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la berre

Etape 3 : Portel-des-Corbières/Port-la-Nouvelle 23,7km le 27 septembre 2014

Publié le par gibirando

Pour les raisons déjà invoquées dans mon récit, ce diaporama (comme les 2 autres) est agrémenté de diverses reprises de la chanson "La Mer" (en anglais Beyond The Sea) de Charles Trenet et Léo Chauliac. Elles sont interprétées ici et dans l'ordre suivant par 101 Strings Orchestra (instrumental), Luca Aquino avec Lucio DallaAudun Erlien et Wetle Holte (instrumental/chant), Acker Bilk (saxo), Alain Barrière (chant) et Biréli Lagrène (guitare jazz manouche). 

Etape 3 : Portel-des-Corbières/Port-la-Nouvelle 23,7km le 27 septembre 2014


 

- Portel-des-Corbières – Port-la Nouvelle.

 

- Hier soir, en lisant « Une porte dans les Corbières » de Robert Vila, j’ai appris que non loin d’ici, il y avait une église en ruines du nom de Notre-Dame des Oubiels. J’ai donc bien envie d’aller la voir avant de démarrer ma journée de marche. En réalité, en lisant ce recueil, j’ai compris que Portel-des-Corbières avait eu une Histoire très riche. Il y était question de gaulois et de romains, d’une bataille de la Berre, de Charlemagne et de Charles Martel, des Wisigoths et des Arabes, d’une terre cathare, autant de mots et de noms évocateurs mais pas suffisamment loquaces et instructifs au seul niveau de ce petit ouvrage. Beaucoup de ces mots résonnent à mes oreilles d’enfant, amoureux de l’Histoire de France et pourtant j’ignore tout de ce qui s’est passé ici. Le curieux que je suis voudrait donc bien savoir ! Je me promets d’étudier tout cela en rentrant. 8 heures. Comme promis à mes hôtes, me voilà déjà prêt à quitter le gîte. Après une douche bien revigorante, un petit déjeuner très copieux à la fois fait de ce que j’avais acheté hier soir mais aussi d’un gros bol de café et de lait solubles laissé par des locataires m’ayant précédés, j’ai parfaitement rangé mon sac, me séparant encore de tout ce qui me paraissait inutile. 8h30, Monsieur Noguero arrive. Il fait très rapidement un état des lieux sans bien sûr noter aucune anomalie car j’ai tout laissé aussi propre et rangé que je l’avais trouvé. J’évoque Notre-Dame des Oubiels et il me propose gentiment de m’y amener, ajoutant que ce n’est pas très loin. Effectivement et en voiture, il ne nous faut que quelques minutes pour y parvenir. Je le remercie pour son accueil, sa gentillesse et celle de son épouse et quand nous nous séparons, il me dit « n’hésitez pas à revenir, il y a énormément de balades à faire par ici ! ». Je me contente de lui répondre « je vous promets que je regarderai ça ! ». D’emblée, mais malgré son ample état de délabrement, cette église dégage quelque chose d’inhabituel et de singulier. Elle devait très belle mais surtout originale. On n’y reste pas insensible. Malgré son clocher-tour contrastant avec tout le reste de l’édifice, elle a un petit air de cathédrale gothique avec sa jolie rosace quasiment intacte (or mis le vitrail), ses arcades éventrées, ses contreforts et ses arcs boutants, le tout soutenant des voutes en ogives se terminant avec un clé de voute sculpté d’un animal. Ce n’est que plus tard que j’apprendrais qu’il s’agit d’un agneau, le nom Oubiels ou Ouviels ayant cette origine. Après une longue visite (mais j’y reviendrai encore) et de nombreuses photos, je descends dans la rivière La Berre et me retrouve rapidement au lieu-dit « Reînadouire », nom également lu dans le petit recueil. Ce nom signifie « la reine du gué » ou « Reine des eaux » et l’auteur prétend qu’il s’agit d’un ancestral passage de la rivière. Ici, entre deux rocs taillés par les eaux, un profond plan d’eau y est habituellement présent pour attirer les baigneurs les jours de forte chaleur, ai-je lu dans un magazine consacré à Portel. Mais aujourd’hui rien de tout ça et seule une ridicule flaque d’eau verdâtre subsiste au milieu d’une petite mer de galets blancs. Une bergeronnette grise en est la seule « estivante ». Elle part se percher sur un arbre en me voyant mais ne s’éloigne pas.  Pas facile de marcher dans ce lit, essentiellement pierreux de la rivière et ce d ‘autant qu’il est très loin d’être plat. Après la bergeronnette, c’est une Aigrette garzette qui s’envole à son tour. Estimant que j’ai vu l’essentiel de ce qu’il y avait à voir par rapport à mes lectures d’hier soir, je décide de grimper de l’autre côté de la rive. En effet, mon bout de carte IGN me laisse imaginer qu’un chemin s’y trouve menant à Portel. Après avoir galéré au sein du végétation plutôt touffue, le chemin est bien là. Il file effectivement en direction de la cité et débouche non loin du pont de Tamaroque à la sortie est de Portel. Chemin de Moncal annonce une plaque signalétique. Reste à retrouver le balisage jaune et rouge de la suite du parcours. Après quelques hésitations, je descends à nouveau vers la Berre. Là, près du stade communal, je finis par retrouver le bon itinéraire grâce à mon tracé GPS. Au milieu du vignoble, une large piste file parallèle à la rivière, puis quand les vignes disparaissent remplacées par un maquis, un étroit sentier prend le relais et s’en rapproche de très près. Si près parfois que l’on n’a aucune peine à imaginer qu’ici la rivière déborde assez souvent. Quelques bas-côtés défoncés ressemblant à des berges ravinées, des déchets gisant de-ci delà et des plastiques accrochés à des branches ou à des cannes de Provence sont encore là pour prouver qu’ici les crues sont sans doute récurrentes et agressives. Le chemin passe sous un pont autoroutier puis laisse sur sa droite les quelques bâtisses du lieu-dit Villefalse. Par un petit passage à gué, je m’y dirige par simple curiosité mais s’agissant d’un grand domaine avec maison de maître et de quelques propriétés apparemment très privées car copieusement clôturées, je ne m’y éternise pas et fais demi-tour. Bien m’en prend car j’arrive à une intersection prénommé Pech Maho où des panonceaux directionnels de randonnée sont disposés. Ici d’énormes travaux de terrassements sont en cours, travaux dont il est facile de deviner qu’ils sont en relation directe avec les crues de la Berre car une longue file de parements en béton forme le début de ce qui ressemble à une future digue. La dénomination Pech Maho m’évoquant quelque chose, il me semble utile de regarder mon bout de carte IGN. J’y vois mentionné le mot « oppidum ». Le lieu est tout proche et en tous cas à moins de 300 mètres selon mon estimation. Je me décide à faire l’aller-retour en empruntant un chemin longeant des vignes mais je ne sais par quelle circonstance, je me retrouve une fois encore tout près du lit de la Berre. J’y file parce qu’une fois encore j’y aperçois des passereaux. Si les oiseaux disparaissent, je découvre dans son lit un conglomérat de roches et de galets amalgamés. L’ensemble, qui est entouré d’une fondation en pierres de taille montées en appareil, ne fait aucun doute quant à son ancienneté.  Tout le reste de cet amas est noyé dans du mortier comme on le fait de nos jours pour constituer un grand coffrage. Si l’eau de la rivière a effectué son travail d’érosion continuel, il est évident que l’ouvrage est assez ancien. S’agit-il des restes d’un gué, d’un pont, d’un barrage ou bien d’un autre ouvrage hydraulique ? Sa présence dans le lit de la rivière peut soulever bien des questions, à moins que la rivière ait changé son trajet au fil des siècles et qu’il s’agisse d’un autre édifice n’ayant aucun rapport avec l’eau ? (Finalement, j’apprendrais plus tard qu’il s’agit d’une pile et du tablier d’un pont sur la Via Domitia, datant donc de l’antiquité, mais dont une mention dans un texte datant de 1335 a été retrouvée). Je quitte le lieu en continuant à longer le lit de la Berre bien asséché ici aussi. Finalement après quelques rares et petites vasques d’eau de-ci delà, j’atterris à un gué bien amoché lui aussi qui apparemment menait à Villefalse. Deux corneilles occupent l’endroit. Cette étrange découverte m’a presque fait oublié que je suis venu ici pour découvrir Pech Maho, alors je me mets en quête de le chercher. Il me faut moins de 10 minutes pour y parvenir et me retrouver devant un portail derrière lequel une longue butte de terre est sillonnée de multiples murets. Le tout est entourée d’un haut grillage infranchissable. Une pancarte annonce le programme « visite guidée uniquement » et  « d’avril en octobre le mercredi matin uniquement ou sur rendez-vous » mais le site est désert. Normal, nous sommes un samedi. Alors que je tiens mon aspect « antique » à portée d’appareil-photo, voilà que le mauvais sort m’en empêche. Je pars vers la droite du portail et me mets à longer la haute clôture dans l’espoir de quelques photos plus abouties quand tout à coup j’aperçois un gros trou dans le bas du grillage. Apparemment, je ne suis pas le seul à avoir eu envie de visiter le lieu un jour de fermeture, à moins qu’il s’agisse d’un pilleur de sépulture antique, ce qui n’est pas mon cas ? L’occasion est trop tentante, alors je me glisse au travers du grillage éventré. Me voilà à l’intérieur devant cet oppidum, ce premier vrai lieu antique de ce Sentier du Golfe éponyme. Oh, rien de vraiment folichon pour « l’antiquaire » curieux mais inculte que je suis. Je me contente de prendre des photos de l’ensemble de l’oppidum et sous tous ses angles sans bien sûr comprendre de quoi il s’agit, mais là aussi je me promets d’apprendre. Ce ne sont que des ruines mais j’y chemine avec une prudence dont je me demande si elle est bien utile, tant tout semble figé et sans grande fragilité apparente. Je suppose que si j’agis ainsi, c’est parce que je me sens un peu coupable d’avoir enfreint un interdit, même si bien sûr je n’ai aucun sentiment d’être entré par effraction, le grillage étant déjà cisaillé.  Enfin, je repars enchanté de Pech Maho, par le même chemin grillagé mais en évitant cette fois de me jeter dans la Berre.  Enchanté car je tiens enfin une raison concrète à cette dénomination « antique » qui semblait m’échapper depuis le premier jour. Alors que je divague autour de Pech Maho depuis presque une heure, il me faut moins d’un quart d’heure pour retrouver l’intersection et les panonceaux directionnels déjà aperçus. Sigean est indiqué à 3,3km et comme il n’est que 11h30 ça me rassure car j’envisage d’y déjeuner d’un gros et bon sandwich style jambon-beurre ou pan-bagnat accompagné d’une grande bière bien fraîche. J’en rêve car j’en ai un peu marre des salades style Sodebo toutes prêtes, des sandwichs-triangles, des gâteaux de riz industriels et des grandes gorgées d’eau plate. Finalement, ici au milieu des vignobles, et en l’absence de tout dénivelé , je peux me permettre de soutenir un rythme régulier sans être obligé de speeder. Par un énorme tuyau en tôle ondulée, le  large chemin passe sous la départementale, puis se poursuit sur le chemin du Pla et la rue de la Clauze pour atterrir dans la Grand-Rue du centre-ville de Sigean. De ce parcours depuis Pech Maho, seule la Nature a su me freiner : des oiseaux, un couple  de pigeons, une plate-bande ornée de grandes et jolies fleurs jaunes dont je pense qu’il s’agit de topinambours, un chat noir très gentil qui s’est laissé caresser avec réticence avant de se laisser aller. Outre cette Nature, je me suis également arrêté devant un graffiti, lequel au début de la rue de la Clauze montre un homme souriant accueillant le passant avec un surprenant doigt d’honneur. L’heure du déjeuner ayant déjà sonné dans mon estomac, la première brasserie ouverte est la bonne. J’y commande un gros pan-bagnat accompagné d’une chope de bière car même s’il y a des restaurants, aujourd’hui ce n’est pas ce dont j’ai envie. Quelques joueurs de Loto, qui devant moi, vont et viennent tenter leur chance m’incitent à risquer la mienne. Je remplis une grille avec des numéros dont la logique m’est toute personnelle (Elle s’avérera gagnante avec 3 numéros). Je quitte les lieux direction l’église Saint-Félix puis la mairie car selon mon bout de carte IGN j’ai le sentiment que la suite du parcours est dans ce secteur. Mon GPS me le confirme. Quelques panonceaux directionnels bien placés venant attester cette intuition, il ne me reste plus qu’à suivre le balisage bien présent. « Les Eoliennes 3,5km et Port-la-Nouvelle 9,8km » sont les mentions exposées du challenge qu’il me faut encore accomplir pour terminer ce Sentier du Golfe Antique. Si la sortie de Sigean, au milieu des lotissements et sur l’asphalte du chemin de Plaisance  est quelque peu fastidieuse et donc pas vraiment agréable et sans grand intérêt, les premiers vignobles et les premières pinèdes atténuent quelque peu cette « tribulation » obligée. Cette fois, l’itinéraire passe au-dessus de la départementale et voilà enfin la campagne. Certes je marche encore sur une petite route toujours bitumée mais avec des noms qui fleurent bons l’éloignement de la civilisation : « Souffleur de rêves », « Bellevue », « les Trois Fontaines ». Quelques oiseaux sont encore là pour que je reste aux aguets. Sur la modeste colline que je dois gravir, la vue d’un champ d’éoliennes est déjà synonyme de changement total de décors. Pourtant, avant de les atteindre, voilà que se présente la seule vraie déclivité à grimper depuis celle m’ayant amené aux Pesquis. Combien à gravir ? 50 m ? 60 m ? En 3 jours de « platitude », j’ai le sentiment d’avoir oublié qu’en randonnée une montée restait possible. Par bonheur, au milieu des vignes, des pinèdes et d’un agréable maquis, le tout plutôt bien verdoyant et parsemé de plusieurs cortals en ruines, je finis rapidement par ne plus penser à ce très modeste dénivelé. Les éoliennes sont belles. Enfin moi, je les trouve belles ! Elancées, affinées, pures ou épurées, pâles ou blanches, bien campées sont des qualificatifs qu’on peut leur attribuer comme à une jolie femme. Reste à savoir si sur la plan énergétique, elles sont aussi utiles et rentables que certains le prétendent, mais là je ne suis pas assez calé techniquement pour répondre à cette question. D’ailleurs, si l’on évoque une quelconque rentabilité, à qui profitent-elles est un autre interrogation qui n’est pas dénuée de fondement car j’estime que le citoyen a là aussi son mot à dire ? Si la réponse est « oui » et à tous, restons-en là, mais si c’est « non », malgré leur beauté, elles dénaturent les paysages et sont des entraves au fonctionnement normal de la Nature.  Apparemment, c’est cette dernière opinion qu’ont eu certains chasseurs qui ont cru bon de truffer de plombs quelques panneaux explicatifs de leur fonctionnement. Pourtant quand je lis moi-même ces panneaux tout semble merveilleux dans les meilleurs des mondes et les éoliennes semblent être l’avenir pour une énergie que l’on veut propre. Propre à n’importe quel prix ? Oui, d’un côté, on ne peut pas demander aux citoyens d’être écolos et de l’autre ne pas les intéresser à l’aspect « économique » d’une industrie de proximité qui se prétend propre. Personnellement, je suis contre les centrales nucléaires que j’estime bien trop nombreuses et donc bien trop risquées dans un petit pays comme le nôtre. Tchernobyl et Fukushima sont les preuves que des accidents très graves restent possibles et qu’adviendra-t-il de nous si un accident se produit en France ? Qu’adviendra-t-il de l’humanité si un gouvernant fou décide qu’il peut au travers d’un simple petit bouton rayer un pays voire la planète toute entière ? C’est en pensant à tout ça que se termine ma lecture de ces panneaux. Sous ces grands moulins blancs, je me sens tout petit et surtout un peu couillon devant tant de peurs, de doutes et d’interrogations. Je me dis que ce n'est pas le bon moment pour me polluer la tête ! Je ne trouve plus guère d’intérêt à m’y attarder et je continue le chemin. Ce dernier se faufile dans un maquis dont le seul attrait est d’être quelque peu changeant car creusé de plusieurs ravines partant dans tous les sens. Quelques oiseaux au plumage brun sont un deuxième attrait mais comme je n’arrive ni à les identifier et encore moins à les photographier, je suis forcément déçu. Des alouettes ou des pipits sans doute ? Non, des bruants finalement. Seules quelques fauvettes, facilement reconnaissables dans leur façon furtive de passer d’un buisson à un autre puis d’y disparaître, me contraignent à rester aux aguets. Il faut que l’horizon formé par la Méditerranée se dévoile pour qu’enfin mon intérêt pour les passereaux s’estompe quelque peu. Quelques vestiges nouveaux, un tunnel menant à un blockhaus et le support d’une ancienne batterie allemande sont les patrimoines encore visibles mais quelque peu déplaisants de cette Garrigue-Haute. Quand une jolie esplanade agrémentée de quatre tables d’orientation et de deux bancs se présente, je comprends que ce Sentier du Golfe Antique tire à sa fin. Port-la-Nouvelle est là, totalement visible car à quelques encablures. Ma voiture est sans doute à moins d’une heure de marche. La vue de la longue ligne droite formée par La Robine m’attriste un peu sans que je sache l’expliquer. Alors je flâne comme je l’ai quasiment toujours fait en terminant mes randos sur plusieurs jours. Comme toujours, je suis pris en tenaille dans une espèce d’indécision entre le désir d’en finir et de retrouver Dany et la maison et ce plaisir que j’aurais sans doute à marcher encore quelques jours si le parcours était plus long. Les panonceaux directionnels bien présents m’entrainent inéluctablement vers la ligne d’arrivée. « Combe des buis », « Cami des carrières », « Sentier Cathare » et voilà qu’enfin se présente pour la toute première fois depuis mon départ un panonceau « Les étangs – Tour du Golfe Antique ». « Il était temps ! » me dis-je. Le vrai départ était donc là tout près du théâtre en plein air dit de la Garrigue ? Je traverse un grand carrefour et le Canalet est là. Je sais qu’il ne me reste qu’à le suivre pour arriver. Alors je flâne sur son quai, mais même en m’arrêtant à tout bout de champs, ma voiture finit par être là. J’y dépose mon sac à dos dans le coffre et les écouteurs de mon baladeur enfoncés dans les oreilles, je repars à la découverte de ce petit secteur que je ne connais pas. Joli prétexte à bien y réfléchir ! Finalement, l’étang est encore tout près, lisse comme un miroir car le vent a totalement cessé de souffler. Je m’assois sur un banc d’algues sèches et écoute « la Mer » jouée ou chantée par divers interprètes. Je sais que la dernière chanson de mon baladeur est l’originale et donc chantée par Charles Trenet, alors je l’attends. Joli prétexte une fois encore pour m’éterniser ici au bord de ce petit paradis. Un petit paradis trop près de la civilisation à mon goût car perturbé par trop de bruits. Ceux des voitures passant sur le pont menant au port, ceux de rares petits bateaux empruntant la Canalet ou bien encore ceux de quelques trains passant à toute allure. Mais malgré ça je suis bien et comme prévue la chanson de Trenet finit par arriver. Je bois comme du petit lait les poétiques paroles en pensant à ma mère car je sais qu’elle adorait cette chanson.  Malade d’Alzheimer, recluse dans sa tête et dans un ehpad, elle arrive à la fin de sa vie mais au fond de moi, je sais qu’elle aurait bien aimé l’écouter : « Voyez Près des étangs Ces grands roseaux mouillés, Voyez Ces oiseaux blancs Et ces maisons rouillées…….. »

 

Finalement, quand je reprends la route pour rentrer chez moi, j’ai trouvé le titre du reportage que je compte écrire de ces 3 jours de marche…Ça sera « Voyez près des étangs, voyez ces oiseaux blancs ou 3 jours sur le Sentier du Golfe Antique ». Je ne pouvais rêver mieux !

 

Nous sommes le 27 septembre 2014, ma mère décèdera le 10 novembre. Je lui  dédie le compte-rendu de ces 3 jours, elle qui me disait toujours après avoir lu mes récits de balades « quand je te lis, je marche avec toi ». J’espère que là où elle est partie, elle peut encore me lire ?

 

Nota : Concernant les distances, je tiens à préciser qu’au cours de ces 3 jours, et malgré la présence d’un GPS dans ma poche, je n’ai pas enregistré de données. D’abord parce que cela ne m’intéressait guère et ensuite parce que mon GPS étant très ancien, je savais d’avance qu’il manquerait de précisions à ce propos. Cela ne m’intéressait guère car avant de partir je savais que j’aurais grosso-modo et au bas mot 75 km à parcourir. C'est la distance que j'avais lue. Je n’étais donc pas à quelques kilomètres près et ce d’autant que je savais que les dénivelés seraient nuls ou au pire très modestes. Sur mes vidéos, vous trouverez des distances mentionnées qui sont des estimations d’un simple point à un autre, c’est-à-dire de la commune de départ à celle d’arrivée. Ces distances, si elles tiennent compte des entorses que j’ai pu faire au tracé originel du Sentier du Golfe Antique fourni par la Fédération de Randonnée Pédestre, elles ne tiennent pas compte de mes différentes « sorties de route », c’est-à-dire de tous ces lieux où ma curiosité m’a entraînée et dieu sait s’ils ont été nombreux. J’ai donc voulu, mais par simple curiosité, à l’aide de mon logiciel CartoExploreur recalculer les vraies distances parcourues incluant toutes ces « sorties de route ». Le résultat final, mais approximatif encore une fois, est le suivant : Etape 1 28,4 km, étape 2 24,9 km et étape 3 23,7 km soit un total de 77 km. Je suppose que si vous envisagez de parcourir ce tour et que vous lisez au préalable mon récit vous ne serez pas à quelques kilomètres de plus ou de moins à parcourir. Quoi qu’il en soit, je vous le souhaite d’ores et déjà très agréable.

 

(*) Pourquoi Golfe Antique ? : Dans l’antiquité, les étangs de Bages-Sigean, de l’Ayrolle et de Gruissan étaient reliés entre eux et formaient un golfe en relation avec la mer. Le massif de la Clape était une île au milieu de ce golfe où se déversait l’Aude nommée alors « l’Atax ». Les alluvions de l’ Aude ont comblés ce golfe. L’étang de Bages-Sigean était longé par un grand axe de communication entre l’Espagne et l’Italie axe qui reliait les oppida. Hannibal partant à la conquête de Rome, emprunta cette voie (voie héracléenne) qui fut modernisée par les romains et rebaptisée « Via Domitia ». Dans ce golfe, Narbonne était un port au commerce maritime très important. (Source Site du Comité Départemental de la Randonnée Pédestre de l’Aude / CDRP11). Rajoutons que de nombreuses preuves de cette activité maritime ont été retrouvées à divers endroits autour de l’étang actuel de Bages-Sigean (La Nautique, Mandirac, Sainte-Lucie, île Saint-Martin, Peyriac-de-Mer, etc...). Le seul aspect « antique » est d’ailleurs encore plus ancien que la présence des Romains puisqu’il est acquis que d’autres peuples les ont précédés autour du golfe comme les Elysiques mais également les Ligures et les Volques Tectosages à un degré moindre.

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Etape 2 : Narbonne/Portel-des-Corbières 24,9km le 26 septembre 2014

Publié le par gibirando

Pour les raisons déjà invoquées dans mon récit, ce diaporama (comme les 2 autres) est agrémenté de diverses reprises de la chanson "La Mer" (en anglais Beyond The Sea) de Charles Trenet et Léo Chauliac. Elles sont interprétées ici et dans l'ordre suivant par Gypsy Jazz Caravan (instrumental), Tatania Eva-Marie & Avalon Jazz Band (chant)Neville Worthington (guitare), Alfonso Gugliucci (piano jazz), Sacha Distel (chant) et Richard Clayderman (piano).

Etape 2 : Narbonne/Portel-des-Corbières 24,9km le 26 septembre 2014


 

- Narbonne – Portel-des-Corbières

 

- Vendredi 26 septembre 2014, 7h. J’ouvre les yeux. Le jour est tout juste entrain de poindre et par la fenêtre restée entrouverte, le grand néon du Novotel projette une lueur bleutée à l’intérieur de ma chambre. Je me rase puis me précipite sous la douche. Avec satisfaction, je constate que le sol a parfaitement séché et que plus aucune trace de l’inondation d’hier soir n’est perceptible. Seules les serviettes sont encore bien détrempées malgré un essorage intensif et un tentative de séchage nocturne sur le bord de la fenêtre. Je prépare et range soigneusement mon sac, jetant au passage tout ce qui me semble inutile, morceaux de cartes I.G.N et emballages divers notamment. Je récupère le chargeur et la batterie de mon appareil photo que j’ai pris soin de recharger toute la nuit. Je réussis à remplir mes deux camelbacks directement au lavabo de la chambre. Dans une, j’y ai ajouté ma « dope », simple poudre énergisante mais ô combien efficace quand un coup de mou apparaît. Je les fourre dans les poches latérales de mon sac à dos en prenant soin de vérifier que leurs robinets sont correctement fermés. Tout est fin prêt et je laisse mon sac à dos et mon appareil-photo sur le lit. Je sors de la chambre et part directement vers l’accueil où m’attend le petit déjeuner. Un seul homme est déjà entrain de se servir. Ce qu’il y a de bien avec le petit déjeuner du Formule 1, c’est que tout est à volonté, liquides et solides, à une condition toutefois : arriver bien avant qu’il y ait une cohue. C’est le cas et j’en profite au maximum car je sais que tout peut changer très vite. Dix minutes plus tard, c’est effectivement ce qui se passe quand un groupe de touristes et les cyclistes aperçus hier soir se ruent autour des cafetières, des jus de fruits et des panières de pains, de biscottes et de viennoiseries alors que moi j’en suis déjà à terminer bien tranquillement une double ration sur la terrasse. La note étant payée, il ne me reste plus qu’à retourner dans la chambre chercher mes affaires. 8h30, je quitte l’hôtel et reprend exactement l’itinéraire qui m’a vu arriver hier en fin d’après-midi. Le soleil n’est pas encore totalement levé mais la circulation routière est aussi compacte qu’hier. Je redouble de prudence mais la connaissance du parcours me permet de marcher bien plus vite et d’éviter les endroits les plus périlleux. Je rejoins le Chemin communal de l’Arboretum en moins de vingt minutes alors que hier après-midi j’en avais mis le double. Ayant analysé la carte I.G.N, je sais que cette route va m’emmener directement près de l’étang de Bages au lieu-dit le « Vieux Moulin du Rey » où se trouve l’Arboretum. Au début de la route et posé contre un grillage où je l’avais laissé, je retrouve un vieux morceau de bois flotté que j’avais trouvé hier matin au bord de l’étang de l’Ayrolle. Magnifiquement lustré, il m’avait longuement servi de bâton de marche pour terminer cette première étape. Je le récupère. Ici, le chemin est désormais tout en descente et pour démarrer cette étape ça me convient très bien.  Au moment, où je dépasse les dernières maisons de Saint-Paul, j’entends une puissante détonation et une perdrix vient tomber à une dizaine de mètres devant moi au beau milieu de la route. J’aperçois un chasseur qui descend en courant d’une petite colline et qui se précipite pour se saisir de l’oiseau qu’il met immédiatement dans sa gibecière. Je le hèle,  mais sans réaction il tourne les talons et repars sans le moindre regard dans ma direction pourtant toute proche. A-t-il vraiment pris conscience que j’étais là, à quelques mètres de portée de son fusil ? Je poursuis la route bitumée qui finalement se transforme à une large piste terreuse à hauteur du Vieux Moulin du Rey. Ici, au bord de ce chemin, deux amoureux dont on voit bien qu’ils se cachent, s’enlacent en « se dévorant » la bouche . Je les surprends dans leurs étreintes. L’homme étonné de ma présence si soudaine et si proche se retourne et me dévisage d’un méchant regard. La femme, elle, se tourne de l’autre côté pour que je ne vois pas son visage. Si « constat d’adultère » il y a, je n’en ai cure et passe mon chemin le plus naturellement du monde. Toutefois, ce « fait divers » m’a fait oublier que l’Arboretum était là, tout proche. Je m’en aperçois bien trop tard et seulement en arrivant sur la D.105 devant des panonceaux de randonnées qui indiquent « Pesquis » à 1,5 km et « Bages à pied » à 3,6 km. Le « Mouli dal Rey », lui, est déjà dépassé d’une centaine de mètres. Je me dis que ce sera l’occasion de revenir et je file vers les Pesquis,  petit hameau perché sur une butte au beau milieu de la garrigue. En coupant, la D.105, j’emprunte une étroite sente souvent caillouteuse qui s’élève dans le maquis. Sur la carte I.G.N, il y a bien une variante, mais comme elle emprunte la route asphaltée, j’aime autant l’oublier. Malgré, la faible élévation, je prends beaucoup de plaisir à cheminer cette petite colline car les vues sur les marais tout proches et l’étang de Bages sont très belles. Le sentier est jalonné de postes de chasse mais par bonheur, aujourd’hui, aucun chasseur ne les occupe. J’en profite pour marcher bien tranquille et prendre de nombreuses photos. Une crête plus haute que les autres offre des vues sur le vignoble et sur les Roches Grises, quartier sud de Narbonne dont l'extension sur la colline est d'une triste évidence. Les Pesquis et Bages sont souvent en ligne de mire mais les nombreux passereaux qui occupent le maquis et que je tente en vain de photographier me les font le plus souvent oublier. Le sentier débouche sur une petite route bitumée menant assez directement aux Pesquis. Au passage, je note la présence d’un casot convenablement taggué, d’un puits sans doute séculaire puis celle d’une vieille croix métallique aux pointes en forme de fleurs de lys. Aucune mention n’en indique l’origine alors je les fixe simplement dans mon numérique. J’arrive aux Pesquis dont je visite très rapidement la quasi-totalité des ruelles. Le village est bien fleuri et il n'y a que ça qui m’intéresse car pour le reste, le hameau est désert et rien d’autre de concret ne retient vraiment mon attention. Je le quitte bien plus vite qu’il ne faut de temps pour l’écrire. Le sentier continue de monter. Sur la gauche, une jolie construction toute ronde attire mon regard. J’y file car sur le moment, je pense à un abri de berger, du style « orri pyrénéen » mais non, il s’agit sans doute d’un vieux puits car une porte métallique en obture fermement l'accès. Au moment où je repars un petit bruant, vient se poser tout près de moi dans un buisson d’églantiers. Je le photographie mais il me quitte aussi vite qu’il est arrivé. Au même instant, dans le ciel, un épervier survole la colline dont j’atteins le sommet quelques minutes plus tard. Les passereaux y sont nombreux. Avec quelques fleurs bleues que je ne connais pas et qui tapissent le sol à un endroit bien précis, ils seront les seuls à freiner mon ardeur à arriver à Bages. Entre maquis, pinèdes et vignes, le chemin redescend sèchement en direction de l’étang. Ce dernier scintille magnifiquement du côté de Bages, dont le village haut perché se trouve désormais sur ma droite. Lorsque j’y parviens, les panonceaux directionnels m’offrent le choix entre continuer vers Peyriac-de-Mer ou visiter la cité. Estimant que je ne l’ai pas suffisamment visité lors de ma récente venue à la recherche d’un couchage, je fais le choix de réparer cette anomalie. Des flamants roses, eux, sont toujours là et quasiment au même endroit, côté Anse des Galères. De haut en bas, c’est-à-dire de son église Saint-Martin et de sa table d’orientation jusqu’au petit port en passant par ses étroites ruelles, sa maison des Arts et ses pontons, tout Bages y passe en un temps que je veux le plus court possible. Dans ce désir de tout découvrir, sans ne rien oublier,  mais en minimum de temps, j’ai conscience que prendre de nombreuses photos est une réelle mais inévitable contrainte si je veux conserver des souvenirs. Finalement, le temps que je viens de tenter de gagner avec cette découverte au pas de course, j’ai le sentiment de le perdre dans ma quête à retrouver l’itinéraire du Sentier du Golfe Antique (*). Je retrouve le balisage à un carrefour Chemin de Ceinture et village des Pêcheurs puis je sors définitivement de Bages par la rue d’Estarac. Là, sur la route, et malgré de nombreux passereaux qui mettent en éveil mon appareil-photo, je prends conscience que je ne suis pas venu pour me « taper du bitume ». Dès la première occasion qui m’est offerte, je descends vers les étangs, malgré un tracé différent dans mon GPS. Oui, voilà ce que je suis venu chercher et observer ! De jolis sentiers sableux à cheminer, mais surtout des aigrettes, des mouettes rieuses, des hérons par dizaine et des flamants roses par centaine dans leur biotope préféré. Sans doute ai-je dérogé à l’itinéraire du Sentier du Golfe Antique et à certaines règles en venant jusqu’ici ? Mais voilà où je suis bien ! Là, dans cette Nature que j’aime tant et au milieu des oiseaux. Entre mon désir de les approcher au mieux pour les observer et les photographier et celui de respecter leur vie paisible, j’essaie de trouver le meilleur et juste compromis possible. Peu importe si mes photos ne sont pas « top » ! Et quand une guérite d’observation se présente au bout d’une longue lagune face à un attroupement de flamants roses, je n’hésite pas une seconde à ramper sur des dizaines de mètres et au milieu des graminées, des salicornes et des soudes pour les approcher au mieux sans jamais les déranger. Le résultat est au-delà de mes espérances. Ils ne s’envolent pas, se contentant de tourner leurs têtes de tous les côtés car ayant sans doute pris conscience d’une présence bien trop proche. A l'instant où ils replongent leurs têtes dans leur plumage, je comprends que « la fin du match est sifflée » . Je repars en rampant comme je suis venu. Ayant obtenu ce que je voulais, je retrouve sans trop de problème le bon itinéraire peu avant une croix consacrée à Saint Paul. C’est le bien nommé chemin de Saint Paul filant direct vers Peyriac-de-Mer. Ce Paul de Narbonne, ce n'est qu'en rentrant que j'en découvrirai l'Histoire. Ici, au sortir des étangs, tout à brûler et qui plus est très récemment car seule une herbe verte mais encore rase a eu à peine le temps de repousser. Pins, oliviers, maquis, champs en jachères mais aussi tourbières et roselières, c’est un quasi désert, si tristement noirci et contrastant avec la haute et belle végétation verdoyante que je viens de traverser. Une vraie catastrophe !  Je ne peux m’empêcher de penser à toute cette faune que l’on ne voit que de manière impromptue, brusque et épisodique parfois. A cet instant précis, c’est l’exemple des fauvettes qui me vient à l’esprit car j’en ai vu beaucoup depuis mon départ sans pour autant réussir à en photographier une seule ! Oui, que deviennent-elles quand un incendie tel que celui-ci les surprend dans leur milieu ? Par bonheur, le bon chemin de Saint Paul, non pas en bitume mais bétonné, se poursuit vers Peyriac-de-Mer dans une zone marécageuse que l’incendie semble avoir épargnée. Le vent a cessé et c’est l’occasion rêvée pour écouter « la Mer » dans différentes versions pas toujours aussi réussies que l’originale. « La Mer » en version reggae ou ukulélé, ce ne sont pas celles que je préfère ! Je crois savoir qu’elle fait partie des chansons françaises les plus reprises au monde alors on trouve un peu de tout !  Finalement, j’entre dans la commune de Peyriac par les lieux-dits L’Horte et l’Oppidum du Moulin où un panneau d’information m’apprend que les Romains étaient présents, des pièces de monnaie ayant été retrouvées. Puis c’est la Saline, l’étang du Sel Fort et du Doul avec leurs pontons que je connais déjà très bien pour y être venu randonner en 2010 lors d’une balade intitulée « Les Boucles de Peyriac-de-Mer ». Je m’y lance à nouveau avec l’idée d’y photographier quelques oiseaux. Une aigrette, quelques goélands et des foulques sont immortalisés.  Il est presque 13h, or mis les graines juteuses de deux grenades et quelques raisins grapillés, je n’ai pratiquement rien mangé depuis l’hôtel et comme un banc face à l’étang est là bien à propos, j’estime que c’est l’endroit rêvé pour déjeuner. Une petite salade toute prête et un gâteau de riz viennent tout juste apaiser ma faim. Je mange sous le regard d’un goéland planté sur un piquet. Il m’observe avec insistance et finit par s’approcher de moi. Je lui offre quelques pâtes de ma salade qu’il accepte bien volontiers. Quand je repars, il s’envole vers son piquet, sans doute un peu déçu de la modicité de mes offrandes. Le village est désert et seule la placette principale Joseph Aubin Fabre est animée grâce à la présence de restaurants dont les tables en terrasses sont bien occupées. Je m’installe à l’une d’entre-elles et commande un café mais également un jambon-beurre dont je précise la taille et à emporter. Dix minutes plus tard je repars. Je visite la partie du centre-ville que je n’avais pas eu le temps de visiter en 2010.  Je suis vraiment tout seul à arpenter les jolies ruelles. Je sors de Peyriac de la même manière, en solitaire et avec un peu ce sentiment qui me poursuit d’être le seul « bipède » capable de marcher. Il va en être ainsi jusqu’à Portel-des-Corbières où je vais déambuler sur des chemins comme si j’étais le seul être humain sur cette planète. Par bonheur, quelques oiseaux, lézards et papillons bien vivants vont me distraire, accepter ma présence et celle de mon appareil-photo. Si le parcours est très bien balisé, toujours en jaune et rouge, il s’immisce dans des décors suffisamment variés pour ne pas être trop ennuyeux. Quand le chemin le devient, je cherche des prétextes à quelques photos. Cette marche solitaire, et donc forcément sauvageonne, s’estompe un peu quand une habitation ou un domaine viticole se fait jour. Ici, des domaines viticoles, il y en a plusieurs. Sous un soleil de plomb et la poussière des chemins asséchant mon gosier, les châteaux Fabre-Cordon et du Grand Sabo sont de bien jolis noms qui donnent des idées de breuvage. Au regard des magnifiques paysages de vignobles que je traverse, ma tête d’ignorant des choses du vin vagabonde et n’éprouve aucune difficulté à imaginer les merveilleux nectars se cachant derrière ces enseignes apparemment nobiliaires. « Dégustation » il est écrit et si je n’étais pas si raisonnable, j’irais voir de quoi il retourne. Mais non, ça ne serait pas sérieux de déguster, d’apprécier et de ne pas acheter car je ne me vois pas me trimballer ne serait-ce qu’avec un « bipack » ou un « tripack » de bouteilles ! Devant le portail d’une très belle villa, le buste d’un empereur romain vient me rappeler que je marche sur un sentier dit « antique » et à bien y réfléchir c’est pour l’instant le seul objet représentatif de cette période que j’aperçois. Encore est-il de plâtre et pas vraiment sculpté ! Serais-je sur la bien connue « Via Domitia ou Voie domitienne » ou bien encore sur l’Héracléenne dont je sais leur présence commune par ici  ? Rien ne le mentionne mais ce n’est pas impossible au regard de ce que j’ai lu  à leur propos et de leurs trajets qui selon les historiens traversaient la Gaule dite « narbonnaise ». A voir ! En tous cas et peu après le château du Grand Sabo un grand menhir apparaît au bord du chemin. Simple pierre dressée ou vrai menhir ? Rien ne le dit. En tous cas, ce n’est pas une borne milliaire romaine car sa forme n’est pas celle d’une colonne burinée. A vérifier ! L’itinéraire est toujours bien balisé et quand une incertitude se présente, mes bouts de carte et au pire mon tracé GPS viennent à ma rescousse. Je n’hésite pas à les consulter au moindre croisement non balisé ou bien quand plusieurs possibilités se présentent. Finalement, c’est toujours tout droit sur un chemin que l’IGN mentionne comme étant « des Charbonniers ». Je décide de garder mon GPS allumé pour être sûr de prendre le bon chemin et surtout celui le plus court. Non pas que je sois en retard par rapport à mes hôtes mais je ne veux surtout pas l’être. Il n’est que 15h45 quand le panneau signalétique « Portel-des-Corbières » apparaît et malgré ma flânerie je suis content d’arriver. Les premières maisons sont là à quelques centaines de mètres mais j’attends un peu avant d’appeler Monsieur Noguero pour le prévenir de mon arrivée. C’est bien plus tôt que prévu, je ne veux pas le déranger et je vais marcher encore, bonne raison pour me faire une idée du village. Finalement, je m’aperçois que je risque d’errer dans le village fort longtemps si j’attends 17 heures comme prévu initialement. Il est 16h10 et je me décide à l’appeler lui disant que si c’est trop tôt je peux attendre. Il me répond qu’il arrive et effectivement 5 minutes après il est là. Très sympathique et chaleureux, à l’image identique de son épouse que j’avais eu au téléphone. Nous voilà partis vers le quai de la Berre où se trouve le gîte. Gîte est en réalité un mot peu approprié au regard des autres gîtes pour randonneurs où j’ai eu l’occasion de loger. Ici, je qualifierais le lieu d’appartement de très beau standing où tout est clean et d’une belle modernité. J’adore et franchement je me dis que j’ai peut être été incorrect de discuter le tarif d’une nuitée. Mais comment savoir ? Je m’installe, mais à vrai dire avec mon seul sac à dos, l’installation est vite bâclée. Il est tôt et je décide de partir visiter la partie la plus ancienne du village mais aussi d’aller trouver à manger pour ce soir et un peu pour demain. Par un pur hasard et parce que le gite est juste à côté, je commence par m’évader dans la rivière La Berre grandement asséchée à cette période de l’année. J’y trouve un terrain de jeu idéal car seulement occupée par une flore étonnante car foisonnante mais aussi par des bergeronnettes, chardonnerets, serins et autres pinsons qui trouvent ici le gîte et le couvert. Ils viennent s’abreuver dans les quelques poches d’eau subsistantes. Quand aux choucas des tours, ils logent à même les parois rocheuses et les hauts murs qui encadrent la rivière près du pont de Tamaroque. Dans cette vision agréable que j’ai de découvrir les lieux, les plus à plaindre sont les poissons, le plus souvent petits mais parfois très gros, qui vont et viennent comme des âmes en peine, emprisonnés qu’ils sont dans ces flaques d’eau qui n’auront de cesse de se restreindre si de grosses pluies n’interviennent pas très vite.  Après avoir joué plus d’une heure dans les gravières et sur les galets de la Berre, visité un peu la ville et fait quelques courses mes jambes commencent à ressentir les kilomètres d’hier et ceux d’aujourd’hui. L’heure est venue de les laisser se reposer un peu. Je passe la soirée à feuilleter quelques livres et magazines mais surtout  à lire un recueil de poèmes s’intitulant « Une porte dans les Corbières » d’un certain Robert Vila où bien évidemment la cité de Portel tient une place centrale. Un pur régal pour l’amoureux des poésies que je suis (mais livre introuvable sur le Net !). Je ne peux m’empêcher de faire des photos de la quasi-totalité du livre tant j’aurais sans doute l’envie de le relire une fois rentré à la maison. C’est sur ces jolis mots que se termine cette journée de marche dans des décors bien différents d’hier mais surtout très contrastés. Oui, ce Sentier du Golfe Antique a cet intérêt de changer de décors au fil de son cheminement. Savoir si demain il en sera encore ainsi ? C’est l’immense avantage de la randonnée pédestre que de ne pas savoir comment sera le chemin du lendemain ?  Ne pas savoir de quoi demain sera fait n’est pas angoissant quand il s’agit de randonner.

(*) Pourquoi Golfe Antique ? : Dans l’antiquité, les étangs de Bages-Sigean, de l’Ayrolle et de Gruissan étaient reliés entre eux et formaient un golfe en relation avec la mer. Le massif de la Clape était une île au milieu de ce golfe où se déversait l’Aude nommée alors « l’Atax ». Les alluvions de l’ Aude ont comblés ce golfe. L’étang de Bages-Sigean était longé par un grand axe de communication entre l’Espagne et l’Italie axe qui reliait les oppida. Hannibal partant à la conquête de Rome, emprunta cette voie (voie héracléenne) qui fut modernisée par les romains et rebaptisée « Via Domitia ». Dans ce golfe, Narbonne (en réalité Narbo Martius) était un port au commerce maritime très important. (Source Site du Comité Départemental de la Randonnée Pédestre de l’Aude / CDRP11). Rajoutons que de nombreuses preuves de cette activité maritime ont été retrouvées à divers endroits autour de l’étang actuel de Bages-Sigean (La Nautique, Mandirac, Sainte-Lucie, île Saint-Martin, Peyriac-de-Mer, etc...). Le seul aspect « antique » est d’ailleurs encore plus ancien que la présence des Romains puisqu’il est acquis que d’autres peuples les ont précédés autour du golfe comme les Elysiques mais également les Ligures et les Volques Tectosages à un degré moindre.

 

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