Nota : Toutes les belles images possédant le signe arobase entre parenthèses (@) ne sont pas personnelles et ont été téléchargées sur le web. Je remercie sincèrement leurs auteurs de m’autoriser à les utiliser, sinon, cette histoire n’aurait pas été aussi bien illustrée.
Préambule
La folie : Un fou a jeté une pierre dans un puits, mille sages n’ont pu la retirer (Proverbe arabe).
Dimanche 28 juillet 2002 La Bourboule.
Vue de La Bourboule au fond le Puy Gros (@)
Ce dimanche matin, tout en chargeant le coffre de la voiture, je me disais qu’il fallait que nous soyons un peu fous de vouloir repartir avec nos sacs de vingt kilos sur des chemins de randonnées. Plus sérieusement, j’appréhendais, surtout pour Dany, avec toutes les souffrances qu’elle avait enduré l’année précédente sur le GR.10. Ses ampoules aux pieds, nous avaient même contraints à raccourcir notre périple. Mais le désir de découvrir de nouveaux sites était plus fort que les épreuves que nous ne manquerions pas de rencontrer.
Nous partons à 8h30 de Saint-Estève et roulons sans aucune difficulté jusqu’en Auvergne. Après s’être quelque peu égarés dans la campagne auvergnate, il est 16 heures quand nous arrivons à La Bourboule par le D.130. Le topo-guide de la randonnée, que nous envisageons de faire, indique le départ sur cette route. Je conseille donc à Dany de trouver, si nous le pouvons, un hôtel dans le voisinage.
Avant d’arriver au centre-ville, que nous apercevons plus loin nous remarquons deux ou trois hôtels qui nous paraissent des plus corrects. Le temps de garer la voiture, nous entrons dans la première auberge qui s’offre à nous et demandons s’il y a une chambre de libre. Une chambre est disponible, le prix est convenable, la patronne est accueillante et notre décision vite prise. L’hôtel-restaurant " Le Buron " sera le point de départ de notre voyage pédestre.
La Dordogne en face l’hôtel.(@)
Nous prenons possession de la chambre et après une brève sieste, je propose à Dany d’aller repérer le GR.30 qui en principe devrait couper la D.130 à proximité. Nous sortons de l’hôtel, traversons en face un petit pont qui enjambe La Dordogne - qui n’est ici qu’un étroit torrent- et marchons vers la gare car selon les indications du topo-guide, le GR.30 traverse La Dordogne puis une voie ferrée.
Après quelques minutes de marche, je me rends à l’évidence, le chemin doit être beaucoup plus loin. Nous retournons à l’hôtel et prenons la voiture, direction Mont-Dore. Au bout d’un kilomètre environ, nous apercevons de multiples petits panneaux jaunes indicatifs sur le bord de la route. Nous stoppons et remarquons très rapidement les familières marques rouges et blanches propres à tous les chemins de " Grande Randonnée ". Le GR.30 est là. Nous effectuons un repérage rapide et rassurés, nous partons visiter La Bourboule.
Attablés à la terrasse d’un café, nous observons le va et vient incessant et coloré des touristes. Après s’être désaltérés, nous flânons à notre tour dans les rues animées de cette magnifique cité thermale. Nous profitons des soldes pour acheter des sandales de marche qui, plus tard, pour reposer nos pieds endoloris s’avéreront très utiles. Un petit détour par le splendide Parc Fenestre avec ses arbres centenaires où l’on peut contempler de grandioses séquoias géants de 40 mètres de haut et de 10 mètres de circonférence et nous regagnons l’hôtel.
Il est déjà 20 heures, mais la terrasse du restaurant encore ensoleillée est une invitation au farniente et à l’apéritif. La carte semble prometteuse avec de nombreuses spécialités auvergnates. Nous passons rapidement commande car une rude journée nous attend dès demain avec plus de vingt kilomètres pour rejoindre La Bourboule à Orcival. C’est ainsi, que nous découvrons la " truffade aux trois fromages auvergnats* " accompagné d’un excellent vin rouge de pays. Le repas se termine par une succulente tarte tatin agrémentée de boules de glace à la vanille.
Le soir commence à décliner, et après ce copieux et savoureux repas, il est temps de rejoindre la chambre. Allongé sur le lit, j’observe les collines qui descendent jusqu’à la ville. Au loin, quelques vaches blanches tranchent sur les verdoyants pâturages. Très rapidement, mes yeux se ferment sur ces images dont je sais avec certitude que je les découvrirai de plus près dès demain.
Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.
Quand on aime la randonnée au point qu’elle devient un principe de vie au même titre ou presque que des valeurs fondamentales comme aimer ses enfants, sa femme, sa famille, être honnête en toutes circonstances, être non-violent, aimer et prendre soin de la Nature, etc…, une tendinite à un genou qui empêche de poser le pied à terre et qui s’éternise devient un véritable drame. En ce 28 septembre 2022 ; et alors qu’avec Dany nous sommes dans le Var et pour quelques jours chez notre fils ; c’est au sortir d’une telle période que je me trouve quand je me lance sur ce« Chemin des Douaniers au départ de Saint-Aygulf ». Dany, à cause de ses hanches qui l’enquiquinent également beaucoup, n’est pas mieux lotie que moi mais pour elle aussi l’envie de marcher est bien présente. C’est donc sur les conseils de notre fils et à l’aide d’une brochure trouvée sur Internet que j’ai choisi ce parcours. Alors certes avec ses 16km de Saint-Aygulf à la plage du Grand Boucharel, cet aller/retour paraît énorme, et ce d’autant qu’il s’agit d’une reprise après plusieurs semaines d’inactivité pédestre mais d’un autre côté les difficultés sont quand même très modestes. L’accomplir intégralement serait donc une belle satisfaction et à plus forte raison parce que mon genou gauche continue à me faire un peu souffrir de temps à autres. D’ailleurs, si j’ai choisi cette balade c’est justement parce que l’accomplir partiellement reste une possibilité. « Nous ferons ce que nous pourrons » ai-je dit à Dany avant de partir. Je ne croyais pas si bien dire car Dany va me lâcher bien plus vite que je ne l’avais imaginé. Quant à moi, ce ne sont ni les douleurs au genou ni la distance qui m’arrêtent à hauteur de la Pointe de la Tête Noire mais un ciel qui s’assombrit à cause de gros nuages devenant de plus en plus menaçants. Si menaçants d’ailleurs qu’à l’instant où je décide de faire demi-tour, quelques gouttes de pluie entrent dans la partie. Par prudence et parce que j’ai peur que les roches du sentier des Douaniers deviennent glissantes, elles m’obligent à choisir la D.559 pour revenir jusqu’à la voiture. Par bonheur, la pluie ne dure pas mais je fais le choix de poursuivre la route départementale car je sais que Dany m’attend. Malgré ça, j’ai accompli et vu l’essentiel de ce superbe mais inégal sentier. Inégal car parfois cimenté et donc très bon et parfois carrément rocheux. Les décors, eux, sont une succession de petites criques plus pittoresques les unes que les autres entrecoupée de plagettes pour la plupart prises d’assauts par des amoureux du bronzage paisible. L’ex-chasseur sous-marin que je suis regarde la mer bleutée et tous ces jolis décors comme une enfant gourmand regarde avec envie des gâteaux dans la vitrine d’une pâtisserie. Alors le plus souvent, j’essaie d’oublier les fonds marins pour me consacrer à une Nature plus terrestre. A mon grand étonnement, elle est plutôt présente prenant les traits de quelques fleurs sauvages, de jolis papillons et de rares oiseaux ou libellules que je m’évertue à vouloir photographier. Finalement et à bien y réfléchir, cette Nature, le plus souvent ailée ou à dispersion spatiale, profite sans doute de la proximité de l’embouchure de l’Argens et des étangs de Villepey. Par la force des choses, le retour par la route D.559 est moins séduisant et autant le dire franchement ennuyeux. Dany m’attend dans la voiture là où nous l’avons laissé. La pluie ayant définitivement cessé et les nuages se faisant plus clairsemés, nous partons visiter le parc Areca qui est tout proche. Finalement, les criques et petites plages de Saint-Aygulf sont bien trop tentantes alors nous y retournons juste histoire que je puisse m’enlever cette envie d’aller y « piquer une tête ! » C’est ainsi que se termine cet après-midi que j’ai en grande partie consacré à ce Chemin des Douaniers. Chemin ; ou plutôt sentier si la largeur est un critère crucial ; dont l’Histoire mérite d’être connue. Voici ce qu’en dit la brochure proposée par le Syndicat d’Initiative et l’Office du Tourisme de Fréjus/Saint-Aygulf :
"Vous découvrirez les criques de Saint-Aygulf en empruntant le « Chemin des Douaniers » ; celles-ci sont propices à la chasse sous-marine en apnée, à la pêche, à la baignade abritée sur de ravissantes petites plages. Ce sentier longe de superbes plages, parfois de sable, parfois de galets, des petites criques toutes aussi sauvages les unes que les autres, des jardins très fleuris où foisonnent les mimosas , palmiers, pins et autres arbres d'essences méditerranéennes procurent ombrages, fraîcheur et constituent un décor grandiose. Parfois, dans une trouée, on aperçoit un semi-palais ou une somptueuse villa de style XIXe siècle, vestige de la Belle Epoque. Ce sentier, que l'on peut trouver tout au long du littoral, a une histoire : Héritage de la Révolution française, le sentier du littoral – ou che min des douaniers – serpente des Saintes-Maries de la Mer à Menton. Un sentier... ou plutôt des chemins, portions du long trait de côte méditerranéen (+800 km). Il voit le jour en 1791, voulu par l’administration des Douanes pour assurer la surveillance des côtes et contrer passeurs et contrebandiers. A l’usage exclusif du piéton, du randonneur ou du sportif ; le sentier du littoral s’est imposé en 25 ans comme un lieu de balades à part entière. Aujourd’hui, près de la moitié du rivage méditerranéen peut être parcourue librement, avec, il est vrai, plus ou moins de facilité. Mais, quel que soit le degré de difficulté, la promenade vaut le détour. Ce sentier, que l'on peut trouver tout au long du littoral, a une histoire : Héritage de la Révolution française, le sentier du littoral – ou chemin des douaniers – serpente des Saintes-Maries de la Mer à Menton. Un sentier ou plutôt des chemins, portions du long trait de côte méditerranéen (868 km). Il voit le jour en 1791, voulu par l’administration des Douanes pour assurer la surveillance des côtes et contrer passeurs et contrebandiers. Un siècle et demi plus tard, vers la moitié du XXe, les gabelous (les anciens « commis de la gabelle») se sont métamorphosés en douaniers et le sentier perd du strict point de vue de la surveillance des côtes sa raison d’être. Les postes de gardes, les cabanes et les abris sont oubliés et, la nuit venue, à l’heure de « l’embuscade », les brigades ne patrouillent plus. Le sentier tombe à l’abandon. Il renaît un quart de siècle plus tard, à la faveur des lois littorales de 1976 et 1986. Une servitude de passage de trois mètres de large s’impose à toute propriété privée riveraine du domaine public maritime, à l’usage exclusif du piéton".
Si ici, on évoque presque essentiellement la partie méditerranéenne de ce chemin, il est important de rappeler que ce sont toutes les côtes françaises qui à partir de 1791 sont contrôlées par les douanes, antérieurement dénommée « Ferme générale » instaurée par Colbert en 1680. Il faut rappeler que la France est en pleine révolution et en même temps menacée à ses frontières. Il est donc important d’assurer la sécurité du pays tout en évitant les contrebandes. Certes la gabelle a été abolie le 1er décembre 1790 mais le trafic du sel demeure important, restant une nécessité pour conserver les denrées périssables et donc une monnaie d’échange et parfois même un « salaire », ce dernier mot tirant son origine du latin « salarium » signifiant « ration de sel ». C’est ainsi qu’une zone de 60 km de large sur tout le littoral est surveillée par le service des douanes, cette surveillance s’effectuant le plus souvent à cheval ou à pied et engendrant de ce fait et presque naturellement des sentiers et chemins. Au XXème siècle et dès lors que se développent d’autres moyens de transports de marchandises, la plupart de ces sentiers et chemins tombent en désuétude. C’est donc tous ces chemins-là que l’on appelle de nos jours « des douaniers » et quelquefois « du littoral ». Le plus connu étant le GR.34, lequel avec ses 2.000 km parcourt les côtes bretonnes depuis la baie du Mont-Saint-Michel jusqu'à Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique. En arpentant un de ces chemins, c’est donc un joli morceau de l’Histoire de France que l’on chemine sans y penser le plus souvent. Ce fut le cas ici je l’avoue. Carte IGN 3544ET Fréjus – Saint-Raphaël – Corniche de l’Esterel Top 25.
- Hier soir, en lisant « Une porte dans les Corbières » de Robert Vila, j’ai appris que non loin d’ici, il y avait une église en ruines du nom de Notre-Dame des Oubiels. J’ai donc bien envie d’aller la voir avant de démarrer ma journée de marche. En réalité, en lisant ce recueil, j’ai compris que Portel-des-Corbières avait eu une Histoire très riche. Il y était question de gaulois et de romains, d’une bataille de la Berre, de Charlemagne et de Charles Martel, des Wisigoths et des Arabes, d’une terre cathare, autant de mots et de noms évocateurs mais pas suffisamment loquaces et instructifs au seul niveau de ce petit ouvrage. Beaucoup de ces mots résonnent à mes oreilles d’enfant, amoureux de l’Histoire de France et pourtant j’ignore tout de ce qui s’est passé ici. Le curieux que je suis voudrait donc bien savoir ! Je me promets d’étudier tout cela en rentrant. 8 heures. Comme promis à mes hôtes, me voilà déjà prêt à quitter le gîte. Après une douche bien revigorante, un petit déjeuner très copieux à la fois fait de ce que j’avais acheté hier soir mais aussi d’un gros bol de café et de lait solubles laissé par des locataires m’ayant précédés, j’ai parfaitement rangé mon sac, me séparant encore de tout ce qui me paraissait inutile. 8h30, Monsieur Noguero arrive. Il fait très rapidement un état des lieux sans bien sûr noter aucune anomalie car j’ai tout laissé aussi propre et rangé que je l’avais trouvé. J’évoque Notre-Dame des Oubiels et il me propose gentiment de m’y amener, ajoutant que ce n’est pas très loin. Effectivement et en voiture, il ne nous faut que quelques minutes pour y parvenir. Je le remercie pour son accueil, sa gentillesse et celle de son épouse et quand nous nous séparons, il me dit « n’hésitez pas à revenir, il y a énormément de balades à faire par ici ! ». Je me contente de lui répondre « je vous promets que je regarderai ça ! ». D’emblée, mais malgré son ample état de délabrement, cette église dégage quelque chose d’inhabituel et de singulier. Elle devait très belle mais surtout originale. On n’y reste pas insensible. Malgré son clocher-tour contrastant avec tout le reste de l’édifice, elle a un petit air de cathédrale gothique avec sa jolie rosace quasiment intacte (or mis le vitrail), ses arcades éventrées, ses contreforts et ses arcs boutants, le tout soutenant des voutes en ogives se terminant avec un clé de voute sculpté d’un animal. Ce n’est que plus tard que j’apprendrais qu’il s’agit d’un agneau, le nom Oubiels ou Ouviels ayant cette origine. Après une longue visite (mais j’y reviendrai encore) et de nombreuses photos, je descends dans la rivière La Berre et me retrouve rapidement au lieu-dit « Reînadouire », nom également lu dans le petit recueil. Ce nom signifie « la reine du gué » ou « Reine des eaux » et l’auteur prétend qu’il s’agit d’un ancestral passage de la rivière. Ici, entre deux rocs taillés par les eaux, un profond plan d’eau y est habituellement présent pour attirer les baigneurs les jours de forte chaleur, ai-je lu dans un magazine consacré à Portel. Mais aujourd’hui rien de tout ça et seule une ridicule flaque d’eau verdâtre subsiste au milieu d’une petite mer de galets blancs. Une bergeronnette grise en est la seule « estivante ». Elle part se percher sur un arbre en me voyant mais ne s’éloigne pas. Pas facile de marcher dans ce lit, essentiellement pierreux de la rivière et ce d ‘autant qu’il est très loin d’être plat. Après la bergeronnette, c’est une Aigrette garzette qui s’envole à son tour. Estimant que j’ai vu l’essentiel de ce qu’il y avait à voir par rapport à mes lectures d’hier soir, je décide de grimper de l’autre côté de la rive. En effet, mon bout de carte IGN me laisse imaginer qu’un chemin s’y trouve menant à Portel. Après avoir galéré au sein du végétation plutôt touffue, le chemin est bien là. Il file effectivement en direction de la cité et débouche non loin du pont de Tamaroque à la sortie est de Portel. Chemin de Moncal annonce une plaque signalétique. Reste à retrouver le balisage jaune et rouge de la suite du parcours. Après quelques hésitations, je descends à nouveau vers la Berre. Là, près du stade communal, je finis par retrouver le bon itinéraire grâce à mon tracé GPS. Au milieu du vignoble, une large piste file parallèle à la rivière, puis quand les vignes disparaissent remplacées par un maquis, un étroit sentier prend le relais et s’en rapproche de très près. Si près parfois que l’on n’a aucune peine à imaginer qu’ici la rivière déborde assez souvent. Quelques bas-côtés défoncés ressemblant à des berges ravinées, des déchets gisant de-ci delà et des plastiques accrochés à des branches ou à des cannes de Provence sont encore là pour prouver qu’ici les crues sont sans doute récurrentes et agressives. Le chemin passe sous un pont autoroutier puis laisse sur sa droite les quelques bâtisses du lieu-dit Villefalse. Par un petit passage à gué, je m’y dirige par simple curiosité mais s’agissant d’un grand domaine avec maison de maître et de quelques propriétés apparemment très privées car copieusement clôturées, je ne m’y éternise pas et fais demi-tour. Bien m’en prend car j’arrive à une intersection prénommé Pech Maho où des panonceaux directionnels de randonnée sont disposés. Ici d’énormes travaux de terrassements sont en cours, travaux dont il est facile de deviner qu’ils sont en relation directe avec les crues de la Berre car une longue file de parements en béton forme le début de ce qui ressemble à une future digue. La dénomination Pech Maho m’évoquant quelque chose, il me semble utile de regarder mon bout de carte IGN. J’y vois mentionné le mot « oppidum ». Le lieu est tout proche et en tous cas à moins de 300 mètres selon mon estimation. Je me décide à faire l’aller-retour en empruntant un chemin longeant des vignes mais je ne sais par quelle circonstance, je me retrouve une fois encore tout près du lit de la Berre. J’y file parce qu’une fois encore j’y aperçois des passereaux. Si les oiseaux disparaissent, je découvre dans son lit un conglomérat de roches et de galets amalgamés. L’ensemble, qui est entouré d’une fondation en pierres de taille montées en appareil, ne fait aucun doute quant à son ancienneté. Tout le reste de cet amas est noyé dans du mortier comme on le fait de nos jours pour constituer un grand coffrage. Si l’eau de la rivière a effectué son travail d’érosion continuel, il est évident que l’ouvrage est assez ancien. S’agit-il des restes d’un gué, d’un pont, d’un barrage ou bien d’un autre ouvrage hydraulique ? Sa présence dans le lit de la rivière peut soulever bien des questions, à moins que la rivière ait changé son trajet au fil des siècles et qu’il s’agisse d’un autre édifice n’ayant aucun rapport avec l’eau ? (Finalement, j’apprendrais plus tard qu’il s’agit d’une pile et du tablier d’un pont sur la Via Domitia, datant donc de l’antiquité, mais dont une mention dans un texte datant de 1335 a été retrouvée). Je quitte le lieu en continuant à longer le lit de la Berre bien asséché ici aussi. Finalement après quelques rares et petites vasques d’eau de-ci delà, j’atterris à un gué bien amoché lui aussi qui apparemment menait à Villefalse. Deux corneilles occupent l’endroit. Cette étrange découverte m’a presque fait oublié que je suis venu ici pour découvrir Pech Maho, alors je me mets en quête de le chercher. Il me faut moins de 10 minutes pour y parvenir et me retrouver devant un portail derrière lequel une longue butte de terre est sillonnée de multiples murets. Le tout est entourée d’un haut grillage infranchissable. Une pancarte annonce le programme « visite guidée uniquement » et « d’avril en octobre le mercredi matin uniquement ou sur rendez-vous » mais le site est désert. Normal, nous sommes un samedi. Alors que je tiens mon aspect « antique » à portée d’appareil-photo, voilà que le mauvais sort m’en empêche. Je pars vers la droite du portail et me mets à longer la haute clôture dans l’espoir de quelques photos plus abouties quand tout à coup j’aperçois un gros trou dans le bas du grillage. Apparemment, je ne suis pas le seul à avoir eu envie de visiter le lieu un jour de fermeture, à moins qu’il s’agisse d’un pilleur de sépulture antique, ce qui n’est pas mon cas ? L’occasion est trop tentante, alors je me glisse au travers du grillage éventré. Me voilà à l’intérieur devant cet oppidum, ce premier vrai lieu antique de ce Sentier du Golfe éponyme. Oh, rien de vraiment folichon pour « l’antiquaire » curieux mais inculte que je suis. Je me contente de prendre des photos de l’ensemble de l’oppidum et sous tous ses angles sans bien sûr comprendre de quoi il s’agit, mais là aussi je me promets d’apprendre. Ce ne sont que des ruines mais j’y chemine avec une prudence dont je me demande si elle est bien utile, tant tout semble figé et sans grande fragilité apparente. Je suppose que si j’agis ainsi, c’est parce que je me sens un peu coupable d’avoir enfreint un interdit, même si bien sûr je n’ai aucun sentiment d’être entré par effraction, le grillage étant déjà cisaillé. Enfin, je repars enchanté de Pech Maho, par le même chemin grillagé mais en évitant cette fois de me jeter dans la Berre. Enchanté car je tiens enfin une raison concrète à cette dénomination « antique » qui semblait m’échapper depuis le premier jour. Alors que je divague autour de Pech Maho depuis presque une heure, il me faut moins d’un quart d’heure pour retrouver l’intersection et les panonceaux directionnels déjà aperçus. Sigean est indiqué à 3,3km et comme il n’est que 11h30 ça me rassure car j’envisage d’y déjeuner d’un gros et bon sandwich style jambon-beurre ou pan-bagnat accompagné d’une grande bière bien fraîche. J’en rêve car j’en ai un peu marre des salades style Sodebo toutes prêtes, des sandwichs-triangles, des gâteaux de riz industriels et des grandes gorgées d’eau plate. Finalement, ici au milieu des vignobles, et en l’absence de tout dénivelé , je peux me permettre de soutenir un rythme régulier sans être obligé de speeder. Par un énorme tuyau en tôle ondulée, le large chemin passe sous la départementale, puis se poursuit sur le chemin du Pla et la rue de la Clauze pour atterrir dans la Grand-Rue du centre-ville de Sigean. De ce parcours depuis Pech Maho, seule la Nature a su me freiner : des oiseaux, un couple de pigeons, une plate-bande ornée de grandes et jolies fleurs jaunes dont je pense qu’il s’agit de topinambours, un chat noir très gentil qui s’est laissé caresser avec réticence avant de se laisser aller. Outre cette Nature, je me suis également arrêté devant un graffiti, lequel au début de la rue de la Clauze montre un homme souriant accueillant le passant avec un surprenant doigt d’honneur. L’heure du déjeuner ayant déjà sonné dans mon estomac, la première brasserie ouverte est la bonne. J’y commande un gros pan-bagnat accompagné d’une chope de bière car même s’il y a des restaurants, aujourd’hui ce n’est pas ce dont j’ai envie. Quelques joueurs de Loto, qui devant moi, vont et viennent tenter leur chance m’incitent à risquer la mienne. Je remplis une grille avec des numéros dont la logique m’est toute personnelle (Elle s’avérera gagnante avec 3 numéros). Je quitte les lieux direction l’église Saint-Félix puis la mairie car selon mon bout de carte IGN j’ai le sentiment que la suite du parcours est dans ce secteur. Mon GPS me le confirme. Quelques panonceaux directionnels bien placés venant attester cette intuition, il ne me reste plus qu’à suivre le balisage bien présent. « Les Eoliennes 3,5km et Port-la-Nouvelle 9,8km » sont les mentions exposées du challenge qu’il me faut encore accomplir pour terminer ce Sentier du Golfe Antique. Si la sortie de Sigean, au milieu des lotissements et sur l’asphalte du chemin de Plaisance est quelque peu fastidieuse et donc pas vraiment agréable et sans grand intérêt, les premiers vignobles et les premières pinèdes atténuent quelque peu cette « tribulation » obligée. Cette fois, l’itinéraire passe au-dessus de la départementale et voilà enfin la campagne. Certes je marche encore sur une petite route toujours bitumée mais avec des noms qui fleurent bons l’éloignement de la civilisation : « Souffleur de rêves », « Bellevue », « les Trois Fontaines ». Quelques oiseaux sont encore là pour que je reste aux aguets. Sur la modeste colline que je dois gravir, la vue d’un champ d’éoliennes est déjà synonyme de changement total de décors. Pourtant, avant de les atteindre, voilà que se présente la seule vraie déclivité à grimper depuis celle m’ayant amené aux Pesquis. Combien à gravir ? 50 m ? 60 m ? En 3 jours de « platitude », j’ai le sentiment d’avoir oublié qu’en randonnée une montée restait possible. Par bonheur, au milieu des vignes, des pinèdes et d’un agréable maquis, le tout plutôt bien verdoyant et parsemé de plusieurs cortals en ruines, je finis rapidement par ne plus penser à ce très modeste dénivelé. Les éoliennes sont belles. Enfin moi, je les trouve belles ! Elancées, affinées, pures ou épurées, pâles ou blanches, bien campées sont des qualificatifs qu’on peut leur attribuer comme à une jolie femme. Reste à savoir si sur la plan énergétique, elles sont aussi utiles et rentables que certains le prétendent, mais là je ne suis pas assez calé techniquement pour répondre à cette question. D’ailleurs, si l’on évoque une quelconque rentabilité, à qui profitent-elles est un autre interrogation qui n’est pas dénuée de fondement car j’estime que le citoyen a là aussi son mot à dire ? Si la réponse est « oui » et à tous, restons-en là, mais si c’est « non », malgré leur beauté, elles dénaturent les paysages et sont des entraves au fonctionnement normal de la Nature. Apparemment, c’est cette dernière opinion qu’ont eu certains chasseurs qui ont cru bon de truffer de plombs quelques panneaux explicatifs de leur fonctionnement. Pourtant quand je lis moi-même ces panneaux tout semble merveilleux dans les meilleurs des mondes et les éoliennes semblent être l’avenir pour une énergie que l’on veut propre. Propre à n’importe quel prix ? Oui, d’un côté, on ne peut pas demander aux citoyens d’être écolos et de l’autre ne pas les intéresser à l’aspect « économique » d’une industrie de proximité qui se prétend propre. Personnellement, je suis contre les centrales nucléaires que j’estime bien trop nombreuses et donc bien trop risquées dans un petit pays comme le nôtre. Tchernobyl et Fukushima sont les preuves que des accidents très graves restent possibles et qu’adviendra-t-il de nous si un accident se produit en France ? Qu’adviendra-t-il de l’humanité si un gouvernant fou décide qu’il peut au travers d’un simple petit bouton rayer un pays voire la planète toute entière ? C’est en pensant à tout ça que se termine ma lecture de ces panneaux. Sous ces grands moulins blancs, je me sens tout petit et surtout un peu couillon devant tant de peurs, de doutes et d’interrogations. Je me dis que ce n'est pas le bon moment pour me polluer la tête ! Je ne trouve plus guère d’intérêt à m’y attarder et je continue le chemin. Ce dernier se faufile dans un maquis dont le seul attrait est d’être quelque peu changeant car creusé de plusieurs ravines partant dans tous les sens. Quelques oiseaux au plumage brun sont un deuxième attrait mais comme je n’arrive ni à les identifier et encore moins à les photographier, je suis forcément déçu. Des alouettes ou des pipits sans doute ? Non, des bruants finalement. Seules quelques fauvettes, facilement reconnaissables dans leur façon furtive de passer d’un buisson à un autre puis d’y disparaître, me contraignent à rester aux aguets. Il faut que l’horizon formé par la Méditerranée se dévoile pour qu’enfin mon intérêt pour les passereaux s’estompe quelque peu. Quelques vestiges nouveaux, un tunnel menant à un blockhaus et le support d’une ancienne batterie allemande sont les patrimoines encore visibles mais quelque peu déplaisants de cette Garrigue-Haute. Quand une jolie esplanade agrémentée de quatre tables d’orientation et de deux bancs se présente, je comprends que ce Sentier du Golfe Antique tire à sa fin. Port-la-Nouvelle est là, totalement visible car à quelques encablures. Ma voiture est sans doute à moins d’une heure de marche. La vue de la longue ligne droite formée par La Robine m’attriste un peu sans que je sache l’expliquer. Alors je flâne comme je l’ai quasiment toujours fait en terminant mes randos sur plusieurs jours. Comme toujours, je suis pris en tenaille dans une espèce d’indécision entre le désir d’en finir et de retrouver Dany et la maison et ce plaisir que j’aurais sans doute à marcher encore quelques jours si le parcours était plus long. Les panonceaux directionnels bien présents m’entrainent inéluctablement vers la ligne d’arrivée. « Combe des buis », « Cami des carrières », « Sentier Cathare » et voilà qu’enfin se présente pour la toute première fois depuis mon départ un panonceau « Les étangs – Tour du Golfe Antique ». « Il était temps ! » me dis-je. Le vrai départ était donc là tout près du théâtre en plein air dit de la Garrigue ? Je traverse un grand carrefour et le Canalet est là. Je sais qu’il ne me reste qu’à le suivre pour arriver. Alors je flâne sur son quai, mais même en m’arrêtant à tout bout de champs, ma voiture finit par être là. J’y dépose mon sac à dos dans le coffre et les écouteurs de mon baladeur enfoncés dans les oreilles, je repars à la découverte de ce petit secteur que je ne connais pas. Joli prétexte à bien y réfléchir ! Finalement, l’étang est encore tout près, lisse comme un miroir car le vent a totalement cessé de souffler. Je m’assois sur un banc d’algues sèches et écoute « la Mer » jouée ou chantée par divers interprètes. Je sais que la dernière chanson de mon baladeur est l’originale et donc chantée par Charles Trenet, alors je l’attends. Joli prétexte une fois encore pour m’éterniser ici au bord de ce petit paradis. Un petit paradis trop près de la civilisation à mon goût car perturbé par trop de bruits. Ceux des voitures passant sur le pont menant au port, ceux de rares petits bateaux empruntant la Canalet ou bien encore ceux de quelques trains passant à toute allure. Mais malgré ça je suis bien et comme prévue la chanson de Trenet finit par arriver. Je bois comme du petit lait les poétiques paroles en pensant à ma mère car je sais qu’elle adorait cette chanson. Malade d’Alzheimer, recluse dans sa tête et dans un ehpad, elle arrive à la fin de sa vie mais au fond de moi, je sais qu’elle aurait bien aimé l’écouter : « Voyez Près des étangs Ces grands roseaux mouillés, Voyez Ces oiseaux blancs Et ces maisons rouillées…….. »
Finalement, quand je reprends la route pour rentrer chez moi, j’ai trouvé le titre du reportage que je compte écrire de ces 3 jours de marche…Ça sera « Voyez près des étangs, voyez ces oiseaux blancs ou 3 jours sur le Sentier du Golfe Antique ». Je ne pouvais rêver mieux !
Nous sommes le 27 septembre 2014, ma mère décèdera le 10 novembre. Je lui dédie le compte-rendu de ces 3 jours, elle qui me disait toujours après avoir lu mes récits de balades « quand je te lis, je marche avec toi ». J’espère que là où elle est partie, elle peut encore me lire ?
Nota : Concernant les distances, je tiens à préciser qu’au cours de ces 3 jours, et malgré la présence d’un GPS dans ma poche, je n’ai pas enregistré de données. D’abord parce que cela ne m’intéressait guère et ensuite parce que mon GPS étant très ancien, je savais d’avance qu’il manquerait de précisions à ce propos. Cela ne m’intéressait guère car avant de partir je savais que j’aurais grosso-modo et au bas mot 75 km à parcourir. C'est la distance que j'avais lue. Je n’étais donc pas à quelques kilomètres près et ce d’autant que je savais que les dénivelés seraient nuls ou au pire très modestes. Sur mes vidéos, vous trouverez des distances mentionnées qui sont des estimations d’un simple point à un autre, c’est-à-dire de la commune de départ à celle d’arrivée. Ces distances, si elles tiennent compte des entorses que j’ai pu faire au tracé originel du Sentier du Golfe Antique fourni par la Fédération de Randonnée Pédestre, elles ne tiennent pas compte de mes différentes « sorties de route », c’est-à-dire de tous ces lieux où ma curiosité m’a entraînée et dieu sait s’ils ont été nombreux. J’ai donc voulu, mais par simple curiosité, à l’aide de mon logiciel CartoExploreur recalculer les vraies distances parcourues incluant toutes ces « sorties de route ». Le résultat final, mais approximatif encore une fois, est le suivant : Etape 1 28,4 km, étape 2 24,9 km et étape 3 23,7 km soit un total de 77 km. Je suppose que si vous envisagez de parcourir ce tour et que vous lisez au préalable mon récit vous ne serez pas à quelques kilomètres de plus ou de moins à parcourir. Quoi qu’il en soit, je vous le souhaite d’ores et déjà très agréable.
(*) Pourquoi Golfe Antique ? : Dans l’antiquité, les étangs de Bages-Sigean, de l’Ayrolle et de Gruissan étaient reliés entre eux et formaient un golfe en relation avec la mer. Le massif de la Clape était une île au milieu de ce golfe où se déversait l’Aude nommée alors « l’Atax ». Les alluvions de l’ Aude ont comblés ce golfe. L’étang de Bages-Sigean était longé par un grand axe de communication entre l’Espagne et l’Italie axe qui reliait les oppida. Hannibal partant à la conquête de Rome, emprunta cette voie (voie héracléenne) qui fut modernisée par les romains et rebaptisée « Via Domitia ». Dans ce golfe, Narbonne était un port au commerce maritime très important. (Source Site du Comité Départemental de la Randonnée Pédestre de l’Aude / CDRP11). Rajoutons que de nombreuses preuves de cette activité maritime ont été retrouvées à divers endroits autour de l’étang actuel de Bages-Sigean (La Nautique, Mandirac, Sainte-Lucie, île Saint-Martin, Peyriac-de-Mer, etc...). Le seul aspect « antique » est d’ailleurs encore plus ancien que la présence des Romains puisqu’il est acquis que d’autres peuples les ont précédés autour du golfe comme les Elysiques mais également les Ligures et les Volques Tectosages à un degré moindre.
- Jeudi 25 septembre 2014, 7h30. Je roule direction Port-la-Nouvelle. Mon sac à dos est parfaitement bouclé et posé sur le siège arrière. En principe, rien ne manque et j’ai même pensé à prendre mon petit baladeur MP3. En 2009, tout à fait par hasard, mais de manière très appropriée, « Mes jeunes années » de Charles Trenet avaient délicieusement bercé toutes les étapes de mon Tour du Vallespir. Alors que je roulais vers Amélie-les-Bains, j’avais entendu cette chanson à la radio et elle était restée là dans un coin de ma tête tout au long du parcours. Pour la toute première fois, j'avais écouté et quasiment retenu toutes les paroles, des paroles dont je devinais qu'elles seraient en corrélation avec les moments que j'allais vivre. Entre gaieté et tendresse ou chagrin et douceur, avec cette chanson que ma mère avait souvent fredonnée, j’avais beaucoup pensé à elle, malade d’Alzheimer, et plus globalement à tous les êtres chers que j’avais perdus. J’ai toujours considéré qu’il y avait eu beaucoup d’injustices dans la maladie et le décès de ceux que j’avais tant aimé : mon frère et mon père partis bien trop jeunes et ma mère avec cette terrible maladie. Marcher en pensant beaucoup à eux m’avait énormément aidé dans mes réflexions et mes pensées après le contrecoup d’une retraite que je trouvais parfois insatisfaisante mais qu’en réalité, j’avais sans doute beaucoup trop idéalisée avant de la prendre. Je me suis souvenu de tous ces moments forts qui m’avaient fait prendre conscience de la chance que j’avais d’être vivant et de faire beaucoup de choses que j’aimais. J’adore les chansons poétiques de Trenet et cette année, je pars avec une multitude de versions de « La Mer » mais il y a une raison à cela. En effet, quand on lit l’histoire de cette chanson, on apprend que Trenet aurait écrit les paroles de la chanson en 1943 alors que voyageant avec son pianiste Léo Chauliac et son ami le chanteur Laurent Gerbeau, il regardait la mer et l’étang de Thau par la fenêtre du train qui l’amenait de Paris à Perpignan. A cette époque Trenet a 30 ans et a déjà un énorme succès. Or, quand on approfondit le sujet, on apprend qu’en réalité, il avait déjà couchées ces mots-là sur un poème alors qu’il n’avait que 17 ou 18 ans. Or, à cette époque, il est plus coutumier de voyages entre Narbonne et Perpignan ; où il fréquente notamment le journaliste Albert Bausil ; et donc de visions des étangs de l’Aude que de celui de Thau. Il est donc fort probable que les paroles lui étaient inspirées par l’étang de Bages-Sigean et la mer du côté de Port-la-Nouvelle. Je me suis mis à penser que « le golfe clair » qu’il évoque, c’est peut-être un peu ce « Golfe Antique » que je pars découvrir alors j’ai voulu partir avec des versions bien différentes de cette chanson. Finalement, il y a tellement de reprises de toutes sortes avec des instruments et des sonorités si disparates qu’on a parfois l’impression d’écouter des chansons et des musiques bien dissemblables. C'est donc en découvrant cette diversité que j'ai eu envie de partir avec toutes ces versions. Les écouteurs de mon baladeur MP3 dans les oreilles, c'est en écoutant les premières versions que je roule en longeant l’étang de Salses-Leucate. Les golfes clairs sont déjà là. En réalité, les étangs sont encore bien sombres mais un flamboyant soleil rouge s’élève peu à peu au dessus de la ligne d’horizon. Le jour se lève du côté du Barcarès et de Leucate. Je m’arrête pour quelques photos. Les toutes premières mais il y en aura plus de mille pendant ces 3 jours. J’arrive à Fitou. Je m’arrête quelques minutes juste le temps d’acheter deux viennoiseries dans un « point chaud ». Je repars. Au loin, le soleil rouge a disparu derrière les falaises de La Franqui. Un peu plus loin, il surgit de nouveau mais semble s’être arrêté dans son ascension et paraît comme suspendu. Il voudrait bien jeter mille feux allant du rouge écarlate au jaune vif en passant par de nombreuses nuances orangées mais un voile de chaleur opaque paraît l’en empêcher. C’est sans doute un signe du grand beau temps qui s’annonce mais la tramontane annoncée est déjà bien là. Au dessus de ce rougeoiement, le ciel est d’un magnifique bleu acier. Aux Cabanes de la Palme, je tourne à droite et emprunte la petite D.709. Elle longe l’étang et les salins de La Palme mais Port-la-Nouvelle est vite là. Je me dirige directement vers sa zone portuaire, à l’endroit même où le canal de la Robine fait la jonction avec le chenal menant à la passe et à la haute mer. L’horizon est cendré et le soleil a toujours autant de mal à percer cette muraille brumeuse. Les nombreux petits bateaux du port de plaisance tanguent sur une onde relativement agitée par une violente tramontane. Enfin, je dis « tramontane » en me fiant aux informations de Météo France, mais c’est peut-être le vent qu’ici les audois appellent « cers » ? Ce ne serait qu'un problème de dénomination ai-je oui dire ? Je fais le tour d’un pâté de maisons mais finalement et pour me garer, je trouve une place idéale sur un parking en bordure d’un petit canal et non loin de la gendarmerie. Ce petit canal, ici on l’appelle le Canalet et on voit immédiatement qu’il n’est pas récent car avec ses bateaux rangés au bord du quai, il a conservé son vieil aspect « cabanes de pêcheurs ». Je n’ai guère le temps de m’y appesantir. Avant de chausser mes godillots et d’harnacher mon sac à dos, j’observe les lieux et regarde si le canal de la Robine est facilement atteignable depuis ce parking. Une grande passerelle est là, elle enjambe le canal et en plus, un balisage jaune et rouge indique clairement un itinéraire pédestre. En tous cas, il s’agit bien d’un « GRP Tour du Pays » et j’ai la conviction d’être déjà sur le Sentier du Golfe Antique (*) même si ici, aucun panonceau explicite ne m’en apporte la certitude. Je grimpe au sommet de la passerelle. Le canal de la Robine semble joignable et je retourne à la voiture. 8h20, me voilà sur la rive droite du canal de la Robine. Depuis le parking et pour en arriver là, il m’a fallu emprunter plusieurs passerelles. Une fois dessus, une fois de dessous et ainsi de suite, mais finalement le balisage est plutôt bien indiqué et j’y suis parvenu. Au sommet de la dernière passerelle, le canal de la Robine ne m’a pas impressionné malgré une rectitude saisissante et une extrémité se perdant dans un horizon lointain et nébuleux. Il est vrai que j'ai déjà accompli La Robine en vélo lors d'un aller-retour jusqu'à Narbonne. De plus, je connais bien ce tronçon jusqu’à l’écluse de Sainte-Lucie même si je ne l’ai jamais accompli à pieds mais toujours en voiture au moins jusqu’au parking. Les morceaux de cartes pour la journée sont dans une poche de mon short et celui qui a cours dans une autre. J’aime bien l’avoir sous la main pour connaître les noms des lieux où je vais passer. Une forte tramontane souffle déjà mais comme elle devrait être signe de beau temps, je ne m’en plains pas. Or mis que j’ai déjà été contraint d’ôter mon baladeur de mes oreilles et d’arrêter « la Mer » ou plutôt « Beyond The Sea » magnifiquement chantée par Robbie Williams. Enfin, pour l’instant, elle n’est pas un inconvénient sauf qu’après quelques mètres à peine accomplis, elle semble encore forcir et mes yeux se mettent à larmoyer. Voilà un vrai inconvénient car alors que mon appareil photo numérique est déjà bien entré en action, je suis contraint de freiner mes ardeurs de ce coté-là aussi. Si des milliers de goélands ayant élus domicile dans les « Tables Salantes » ont eu le privilège des premiers clichés, je ne peux plus me permettre de tout photographier « à l'emporte-pièces ». Oui, ce vent si fort est un réel désagrément car j’ai également décidé de répertorier les plantes et les fleurs maritimes en les photographiant car je ne les connais pratiquement pas. Elles viendront grossir mon herbier photographique au côté des nombreuses fleurs des montagnes et des champs. Quelques oiseaux les occupent mais la puissance du vent empêche toute mise au point parfaite pour d’éventuelles photos. Je commence à pester un peu et ce d’autant que je m’aperçois que le vent soulève également une fine bruine d’embruns poissant parfois mon téléobjectif. Entre mes yeux qui larmoient, un ciel cotonneux derrière moi qui décroit la luminosité et ces embruns, forcément mes premières photos ne seront pas géniales. Un magnifique bateau filant au gré du canal ou un train s’éloignant vers Narbonne sur l’autre berge du canal complétent mes prises de vue avant mon arrivée à l’écluse de Sainte-Lucie. Des bateaux et des trains, il y en aura bien d’autres. Si ici les trains vont très vite à cause des lignes droites, les bateaux offrent l’avantage de quelques échanges rapides avec les occupants et au moins des bonjours toujours très sympathiques. Ici, les premiers panonceaux indicatifs me renseignent sur quelques distances : derrière moi, Port-la-Nouvelle à 3 km. Devant, l’écluse de Mandirac à 10 km et Narbonne à 17,7 km, sous entendu par le canal de la Robine. Toujours aucune information quant au G.R.P Sentier du Golfe Antique. Ici, le canal formant un virage, ses eaux sont plus calmes et quelques colverts en profitent pour caboter placidement au fil du courant. Quelques poissons mouchetant la surface créent de multiples ronds sur le miroir verdâtre. De nombreux pins parasols inclinent leurs branches et forment une jolie haie ombragée bien à l’abri de la tramontane. J’en profite pour m’arrêter un instant auprès d’un pêcheur. Il vient tout juste d’arriver et n’a encore rien pris. Tout en bavardant, le sentiment qu’il me laisse et qu’il est surtout là pour profiter de cette belle journée qui s’annonce et comme on dit pour mouiller le fil. Apparemment « prendre du poisson » lui semble secondaire. Je repars. Le virage se termine et là, très soudainement la violence de la tramontane me fait courber l’échine. Je comprends immédiatement que je marche plein nord et qu'ici le vent est plus fort que nulle par ailleurs. Je recommence à larmoyer et plus rien n'arrête ces larmes-là. Je m'arrête, essuies mes yeux, repars et ainsi de suite. Je quitte la large piste au profit d’une étroite sente filant sur la droite en bordure des étangs pensant être plus à l’abri du vent. Il n’en est rien. De l’autre côté du canal et dans la colline, je reconnais plusieurs grands bâtiments visités lors d’une jolie balade à la presqu’’île de Sainte-Lucie. Au bord du chemin, une vieille borne en bois indique 15 km. Je sais que pour moi, elle est sans intérêt car elle doit sans indiquer Narbonne par le canal de La Robine. A cause de la violence du vent, je regarde plus souvent sur les côtés que droit devant et quand c’est le cas, le moindre élément devient un repère à atteindre. Un pin parasol isolé, un cycliste arrêté, un buisson plus haut qu’un autre, un vieux bâtiment, un bateau qui s'éloigne tout est bon pour me fixer un objectif à rejoindre. Sur l’autre berge, le domaine Sainte-Lucie appartenant au Conservatoire du Littoral est là avec ses vastes bâtiments et ses bateaux de bois. Plusieurs sont là en cours de restauration. Un imposant, amarré à la rive et l’autre telle une carcasse, avec sa coque au sec et en cours de réparation. En son temps et comme l’indique un grand panneau, il y avait paraît-il une « Maison des Etangs » avec visite guidée de l’île, sentier botanique, musée et centre documentaire. Je me demande si tout ça fonctionne encore et je me dis qu’il aurait été bien mieux que le Sentier du Golfe Antique passe en ce lieu plutôt que sur l’autre rive. Après Sainte-Lucie et son Roc Saint-Antoine, plus rien ne freine la tramontane et avançait face à ce vent très puissant devient une véritable épreuve. Ici, le chemin ne forme qu’une étroite langue de terre de quelques mètres entre les eaux du vaste étang de l’Ayrolle sur la droite et celui beaucoup plus modeste du Charlot sur la gauche. Il faut dire que l’étang du Charlot n’est séparé de celui de Sigean que par la voie ferrée. Aujourd’hui, j’ai le vague sentiment que le « Charlot » c’est moi et si je m’arrête souvent ce n’est pas pour rire mais bien au contraire pour arrêter de larmoyer et assécher l’objectif de mon appareil-photo presque autant que mes yeux. A cause du vent et de ces larmes, je n’arrive pas à progresser comme je le voudrais. Dès que mes yeux s’arrêtent de pleurer, je repars et j’en profite le plus rapidement possible pour prendre quelques photos car il y a en bordure du chemin de nombreuses fleurs que je ne connais pas même si certaines ont de vraies ressemblances avec des fleurs plus communes. Il est vrai que j’ai une réelle méconnaissance pour les fleurs maritimes. Il est 10h30 quand j’arrive à la Maison Cantonnière de l’Ardillon. Si elle est amplement ruinée et sans grand intérêt de nos jours, je me souviens avoir lu qu’elle servait bien évidemment à loger les cantonniers chargés de l’entretien du canal, des ouvrages et des tombolos, mais aussi d’auberge pour les bateliers au temps où les travaux de halage se trouvaient immobiliser à cause de la puissance des vents. Souvent très chargées et dont très lourdes, les barges de transport, les pinardiers comme on les appelait, restaient plaquées contre la berge par les vents. Contraints de rester ainsi immobilisés, les bateliers attendaient ici des conditions météo plus favorables avant de repartir. Peu après, la tramontane ayant fléchi, j’en profite pour zigzaguer entre le chemin longeant La Robine et la grève de l’étang de l’Ayrolle avec l’espoir d’éventuelles découvertes. C’est là au bord de la grève que je photographie un groupe de goélands et quelques rares limicoles qui s'abritent sur les versants les moins ventés des tombolos. Pendant que les goléands se reposent, les limicoles déjeunent en plongeant leurs longs becs dans les bancs d’algues vertes que le courant à rejeter sur la berge. A me voyant, ils s’éloignent de quelques centaines de mètres. Il y a aussi quelques papillons mais souvent peu visibles car le plus souvent plaqués au sol ou planqués dans la végétation. Ils savent sans doute que leur envol est synonyme de risque d’être emportés par le vent au-dessus des flots. Je mets à profit cet arrêt photos pour prendre une barre de céréale puis je repars. Au fur et à mesure que j’avance, le vent faiblit et j’en suis ravi car mes yeux arrêtent automatiquement de larmoyer. A hauteur des Salins de Campignol puis de l’Ancienne Douane, la langue de terre s’élargit soudain et prend des vrais airs de petite Camargue, avec sur la gauche de nombreux taureaux et sur la droite, une multitude d’oiseaux marins : mouettes, aigrettes, cormorans, limicoles et goélands. Quelques chevaux blancs dans un enclos et un groupe de flamants roses qui s'abritent du vent viennent conforter cette similitude avec la zone humide du Delta du Rhône. Le canal de la Robine devient plus ombragé avec de grands arbres même si les roseaux sont encore très nombreux. Ces derniers sont désormais là pour consolider les berges que la navigation et les ragondins n’ont de cesse de saper. La végétation se diversifie et se densifie en même temps. Je ne sens pratiquement plus la tramontane et mes yeux en sont comblés. A la fin des Salins de Campignol, ma curiosité a aller visiter les lieux fait se soulever des milliers d’étourneaux sansonnets qui dormaient bien tranquilles dans un pré. Aussitôt, cette étonnante nuée prend des allures de nuages mouvants formant de bien belles arabesques dans un ciel azur purgé de tous nuages. Sur les eaux de la Robine, bien plus calmes ici, je surprends un ragondin sur la berge. Le temps d’une seule photo, il plonge puis nage en direction d’un groupe de colverts puis disparait dans les roseaux. Depuis quelques centaines de mètres, les colverts sont nombreux et semblent se complaire aux endroits où les berges sont taraudées. Un rapace s’envole au-dessus des platanes, ce qui m’empêche de l’immortaliser correctement et surtout de le répertorier. Je le reverrais un peu plus tard mais sans la certitude qu’il s’agisse du même. Quelques grandes bâtisses agrémentées de tours se présentent sur la droite. Je suppose qu’elles ont un rapport avec les salins ou les rizières. Finalement, ce n'est qu'en regardant ma carte que je comprends que je suis à hauteur du Petit Tournebelle. Les maisons de Tournebelle apparaissent au travers de la végétation. Bien que ne l’ayant jamais vu sous cet angle, je reconnais aisément le domaine où j’avais tenté en vain de trouver une location. Mon morceau de carte I.G.N m’apprend qu’il y a également le Grand Tournebelle et Tournebelle le Neuf, tous deux sur la gauche du canal. Un peu plus loin, et comme un étonnant mirage, le magnifique Domaine du Petit Mandirac apparaît, comme posé sur les immenses prés verdoyants et devant les collines de La Clape. Ici, dans les prés humides ; des rizières je suppose ; et leurs nombreux chenaux, je retrouve quelques oiseaux aperçus lors de ma récente venue. Au travers des roseaux, j'aperçois aussi des taureaux et des chevaux en quasi-liberté. Je suis ravi d'observer toute cette vie. L’écluse de Mandirac est en vue mais comme il est déjà 12h15, je décide de stopper dans l’herbe, sous les platanes et juste devant un bien beau navire pour déjeuner. Depuis Port-la-Nouvelle et mon démarrage ce matin, je n’ai que quelques fruits secs et une barre de céréales dans le ventre. Il est vrai qu’à Fitou, deux pains au chocolat étaient venus compléter mon habituel petit déjeuner. De toute manière, quand je marche, rien ne m’est jamais suffisant et une « bonne » salade et deux petits pots de riz au lait sont les bienvenus. Pendant que je mange et me repose en écoutant « La Mer » dans différentes reprises sur mon baladeur, je constate que les oiseaux sont bien plus nombreux par ici que je ne l’aurais supposé. Je pensais que la proximité des habitations était une entrave à leur présence. Il semble qu’il n’en soit rien. Sur la droite du canal, je vois de nombreuses cigognes survolaient les prés humides ainsi que quelques aigrettes et hérons cendrés et j’ai le sentiment que tout ce petit monde volant se pose dans les très proches alentours. Malgré cette stimulante présence, je me dis qu’un bon repos est primordial. L’étape est encore très longue et il faut que je prenne le temps pour chaque chose. Je me repose une heure puis repars. L’écluse est là et sur la droite, juste derrière la vieille école, de nombreuses cigognes continuent de faire le spectacle. Plusieurs voitures ont stoppé en bordure d’un grand pré et leurs occupants se sont tous mués en photographes animaliers. Il faut dire que des dizaines de cigognes sont juste là, au bout d’un pré, à quelques centaines de mètres à peine. Je voudrais bien que tous ces touristes partent pour prendre position mais quand une voiture s’en va, elle est immédiatement remplacée par une autre. Alors, je prends quelques photos comme je le peux et sans prendre le temps nécessaire. Au moment de poursuivre, j’aperçois un superbe héron cendré dans le pré face à l’école. Le temps d’une photo et le voilà déjà passant au-dessus de ma tête et filant se poser sur les grands arbres du Petit Mandirac. Je me dirige vers le domaine pour m’en approcher au maximum. Alors que je marche au bord de l’étroite D.32, je constate que de nombreux autres limicoles ont élus domicile dans tous les prés alentours. Assez étrangement ils s’envolent en me voyant alors que les voitures passant sur la route ne semblaient pas les perturber. Je jette un coup d’œil vers les grands arbres du Petit Mandirac et le héron est toujours là. Alors, je m’en approche encore et je réussis à le photographier plutôt correctement malgré la bougeotte dont il fait preuve. Je m’aperçois que je me suis bien éloigné de l’écluse et de l’itinéraire du Sentier du Golfe Antique. Là, je prends soudain conscience que si je fais ça à chaque bel oiseau aperçu, ce n’est pas ce soir que j’arriverais à Narbonne. Je reviens vers l’écluse dont je fige quelques photos de ses principaux points d’intérêts : école, canal, écluse elle-même, péniches y manoeuvrant, joli monument malheureusement taggué et vandalisé mentionnant un « parcours naturel des étangs » et enfin la maison de l’écluse. L’école, désormais, siége du « Narbonne Aviron Club », si j’en crois un panneau, me rappelle étrangement l’école primaire de mon enfance quand à la petite stèle fixée au dessus de la Maison de l’écluse, elle me rappelle à mon bon souvenir en indiquant de manière très précise les 13.038 mètres que j’ai déjà effectués depuis Port-la-Nouvelle. 13 km à enlever au 28 ou 29 de mon tracé estimatif jusqu’à l’hôtel, il m’en reste encore 17 à 18 à accomplir. D’autres panonceaux plus rassurants sont là indiquant Port la Nautique à 7,8 km et Saint Louis à 2,5 km. Alors, je repars avec la bonne résolution de beaucoup moins flâner que je ne l’ai fait ici à Mandirac. J’ai d’autant moins l’idée de flâner qu’il me faut redescendre le canal de la Robine sur l’autre rive jusqu’au Grand Tournebelle faisant face au Petit et c’est au bas mot, 1.600 mètres à refaire dans l’autre sens. Je passe devant le Café de Pays, dont je sais qu’il est très apprécié des Narbonnais en raison des soirées musicales qui y sont régulièrement organisées. Aujourd’hui, il est fermé ou peut être même jusqu’à la saison prochaine ? Je ne sais pas ? Je laisse sur la droite la petite gare de « Gruissan –Tournebelle » et je poursuis. Quelques bateaux électriques et une petite péniche passent sur le canal et me distraient un instant car les gens qui les occupent sont très souvent bien sympathiques et apparemment heureux que l’on s’intéresse à eux, ne seraient-ce que quelques instants. Je le suis tout autant de rompre un peu ma solitude. Surprise sur la berge, une poule d’eau s’enfuie en courant et saute dans le canal. Elle a échappé à ma perspicacité. A Tournebelle, je retrouve quelques chevaux camarguais puis c’est le passage à niveau qu’il me faut franchir avec sa célèbre mais frémissante pancarte « un train peu en cacher un autre ». Malgré les barrières levées et le feu au vert, je regarde bien à gauche puis bien à droite, avant de m’engager, sait-on jamais ! Rien à l’horizon, j’enjambe la voie ferrée. De l’autre côté et sur quelques centaines de mètres seulement, un large chemin file désormais entre les roselières et les grosses pierres du ballast de la voie ferrée puis il bifurque en direction des marais. Alors que je marche sur ce chemin, deux trains vont se succéder à toute vitesse et je me dis que j’ai bien fait d’être très prudent au passage à niveau. Désormais, le chemin est devenu herbeux et il est essentiellement encadré de grands roseaux. Chaque fenêtre sur les marais est l’occasion de distinguer et de tenter de photographier quelques oiseaux. Toujours les mêmes. Petits limicoles, aigrettes, goélands, colverts, cormorans et mouettes sont les plus visibles. Quand je m’approche de trop près, tous ces volatiles effrayés s’envolent dans les airs dans une belle anarchie et parfois même en poussant des cris stridents. A ces moments-là, j’ai toujours le sentiment d’avoir rompu leur tranquillité et peut-être même un peu plus. Leur bien-être. A cause de la tramontane que j’observe de nouveau, il n’est pas toujours facile de me poser et de photographier correctement tous ces oiseaux. Alors, je n’insiste pas plus que ça et j’arrive très rapidement au petit hameau de Saint Louis. Enfin, hameau est un bien grand mot car il y a plus de bateaux dans le petit canal que de maisons sur ses rives. En réalité, je décrirais Saint Louis comme un merveilleux petit oasis posé sur le Canelou et au milieu des roselières pour quelques amoureux de la pêche en étangs. Si j’en crois ma carte I.G.N, le Canelou est un tout petit canal alimenté par la Robine et faisant la jonction avec l’étang de Bages. Un petite passerelle me permet de le traverser. Peu après et de l’autre côté, quelques panonceaux de randonnées sont assez contradictoires et m’indiquent des lieux similaires à atteindre mais avec des distances quelque peu différentes. Toujours rien concernant le G.R.P Sentier du Golfe Antique mais Port la Nautique à pied est indiqué à 5,3 km. Une autre mention indique la « Chaussée de Mandirac » à 2,5 km mais je n’ai rien sur la carte I.G.N avec ce nom-là. J’en déduis qu’il s’agit d’une variante menant au Grand Castelou puis au Grand Mandirac car un autre itinéraire y est surligné en pointillés. J’hésite car dans cette direction, j’ai le choix entre une route bitumée et un petit sentier longeant le Canelou. J’emprunte le petit sentier mais force est de constater qu’il n’est pas vraiment bien débroussaillé. Alors, je fais demi-tour et sors mon G.P.S pour la toute première fois. Il m’indique de prendre la route bitumée. Je suis clairement sur le bon itinéraire car après un virage vers la gauche, une autre route bitumée prend aussitôt le relais de la première. Cette longue ligne droite m’emmène vers le Petit Castelou. Le parcours est un peu lassant car long et rectiligne et surtout sur l’asphalte mais heureusement quelques ouvertures sur les marais et des canaux y circulant sont l’occasion de plusieurs photos. Je surprends un magnifique martin-pêcheur et des grands cormorans. Au bord du chemin, les libellules sont si nombreuses quelles sont l’opportunité de quelques belles macros. Il y en a des jaunes et des rouges mais aussi des bleues. Ici, je croise les deux premiers vrais randonneurs de la journée avec gros sacs à dos et « bons » godillots. On se salue d’un simple signe de la tête et sans aucune parole. Je suppose qu’ils sont étrangers mais quelques mètres plus loin, je me dis qu’ils ont du penser la même chose de moi. Où vont-ils ? Je ne le saurais jamais ? En tous cas, ils seront les premiers et derniers vrais randonneurs rencontrés sur ce Sentier du Golfe Antique, chose assez étonnante quand même sur une distance de 75km ! Les premières maisons du Petit Castelou sont atteintes puis c’est de nouveau une longue ligne droite bitumée en direction du centre équestre, jouxtant le camping des Mimosas. Ici, pas grand-chose à fixer sur mon numérique or mis de rares papillons et quelques hérons ou aigrettes se planquant dans les salins et les roselières. Alors tout en marchant et pour passer le temps, je lis mon morceau de carte I.G.N et je découvre les noms insolites de ces endroits en bordure de marais où se côtoient curieux cabanons et jolies villas : « Bikini », « Gutenberg », « St Raphaël », « St Joseph » ou « Ste Rose ». J’en suis à me demander quelles sont les origines de ces noms si hétéroclites et qui n’ont rien de particulièrement « occitans ». Le centre équestre est là avec bien évidemment ses jolis chevaux mais surtout avec d’étonnants lamas. Je les fige sur quelques photos. Ici, de nombreuses hirondelles rustiques ont élu domicile et certaines peu farouches se posent devant moi sur les fils d’une clôture. La route tourne et file droit en direction de l’étang au dessus duquel je distingue très haut dans le ciel quelques grandes voiles chamarrées. Ce sont celles de quelques virtuoses du surfskiting. Désormais, je marche en bordure même de l’étang et au milieu de plusieurs canaux et sur ce tronçon que j’avais un peu appréhendé à la simple vue de la carte I.G.N, tout se passe au mieux car soit le sol est sec, soit des passerelles en permettent le passage aux endroits les plus humides. Ici, je décide de quitter momentanément l’itinéraire car je constate que de nombreux passereaux semblent avoir élus domiciles dans les salicornes : bergeronnettes printanières, cochevis et gravelots surtout. Mais un seul gravelot va occuper tout mon temps. A quelques mètres de moi, il a décidé d’effectuer un étrange manège. Il semble faire celui qui est blessé alors que quelques secondes auparavant il sautillait magnifiquement. Cette scène se renouvelant plusieurs, je comprends qu'il s'agit d'un artifice. Plus tard, j’apprendrais qu'il s'agit d'un stratagème et que les gravelots agissent ainsi pour éloigner les importuns de leur nichée. Peu après la dernière passerelle, une pancarte amplement massacrée par des plombs de chasse indique un « Sentier du littoral de Mandirac à Montplaisir ». Je trouve l’état de cette pancarte très affligeant mais surtout surprenant alors que je viens de côtoyer diverses pancartes de la Fédération de Chasse indiquant que la Nature est fragile et la chasse interdite. Je me dis qu’interdire la chasse crée apparemment des frustrations. J’arrive à Port la Nautique mais avant de traverser la cité, j’en profite quelques minutes pour me déchausser et tremper mes pieds dans l’eau fraîche de l’étang. Faire désenfler mes pieds bouffis et endoloris par les kilomètres déjà parcourus n’est pas un luxe. Je vais même les laisser tremper bien plus longtemps que je ne l’avais imaginé en me déchaussant, d’abord parce que ça fait du bien mais aussi parce que des enfants jouant dans des canoës ont des éclats de rire communicatifs et salutaires à ma solitude. J’aurais même bien piqué une tête si le fond de l’étang avait été un peu plus profond et plus praticable. Mais, ici, il n’y a que des galets et quelques centimètres d’eau. Alors je repars et traverse La Nautique par la seule rue possible. Elle est encadrée de superbes villas sur la droite et du complexe portuaire sur la gauche. Je visite un peu ce dernier puis sort carrément du village. Un étroit sentier m'entraîne dans une pinède mais alors que je me crois un peu égaré, l'étang est là en contrebas. Guère plus loin, c’est le paradis des véliplanchistes et je suis assez effaré par le nombre de camping-cars qui occupent les esplanades en bordure de l’étang. Toute cette civilisation animée et bruyante ne m’incite pas à m’éterniser mais d’un autre côté, il ne faut pas que je me laisse distraire car je dois trouver le chemin le plus court qui doit m’amener à Narbonne sud et surtout à l’hôtel Formule 1. Ici, dès que je quitterai le Sentier du Golfe Antique, il me faudra délaisser mon morceau de carte I.G.N et le remplacer par l’image d’un plan Mappy que j’ai également imprimé. Il est très succinct mais je sais qu’il risque de m’être bien utile pour parvenir au but ultime que constitue l’hôtel. Après les camping-cars, l’itinéraire coupe le Pointe de Brunet mais comme là aussi, je vois quelques passereaux en bordure de l’étang, je choisis l’option de suivre la côte longeant l’Anse des Galères. Une étroite sente et quelques oiseaux m’entraînent au milieu des tourbières de sphaignes mais heureusement l’été et sa sécheresse sont passés par là et je les franchis sans encombre. En définitive, je retrouve l’itinéraire dominé par les installations sportives d’un camping puis par celle du quartier de Sainte Cécile. Derrière moi et de l’autre côté de l’étang, Bages se révèle au loin dans une brume de chaleur. Un rapace s’envole et se pose dans la basse végétation. Il s’envole de nouveau dès que j’approche. Ici, j’apprécie un peu l’ombrage d’un large chemin qui se faufile au milieu des tamaris et des épilobes en fleurs. Je garde mon G.P.S allumé car je sais que l’intersection où je dois quitter le Sentier du Golfe Antique n’est plus très loin. Finalement, j’atteins ce carrefour et constate qu’une étroite sente grimpe sur le droite d’abord dans une dense végétation puis dans une colline où galets et argile s’amalgament en une blocaille ocre. La petite sente débouche sur l’asphalte d’une large route qui monte en direction du quartier du Petit Quatourze. Pendant quelques minutes, mon G.P.S, trop imprécis à cet instant, me fait quitter le bitume et m’envoie sur un large chemin herbeux mais dans un cul de sac se terminant à l’orée d’un petit bois. Ici, coule un étroit ruisseau, aujourd’hui en grande partie bien asséché. Au fond, j’y découvre avec étonnement plusieurs écrevisses mortes que le peu d’eau et sans doute sa température bien trop élevée ont fini de décimer. De l’autre côté d’un haut talus se terminant par un grand grillage, j’entends le bruit continuel de nombreux véhicules qui passent. Je me déleste de mon sac et de mon appareil-photo et y monte, non par simple curiosité, mais pour avoir une idée d’où je me trouve exactement. Tout en haut, je n’ai qu’une vue très restreinte et seulement en surplomb du complexe autoroutier. Je redescends et reprend l’asphalte de la large route. A hauteur du quartier de Saint-Paul, un groupe de vététistes vétérans m’interpelle et me demande comment rejoindre au plus vite le bord de l’étang. Je leur indique la petite sente qui m’a permis d’arriver ici sur le bitume. Après Saint-Paul et ses superbes villas, la route s’aplanit et sur la droite, les vues s’entrouvrent sur le vignoble narbonnais. En arrivant à son extrémité, je découvre le nom de la petite route que je viens de cheminer : Chemin communal de l’Arboretum. Elle se termine près d’un pont sous lequel passe l’autoroute. Ici, mon G.P.S est sensé rentrer en action sans faire trop d’erreur mais il faut reconnaître qu’un G.P.S de randonnées, qui plus est un peu désuet comme le mien, ce n’est pas vraiment la panacée pour atteindre un petit objectif dans une ville aussi importante que Narbonne. Alors, je m’aperçois très vite qu’il ne m’est pas vraiment utile et je l’éteins. Je ne marche plus qu’avec mon plan Mappy sous les yeux. Malgré ça, force est de reconnaître que dans ce secteur de la ville rien n’a été fait pour aider le piéton que je suis. Carrefours, voies rapides et bretelles à répétitions, le plus souvent peu ou pas de trottoirs, sont autant d’obstacles qu’il me faut franchir avec la plus grande des prudences. Parfois, voitures et camions ne passent qu’à quelques centimètres de moi. Leurs coups de klaxon qui parfois arrivent dans mon dos ajoutent à mes craintes. Je redouble d’attention mais je ne suis pas rassuré pour autant. D’un autre côté, la vigilance ne doit pas me faire oublier que dès demain matin, il me faudra reprendre le même itinéraire, alors je note quelques repères comme les cinémas ou le nom de diverses enseignes que je croise. Il est pile 18h quand j’entre dans l’enceinte de l’hôtel Formule 1 à la fois ravir d'en finir et d'être arrivé sans encombre. De nombreux cyclistes sont là sur le parking à bavarder. Sur la terrasse, quelques étrangers sirotent une boisson et papotent dans une langue que je ne parviens pas à reconnaître. Sans doute des hollandais ou des européens de l’est. A l’accueil, je suis immédiatement reçu par un aimable jeune homme. Il m’indique que la réservation a été parfaitement enregistrée et que par rapport au prix d’Internet, je n’aurais que la taxe de séjour en sus. Par carte bancaire, je règle la note incluant cette taxe et le petit déjeuner. Il me remet plusieurs étiquettes avec le code permettant d’accéder à la chambre. Pour avoir logé à quelques reprises dans un hôtel Formule 1, je sais par avance que je n’aurais aucune mauvaise surprise. Je dépose mon sac, que je vide dans sa totalité, afin d’avoir tout sous la main. Première besogne, prendre une douche. Je me déshabille et c’est en slip, la serviette autour de la taille et avec ma trousse de toilette sous le bras que je pars illico-presto en direction des douches situées au bout du couloir. Après la trentaine de kilomètres parcourus, le plus souvent sous le soleil et dans la poussière que le vent soulevait, j’apprécie à sa juste et pleine mesure cette douche ô combien bénéfique. J’en profite si longtemps et au point que j’entends quelques clients râler de l’autre côté de la porte. Je leur laisse enfin la place et retrouve la chambre. Je m’allonge sur le lit en regardant la télé et là, sans m’en rendre compte, je tombe dans une profonde et bienfaisante sieste. Il est 19h30 quand je me réveille et je décide d’aller manger dans le secteur. Mais décider n'est pas concrétiser. Ici où les hôtels sont très nombreux, je suis surpris de constater que les cafétérias et les restaurants sont absents ou bien apparemment fermés le soir. C'est donc en désespoir de cause que je suis contraint de marcher. L'interrogation de quelques passants m'oblige à me rendre dans un KFC (Kentucky Fried Chicken) plutôt éloigné. Je n'ai guère d'autres choix même si manger dans un « burger » ce n’est pas vraiment ce que je préfère. Quand je reviens à l’hôtel, c’est en premier lieu, pour constater que l’un de mes deux « camelbacks » qui était encore bien plein s’est complètement vidé sur le sol de la chambre et que j’y patauge allégrement dès la porte d’entrée. C’est d’autant plus désagréable que l’eau contenait un tonifiant à base de glucose et que ça colle un peu partout. Hors mis, les deux petites serviettes mises à disposition, je n’ai rien d’autre pour éponger et me voilà transformé en un véritable « technicien de surface » alors que je tombe déjà de fatigue et beaucoup de sommeil. Heureusement et c’est un bon point, le lit étant fermement fixé au sol, l’eau n’a pas réussi à s’y écouler dessous. Il n’y aura pas de dégâts des eaux à déclarer. Après une copieuse demi-heure d’épongeage et d’essorage des serviettes, je réussis à ôter les 2 litres d’eau qui s’étaient déployées sur tout le sol de la chambre. Il est presque 10 heures et je me dis que le plancher aura toute la nuit pour sécher. Je regarde un peu la télé mais rien ne retient mon attention alors sur l’écran de mon numérique, je visionne un peu les photos de la journée. Mes premières photos ne sont pas géniales, en partie à cause de la luminosité, mais aussi car la tramontane a souvent plaqué un peu de buée sur mon objectif. Mais comme je le savais déjà, je ne veux pas me prendre la tête avec ça pour l’instant, me disant qu’au moment venu de faire le reportage sur mon blog j’aurais tout le temps d’y penser. De tous ces écrans que je regarde, mon constat est toujours le même : Morphée me tend déjà les bras ! La nuit sera calme et seule une envie pressante m’enverra rejoindre le couloir et les WC qui s’y trouvent sur le coup des 4 heures. Sur le sol, quelques traces d’humidité sont encore présentes. Par la fenêtre restée ouverte, j’aperçois la grande enseigne bleutée du Novotel tout proche. Elle me rappelle certains vieux souvenirs quant à la recherche d’un emploi j’étais venu m’installer à Narbonne. Ça n’avait duré qu’un mois, le temps d’une période d’essai que j’avais trouvée peu séduisante mais comme toutes les expériences, il y avait eu de l'agréable et du positif. De cette période professionnelle chahutant ma vie tout court, c’est ce seul aspect savoureux que je conserve encore au fond de moi. Au-dessus, le ciel est pur et paraît bien étoilé. J’ai la quasi certitude que demain il fera beau pour accomplir l’étape qui doit m’amener à Portel-des-Corbières. Je me rendors avec une pensée qui me turlupine : « Bon dieu, mais pourquoi ce sentier que je suis entrain d’accomplir l’a-t-on appelé du « Golfe Antique » ? Alors que d’habitude, je me tuyaute au maximum pour ne pas marcher idiot, cette fois je suis parti quasiment la tête vide !
(*) Pourquoi Golfe Antique ? : Dans l’antiquité, les étangs de Bages-Sigean, de l’Ayrolle et de Gruissan étaient reliés entre eux et formaient un golfe en relation avec la mer. Le massif de la Clape était une île au milieu de ce golfe où se déversait l’Aude nommée alors « l’Atax ». Les alluvions de l’ Aude ont comblés ce golfe. L’étang de Bages-Sigean était longé par un grand axe de communication entre l’Espagne et l’Italie axe qui reliait les oppida. Hannibal partant à la conquête de Rome, emprunta cette voie (voie héracléenne) qui fut modernisée par les romains et rebaptisée « Via Domitia ». Dans ce golfe, Narbonne (en réalité Narbo Martius) était un port au commerce maritime très important. (Source Site du Comité Départemental de la Randonnée Pédestre de l’Aude / CDRP11). Rajoutons que de nombreuses preuves de cette activité maritime ont été retrouvées à divers endroits autour de l’étang actuel de Bages-Sigean (La Nautique, Mandirac, Sainte-Lucie, île Saint-Martin, Peyriac-de-Mer, etc...). Le seul aspect « antique » est d’ailleurs encore plus ancien que la présence des Romains puisqu’il est acquis que d’autres peuples les ont précédés autour du golfe comme les Elysiques mais également les Ligures et les Volques Tectosages à un degré moindre.
Si vous souhaitez mieux connaître cet aspect "antique", je vous conseille de visionner la vidéo ci-dessous à propos de Narbonne :
Fin août 2014. Depuis quelques semaines, les jambes me démangent et j’ai bien envie d’aller faire une longue et belle randonnée de quelques jours. L’été tire à sa fin. Je prends de la bouteille et je me dis que les plus belles années sont sans doute derrière moi. Oh pas 10 jours de marche mais 4 à 5 jours seraient l’idéal ! Oui, mais que faire ? De toute manière, cette année, quoi que je fasse, ça sera sans doute encore en solitaire. Dany a de gros problèmes aux hanches et il est presque impensable qu’elle puisse enchaîner plusieurs jours de marche successifs. Mon fils Jérôme n’est pas libre cette année et de toute manière, je n’ai rien programmé pour qu’il puisse venir avec moi comme nous l’avions fait en 2011 sur le Tour des Fenouillèdes et en 2013 sur le Tour du Capcir. D’un autre côté, partir seul ne me fait pas peur, je l’ai fait en 2007 et en 2009, en effectuant respectivement et pendant 6 jours le Tour du Coronat puis celui du Vallespir. J’en garde des souvenirs impérissables et merveilleux mais à bien y réfléchir, il en est ainsi pour toutes les randonnées que j’ai pu faire sur plusieurs jours et que ce soit en solitaire ou pas : G.R.10, GR.30 Tour des Lacs et de puys d’Auvergne, Tour du Haut-Jura ou Chemin deStevenson. Oui mais que faire ? Un morceau du Saint-Jacques de Compostelle ? Non, je me connais trop bien et pour moi ou c’est tout ou ce n’est rien ! En plus, l’aspect « pèlerinage » ne m’attire pas vraiment. Je ne suis pas croyant et je n’ai pas besoin de ça pour que ma tête s’évade. Elle s’évade toute seule où que j’aille marcher pourvu qu’il y ait des découvertes et quand je dis « découvertes », ça englobe tout ce qui est beau, historique ou qui aiguisera ma curiosité, c'est-à-dire paysages, panoramas, richesses patrimoniales, fauniques ou floristiques. Je suis plutôt bon public. En outre, cette année, ma préférence irait en priorité à une balade qui ne m’éloignerait pas trop du domicile. J’interroge Internet. Je ne trouve rien qui me captive dans le département des Pyrénées-Orientales. Il y a bien le Tour du Canigou à faire de diverses manières, chemins du piémont ou bien par les crêtes les plus hautes, mais j’ai le sentiment que je connais tout ça par cœur et en plus la saison et la logistique à mettre en place me semblent un peu trop tardives. On est déjà en septembre et il faudrait que je réserve gîtes et refuges et j’ai l’impression que c’est déjà un peu trop tard pour m’engager dans toutes ces démarches. Le faire avec tente, sac de couchage, tapis de sol et tout ce qui s’ensuit, c'est-à-dire en bivouaquant ou en dormant dans des refuges non gardés et donc avec un gros portage, je n’y pense même pas ! Alors, je me rabats sur les départements limitrophes. L’Ariège me plairait bien et notamment le Tour du Biros que j’ai eu l’occasion de croiser lors d’un bref séjour dans le Couserans mais là, je retombe dans les mêmes travers que le Tour du Canigou et des refuges à réserver. Dans l’Aude, il y a bien le Sentier Cathare qui m’attire et auquel je pense depuis plusieurs années mais c’est au moins 10 à 12 jours à consacrer. Trop long pour le faire en solitaire et qui plus est en septembre. Voilà où en sont mes réflexions quand tout à coup en continuant à chercher, je tombe sur un site touristique audois mentionnant le GRP Sentier du Golfe Antique (*). Un site peu explicite à vrai dire mais qui brièvement m’indique que cette balade peut être accomplie en 4 à 5 jours et qu’elle consiste à faire le tour des étangs audois à proximité de Narbonne, Bages et Sigean. 4 à 5 Jours, c’est déjà ce que je recherche et en plus ce n’est pas très loin de chez moi. Les principales conditions semblent réunies et là, je me mets à feuilleter toutes les pages qui sur Internet parlent du parcours. En réalité, elles ne sont pas légions (pas très normal pour un golfe qui se veut antique et en premier lieu romain !) et je n’en sors pas grand-chose de concret or mis le fait que cette longue boucle de plus de 75 km semble un peu plus connue de quelques vététistes qui eux, bien évidemment, ne la font pas en cinq jours mais dans la journée pour la plupart d’entre eux voire en deux jours pour les plus indolents. Alors, je file à la bibliothèque voir si dans des bouquins ou topo-guides consacrés à l’Aude, on en parle un peu. Rien ! Mais non rien ! Alors puisque personne n’en parle, c’est décidé, je vais y aller voir par moi-même et de préférence, je vais attendre qu’un bel anticyclone se présente sur plusieurs jours. Après tout, je suis à la retraite, pas vraiment pressé et à faire une balade autant que ce soit avec un grand beau temps. Cette attente, je la mettrais à profit pour parfaire l’organisation.
Organisation du parcours :
1- Ma première mission : analyser le parcours sur le Net. Il est indiqué qu’il démarre de Narbonne et qu’il est long d’environ 75 km. Ça ne me pose aucun problème ! Je vais donc diviser cette distance par 4 et comme il n’y a sans doute aucune déclivité d’importance car la plupart du temps, le parcours passe au niveau de la mer, je vais l’accomplir en 4 jours pour des étapes qui ne devraient pas excéder 17 à 18 km. Jusque là tout va bien.
2- Ma deuxième mission : analyser le parcours et être à même d’imaginer les 4 étapes sur mon logiciel CartoExploreur, c'est-à-dire sur la carte I.G.N, équivalente aux cartes papier au format Top 25 que l’on trouve dans les meilleures librairies. A priori, rien n’est plus facile car le parcours du Sentier du Golfe Antique y est magnifiquement « surligné » en rouge et je peux en suivre très facilement le tracé qui passe par des villes que je connais pour la plupart d’entre-elles. En effet, Bages, Peyriac-de-Mer, Sigean et Port-la-Nouvelle sont des cités que je connais un peu pour y être passé. Le parcours passe tout près de Narbonne et les principaux sites qui en parlent en ont fait leur ligne de départ. Quand au Canal de la Robine, à diverses reprises, j’ai eu l’occasion de le réaliser à vélo et parfois un peu à pied jusqu’à la savoureuse presqu'île de Sainte-Lucie. Une seule commune me surprend singulièrement car un peu éloignée des étangs et en plus, c’est la seule que je ne connais pas, c’est Portel-des-Corbières. A bien y réfléchir, un petit tour dans les Corbières ne sera sans doute pas pour me déplaire car elle devrait me changer des autres étapes plus maritimes. Mais une deuxième pensée plus sérieuse me chiffonne : Il y a bien eu un topo-guide évoquant ce Sentier du Golfe Antique mais il est désormais épuisé et donc introuvable. Je l’ai cherché partout mais constamment en vain. Mais en plus, j’ai fini par apprendre qu’il n’évoquait pas le tracé du tour que j’envisage mais plusieurs petites balades d’une journée dans divers lieux autour du golfe. Pourquoi cela ? Je me souviens que je m’étais posé une question sensiblement identique à l’instant d’organiser le Tour des Fenouillèdes. Il existait bien un tracé et de nombreuses balises sur le terrain mais pas de topo-guide l’évoquant. Je connais la suite et j’avais beaucoup galéré pour parvenir à l’organiser. Vous aurez donc noté que lors de cette analyse et par expérience, j’en suis à imaginer les 4 étapes et non pas encore à les programmer. Là, je l’avoue un gros problème se pose très rapidement à moi, uniquement en regardant la carte. En effet, Narbonne, Bages, Peyriac, Portel, Sigean et à un degré moindre Port-la-Nouvelle sont des cités toutes proches les unes des autres. En tous cas sur cette partie nord-ouest-sud de la boucle, elles sont toutes par les routes départementales, à moins de 10 km les unes des autres et je me dis qu’il y aura sans doute pléthores de possibilités d’hébergements et de ravitaillements. Mais de l’autre côté, c'est-à-dire à l’est et au dessus de Port-la-Nouvelle, c’est presque le grand vide. Si ce n’est pas le vide absolu, le parcours longe le Canal de la Robine puis bifurque en direction des rives de l’étang de Bages et c’est par ce long itinéraire sinueux à souhait que l’on rejoint La Nautique puis Narbonne Sud. Quand avec ce tracé, je mesure la distance qui sépare Port-la-Nouvelle de Narbonne, j’arrive à une étape assez incroyable de plus de 30 km, à moins d’aller tout droit vers Narbonne à l’écluse de Mandirac. Cette dernière solution plus courte ne me plaît pas car la distance que je gagne je la perds le lendemain pour aller du centre de Narbonne à Bages avec de surcroît beaucoup de ville et de bitume. Avec l’autre solution, le problème est qu’avec cette seule portion, on en est déjà à 40% de la boucle totale du Sentier du Golfe Antique. Je suis devant ce dilemme. En conséquence, l’idéal serait de trouver un hébergement sur ce tronçon ?
3- Ma troisième mission : Trouver un hébergement non loin du Canal de la Robine. En imaginant que je vais partir de Narbonne ou bien de Port-la-Nouvelle, je n’ai trouvé sur Internet qu’une seule adresse d’hébergement sur ce tronçon passant par le Canal de la Robine. Cet hébergement se trouve au lieu-dit « Le Petit Tournebelle » et me paraît assez parfait puisqu’il coupe pratiquement la distance en deux étapes de longueurs similaires non loin de l'écluse de Mandirac. Seul petit problème quand j’appelle au numéro de téléphone mentionné, personne ne répond jamais ! Alors, je prends ma voiture et je file là-bas illico-presto. Et là, je tombe dans un coin assez fabuleux au bord de la Robine mais surtout au milieu de rizières, de près verdoyants et de zones humides où s’ébattent chevaux et taureaux et surtout, où une quantité incroyable d’oiseaux petits et grands occupent les lieux ou leurs plus proches alentours. Chaque marais, chaque pré, chaque zone humide paraît posséder sa propre espèce. La plupart de ces oiseaux semblent peu farouches et je pense que cela tient au fait qu’ils se plaisent dans ces biotopes sans doute parfaits pour eux. Un petit paradis pour le photographe animalier amateur que je suis : cigognes, étourneaux par milliers, hérons cendrés, aigrettes, petits limicoles, martin-pêcheurs, rapaces, etc.…Faire la liste des oiseaux que j’ai vus ce jour-là serait bien trop long. Si j’ai mon appareil-photo avec moi, aujourd’hui le sujet le plus important est de trouver une chambre alors l’appareil est là uniquement pour la photo exceptionnelle. Je poursuis vers le groupe de maisons constituant « Le Petit Tournebelle ». Là, un gros problème se présente quand j’arrive au domaine car le propriétaire m’indique immédiatement qu’il ne fait plus gîte et ne reçoit plus aucune personne de passage. Alors, j’insiste un peu et quand je lui demande la simple location d’une chambre seule pour une seule nuit et pour une seule personne, et même en appuyant sur le fait que je suis disposé à me passer de draps et d’un petit déjeuner, j’essuie également un refus. Alors, je n’insiste pas plus et je repars à la fois préoccupé d’avoir fait « chou blanc » mais d’un autre côté ravi par toute cette avifaune que j’ai aperçue. Une chose est certaine, si tous les étangs que je vais sans doute côtoyer fourmillent d’une telle faune aviaire, je vais véritablement prendre mon pied sur ce Sentier du Golfe Antique ! Voilà mon état d’esprit qui est très loin du découragement mais à bien y réfléchir, je n’ai pas encore fait le moindre pas en avant dans mon organisation ! Alors, puisque je suis là, je prends la décision de regarder immédiatement ailleurs si un hébergement est possible.
4- Quatrième mission : Trouver d’autres hébergements. Avant de quitter « le Petit Tournebelle », j’ai de nouveau analysé la carte I.G.N et pendant un instant, j’ai envisagé d’aller dormir à Gruissan. Malheureusement, la distance à parcourir aller et retour pour rejoindre le tracé du Sentier du Golfe Antique m’en a immédiatement dissuadé. Beaucoup trop longue ! Alors, j’ai filé vers le Petit et le Grand Mandirac puis vers le Port de la Nautique mais aucune location n’y était proposée. Il y a bien sur la carte un camping au lieu-dit les Mimosas mais là, je retombe dans l’inconvénient du portage d’une tente et du barda qui va avec ou au pire d'un sac de couchage. Je décide de partir vers Bages. Bages est un magnifique village au pied de l’étang mais qui malheureusement, paraît déjà endormi après les affluences estivales. Quand j’arrive au pied du village, côté étang, une jeune dame très gentille est entrain d’ouvrir et d’installer sa petite « camionnette » faisant office de sandwicherie ambulante. Il est presque midi et j’ai faim. Je lui commande un coca et un gros sandwich avec frites et steak haché. Elle m’annonce 10 minutes d’attente que je comprends aisément car elle s’installe à peine et j’en profite pour partir au bord de l’étang pour faire quelques jolies photos, le temps étant radieux. Quand je reviens, tout est prêt. Tout en mangeant, nous bavardons un peu. Elle m’indique être là plusieurs jours par semaine. Je note l’information au cas où. Je lui demande si elle connaît un gîte pouvant m’accueillir pour une nuit lui expliquant mon idée de venir un peu plus tard pour randonner sur le Sentier du Golfe Antique. Je suis passablement surpris car elle me dit ne pas connaître ce sentier dont elle n’a jamais entendu parlé. Elle poursuit en m’indiquant que le mieux est que je monte vers le haut du vieux village et que je m’adresse auprès des restaurants, me précisant qu’elle est sûre qu’il y en a au moins un qui loue des chambres. Alors, je la remercie et mais avant de monter vers le haut du village, j’analyse le bas. Sur la devanture d’un local, il y a bien une pancarte mentionnant la location de chambres mais le commerce paraît vide. En désespoir de cause, je me décide à monter. Les ruelles sont toutes désertes. Tout en montant, je regarde si des chambres ne sont pas à louer. Je trouve deux adresses louant des chambres mais quand je tape à leur porte, les deux semblent fermées car personne ne répond. Je passe devant la vitrine du petit Office du Tourisme mais il est fermé lui aussi. Le premier restaurateur rencontré me répond qu’il ne loue pas de chambres et semble plus préoccupé et déçu par le fait que je ne sois pas un éventuel client car il est déjà midi passé et aucun client ne s’est encore présenté. En sortant, je regarde la carte et les menus et constate que les prix sont plutôt dans des fourchettes que je considère hautes. Je continue de monter. Les ruelles sont toujours aussi désertes et finalement j’aboutis en haut près de l’église. De là, les vues sur l’étang sont superbes. Au loin, j’aperçois la Nautique et de nombreuses voiles colorées qui filent sur le miroir bleuté tout juste ondulé par une brise légère. Il y a aussi des flamants roses. Je prends quelques photos panoramiques car les oiseaux sont trop loin. De toute manière, je me dis qu’ils seront peut être encore là si toutefois je venais à revenir. Je poursuis ma quête dans le centre de Bages. J’arrive sur une belle placette où toute l’activité du village semble s’être concentrée. Deux restaurants avec de petites terrasses sont ouverts et quelques touristes ont déjà pris place pour déjeuner. Je regarde les menus et les cartes et les prix me paraissent assez élevés là aussi. Le premier restaurateur auquel je m’adresse, me confirme qu’il loue bien des chambres au prix de 85 euros. Quand je lui demande ce que cela inclut, il me répond : « la chambre » et devant mon regard sans doute très interrogateur, il rajoute « pour une nuit ». Alors quand je lui réponds « merci » et que je tourne les talons, il rajoute « pour le petit déjeuner, on le sert ici au restaurant et c’est en sus ! ». Si je tourne les talons, c’est parce que je me refuse à payer une simple chambre dans une maison au prix de celle dans un trois étoiles où il y a d’autres services et une douche notamment. J’estime que 50 à 60 euros est un prix raisonnable et je suis prêt à l’accepter si après une visite des lieux la chambre me convient. Je traverse la placette en direction de l’autre bar-restaurant et quand je pose la même question à un aimable serveur, ce dernier me précise de m’adresser à une boutique vendant toiles, tableaux et diverses œuvres d’art se trouvant dans une ruelle toute proche. La boutique est là et je suis reçu aimablement par une gentille dame qui me précise qu’elle loue bien des chambres mais pour une période d’une semaine au minimum. Alors, une nouvelle fois j’insiste et je lui raconte même un « petit » mensonge en lui disant que je n’ai besoin que d’une seule nuit car j’accomplis un repérage pour un groupe de randonneurs qui reviendra certainement marcher à Bages pendant plusieurs jours au printemps prochain. Alors, j’ai le sentiment qu’elle paraît intéressée et qu’elle va un peu céder mais quand elle m’annonce la nuit à 90 euros, je comprends bien que le prix qu’elle me fixe est surtout dissuasif. Alors devant ma surprise, elle rajoute « vous savez pour une seule nuit ça me donne autant de travail que pour plusieurs car il faut que je lave les draps et la taie d’oreiller ! » Alors, je lui dis : « vous savez, je n’ai pas besoin de draps et je viendrais avec mon sac de couchage si nécessaire » et là, je ne sais pas si elle le fait exprès et elle rajoute « bon d’accord, je vous la ferais à 80 euros car j’aurais toujours la taie d’oreiller à laver ! ». Je lui réponds « Vous savez, je peux me passer d’oreiller et je peux vous offrir 60 euros ». « Je suis désolée, je ne peux pas descendre en dessous de 80 euros » me répond-elle. Voyant bien qu’il est difficile de trouver un terrain d’entente, je lui dis carrément que c’est trop cher pour moi. Alors, elle me raccompagne jusqu’à la porte de la boutique. Je quitte Bages, fortement déçu de constater que même hors saison, les prix d’une simple chambre soient si prohibitifs car je m’attendais à une fourchette de 45 à 60 euros. Je me souviens que sur le Tour du Vallespir puis sur celui du Coronat ou sur celui du Capcir, je n’avais pas payé ce prix-là pour une nuit dans une chambre d’hôtes avec souper et petit déjeuner inclus. J’ai du mal à comprendre. Je n’ai pas avancé d’un pouce dans l’organisation de ce Sentier du Golfe Antique et très étrangement, ça me rappelle la galère que j’avais vécu pour organiser le Tour des Fenouillèdes.
5- Cinquième mission : prendre des décisions et conclure. Quand je rentre à la maison, j’en suis à me demander si ce Sentier du Golfe Antique est réalisable tel que je veux l'entreprendre ? N'est-ce pas là la raison qu'il ait été « coupé en tranches » dans le topo-guide ? Première constatation, il faut que j’oublie l’idée de faire cette boucle en 4 jours et 3 jours me paraissent plus raisonnables même si les distances vont prendre un sacré coup de « rallonge ». Si je ne veux pas me trimballer un quelconque bivouac, l’étape Narbonne – Port-la-Nouvelle ou vice-versa devra être réalisée dans la journée. Après tout, ça fera une étape d’au moins 30 km mais c’est là la seule solution. A bien y réfléchir, il n’y a aucun dénivelé et le coup est donc parfaitement jouable. Les autres étapes, soit plus de 45 km, seront à partager en deux de préférence. Je change mon fusil d’épaule et je prends la décision de démarrer de Port-la-Nouvelle car j’ai la certitude qu’il sera plus facile de trouver un hébergement à Narbonne. Je sais que les hôtels « bon marché » du style Formule 1, BB Hôtel ou autres ne manquent pas. Les draps et les taies d’oreillers sont aussi propres qu’ailleurs et jamais je ne paierais 80 euros la nuit. Je regarde un peu les plannings de réservation sur Internet et de nombreuses places sont encore disponibles quelque soit les semaines à venir. C’est un « bon point » et j’arrête là ma première étape. A partir de là, la deuxième étape devient plutôt évidente et deux communes me semblent appropriées à me recevoir au soir du deuxième jour : Peyriac-de-Mer ou Portel-des-Corbières. Quand j’interroge Internet, aucune location, aucun gîte, aucun hôtel, aucune chambre d’hôtes n’apparaît pour la commune de Peyriac-de-Mer. J’en suis très étonné car je pensais que la cité était plutôt touristique mais c’est ainsi. A Portel, en sondant Internet, les opportunités ne sont pas pléthores mais il y a un grand hôtel et diverses « adresses » louant des chambres. J’envoie un mail sur le site de la mairie et là, surprise, quelques heures plus tard, je reçois un très gentil message avec une petite liste exhaustive de tous les hébergeurs présents sur la commune. Il n’y a pas de prix mais au fond de moi, je me dis que « ce serait bien le diable » si je ne trouvais rien de concret et de raisonnable. Il ne me reste plus qu’attendre mon « bel anticyclone » et si je trouve un hébergeur raisonnable à Portel, « Mon Sentier du Golfe Antique » sera bouclé mais à faire en 3 jours. Les semaines de septembre défilent. Le temps n’est pas mirobolant avec de nombreux passages nuageux sur le Languedoc-Roussillon même si la pluie n’est pas souvent de la partie. Je tiens absolument à partir avec du beau temps. Le dimanche 21 septembre, Météo France annonce une fin de semaine très ensoleillée sur tout le pourtour méditerranéen mais avec il est vrai une « bonne » tramontane. Je sais que la tramontane c’est la condition essentielle pour qu’un ciel bleu et un grand soleil soient de la partie. Je me laisse encore deux jours avant de réserver car dans les prévisions de Météo France j’ai très souvent observé un décalage dans le temps. Si mardi matin, les prévisions restent identiques, c’est décidé, je me lance dans l’aventure à partir de jeudi de préférence, voire de vendredi ou samedi selon les possibilités d’hébergement. J’attends le mardi matin avec anxiété et en croisant les doigts en espérant que la météo ne va pas changer du tout au tout comme cela arrive quelquefois. Le mardi matin, je « tombe du lit » et me jette sur mon ordinateur pour regarder les prévisions : les informations restent toujours les mêmes et il va faire « super beau » à partir de jeudi même si les rafales de vent venant du nord sont annoncées un peu plus violentes qu’initialement. J’allume la télé pour avoir une confirmation et les premières informations annoncent toujours une fin de semaine magnifiquement ensoleillée sur tout le midi de la France. Je me lance. Vers 10 heures, je commence par la liste que m’a gentiment envoyée la mairie de Portel. Ma préférence va à l’hôtel Relais de Tamaroque dont j’ai eu un aperçu le prix d’une nuitée en demi-pension sur le Net. Je téléphone mais malheureusement tout est complet pendant plusieurs jours. Je commence la liste des locations de chambres en prenant les téléphones dans l’ordre indiqué. Au premier et au deuxième appel, personne ne répond et je me dis que ça commence plutôt mal. Au troisième appel, une dame m’indique qu’elle ne loue pas pour une seule nuit et avant même que je puisse insister, elle raccroche. Décidemment, je n’ai pas de chance et encore une fois, je me demande si je vais pouvoir partir. Heureusement, le quatrième appel va être le bon, même si l’entame de notre conversation me laisse peu d’espoir. En effet, la gentille dame qui me répond ; Mme Noguero en l'occurence ; me précise qu’elle ne loue pas pour une seule nuit mais pour au minimum une semaine. Puis elle se ravise et m’indique qu’elle loue parfois pour les deux jours d'un week-end au prix de 120 euros. Je lui dis que j’ai besoin d’une chambre mais pour le vendredi soir seulement. Elle a l’air embarrassée mais paraît plus compréhensive et elle me répond que ce n’est pas possible car à partir du samedi, elle a un couple de clients qui arrive en fin de matinée. J’insiste en lui disant que si nécessaire, je décamperais très tôt le samedi matin. Elle m’écoute et semble plus ouverte que toutes les personnes auxquelles j’ai parlé jusqu’à présent. Elle écoute mon projet d’accomplir le Sentier du Golfe Antique. Elle semble comprendre mon désarroi de ne rien trouver sur le parcours. Elle semble compatir mais veut conclure en m’annonçant la nuitée à 80 euros. Elle aussi semble avoir « la toquade » de la taie d’oreiller à laver. Alors, j’insiste encore en lui disant que je trouve que c’est un peu cher pour mes finances et que ce n’est pas très logique si un week-end pour deux est à 120 euros. J’abats mon dernier atout en lui disant que je me passerais du petit déjeuner dont je sais qu’il est obligatoire et finalement elle craque en acceptant la nuitée à 60 euros. Je suis ravi de cet accord même si au fond de moi, je trouve encore le montant un peu élevé car c’est le prix d’une chambre dans un hôtel deux ou trois étoiles avec un petit déjeuner souvent copieux inclus. Je lui propose de lui envoyer un acompte mais elle refuse aimablement me précisant qu’elle me fait entièrement confiance. Je lui laisse mon nom et toutes mes coordonnées en lui précisant que je serais à Portel vendredi soir entre 17 et 19 heures mais que de toute manière, je l’appellerais en arrivant au village. Quand je raccroche, je suis enchanté et désormais, j’ai la quasi certitude que je vais réaliser ce Sentier du Golfe Antique. Toutefois, il me reste une dernière tâche à accomplir : trouver et réserver une chambre à Narbonne pour jeudi soir. Sur Internet et sur le site des hôtels Formule 1, il ne me faut que quelques minutes pour trouver cette chambre au modeste prix de 49 euros. Voilà, l’organisation n’a pas été simple mais j’y suis parvenu pour une fourchette financière globale à peu près raisonnable et il ne me reste plus qu’à préparer mes affaires mais ça je sais faire et je suis même rodé.
Derniers préparatifs :
Je ressors mon sac de 40 litres qui dormait depuis un an dans le grenier et que j’avais étrenné lors du Tour du Capcir l’an dernier. Ma liste de ce qu’il faut emporter est là dans le tiroir de mon bureau. Elle date de mon Tour du Vallespir et dormait gentiment dans l’attente d’une nouvelle longue balade. Je la consulte et en fait rapidement l’inventaire. En définitive, il ne me manque que peu de choses et presque essentiellement de la « bouffe », au moins pour le premier jour. Demain après midi, j’irais au supermarché chercher tout ça. J’enregistre le tracé des trois étapes dans mon G.P.S et imprime les différents tronçons de la carte I.G.N sur des feuilles au format A4. Je n’ai pas la carte I.G.N Top 25 appropriée mais elle ne me semble pas utile sur cet itinéraire bien mentionné. Les chances de s’égarer sur ce parcours sont infimes et surtout sans grand risque et de ce fait, les 6 ou 7 morceaux de cartes imprimées me semblent amplement suffisants. Selon les tracés rapides que j’ai effectués avec mon logiciel CartoExploreur, les trois étapes sont respectivement longues de 26, 22 et 21 km, ces distances n’étant qu’approximatives et surtout elles n’incluent pas les différents errements dont je sais déjà qu’ils seront nombreux et notamment après les arrivées. Je me connais. Mais en réalité, les distances m’importent peu et ce d’autant que les dénivelés et les montées cumulées sont très modestes et n’ont rien de comparables avec les derniers tours que j’ai pu accomplir. Ça me convient très bien ainsi.
C’est parti !
(*) Pourquoi Golfe Antique ? : Dans l’antiquité, les étangs de Bages-Sigean, de l’Ayrolle et de Gruissan étaient reliés entre eux et formaient un golfe en relation avec la mer. Le massif de la Clape était une île au milieu de ce golfe où se déversait l’Aude nommée alors « l’Atax ». Les alluvions de l’ Aude ont comblés ce golfe. L’étang de Bages-Sigean était longé par un grand axe de communication entre l’Espagne et l’Italie axe qui reliait les oppida. Hannibal partant à la conquête de Rome, emprunta cette voie (voie héracléenne) qui fut modernisée par les romains et rebaptisée « Via Domitia ». Dans ce golfe, Narbonne (en réalité Narbo Martius) était un port au commerce maritime très important. (Source Site du Comité Départemental de la Randonnée Pédestre de l’Aude / CDRP11). Rajoutons que de nombreuses preuves de cette activité maritime ont été retrouvées à divers endroits autour de l’étang actuel de Bages-Sigean (La Nautique, Mandirac, Sainte-Lucie, île Saint-Martin, Peyriac-de-Mer, etc...). Le seul aspect « antique » est d’ailleurs encore plus ancien que la présence des Romains puisqu’il est acquis que d’autres peuples les ont précédés autour du golfe comme les Elysiques mais également les Ligures et les Volques Tectosages à un degré moindre.
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Samedi 23 janvier 2021, 10h. Avec Dany, nous sommes à Néfiach pour réaliser une randonnée qui a pour nom « Le Sentier de découvertes et d’agrément de Néfiach ». J’ai eu connaissance de ce circuit pédestre grâce à Patricia qui gère le blog « A pied dans le 66 ». Sur ma demande, Patricia m’a gentiment transmis un tracé GPS allant de Néfiach à Caladroy et retour par une boucle empruntant en grande partie le sentier en question. Son tracé est donc un peu différent et un peu plus long que celui que nous envisageons de parcourir car le nôtre se veut plus proche du tracé originel inauguré en novembre 2011. Inauguré en grandes pompes car avec les principales « huiles » du département et de la Région, si j’en crois ce que j’ai lu sur Internet. Parmi ses personnages haut placés, le regretté Christian Bourquin dont on connaissait la passion pour la randonnée pédestre. Internet nous apprend aussi que ce sentier a été réalisé sous l’égide de la Charte Intercommunale du canton de Millas dont dépend le village, avec le concours de la mairie de Néfiach, de l’Office National des Forêts, de la Fédération Française de la randonnée et le soutien financier de la Région Languedoc Roussillon et du Conseil Général des Pyrénées Orientales. Certes j’apprends aussi qu’il s’agit d’un sentier d’interprétation avec 11 plaques botaniques, 5 pupitres dits d’agréments et une table d’orientation mais pourquoi autant d’intérêts pour un parcours pédestre qui est censé parcourir somme toute que des paysages de garrigues et de vignobles ? Parce que l’intention des concepteurs de la Charte Intercommunale du canton Millas est de créer en finalité un réseau de sentiers reliant les différentes communes entre elles créant ainsi un grande boucle pédestre autour de Millas. Quel beau projet en perspective ! Si tout ça me plaît bien, j’essaie de savoir si le projet a vu le jour 10 plus tard ? Et là, je ne trouve pas grand-chose quand au site de la Charte Intercommunale du canton de Millas, un message indique constamment qu’une mise à jour est en cours. Le décès prématuré et si soudain de Christian Bourquin aurait-il mis fin à ce beau projet ? Je le crains ! Au-delà de toutes ces considérations, une question me taraude avant de démarrer: « La garrigue néfiachoise serait-elle si différente du reste de la garrigue du Ribéral que je connais déjà si bien ? », « à moi de le découvrir » me dis-je comme seule réponse et en démarrant. Nous démarrons sous un ciel bizarre car d’un blanc argenté vers le sud et d’un bleu acier vers le nord. Dans l’immédiat, le soleil peine à traverser cette côte de mailles et il en sera ainsi une belle partie de la journée. A Néfiach, le démarrage s’effectue en direction du passage à gué enjambant la Têt. D’emblée, les découvertes promises dans le titre de la balade sont là. Pour moi, elles se présentent sous les traits de plusieurs bergeronnettes occupant les gravières du fleuve. Guère plus loin et toujours au bord du fleuve, une Buse et une Aigrette surveillent le rivage en quête d’une collation à se mettre sous le bec. Ravi de ces premières photos, je me dis « ça commence bien ! ». Le premier panneau botanique se présente peu après une jolie aire de pique-nique. Il est consacré au « micocoulier », arbre ô combien magnifiquement « échevelé » dans sa ramure hivernale complètement dénudée. Ici d’ailleurs, tous les arbres sont dénudés, ce qui m’arrange dans ma quête à vouloir photographier les oiseaux. Ils sont disparates en espèces mais les étourneaux sont de très loin les plus nombreux. Il en sera ainsi tout au long du parcours où les rassemblements d’étourneaux seront souvent visibles. Quelques mètres plus loin, le deuxième panneau est dédiée à l’Asperge sauvage, plante ô combien « malchanceuse » car c’est sa juvénilité qui est son principal attrait, attraction pour nous, mangeurs de « jeunes pousses » et friands d’omelettes. Encadré de cannes de Provence, l’itinéraire continue, passe devant l’entrée du domaine du Mas Galdric, le contourne et parvient jusqu’à un autre radier enjambant un fossé. Mon bout de carte IGN m’apprend que ce fossé, bien rempli d’une eau limpide, est la partie aval d’un ravin prenant sa source non loin d’El Puig Alt, un Pic Haut dont l’altitude à 396 m est quand même relativement modeste. Ce ravin a pour nom « Cougouillade (*), toponymie dont on pourrait penser qu’elle parle au provençal que je suis. Mais non ! Une « Cougouillade » et une « couillonnade » (*) sont apparemment deux mots à la définition bien différente ! Si c’est ici que commence la véritable mais humble déclivité, ce n’est pas elle qui m’inquiète. Non, ce qui m’inquiète ce sont les coups de fusil qui résonnent tout autour de nous et se rapprochent au fil de notre avancée. Or mis un 4x4 planqué derrière un bosquet, nous ne voyons personne, pourtant nous voilà contraints de nous mettre à crier pour que les tirs s’arrêtent. Ce n’est pas très rassurant et ce d’autant que nous n’avons pas pensé à prendre nos gilets fluo ! Je m’interroge : « Est-il normal qu’un sentier pédestre qui se veut « d’agrément » soit également occupé par des chasseurs ? ». « Ne peut-on pas leur réserver d’autres zones plus éloignées de ce sentier pour chasser ? ». D’ailleurs dès le départ ce terme « d’agrément » m’a déjà interpellé quand j’ai vu certains fossés remplis d’immondices dont certains comme calcinés pour les faire disparaître. Alors je me suis dit que si des personnes sont irrespectueuses de la Nature, on ne peut pas systématiquement incriminer les communes. Dans ces circonstances, leurs tâches ne sont pas faciles et elles ne peuvent pas être en surveillance derrière chaque citoyen. C’est triste mais c’est ainsi et je le constate souvent sur ma propre commune. Alors que j’en suis à m’interroger, les tirs les plus proches s’arrêtent et les quelques-uns qui subsistent se font plus lointains. Des crissements de pneus sur une piste voisine sont-ils synonymes de fin de partie de chasse ? La suite de la balade totalement silencieuse, tranquille et solitaire me le confirme et met fin à nos angoisses. Nous pouvons désormais marcher paisiblement et profiter pleinement des vues et panoramas qui s’ouvrent tout autour de nous : Massif du Canigou, les Aspres, montagnes du Vallespir, les Albères, la Méditerranée, la Plaine du Roussillon, la Vallée de la Têt et Força Réal sont les plus faciles à identifier. Seule au bord du sentier, une poubelle perchée et transformée en poste de chasse vient nous rappeler qu’ici les pouvoirs publics n’ont pas su choisir entre chasseurs et randonneurs. Auprès de la Nature, le « tri sélectif » est encore à faire entre ceux qui la tuent et ceux qui l’aiment ! Entre ceux qui dressent en son sein des poubelles en plastique pour anéantir la faune et ceux respectueux qui ramènent leurs déchets à la maison. Le sentier continuant de s’élever, il nous offre d’autres vues : le Domaine de Caladroy puis c’est le joli Mas de la Juliane, partiellement deviné au travers des arbres. Finalement et malgré l’heure précoce, nous arrêtons pour déjeuner au sommet d’une butte. Nous ne sommes pas loin du lieu-dit Roc Grand. Là, une ancienne vigne, aujourd’hui quasiment disparue, mais envahie désormais par une herbe bien sèche mais douillette est une invitation à s’y asseoir voire à s’y coucher. Une petite sieste serait la bienvenue mais c’est sans compter dans cet appareil que je déteste et qui s’appelle le « téléphone portable ». Si le smartphone n’était pas trop de la partie, je pourrais presque dire que c’est un pique-nique idéal et ce d’autant que de superbes vues se dévoilent sur les montagnes enneigées du Haut-Conflent. Et puisqu’il n’est pas idéal, je pars photographier des oiseaux pendant que Dany papote au téléphone. Pinsons et un rouge-gorge occupent le secteur et m’occupent une petite heure. Je retrouve Dany qui a fini de téléphoner et l'herbe tendre pour déjeuner. Avec salades « Sodebo », sandwichs triangles et riz au lait, la table est vite dressée et le déjeuner vite expédié. Nous repartons. Toujours très bien balisé, le sentier se poursuit entre garrigues et sous-bois et finit par s’ouvrir sur de vastes parcelles plantées de vignes et d’oliviers. Peu après, se présentent des panonceaux où différents choix directionnels sont proposés : Boucle par Caladroy plus longue ou celle vers Néfiach. Nous choisissons cette dernière. Malgré de multiples zigzags, nous gardons le cap « Sentier de découvertes et d’agrément de Néfiach » ou bien celui intitulé « Boucle Volta Néfiach ». Les deux mentions sont communes avec le circuit que nous voulons réaliser même si des variantes restent apparemment possibles. Au pied d’El Puig Alt, le vignoble a très largement empiété sur les bois et la garrigue, offrant à nos vues d’autres décors plus ou moins lointains. Il faut encore s’élever à gauche de ce petit Puig Haut pour atteindre le point culminant de ce circuit à 343 m d’altitude. Non loin de là, une table d’orientation, face au Canigou, a été installée. Pas si « étourdis » que ça, un groupe d’étourneaux a choisi ce pinacle comme piédestal à leur grapillonnages des raisins oubliés et à leur dégustation de baies sauvages. Le sentier redescend au milieu de jolies plantations de cèdres. De ludiques panonceaux continuent à nous offrir de la lecture soit botanique soit agro-pastorale mais d’un temps révolu. Plus bas, la garrigue reprend totalement ses droits. Ici les ajoncs, les cistes cotonneux et les chênes pubescents se livrent des duels de couleurs chamarrées. Des bancs ont été élevés à bon escient pour profiter pleinement des vues et de ce spectacle coloré. Par chance, un autre spectacle se déroule devant nos yeux, c’est celui de centaines de cigognes qui apparemment partent en migration. Elles avancent au dessus du fleuve Têt dans un vol étonnant car complètement désordonné, un peu comme si elles étaient ivres et dénuées du moindre sens d’orientation. Pourtant, malgré ce désordre aérien, elles avancent et disparaissent peu à peu de notre vue. Elles ont disparu mais on reste scotché là sur notre banc comme si nous attendions de nouvelles cigognes voire un autre spectacle aussi insolite. On se résigne à repartir. Dès lors que les cicatrices d’une carrière apparaissent droit devant, l’arrivée n’est plus très loin. Si on observe cette carrière dite de Bente Farine (**) et ses proches collines alentours, on remarquera que leur géologie est quasiment identique à celle des Orgues d’Ille-sur-Têt. Oui, ces collines sont constituées des mêmes dépôts alluvionnaires composés de sables, d’argiles et d’agrégats mais avec une différence capitale, ici les cheminées de fées sont bien moins majestueuses. Alors qu’à Ille-sur-Têt, les autorités ont pris conscience des merveilles que la Nature avait façonnées pendant des lustres et de l’intérêt touristique et commercial qu’elles pouvaient générer, ici on a laissé taillader les collines pour quelques tonnages de matériaux. Il ne faut en vouloir à personne car il fut un temps où chaque arpent de terre alluvionnaire près du fleuve était synonyme d’exploitations : vignobles, vergers, jardins potagers ou carrières tout était bon à exploiter et d’ailleurs Wikipédia nous apprend que même sur le site des Orgues d’’Ille-sur-Têt, il fût un temps où l’argile fut utilisée pour fabriquer des tuiles. On laisse ces collines sur notre gauche et l’on continue à suivre le balisage qui nous amène à proximité du fleuve Têt sans pour autant l’atteindre. On emprunte une passerelle de bois et le sentier se poursuit dans un décor où les figuiers de Barbarie poussent à profusion. La ligne d’arrivée se confondant avec le passage à gué, je m’y éternise en quête de quelques volatiles supplémentaires. Mais non, seule une Bergeronnette grise me salue de ses hochements de queue. Il est 15h, nous avons beaucoup musardé et avons pris plaisir à faire cette balade. Cette balade a été longue de 8 à 9 km environ et si je ne suis pas plus précis c’est parce que je n’ai pratiquement jamais utilisé mon GPS. Le point culminant est 343 m sous le Puig Alt peu après la table d’orientation. Néfiach étant à 115 m d’altitude, cela vous donne un aperçu de la modeste déclivité. Carte IGN 2448 OT Thuir – Ille-sur-Têt Top 25.
(*) Cougouillade : L’origine de cette toponymie serait celtique si j’en crois le livre de Pedro Bosch-Gimpera« Les mouvements celtiques-Essai de reconstitution ». Il précise qu’en Catalogne cette toponymie signifiant « cône, sommet, capuchon, etc…» abonde en relation avec le mot romain « cugutiacum-cucullae » et que l’on retrouve dans le mot catalan et espagnol « cogullada ». En France, la ville de Cogolin est un bel exemple de cette toponymie. Wikipédia nous dit « Cogolin est un promontoire s'avançant sur une plaine ; c'est ce genre de colline, que l'on appelle en provençal « cuquihon - couquihoun », qui a donné son nom à Cougoulin-Cogolin. Probablement de l'occitancoucouri, coucouli, gougouli « cône de pin » pour désigner une hauteur. Ici, à Néfiach, on peut facilement imaginer que ce ravin de la Cougouillade qui descend directement du Puig Alt est le « ravin de la hauteur ».
Quant au mot « couillonnade », mot dérivé de « couillon » du latin « coleus » « testicule », le Larousse nous donne la signification suivante : « Très familier : Erreur, sottise, imbécillité ou tromperie, duperie »
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Voilà comment en ce 15 février 2020, nous nous sommes retrouvés à marcher sur le « Sentier du Labyrinthe Vert » de Nébias. Ce jour-là, nous avions prévu d’aller randonner du côté de Sournia. Nos sacs à dos étaient prêts depuis la veille et il ne restait plus qu’à y mettre nos casse-croûtes. Au frais dans le frigo, une copieuse salade de riz, deux petits sandwichs-triangles et quelques compotes en constituaient l’essentiel. Depuis quelques jours, et hier soir encore, Météo France annonçait un grand ciel bleu sur toute la région et ce pour quelques jours. Un vrai et bel anticyclone. Aussi, à 7h du mat, en ouvrant le volet donnant sur le jardin, quelle ne fut pas ma surprise de constater que la totalité du firmament était complètement plombée. Tout était gris, mais le plus grave dans tout ça, c’est que rien ne laissait présager la plus petite éclaircie. Je partis de l’autre côté de la maison, me précipitais au milieu de la rue, mais là aussi tout était gris de partout. Vers le Canigou, le Mont Coronat et le Madres, aucune de ces montagnes n’étaient visibles, englouties qu’elles étaient sous cette chape cendrée. Quant au Montolier de Périllos dont j’aperçois en général le sommet au bout de ma rue, il était chapeauté d’une épaisse écharpe nuageuse comme le reste des Corbières. Oui, c’était bien l’ensemble du département qui était gris et même au delà. Une agacement froid commença à me monter à la tête. Me précipitant dans mon bureau, j’étais déjà entrain de ronchonner en me disant « comment Météo France peut-il se tromper à ce point ? » Oui, l’erreur était d’autant plus surprenante que les prévisions sur leur site continuaient à affirmer qu'un grand soleil allait rayonner et ce, à l’instant même où je les regardais sur l’écran de mon ordinateur. L’agacement se transforma en colère. Je pestais, et ce marmonnement revenait sans cesse en moi : « Oui, comme peut-on fournir une météo aussi décalée par rapport à la réalité ? ».
Dany se leva et je lui dis :
« Pour la rando, ça semble mal barré ! » lui expliquant la météo réelle et les mauvaises prévisions.
Toujours positive, elle me répondit : « Ecoute, on part à Sournia et nous verrons bien une fois là-bas ! » rajoutant « ça peut encore s’éclaircir » puis « le cas échéant, on improvisera ! ».
Tu parles d’une improvisation ? A 9H30, c’est au travers d’un épais crachin que l’on entra dans Sournia. La cité était déserte et comme la randonnée était de toute évidence « râpée », je pris immédiatement la décision de poursuivre la route vers Prats-de-Sournia. Là, depuis les premières hauteurs, Dany me fit remarquer qu’à l’horizon, beaucoup plus loin que le Bugarach dont on apercevait seulement la moitié de son pech, il y avait une longue frise bleutée. Très claire, elle contrastait avec le reste du ciel qui était sombre tout autour. Et là, comme un banal postulat, Dany s’exclama :
« Le mieux, c’est d’aller là-bas ! ».
« Là-bas ? Mais tu n’y penses pas. C’est très loin et c’est probablement la mer là-bas ! » lui rétorquais-je.
« Ecoutes, roule, nous verrons bien ! ».
On continua donc à rouler. Le Vivier, Les Cabanes, Fenouillet, Caudiès, Lapradelle, tous ces hameaux étaient enfouis sous une grisaille humide. A hauteur de St-Martin-Lys, un petit coin de ciel bleu apparut au dessus de la forêt de Fanges. Mais claustrés que nous étions au fond des Gorges de l’Aude, ce ne fut qu’une brève trouée. A Belvianes et Cavirac, en sortant des gorges, et comme si un rideau venait de se lever, un grand ciel bleu purgé de tout nuage apparut soudainement. J’étais estomaqué et n’en croyais pas mes yeux. Comme un diable sortant de sa boite, la frise bleutée que l’on avait vu à l’horizon était déjà là. « Bingo ! » s’écria Dany. A Quillan, c’était jour de marché et les réjouissances battaient leur plein. On se mêla à la foule, on flâna de stands en stands et d’étals en étals. Le temps passait et celui de la randonnée semblait bel et bien oublié, sauf le pique-nique car la faim était là. A midi, on quitta Quillan et son marché, direction Nébias, car je me souvenais d’une aire de pique-nique qui se trouvait au niveau des lacets de la D.117 juste avant le col du Portel. La table était bien là et on mangea la salade de riz avec autant de vigueur que si nous avions marché pendant plusieurs kilomètres On était heureux de cette merveilleuse météo et l’après-midi était encore devant nous. Dans le verdoyant vallon de Ginoles, on eut même droit à quelques belles circonvolutions orchestrées par deux vautours fauves. Tout en mangeant, je dis à Dany :
« Tu te souviens de Nébias ? »
« Bien sûr, il y a le labyrinthe ! »
« Et de l’année tu t’en souviens ? »
« Non, plus du tout, mais c’était il y a au moins 10 ans ! »
« 2007 exactement ! » « Il y a 13 ans » « Et tu sais pourquoi je m’en souviens ? »
« Non ! »
« Parce que c’est l’année où je suis parti faire le Tour du Coronat en solitaire ». « Je m’en souviens car le jour où nous avions accompli ce Sentier Nature de Nébias, il y avait le festival Eldorando de la randonnée à Quillan et quand j’avais évoqué l’idée d’accomplir le Tour du Coronat avec les bénévoles du Comité FFRandonnée des Pyrénées-Orientales, ils avaient tenté de m’en dissuader, prétextant que ce tour n’existait plus depuis plusieurs années, qu’il était certainement embroussaillé et que certaines portions relevaient même du domaine privé. Ils m’avaient même conseillé d’attendre car ils pensaient qu’un jour il serait réhabilité. » « Toi, tu souffrais de ta polyarthrite qui t’avait empêché de m’accompagner, alors j’étais parti tout seul, l’accomplissant en 2 parties distinctes » « Je me souviens encore très bien car la deuxième partie c’était pile-poil le lendemain du mariage de Carole (notre fille) ». « Ça te dirait de retourner à Nébias ? »
« Oui bien sûr ! »
Alors voilà comment nous nous sommes retrouvés 13 ans plus tard, à refaire, non pas « le Sentier Nature » un peu trop long pour le temps que nous avions à consacrer, mais le « Sentier du Labyrinthe Vert » un peu plus court que le premier. Alors, je ne vais vous raconter en détail cette balade. Non, à Nébias, ce sentier est parfaitement indiqué et balisé et si vous ne le connaissez pas, vous n’aurez aucune difficulté à trouver le départ et à l’accomplir. Non, la seule véritable chose qui m’ait désappointé et que j'ai retenue ce jour-là, comme cela m’avait déjà énormément marqué lors d’une randonnée aux Sources de l’Agly et de la Sals, c’est tous ces plants de buis desséchés et donc morts. Ici, comme du côté du Bugarach, cette plante est morte, sans doute à jamais, « bouffée » par la Pyrale du buis venue de Chine. Si ce désastre écologique m’a quelque peu perturbé, sa ressemblance invasive avec la pandémie du Covid-19 que nous vivons m’a depuis interpellé au point d’écrire à ce sujet dans Mon Journal Mensuel. Ici, à Nébias, sa disparition est d’autant plus gravissime, que les rochers et les buis dessinant le labyrinthe formaient le couple quasi parfait. D'ailleurs, la plupart des labyrinthes végétaux ne sont-ils pas fait essentiellement de buis, tans ce dernier est facile à sculpter ? Des roches en lapiaz comme sculptés par des géants et des buis que l’on pouvait tailler sans problème et à qui mieux-mieux pour donner une belle forme à ces merveilleux décors, voilà ce qu'était jadis ce Labyrinthe Vert de Nébias. Aujourd’hui, de ce couple si fidèle, le buis a disparu et force est de reconnaître que ce n’est plus comme avant, même si le lieu continue à mériter d’être connu et découvert. Même sans le buis, le vert ne manque pas dans cet univers où l’hygrométrie reste importante, mais les mousses, les lichens et les Barbes de Jupiter ne remplaceront jamais la brillance et la beauté du buis. Ce fameux « Buis toujours vert » auquel les anciens botanistes avaient donné à juste titre le nom latin de « Buxus sempervirens , signifiant « Buis à feuillages persistants ». Non seulement son feuillage n’a pas persisté au caractère « dévoreur » de la Pyrale mais du « toujours vert » nous sommes passés au « toujours gris ». Ne me demandez pas comment on dit gris en latin car de toute manière et quelque soit la langue, le gris sera toujours la couleur de la tristesse ! Cette balade a été longue de 4,7 km, non inclus la visite de Nébias et en flânant beaucoup nous l'avons accompli en un peu moins de 3h. Carte IGN 2247 OT Lavelanet – Montségur – Lac de Montbel Top 25.