• Balade familiale au Mont Vinaigre (618 m) depuis la Maison forestière de Malpey


    Comme déjà indiqué, nous étions dans la Var en cette fin du mois d’octobre. Une fin octobre et un Var marqués par une météo incertaine, capricieuse voire féroce dans certains recoins du département (voir mon journal mensuel de novembre en hommage à Pierre  Lambert et aux étudiants de l’Université de Toulon-Sud). Malgré ce temps très mitigé, nous avons profité de la moindre éclaircie ou accalmie pour partir en balade. Après les Etangs de Villepey le 30 octobre, nous étions deux jours plus tard entrain de gravir les pentes du Mont Vinaigre, point culminant du massif du Massif de l’Esterel avec ses 618 mètres. Un Mont Vinaigre que j’ai gravi avec dans la tête l’envie de savoir pourquoi on l’avait appelé ainsi. Autant l’avouer, je n’étais pas le seul à me poser cette question et je constate, notamment sur Internet, que nombreux sont ceux qui s’y sont essayés. D’ailleurs, alors que nous roulions en direction de Malpey, point de départ de notre balade je me souviens très bien avoir entendu quelqu’un poser la question alors même que j’étais entrain de m’imaginer quelle pouvait être l’étymologie de mot « vinaigre »  Chacun y allait de sa propre idée : ma fille supposait que c’était à cause de la couleur rouge des roches (pas vraiment couleur vinaigre il faut bien le reconnaître) , ma femme pensait qu’on devait y avoir cultivé des vignes uniquement pour faire du vinaigre, et ma petite-fille en regardant la tour juchée sur son sommet m’a dit : « la tour, ce ne serait pas une fabrique de vinaigre ? » Ne connaissant pas la réponse, je me suis bien gardé de donner mon avis mais je me promettais de chercher car j’avais dans l’idée que la solution ne serait pas aussi simpliste que celles-ci. En effet, je sais par expérience que l’étymologie du nom d’un lieu est bien plus complexe car elle est très souvent liée à des langues ou dialectes qui ont eu cours dans une région donnée et qu’ainsi elle peut parfaitement remonter à la nuit des temps et varier en fonction de différences d’intonation, selon les accents de tel ou tel terroir et elle peut avoir de ce fait une relation très étroite avec une phonétique historique. Je me souviens avoir lu cela alors que je cherchais l’étymologie de mot « Naout » après notre balade au Sarrat Naout, point culminant du pays Fenouillèdes. A mon retour du Mont Vinaigre, je me suis donc attelé à cette recherche et en plus des supputations déjà avancées par mes proches, j’en ai trouvé une ou deux autres comme par exemple la récolte supposée d’une plante dont les fruits très aigres servent d’épices qu’on appelle le Sumac des Corroyeurs (Rhus Coriaria) mais parfois appelé par erreur « Vinaigrier », nom que l’on donne à un autre Sumac celui de Virginie (Rhus Typhyna). En tous cas, je ne sais pas si ces deux sumacs sont présents sur les pentes du Mont Vinaigre mais je sais avec certitude pour l'avoir photographié qu'il y en a un troisième du nom de Sumac Fustet (Rhus Cotinus ou Cotinus Coggygria) que l'on appelle plus communément l'Arbre à perruques. Non franchement, je ne pense pas que la justesse étymologique est un rapport avec la culture ancienne de ces plantes utilisées dans le tannage du cuir. Enfin certaines personnes rapprochent le Mont Vinaigre du Mont Aigre (450 m), sommet se trouvant également dans l’Esterel sur la même ligne de crêtes mais simplement séparé par la petite dépression de Malpey et pense qu’il y aurait eu peut être des vignes et donc du vin sur l’un et pas sur l’autre. C’est sans doute la réponse la moins idiote et en tous cas la plus proche de la vérité à un détail près non négligeable c’est que le vin n’y serait absolument pour rien. En effet, mes recherches me laissent à penser que dans la vrai toponymie du Mont Vinaigre, il faut d’abord séparer le mot « vinaigre » en deux « vin et aigre » puis éliminer le mot « mont » qui ne sert à rien sinon à créer un pléonasme. En effet, dès lors que l’on sait que le préfixe « vin » ou « bin » est une racine pré-indo-européenne signifiant « hauteur, mont, montagne ou sommet » comme on peut la trouver dans d’autres lieux tels le Vignemale anciennement Vinhamala, massif pyrénéen bien connu signifiant au sens le plus large « mauvaise hauteur », le mot « Mont » ne sert plus à rien. Quand au suffixe « aigre », il a pour origine le mot latin « acer » également d’origine indo-européenne signifiant pointu, tranchant, acéré, âcre, dur, etc….On peut à partir de là traduire très facilement le mot  « vin-aigre » en « mont acéré » ou «  mont difficile ».  Difficile à quoi ? A gravir bien sur car nos Anciens ne disposaient ni de pistes forestières carrossables et encore moins de routes bitumées. Voilà le Mont Vinaigre était dans des temps plus anciens, un montagne difficile à vaincre ce qui n’est plus la cas de nos jours car télécommunications oblige, une route asphaltée monte désormais jusqu’à son sommet. D’ailleurs, selon l’Histoire, rien n’a jamais été très facile dans ce coin-là, ces montagnes de l’Esterel ont été très souvent le repaire de brigands dont le plus célèbre d’entre-eux fut Gaspard de Besse dont on dit qu’une des grottes du Mont Vinaigre lui aurait servi de repaire pendant quelques temps alors qu’il était particulièrement recherché par la maréchaussée. Bien que la tradition populaire prétend qu’il n’aurait jamais blessé ni tué personne, en septembre 1780, il est arrêté, enfermé dans un cachot avec certains de ses compères, bénéficie d’un long procès mais il est malgré tout condamné et supplicié sur la roue à Aix-en-Provence en octobre 1781, châtiment ô combien barbare mais relativement coutumier pour l’époque. Mais sa pénitence ne s’arrête pas là, car après sa mort, on lui tranche encore la tête qu’on cloue sur un arbre, dans le théâtre même de ses exploits, au Bois des Taillades près de Lambesc. Il avait 24 ans. Pas étonnant que des noms de lieux gardent le souvenir de ce pénible passé et c’est le cas de notre point de départ, c'est-à-dire Malpey, là même où près de la Maison forestière, Gaspard de Besse et ses acolytes avaient détroussé les voyageurs d’une diligence. On dit que Malpey serait un « mauvais pic » ou plus simplement une « mauvaise montagne » à cause de l’insécurité qui régnait dans ce lieu. En effet, dans Malpey on retrouve « mal »  signifiant mauvais et « pey » signifiant pic dans la même lignée que les « puy » « puig » ou « pech » ou autre « pueyo ». Décidemment, on n’en sort pas de ces « détestables montagnes » varoises et comme disait Petit Gibus dans la Guerre des Boutons, « si j’avais su, j’aurais pas venu ! ».  Bien sûr, pour notre balade familiale, nous avons laissé les voitures dans la nature peu après la Maison forestière de Malpey vérifiant quand même à deux fois si les portières étaient bien fermées avant de nous en éloigner. Nous sommes montés à pied en grande partie par la route asphaltée mais également en empruntant une partie du G.R.51. A vrai dire, poussette et petite fille nous ont contraints à nous séparer en deux groupes. Certains ont préféré le 51, le G.R j’entends et d’autres, comme moi, la route forestière qui monte directement au sommet. Là, ceux qui avaient pris le G.R.51 à l’aller ont repris la route et moi, j’ai emprunté le G.R. Comme tous les G.R, ce dernier est balisé en rouge et blanc et il faut simplement prêté attention aux bifurcations. En réalité, sur le tronçon que nous avons accompli, il y en a deux seulement. La première traverse la route et est bien plus visible que la seconde. De toute manière, quelque soit l’itinéraire emprunté, il faut bien reconnaître que les panoramas que l’on embrasse tout en montant puis au sommet sont tout simplement époustouflants. De la Méditerranée toute proche jusqu’aux sommets alpins enneigés en passant par le Massif des Maures et le colossal Rocher de Roquebrune-sur-Argens, c’est une constellation incroyable de panoramas qui défile à 360°. Par temps très clair, la vue porte très loin jusqu’au Mont Faron, au Massif de la Sainte-Baume et même jusqu’à celui de la Sainte-Victoire. Si vous montez jusqu’au la tour de surveillance contre les incendies, chose que je n’ai pas faite par manque de temps, les vues vers l’ouest laisse entrevoir la Baie des Anges et le début de la Riviera italienne. Alors, n’hésitez plus, pour ces raisons-là et bien d’autres, le Mont Vinaigre vaut vraiment le déplacement. Vous apprécierez sans doute son aspect très déchiqueté, très escarpé et donc très sauvage, la couleur rouge de ses roches magmatiques formées de rhyolite qu’on appelle souvent à tort « porphyres rouges de l’Esterel ». Si la flore ne vous laisse pas indifférent, outre le maquis méditerranéen habituel, vous aurez l’occasion de côtoyer, aux endroits qui ont réchappés aux divers incendies, une forêt encore primitive constituée pour l’essentiel de chênes lièges, de chênes verts, de pins d’Alep, d’arbousiers, de fougères en épis mais de bien d’autres espèces dont il serait bien trop long de dresser une liste ici. Cette végétation est bien sûr très variée selon les versants et leurs ensoleillements mais vous y rencontrerez sans doute des arbres plus inhabituels comme l’eucalyptus, le cèdre, le charme, le mimosa ou les sumacs et même peut-être quelques espèces tropicales échappées de jardins comme les grévilliers ou les hakéas. Quand à la faune, je ne vais pas vous raconter d’histoires mais vous aurez peu de chance de rencontrer le cerf élaphe, le Molosse de Cestoni, la tortue d’Hermann ou encore le chat sauvage et pourtant ils sont les hôtes permanents et protégés de ces montagnes de l’Esterel.  Voilà quelques bonnes raisons d’aller y balader quelques heures, non ? Mais attention, ne vous trompez pas car il y a toujours dans le Var, un autre Mont Vinaigre mais situé sur l'île de Port-CrosCarte IGN 3544 ET Fréjus – Saint-Raphaël – Corniche de l’Esterel Top 25.

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