• Le Val de Siagne depuis Le Tignet


    "Alfie", musique de Burt Bacharach jouée par le saxophoniste Kenny G

    Le Val de Siagne depuis Le Tignet

    Le Val de Siagne depuis le Tignet (Alpes-Maritimes)


    Le 4 octobre 2015, en écoutant les infos, j’apprends que la veille, des trombes d’eau se sont abattues sur le Var tuant 17 personnes. 4 personnes sont encore portées disparues et plusieurs milliers de foyers sont toujours privés d’électricité. Parmi, ces infos, une d’entre-elles me déstabilise et me sensibilise tout particulièrement quand j’entends que 7 personnes au moins, parmi les 14, sont mortes noyées à Mandelieu-la-Napoule à cause des crues de la Siagne. Or, La Siagne est un petit fleuve alpin que deux mois auparavant nous étions partis découvrir en famille lors d’une randonnée pédestre. En écoutant cette actualité, je ne peux m’empêcher de me souvenir que je m’étais baigné dans une rivière plutôt paisible, j’y avais même gambadé dans son lit à cause de la faiblesse de son hydrométrie, photographiant la flore et la faune mais ignorant au passage les recommandations signalant certains dangers et notamment les éventuelles montées soudaines dues aux lâchers d’eaux pouvant intervenir en amont. C’est cette jolie petite balade au Val de Siagne et au départ du Tignet que je vous raconte ici. Jolie mais au goût un peu amer à cause de ses eaux que j’avais trouvées si raffraîchissantes mais dont je sais désormais qu’elles peuvent être aussi très meurtrières. En m’informant, j’apprends aussi que la Siagne, rivière au cours capricieux, n’en est pas à son coup d’essai et de nombreuses crues se sont succédées en 1994, 1996, 2000, 2009, 2011, pour les plus récentes et les plus majeures. Mais comment imaginer quand tout est si calme, et malgré les recommandations, que ces eaux pourraient être mortifères ? Nous sommes partis du Tignet, petit bourg des Alpes-Maritimes, non loin de Grasse et de la frontière varoise que matérialise la Siagne sur une bonne portion. L’Histoire nous raconte qu’à l’origine plusieurs crêtes du Tignet ont été successivement occupées par des camps Ligures puis par les Romains qui s’en étaient emparés. Sa toponymie (*) actuelle daterait de cette époque. De nombreux vestiges prouvant cette présence ligure puis romaine ont été retrouvés car les lieux bien irrigués étaient propices à l’agropastoralisme. Avec la chute de l’empire romain en 476, les invasions barbares se succèdent et mettent fin à cette période de prospérité. Puis c’est au tour des Wisigoths, des Burgondes et des Sarrazins d’occuper la région malgré l’emprise foncière de plus en plus grande de la communauté monastique de Lérins. C’est cette même communauté que j’avais brièvement évoquée dans ma randonnée précédente au Pic du Cap Roux depuis la Sainte-Baume de l’Esterel. Au fil des siècles, le rayonnement des moines s’étend dans tout le Val de Siagne grâce aux donations dont ils sont les bénéficiaires. En 1348, toute la Provence est victime d’une grave épidémie de peste et cette calamité ajoutée aux brigandages qui se multiplient finissent par avoir raison de la vie au Tignet. A partir de là, le hameau entre dans une longue période de dormance avec même des cycles où il est complètement inhabité. Longtemps rattaché à Cabris, Le Tignet devient une commune à part entière en 1711 puis complètement indépendante en 1790. Les guerres se succèdent (18701914 et 1939) et l’exode rural ajouté aux victimes des conflits, la démographie du Tignet connaît des chutes spectaculaires et ce, malgré une activité économique réussissant à se diversifier au fil du temps. Il faut attendre 1958 pour que la tendance s’inverse définitivement et de nos jours la commune est en passe d’atteindre les 3.000 habitants. En 1889, dans le cadre du projet de la construction d’une voie ferrée métrique Nice-Meyrargues, ligne intitulée plus tard « Central Var », on note l’édification d’un viaduc de 300 m de long et de 72 m de haut enjambant la Siagne. Ce viaduc est souvent attribué à tort à Gustave Eiffel alors qu’il n’est que le dessinateur. Le 24 août 1944, les Allemands acculés après le débarquement de Provence le détruisent lors de leur retraite. Nous allons avoir l’occasion de côtoyer une pile de ce viaduc lors de la balade. Au Tignet, il faut rejoindre le parking qui se trouve sur l’avenue de l’Hôtel de Ville, en face de la caserne des Pompiers. C’est le point de départ. Là, on se dirige vers la traverse des Planasteaux pour emprunter le chemin des Planasteaux puis un peu plus loin le chemin de la Grosse Colle. Ne vous inquiétez pas ce « Circuit du Val de Siagne » est parfaitement balisé grâce à un bon nombre de panonceaux qu’il suffit de suivre. Le chemin de la Grosse Colle descend dans une végétation plutôt diversifiée mais toujours verdoyante. La végétation la plus surprenante, ce sont tout de même ces arbres tropicaux croulant sous les grappes de fruits que l’on aperçoit d’emblée dans les premiers jardins. Ensuite, on aperçoit également des cormiers chargés également de fruits, plus communément appelés « sorbiers domestiques ». Peu après, les arbres deviennent plus communs : feuillus, pins et mimosas se partagent d’abord l’espace puis le décor prend plutôt des airs de garrigues à l’approche de la rivière : genets, bruyères, arbousiers, filaires, chênes verts et kermès sont en grand nombre même si les pins et certains feuillus restent encore bien présents. Sur la gauche, la pile du viaduc, évoqué plus haut, apparaît peu à peu aux regards. La berge de la Siagne est déjà là et ce qui me frappe d’emblée, c’est ce panonceau indiquant un danger à s’aventurer dans son lit, même par beau temps, à cause des éventuelles montées soudaines des eaux dues à des lâchers dans des usines hydro-électriques ou des barrages en amont. Au regard de cette belle rivière si peu profonde avec son eau si limpide, je suis forcément un peu déçu car en général, je résiste difficilement à la tentation d’un bain dans un cadre aussi rafraîchissant. Mais comme aussitôt nous repartons par un étroit sentier qui suit le lit de la rivière, j’oublie très vite ce panneau de recommandations. Ce sentier ombragé que nous cheminons, j’apprendrais plus tard qu’il s’agit de l’ancien chemin rural de Saint-Cassien. J’ai aperçu un petit oiseau furtif faisant des va-et-vient répétés le long de la rivière. Il s’est posé sur un gros rocher blanc. Pas de doute, c’est bien un Martin-pêcheur que j’ai dans mon objectif. Une seule photo et il s’est déjà envolé. Je ne le reverrais plus. Nous passons devant le pilier du viaduc où une date gravée sur une plaque murale nous en rappelle son édification : 1889. Nous poursuivons notre marche en quête d’un coin pour pique-niquer avec de préférence une jolie petite grève pour que les filles puissent tremper leurs pieds. Cette promenade, pas toujours très rectiligne, ni plate, mais bien ombragée s’effectue dans une véritable corne d’abondance végétale : ormes, noisetiers, chênes et charmes couvrent de leurs hautes et tentaculaires ramures une végétation plus basse mais ô combien dense : lianes, lierres, fragons, ronciers, redouls et lauriers-tins par exemple. Notre balade tient plutôt de la flânerie et parfois même de la franche « déconnade » que d’une vraie randonnée. Il est vrai que nous avons tout notre temps et aucun but précis autre que celui de trouver un coin où poser nos fesses. Quelques branches en surplomb des flots et voilà que la plupart d’entre nous se transforment en des Tarzans du dimanche. Une sauterelle sur le sentier, une grenouille dans la rivière, et voilà les filles qui se mettent à grimacer dans de ridicules et mauvaises imitations. Moi, je passe mon temps à capter tous ces grands moments de bonheur dans mon numérique et ça suffit au mien. Le coin à pique-nique est enfin trouver et semble satisfaire tout le monde. Moi, j’ai déjà bazardé aux oubliettes, le fameux panonceau « Danger » et avant même de déjeuner, je suis déjà à gambader dans le lit du cours d’eau. J’y découvre tout ce que j’aime en randonnée : la nature et le plaisir de me baigner dans une eau cristalline. La nature, c’est la flore et la faune que je peux photographier à ma guise et le plaisir de me baigner me parait tellement sans risque car j’ai de l’eau à hauteur du mollet. Jérôme m’a rejoint. Les quatre filles, elles, se contentent de mouiller leurs orteils. Crainte des galets, peur des bestioles, eau bien trop froide et peut-être aussi la prudence que nous, les deux garçons, avons très vite oubliée. Le pique-nique terminé, nous repartons. Moi, je suis déjà ravi de cette balade car j’ai déjà une belle moisson de souvenirs, de fleurs et de bestioles diverses et variées : grenouilles vertes et rieuses, papillons, insectes, oiseaux et même un minuscule coquillage ressemblant à un cône voire à un bigorneau tel que l’on peut en découvrir dans la mer. Seul petit regret, je n’ai pas aperçu la « Grenouille Agile » pourtant mentionnée sur une pancarte comme fréquentant régulièrement la Siagne. Moins de 5 minutes après avoir démarré, nouvel arrêt baignade mais cette fois dans un étonnant trou d’eau beaucoup plus profond mais aux eaux toujours aussi transparentes. Pour Jérôme et moi, une nouvelle invite presque incontrôlable tant nous sommes attirés par ce puits sirupeux où se mélangent les couleurs turquoise et émeraude. Nous assouvissons notre envie de baignade de quelques plongeons et de quelques brasses mais l’eau est si glaciale que nous n’y campons pas ! Nous sommes à quelques mètres d’une passerelle, celle de Lignière menant à la chapelle de Saint-Cassien des Bois toute proche. A coup sûr, je serais bien parti la découvrir mais au moment, où nous poursuivons toujours rive gauche pour franchir le vallon de l’Attelée sur une autre passerelle, j’ignore tout de cette chapelle et comme Jérôme est notre guide, j’en suis réduit à le suivre. Dommage, j’aime bien les vieilles chapelles qui ont une histoire derrière elles. Celle-ci date paraît-il du 12eme siècle et juste à côté il y a également une tour du 11eme. Je reviendrais peut-être ! Désormais, le sentier s’élève sans cesse à l’ombre d’une forêt de feuillus où les châtaigniers sont bien présents. Sur notre gauche, le vallon de l’Attelée est très boisé également. Quand les châtaigniers disparaissent, on retrouve cette végétation mi-maquis et mi-pinède déjà aperçue ce matin sur le chemin de la Grosse Colle. Je traîne à l’arrière comme jamais, non pas à cause de la déclivité plutôt tranquille ; moins de 200 m pour rejoindre Le Tignet ; mais toujours en quête d’une photo d’un oiseau ou d’un papillon dont j’aperçois quelques spécimens régulièrement sans jamais en voir un seul se poser. Les autres ne m’attendent pas et grimpent d’un bon pas. Je m’en moque et finalement ma persévérance finit par être récompensée sous la forme d’un Sylvain azuré, superbe papillon noir tacheté de blanc puis d’une Fauvette à la calotte noire. Le fond d’un vallon est traversé mais on le délaisse rapidement pour remonter sur l’autre versant de la colline. La végétation change encore et désormais, l’étroit sentier file sous de tristes mimosas sur un terrain sablo-argileux plus agréable que les caillasses précédemment cheminées. Ce sentier finit par déboucher sur une piste plus large et on comprend aussitôt que la balade tire à sa fin et ce d’autant que quelques belles villas blanches se révèlent déjà sur les collines alentours. Finalement, cette piste terreuse se transforme en bitume au quartier des Planasteaux. Nous sommes sur le chemin éponyme pris à l’aller. La montée et la « bonne » canicule ont finalement raison du souffle et des mollets des filles, je dépasse tout le monde. Le parking est là et son local à toilettes avec robinet et eau froide arrive à point nommé pour rafraîchir tout ce petit monde. La balade a duré 4h15, arrêts inclus et il faut donc compter moins de 3h pour la réaliser non-stop. Bien que je n’ai eu aucun moyen personnel de le vérifier, ni GPS ni carte IGN et ni podomètre, j’estime la distance de cette boucle à 7 à 8 km environ. Carte IGN 3543 ET Haute-Siagne Top 25.
    (*) Selon les historiens, le nom « Tignet » aurait pour origine le nom donné à leur camp par les Romains : « Castrum de Antinhaco ». Il était perché au sommet de la crête de l’actuel Tignet. Il deviendra successivement « de Antinoco » puis « de Antinieto » pour se transformer peu à peu en Le Tignet. Selon certains toponymistes, les mots « tigne » ou « tignet » pourraient avoir pour origine le mot latin « tinea » désignant une « mite » et qui finalement aurait donné le mot « teigne ».

     

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