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3 jours à l'hosto...., 3 jours de philosophie ?
En ce 19 février 2021, jour anniversaire de ma 49eme année de mariage, la veille j’étais rentré à l’hôpital pour une coronarographie, mot presque aussi difficile à prononcer qu’à subir sa technicité dans la réalité. Il s’en est suivi la pose de 3 stents sur des artères coronaires. A presque 72 ans, jamais je n’ai autant pensé à la mort pendant ces 3 jours passés à l’hôpital. Je n’y pensais que par intermittence, mais quand j’y pensais c’était pénible mais pas pour autant toujours difficile à vivre. En réalité, mes pensées variaient selon leur teneur, tantôt sereines tantôt angoissantes. Pourquoi avais-je ces pensées ? J’étais bien incapable d’affirmer quoi que ce soit mais les suppositions, elles ne manquaient pas. La première était que prenant de la bouteille et rencontrant un problème de santé inédit et surtout inattendu, l’addition des deux éléments engendrait ces idées parfois noires, grises le plus souvent et quelquefois sans couleur. Pourtant, ce n’était pas, loin s’en faut, ma première hospitalisation. Non, j’en étais déjà à de très nombreux séjours, et d’ailleurs en les listant dans ma tête, j’essayais de me convaincre que ce n’était qu’un passage supplémentaire : longue hospitalisation dans les années 70 pour laquelle les médecins avaient été hésitants entre une hépatite virale et une leptospirose , opération d’une hernie discale dans les années 90, puis s’en étaient suivies l’ablation de la vésicule biliaire, l’ablation d’une tumeur sur une parotide, la pose en 2015 d’une endoprothèse sur l’aorte et les iliaques à cause de 3 gros anévrismes qui grossissaient au fil des ans et enfin les poses à 6 ans d’intervalles (2014/2020) de lentilles multifocales suite à une cataracte aux deux yeux. Ajoutons à tout ça quelques coloscopies et fibroscopies pour des problèmes digestifs récurrents et deux entrées aux urgences pour des coliques néphrétiques et le « panier de soins » comme on dit de nos jours était déjà très plein. Un panier très difficile à trimballer quand on prend de la bouteille et ce d’autant que la médication, toujours trop chimique, va avec. Toutefois, toutes ces hospitalisations auraient du me conforter dans l’idée que ce passage-là n’était qu’un de plus mais à ces pensées étaient venus s’ajouter le décès de quelques amis qui m’avaient été chers à un instant de ma vie. Amis, très souvent de mon âge, voire plus jeunes que moi, avec lesquels j’avais fait un bout de chemin plus ou moins long. Je me disais « Pourquoi sont-ils partis si jeunes et pourquoi moi serais-je à l’abri de la mort ? ». Mon frère aussi était parti très jeune à 46 ans et mon père aussi à 64 ans. « Oui, pourquoi pas moi ? » est presque devenu une idée fixe lors de ces 3 jours à l’hôpital. A ces inquiétudes, venaient également s'additionner le Covid et ces infos récurrentes qui depuis quelques semaines faisaient du virus une maladie hautement nosocomiale. Une véritable explosion des contaminations avait lieu au sein même des hôpitaux affirmaient la plupart des médias. Et malheureusement ces mauvaises nouvelles avaient coïncidé avec mon entrée à l’hosto. Oui, un monceau de pensées négatives allaient et venaient dans ma tête auxquelles s’ajoutaient bien d’autres beaucoup moins « terre à terre » du style : « personne ne t’a jamais rien dit de la mort », « pourquoi n’apprend-t-on rien d’elle à l’école ? », « on aurait pu un peu nous en parler ! », « pourquoi est-ce un sujet que l’on évite d’évoquer aux enfants ? », « Ne rien savoir d’elle, n’est-ce pas la raison principale qui nous la fait appréhender ? ». Je me souvenais que mes parents avaient toujours fait en sorte de nous tenir éloignés des morts et notamment lors des enterrements, le premier auquel j’avais assisté étant celui mon père et j’avais déjà 31 ans. Finalement, quand les pensées revenaient, le plus difficile était d’être seul, sans personne de la famille pour partager mes angoisses voire pour en parler, tenter de les évacuer pour ne plus y penser. Je me disais aussi « Si je dois partir, j’ai envie au préalable de dire je vous aime » à ma femme, à mes enfants, à mes petits-enfants et à bien d’autres personnes qui me sont chères, proches ou pas. Oui, c’était ça le plus difficile à vivre « ne pas avoir le temps de dire je t’aime » à ses proches, de dire que j’aime la vie, la Nature et que très souvent tous me le rendent bien. Il me paraissait si indispensable de le dire. Finalement, la coronarographie se passa tant bien que mal et si l’inquiétude ne disparaissait pas totalement, je m’efforçais de la compenser par des pensées plus positives du style « je me sens encore jeune », « je ne suis pas encore mort », « j’ai encore tellement de choses à voir et à faire », « j’ai envie de surmonter ce problème », « je veux encore profiter de la vie », « j’aime la vie », « je vais aller de mieux en mieux ».
Si les sorties de l’hôpital sont toujours très attendues, celle-là plus que les autres à cause de ces pensées, elle eut un goût tout particulier. Je l’attendais avec beaucoup d’impatience mais quand je me suis retrouvé dehors, je ne retrouvais pas cette bouffée d’air si rafraîchissante que j’avais connue lors de mes sorties précédentes. Le masque anti-Covid que j’avais mis dans ma chambre pour ne l’enlever dès lors que je fus hors de l’hôpital, ôta ce plaisir tout simple d’une grande bouffée d’air qui entre dans la gorge, se transforme en une apnée spontanée et semble irriguer votre être tout entier. Par bonheur, il fut remplacé par la centaine de mètres que je fis en marchant sans trop d’effort, sans souffle court, objet de ce séjour, et puis surtout il fut très vite remplacé par le plaisir de retrouver Dany qui était venue me chercher.
Plusieurs jours plus tard, je n’ai pas totalement cessé de penser à la mort mais beaucoup moins souvent que pendant ces 3 jours à l’hosto, et puis surtout avec moins de crainte car je l’oppose constamment à mon envie de vivre. Oui, à bien y réfléchir ces 3 jours à l’hosto ont été 3 jours d’apprentissage. Un apprentissage de la mort en quelque sorte. Une philosophie. Et quand j’y repense, je sais qu’il y a eu aussi des grands instants d’apaisement. Des instants où si elle était survenue, je l’aurais accueillie avec tourments et questionnements certes mais avec philosophie. Si Platon, Cicéron et Montaigne étaient apparemment d’accord pour affirmer que « philosopher, c’est apprendre à mourir », on peut effectivement philosopher sur le sujet et se dire que réfléchir sur sa mort la rend plus acceptable. J’ai quand même le sentiment que c’est un peu ce que j’ai vécu lors de ces 3 jours. Si je dois partir, j’ose espérer que mes proches liront un jour ce texte car ils verront combien je les aimais, même si je n'ai pas de doute à ce sujet. Toutefois, je pense que c'est important de partir avec le mot "amour" sur les lèvres. Les nôtres de lèvres et celles de nos proches pour partir pleinement rassuré. Or, je sais que si je meurs ça les rendra malheureux. Qu’ils m’en excusent mais qu’ils sachent aussi qu’ils me retrouveront. Je fais miennes ces quelques lignes très poétiques que j’ai trouvées sur le blog d’une amie. Selon ses dires, elles ont été écrites par une certaine Charlotte Flamand. J’ignore qui elle est mais je la remercie très sincèrement de les avoir écrites et de me les consentir pour clore cette chronique :
« A ceux que j'aime... et ceux qui m'aiment »
Quand je ne serai plus là, relâchez-moi,
Laissez-moi partir,
J’ai tellement de choses à faire et à voir.
Ne pleurez pas en pensant à moi.
Soyez reconnaissants pour les belles années.
Je vous ai donné mon amour et mon amitié.
Vous pouvez seulement deviner
Le bonheur que vous m'avez apporté.
Je vous remercie de l'amour que chacun m'avez démontré.
Maintenant, il est temps de voyager seul.
Pour un court moment vous pouvez avoir de la peine.
La confiance vous apportera réconfort et consolation.
Nous serons séparés pour quelques temps.
Laissez les souvenirs apaiser votre douleur,
Je ne suis pas loin, et la vie continue...
Si vous avez besoin, appelez-moi et je viendrai,
Même si vous ne pouvez me voir ou me toucher, je serai là.
Et si vous écoutez votre cœur, vous éprouverez clairement
La douceur de l'amour que j'apporterai.
Et quand il sera temps pour vous de partir,
Je serai là pour vous accueillir.
Absent de mon corps, présent dans l’Univers.
Je ne suis pas là, je ne dors pas, je ne suis pas mort.
Seul mon corps reste pour retourner en poussière
Et rendre grâce à la Terre.
Je suis les milles vents qui soufflent.
Je suis le scintillement des cristaux de neige.
Je suis la lumière qui traverse les champs de blé.
Je suis la douce pluie d'automne.
Je suis l'éveil des oiseaux dans le calme du matin,
Je suis l'étoile qui brille dans la nuit.
N'allez pas sur ma tombe pour pleurer.
Je suis vivant, simplement, de l’autre côté du miroir,
Dans le monde invisible que vous ne pouvez voir,
Transformé, éternellement vivant.
Tags : hosto, hopital, mort, philosophie, maladie, hospitalisation, pensée, idée, noire, amour, proches, famille, ami
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Commentaires
2jc DissardSamedi 13 Mars 2021 à 19:17Bonjour Gilbert, je n'ai pas l'habitude de m’épancher bien souvent; mais ce texte m'a touché car je penses avoir eu ces mêmes pensées sur la vie et la mort .
Moi aussi il y a peu j'ai du passer quelques jours à l’hôpital sauf que j'ai quelques années en plus (je vais franchir bientôt les 83 ans) Je n'ai pas à me plaindre de mon sors , car je marche encore dans la montagne ,mais il faut peu à peu perdre des êtres très chers et cela devient une surprise néfaste ,on ne comprend pas pourquoi c'est eux et pas nous . Comme toi , j'ai perdu mon frère et malheureusement ma fille il y a quelque temps ( à 42 ans).....Je comprends bien tes réflexions et j'aurais pu écrire les mêmes.
Merci pour tout ce que j'ai pu apprendre sur ton blog;et et félicitations pour ce petit texte de Charlotte Flamand très beau et surtout positif....et surtout continue ...tu es encore jeune ! avec mes amitiés ...jcD
1Pasco DanieleSamedi 13 Mars 2021 à 19:03Bonsoir
Et oui on prend de l’âge et nous avons parfois des parcours un peu compliqués....moi aussi je me bagarre en ce moment avec des intestins irritables et j’ai vécu aussi une maladie orpheline que les médecins ont mis un an à trouver....plus colique néphrétique et plusieurs passages sur la table d’opérations...
la chance qu’on a peut-être c’est de faire de la randonnée qui nous donne une certaine immunité et nous permet de surmonter nos problèmes de santé...
bon courage et bonnes randonnées
Danièle
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Bonjour et contentes de vous savoir prêt à repartir crapahuter avec une belle aorte toute remise à neuf. C'est vrai que c'est important de prendre toujours le temps de dire que l'on aime et ne pas remettre à plus tard parce que , oui, on ne sait jamais ce qui peut arriver ! En ce qui nous concerne la mort a été dès notre plus jeune âge la source d'une terreur glaçante puisque nous avions même pas 10 ans quand l'un des enfants de notre famille est décédé à 4 ans ! Pourtant il a fallu attendre presque la cinquantaine pour commencer à avoir moins peur, si cela peut vous aider voici comment ! Notre grand-oncle est parti avec nous à ses côtés, communiste, anti-clérical il était bon vivant et absolument pas prédisposé à avoir un discours rassurant sur l'Au-delà ! Or alors qu'il faisait de fréquents petits comas, lorsqu'il revenait à lui, c'était toujours le même discours, il était bien, dans une belle lumière et très entouré de personnes qu'il avait connu, avant ! Et aussi un sentiment d"être aimé très très fort !
Je n'ai pas eu envie de mourir pour autant mais c’était au moins rassurant, il y avait quelque chose après.
Et puis il y a eu notre mère, elle était médium en ce sens qu'elle faisait des rêves prémonitoires et que ce n'est pas facile de vivre avec quelqu'un qui "voit" ! nous avons fini par nous y accoutumer mais cela c'est corsé quand elle n'a plus pu gérer ses dons et s'est mis à avoir de drôles de comportements, rationnels médecin et famille avons pris le taureau par les cornes et tous les examens médicaux (scanner entre autre) n'ont rien donné. Jeannine voyait des défunts, nous avions compris petit à petit ce qui se passait et le déclic s'est fait quand nous avons réalisé qu'elle nous parlait de personnes de la maison de retraite partis !
Depuis nous vivons avec cette "réalité" et je pourrais continuer mais peut-être serait-ce trop !
Alors une chose est sûre même si cela ne s'arrête pas ce n'est pas une raison pour ne pas vivre pleinement cette vie et apprécier la présence de ceux que l'on aime, la vie que l'on aime vivre ! Profitez bien de Danny, de tous ceux que vous aimez et qui vous aime et autorisez vous aussi à choisir pour vous le meilleur, belles randos et tout plein de belles et bonnes choses !