ne m’y attendais pas, tant de nombreuses chapelles du département demeurent hermétiquement closes aux randonneurs. L’intérieur est sobre mais beau, bien à l’image de tout ce que l’on peut voir ici : table d’orientation, paysages, décors, jardins, fontaine, lieux de repos aménagés avec des bancs, nombreuses pancartes explicatives de son histoire, croix panoramique, j’y passe plus d’une heure, en grande partie avec l’agréable compagnie d’un gentil couple de touristes. Ils profitent de mon culot à avoir pousser la porte de la chapelle et tout comme moi, eux aussi vont laisser un petit laïus sur le livre d’or. Nous sortons ensemble de l’église et dès lors qu’ils aperçoivent qu’un saignement s’écoule de mon bras, ils veulent coûte que coûte l’arrêter. Malgré leur trousse à pharmacie encore bien plus garnie que la mienne, ils n’y parviennent qu’à moitié et je quitte Santa Engracia direction l’arrivée avec un gros paquet de mouchoirs en papier imbibés d’une coagulation rougeâtre bien plus impressionnante que douloureuse. Les mouchoirs ne tombent plus enrobés qu’ils sont d’un gros morceau de sparadrap mais un petit filet de sang continue de se manifester. Est-ce la perte de sang alliée à la longueur de la balade, mais la fatigue commence à se faire sentir. Je languis l’arrivée et seules deux chèvres perdues sur des rochers abrupts au dessus d’un profond ravin me stoppent dans cette longue descente vers Arles-sur-Tech. Je les observe longuement. Perchées sur un étroit piton rocheux, elles semblent chercher une issue mais sans trop de succès. Elles montent puis redescendent, partent à gauche puis à droite comme un peu perdues dans ce décor minéral et végétal apparemment fermé, mais vraisemblablement ouvert car comment auraient-elles pu arriver sur ce parapet rocheux ? Je ne peux malheureusement rien faire pour elles et je repars avec dans la tête, l’histoire de la chèvre de Monsieur Seguin qui voulait courir la montagne et qui finalement avait été dévorée par un loup. Ici, elles courent la montagne mais peu de chance qu’un loup les dévore. Peut être un vautour fauve et encore ? Je me raisonne. Elles s’en sortiront en trouvant l'exutoire qui leur a permis de prendre pied sur cette falaise escarpée. Une demi-heure plus tard, je retrouve l’asphalte quitté depuis ce matin 10h. Il est 16h30. « Mas Draguines » m’indique un panneau signalétique devant un petit groupe d’habitations. Je ne quitte plus cette route de la Batllie qui descend vers des rangées d’immeubles et un centre sportif, si j’en crois mon bout de carte I.G.N. Le Tech s’écoule devant moi et j’y file direct en coupant au milieu des immeubles et des pelouses. Ce raccourci m’amène très vite sur un large chemin herbeux ressemblant à la fois à un parcours sportif et à un arboretum. En tous cas, trois ou quatre personnes courent au milieu de ludiques panneaux donnant les noms des arbres que l’on rencontre ici. Je remonte la rive droite du Tech et si les arbres m’intéressent, les oiseaux fréquentant le bord de la rivière ont de loin ma préférence. Je prends encore le temps d’en photographier quelques-uns.  Après cet intermède, la boucle est bientôt terminée. J’aperçois l’usine désaffectée sur l’autre berge, le pont et le transformateur électrique devant moi. Je finis les restes de mon casse-croûte au bord du fleuve, dans la quiétude d’une petite grève et sous le regard un peu inquiet d’un couple de colverts. Ils sommeillent côte à côte et je fais en sorte ne pas les déranger. Pour eux, comme pour moi, le printemps est là et c’est la saison des passions et des sentiments. Il leur faut un peu de tranquillité pour s’aimer. Ma passion de la randonnée, je l’ai bien assouvie aujourd’hui et la tranquillité, j’en ai eu ma dose pareillement, mais n’empêche qu’il faut que je rentre à la maison. Je vis en couple moi aussi. Je traverse le pont, la balade tire à sa fin. Elle a été longue de 12,9 km incluant la visite de toutes les curiosités. Le dénivelé est de 623 m entre le point le plus bas à 264 m sur la rive du Tech et le plus haut à 887 m à la batterie. Les montées cumulées s’élèvent à 1.205 m. Carte IGN 2449OT Céret – Amélie-les-Bains-Palalda – Vallée du Tech Top 25. 

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