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    Le Pic Dourmidou en été (1.843 m) depuis le col de Jau (1.506 m)

    Le Pic Dourmidou en été (1.843 m) depuis le col de Jau (1.506 m)

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    Savez-vous qu’en allant gravir le pic Dourmidou (*) vous montez dans un dortoir ? Original non ? Et pourtant c’est la vérité, sauf que les puristes de la toponymie rajouteront qu’il s’agit d’un «  dortoir pour animaux ». Eh oui ! « Dourmidou » en occitan et « Dormidor » en catalan signifie « dortoir » et on peut étendre la traduction à tous les lieux destinés au sommeil : chambre à coucher, chambrée, chambrette. En ce 18 août 2016, c’est le modeste challenge que Dany et moi nous sommes fixés : grimper au Dourmidou. Sans tente et donc sans l’idée d’aller y dormir, encore que par grand beau temps et sans vent, l’idée ne doit pas être si saugrenue que ça.  Ce n’est pas le cas en ce moment. Depuis Urbanya, nous sommes descendus sur Prades puis nous avons pris le route de Mosset et filons vers le col de Jau avec un seul but : partir gambader en montagne. Notre choix c’est porté sur le pic Dourmidou, à cause de sa proximité depuis Urbanya et du peu de temps que nous voulons consacrer à la marche aujourd’hui car en ce moment la météo est capricieuse. Le Dourmidou est une montagne très arrondie et à la végétation rase que les anciens appelaient « Tuc ». Rien à voir avec le gâteau d’apéritif bien connu, ce mot gascon, et donc occitan, présentant l’avantage de définir en une seule syllabe une hauteur arrondie dans un paysage plat.  Une bosse tout simplement. « Tuc de Dourmidou » disait-on ou écrivait-on alors au 19eme siècle. La veille, il y a eu de très violents orages et après Mosset, quelle n’est pas notre surprise de constater que le bitume de la route devient de plus en plus vert, un peu comme si l’on avait passé une tondeuse sans ramasser l’herbe coupée.  En réalité et y regarder de plus près, il s’agit d’innombrables feuilles que la violence d’une pluie de grêlons a mâchouillé et mis à terre.  Quelques virages plus tard, l’étonnement s’amplifie encore d’un cran, car dans les endroits les plus ombragés il y a d’épais névés. Notre arrivée au Col de Jau confirme ce que nous pensons : « ce n’est pas de la neige, mais d’énormes grêlons que le vent a amoncelé sous forme de petites congères ». Sur les pelouses, toutes les ornières ombragées sont remplies de ces amas de glace. Malgré la quinzaine d’heures qui s’est écoulée depuis et un soleil bien présent, certains grêlons ont encore la taille d’une balle de ping-pong. Nous nous mettons en route, non pas par le chemin classique et un peu barbant consistant à suivre la clôture rectiligne se terminant au sommet du Dourmidou mais en tentant de refaire le même itinéraire que nous avions emprunté lors de notre dernière ascension. C’était il y 10 ans. En mars 2006 exactement. Nous avions entrepris de monter en raquettes au sommet en effectuant une boucle pour profiter au maximum d’une neige immaculée.  Nous ouvrons un portail donnant sur un enclos dans lequel quelques chevaux nonchalants se serrent les uns aux autres. Ils paraissent tenir un conciliabule à moins qu’ils ne dorment debout car aucun ne se retourne malgré notre présence. Un seul se tient à l’écart des autres dans une attitude très étonnante et cocasse. Il se roule par terre les quatre fers en l’air comme quelqu’un qui est « mort de rire ». Une photo de ce moment « rare » et on laisse le « dada gaga » à ses délires en empruntant la piste herbeuse qui file vers l’ouest. Elle est parallèle à la D.84 et file vers le lieu-dit la Devèse sur la carte où elle se termine. Je suis assez surpris car les fleurs sont rares mais les papillons plutôt nombreux, sans doute grâce à la clémence de la météo aujourd'hui. Le secteur du Dourmidou est très prisé des botanistes pourtant les fleurs se résument à quelques chardons et carlines et aux roses callunes, de loin les plus nombreuses. Sans doute, la saison est-elle déjà trop avancée. La plupart des papillons qui volètent ont clairement soufferts eux aussi des orages de grêle. Leurs ailes sont meurtries et leurs couleurs sont devenues ternes. La plupart, les ailes déchiquetées ne méritent pas une photo. Je sélectionne. Le chemin entre assez vite dans un bois de grands conifères, se met à tourner vers le nord avant de se terminer dans un fatras de gadoue et de branches cassées. Il y a un ru boueux qui s’écoule au milieu de tout ça. Je ne reconnais plus le parcours pris il y a 10 ans en raquettes. Nous enjambons le monceau de branchages et continuons sur un sentier plutôt évident qui finalement sort très rapidement du bois. Devant nous, il y a une lande assez pentue mais à la végétation rase et après un coup d’œil sur mon bout de carte IGN, je prends la décision de la traverser en diagonale mais tout en montant sur la butte qui se trouve sur notre droite. Un chevreuil qui devait dormir dans des genêts se lève brusquement et s’enfuit en direction de  la forêt qui se trouve en contrebas. Au vol, je réussis à le photographier avant qu’il ne l’atteigne. C’est marrant car à cet instant, je me mets à penser au « dortoir pour animaux » et je me demande si d’autres chevreuils y dorment encore à  cet instant. Au milieu des callunes fleuries, des ras genévriers et myrtilliers, la marche est néanmoins peu aisée et en tous cas, elle l’est beaucoup moins qu’avec la neige et les raquettes. Le paysage qu’on pense pelé et facilement praticable de loin est trompeur quand on a les pieds dans cette végétation compacte. Un vautour fauve vient aux nouvelles mais poursuit son chemin vers des carcasses moins animées que les nôtres. Au fur et à mesure que l’on s’élève, les vues s’entrouvrent sur un large vallon descendant des premiers flancs du Dourmidou. Au plus haut de la butte, nous tombons sur une sente clairement tracée par les nombreux troupeaux qui fréquentent les lieux. On les appelle parfois « caminoles ». Dans les endroits glaiseux et encore humides, on y distingue clairement les empreintes de nombreux sabots mais ceux aussi de quelques pas humains. C’est encourageant. Sur une belle distance, le cheminement devient aussitôt plus facile mais à force de rencontrer d’autres sentes aussi étroites les unes que les autres, on ne sait plus laquelle il faut emprunter. Dany décide de continuer l’ascension, c'est-à-dire vers l’est,  alors que je suis plutôt partisan de partir vers le nord. Je sais qu’en partant plein est, nous retrouverons très vite et inévitablement les clôtures que j’ai voulu éviter au départ. De plus, et au regard de la configuration du terrain, en partant vers le nord, je sais que d’autres panoramas sur l’Aude se dévoileront bien plus vite et plus amplement sur les plus proches d’entre eux. On se sépare, mais je garde toujours un œil sur elle, montant doucement mais sûrement en diagonale. Je vois que peu à peu elle fait de même et finalement à force d’avancer plutôt à l’oblique, nous nous retrouvons un peu plus haut sur un chemin bien plus large. Compte tenu des profondes ornières, nous n’avons aucune peine à imaginer que des véhicules à moteur l’ont empruntée avant nous. Sans doute des tracteurs ou des véhicules tout terrain. Nous passons au pied d’une zone rocheuse occupée par des passereaux. Je me mets aussitôt en quête de les photographier et la première tentative est la bonne car apparemment les roches et les quelques genévriers qui y poussent à proximité constituent leur habitat. Ils ne semblent pas vouloir s’en éloigner. Ce sont tous des Tariers.  Le terrain s’aplanit enfin et on choisit une fois encore la sente la plus évidente. Elle tourne vers l’est, continue sur le plat puis descend un peu avant de s’élever nord-est et très clairement le plus directement possible vers le sommet qui est droit devant nous. Ici, la montagne est une mer mauve colorée par les innombrables callunes. Quelques animaux blancs, groupés en troupeau, s’y détachent au loin, pas plus grands que des têtes d’épingles. Pourtant, dans cette flore qu’on pourrait penser essentiellement violine et rose, j’y découvre un plant de callunes blanches (**), variété jamais observée jusqu’à ce jour. On s’engage dans cet océan végétal sur des caminoles qui partent en tous sens mais c’est trop vite oublier que les flancs de cette montagne,  que nous avions gravi en raquettes sans qu’aucune végétation ou presque nous gêne,  sont coupés de quelques ruisseaux et donc jonchés de tourbières voire de zones carrément marécageuses. Pour avancer, ça devient parfois une vraie galère. Un parcours du combattant dans le pire des cas. Des chevaux, eux, y gambadent pourtant sans aucune difficulté. A force de marcher dans la flotte et la boue, d’enjamber de petits ruisseaux, de contourner des sources ou de simples résurgences que les pluies d’hier ont engendrées, de se fourvoyer dans les fondrières et les mottes de laîches, nous déviions peu à peu de l’itinéraire le plus direct. Finalement, à moins d’un kilomètre du but ultime qu’est le sommet du Dourmidou, la fameuse clôture, à laquelle par entêtement j’ai voulu échapper, est là à quelques mètres seulement. Nous l’enjambons et la suivons désormais mais Dany en a « plein les pattes » et décide que l’heure du déjeuner a sonné. Pour elle, elle est d’autant plus arrivée que le ciel s’est obscurci de gros nuages gris. Ils arrivent du Massif du Madres et de celui du Coronat poussés par un modeste carcanet. Au loin, quelques nuages en panache s’échappent du pic du Canigou, un peu comme si un Indien procédait à des signaux de fumée. Au dessus de nous et dans un ciel coupé en deux ; azur vers le Dourmidou et gris vers le col de Jau, des rapaces tournoient dans le ciel en poussant des cris aigus. Il y en a clairement de deux espèces différentes. Une buse variable sans doute car d’un brun plutôt sombre et l’autre probablement un milan royal car bigarrée de marron et de blanc. Les deux font des vols stationnaires à peu de distance l’un de l’autre et c’est le meilleur moment pour les photographier avec des clichés rapprochés et en rafales, en croisant les doigts qu'il y en est quelques uns de bons.Tout en mangeant, Dany m’avoue qu’elle n’ira pas plus loin. Un peu par crainte d’un « rouchat » et beaucoup par fatigue. Je n’insiste pas. Je lui demande de m’attendre, de garder mon sac à dos et je pars pour un rapide aller retour vers le sommet. Là-haut, à 1.843 m d’altitude, je découvre le gros cairn matérialisant le pinacle. Je ne lambine pas. Le temps de jeter un coup d’œil à 360° et de prendre deux ou trois photos et je redescends à tout berzingue sous un ciel qui se gâte de plus en plus avec de gros nuages gris qui se rapprochent. J’ai quand même pris le temps d’observer bon nombre de lieux déjà cheminés : Pech de Bugarach, des Escarabatets, de Fraissinet, Pelade, Sarrat Naout, Pic Roussillo, pour ne citer que les plus remarquablement visibles sur les flancs nord-est. Je retrouve Dany. Nous amorçons la descente en suivant « l'interminable » clôture et sans pratiquement s’arrêter. Je ne met le frein que pour quelques photos : fleurs, papillons, oiseaux, bovins et paysages en pensant qu’ils seront toujours les bienvenus dans mon futur diaporama. Sur le parking du col de Jau, pendant que Dany s’emploie à son activité préférée qu’est la conversation, ici avec un couple de touristes, je pars pratiquer une des miennes, la photo.  Fleurs, stèle, croix pattée sur une roche et encore et toujours des papillons que la menace d’orage ne semblent pas effrayer. Alors, j’ai envie de leur crier « partez, sinon vous ne résisterez pas à un autre orage de grêlons ! » mais ils sont trop occupés à butiner. Alors nous laissons les papillons à leur aventureux butinage et quittons le col de Jau, direction Urbanya où nous passons les vacances. Sans doute, savent-ils déjà que la grêle ne retombera pas de sitôt !  N’ayant pas d’informatique à Urbanya, je n’ai pas pu réaliser de tracé G.P.S, l’itinéraire proposé sur la carte I.G.N n’est donc qu’approximatif. Je précise toutefois avoir fait en sorte qu’il soit le plus proche de la vérité en visionnant des vues aériennes sur Géoportail et en réalisant le tracé à partir de ces observations. Je considère que le parcours réalisé est long d’environ 8 à 9 km pour un dénivelé de 337 mètres (1.506/1.843). Les montées cumulées sont estimées à 540 mètres. Cartes I.G.N 2248 ET Axat – Quérigut – Gorges de l’Aude – 2348 ET Prades – St-Paul-de-Fenouillet et 2249 ET Font-Romeu – Capcir Top 25.

     

    (*) Le « Dourmidou » ou « Dourmido » c’est également le « Dormidor » , dénomination que l’on retrouve du côté de Matemale avec le pic et le col del Dormidor à respectivement 2.042 m et 1.939 m d’altitude. Tous sont des déverbatifs du verbe « dormir » signifiant un « dortoir » et ça quelque soit les langues,  ici catalanes ou occitanes en l’occurrence. L’explication retenue pour ce sommet est qu’il s’agirait d’un dortoir pour animaux. « C’est le sommet où se repose le bétail en estive. Là- haut, des clôtures frontières contiennent en pâturage les bovins qui ont tendance, sous le soleil, à se regrouper sous les rares végétations » peut-on lire dans le numéro 61 du Journal des Mossétans (toponymie du nom « jau » dans ce même numéro) que l’on trouve sur le Net. Il faut savoir que le Dourmidou constituait aussi un lieu de passage et donc de repos pour les troupeaux qui se rendaient en estive vers le Massif du Madres, vers la Jasse de Callau ou vers Cobazet peut-on lire dans un autre vieux texte. C’est encore le cas de nos jours au regard de ce que j’ai pu lire.

    (**) Callune blanche (Calluna vulgaris) : Si j’en crois le site Tela botanica, le réseau de la botanique francophone et bible des botanistes internautes, la callune blanche n’est pas censé exister à l’état sauvage. Pourtant de nombreux plants ont déjà été observés un peu partout en France. Le plus souvent, ces quelques pieds sont aperçus au milieu d’une population mauve ou rose et de ce fait, les avis sont partagés entre albinisme, accident génétique et mutation spontanée. En tous cas, pas de doute, le pic Dourmidou recèle cette jolie rareté. Il faut simplement espérer que les nombreux animaux domestiques ou sauvages qui fréquentent cette montagne ne les dévoreront pas car la callune est un fourrage naturel.


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