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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo 15 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.3eme étape : Mercredi 19 août 2009.

Saint-Guillem (1.287 m)-Prats-de-Mollo (753 m) 15 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

Nous nous aventurâmes jusqu'au village de Prats-de-Mollo. J'avoue que je préférai les bocages de la plaine à ces grandes montagnes couvertes de chênes verts et qui semblent plus faites pour abriter des bandits, que pour assurer le couvert à des honnêtes gens. Extrait de l'essai " Voyage en France en 1787, 1788, 1789 ". Arthur Young (1741-1820) agriculteur, agronome et écrivain britannique.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.LA FAUTE A KLAUS :

Malgré cette anxiété que j'ai eu hier soir, j'ai fini par m'assoupir. Quand j'y repense, je constate que c'était plutôt une appréhension momentanée qu'une vraie obsession. Puis vers minuit, j'ai été réveillé par un bruit. C'était comme le bruit d'un grattement. Mais une fois éveillé, je me suis aperçu qu'un autre bruit venait du volet d'un petit vasistas qui était resté ouvert et qui grinçait sous une légère brise nocturne. A la faible clarté de ma lampe frontale, je n'ai rien observé qui correspondait au grattement qui m'avait réveillé. Par contre, le rayon plus large que ma lampe projetait contre le mur du refuge me fit remarquer qu'il manquait une grosse pierre à 15 centimètres de ma paillasse. Au fond de ce trou ainsi constitué, il y avait un nid de souris fait d'une bourre blanche, de poils et de fibres diverses. Mais de souris, il n'y en avait point ! Est-ce elle qui grattait avant que je ne me réveille ? Avait-elle eu le temps de décamper avant que je n'éclaire la lampe ? Pour ne plus être embêté par ce grincement lugubre et ces grattements désagréables, je pris les sages résolutions de fermer le vasistas et de déménager ma litière à l'autre bout du bat-flanc. Puis, j'ai profité de ce réveil fortuit pour partir uriner dehors. Le ciel tout entier était étoilé et une belle voie lactée blanchissait le firmament au dessus de la chapelle de l'ermitage. La nuit était douce et quasi silencieuse. Seule une petite brise, frissonnant les feuilles, tentait sans succès de rompre cette quiétude. Comme j'appréciais pleinement l'instant présent, cette sérénité, cette paix secrète et intime, loin du monde bruyant et trop insociable que j'avais quitté, je suis resté de longues minutes sur le pas de la porte, les yeux levés vers le ciel et l'ermitage qui se découpait, à écouter ce silence avant de partir me recoucher. Une fois encore, cette nuit-là fut bénéfique et, à mon grand étonnement, je n'ai ressenti à mon réveil aucune contracture musculaire, ni aucune douleur, malgré les deux longues étapes déjà accomplies et la rusticité du couchage qui ne m'avait pas empêché de dormir profondément.

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Quand je quitte Saint-Guillem, vers le sud, le jour est déjà levé mais le hameau est encore dans la pénombre. Ici les panneaux sont on ne peut plus clairs mais mal placés et je vais me tromper avant de me raviser et de reprendre le bon chemin.

Il est 7 heures. Vers le sud, le jour est déjà levé mais Saint-Guillem de Combret, blotti au fond du vallon de Coumelade, est encore dans une obscure nébulosité. Bloqués par les hauts monts environnants, les rayons du soleil mettront encore plus d'une heure avant d'éclairer complètement le minuscule hameau. Je déjeune de deux gâteaux de riz vite expédiés et d'une grande gorgée d'eau et range tranquillement mes affaires et mon sac à dos en prêtant attention à ne rien oublier dans le refuge. Il est 8 heures quand je démarre avec ma trousse de toilettes, mon gant et ma serviette à la main. Je sais qu'il y a dans le hameau, non loin d'ici, une auge ou plutôt un vieux lavoir dans lequel, par un tuyau de PVC, s'écoule une eau de source cristalline. J'ai bien l'intention de me raser et de faire un brin de toilettes car j'ai la désagréable sensation de me sentir sale et poussiéreux. Je mets un quart d'heure pour me laver et tenter de parfaire ma présentation. Mais j'ai le sentiment que l'eau glacée a eu un seul effet non négligeable sur mon organisme, celui de lui assener un " claquant " coup de fouet qui me permet de démarrer cette étape dans d'excellentes conditions. Je profite pour remplir mes deux gourdes et mon camelback d'une eau fraîche et renouvelée.

La large piste s'élève rapidement au dessus de l'ermitage. Sur ma droite, là même où hier après-midi j'ai galéré, la tempête Klaus a laissé un immense chantier de désolation dans cette forêt qui était pourtant magnifique. Par contre, en face de moi, les flancs du Puig dels Sarraïs (1.830 m) et du col de Serre-Vernet (1.808m) que je dois cheminer semblent moins meurtris. Il y a bien deci delà, quelques cicatrices, quelques sillons d'immenses résineux couchés, mais rien de bien inquiétant, en tous cas vu d'ici.

Quelques minutes plus tard, et alors que je m'apprête à poursuivre la piste, je remarque inopinément sur ma droite un panonceau qui semble m'indiquer Prats-de-Mollo et le col de Serre-Vernet par un autre chemin qui s'enfonce dans la forêt. Et je commets là une nouvelle erreur en ne sortant pas immédiatement mon GPS. Quand je le sors, c'est bien trop tard, car mon GPS ne capte plus aucun satellite masqué qu'il est au fond de ce sous-bois touffu. Deuxième erreur, je ne sors pas ma carte non plus, tranquillisé, il est vrai, par ce rassurant panneau. Et quand je sors ma carte, c'est encore beaucoup trop tard car j'ai marché ainsi une " bonne " demi-heure jusqu'à m'inquiéter de ne plus rencontrer le balisage jaune et rouge qui était pourtant bien visible jusqu'à présent. Au regard de la carte, je me rends à l'évidence, je me suis trompé, une fois de plus. Quitte à avoir perdu une heure, je décide de faire demi-tour car ce chemin qui zigzague toujours en forêt sans aucun balisage apparent me trouble et ne m'amènera nulle part et en tous cas pas où je dois aller.

Quand je retrouve la piste et le panonceau, selon moi, très mal placé à cet endroit, j'ai effectivement perdu une heure. Je m'avance sur la piste et quelques dizaines de mètres plus loin, j'aperçois effectivement les marques de peinture jaune et rouge propres au GRP du Vallespir. Je poursuis la piste et enjambe le fougueux torrent de Coumelade par un large pont bétonné. Peu après, la piste se sépare en deux, mais le balisage est ici parfait et m'oriente vers la droite. Plutôt plane au début, maintenant la piste monte allégrement, effectue deux larges courbes, avant d'atteindre le col Baxo à 1.473 mètres. Au fond de ce petit col herbeux, un nouveau panneau sollicite un départ à gauche. Ici une minuscule sente, encadrée d'une clôture, est barrée d'un petit portail qui est là pour empêcher les bovins de passer mais pas les randonneurs. Sans trop m'en apercevoir, et malgré l'heure perdue, j'ai déjà fait 190 mètres de dénivelé sur les 521 que je dois accomplir pour atteindre les 1.808 mètres du Col de Serre-Vernet. C'est bien sûr encourageant, mais j'évite de trop penser aux 331 mètres restant sur les trois kilomètres d'ascension qui doivent m'amener au pinacle de ce tour du Vallespir.

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J'ai quitté Saint-Guillem par un chemin qui enjambe la rivière Coumelade. Parfaitement balisé, il s'élève rapidement par le col Baxo, file à travers des bois touffus où coulent quelques petits ruisseaux. Mais parfois le chemin se transforme en balcon et j'ai le bonheur d'être en surplomb de superbes paysages. Saint-Guillem est déjà très loin.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Ce chemin parfois en balcon me laisse entrevoir Saint-Guillem que j'ai quitté ce matin. On aperçoit les bois saccagés par la tempête Klaus. Celui au dessus du hameau où j'ai galéré hier lors de mon arrivée et celui en dessous du refuge où se trouve un bel arboretum avec notamment quelques séquioas.

 Malgré le dénivelé, le petit chemin est changeant et agréable. Cheminant le plus souvent en sous-bois et recouvert d'un épais tapis de feuilles mortes, il coupe quelques ruisseaux, affluents de la Coumelade et monte rectiligne offrant quelquefois de magnifiques vues vers le sud mais surtout sur Saint-Guillem et tout le Bassin de Coumelade. Puis soudain, il bifurque dans le sens opposé en direction du Col de Serre-Vernet dans un bois de petits pins chétifs. Il n'est pas tout à fait midi quand j'arrive au col, point culminant de ce périple avec ses 1.808 mètres

Vaste pré herbeux entouré de pins et de sapins, il semble être le paradis pour nombre de génisses et de vaches blanches indolentes. La plupart sont affalées sur la verte prairie et même mon passage laisse indifférent tous ces bovins, qui repus, ne tournent même pas la tête quand je m'approche d'eux. Ici, les panoramas à 360° sont splendides de tous côtés. De nombreux hauts sommets et de nouveaux pics apparaissent, de nombreuses crêtes composent l'horizon : la Crête des Sept Hommes (2.651m), le Pla Guillem (2.301m), les Roques Blanches (2.252m), les Esquerdes de Rotja (2.316m), le Roc Colom (2.507m) et le Pic de Costabonne (2.465m) pour ne citer que les crêtes les plus connues et les plus attractives. Mais il y aussi de profonds ravins et surtout cette immense et épaisse forêt domaniale qui n'en finit plus de s'étendre sur ce magnifique Haut-Vallespir. Ici, il y a aussi un panneau, mais il ne sert plus à rien car il gît à terre et n'indique plus aucune direction. Je le redresse et essaie en vain de retrouver son emplacement originel. De dépit, je le pose contre un petit pin dans la position qui me semble la plus appropriée avec St Guillem dans la direction d'où je viens. A l'aide d'un bout de ficelle que j'ai trouvé sur la pelouse, j'ai beau l'attacher avec bons sens à une branche du pin, je ne suis guère plus avancé quand à la direction à prendre pour me rendre à Prats-de-Mollo.

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J'arrive au col de Serre Vernet. A 1.808 mètres, c'est le point culminant de mon périple. Les paysages sur le très Haut-Vallespir sont superbes de tous côtés. Ce col est aussi le paradis de vaches et des génisses. Le panonceau indicatif gît à terre, je le redresse et l'attache à un pin mais je ne suis pas plus avançé quant à la direction à prendre pour aller à Prats. Heureusement j'ai mon GPS !

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J'effraie un petit veau puis je m'arrête pour déjeuner dans cet éboulis qui descend très raide du Puig dels Sarraïs vers la vallée de la Parcigoule. Je ne peux trouver plus beau spectacle ! Mais la descente est loin d'être finie, je dois encore atteindre deux cols, celui de la Collade d'En Mandoulé et le col de Coumeille, petit pré verdâtre que j'aperçois tout en bas.

Mais heureusement, ma carte IGN est là et mon GPS aussi et à force d'avancer dans différentes directions vers le sud, je finis par trouver le bon itinéraire qui file sur le pré puis contourne quelques rochers. Il est midi et j'ai faim, mais comme la suite de l'étape est essentiellement faite de descentes, je prends la décision de continuer un peu pour m'offrir comme hors d'oeuvre un splendide panorama dégagé. Cette sente allie pelouses, petits bois de pins et de feuillus mais aussi rocailles et rochers plus ou moins gros. Mais il y aussi de nombreux et bas genévriers derrière lesquels quelques veaux ruminent leur fourrage. L'un d'entre eux peut se vanter de m'avoir fait une belle frayeur et tressaillir quand il a débouché devant moi alors que je marchai dans un silence de cathédrale. Mais je suppose que lui aussi, il a du avoir une peur " bleue " ! En contournant maintenant le rocailleux Puig dels Sarraïs, le chemin n'est désormais plus qu'amoncellement de blocs déchiquetés et gros pierriers escarpés. Je redouble de vigilance pour éviter toute chute qui, ici, serait catastrophique pour de pas dire fatale. Il est temps que je m'arrête pour déjeuner car je ne trouverai pas meilleur belvédère que ces éboulis, bien exposés au soleil, qui descendent raides vers le vallon de la Parcigoule. Il n'y a plus aucun obstacle devant moi et je déguste à la fois ma salade et ce magnifique spectacle. Assis sur une grosse pierre plate bien chaude et adossé à une autre, j'ai trouvé, dans de ce fauteuil improvisé mais un peu dur il est vrai, une terrasse peu confortable pour mes fesses mais idéale pour mes yeux.

D'ici, je jouis d'un panorama exceptionnel sur le Bassin de la Parcigoule mais aussi sur une immense partie de ce Haut-Vallespir que je suis venu découvrir. C'est d'ailleurs en mangeant dans ce gros pierrier que j'ai imaginé le titre de mon voyage et de ce récit : " Sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

Après trois jours de marche, et à cet instant précis, il me semblait qu'aucun autre endroit traversé ne méritait plus ce terme de " âpre " que cet immense magma rocheux. Dans cet éboulis, les aspérités ne manquent pas et l'âpreté, je la touche à chaque instant. Le déroulement imminent de ce Tour du Vallespir me montra malheureusement et très vite que je n'avais pas encore tout connu de cette légendaire âpreté. Quand je repars, la sente, où du moins ce que j'en devine grâce à un balisage abondant et précis, se complique sacrément en étant toujours très rocheuse mais en devenant encore plus abrupte. Pour éviter toute chute, je m'applique à poser mes pieds sur des pierres stables et quand les marches sont trop hautes à descendre, je m'aide autant de mes mains que de mes pieds.

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J'en ai fini avec la longue descente le long du flanc pierreux du Puig dels Sarraïs. Au col de Coumeille, une étrange croix gravée dans la pierre et le pic de Granarols que le chemin contourne au milieu d'une jolie pelouse jonchée de carlines blanches pour se diriger vers un autre puig , celui des Lloses. Ce puig, je vais m'en souvenir très longtemps !

Après un premier petit col herbeux, la Collade d'En Mandoulé sur la carte, la descente abrupte continue mais la sente moins rocailleuse mais plus terreuse devient plus facile jusqu'au Col de Coumeille (1.566m). Ce collet, petite prairie vert clair, encadrée par le Puig dels Sarraïs et le Pic de Granarols (1.690m) je l'ai entrevu dès le début de la descente du col de Serre-Vernet et depuis je languis de l'atteindre tant mon appréhension d'une mauvaise chute dans ce champ de pierres est ancrée dans ma tête. Aussi, je suis si soulagé en l'atteignant que la première chose est de déposer mon sac à dos et de m'allonger les bras en croix sur ce vert herbage. Mais, à cet endroit, je ne suis pas le seul à avoir fait une croix, un autre chemineau a cru utile d'en graver une dans la pierre, moins éphémère que la mienne. Au regard de son usure générale, des vieilles mousses et de l'érosion de petits conglomérats dans son cadre, cette croix me paraît très ancienne. Depuis quand était-elle là ? Je ne suis pas un spécialiste ni de l'archéologie ni de la géologie mais pour l'avoir lu, je sais que le Vallespir a été occupé bien avant le néolithique, époque où l'homme a vraiment commencé à maîtriser le polissage et la sculpture de la pierre. Alors cette croix, est-ce vraiment une croix ancienne ou une cupule comme celles que les hommes préhistoriques ont laissés gravés un peu partout dans le département ? Quelle âge a-t-elle cette gravure ? 5000 ans, 8000 ans, 10000 ans ? Est-elle plus récente et liée au christianisme ? Ou bien a-t-elle été sculpté par un preux et inventif chevalier en partance pour une croisade ? Comme toujours en pareil cas, j'en prends une photo avec l'idée de l'exposer dans mon futur récit à la fois pour l'agrémenter mais aussi avec le secret espoir que cette photo pourra être vue par de vrais spécialistes qui pourront ainsi et sans doute répondre à nombre de mes interrogations.

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L'étrange croix photographiée au col de Coumeille. Je suis preneur, si quelqu'un a des réponses aux questions que je me pose au sujet de cette croix ?

Au col de Coumeille, le chemin contourne le Pic de Granarols pour arriver au Puig des Lloses (1.413m). Ici, le sentier tout en pente douce et très praticable est un réel plaisir. Atteindre ce nouvel objectif n'est cette fois qu'une simple formalité. Il est 14 heures tapantes quand j'arrive au Puig des Lloses. Les panneaux directionnels y sont au nombre de trois : " 1- Le Tour du Vallespir vers Saint-Guillem, à savoir l'itinéraire que je viens de parcourir, 2-Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles, col situé à 30 minutes et bien sûr, 3 Prats-de-Mollo par le GRP Tour du Vallespir que je dois suivre pour respecter le tracé de mon GPS et celui de topo-guide de Georges Véron. Le Puig des Lloses ressemble plutôt à un petit collet avec un replat d'où l'on a une vue plongeante sur Prats-de-Mollo. Ici, je retrouve une flore que j'avais perdue de vue depuis le col de Formentere, faite de sorbiers des oiseleurs, de maigres genêts, de rachitiques genévriers et toujours ces bas massifs de bruyères roses que je côtoie depuis mon départ. Mais une chose me surprend sans trop m'inquiéter sur l'instant, ce sont ces petits amoncellements de branchages cassés dont on voit très bien qu'ils ont été laissés là en l'état depuis la tempête Klaus. Quand à Prats-de-Mollo, d'ici, la cité n'est visible que parce qu'une multitude de grands sapins ont été étêtés ou fracassés sur un vaste périmètre. Mais quand je poursuis la sente du Tour du Vallespir en direction du Col du Miracle, je ne suis pas vraiment inquiet. Il y a bien, dés le départ, un pin en travers du sentier mais je l'enjambe très facilement. 50 mètres plus loin, il y en a deux autres mais ceux-là je ne peux pas les enjamber et suis obligé de les contourner, assez facilement il est vrai. Puis, les pins et les sapins renversés en travers se succèdent. J'enjambe, contourne, passe parfois en dessous et quand je ne peux pas, par dessus. Je commence vraiment à galérer et mes membres sont déjà bien égratignés. Mais en y prêtant attention, je remarque que je ne suis pas le seul à être passer par là. Je vois parfaitement que les bas-côtés du sentier ont été piétinés car la terre est meuble aux endroits où un contournement était la seule alternative. Randonneurs, chasseurs, animaux ? Puis, d'un coup plus rien, plus d'arbres couchés sur plusieurs centaines de mètres. J'arrive au ravin du Pas des Vaques qui n'est ici qu'un petit ru où coule un mince filet d'eau sur un fond boueux. Avec un mouchoir en papier que je mouille au préalable, j'éponge toutes mes égratignures. Je traverse le ruisseau sans problème et poursuis mon chemin dans un sombre sous-bois, ce qui me convient très bien, car ça signifie que tous les arbres sont encore debout. Mais ça ne dure malheureusement pas et là, un peu plus loin, ça se complique car il n'y a pas de réel passage, et en tous cas aucune trace d'un franchissement antérieur. Quand je le peux, j'enjambe, mais quand les troncs sont trop hauts, je tente de passer dessous, mais parfois en vain car le problème avec les sapins, c'est qu'ils sont parfois partiellement déracinés et ont encore toutes leurs épaisses ramures. Et quand ils n'ont plus leurs ramilles, c'est encore pire car leurs branches sèches sont autant de poignards qu'il me faut éviter. Alors, je contourne, je descends, je monte tout en essayant de ne pas trop m'éloigner du chemin. Souvent, je suis contraint d'ôter mon sac à dos, qui, dans ce dédale, est un terrible handicap. Ouf ! J'ai réussi à franchir ce nouvel obstacle mais voilà que 150 mètres plus loin, il en apparaît une autre, aussi difficile que le précédent sinon plus.

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Au Puig des Lloses, les panonceaux sont nombreux et j'aperçois Prats-de-Mollo tout en bas, pourtant je vais me fourvoyer pendant plus de quatre heures dans cette forêt du Miracle ravagée par la terrible tempête Klaus. En vain. De cette forêt, je vais en ressortir meurtri, égratigné, ensanglanté et surtout brûlé des épaules aux chevilles pour être tombé dans de hautes orties ! De surcroît, je vais perdre mon appareil-photo, ce qui va m'obliger à retourner dans ce fatras pour le retrouver. 

Je suis fatigué et sanguinolent mais dans ma tête, je me dis que si j'en ai passé un, je peux en franchir d'autres. Je me dis aussi que les forestiers du coin doivent bien être conscients que le Tour du Vallespir est barré par tous ces arbres abattus et je suppose qu'ils ont commencé à déboiser en partant de Prats-de-Mollo et en remontant le sentier. Ce n'est pas possible, ce traquenard va bien finir par s'arrêter ! Je passe plus facilement ce nouveau barrage et arrive à un endroit où le sentier fait un angle droit près d'un piton rocheux en surplomb de Prats-de-Mollo. Ici, je prends conscience des dégâts considérables que la tempête Klaus a provoqué dans ce secteur mais j'arrive néanmoins à parcourir encore 500 mètres sans trop de difficultés avant de tomber sur une autre empreinte d'une forêt complètement ravagée. J'enjambe, je contourne, remonte et redescend sans trop me préoccuper du chemin qui a définitivement disparu dans cet amas incommensurable d'arbres brisés, de troncs fracassés, de branches amoncelées et de branchages empilés. Dans ma tête, j'espère surtout que ce nouveau sillon dévasté ne sera pas trop large et qu'une nouvelle fois, je pourrai le franchir. Par moment, j'arrive dans des impasses. Il m'est impossible de contourner, de passer dessous et malgré la hauteur où se trouvent les troncs, souvent à plus d'un mètre du sol, la seule solution reste de les enjamber. Je n'en suis pas à ma première enjambée mais cette fois, le tronc est-il un peu plus haut où est-ce la fatigue, toujours est-il, que droit sur le rondin, je me sens partir en arrière entraîné par le poids de mon sac. Un coup de reins pour me rétablir, mais ce coup de reins est bien trop puissant et voilà que je pars en avant ! J'ai beau mouliner l'espace avec mes bras pour tenter de tenir en équilibre mais c'est trop tard, mes mains ne rencontrent que le vide et en tous cas, rien où s'accrocher. Je pars en avant, je vais tomber et me rompre le cou dans ce monstrueux chaos, mais une dernière inspiration me donne l'intuition et le sursaut que plutôt que de tomber n'importe où et n'importe comment, il faut mieux que je me jette à un endroit choisi. Voilà, j'ai réussi, si je puis dire ! Je me retrouve planté au milieu d'un gros massif de ronces et de hautes orties. Mon genou gauche a malgré tout cogné fortement une grosse branche et je saigne abondamment. Mais ce n'est pas ça le plus douloureux, mais toutes ces petites brûlures d'orties qui, peu à peu, en partant des chevilles, semblent monter tout le long de mon corps, enflammant surtout mes jambes mais également mes bras. J'ai l'impression de flamber debout et malgré la douleur, je reste planté là au milieu de cette désolation, de ce néant. Je suis tout à coup comme tétanisé par l'angoisse. Mais je perçois que cette angoisse est arrivée de manière soudaine car jusqu'à présent, j'étais trop occupé à m'en sortir. Une fraction de quelques secondes, il me vient à l'esprit de sortir mon portable et d'appeler des secours. Mais en me retournant, et malgré cette complète désolation, je constate que ce n'est pas le néant absolu : à vol d'oiseau, je ne suis pas très loin d'une piste blanche et sableuse que je distingue en contrebas à quatre ou cinq cent mètres. Je discerne des voitures qui y circulent et aussi un mas. Et même si à cet instant précis, je voudrais être un oiseau, je n'en suis pas un ! Je me suis foutu tout seul dans cette " mouise " et il faut que j'en sorte tout seul aussi ! Mais faire cinq cent mètres dans cette dévastation, je sais à l'avance que c'est une impossible gageure.

La faute à Klaus Schümann

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je suis tombé par terre c'est la faute à Voltaire.

Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes exactement, j'ai hurlé :

Je suis tombé sur un os, c'est bien la faute à Klaus.

Le nez dans les gentianes, c'est la faute à Schümann.

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je ne suis pas notaire, c'est la faute à Voltaire.

Je suis petit oiseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes, j'ai crié :

J'ai chuté sur les lloses, c'est bien la faute à Klaus

J'ai brisé mes organes, c'est la faute à Schümann

 

Je voudrais faire un saut et atterrir à Prats-de-Mollo,

Je ne suis pas petit oiseau, c'est la faute à mon père !

Alors il me faut être costaud et que j'ai un sursaut !

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le 24 janvier 2009, la tempête Klaus a provoqué de considérables dégâts dans le Haut-Vallespir. En août, les plaies sont loin d'être toutes cicatrisées.

C'est donc décidé, je vais rebrousser chemin jusqu'au Puig des Lloses et descendre à Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles. La première chose à faire, c'est retrouver le sentier mais où peut-il bien être dans ce " labyrinthe " végétal trop urticant à mon goût. Seul mon GPS peut me le dire et il faut d'abord que je sorte de ce roncier qui m'enveloppe comme une toile d'araignée. D'ailleurs des araignées, il y en a pas mal ici et comme elles n'apprécient pas trop mon intrusion dans leur domaine réservé, elles me piquent elles aussi. Mais bon, je n'en suis plus à une piqûre près ! Seule solution, sortir par là où je suis arrivé, c'est-à-dire par le haut. Cette fois, j'ôte mon sac à dos, dont je vérifie au préalable toutes les fermetures et je l'envoie valdinguer par-dessus le tronc dont je viens de choir. Je me hisse sur le tronc et me mets carrément à cheval sur lui. Un point GPS me situe à une cinquantaine de mètres du chemin qui est vers le nord et pour moi vers le haut. Je récupère mon sac et poursuit ainsi mes divagations. Je jette mon sac, me hisse à nouveau, le récupère et ainsi de suite. Parfois, je jette mon sac un peu plus loin car j'arrive à jouer les équilibristes sur plusieurs troncs couchés de concert et ma progression s'accélère. Je vais mettre un gros quart d'heures pour retrouver le sentier et encore plus d'une heure pour rejoindre le Puig des Lloses. Quand je regarde ma montre, j'ai du mal à le croire : il est déjà 17 heures et voilà trois heures que je me fourvoie dans cette forêt du Miracle, la mal nommée. Il faut absolument que j'appelle l'hôtelier pour le prévenir que j'aurai du retard. De ce côté-là au moins je serais tranquille et quand je l'ai au bout du fil, effectivement il me rassure. J'ai réservé, j'ai payé et la chambre à l'hôtel Ausseil m'est complètement allouée quoi qu'il m'arrive. Mais s'il savait ce brave homme ce qu'il vient de m'arriver ! Mais n'en parlons plus, j'en suis sorti, même si c'est fourbu, écorché, entaillé, égratigné, brûlé et ensanglanté de la tête aux chevilles. Maintenant, le sentier qui descend vers le Col de Cavanelles au milieu des genêts et des hautes fougères est plutôt agréable et les panoramas sont suffisamment beaux pour que je me remette à prendre des photos. Mais où est mon appareil ? Il n'est pas dans une de mes poches et je ne me souviens pas l'avoir rangé dans mon sac ! Non, il était dans sa housse accrochée à ma ceinture et à ma ceinture, je n'ai plus rien désormais ! Le bouton-pression a dû s'ouvrir et je l'ai perdu ! Je suis désespéré car perdre mon appareil photo c'est comme si j'avais perdu la mémoire de ces trois premiers jours depuis Amélie-les-Bains. Pour moi, c'est inimaginable et il faut que je le retrouve. Sans trop réfléchir, je sors ma dernière gourde d'eau de mon sac à dos et je jette ce dernier dans les hauts genêts en m'assurant qu'on ne le voit pas depuis le chemin. Deux petites branches en forme de croix que je place au bord du sentier pour retrouver cet endroit et me voilà entrain de remonter le sentier, presque en courant, vers cet " enfer vert " où j'ai sans aucun doute perdu mon appareil. Où se trouvera-t-il ? Loin, près ? L'ai-je perdu quand je suis tombé de ce tronc plus haut que les autres ? S'est-il décroché dans le roncier ? Ou bien sous un tronc que j'ai franchi comme un tunnel ? Voilà les questions et bien d'autres qui grouillent dans ma tête alors que je me jette dans cette " impossible " quête. Vu l'heure et le temps que j'ai mis la première fois, il faut à la fois que je fasse vite mais sans pour autant négliger mes recherches. Ce serait idiot de passer à côté sans voir l'appareil par précipitation. L'absence du sac à dos m'aide considérablement mais au fond de moi, je sais que selon l'endroit où la housse est tombée de ma ceinture, c'est comme rechercher une minuscule aiguille dans une énorme botte de foin. Sans le sac mais avec une gourde à la main, je passe néanmoins tous les petits obstacles plus aisément, je traverse le ru du Pas des Vaques, je franchis le premier couloir de sapins anéantis avant que le sentier fasse un angle droit. Rien ! Il me reste encore un barrage à franchir avant ce virage et comme pour le précèdent, j'essaie de me souvenir par où je suis passé à l'aller mais aussi au retour. Et là, au moment où je me baisse pour passer sous les branches encore vertes d'un immense sapin déraciné, le miracle survient ! La petite housse avec mon numérique à l'intérieur est là au milieu du sentier sous la verte ramure. Ouf ! Ouf ! Ouf ! Je respire à pleins poumons. Quel soulagement. Je vérifie mon appareil que j'enfonce au plus profond de la poche de mon short et par sécurité supplémentaire, je referme celle-ci avec le Velcro consacré. Une fois encore, il ne me reste plus qu'à rebrousser chemin. Ce ne sera que la quatrième fois que j'emprunte cet itinéraire et si ça continue, je vais finir par en connaître le moindre recoin par coeur ! D'ailleurs, c'est le cas, car dans ma précipitation et alors que je me suis arrêté pour boire un coup, j'ai posé machinalement mon bob sur un rocher et je l'ai oublié. Mais je ne suis pas inquiet car je sais parfaitement où il se trouve.

Il est 18 heures quand je passe une nouvelle fois devant la panonceau " Puig des Lloses - 1.413 m - PR6B - Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles - 30 mn ".

A cet instant précis, je ne sais pas pourquoi, il me vient une abominable anxiété : Et si ce chemin, lui aussi, était impraticable, barré par une forêt saccagée ? Après tout, il n'y a pas d'autre chemin et le peu que j'en ai parcouru avant de retourner chercher mon appareil photo ne me laisse aucune certitude et ne me permet pas d'être rassuré. Après tout, Prats-de-Mollo que j'aperçois en bas est au moins à trois kilomètres à vol d'oiseau et il faut au bas mot compter au minimum le double par le chemin. Tout est encore possible ! Cette terrible angoisse, elle va soudain se transformer en une grosse boule au creux de mon estomac et elle va rester là, encore blotti pendant une heure et demie. Autant, j'ai été longtemps serein cet après-midi même au plus fort de mes élucubrations, autant maintenant je prends conscience que je peux ne pas arriver au bout de cette étape, en tous cas aujourd'hui. Mais je sais aussi que je n'ai pas le choix dans la direction à prendre et je continue. Je récupère mon sac. Les photos que j'avais voulu prendre tout à l'heure, je les prends maintenant. Mais j'avoue que je n'ai plus le cœur à ça ! J'ai toujours cette appréhension et ces questions qui fourmillent dans ma tête et je ne pense plus qu'à une chose : descendre, descendre, et descendre encore au plus vite vers Prats-de-Mollo. Comme prévu et sans problème, j'arrive au bout de 30 minutes à ce que je crois être le col de Cavanelles. A gauche, un grand champ en pente avec un large chemin qui le contourne, un autre chemin qui part droit devant moi et un autre qui part complètement à gauche. Je n'ai plus de tracé sur mon GPS et je ne vois plus le balisage jaune que j'ai entr'aperçu dans la descente. Je suis contraint de stopper pour regarder ma carte IGN. J'en profite pour manger et absorber un peu d'énergisant car je suis exténué. Le chemin qui part droit devant moi n'existe pas sur la carte. Ça m'étonne mais je l'oublie. Celui qui part à droite se termine dans un cul de sac. Je l'oublie aussi. Reste celui qui part à gauche et qui semble être le bon à la lecture de la carte. Je redémarre, c'est bon, j'aperçois un coup de peinture jaune sur le piquet d'une clôture. Je contourne ce lopin de terre que je voyais d'en haut. Le chemin continue de tourner, puis à mon étonnement, il se remet à nouveau à monter. Je suis éreinté et je n'en crois pas yeux quand je retrouve le petit pin sous lequel je viens de manger, il y a un instant. Je n'ai fait que tourner en rond autour de cette parcelle en friches. Mon téléphone sonne. C'est Dany. Elle demande de mes nouvelles. Je ne peux que lui dire bof ! Mais elle veut en savoir plus. Alors sans trop l'inquiéter, je lui raconte très brièvement mes mésaventures et lui explique que je ne suis plus sur le Tour du Vallespir, que je galère pour descendre sur Prats-de-Mollo et qu'il est primordial que je regarde très attentivement ma carte IGN. Je coupe en lui promettant de la rappeler dès que j'arrive à l'hôtel. Je redéploie ma carte et essaie de me situer par rapport au paysage que j'ai en face de moi. Je comprends que je ne suis pas au Col de Cavanelles mais près d'un endroit qui sur la carte s'appelle " La Segnora ". Il y a légèrement sur ma gauche le Puig Fabre (1.147 m), petit monticule débonnaire qui me rappelle étrangement ces petits volcans arrondis que l'on rencontre en Auvergne dans la chaîne des Puys.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.OSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

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Avec une chance inouie, j'ai retrouvé mon appareil-photo, le plus gros de ma galère est terminé, mais je descends très anxieux vers Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles car je ne suis pas certain du chemin. Finalement, de ce col, j'aperçois le bourg et un chemin désormais très praticable y descend. Ma grosse boule au creux de l'estomac disparaît.

C'est par là qu'il me faut aller, car le chemin passe au pied de ce Puig, et là je comprends qu'en bas du champ en friches, il me faut partir complètement à gauche par une piste qui est parfaitement indiquée sur la carte. Je redescends, contourne à nouveau le petit lopin de terre jusqu'à un portail que je n'avais pas aperçu la première fois. Il y a bien une trace jaune sur ce portail et une piste qui démarre derrière. Je l'emprunte. Un peu plus loin, il y a un raccourci toujours balisé en jaune qui part à droite dans de hauts genêts, mais je le néglige car même si mon itinéraire est plus long, la piste me semble très empruntée par des véhicules, car il y a de nombreuses empreintes de pneus sur le sable. Et surtout, je sais que cette piste va me mener là où je veux. J'ai trop erré aujourd'hui pour prendre le moindre risque de me retrouver une nouvelle fois face à des arbres morts et couchés. Toujours cette boule à l'estomac ! La piste fait maintenant une grande boucle et descend j'en suis certain vers le Col de Cavanelles. Dans cette descente, j'ai le bonheur de tomber sur une baignoire qui sert d'abreuvoir aux animaux et de mare improvisée aux têtards. D'un gros tuyau en PVC, il y coule une eau fraîche et claire et je peux ainsi me rafraîchir et surtout nettoyer toutes ces plaies et égratignures d'où des écoulements de sang ont ruisselé mais ont séché depuis. Au fond de moi, je me dis que sans toutes ces traces d'hémoglobine sur la peau, je serais un peu plus présentable pour arriver à l'hôtel ! Mais si après ce nettoyage, j'ai retrouvé un peu de mon " prestige ", cette eau glacée a l'effet désastreux de réveiller toutes ces brûlures d'orties. Elles n'étaient pas tout à fait endormies mais elles sommeillaient et les douleurs s'étaient bien atténuées. D'ailleurs, quand je regarde mes bras et mes jambes, mais mes jambes surtout, elles sont recouvertes presque intégralement de petites boursouflures rouges. Je sais que dans ma pharmacie, je n'ai aucun médicament, aucune pommade, pour tempérer cet urticaire. Je repars et cinq minutes plus tard, j'arrive au Col de Cavanelles. Il est 19h15. Ici la piste continue mais un panonceau indique une sente qui part à droite : " Col de Cavanelles - 1.050 m- PR6- Prats-de-Mollo par le Fort Lagarde 40mn ". Je compulse à nouveau ma carte car je me méfie désormais de tous les raccourcis. Mais celui-là est bon quand je constate qu'il ne descend que dans un environnement rocheux. Je sais que c'est gagné et la boule au creux de mon estomac disparaît comme par enchantement.

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Du col de Cavanelles, je distingue la Tour de Mir, une autre difficulté de ce Tour du Vallespir, le Pic de Costabonne, le Roc Colom où le Tech prend sa source et le château Lagarde que je rejoins 40 minutes plus tard. Du château, j'ai une belle vue sur la vallée du Tech, sur Prats-de-Mollo et son riche patrimoine historique. 

Dans cette descente rocailleuse, je me remets à faire quelques photos : de Prats-de-Mollo bien sûr, la cité est encore loin mais je sais qu'elle se rapproche à chacun de mes pas, de la citadelle du Fort Lagarde construite par Vauban en surplomb de la ville et de la Tour de Mir juchée sur un piton rocheux au milieu d'une ténébreuse forêt qui me fait face. Cette tour, je la connais pour y être monter à de multiples reprises. Je la prends en photo, mais à vrai dire je ne veux pas trop la regarder car il va me falloir la gravir demain. Et pourquoi le cacher, j'appréhende déjà car la forêt constituera l'essentiel de cette étape. J'ai mis 30 minutes pour arriver au Fort Lagarde au lieu des 40 qu'annonçait le dernier panneau indicatif. Je prends des photos du fort et de la ville dont le clocher carré qui domine l'église Sainte-Juste et Sainte-Ruffine perfore le panorama. Mais ce ne sont que de simples clichés, juste des souvenirs. Il est 20 heures 15 quand j'entre dans la cité. Voilà 12 heures que je suis sur les chemins. Pour combien de kilomètres parcourus ? Je suis incapable de le dire ! Alors faut-il que je l'avoue, sur la fin, la vigueur m'a manqué pour apprécier tout ce patrimoine historique à sa juste valeur ! Cette étape qui était la plus  courte est en fin de compte devenue la plus difficile depuis mon départ. 

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13 heures sur les chemins, quand j'entre dans Prats-de-Mollo, je suis fatigué et meurtri par cette très longue journée de marche éprouvante et mémorable. C'est au pas de course que j'ai traversé le fort Lagarde construit par Vauban. Je n'en ai pris simplement que quelques photos sans aucune conviction mais pour le simple plaisir de les inscrire dans mon souvenir et surtout pour le réel bonheur d'avoir retrouvé mon appareil photo dans la forêt du Miracle. Cette forêt porte-t-elle bien son nom ? Moi, en tout cas, je reste indécis entre la galère que j'ai vécue pendant 4 heures et le fait d'en être sorti à peu près indemne et pour terminer avec mon appareil photo dans la poche ! Un rescapé lui aussi !

Alors, ce qui m'importe maintenant, c'est de me retrouver au plus vite à l'hôtel. Aussi quand j'arrive sur la place du Foirail, je m'empresse de demander à une dame la direction de l'hôtel Ausseil et gentiment elle m'indique du doigt une grande porte fortifiée au milieu des remparts et me précise que l'hôtel est situé juste une rue après. Je passe sous le porche, arrive sur une autre place et comme je me souviens du nom de cette place " Josep de la Trinxeria ", je sais que l'hôtel est là. Mais la place est bondée de touristes et occupée par les deux restaurants qui y ont largement installés leurs tables et leurs chaises. La place Josep de la Trinxeria est en réalité une immense terrasse pour les deux restaurants mitoyens et quand je demande l'hôtel Ausseil à un garçon de table, il me réponds simplement : vous y êtes ! Au milieu des tables et devant des clients certainement interloqués par mon " look " de randonneur anéanti, je tente en vain de m'expliquer dans un brouhaha inextricable. On ne s'entend pas ici me dit-il. Suivez-moi ! La salle intérieure du restaurant est vide et je peux enfin m'exprimer :

- Je suis Monsieur Jullien, j'ai réservé une chambre. Montrez-la moi que je puisse au plus vite prendre une douche.

- Oui, je crois que vous en avez besoin, me réponds-il avec un petit sourire narquois et en me tendant une clé et en rajoutant : c'est la chambre 7 au deuxième étage.

- Puis-je manger après ? lui dis-je.

- Oui, mais ça ne sera peut-être pas en terrasse car tout est plein me réponds-il.

- Peu m'importe !

Malgré les escaliers qu'il me faut encore escalader, je m'empresse de monter dans la chambre. Avant toute chose, je me déshabille et me jette sous une douche chaude. J'ai bien essayé d'abord l'eau froide mais ce fut un supplice insupportable. Je n'ai pas insisté car à nouveau les brûlures se sont réveillées de manière presque insoutenable. J'ai appelé Dany pour la rassurer et l'embrasser mais sans trop m'étendre sur tous les déboires que j'avais endurés au court de cette mémorable journée. Les hauteurs du Vallespir ont été sacrément âpres aujourd'hui. Encore plus âpres que je ne l'avais imaginé ! C'est sûr maintenant, le titre de mon aventure " Sur les hauteurs d'une vallée âpre " ne sera pas galvaudé.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Une ruelle à Prats-de-Mollo et le clocher de l'église Saintes Juste et Ruffine.

ÂPRE EST CE VALLESPIR…… 

 

Âpre est ce Vallespir que je veux cheminer.

Dure est la Tour de Mir quand il faut y grimper.

Je ne fais que grandir sur ces crêtes boisées,

Les sources ont à jaillir pour combler les fossés.

 

Âpre est ce Vallespir que je veux affronter.

Dur est le déplaisir lorsque l'on veut marcher.

Et si mes pas délirent, rien ne peut m'arrêter,

Sauf les pins, ces martyrs que le vent a couché.

 

Âpre est ce Vallespir, je veux le proclamer.

Dur mon sang à tarir, je ne suis que touché.

Et ce pourpre élixir, il ne fait que couler,

Mon corps prêt à bondir sur les chemins dallés.

 

Âpre est ce Vallespir que j'ai pourtant aimé.

Dures ces lloses, ces porphyres où j'ai pourtant chuté.

Et si ma tête chavire, je n'vais pas m'écrouler,

Sur ces frêles sentiers, dans ces prés parfumés.

 

Âpre est ce Vallespir où il faut s'arrêter.

Dur est le point de mire où il faut arriver.

Et si mon cœur soupire alors qu'il est blessé,

Mon amour viens vers moi , toi seul peut l'apaiser.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le lendemain matin, la Tour de Mir me nargue de ces 1.540 mètres d'altitude. Elle se trouve sur le tracé du Tour du Vallespir. Vais-je l'affronter ?

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la forêt ravagée par la tempête Klaus pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms2eme étape : Mardi 18 août 2009.

Batère (1.460 m)-Saint-Guillem (1.287 m) 21 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

Ils franchirent le col, balayé de vents froids, trouvèrent l'ombre tiède des sentiers perdus sous les charmilles, bordés de fleurettes et de clairs ruisseaux, qui cheminent en palier ou en montées insensibles jusqu'au mamelon rocheux qui domine Sant-Guillem. Extrait du roman " Domenica ou la vallée âpre ". Marie Vallespir. Romancière française.

 

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsUN ECUREUIL JUSTE AU BOUT DE MON NEZ :

J'ai dû m'endormir vers minuit. Comme souvent, je me suis, au préalable, repassé la pellicule de cette première journée. En plus, dans ce magnifique film, j'avais l'image et la musique. Le refrain de " Mes jeunes années " venait sans cesse enjoliver cette étape pourtant très belle en elle-même. Mais ensuite, la nuit a quand même été très bonne car à ma grande surprise, hier soir, je me suis retrouvé tout seul dans cette immense salle. Tout le monde est parti rejoindre les lits gigognes du dortoir adjacent et aucun compagnon de chambrée n'est venu, par ses ronflements, perturber ma rêverie puis mon sommeil qui, ainsi, a été doux et récupérateur.

Décidemment, j'ai beau tenter de me convaincre d'arrêter de regarder ma montre, j'ai beau me dire que quand on veut flâner c'est idiot d'avoir toujours l'œil rivé sur le cadran, j'ai beau me dire que personne ne m'attends avant 5 jours, j'ai beau savoir que la journée sera largement suffisante pour atteindre l'arrivée, force est de constater, qu'en randonnée la montre reste un objet utile et essentiel. J'en veux pour preuve ce réveil programmé à 6h30 pour un petit déjeuner prévu à 7h30. Oh, bien sûr, rien ni personne ne m'oblige à me lever si tôt mais ces horaires me conviennent tout simplement. Sur des randonnées comme celle là, j'aime démarrer avec le lever du jour. Je ne suis pas le seul d'ailleurs. Or mis le jeune couple, on prend les mêmes que hier soir et on recommence. Mais autour de la table et devant les bols, si j'ai devant moi les mêmes personnes, les visages, les mines et les regards, eux, sont très dissemblables. Certains somnolent encore et ne semblent pas disposés à beurrer leur tartine. D'autres discutent comme s'il n'y avait jamais eu de G.R.10 à parcourir aujourd'hui, d'autres sont déjà d'attaque et pensent qu'ils perdent leur temps à rester attablés. De mon côté, je suis assez étonné de ma forme physique. Aucune douleur musculaire, ni aux jambes ni ailleurs et surtout pas de courbatures, mais il est tout de même hors de question de négliger ce petit déjeuner. Je prends tout mon temps car personne ne m'attend ce soir à Saint-Guillem de Combret. J'ai bien l'intention de traîner, de regarder ma montre le moins possible et je viens de décider que ça commencerait ici devant mon café au lait.

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

Je quitte Batère, son refuge, mes amis d'un jour, ses poules, ses vestiges miniers par des sentiers parfaitement balisés en jaune et rouge. Le sentier descend et je m'enfonce pour une paire d'heures dans une épaisse forêt.

Au bout d'une demi-heure, il me faut tout de même partir, je règle l'addition, pars au dortoir récupérer mon sac à dos qui est fin prêt et que j'ajuste aussitôt sur mes épaules. Tous mes amis d'un jour, d'Epinal et d'Allemagne sont là devant le refuge prêts à partir eux aussi. Quelques mots d'adieu aux plus sympas d'entre eux. Je serre des mains, fait la bise aux dames et salue d'un signe d'autres personnes qui se sont déjà éloignées. Nos routes se séparent ici. Eux partent vers le col de la Descarga et le G.R.10 et moi à l'opposé toujours dans cette magnifique forêt domaniale du Haut-Vallespir. Mais, en raison des couleurs surprenantes de ce matin vaporeux, je ne peux m'empêcher de partir sans jeter un dernier coup d'œil sur tous ces beaux paysages qu'il y a devant le refuge. Je sais pertinemment qu'il va y en avoir bien d'autres, mais ceux-là me retiennent encore comme un aimant : les panoramas sur la Vallée du Tech, Corsavy, Leca et la Souque sont déjà merveilleux dans cette aube nouvelle où s'élève quelques fumerolles de brumes dans un ciel limpide. Je me décide à partir, deux poules aux crêtes rouges semblent vouloir m'accompagner. Il faut dire qu'en leur donnant les restes d'un quignon de pain, je les aide dans cette démarche. En passant devant une voiture, je finis par comprendre l'absence du jeune couple ce matin au petit déjeuner : ils dorment à poings fermés allongés sur leurs sièges. Ils ne sont pas les seuls à dormir encore, d'autres ont dressé leur tente sur un pré, qui un peu plus loin, sert accessoirement de parking mais présente l'avantage d'être en bordure d'une vue grandiose et exceptionnelle. D'ici, on a une superbe et vaste vision du Vallespir vers l'est et comme le soleil tarde à se lever, l'horizon hésite entre la fin d'une nuit bleutée et le prélude à une belle journée orangée. C'est dans cette quiétude ambiante que je quitte définitivement Batère et ses derniers vestiges miniers. Le silence est de mise et je n'entends plus que le bruit de mes lourds godillots qui écrasent l'herbe humide d'une fraîche rosée matinale.

A partir d'ici et sur un long tronçon, le sentier que j'emprunte est commun au Tour du Vallespir et à celui du Canigou. Le balisage jaune et rouge est enfin bien présent et je n'éprouve aucun mal à le suivre sur ce sentier qui est soudain devenu très caillouteux en descendant de manière abrupte dans le Bois du Roc des Cabres. Mais des chèvres ou des cabris, je n'en verrai point dans cette dense forêt. Juste avant le Roc, le seul mammifère que j'aperçois, c'est un petit écureuil roux. A cinq mètres de moi, je le surprends sur la branche d'un petit pin. J'avance encore un peu car il me tourne le dos puis je m'arrête. Il ne m'a pas vu et j'essaie de ne plus bouger pour qu'il me laisse le temps de récupérer mon appareil photo enfouit dans une housse que je porte à la ceinture. Un caillou roule sous mon pied. Il se retourne et m'aperçoit. Il ne bouge pas car il paraît très surpris de me voir là à trois mètres de lui ! Au lieu de fuir, il saute sur la branche d'un grand pin encore plus proche de moi. Mais j'ai compris son manège car le grand pin est plus propice que le petit pour s'esquiver. Il est là maintenant juste au bout de mon nez. J'hésite entre récupérer mon appareil photo que j'ai un mal fou à sortir de sa housse ou le perdre de vue. L'occasion est trop belle, il faut que je le prenne en photo ! J'essaie de ralentir mes mouvements. Il m'observe. Un geste de trop. Le voilà qui saute et change de branche. Si j'attends encore pour le photographier, à coup sûr, je le loupe. Il se met à grimper, s'arrête de nouveau mais je l'ai dans le viseur et j'appuie sur le déclencheur. Je n'ai pas le temps de réaliser, qu'il est déjà à la cime du grand pin. Il détale maintenant à une vitesse inouïe, sautant de branche en branche. Je l'ai perdu ! Sur l'écran de mon numérique, j'essaie de voir si l'écureuil est sur le cliché que j'ai pris mais sur le moment, je ne l'aperçois pas. Il est vrai que je n'ai eu ni le temps de zoomer ni celui de faire une parfaite mise au point. Je me dis que je verrai sans doute mieux sur l'écran de mon ordinateur et peut-être aurais-je une belle surprise !

 Saute petit écureuil sur le bout de mon nez

 

Saute petit écureuil sur le bout de mon nez,

N'ait pas peur, viens vers moi et ne soit pas gêné.

Tu n'auras aucun mal, si tu te laisses faire,

Et ce que je propose, c'est loin d'être l'enfer.

 

C'est une belle photo que j'aurai pour la vie,

Et que je montrerai que si j'en ai envie.

Alors saute écureuil sur le bout de mon nez,

Arrête d'avoir peur et ne soit pas borné.

 

Ce n'est qu'un souvenir pour mes petits-enfants,

Que t'avoir en image et pas en triomphant.

Saute petit écureuil sur le bout de mon nez,

Si tu ne sautes pas, tu me gâches la journée.

 

Je n'ai pas d'écureuils dans mon joli bestiaire,

Approche, n'ait pas peur ou ne soit pas si fier.

Saute petit écureuil, mon nez c'est du velours,

Une photo, un portrait c'est parfois de l'amour

 

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

Un petit écureuil roux qui ne veut pas se laisser photographier mais je réussis néanmoins à l'avoir et en grossissant la photo, il n'est pas mal du tout !

De temps à autre, les paysages se dévoilent. Parfois vers l'est où le jour s'est enfin levé mais où les teintes bleutées et orangées de l'aube ont malheureusement laissé la place à une brume poisseuse et grisâtre. Parfois, vers le nord où par dessus les grands sapins, j'arrive de temps à autre à percevoir la grande façade blanche du refuge de Batère. J'arrive devant une grande barrière rocheuse au milieu d'un océan végétal. De là, je suis en surplomb et la vue donne enfin vers l'ouest et le sud. Mais cette vision est restreinte et ce ne sont que de magnifiques forêts à perte de vue. Dans cette verte immensité, seules quelques tristes saignées apparaissent et me rappellent que le 24 janvier dernier, il y a eu dans le département une terrible tempête.

C'était Klaus, tempête mal nommée par un institut de météorologie allemand puisqu'elle a soufflée avec une fantastique violence essentiellement dans le sud de l'Europe (Portugal, Espagne, Andorre, France, Italie) pour faiblir en Grèce puis terminer sa course en Turquie près de la Mer Noire. Mais, il faut savoir aussi que c'est une allemande Karla Wege, qui la première, eut l'idée en 1954, de donner des noms aux dépressions et anticyclones d'Europe afin que les cartes météos soient plus simples à lire. Aujourd'hui, cet institut de météo monnaye ces noms, et chacun peut se placer sur une liste d'attente pour devenir parrain ou sponsor et donner plus tard son nom ou son prénom à une tempête. Ainsi, difficile de dire qui était ce Klaus Schümann, en l'honneur duquel cette tempête a été ainsi nommée. Les homonymes étant nombreux car ce prénom et ce nom sont fort répandus en Allemagne, le plus connu d'entre tous étant néanmoins l'ancien Directeur Général des Affaires Politiques du Conseil de l'Europe. Mais est-ce bien lui ? Rien n'est moins sûr !

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J'ai quitté le refuge de Batère, dont j'aperçois la toiture depuis la descente dans la forêt. Un piton rocheux se dresse devant moi. Je descends dans le Bois du Roc des Cabres, puis dans une immense forêt légèrement chahutée par la tempête Klaus où pullulent les grosses coulemelles.

Je repars. La falaise blanche me paraissait infranchissable, mais la petite sente très étroite bifurque juste avant et tourne à droite dans une descente toujours plus raide. Les sombres pins et les grands résineux ont laissé la place à une immense et lumineuse hêtraie où les grosses coulemelles poussent à profusion. Il y a maintenant une heure que j'ai démarré, j'atteins un petit torrent. Sur ma carte, c'est le ruisseau du ravin de la Riverette. Je le traverse et le longe quelques temps. La sente s'aplanie et file sud-ouest. Un quart d'heure plus tard, je croise les premiers panonceaux : Col d'En Cé (veut dire feu, encens) et la Baraque del Faig (hêtre). Je marche dans la bonne direction. Je ne suis pas inquiet mais pourtant ça me rassure car cela fait un bon moment que je serpente dans la forêt et que mon GPS n'arrive pas à faire un point précis sous cette forêt trop dense. Quand au balisage, il est présent, mais parfois trop effacé pour être évident à percevoir. De temps à temps, les cicatrices de Klaus se font plus apparentes mais les forestiers ont fait leur travail et je n'éprouve aucune difficulté à suivre l'itinéraire qui est désormais rectiligne. Je traverse un deuxième ruisseau, c'est le Correc des Cabres. A travers quelques grands pins, je finis par apercevoir le Pic de la Souque. Il semble beaucoup plus proche maintenant, pas de doute, j'arrive au Col d'En Cé.

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Photos prises dans le Bois du Roc des Cabres puis en arrivant au Col d'En Cé

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Au col d'En Cé, joli pré planté de ruches avec le Pic de la Souque pour horizon. Je vais m'y arrêter pour prendre un en-cas mais les abeilles ne l'entendent pas ainsi !

Dans ma tête et pour plusieurs raisons, ce col est dans cette longue journée de marche, une première étape de franchie : d'abord parce que ce col est le carrefour de deux chemins, dont je ne sais trop lequel des deux emprunte vraiment le Tour du Vallespir. Sur les cartes, c'est une étroite sente qui, par la droite, remonte dans la forêt, longe les Canals de Leca dans un décor rocheux et dont le dénivelé est paraît-il plutôt difficile. De l'autre, c'est une large piste qui monte du hameau de Leca et qui file parallèle au Riuferrer, la rivière du fer. Jadis, cette route a été goudronnée mais il n'en reste plus rien. Georges Véron dans son guide conseille cette piste et écrit : " les sages la suivront vers la droite et l'ouest sans s'occuper du balisage qui emprunte, très en contre-haut, un parcours nettement plus pénible ".

Je ne connais pas cette piste pas plus que le sentier pénible d'ailleurs. Est-elle plus facile ? Sans doute, si je compare les deux itinéraires que par sécurité, j'ai enregistré dans mon GPS. Ici, ce ne sont pas les difficultés qui m'effraient, ni le poids du sac qui me pèse, mais je veux avant tout être sage et je ne me pose donc aucune question. Je délaisse la petite sente balisée en jaune et rouge qui grimpe dans la forêt, et qui, selon les panonceaux, file à la Baraque del Faig en empruntant, et le Tour du Canigou et celui du Vallespir. Malgré ces indications on ne peut plus claires, je n'ai pas le sentiment de faire une entorse au Tour du Vallespir puisque Véron lui-même préconise le parcours que je vais prendre.

J'ai mis deux heures pour arriver au Col d'En Cé et j'estime qu'il est temps de faire une pause. Le cadre s'y prête avec une jolie pelouse verte et rase comme je les aime. Cette halte me semble indispensable, ne serait-ce que pour reposer mes genoux légèrement endoloris ; douleurs aux articulations engendrées par les multiples torsions de cette longue descente. Je m'arrête, dépose mon sac et commence à sortir quelques friandises. Mais les abeilles, de plusieurs ruches blotties non loin de là dans les fougères, ne l'entendent pas de cette oreille. Oh non, elles ne me piquent pas mais les nombreuses escadrilles qui tournent autour de moi sont suffisamment dissuasives pour me faire comprendre que je me suis ingéré dans un territoire qui n'était pas le mien. Je remballe tout mon attirail et file un peu plus loin vers un endroit plus accue

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Je quitte le col d'En Cé par l'agréable et large chemin conseillé par Georges Véron dans son guide et non pas par le sentier du Tour du Vallespir qui, beaucoup plus haut, longe les Canals de Leca. Pourtant, je n'ai pas le sentiment de faire une entorse au véritable parcours !

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Après le Col d'En Cé, de merveilleux panoramas de tous côtés, vers de hauts sommets, vers le cirque d'En Faig, la Souque et la vallée du Riuferrer, rivière du fer alimentée par d'agréables et mélodieux petits rus.

Bien que clôturée sur ma gauche, sans doute par sécurité pour les troupeaux, car elle est carrément en surplomb de 300 ou 400 mètres au dessus du torrent du Riuferrer, la piste est plaisante à cheminer. Ici aussi quelques arbres ont été étêtés par la tempête Klaus. La déclivité est modeste et quand les arbres ont été épargnés, le chemin se faufile à travers une flore resplendissante où les courts feuillus se mélangent aux petits sapins et aux frêles épicéas. Cette basse végétation présente un avantage non négligeable, celui de pouvoir marcher sans avoir à trop lever la tête pour découvrir cet immense cirque du Faig qui s'ouvre devant moi. Ce cirque, couronné de très hauts sommets qui se détachent sur un ciel bleu cristallin est vraiment splendide : Pic du Roc Nègre (2.714 m) Pic des Très Vents (2.731 m), Pic Roja (2.724 m), Pic de Bassibes (2.637 m), Pic des Sept Hommes (2.651 m). Les crêtes et les flancs de toutes ces hautes cimes où alternent les immenses pierriers blancs et les vertes pelouses sont des invitations à randonner toujours plus haut, même si je sais par avance que je n'aurais pas à monter à ces altitudes sur ce Tour du Vallespir.

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Au pied du splendide cirque d'En Faig, une rafraîchissante baignade dans le Riuferrer un peu perturbée par les sifflements d'une marmotte que je n'arrive pas à apercevoir.Mais en me baignant, j'ai réalisé une rêve, celui de prendre un bain dans une rivière lors de ce Tour du Vallespir.

Depuis le Col d'En Cé, arrêt compris, j'ai mis exactement une heure pour parcourir les 4 kilomètres de cette piste qui se termine comme elle avait commencé, c'est-à-dire dans une verte prairie plantée de nombreuses ruches. Mais, j'ai retenu la leçon, je laisse les abeilles tranquilles et je préfère filer vers le torrent dont j'entends désormais le clapotis tout proche. J'enjambe quelques rochers car, malgré ce que dit Véron dans son guide, il n'y a ici aucune passerelle. Elle a sans doute été emportée, un jour d'orage, par les flots impétueux du torrent. Je suis déjà sur une autre rive du Riuferrer mais ici, des rives, il y en a plusieurs car la rivière prend sa source à proximité et cherche encore son cours principal dans le début de ce long vallon qui finit sa course 17 kilomètres plus loin, à Arles-sur-Tech. Il fait très chaud et j'ai très chaud, et toutes ses vasques limpides sont des provocations à un bain que je sais presque inévitable. A des lieux de toute habitation, j'ai la quasi certitude d'être seul et éloigné de tout au fond de ce magnifique cirque, j'ôte tous mes vêtements et me dirige vers la rivière. Mais à l'instant précis où j'entre dans l'eau, j'entends un sifflement strident. Serait-ce quelqu'un qui me reluque et qui me trouve beau dans le " plus simple appareil " ? J'ai de l'imagination mais il m'est impossible de croire à ce raisonnement. Je reste néanmoins surpris d'entendre siffler et je regarde autour de moi avec insistance et un peu d'appréhension aussi, je dois l'avouer. Quelqu'un m'aurait-il surpris dans cette tenue d'Adam sans feuille de vigne ? Non, je ne vois personne mais les sifflements aigus se répètent et viennent clairement d'une zone de gros éboulis qui se trouve derrière moi où déboule un autre petit torrent. Je suis pudique et malgré une eau glacée, je plonge plus vite que prévu dans la première marmite venue. J'observe mais je ne vois rien. J'avoue que ce sifflement persistant continue de me troubler. Je sors du torrent, me sèche et j'enfile mon slip. Mais les sifflements irréguliers se poursuivent et je comprends qu'il ne peut s'agir que d'une marmotte qui siffle pour prévenir ses congénères de ma présence. Je retourne au bord du torrent pour figer sur une photo, cet instant ridicule et désopilant dont je rigole encore quand j'y pense. Enfin, malgré l'aspect ridicule de ce moment, j'ai réalisé un rêve celui de me baigner dans une rivière lors de ce Tour du Vallespir. Depuis que je suis enfant, l'eau m'a toujours fortement attirée. 

Paysages aperçus après avoir enjambé le Riuferrer et quitté le cirque d'En Faig. Le sentier alterne éboulis et jolis passages en sous-bois. De l'autre côté du torrent, j'aperçois la piste empruntée après le col d'En Cé. Le balisage est bon même si ici le panonceau indique seulement le Tour du Canigou. 

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Paysages aperçus après avoir enjambé le Riuferrer et quitté le cirque d'En Faig. Le sentier alterne éboulis et jolis passages en sous-bois. De l'autre côté du torrent, j'aperçois la piste empruntée après le col d'En Cé. Le balisage est bon même si ici le panonceau indique seulement le Tour du Canigou.

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J'ai quitté le cirque d'En Faig (au fond), la sente s'élève au dessus du vallon du Riuferrer dans lequel je viens de me baigner nu. Mais des sifflements aigus, ceux d'une marmotte sans doute, sont venus troubler ce plaisir. En reprenant ma marche, j'en rigole tout seul car je trouve cela désopilant quand j'y repense !

Après avoir traversé le Riuferrer, c'est une petite sente qui le longe désormais sur la rive opposée. Mais, si le sentier est parallèle à la piste que j'ai suivie depuis le Col d'En Cé, avec ses montées et ses descentes successives dans les cailloux et les éboulis, il est beaucoup moins agréable et facile à arpenter que ne l'était la piste. Seuls les paysages restent plaisants à regarder avec désormais une vue circulaire de tous les pics qui dominent le cirque d'En Faig. Il y a toujours les mêmes auxquels s'ajoutent désormais ceux en face de moi à savoir les pics Gallinasse (2.461 m), Cincreus ou Cinq croix (2.266 m) et Pel de Ca ou Peau du chien (2.112 m). Dans le pierrier du Gallinasse, j'aperçois un isard qui grimpe la pente avec une facilité déconcertante. Il s'arrête et m'observe. Compte tenu de la distance qui nous sépare, il est peu inquiet et continue tranquille son ascension vers le sommet. Bien qu'estimant la distance trop importante, je tente néanmoins une photo en mode rapproché. Le chemin se fait plus doux au sein du bois de la Bac de la Cova dels Porcs (bac signifiant ubac, cova signifiant grotte, on peut traduite textuellement par ubac de la grotte des cochons), je décide de stopper là pour déjeuner car il est 12h30 et je n'ai pas envie de " speeder " inutilement. Je mange en priorité le panier repas confectionné ce matin par le cuistot du Refuge de Batère, constitué d'un gros sandwich omelette au jambon, d'un " bon " morceau de fromage, de 2 tranches de pains d'épices et d'une orange. Je conserve et continue de trimbaler mes salades et mes gâteaux de riz que je garde précieusement en prévision des repas de ce soir et de demain midi. Quand je repars, le ciel s'est quelque peu assombri. Mais cette obscurcissement est sporadique car une " bonne " tramontane pousse vers le sud tous ces gros cumulus le plus souvent très blancs mais quelquefois gris aussi.

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J'ai définitivement quitté En Faig. Une rampe d'éboulis s'élève hardiment et m'oblige à prendre un peu d'énergisant. Un étrange papillon tente de faire du mimétisme sur une feuille, mais pas de bol, le feuille est verte et lui est marron tacheté de bleu. C'est la première fois que j'en vois un comme ça et je ne connais pas son nom. La sente file vers une belle hêtraie où poussent de jolis champignons jaunes, direction la cabane de la Devesa que j'aperçois au loin.

La sente s'élève maintenant par une sévère rampe qui se fraye un chemin au milieu d'un gros pierrier. La sente ne fait que monter depuis que j'ai redémarré et elle s'accentue encore. L'estomac alourdi par le déjeuner, j'ai un mal fou à retrouver mon ardeur de ce matin. Aussi, je trouve opportun d'ouvrir, pour la première fois de la journée, une nouvelle compote gélifiée énergisante dont j'absorbe, en pressant le tube, une copieuse lichette. L'effet du glucose sur mon organisme est quasiment immédiat et alors que je grimpe en direction de la cabane forestière de La Devesa, un quart d'heures plus tard, j'ai retrouvé une " forme olympique ". J'entre dans une étrange hêtraie où les arbres avec leurs multiples branches tentaculaires qui sortent du sol ressemblent plus à des pieuvres géantes qu'à des végétaux. Les abords du chemin sont parsemés d'une multitude de jolis petits champignons jaunâtres. Au sortir de la hêtraie, j'aperçois enfin au dessus de moi la cabane qui sert régulièrement d'abri aux bergers et de refuge aux randonneurs.

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La cabane de Devesa apparaît et les panoramas se révèlent de tous côtés et jusqu'à la Méditerranée. Dommage une longe chape brumeuse bouche l'essentiel de l'horizon. Mais je réussis néanmoins à apercevoir Amélie-les-Bains d'où je suis parti hier matin, Montbolo et la piste qui monte vers Formentere.

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Je grave dans ce grand hêtre, mais sans talent, la mémoire de mon passage ici.

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Des chevaux et surtout un gentil et sympathique trio de randonneurs: voilà, quelques bons souvenirs de mon passage près de la cabane de la Devesa.

Sur ma gauche, je reconnais la verte prairie du Col de l'Estagnol que je connais bien et que je dois rejoindre. Mais pour l'instant rien ne presse, il n'est que 14 heures et je m'arrête pour manger une orange à l'ombre d'un immense hêtre. Machinalement, je me mets à en creuser l'écorce, à l'aide de mon " Laguiole ", pour tenter d'y graver à jamais mes initiales et la date du jour marquant ainsi mon " glorieux " passage sur ce Tour du Vallespir. Mais il faut que je l'avoue, je ne suis pas un artiste en la matière et je resterai sans doute le seul à savoir que je suis passé par là ! Au moment où je m'apprête à repartir, un homme arrive vers moi et, dans un élan très amical, il me salue en me serrant la main avec chaleur. Il semble radieux de rencontrer quelqu'un à qui parler. Il est suivi d'une jeune femme et d'une jeune fille. La jeune femme vient également vers moi me dire bonjour. La jeune fille, elle, poursuit son chemin, et me salue, de loin, d'un sourire timide. Pendant que ses parents m'expliquent leur randonnée, je la vois partir en courant à la rencontre de trois chevaux qu'elle vient d'apercevoir non loin de la cabane. Son père, qui ne la quitte pas des yeux, se met à crier. Il s'étrangle à lui rappeler les règles de prudence les plus élémentaires à adopter avant de se rapprocher des chevaux. Mais la jeune fille les a déjà atteints et les caresse sans aucune retenue ni appréhension. Heureusement, ces chevaux qui vivent le plus souvent à l'état sauvage semblent dociles et de bonne composition. Le père, qui n'était pas entendu, est, par crainte, parti en courant rejoindre sa fille, ce qui a eu pour effet de couper court à notre conversation qui, apparemment, s'orientait sur la manière dont ils devaient poursuivre leur parcours pour rejoindre Leca. Une fois rassuré le père revient vers moi, déplie sa carte IGN et me demande de lui indiquer s'ils peuvent faire une boucle pour rejoindre leur point de départ et retrouver leur véhicule qu'ils ont laissé à Leca. Le doigt pointé vers un proche horizon, je lui désigne d'abord le Col de l'Estagnol, grand pré vert clair que l'on aperçoit au milieu d'un océan de grands conifères au vert plus sombre puis, tout en décrivant le parcours à prendre, mon index descend dans le ravin qui nous fait face. C'est celui de la Font de l'Estagnol. Puis, pointant toujours mon index, je retranscris sur la carte la même description, tout en suivant l'itinéraire en rouge qu'il auront à emprunter.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

Avant de repartir de la Devesa vers le col de l'Estagnol, j'ai un large aperçu du chemin parcouru hier, d'Amélie-les-Bains à Batère dont j'aperçois la tour à l'horizon sur ma gauche.

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Je laisse la Devesa, sa cabane, ses chevaux, son cadre bucolique et ses beaux panoramas, direction le col de l'Estagnol et son pré verdoyant que j'aperçois au loin.

L'homme me remercie et le trio repart en direction de la large piste qui démarre au pied de la cabane de la Devesa. Ils me distancent rapidement et disparaissent dans la sombre forêt qui descend le long des flancs du Puig dels Pastors. De mon côté, je continue de flâner, prenant photos sur photos, du site de la Devesa et des alentours mais aussi de tous ces splendides panoramas que je domine et que j'aperçois presque à perte de vue en direction de la mer. Je discerne avec bonheur mais étonnement la quasi totalité du chemin parcouru hier : Mes yeux partent d'Amélie-les-Bains, grande empreinte blanchâtre au fond de la vallée du Tech puis peu à peu, ils montent vers Montbolo que je devine à peine, puis ils cheminent sur cette longue piste qui louvoie telle une couleuvre vers le col de Formentere pour s'arrêter au pied de la tour de Batère parfaitement visible. Absorbé par tous ces beaux paysages et ces magnifiques forêts, quand je sors du Bois dels Pastors pour déboucher sur le vaste et verdoyant pré du Col de L'Estagnol, c'est sous quelques gouttelettes de pluie. Elles tombent d'un modeste nuage noir qui a, sans doute lui aussi, décidé de s'arrêter là pour profiter de ce remarquable spectacle. Pour la deuxième fois en deux jours, me voilà contraint de recouvrir mon sac à dos et de sortir mon poncho dans la précipitation. Sur le grand pré, je retrouve " mon " trio de randonneurs. Ils viennent de nouveau vers moi car ils n'ont pas trouvé la sente qui redescend vers Leca. Je dépose mon sac à dos sur le pré et leur demande de me suivre jusqu'à un petit piquet et à une petite trace jaune, peu visible il est vrai, car peinte à même le sol sur une pierre à la limite de la forêt et de la pelouse.Là, je leur dis de ne plus quitter ce balisage jusqu'à retrouver le panneau Leca qu'ils ont inévitablement rencontré en montant vers le Faig. Je quitte cette charmante famille, non sans leur avoir montré au préalable, et une nouvelle fois, le tracé sur la carte IGN et décrit au père la sente qui devrait les ramener sans problème jusqu'à leur véhicule. Je les mets surtout en garde de délaisser les chemins et les pistes qu'ils vont couper et qui partent vers la droite.

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Quand, j'arrive au col de l'Estagnol, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour Jérôme car il y a trois semaines, nous avions déjeuné là avant de monter au Pic de la Souque. D'ailleurs, le pic apparaît au loin en forme de volcan aplati à son sommet. Mais il y a aussi toutes ces montagnes que j'aurai à gravir dans les jours prochains de l'autre côté du versant du Vallespir.

Un dernier signe de la main et le sympathique " trio " disparaît définitivement dans le bois. J'ôte et replie mon poncho car le petit nuage noir a fichu le camp lui aussi et la pluie fine a cessé. Le petit nuage noir a laissé la place à un magnifique ciel bleu où quelques éphémères et gros cumulus blancs très épars continuent de courir poussés par un vent modéré du nord. Quand je me retrouve sur cet immense pré vert clair, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour Jérôme, il y a trois semaines nous avions déjeuné là avant de grimper au Pic de la Souque. De ce vaste plateau herbeux, la vision bascule sur l'autre Vallespir, celui de la vallée du Tech. Ces paysages sur le Tech et plus loin vers l'Espagne ne sont que successions de petites collines, de profondes ravines et de montagnes beaucoup moins hautes que celles auxquelles je tourne désormais le dos. Est-ce la distance qui me sépare encore de ces paysages, mais j'éprouve pas mal de difficultés à imaginer, que pour finir convenablement cette boucle, il me faudra chevaucher toutes ces " montagnes russes " lors des trois derniers jours. Je rejoins un panneau indicateur qui m'oriente dans la direction à poursuivre : " Volta del Vallespir/Tour du Vallespir - St Guillem ". Malgré mon GPS, j'avoue que ce panneau m'est précieux car hormis le site de Saint-Guillem lui-même, je ne connais plus les chemins qui m'attendent à partir d'ici et pendant encore deux jours jusqu'à Notre-Dame du Coral et Lamanère. Assis bien en face ces jolis panoramas, je grignote quelques fruits secs en observant sur ma carte IGN, les sentiers à prendre pour arriver au refuge de Saint-Guillem ce soir. Je repars par une large piste dont la déclivité s'accentue à chacun de mes pas. Par sécurité, du moins je le pense, je garde à la main et pendant quelques temps mon GPS allumé. Le dénivelé progresse : 1.650 mètres, 1.670, 1.680, 1.700, 1.720, 1.730 mètres, puis, toujours allumé, je finis par le glisser dans la poche de mon short car ce dernier me situe parfaitement sur le tracé. Et là, je commet une erreur grossière car quand je le ressors de ma poche, bien, que n'ayant pas quitté la piste, je m'aperçois que je ne suis plus du tout sur la tracé mais l'altitude a encore augmenté de quelques mètres puisque je suis désormais à 1.765 mètres. Selon la connaissance que j'ai du parcours, je sais que je suis beaucoup trop haut car le point culminant du Tour du Vallespir se situe à 1.808 mètres et ce sera demain au Col de Serre Vernet. Je comprends que je me suis beaucoup trop rapproché de cette altitude pour être sur le bon chemin ! Je ressors la carte de mon sac et remarque qu'effectivement j'ai dû louper la sente qui descend à gauche vers un petit col inscrit sur la carte : la Collada del Réart. Mais je remarque aussi que si je continue la piste, je ne suis plus très loin d'une autre sente qui rejoint la première, peu avant le Roc del Réart. Je choisis cette option et continue de monter sur quelques dizaines de mètres. Et là, surprise et soulagement, juste derrière un virage, j'aperçois un nouveau panneau indiquant clairement : " Volta del Canigo/Volta del Vallespir - St Guillem ". A mes pieds, une étroite sente descend à gauche.

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Après le col de l'Estagnol, je me trompe de chemin et la sente grimpe vers des sommets plus élevés que prévus, mais les panoramas sont si merveilleux !

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Je me suis trompé de chemin mais par bonheur celui-là aussi à une variante qui va à hameau de Saint-Guillem de Combret !

Le GPS me situe à 1.771 mètres d'altitude et de là encore, les panoramas sont grandioses sur le Bas et le Moyen Vallespir et la vallée du Tech bien sûr, mais aussi sur le vallon et le bassin de Coumelade et les pics et les crêtes qui l'entourent. Pic de Gallinas (2.029 m), crêtes de Serre-Vernet (1.970 m), Montagne Rase (2.439 m), à vol d'oiseau, je ne suis plus très loin de la haute montagne mais maintenant il me faut descendre dans cette terrible sente qui zigzague des contreforts très rocailleux du Roc Coucoulère jusqu'aux flancs boisés de la Sola du Rossignol. J'ai beau me méfier à outrance de cette étroite sente abrupte, peu empruntée, mal débroussaillée et par endroit ravinée, je ne peux éviter une chute dans les bruyères rases. Heureusement sans gravité, sauf pour une malheureuse petite abeille qui se retrouve plantée par le dard dans la paume de ma main. Malgré la vive douleur momentanée, j'essaie de dégager cette pauvre abeille de cette situation inconfortable, surtout pour elle, car je sais qu'en tirant, une partie de l'abdomen restera planté dans ma peau retenu qu'il est par un petit crochet qui se trouve à la pointe du dard. L'abdomen et le dard étant étroitement relié par un muscle infime et fragile, l'abeille meurt en général de cette intervention. Malgré toute la délicatesse que je peux mettre à cette opération, tout se passe comme prévu : je suis malheureusement obligé de m'y reprendre par deux fois, une première, car le dard et les entrailles toutes entières sont restées plantées dans ma paume et une seconde, pour retirer le dard dont j'ai le vague sentiment que le crochet est resté enfoncé dans mon derme. L'abeille, elle, n'a pas survécu à cette " pitoyable chirurgie " ! Malgré une douleur assez superficielle désormais, je sors, par sécurité, ma trousse à pharmacie et mon " Aspivenin " pour aspirer le reste des toxines injectées par cette pauvre abeille qui, tranquille à butiner, a eu la malchance de croiser ma route.

Pauvre petite abeille que le rose attirait

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Sur le rose sentier, voilà que j'ai chuté

Sur une frêle abeille que le rose attirait.

Tombé dans les bruyères où est la gravité,

Pour une abeille gracile que le rose attirait.

 

Dans la paume de ma main, elle resta plantée,

Cette jolie abeille que le rose attirait.

Autant le dire de suite, il faut avoir pitié,

Pour une abeille fragile que le rose attirait.

 

Petit corps dans mes mains, j'avais la faculté,

Pour cette fine abeille que le rose attirait,

De la tirer de là, avec habileté,

Cette petite abeille que le rose attirait.

 

Tirant son abdomen avec dextérité,

La délicate abeille que le rose attirait,

S'endormit dans ma main et pour l'éternité.

Et rose fût sa mort où elle fût attirée

 

Mais ce triste spectacle m'avait déconcerté.

Je priais cette abeille que le rose attirait

De s'envoler vers Dieu qui m'avait écouté.

Au rose paradis, l'abeille fût attirée.

 

Et comme cette histoire a une moralité.

La mort quitta l'abeille que le rose attirait.

Le matin, elle revint toute ressuscitée,

Butiner les bruyères encore fraîches de rosée.

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Mon GPS affiche 1.771 m d'altitude, j'aperçois Saint-Guillem 500 mètres plus bas, les crêtes à gravir demain et le splendide vallon de la Coumelade. 

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Il va me falloir 1h40 pour arriver au hameau de Saint-Guillem, écrasant au passage une pauvre petite abeille et galérant dans le dernier bois, couché par la tempête Klaus.

Je repars contrit en redoublant de vigilance pour ne plus tomber et écraser d'autres innocentes abeilles qui sont très nombreuses sur ce sentier. A chaque détour du chemin, à chaque bout du zig ou parfois du zag, j'aperçois désormais le hameau de Saint-Guillem de Combret. Avec sa chapelle, son refuge et ses quelques maisons, le hameau se rapproche trop lentement à mon goût. Oh non, je ne suis pas pressé car ce soir personne ne m'attends ! Mais je languis d'arriver car cette descente est usante tant pour les muscles et les articulations que par la tension nerveuse que je mets à ne pas trébucher. La pente est très raide par endroits et l'orage d'hier soir a rendu certaines portions du sentier très glissantes. Depuis le dernier panonceau situé à 1.771 mètres d'altitude, et montre en mains, j'ai mis exactement 1h40 pour parcourir un peu plus de quatre kilomètres et arriver au refuge, situé à 1.287 mètres. Et pour couronner le tout, cette descente se termine dans un fatras invraisemblable de bois cassés et d'arbres abattus par la tempête Klaus. A cet instant précis, et après être sorti difficilement, avec quelques égratignures très superficielles mais sans aucun bobo sérieux de ce ramassis d'arbres morts, il me paraît impossible de trouver pires conditions de marche. Le hameau paraît désert. Je passe sous la jolie chapelle. Il est 17 heures tapantes quand j'entre dans le refuge dont la porte est grande ouverte mais où un caleçon a été mis à sécher sous le auvent. Mais le refuge est vide lui aussi. Je m'y installe le plus confortablement possible. Ici le mot " confort " est franchement très exagéré.

De la paillasse à la cheminée en passant par une grande table et deux bancs en bois, tout y est plutôt spartiate pour ne pas dire austère. Je sors de mon sac à dos tout le nécessaire dont je vais avoir besoin pour vivre c'est à dire pour manger et pour dormir. Sans trop m'étaler car il est fort possible que d'autres randonneurs arrivent encore, j'essaie de m'aménager deux petits coins à moi. Un sur la table, l'autre sur le dortoir. Si d'autres locataires arrivent, seule la couchette posera vraiment un problème car s'il y a une grande estrade en bois pouvant accueillir plusieurs personnes, il y a un seul matelas en mousse et deux gros coussins, type sièges de voiture. Mais en la circonstance, le premier arrivant ayant toujours raison, je m'accapare le matelas et un gros coussin dont je veux montrer l'occupation en y posant mon sac à dos bien en évidence. Par contre, je n'occupe qu'un petit coin de la grande table où j'ai déjà disposé les mets pour ce soir et le " p'tit déj " pour demain matin.

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La chapelle Saint-Guillem de Combret, lieu de passage depuis des siècles

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En arrivant à Saint-Guillem de Combret, le refuge non gardé est un lieu austère aux conditions spartiates mais ô combien pratiques sur ce Tour du Vallespir !

Je partage le reste de l'après-midi et la fin de la soirée entre la visite du site de Saint-Guillem de Combret que je connais déjà pas mal, quelques photos et un peu de lecture. La chapelle semble la seule habitation occupée aujourd'hui, aussi j'écourte ma visite et part faire quelques photos des panoramas alentours. De retour au refuge, je feuillette quelques vieilles pages de L'Indépendant de Perpignan qui ont sans doute été laissées ici pour allumer la cheminée puis je reprends la lecture de " Dalva ". Quand le soir se met à tomber, aucun autre locataire n'est arrivé. Le caleçon est toujours là, suspendu sous le auvent de la porte d'entrée et personne n'est venu le décrocher. Certainement quelqu'un qui l'aura oublié ! Je prends mes aises car je sais que plus personne ne viendra maintenant. Tout en lisant " Dalva ", je mange deux salades, un gâteau de riz et quelques fruits secs. Mais après ce frugal repas, la lassitude aidant, mes paupières tombent seules sur mes yeux sans vigueur. Assis à la grande table, je tente de lire à la faible lueur de cinq ou six bougies et seul un petit lézard, qui entre et sort par un fenestron resté entrebâillé, me tient un peu éveillé. Indécis, il cherche sans doute un orifice où se coucher mais hésite entre l'obscurité extérieure et la demi pénombre du refuge. Quand il disparaît définitivement, je n'essaie plus de lutter contre le sommeil et moi aussi, je pars me coucher.

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A Saint-Guillem, je termine la soirée à un peu de lecture et à quelques photos. Mais je suis anxieux car le bois sous le refuge, où se trouve l'arboretum, a été, lui aussi, fracassé par la tempête Klaus. Alors, je me dis : " Comment vont être les chemins lors des jours à venir ? "

Je repense à cette journée plutôt agréable et sympathique à 99%. Journée à la fois comique sous certains aspects mais aussi angoissante quand je me souviens de la galère dans laquelle j'ai bataillé dans ce dernier bois pour rejoindre le hameau. Mes pensées s'emmêlent entre instants d'angoisse et de bonheur. Mais dans ce jeu du souvenir, l'angoisse et l'anxiété finissent par l'emporter malgré la domination incontestable des instants de plaisir et de bonheur. Je revois parfaitement ce petit écureuil roux qui était tout près de moi mais que je n'ai pas vraiment réussi à photographier convenablement. Je me revois nu dans le Riuferrer, dans cette attitude ridicule et burlesque, à écouter ces sifflements aigus dont je cherchais stupidement la provenance. Je me souviens de ce couple de randonneurs qui sont venus vers moi chaleureusement et le sourire en " banane " pour que je les rassure quant à la direction à prendre. Là aussi, cette rencontre avait un aspect un peu cocasse et dérisoire car ce couple et leur fille semblaient compter sur moi comme les disciples attendaient de Jésus qu'il leur montre le droit chemin. J'exagère un peu, mais s'ils avaient su combien de fois, moi aussi, je me suis transformé en " brebis égarée ", ils auraient passé leur chemin en m'ignorant totalement ! D'ailleurs ne me suis-je pas fourvoyé au cours de cette journée : après le Col de l'Estagnol puis surtout dans ce fouillis de branchages et cet amoncellement d'arbres fracassés ou déracinés. C'est en partie de la faute à Klaus me direz-vous ! Mais même vu sous cet angle, cet égarement m'inquiète. Et si dans les jours prochains, nombres de chemins étaient autant impraticables ? Je suis d'autant plus inquiet, que cet après-midi, je suis parti vainement avec l'idée de visiter l'arboretum qui se trouve juste en dessous, à seulement quelques mètres du refuge. Pourtant c'est un des rares endroits du département où l'on peut apercevoir de grands séquoias ! Mais cet arboretum était lui aussi inapprochable car la tempête avait fait dans ce petit bois d'incommensurables ravages. En général, je suis plutôt fataliste pour ne pas me laisser angoisser inutilement et tomber dans la paranoïa. J'ai beau me dire ; je verrai bien, demain sera un autre jour, c'était bien jusqu'à présent, il n'y a pas de raison que ça change ; les images de ces grands arbres couchés, déracinés, fracassés en deux comme de simples allumettes reviennent sans cesse et m'empêchent de trouver le sommeil. Tout à l'heure, je m'endormais à table et maintenant je n'arrive plus à sortir de ma tête la vision de tous les dégâts de cette tempête Klaus. J'essaie, mais en vain, de me convaincre que les longues randonnées pédestres oscillent souvent entre moments de plaisirs et instants de souffrance et de douleurs. Pourtant et par expérience, je sais que ces revirements de situation sont souvent inévitables, surtout quand on veut se hisser sur " les hauteurs d'une vallée âpre " ?

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.1ere étape : Lundi 17 août 2009.

Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir et 2 fois pour un plein écran.

"Vous ne connaissez pas la dernière bergère Qui règne encore ici sur ces antiques lieux Où les Romains, en conquérants industrieux Fondaient le fer avant le premier millénaire ; En menant son troupeau vers la Tour de Batera A ses pieds, chaque jour, surgit devant ses yeux Ce grand pays de bois et de vallons herbeux Qui va de Saint-Marsal au col de Palomera." Extrait du recueil de poèmes " Ballades catalanes ". André Taurinya (1914-2004) poète français.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.LA MONTRE ET LE PAPILLON :

 

7h30, me voilà sur le parking des Thermes d'Amélie. J'ignore pourquoi je regarde ma montre, après tout, je ne pars pas sur ce Tour du Vallespir avec l'idée de faire une course contre la montre. Une ridicule habitude sans doute ! Ou alors la crainte d'avoir un ennui et d'arriver au gite à une heure déraisonnable ? Bien au contraire, je démarre plutôt avec l'idée de flâner autant que je le pourrais car dans la marche pédestre, c'est bien ce rythme-là que me plaît. Je viens de passer sans problème devant le vigile, lequel enfermé dans sa guérite, m'a regardé béat et m'a fait signe d'avancer. Il a du me prendre pour un curiste mais, de peur qu'il ne m'arrête, j'ai machinalement accéléré dans la rampe qui accède à la toiture du centre de cure où se trouve le parking. Il y a peu de voitures. Je gare la mienne. Je n'ai pas grand-chose à faire pour être prêt à démarrer : changer mes tennis par mes chaussures de marche, prendre mon bâton et mon bob et harnacher mon sac à dos. Une fois encore avec ses 21 kilos, ce maudit sac est bien trop lourd à mon goût. J'ai eu beau le remplir, le vider, le remplir à nouveau, le revider, le trier, faire la part des choses utiles ou inutiles, indispensables ou superflues, tous les objets qu'il contient ont été mûrement réfléchis et ont pour ambition de me servir au moins une fois. Outre, le poids élevé du sac à dos, l'arrêt total du tabac m'a fait prendre quelques kilos plus que superflus, kilos que j'ai toujours eu un mal fou à éliminer. C'est donc avec deux surcharges pondérales que je m'apprête à démarrer : le sac à dos et mon "bedon". Malgré ça, je suis confiant car je prépare ce Tour du Vallespir depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois et j'ai parfaitement ordonnancé ce départ.  De tous ces objets que contient mon sac à dos, j'en ai fait 4 grandes catégories :

a) Les aliments tout d'abord, avec il est vrai un gros surplus en prévision d'un jour et demi sans aucune possibilité de ravitaillement à Saint-Guillem de Combret. Je dispose pour cela de 4 coupelles de salades diverses achetées toutes prêtes, 4 boites de gâteaux de riz et un gros taboulé. A ces repas prévisionnels quotidiens, il faut ajouter le repas de ce midi et l'encas de l'après-midi avec une grosse salade composée, 3 sandwichs, 2 oranges, 1 banane, 1 compote et les 4 litres d'eau que j'ai cru utile d'emporter dans 2 gourdes d'un litre et une poche à eau de 2 litres, style Camelback. A tous ces aliments s'ajoutent une grosse boîte de fruits secs, 6 barres de céréales et des compléments énergétiques avec pour l'endurance une boite de poudre à diluer dans l'eau et pour l'énergie six compotes gélifiées, une par jour, pour palier aux " coups de mou " qui ne manqueront pas de survenir.

b) Viennent ensuite les vêtements que j'ai tenté de réduire au minimum avec un short et un tee-shirt de rechange, 2 paires de chaussettes, un slip, un coupe-vent et un poncho. A cette panoplie du randonneur du dimanche s'ajoute une paire de tongs pour reposer des pieds qui pourraient être endoloris par les longues distances qui m'attendent. J'ai également un sac de couchage de 900 grammes (je n'ai pas trouvé plus léger !) qui, si tout se passe bien, devrait me servir demain soir et pour une seule nuit au refuge non gardé de Saint-Guillem de Combret.

c) Ce modeste ensemble vestimentaire est complété par une petite mais indispensable boite à pharmacie et par une trousse de toilettes avec gant, serviette, savonnette, rasoir, bombe de rasage, eau de toilette, crème solaire, enfin tout ce qu'il faut pour éviter de ressembler trop vite à un vagabond.

d) Enfin, il y a tous les autres objets indispensables à une randonnée de 6 jours en solitaire : GPS, deux cartes IGN, descriptifs et certaines copies du topo-guide, téléphone portable, appareil photo, piles de rechange, boussole, sifflet, jumelles, couteau suisse, petite cuillère, lampe frontale, stylo, bouts de ficelle, carnet pour prendre des notes et numéros de téléphone utiles, etc.….

Voilà les 70 litres de mon sac à dos sont parfaitement remplis et difficile d'y glisser une épingle ou des choses inutiles. Ah oui, j'oubliais ! J'emporte aussi deux objets pas vraiment indispensables : un minuscule lecteur MP3 que mes enfants m'ont offert pour mon anniversaire, très agréable pour écouter un peu de musique et surtout très utile pour oublier que l'on souffre dans les gros dénivelés et un petit livre de poche " Dalva de Jim Harrison " que je vais essayer de lire, si je trouve le temps où, si le soir harassé de fatigue, Morphée ne m'engloutit pas trop vite dans ses bras. 

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains (232 m)-Batère (1.460 m) 21,3 kms.

Amélie-les-Bains est encore endormie. Vue depuis le parking des Thermes où je viens de ranger ma voiture.

Avant de quitter le parking des Thermes, la première chose qui me vient à l'esprit, c'est de prendre une photo de la ville d'Amélie encore un peu endormie avec à mes pieds la rivière Mondony. Il faut savoir que ce petit ruisseau insignifiant et tranquille est sans doute à l'origine de la création de cette jolie ville thermale qui doit son nom au roi Louis-Philippe qui, en 1840, ne trouva rien de mieux que de donner à la cité, le prénom de son épouse, la reine Marie Amélie de Bourbon. Antérieurement, ce sont les romains, qui les premiers, surent exploiter les résurgences de ses nombreuses sources d'eaux chaudes, " Aquae Calidae ", qui surgissent de ses jolies et très étroites gorges, dont la fin du défilé se trouve juste derrière moi. Mais comme il faut bien que je démarre, la deuxième chose à laquelle je pense, c'est d'éviter le vigile qui m'a vu passé en voiture et qui ne comprendrait pas comment j'ai pu aussi rapidement me métamorphoser de banal curiste en un authentique randonneur. Heureusement, grâce aux cures de Dany, je connais bien les lieux et pour contourner le vigile, j'emprunte l'ascenseur qui aboutit en bas à l'accueil des Thermes du Soleil. Je traverse le hall et sort du centre de cure sous le regard interloqué des curistes. Ils se demandent sans doute ce que je fais ici dans cet accoutrement du " parfait " randonneur avec mon énorme sac à dos, mon bob biscornu vissé sur la tête et mon bâton de marche. Je salue tout ce joli monde, sort du centre en prenant un air le plus naturel possible, et descend la rue des Thermes. A la hauteur du square de l'Espoir avec sa jolie mairie au style colonial et ses palmiers, je m'arrête un instant pour prendre une photo. Il faut dire qu'au moment de partir la vision de ce mot " espoir " sur cette plaque commémorative suscite en moi quelques réflexions. Pour moi, ce mot est bourré de symboles. En effet, j'ai placé beaucoup d'espoirs dans ce Tour du Vallespir, mais avec ses 6 étapes, ses 120 kilomètres à parcourir et ses 11 kilomètres de dénivelés positifs, il n'en demeure pas moins de nombreuses inconnues. Par expérience, je sais qu'il ne peut pas en être autrement mais j'ai bon espoir de terminer ce périple et surtout de le terminer dans les meilleures conditions possibles. Je place aussi de grands espoirs dans tout ce que je vais découvrir : en bout de course, serais-je déçu ou satisfait ? Espoir de réussir à faire un point sur moi-même car je vis mal ma retraite. Je l'avais sans doute trop idéalisée et je suis déçu et, par mon attitude, je déçois, par là même occasion, mon entourage. J'ai l'indicible espoir que la solitude pourra aussi m'aider à ça !

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Le square de l'Espoir, un mot plein de symboles, comme ces pigeons qui dorment paisiblement.

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Le Tech. Sans lui le Vallespir n'existerait pas et je ne serais pas là ! me dis-je.

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Je suis prêt à démarrer ce nouveau périple, mais sur mon visage, ne lit-on pas une certaine appréhension ?

J'arrive sur le pont qui traverse le Tech, un autre symbole que je m'apprête à prendre en photo. Sans ce fleuve, je ne serais pas là et il n'y aurait pas de Tour du Vallespir car c'est bien lui qui a façonné toute cette magnifique région. A cet instant précis, mon regard est attiré par des centaines de pigeons qui dorment la tête enfouie dans leur plumage sur un grand arbre dénudé. Un autre symbole que tous ces pigeons, souvent synonymes de paix et de longs voyages. Pourquoi ne prennent-ils pas leur envol ? Sont-ils lassés de voyager ? Le serais-je un jour moi aussi ? Est-il plus fatiguant de voler que de marcher ? Je les regarde en réfléchissant à tout ça. En tout cas, eux ils dorment encore et moi je suis bien éveillé et à pied d'oeuvre pour un long voyage que j'espère paisible mais dont je ne doute déjà pas qu'il sera certainement difficile.

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Le vrai tour commence avec ce petit panneau Montbolo où la sente s'élève vite.

Il est temps de me mettre en route si je ne veux pas arriver trop tardivement au Refuge de Batère, terme de cette première et très longue étape de 21 kilomètres et de plus de 1.200 mètres de dénivelé. Je remonte et longe le Tech en direction de la place de la Sardane que je traverse pour retrouver sans difficulté la rue Héliopolis et la vraie ligne de départ que Georges Véron décrit dans son guide. J'avoue une certaine surprise à la vision d'un unique vieux panonceau indiquant " Montbolo " et d'une seule trace jaune car je m'attendais à trouver un panneau mentionnant le Tour du Vallespir et comme il devrait être un balisage jaune et rouge propre à tous les G.R. de pays. Mais bon, je sais aussi qu'Amélie constitue une possibilité de départ mais que selon le topo-guide, elle n'est pas la seule et qu'il en existe une autre à Arles-sur-Tech. De toute manière, Montbolo est la bonne direction à prendre et je me lance dans cette étroite allée cimentée de lauzes et bordée de vignes vierges qui monte au travers de quelques belles villas jusqu'à l'orée d'une forêt.

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Ce chemin que j'emprunte en direction de Montbolo est-il le bon ?

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 Mais les panoramas sont déjà beaux, vers Amélie et le Pilon de Belmatx notamment !

Premier dénivelé et premiers essoufflements. J'atteins le bois péniblement. Mon sac à dos semble peser une tonne. Les traces jaunes ont disparu où en tous cas je ne les vois plus ! Je prends logiquement à droite car à gauche le chemin redescend. Je monte sur quelques mètres et tourne maintenant à gauche toujours en montant. Je fais un premier point sur mon GPS et refais lecture de la page du topo-guide que j'ai photocopiée : il n'y a pas de problème ! Le chemin se fait plus large, parfois plus plane et semble suivre de grands pylônes électriques. Au début, je garde mon GPS allumé qui me situe parfaitement sur le tracé enregistré. Ce tracé, je l'ai réalisé sur mon ordinateur à l'aide du très efficace logiciel de cartographie " CartoExploreur ". Le large chemin me paraît si évident et comme je n'en observe pas d'autres, je finis par éteindre le GPS pour économiser ses piles. Je continue. Amélie s'éloigne petit à petit et je surplombe désormais la ville dont j'ai une magnifique vue d'ensemble. Je suis déjà étonné de l'altitude que j'ai gravie après ces premières foulées. Mon coeur bat moins vite, j'ai retrouvé un souffle à peu près normal et je marche d'un pas plutôt régulier. Je progresse toujours sous les câbles électriques sur ce large chemin qui me paraît emprunté. Aussi me voilà très étonné quand au bout d'une vingtaine de minutes celui-ci débouche dans un cul de sac.

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Après un court égarement, je retrouve avec satisfaction un cairn et un panneau Montbolo. La vallée du Tech apparaît ainsi qu'Arles-dur-Tech.

Il y a bien un chemin qui redescend abrupt vers la vallée mais je connais suffisamment le tracé cartographique pour savoir qu'il faut continuer à grimper. Un nouveau point GPS me situe bien entendu hors du tracé. Le véritable chemin semble plus haut, et sur la carte IGN les pylônes sont légèrement en dessous du chemin que j'aurais dû emprunter. J'ai beau analysé ma carte IGN, je ne vois pas avec suffisamment de précision où j'ai pu me tromper. Il y a bien sur la carte quelques petits pointillés mais sur le terrain, je n'ai pas observé d'autre sentier, ni remarqué d'autre balisage, trace de peinture ou cairn par exemple. J'avoue que ça m'ennuie un peu de rebrousser chemin car cela m'obligerait à redescendre puis à remonter, aussi je prends de suite la décision de couper au jugé à travers un petit bois de chênes verts qui, par bonheur, est suffisamment clairsemé et débroussaillé pour être praticable. Le dénivelé plus accentué et le poids terrible du sac à dos mettent de nouveau mon cœur "dans tous ses états ". Je garde mon GPS allumé et le point que je représente se rapprochant peu à peu du tracé me conforte dans l'idée que je marche dans la bonne direction. Les ruines d'une ancienne bergerie au sommet d'un enrochement constituent un élément réconfortant et supplémentaire que le sentier de Montbolo n'est plus très loin. Après 15 minutes d'efforts et de montées incessantes, je coupe enfin la sente de Montbolo et retrouve le balisage jaune aperçu au départ. Au dessus de moi, je reconnais avec soulagement la grande antenne du relais T.V. qui domine Montbolo et que j'avais croisé cet hiver lors d'une sortie en raquettes au hameau oublié de Formentere. Elle est à 712 mètres d'altitude. Un homme et son chien qui font du footing me dépassent mais nous arrivons quasiment ensemble sur un replat à la croisée de plusieurs chemins. L'homme file vers Montbolo que j'aperçois légèrement en contrebas sur ma droite, mais comme le chien vient vers moi pour se faire caresser, l'homme s'arrête et me demande ma destination. Je lui indique le refuge de Batère, mais compte tenu des nombreux kilomètres restant à parcourir, je vois à sa mine qu'il semble très étonné. Du doigt, il me fait néanmoins remarqué un raccourci pentu qui entre dans un bois. Il m'explique que ce sentier coupe le bois et rejoint plus haut la route goudronnée.

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Voilà la bonne sente qui monte et m'amène au dessus de Montbolo

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J'ai déjà accompli un gros dénivelé, en galérant un peu il est vrai,  et j'atterris dans cette belle clairière ombragée

Je le remercie et je pars dans cet étroit sentier toujours balisé en jaune qui, à mon étonnement, débouche rapidement dans une vaste clairière ombragée où les panoramas sur Montbolo, Amélie et la vallée du Tech vers Céret sont superbes. J'aperçois la route asphaltée juste au dessus. Au fond de la clairière, une jolie maison en pierres semble inhabitée et je profite de cette cache tranquille et fraîche pour me reposer et me restaurer un peu. Une demi-heure plus tard avec une barre de céréales, quelques fruits secs et une énorme lampée d'eau dans l'estomac, je suis fin prêt à reprendre mon itinéraire. Ici mon GPS m'indique 700 mètres d'altitude et c'est avec satisfaction que je prends note de la dénivellation déjà accomplie. C'est d'autant plus encourageant que je connais désormais, par cœur, l'itinéraire à suivre, en tout cas jusqu'à Formentere : Une portion de route goudronnée, puis une longue piste forestière à la déclivité régulière, mais somme toute modeste, où je vais pouvoir marcher d'un bon pas et avec un rythme soutenu au moins jusque là. Quand à la suite, je ne la connais pas, mais le tracé sur ma carte IGN me laisse à penser que même en flânant, je devrais atteindre Batère sans problème vers le milieu de l'après-midi. En effet, après le hameau de Formentere, la piste continue sans aucune complication, et même si après le col de Formentere et jusqu'à la Tour de Batère, l'inclinaison se fait plus sévère, je connais mes possibilités et seule la chaleur torride qui règne aujourd'hui combinée à la longue distance pourraient, le cas échéant, me poser des difficultés. Mais je n'ai pas vraiment d'inquiétude et de toute manière, mon bob, les litres d'eau emportés, les aliments en nombre et les compléments énergisants seront là pour pallier à toute défaillance !

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Dans cette jolie clairière près d'un beau mas, je vais m'alimenter un peu, faire une courte pause et prendre quelques photos car les vues vers la Vallée du Tech sont superbes !

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Les chemins sont fleuris de nombreuses chicorées sauvages.

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Les beaux panoramas se dévoilent : Pilon de Belmatx, pics Canigou et de La Souque, j'entre dans la forêt du Haut-Vallespir et arrive au Col de la Réducta. Un panneau "Formantere" m'indique la direction à suivre.

Et effectivement ma journée va se dérouler comme je l'ai imaginé :

-10h20, je quitte le bitume pour la magnifique forêt domaniale du Haut-Vallespir non sans avoir jeté au préalable un regard et quelques photos sur le majestueux massif du Canigou et sur la verte vallée du Tech vers Arles. Seuls les Tabacs d'Espagne, ces magnifiques papillons oranges et une fouine qui traverse la piste devant moi me ralentissent dans ma progression.

-10h50, j'arrive au col de la Réducta avec son extraordinaire panorama sur tout le Roussillon, des Albères jusqu'à la Méditerranée. Je suis accueilli par un troupeau de vaches nonchalantes trop occupées à ruminer à l'ombre des grands sapins pour faire cas du randonneur solitaire que je suis. Un peu plus haut, je fais quelques photos près d'une stèle en hommage à un certain Jean-Marie et d'une belle croix blanche évocatrice d'un débarquement en Norvège en avril 1940 à Namsos et Narvik. J'ai entendu parlé de la bataille de Narvik ou bien j'ai du voir un film de guerre mais j'avoue qu'il m'est difficile de donner une juste signification à tous ces messages. Assis devant ces épitaphes, je suis néanmoins attendri car ces témoignages prouvent que des hommes aimaient d'autres hommes qui, comme moi, aimaient cette belle montagne du Vallespir. Et l'aimer, au point de vouloir laisser à cet endroit-là, leurs souvenirs éternels, il n'y a guère plus belle preuve d'amour ! Et dieu sait, si en cette magnifique journée d'été, moi aussi, je l'apprécie à sa juste valeur cette belle montagne avec ses superbes forêts, ses plaines et ses vallons, ses bruyères empourprées et ses chemins fleuris. Avec raison, Trenet revient à mes oreilles …….

Mes jeunes années

Courent dans la montagne

Courent dans les sentiers

Pleins d'oiseaux et de fleurs

Et les Pyrénées

Chantent au vent d'Espagne…

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Après le col, j'arrive au milieu des bruyères roses près d'une croix en souvenir du débarquement de Narvik et d'une jolie stèle en hommage à un certain Jean-Marie.

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 Croix en " souvenir d'une promesse - Débarquement en Norvège NAMSOS-NARVIK Avril 1940 FORCA Eugène-Mas Canes "

Si je ne peux pas donner une juste signification au message de cette croix et à celui de la stèle en hommage à Jean-Marie, je sais seulement que d'autres hommes ont, tout comme moi, aimé intensément cette belle montagne du Vallespir.

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Que de chemins parcourus, des beaux chemins en balcon fleuris de bruyères roses et bordés de sapinières. Dans la montée, j'aperçois Formentere et le Pic du Canigou.

-11h30, je flâne peut-être exagérément et je n'ai pas encore atteint Formentere. Mais comme j'ai faim, je suis déjà en quête d'un joli endroit ombragé pour déjeuner, et si possible avec vue sur tous ces beaux paysages du Vallespir qui jalonnent la piste. En face, la longue crête transfrontalière avec l'Espagne et le Pilon du Belmatx (1.280 m) dominent le panorama. Je sais que j'aurais à le gravir le dernier jour. Aïe ! Aïe ! Aïe ! Je le redoute déjà. Tout en bas au fin fond de la vallée, j'aperçois Arles sur Tech, cité toute blanche d'ici. Puis en remontant le ravin du Riuferrer, je devine Corsavy et Montferrer puis c'est le Pic de la Souque. Puis encore au dessus, défilent quelques hauts sommets qui composent le versant sud du Canigou. Tout en observant ces splendides paysages, je ne peux m'empêcher de me dire : si tout se passe bien, demain c'est par là-bas que je marcherai ! Le chemin fleuri de hautes bruyères roses et bordé de petites sapinettes est agréable mais à cette heure de la journée, il présente un gros inconvénient, celui d'être sans ombre et investi par un cagnard brûlant. J'avoue que cette chaleur caniculaire m'inquiète un peu car je suis encore très loin de l'arrivée, je n'ai pas encore déjeuné mais j'ai déjà consommé trois litres d'eau sur les quatre que j'avais au départ. Comme je me refuse à manger en plein soleil et sous cette forte canicule, je prends la sage décision de poursuivre et heureusement dans les premiers lacets avant Formentere, j'entre enfin dans une zone ombragée et fraîche, propice à un pique-nique.

-12h, même si j'ai la vue bouchée par d'immenses sapins, je profite de cette fraîcheur et d'un tapis de ramilles pour m'allonger et souffler un peu. J'ôte mon tee-shirt et mon bob trempés de sueur que j'expose sur un rocher à un seul rayon de soleil qui, non loin de moi, réussit à transpercer l'espace. Les efforts accomplis depuis 7h30 ce matin ont décuplé mon appétit. Presque tout y passe ! La grosse salade préparée par Dany, deux sandwichs sur trois, la compote et la banane. J'ai encore faim, mais je me dis qu'il faut que je me raisonne car je n'en ai pas fini avec les montées, et un estomac trop lourd, ce n'est pas bien bon pour avancer ! Je reste une heure à me reposer, à écouter un peu de musique et à bailler aux corneilles au sens propre comme au figuré. Car même si je ne les vois pas, j'entends les croassements de quelques-unes d'entre-elles qui semblent venir des ruines du hameau abandonné de Formentere. Ces cris détonnent dans le silence ambiant qui n'est ici qu'entrecoupé par le gentil gazouillis de petits passereaux.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 1 : Amélie-les-Bains - Batère - 21,3 kms.

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Après le déjeuner, je finis par arriver à Formentere, ancien hameau minier. D'ici j'aperçois Amélie-les-Bains, déjà très loin et une grande partie du Bas-Vallespir.

-13h, je reprends ma marche en avant. Après quelques derniers lacets, je finis par atteindre le hameau oublié. Comme je l'avais déjà fait cet hiver dans le feutre de la neige, au milieu de ces ruines silencieuses et devant ce panorama à couper le souffle sur tout le Vallespir, j'essaie de m'imaginer le tumulte que cette gare minière devait connaître au temps de sa splendeur. C'était au temps où tout autour du Canigou, de Batère à Formentera et de La Pinouse à Rapaloum en passant par les Manerots, on exploitait les mines de fer : bruits métalliques des câbles et des chariots sur les rails, souffles bruissants des fours et des chaudières, cris des hommes, hennissements des mulets et des ânes que l'on forçait à tirer de lourdes charges, bruits sourds des cognées et bruits stridents des scies sur les troncs des arbres que l'on abattait pour alimenter les fourneaux, etc.….Aujourd'hui, il ne reste plus rien de tout cela et si le silence prédomine, il n'est plus absolu comme il pouvait l'être cet hiver. Au printemps et en été, la nature reprend quelques droits et si je prête bien l'oreille, je peux entendre le bourdonnement des abeilles butinant les bruyères, le crissement soutenu de quelques grillons champêtres et toujours le croassement de ces deux corneilles que j'aperçois maintenant tournoyant dans un ciel bleu immaculé. J'avais longuement visité les ruines cet hiver et j'y avais trouvé un certain attrait pour tenter d'y discerner cette vie minière antérieure. Aujourd'hui, sans la neige, le hameau ressemble plutôt à ces " pueblos " désertés du Far-West saccagés par les Indiens, que l'on voit dans les westerns. Il faut dire que le hameau n'est plus, comme il l'était cet hiver, l'objectif privilégié et, après deux ou trois photos, je le quitte, cette fois, très rapidement en continuant la piste rectiligne et ombragée qui se faufile dans une forêt de sapins. Malheureusement pour moi, cette ombre n'est qu'éphémère et soudain les sapins laissent la place à un maquis plus ras, clairsemé de quelques jeunes pins et de petits feuillus. Sur cette large piste, ancienne voie ferrée minière qui file jusqu'aux mines de fer de La Pinouse, je marche à nouveau sous une canicule étouffante commençant à économiser l'eau dont je sais avec certitude que je n'en trouverai pas de sitôt. Il faut dire que ce versant du Vallespir, ensoleillé du matin au soir, ici on l'appelle " solana " et ce n'est pas pour rien ! Pour l'instant, le moindre arbre jetant une ombre sur le chemin est un prétexte à un arrêt ponctué d'une petite gorgée d'eau et parfois d'une noisette de gel survitaminé. Est-ce le soleil qui les attire ? Où est-ce moi, qui, moins distrait par d'autres pôles d'intérêts, y prête plus d'attention ? Toujours est-il que les petites sauterelles et les papillons multicolores me semblent désormais plus nombreux et je dirais même grouillant par endroit. Tous ces insectes sautillent, bondissent, planent, volètent, virevoltent, à un point tel que ça en devient presque étourdissant ! Ils semblent m'accompagner sur ce chemin de croix, qui heureusement doit se terminer avec mon arrivée au Col de Formentere. Mais pour l'instant, ils sont là et il faut que je fasse avec. Quand je marche, ils ne me dérangent pas trop mais dès que je m'arrête, il y a toujours quelques papillons qui se posent sur moi. J'ignore si je pense juste mais j'ai le vague sentiment qu'ils viennent s'abreuver à ma transpiration. Et si je m'arrête vraiment pour faire une pause plus longue, c'est une véritable nuée de papillons chamarrés qui tourne autour de moi ! J'en profite bien sûr pour les prendre en photos et c'est à cette occasion qu'intervient cette image magnifique et inoubliable de ce joli papillon qui est venu se poser sur ma montre et dont j'ai tiré une petite affabulation et le titre de cette première étape : " La montre et le papillon ".

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 La montre et le papillon 

Moi : Que fais-tu sur ma montre, joli papillon ?

Le papillon : Je regarde le temps qu'il me reste à vivre.

Et toi homme, sous ces brûlants rayons ?

Moi : Je marche et j'ai l'impression de revivre.

Vole, vole, ne te pose pas de questions.

Le papillon : Mais homme, ne vois-tu pas que j'expire !

Mais à toi, à quoi te sert cette excursion ?

Moi : Moi, je me promène seul autour du Vallespir.

Vole, profite de tes ailes et de ta situation.

Le papillon : Mais la vie me fuit car elle n'est que guivre.

A toi, l'existence ne te fuit pas compagnon ?

Moi : Si, et je marche au point d'en être ivre,

Car la vie, c'est la plus belle des missions.

Le papillon : Je crois que tu mens comme tu respires,

Et tout ce que tu dis n'est que pure invention.

Moi : Il faut me croire, vole et arrête de maudire.

Il sera vite trop tard si tu ne fais pas attention.

Le papillon : Ce que tu dis est plus difficile à faire qu'à dire,

Car la mort est proche et c'est une vraie obsession

Moi : Alors si tu dis vrai, vole, ne regarde plus l'avenir,

Oublie la mort et jouis de la vie avec passion.

Le papillon s'envola et partit butiner la grosse fleur mauve d'un chardon. Je l'observais. Il butinait, butinait, butinait. Au point d'en être ivre ? Je ne sais pas. Mais quant il s'envola de nouveau au dessus de la vallée, ce fut en zigzaguant. M'avait-il entendu ? Je me remis en marche vers d'autres horizons. Lui aussi, me semblait-il.

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Le moindre arbre jetant une ombre sur le chemin est un prétexte à un arrêt mais les papillons viennent me butiner. Dans ma tête, les mots "montre et papillon" deviennent déjà le titre d'une fable qu'il me faudra imaginer. Les beaux panoramas vers le Haut-Vallespir et sur des lieux à voir les jours prochains se dévoilent.

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Quand j'arrive au col de Formentere, la vision bascule de l'autre côté de la montagne vers les Aspres et la plaine du Roussillon

-13h40, Au Col de Formentere, le regard bascule sur un nouveau versant. C'est celui des Aspres. Les paysages changent. Ils sont un peu plus arides et avec tout au loin, les Corbières, la plaine du Roussillon et la Méditerranée. L'horizon est soudain plus distant qu'il ne l'était jusqu'à présent. D'ici, la terre et la mer se confondent. L'horizon est imprécis, voilé par une longue barre de brume grisâtre. Plus près, un minuscule village blanc aux tuiles rouges se dresse sur un mamelon au dessus de larges ravins. Ces couleurs contrastent au milieu de cette dense et rase végétation, parfois rousse et parfois olivâtre : je reconnais La Bastide. Le col, croisée de multiples chemins est très fréquenté par d'autres randonneurs. Certains profitent d'un grand pré bien vert pour pique-niquer, d'autres se sont installés en plein soleil devant ces beaux et vastes panoramas pour faire un peu de " bronzette ", d'autres ont choisi l'orée ombragée du bois pour se prélasser, d'autres, comme moi, ne font que passer mais eux redescendent déjà vers les vallons et moi je dois continuer à monter. Ce col est vraiment une invitation à un arrêt systématique. Grillé par le soleil, je fais moi aussi le choix d'une ombre bienfaitrice et file vers la lisière du bois pour un arrêt salutaire. Allongé sur l'herbe, je mange quelques fruits secs mais un gros bourdon et une jolie araignée aux pattes zébrées ne l'entendent de cette oreille. Pour le bourdon, je suis sans doute bien trop près du gros chardon mauve sur lequel il a jeté son dévolu de butineur. Quant à l'araignée, elle vient vers moi et semble mécontente que j'aie rompu le fil qu'elle avait tendu entre deux petits églantiers. De dépit et devant cette nature indocile, je remballe mes affaires et poursuit tout droit la piste qui s'élève maintenant plus hardiment vers Batère. Comme je le fais souvent quand la fatigue se fait sentir, je photographie tout et rien : des fleurs, des papillons, des insectes, des paysages….Tout devient prétexte à une photo, et les photos, prétexte à un bref arrêt profitable.

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Au col de Formentere, je veux me reposer, mais si la nature est souvent jolie avec d'innombrables papillons et de très jolies fleurs, elle est parfois hostile et en la circonstance, je suis contraint de continuer. La chaleur a eu raison de mes forces et comme je suis fatigué, je m'arrête souvent et tout devient prétexte à faire des photos.

J'ai aussi l'exécrable impression de m'éloigner de cette magnifique nature que je suis venu chercher. Heureusement quand le tintamarre des pots d'échappement cesse, il suffit de lever la tête pour observer la magnificence de cette généreuse nature. Forêts, montagnes, ravins, prairies, ici tout est beau et grandiose.

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Ici dans le bois de la Fajosa, j'entrevois mes premières carlines mais, avec ces amoncellements d'arbres coupés, les premiers signes de la tempête Klaus aussi. La vision porte loin sur tout le Roussillon jusqu'à la Méditerranée. Les Tabacs d'Espagne butinent les origans. Le col de Formentere avec son pylône électrique qui le domine est déjà dans le lointain.Je grimpe vers la tour de Batère.

-15h, après une très longue montée à travers le bois de la Fajosa et la forêt domaniale de Saint-Marsal, j'arrive en vue de la Tour de Batère. Ici pour y avoir également fait des raquettes cet hiver, je connais bien ces chemins et je sais que je n'en ai pas encore fini avec les virages. D'ailleurs, de ce premier grand virage, la tour paraît bien petite et encore bien loin, mais l'important pour moi c'est qu'elle soit là ! Car même si ça peut paraître idiot, dans " Tour de Batère " il y a Batère, dans " Batère " il y a refuge de Batère, et le " refuge de Batère " pour moi ça signifie " arrivée " !

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Après maints virages, j'aperçois enfin la Tour de Batère et pour moi, c'est le symbole d'une proche fin d'étape. Un dernier coup d'œil vers chez moi et cette jolie plaine du Roussillon que je vais quitter pour quelques jours.

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Photos prises à la Tour de Batère et sur le chemin en direction du Col de la Descarga. Sur la dernière photo, on aperçoit un terril, relique de l'exploitation des mines de fer.

-15h20, je suis au pied de la tour et suis très surpris du nombre de voitures qui sont garées là. D'ailleurs d'autres viennent à ma rencontre et sillonnent bruyamment la piste soulevant un gros nuage de poussière. Bien au-delà de cette pollution, j'avoue qu'ici tous ces touristes qui circulent me dérangent bougrement. J'ai le vilain désagréable sentiment de retrouver plus rapidement que je l'avais imaginé cette civilisation du progrès que j'ai voulu quitter en faisant cette randonnée.

J'ai aussi l'exécrable impression de m'éloigner de cette magnifique nature que je suis venu chercher. Heureusement quand le tintamarre des pots d'échappement cesse, il suffit de lever la tête pour observer la magnificence de cette généreuse nature. Forêts, montagnes, ravins, prairies, ici tout est beau et grandiose.

Mais en levant souvent la tête, je m'aperçois aussi que vers le Canigou la couleur du ciel a bien changé. Depuis ce matin que je marche, ce changement de couleur a été progressif et je l'ai surtout remarqué depuis le début de l'après-midi : le ciel est passé d'un bleu outremer à un bleu ciel puis à un bleu très pâle presque blanc, puis ce blanc est devenu gris clair et il est maintenant carrément gris foncé au dessus de ma tête. Par contre, je n'avais pas encore observé ces gros nuages noirs qui semblent stagner sur les hauts pics environnants. Mais stagnent-ils vraiment ?

Comme au dessus de moi, le ciel n'est encore vraiment menaçant, je décide de faire une pause pour finir mon dernier sandwich et manger une orange devant ce merveilleux Vallespir que je suis venu découvrir. Deux randonneurs descendent du Puig de l'Estelle en courant et me saluent en me voyant. Ont-ils peur de l'orage ? Sans doute !

-15h50, je me remets en route en direction du Col de la Descarga. J'ai fait quelques centaines de mètres quand une voiture arrive et s'arrête à ma hauteur. Ce sont les deux randonneurs qui couraient et qui me proposent de monter. Je refuse gentiment et ils repartent avec un air désappointé. Je sais que cette invitation partait d'un bon sentiment mais il est hors de question pour moi de faire le moindre mètre autrement qu'à pied sur ce Tour du Vallespir ! Dans la descente vers le col, je coupe mon premier vrai ruisseau de la journée. C'est le Correc de l'Abeurador, c'est-à-dire le ruisseau de l'Abreuvoir. Il porte très bien son nom car il coule vraiment à flots et comme je n'ai plus d'eau depuis plus d'une heure, je remplis une gourde de cette eau glacée qui descend de la montagne. J'y ajoute néanmoins une pastille purificatrice, non sans avoir au préalable, étanchée ma soif en prenant le risque d'en avaler une énorme rasade.

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Le ciel s'assombrit alors que je me dirige vers la Col de la Descarga. Au col, la pluie fait son apparition, la tour de Batère s'éloigne mais le refuge de Batère, ancien vestige minier est bientôt là.

-16h05, c'est sous quelques grosses gouttes de pluie très éparses que j'atteins le Col de la Descarga où je retrouve l'asphalte. Dans ce virage, un petit panonceau m'indique le refuge de Batère à un quart d'heure de marche. Je sors avec empressement mon poncho et recouvre mon sac à dos de son revêtement imperméable. Mais le temps de réharnacher mon sac à dos, la pluie a cessé et je garde le poncho à la main. Le ciel s'est terriblement assombri et je presse désormais le pas pour arriver au refuge au plus vite. Le bitume m'aidant dans cette course contre l'orage qui s'annonce, j'aperçois déjà le refuge qui est là à droite au bout de la route. En arrivant sur la terrasse du refuge, j'ai la fâcheuse conviction qu'ici je suis le seul à " speeder ". En effet, les nombreux clients sont attablés, ils sirotent leurs boissons respectives en papotant et semblent " tranquilles comme Baptiste " et en tous cas, indifférents au ciel noir qui est au dessus de leur tête. Moi, je rentre dans le refuge en me précipitant vers le comptoir.

-16h15, il n'y a personne, ni dans la salle, ni ailleurs et j'attends sagement devant le comptoir. Au moment où une charmante jeune femme arrive et s'approche de moi, un éclair aveuglant zèbre le ciel d'ébène et illumine la sombre salle du restaurant. Cet éclair est aussitôt suivi d'un énorme coup de tonnerre qui fait vibrer tout le refuge dans un tintamarre métallique. Tout ce petit monde qui était agréablement installé dehors sur la terrasse se précipite comme un seul homme à l'intérieur du refuge. Au bas mot, ce sont une vingtaine de personnes qui, d'un seul coup, envahisse l'intérieur du refuge surpris par une pluie aussi soudaine que battante. Les grosses gouttes qui tombent bruyamment sur la toiture en zinc sont accompagnées de quelques beaux grêlons. Ouf ! Je me dis que j'ai eu beaucoup de chance et que je suis vraiment arrivé à temps. A cinq minutes près, je prenais sur la tête cette terrible saucée.

J'essaie de me présenter à la souriante barmaid mais il y a un tel brouhaha que j'ai un mal fou à me faire entendre. J'arrive néanmoins à comprendre qu'elle ne me retrouve pas inscrit sur son registre malgré la réservation téléphonique que j'ai faite la semaine dernière. Je lui rappelle avoir réservé, auprès d'une dame, une chambre en demi-pension pour ce soir et un panier-repas à emporter pour demain midi. Comme je viens sans doute de changer de tête, et avant même que je me mette en rogne, elle me dit : " Ne vous énervez pas Monsieur, il n'y a pas de problème, j'ai encore des places dans un dortoir et pour les repas ce n'est pas vraiment un souci ! ". Elle me voit rassuré et me demande de la suivre. Nous ressortons du refuge sous quelques gouttes de pluie mais le plus gros de l'orage semble passé. Elle me présente trois dortoirs, me quitte et me laisse ainsi choisir le lit que je souhaite occuper pour la nuit. La plus grande pièce, celle qui semble partiellement inoccupée, sert en réalité de gîte car il y a une immense table et un coin cuisine plutôt bien agencé avec évier, frigo, réchaud et micro-ondes. De chaque côté, il y a deux autres pièces, plus petites mais essentiellement équipées de lits gigognes. La première chambre semble entièrement occupée par des enfants qui jouent tapageusement aux cartes et dans la deuxième, les lits sont soit défaits ou bien, comme signe d'une occupation certaine, des sacs à dos y sont posés dessus bien en évidence. Je me rabats donc sur la grande salle où il y a encore trois lits. En m'approchant, je constate qu'un seul près du frigo semble vraiment libre puisque aux pieds des deux autres il y a aussi des sacs à dos. Je m'installe et commence à déballer mes affaires avec comme idée première de trouver au fond du sac ma trousse et mes effets de toilettes pour une douche opportune et réconfortante car j'ai l'impression d'être aussi poussiéreux que poisseux. A cet instant précis, deux femmes et deux hommes que j'avais aperçu sur la terrasse rentrent dans le dortoir. Ils mettent à sécher quelques vêtements et des chaussures sur le rebord de la fenêtre qu'ils laissent grande ouverte. De mon côté, et comme je n'ai pas l'intention de dévoiler mon anatomie devant cette gente féminine, je mets à profit cette présence, pour ranger mon sac à dos que j'ai largement mis en désordre et " sans dessus dessous " tout au long de la journée.

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Après avoir parcouru plus de 21 kms et 1.200 m de dénivelé sous un soleil torride et avec une charge de 21kg, j'apprécie le rudimentaire confort du refuge de Batère.

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J'occupe la soirée à discuter avec d'autres randonneurs et à quelques photos. Avec cette vue du Pic de la Souque, quelques très bons souvenirs reviennent, ceux d'une récente randonnée à ce sommet avec mon fiston Jérôme.

-17h15, mes colocataires repartent et je me déshabille prestement et me précipite sous la douche. Avant même de me frotter et de me savonner, je prends un réel plaisir à laisser couler cette eau fraîche sur ma tête. Avec cette eau brunâtre qui s'écoule le long de mon corps, j'ai l'impression que c'est toute la poussière du chemin qui s'échappe dans la bonde. Après plus de 8 heures passées sur les chemins, c'est un vrai bonheur que de se sentir propre, et comme il est tôt et que le souper sera servi à 19h30, je me jette dans le lit et sous la couverture pour un peu de lecture. Dans le dortoir d'à côté, les enfants semblent s'être assagis et le silence et la lassitude aidant, je m'endors avec " Dalva " dans les mains.

-18h15, donc une heure plus tard, c'est au bruit, entrant par la fenêtre ouverte, de quelques chevaux dont les sabots résonnent sur le bitume que je me réveille. Quand je sors de ma léthargie, je constate qu'une femme et deux hommes sont assis à la grande table qui trône au milieu de la pièce. Nous lions connaissance et un des hommes plus disert que l'autre commence à m'expliquer qu'ils sont neuf randonneurs, hommes et femmes, et qu'ils parcourent le G.R.10. Il me raconte même qu'au départ, il y avait deux groupes bien distincts, et admirable coïncidence, qu'ils sont tous originaires de la même région et que leur rencontre sur le G.R.10 est un pur hasard. En tous cas, voilà une histoire qui restera gravée en eux comme une célèbre image d'Epinal, ville dont il me dit être tous natifs. Il me dit aussi qu'ils traversent les Pyrénées depuis quatre années maintenant mais que leur périple se termine à Collioure dans quatre jours. La femme, elle, semble plus intéressée par mon livre " Dalva " de Jim Harrison que j'ai entre les mains et que je viens de commencer. Elle me dit avoir lu d'autres récits de cet écrivain qu'elle apprécie beaucoup mais pas celui-ci et quand elle se met à me poser des questions sur " Dalva ", elle semble assez frustrée que je ne puisse rien lui dire de ce roman dont je viens de lire trois pages avant de m'endormir. Les enfants ont quitté leur dortoir et ils sont maintenant sur le perron à regarder les chevaux de randonnée qui viennent d'arriver. Je me lève moi aussi et par la fenêtre, j'observe moi aussi les chevaux. Il y a d'ailleurs beaucoup de monde pour regarder ces quatre équidés et ces étranges randonneurs, pour moitié " squaws " et pour moitié " cow-boys ". Avant de s'occuper d'eux-mêmes, leur première tâche est de débâter leurs montures. Puis en deuxième, frottant leurs flancs avec de la paille avec de larges mouvements circulaires, chaque cavalier panse son propre cheval. De cette manière, ils éliminent très rapidement la sueur et les poussières collées sur le poitrail de leurs animaux. Comme la douche l'a été pour moi, ce nettoyage semble agréable aux chevaux. Ils se laissent faire sans broncher. En regardant ces amazones et ces écuyers, je me dis que ça doit être plaisant de randonner sans avoir à porter comme je l'ai fait toute la journée une lourde charge. En tous cas, ça doit être moins éprouvant, mais d'un autre côté avoir à s'occuper des chevaux tous le soirs comme ils le font, ce doit être aussi une sacrée contrainte !

-19h, la pluie a définitivement cessé et ce gros orage lors de mon arrivée n'a été qu'un grain violent mais passager. Les gros nuages noirs se sont enfuis vers la mer. Le ciel est encore gris mais d'un gris presque blanc qui est plutôt encourageant pour demain. Alors avant le repas, je pars flâner un peu, histoire de repérer la direction à prendre demain et de vérifier si le sentier est balisé à la prochaine étape. Je fais mes dernières photos de la journée. Je contemple aussi tous ces beaux panoramas qui sont là, juste devant le refuge, mais j'observe avec un peu plus d'insistance, ce pic qui au loin confisque l'essentiel du paysage. Ce pic, c'est celui de la Souque que j'ai gravi avec Jérôme, il y a trois semaines. Les bons souvenirs ressurgissent car il y avait tant d'années que je n'avais plus eu cette joie de randonner seul avec mon fils. Mais, cette pensée me rend triste aussi car je me dis : " Quel bonheur j'aurais éprouvé s'il avait pu parcourir ce Tour du Vallespir avec moi ! "

-19h30, l'heure du souper est arrivée et tous les clients sortent de leur chambre ou de leur dortoir pour rejoindre les deux grandes tables qui ont été dressées sur la terrasse. A mon tour, je m'installe. Je suis au bout d'une table près d'un jeune couple que je n'avais pas encore aperçu. A cette table, je retrouve aussi les neuf randonneurs d'Epinal ainsi qu'un couple d'allemands très sympathique qui effectue eux aussi le G.R.10. Les présentations sont rapides et les causeries bien évidemment tournent toutes autour de la randonnée. Chacun y va de ses propres expériences, de ses découvertes ou de ses espérances, mais dans toutes ces conversations, il y a un dénominateur commun c'est celui du plaisir que nous avons tous à marcher. Les propos sont si intéressants et si captivants qu'on en oublie même le plaisir que l'on prend aussi à manger. Et il faut l'avouer, le cuistot du refuge nous a concocté un excellent repas avec en entrée une très bonne salade bien craquante, puis de succulentes lasagnes et enfin un délicieux gâteau à la crème.

-22h, le temps est passé si vite. Certains sont déjà partis se coucher mais nous sommes encore quelques-uns à discuter autour de la table. D'autres, que le vin a rendus gais, chantent en tentant d'imiter l'accent allemand. Personnellement, pour rendre service au jeune couple assis à côté de moi, je tente de dessiner sur un petit bout de serviette en papier, et à l'aide de la carte IGN, un parcours de randonnée autour du refuge. En effet, ce sont les seuls clients à être venus ici en voiture mais ils souhaitent tout de même marcher et découvrir un peu la région.

Je leur propose une boucle très simple qui consiste à emprunter une portion du G.R.10 jusqu'au col de la Cirère pour monter ensuite au Puig de Saint-Pierre et au Puig de l'Estelle avec retour par la Tour de Batère. Ici, on ne peut pas faire plus simple et ce petit circuit a l'air de les satisfaire. Mais comme il est tard et que la fatigue se fait sentir, mes paupières ont un mal fou à rester ouvertes. Je pars me coucher. Mais pour les serveuses, c'est la bonne heure aussi, alors tout le monde en fait autant pour satisfaire à leur évidente requête !

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Quelques images de ma soirée au refuge de Batère. Devant le refuge, très belle vue sur le Vallée du Tech et une large portion du Vallespir.

Les nuages ont disparus. Allongé sur le lit, j'aperçois par la fenêtre restée ouverte, le ciel étoilé du Vallespir et dans ma tête, toujours ce " fou chantant " qui revient sans cesse…….

Mes jeunes années

Courent dans la montagne

Courent dans les sentiers

Pleins d'oiseaux et de fleurs

Et les Pyrénées

Chantent au vent d'Espagne…..

Il est 23 heures. Une fois encore, je regarde ma montre. Quelle sale habitude ! Je ne dors pas encore. Et quand la chanson s'enfuit de ma tête, il me revient à l'esprit l'image de ce joli papillon qui est venu se poser sur le cadran de ma montre cet après-midi. A-t-il survécu à cette journée torride ? Si oui, arrive-t-il à dormir sans penser au lendemain ? Demain matin, sera-t-il comme moi, prêt à s'envoler pour un nouvel épisode sur " les hauteurs d'une vallée âpre " ?

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Cliquez sur la montre et le papillon pour passez à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Préambule

Publié le par gibirando


Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Préambule

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Préambule

Le parcours effectué et ses 6 étapes :

Cliquez sur les étapes pour voir chacune d'entre-elles.

-Amélie-les Bains (232 m) - Batère (1.460 m) 21,3 km.

-Batère (1.460 m) - St.Guillem de Combret (1.287m) 21,0 km.

-St.Guillem de Combret (1.287 m) - Prats-de-Mollo (753 m) 15 km.

(en réalité, avec mes égarements au départ de cette étape puis dans la forêt du Miracle puis pour la recherche de mon appareil photo que j'ai perdu dans cette même forêt, j'ai parcouru environ 25 km ce jour là)

-Prats-de-Mollo (753 m) - Notre Dame de Coral 1.081 m) 9 km.

- Notre Dame de Coral - St.Laurent-de-Cerdans (714 m) 27 km.

- St.Laurent-de-Cerdans (714 m) - Amélie-les-Bains (232 m) 21,5 km.

Bibliographie-Sites Internet-Lexique-Remerciements.

J'ai donc parcouru en 6 jours environ 125 kms pour 10,6 kilomètres de dénivelés positifs.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

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MES JEUNES ANNÉES

Mes jeunes années

Courent dans la montagne

Courent dans les sentiers

Pleins d'oiseaux et de fleurs

Et les Pyrénées

Chantent au vent d'Espagne

Chantent la mélodie

Qui berça mon cœur

Chantent les souvenirs

De ma tendre enfance

Chantent tous les beaux jours

A jamais enfuis

Et comme les bergers

Des montagnes de France

Chantent la nostalgie

De mon beau pays

 

Loin d'elle loin des ruisseaux

Loin des sources vagabondes

Loin des fraîches chansons des eaux

Loin des cascades qui grondent

Je songe et c'est là ma chanson

Au jour béni des premières saisons

 

Mes jeunes années

Courent dans la montagne

Courent dans les sentiers

Pleins d'oiseaux et de fleurs

Et les Pyrénées

Chantent au vent d'Espagne

Chantent la mélodie

Qui berça mon cœur

Chantent les souvenirs

De ma tendre enfance

Chantent tous les beaux jours

A jamais enfuis

Et comme les bergers

Des montagnes de France

Chantent le ciel léger

De mon beau pays

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - PréambuleChanson de Charles Trenet 

Préambule :

"Où pouvait-on chercher dieu, si ce n'est sur ces montagnes ? Il se confondait, pour moi, avec la poésie de la terre, la découverte plongeante des plaines et des vallées, l'élévation, au sens physique du mot, le ravissement dans les nuées." Extrait du récit " Le chiffre de nos jours ". André Chamson (1900-1983) romancier et académicien français.

 

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - PréambuleMES JEUNES ANNEES

Cliquez sur la pochette du disque pour écouter la chanson et voir la vidéo

J'étais dans ma voiture en direction d'Amélie-les-Bains et je fredonnais une vieille chanson en écoutant une radio sur mon lecteur MP3. Ces vieilles paroles, ça faisait des années que je ne les avais plus entendues et là, juste au moment de partir marcher sur ce Tour du Vallespir, voilà qu'elles me revenaient dans la tête comme un boomerang. Cette chanson, c'était mes " Jeunes années " de Charles Trenet interprétée par Les Compagnons de la Chanson.:

Mes jeunes années

Courent dans la montagne

Courent dans les sentiers

Pleins d'oiseaux et de fleurs

Et les Pyrénées

Chantent au vent d'Espagne…..

Et en écoutant cette chanson, je me mis à penser à ma mère. Sans doute à cause de l'époque, car j'étais encore enfant quand elle avait eu du succès. Puis en écoutant mieux les paroles que j'avais sans doute négligées jusqu'alors, je me mis soudain à penser : dans la vie, il y a de ces coïncidences ! Je pars dans les Pyrénées courir les sentiers du Vallespir à la lisière de la frontière avec l'Espagne et voilà une chanson on ne peut plus adaptée à cette circonstance ! Et je ne sais pas pourquoi, à partir de cet instant, cette magnifique chanson très appropriée à l'aventure que j'allais vivre fut un encouragement supplémentaire aux efforts que j'aurais à entreprendre. Seul bémol à ce texte, mes jeunes années étaient loin derrière moi car avec mes soixante printemps je n'étais plus tout jeune mais même si ça peut paraître idiot, cette chanson me rajeunissait ! Ce refrain, à la fois plein de nostalgie, de poésie mais aussi de gaieté et d'esprit de liberté, me revint dans la tête très souvent tout au long de ce Tour du Vallespir.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Préambule

Le Vallespir dans la carte des Pyrénées-Orientales.

LE TOUR DU VALLESPIR ? :

 

En lisant ce préambule, vous allez d'emblée vous demander pourquoi ce titre " Tour du Vallespir " se termine-t-il par un point d'interrogation ?

Il y a plusieurs raisons à cela, mais la principale est d'ordre culturel, car pour moi une aventure sans culture, ça n'a pas vraiment de sens. Mais avant de la raconter cette aventure, j'insiste sur ce mot, car pour moi, cela en est toujours une quand je pars ainsi marcher plusieurs jours, il m'a semblé indispensable de replacer mon récit dans son cadre géographique puis d'expliquer les motivations qui m'ont poussé à faire cette longue randonnée. Les raisons de ce point d'interrogation sont donc culturelles et personnelles. Voilà en quatre points, les principales réponses à ce point d'interrogation :

1)- Le Vallespir c'est quoi ? : Dès l'instant, où j'ai envisagé de faire ce voyage pédestre, voilà, la toute première question que je me suis posée et bien évidemment, je me suis immédiatement tourné vers Internet pour en obtenir la réponse que je tente de résumer ci-après :

Le Vallespir est une large région vallonnée et montagneuse du département des Pyrénées-Orientales qui s'étire sur une quarantaine de kilomètres le long de la vallée du Tech. Le Tech dont le bassin versant est le plus méridional de France est un fleuve qui prend sa source à une altitude de 2.450 m environ sous le Roc Colom (2.507 m) et qui après avoir parcouru 84,3 kilomètres, se jette dans la mer Méditerranée dans la réserve naturelle du Mas Larrieu, non loin d'Argelès-sur-Mer, où se trouve son embouchure que l'on appelle le Bocal du Tech. La première limite du Vallespir est donc le Tech, de sa source jusqu'à Céret pour ce qui est de la vallée. On peut préciser que dans cette vallée du Vallespir circule la D.115, route principale qui file quasi parallèlement au Tech du Col d'Arès jusqu'à la commune du Boulou. Puis les autres limites sont bien sûr les versants de cette vallée. Il y a le versant qui est ensoleillé et que l'on appelle solana en catalan, ou soulane et adret en français. Pour simplifier, ce versant s'étire des Esquerdes de Rotja jusqu'au contreforts des Albères en passant par les versants abrupts du Massif du Canigou. Le versant sud ou ubac, bac en catalan, est représenté par la frontière avec l'Espagne du Roc Colom (2.507 m) jusqu'au Col du Perthus. Sur ce versant sud, on trouve le pic de Costabonne (2.465 m), le col d'Arès, poste frontière sur la D.115, le Roc de France ou de la Frausa qui culmine à 1.450 mètres pour ne citer que quelques points significatifs. Si la vallée du Tech est le principal creuset du Vallespir, il n'en est pas l'unique et de nombreux affluents ont aidés à son épanouissement : la Lamanère (15,7 km), la Parcigoule (9 km), la Coumelade (15 km), le Riuferrer (17,7 km), le Mondony (9,4 km) et le Maureillas (16,1 km) pour ne citer que les plus importants mais il y en a bien d'autres. Le Tech dans sa partie Vallespir a une exceptionnelle déclivité puisque en une quarantaine de kilomètres son altitude passe de 2.450 mètres à 120 mètres à Céret, commune considérée comme la capitale du Bas-Vallespir, Prats-de-Mollo étant celle du Haut-Vallespir. Cette extraordinaire déclivité en fait un fleuve dangereux voire dévastateur car les fluctuations saisonnières de son débit peuvent être très importantes selon la pluviométrie. En octobre 1940, avec les pluies diluviennes qui s'abattirent sur tout le département, le Tech dévasta tout sur son passage et bâtit tous les records de débit en France : montée des eaux de trois mètres en une demi-heure à Amélie-les-Bains et de huit mètres en une heure à Arles-sur-Tech. Ces crues torrentielles, les catalans les appellent " Aiguat ". Enfin pour être à peu près complet, un brin d'histoire pour signaler que le Vallespir, longtemps espagnol, fut rattaché à la France par le Traité des Pyrénées en 1659. Le Vallespir est une région de Catalogne pleine de légendes et de mystères où les traditions ancestrales restent fortement implantées avec à titre d'exemples la Fête de l'Ours, les sardanes, les feux de la Saint-Jean ou les " castellers ", ces hommes dont l'objectif est de grimper les uns sur les autres pour faire des pyramides humaines les plus hautes possibles que l'on appellent " castells ". Je n'en cite que quelques-unes parmi les principales mais dans le folklore catalan, elles sont abondantes.

2)- Mais d'où vient le nom Vallespir ? : Ce sont les romains qui occupèrent la région qui l'appelèrent ainsi. Ce mot vient du latin " Vallis Asperi " qui signifie " vallée âpre " mais âpre au sens de difficile, rude, abrupt, coriace, rugueux, avec des aspérités. On peut supposer qu'une autre région celle des Aspres qui signifie " aride " a la même origine étymologique.

3) Qui a " inventé " le Tour du Vallespir ? : Comme très souvent dans notre beau département et dans les Pyrénées toutes entières, les contours de cette longue randonnée à faire en 6 jours ont été imaginés par le grand pyrénéiste Georges Véron (1933-2005). Dans sa jeunesse, Georges Véron a souvent arpenté les sentiers montagnards du Vallespir qu'il connaissait parfaitement mais c'est en 2001 que le tracé complet avec quelques variantes imaginables fut revu dans sa totalité. Avec l'appui du Conseil Général des P.O et de la Direction de l'Economie et du Territoire, Georges Véron fut à l'origine de l'impression d'un guide où l'on retrouve les étapes de ce tour et qui s'intitule " Canigou-Vallespir-Conflent " paru chez Rando Editions dans la collection " Le Guide RANDO ". Personnellement, j'avais remarqué au cours de mes sorties dominicales du côté de Lamanère ou de Batère, les petits panonceaux jaunes faisant référence à ce Tour du Vallespir mais, jusqu'à cette année 2009, je n'avais jamais pensé l'accomplir dans son intégralité. J'en ignorais d'ailleurs le tracé, la distance et les réelles difficultés. Il faut savoir que depuis l'édition de ce guide en 2002, ce Tour du Vallespir a quelque peu été délaissé au fil des ans par les différents acteurs départementaux. Mais, selon les informations que j'ai pu lire récemment, et qui m'ont été confirmé depuis la fin de " mon tour ", il devrait être réhabilité, au même titre que le Tour du Canigou, au cours des prochaines années. Ce rétablissement ne pourra avoir qu'un effet bénéfique pour le développement d'un tourisme rural dont les Pyrénées-Orientales ont bien besoin.

4) Pourquoi me suis-je lancé dans ce Tour du Vallespir ? : Depuis 2007 et mon merveilleux " Tour du Coronat " en solitaire, je n'avais plus marché plusieurs jours d'affilée et j'avoue que j'avais depuis quelques temps des " fourmis " dans les jambes ! Je ressentais en moi, cet appel de la montagne et de la Nature, ce désir de liberté absolue que l'on ressent quand on est en pleine montagne, sentiment qui se développe d'autant plus que l'on est seul et livré à soi-même, ce goût de l'effort que les non-sportifs appellent inutile, cette envie de découvrir d'autres horizons et de rencontrer d'autres personnes. A tout cela, se rajoutait le besoin de sortir de la routine quotidienne, routine dont bizarrement j'avais le sentiment qu'elle ne s'était pas interrompue, malgré mon départ à la retraite. Bien sûr, une fois encore, j'aurai préféré partir randonner avec Dany, mais l'âpreté bien réelle du circuit, la longueur et la dureté des étapes conjuguées à sa polyarthrite, nous fûmes contraints d'en décider autrement. Quelques jours avant de partir, je vis les choses sous un autre angle, sous d'autres aspects et je crois que mon départ, une fois encore en solitaire, fut bénéfique pour nous deux, tant sur le plan physique que psychologique. Mais comme toujours en pareil cas, il subsistait en moi un sentiment de frustration, celui de ne pas partager toutes ces jolies " choses " que je ne manquerai pas de voir. Mais j'avais ma petite idée et comme je l'avais fait très souvent après le Tour du Coronat, je l'emmènerai plus tard faire des étapes ou des tronçons d'étapes sur une journée. Ce serait ma façon à moi de me faire pardonner mon voyage en solitaire que de lui faire découvrir un Tour du Vallespir saucissonné.

Loin d'elle loin des ruisseaux

Loin des sources vagabondes

Loin des fraîches chansons des eaux

Loin des cascades qui grondent

Je songe et c'est là ma chanson

Au jour béni des premières saisons

Tous les gîtes, refuge, hôtel et autre chambre d'hôtes ayant été réservés, il ne me restait plus qu'à sangler mon sac à dos et à grimper sur les " hauteurs de cette vallée âpre ".

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - PréambuleLe guide de Georges Véron

Cliquez sur le guide pour passer à la 1ere étape.

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La Tour del Far et la carrière de marbre d'El Comador depuis Tautavel.

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de plusieurs versions instrumentales et de 2 versions chantées de la célèbre chanson de Stevie Wonder "Isn't She Lovely ?". Voici les interprètes dans l'ordre de leur passage : Jokko Peña (musicien et arrangeur synthétiseur électronique), Alexandra Ilieva (saxophone), Pat Levett (harmonica chromatique), Lorenza Pozza (chant), Vinai T (guitare électrique) et enfin Stevie Wonder lui-même, auteur de cette chanson. 

La Tour del Far et la carrière de marbre d'El Comador depuis Tautavel.

La Tour del Far et la carrière de marbre d'El Comador depuis Tautavel.

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.


 

Avant d’effectuer ce circuit que j’ai intitulé « La Tour del Far et la carrière de marbre del Comador depuis Tautavel », je tiens à préciser qu’à cette célèbre tour à signaux, j’y étais déjà monté deux fois. C’était il y a quelques années maintenant. La première fois, nous y étions montés avec Dany au départ de Cases-de-Pène et je garde en mémoire l’aspect caillouteux à l’extrême de ce parcours. C’était en mai 2008 et c’est le petit reportage figurant toujours sur mon blog. L’année suivante, j’y étais retourné toujours avec Dany mais accompagné cette fois-là de ma belle-sœur Jeannie. Si je me souviens parfaitement d’elle, c’est grâce à une anecdote qui est restée dans un coin de ma tête. Alors que nous étions partis tous les trois pour un aller et retour depuis Tautavel, ma belle-sœur n’avait pas voulu monter jusqu’à la tour, préférant s’arrêter en bas au petit collet qui précède l’édifice. Alors bien sûr, Dany et moi trouvions dommage qu’elle soit montée jusque-là pour s’arrêter en si bon chemin alors que l’objectif était quasiment atteint. Nous lui avions demandé pourquoi elle s’arrêtait là, pensant sur l’instant à un gros coup de fatigue. Que nenni ! Et là, ma belle-sœur toujours très spirituelle, mystique et mystérieuse,  comme à son habitude,  commença à nous dire qu’il était inutile qu’elle monte plus haut car de là où elle se trouvait elle entendait des voix qui lui disaient de ne pas aller plus loin, sentait des forces qui la tiraillaient, nous disant qu’elle était en contact avec des êtres qui avaient eu un destin très fort en ce lieu, etc…etc… Dany et moi montâmes jusqu’à la tour et Jeannie qui n’avait plus bougée d’un pouce nous attendît gentiment assise sur son séant. N’ayant jamais vécu nous-mêmes ce type d’expériences, que nous qualifions la plupart du temps de «  sornettes », nous en restâmes là. En ce 23 octobre 2022, c’est donc avec ces plaisants souvenirs et sous un ciel malheureusement blafard que je me lance à nouveau sur ce parcours, espérant qu’aucun fantôme du passé ne viendra freiner mon envie de marcher. Le temps de trouver sur la D.9 un emplacement convenable pour ma voiture et la bonne direction de cette longue balade et me voilà déjà en marche. D9 ou avenue Louis Baixas,  direction le Musée de la Préhistoire où peu après un premier panonceau « Torre del Far 6km A/R 2h30 » se présente. Je continue vers l’amphithéâtre en plein air dit du Millénaire, puis c’est l’allée Victor Badia  et me voilà déjà sur l’étroit sentier filant vers  le vieux château. Or mis quelques fleurs et des  oiseaux retenant l’objectif de mon appareil-photo et les premières ruines de l’édifice médiéval cher à la famille Taillefer sont vite là. Le château étant plus loin sur la crête, j’abandonne l’idée d’y aller me contentant de plusieurs photos. Dans un décor de garrigue, le  sentier continue et devient caillouteux à l’extrême. Malgré les caillasses et la saison déjà bien tardive, quelques fleurs arrivent à y pousser. Je les recense. Or mis les paysages qui s’offrent au regard constituant 90% de mes photos, les fleurs représentent quasiment les 10% restant. Oiseaux, papillons, criquets, libellules et un petit coléoptère au doux nom de « Crache-sang », il me faudra attendre un peu ces autres photos naturalistes pour bouleverser quelque peu ces premiers chiffres. Quand à la Tour del Far dont j’ai lu le peu d’Histoire que l’on sait d’elle, je l’atteins après 1h45 de marche. Grandement déçu par cette météo opalescente ; alors que Météo France avait une fois encore annoncé un grand ciel bleu ; force est de constater que cette dernière lessive, rabote et réduit les panoramas à leur portion la plus congrue. Alors que je pense être tout seul, c’est donc empli de cette déception que je me hisse à l’intérieur de la « Torre » pour la toute première fois.  Mais là aussi je suis plutôt désenchanté car or mis un gros tube de pierres percé d’une petite ouverture et de la porte par laquelle je viens d’entrer il n’y a vraiment rien. Alors que je m’apprête à ressortir de le tour, quelle n’est pas ma surprise de constater qu’un groupe de  5 ou 6 autres personnes veulent y entrer. L’homme qui semble être l’accompagnateur me dit « on vous a vu entrer alors on veut faire pareil pour voir l’intérieur ! ». J’ai beau lui répondre « Il n’y a rien à voir », les voilà déjà partis à se hisser et à se faire la courte-échelle pour atteindre puis franchir  la porte d’entrée. Je les regarde faire avec désormais un sentiment de culpabilité espérant que l’entre eux ne se casse pas la figure. Par bonheur, tout se passe bien. J’aide les dames à redescendre et rassuré je poursuis mon chemin. Dans une zone d’éboulis, ce  dernier descend rudement vers le Puig d’en Paillat (ou Pallars selon les cartes). Il demande attention et donc lenteur. Bien que très rocailleuse et parfois carrément rocheuse, la suite du  sentier est plutôt simple et surtout bien indiquée car soit balisée en jaune soit agrémentée de cairns. A l’approche de l’ancienne carrière de marbre, il  suffit de penser à quitter ce chemin qui n’est autre qu’une variante du Tour des Fenouillèdes filant vers Estagel et passant de ce fait non loin du circuit que j’avais intitulé « Le Cimetière des Maures », nom pris à ce lieu dont le toponyme catalan  « El Cementiri dels Moros » continue d’être un mystère. Après le pique-nique longuement égayé par une Fauvette « inphotographiable » correctement , je repars contrarié que ce merveilleux petit oiseau ait constamment voulu préserver son « droit à l’image ». Grâce à 3 charmantes jeunes filles marchant quelques décamètres avec moi , j’oublie vite l’oiseau. Elles s’envolent elles aussi me laissant seul mais libre de marcher à ma guise et d'apprécier cette Nature que j'aime tant. La carrière est là,  blanche comme tout ce qui l’entoure car le marbre une fois réduit en poudre est un polluant pour la Nature et sans doute pour les hommes qui sont amener à l’avaler trop longtemps. On l’appelle aussi « Carbonate de calcium » et comme ses utilisations sont aussi nombreuses que ses inconvénients à l’extraire puis à le fabriquer, c’est dans le monde entier la guerre entre les industriels du secteur et les écolos. Ici, l’exploitation de celle d’El Comador est arrêtée depuis quelques années et c’est donc des bâtiments vides que je visite. Rien de folichon et seulement quelques tags retiennent mon attention. Je repars en direction des carrières essayant d’oublier cette défiguration de la Nature pour me consacrer seulement à elle ou du moins à ce qu’il en reste, c’est-à-dire à de rares fleurs, insectes et oiseaux, ce morne trio d’inséparables étant sans doute dans ce secteur bien plus en perdition qu’il ne l’est déjà partout ailleurs. La balade tire à sa fin. Par bonheur, ni près de la tour ni ailleurs,  je n’ai pas entendu de voix venant d’outre-tombe et seules mes chaussures de marche aux semelles complétement trouées par les innombrables caillasses ont eu à la fin le privilège de funérailles. Ainsi se termine cette balade, laquelle entre plaisirs et déceptions aura été mi-figue mi-raisin. Sa distance est de 10,2km pour des montées cumulées de 592m et un dénivelé de 398m entre le point le plus haut en altitude à la Tour del Far (498m) et le plus bas à Tautavel (100m), ces chiffres n'étant pas les miens mais étant issus d'un tracé enregistable que j'avais trouvé sur le Net. Carte IGN 2448 OT Thuir- Ille-sur-Têt Top 25.

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Etape 3 : Portel-des-Corbières/Port-la-Nouvelle 23,7km le 27 septembre 2014

Publié le par gibirando

Pour les raisons déjà invoquées dans mon récit, ce diaporama (comme les 2 autres) est agrémenté de diverses reprises de la chanson "La Mer" (en anglais Beyond The Sea) de Charles Trenet et Léo Chauliac. Elles sont interprétées ici et dans l'ordre suivant par 101 Strings Orchestra (instrumental), Luca Aquino avec Lucio DallaAudun Erlien et Wetle Holte (instrumental/chant), Acker Bilk (saxo), Alain Barrière (chant) et Biréli Lagrène (guitare jazz manouche). 

Etape 3 : Portel-des-Corbières/Port-la-Nouvelle 23,7km le 27 septembre 2014


 

- Portel-des-Corbières – Port-la Nouvelle.

 

- Hier soir, en lisant « Une porte dans les Corbières » de Robert Vila, j’ai appris que non loin d’ici, il y avait une église en ruines du nom de Notre-Dame des Oubiels. J’ai donc bien envie d’aller la voir avant de démarrer ma journée de marche. En réalité, en lisant ce recueil, j’ai compris que Portel-des-Corbières avait eu une Histoire très riche. Il y était question de gaulois et de romains, d’une bataille de la Berre, de Charlemagne et de Charles Martel, des Wisigoths et des Arabes, d’une terre cathare, autant de mots et de noms évocateurs mais pas suffisamment loquaces et instructifs au seul niveau de ce petit ouvrage. Beaucoup de ces mots résonnent à mes oreilles d’enfant, amoureux de l’Histoire de France et pourtant j’ignore tout de ce qui s’est passé ici. Le curieux que je suis voudrait donc bien savoir ! Je me promets d’étudier tout cela en rentrant. 8 heures. Comme promis à mes hôtes, me voilà déjà prêt à quitter le gîte. Après une douche bien revigorante, un petit déjeuner très copieux à la fois fait de ce que j’avais acheté hier soir mais aussi d’un gros bol de café et de lait solubles laissé par des locataires m’ayant précédés, j’ai parfaitement rangé mon sac, me séparant encore de tout ce qui me paraissait inutile. 8h30, Monsieur Noguero arrive. Il fait très rapidement un état des lieux sans bien sûr noter aucune anomalie car j’ai tout laissé aussi propre et rangé que je l’avais trouvé. J’évoque Notre-Dame des Oubiels et il me propose gentiment de m’y amener, ajoutant que ce n’est pas très loin. Effectivement et en voiture, il ne nous faut que quelques minutes pour y parvenir. Je le remercie pour son accueil, sa gentillesse et celle de son épouse et quand nous nous séparons, il me dit « n’hésitez pas à revenir, il y a énormément de balades à faire par ici ! ». Je me contente de lui répondre « je vous promets que je regarderai ça ! ». D’emblée, mais malgré son ample état de délabrement, cette église dégage quelque chose d’inhabituel et de singulier. Elle devait très belle mais surtout originale. On n’y reste pas insensible. Malgré son clocher-tour contrastant avec tout le reste de l’édifice, elle a un petit air de cathédrale gothique avec sa jolie rosace quasiment intacte (or mis le vitrail), ses arcades éventrées, ses contreforts et ses arcs boutants, le tout soutenant des voutes en ogives se terminant avec un clé de voute sculpté d’un animal. Ce n’est que plus tard que j’apprendrais qu’il s’agit d’un agneau, le nom Oubiels ou Ouviels ayant cette origine. Après une longue visite (mais j’y reviendrai encore) et de nombreuses photos, je descends dans la rivière La Berre et me retrouve rapidement au lieu-dit « Reînadouire », nom également lu dans le petit recueil. Ce nom signifie « la reine du gué » ou « Reine des eaux » et l’auteur prétend qu’il s’agit d’un ancestral passage de la rivière. Ici, entre deux rocs taillés par les eaux, un profond plan d’eau y est habituellement présent pour attirer les baigneurs les jours de forte chaleur, ai-je lu dans un magazine consacré à Portel. Mais aujourd’hui rien de tout ça et seule une ridicule flaque d’eau verdâtre subsiste au milieu d’une petite mer de galets blancs. Une bergeronnette grise en est la seule « estivante ». Elle part se percher sur un arbre en me voyant mais ne s’éloigne pas.  Pas facile de marcher dans ce lit, essentiellement pierreux de la rivière et ce d ‘autant qu’il est très loin d’être plat. Après la bergeronnette, c’est une Aigrette garzette qui s’envole à son tour. Estimant que j’ai vu l’essentiel de ce qu’il y avait à voir par rapport à mes lectures d’hier soir, je décide de grimper de l’autre côté de la rive. En effet, mon bout de carte IGN me laisse imaginer qu’un chemin s’y trouve menant à Portel. Après avoir galéré au sein du végétation plutôt touffue, le chemin est bien là. Il file effectivement en direction de la cité et débouche non loin du pont de Tamaroque à la sortie est de Portel. Chemin de Moncal annonce une plaque signalétique. Reste à retrouver le balisage jaune et rouge de la suite du parcours. Après quelques hésitations, je descends à nouveau vers la Berre. Là, près du stade communal, je finis par retrouver le bon itinéraire grâce à mon tracé GPS. Au milieu du vignoble, une large piste file parallèle à la rivière, puis quand les vignes disparaissent remplacées par un maquis, un étroit sentier prend le relais et s’en rapproche de très près. Si près parfois que l’on n’a aucune peine à imaginer qu’ici la rivière déborde assez souvent. Quelques bas-côtés défoncés ressemblant à des berges ravinées, des déchets gisant de-ci delà et des plastiques accrochés à des branches ou à des cannes de Provence sont encore là pour prouver qu’ici les crues sont sans doute récurrentes et agressives. Le chemin passe sous un pont autoroutier puis laisse sur sa droite les quelques bâtisses du lieu-dit Villefalse. Par un petit passage à gué, je m’y dirige par simple curiosité mais s’agissant d’un grand domaine avec maison de maître et de quelques propriétés apparemment très privées car copieusement clôturées, je ne m’y éternise pas et fais demi-tour. Bien m’en prend car j’arrive à une intersection prénommé Pech Maho où des panonceaux directionnels de randonnée sont disposés. Ici d’énormes travaux de terrassements sont en cours, travaux dont il est facile de deviner qu’ils sont en relation directe avec les crues de la Berre car une longue file de parements en béton forme le début de ce qui ressemble à une future digue. La dénomination Pech Maho m’évoquant quelque chose, il me semble utile de regarder mon bout de carte IGN. J’y vois mentionné le mot « oppidum ». Le lieu est tout proche et en tous cas à moins de 300 mètres selon mon estimation. Je me décide à faire l’aller-retour en empruntant un chemin longeant des vignes mais je ne sais par quelle circonstance, je me retrouve une fois encore tout près du lit de la Berre. J’y file parce qu’une fois encore j’y aperçois des passereaux. Si les oiseaux disparaissent, je découvre dans son lit un conglomérat de roches et de galets amalgamés. L’ensemble, qui est entouré d’une fondation en pierres de taille montées en appareil, ne fait aucun doute quant à son ancienneté.  Tout le reste de cet amas est noyé dans du mortier comme on le fait de nos jours pour constituer un grand coffrage. Si l’eau de la rivière a effectué son travail d’érosion continuel, il est évident que l’ouvrage est assez ancien. S’agit-il des restes d’un gué, d’un pont, d’un barrage ou bien d’un autre ouvrage hydraulique ? Sa présence dans le lit de la rivière peut soulever bien des questions, à moins que la rivière ait changé son trajet au fil des siècles et qu’il s’agisse d’un autre édifice n’ayant aucun rapport avec l’eau ? (Finalement, j’apprendrais plus tard qu’il s’agit d’une pile et du tablier d’un pont sur la Via Domitia, datant donc de l’antiquité, mais dont une mention dans un texte datant de 1335 a été retrouvée). Je quitte le lieu en continuant à longer le lit de la Berre bien asséché ici aussi. Finalement après quelques rares et petites vasques d’eau de-ci delà, j’atterris à un gué bien amoché lui aussi qui apparemment menait à Villefalse. Deux corneilles occupent l’endroit. Cette étrange découverte m’a presque fait oublié que je suis venu ici pour découvrir Pech Maho, alors je me mets en quête de le chercher. Il me faut moins de 10 minutes pour y parvenir et me retrouver devant un portail derrière lequel une longue butte de terre est sillonnée de multiples murets. Le tout est entourée d’un haut grillage infranchissable. Une pancarte annonce le programme « visite guidée uniquement » et  « d’avril en octobre le mercredi matin uniquement ou sur rendez-vous » mais le site est désert. Normal, nous sommes un samedi. Alors que je tiens mon aspect « antique » à portée d’appareil-photo, voilà que le mauvais sort m’en empêche. Je pars vers la droite du portail et me mets à longer la haute clôture dans l’espoir de quelques photos plus abouties quand tout à coup j’aperçois un gros trou dans le bas du grillage. Apparemment, je ne suis pas le seul à avoir eu envie de visiter le lieu un jour de fermeture, à moins qu’il s’agisse d’un pilleur de sépulture antique, ce qui n’est pas mon cas ? L’occasion est trop tentante, alors je me glisse au travers du grillage éventré. Me voilà à l’intérieur devant cet oppidum, ce premier vrai lieu antique de ce Sentier du Golfe éponyme. Oh, rien de vraiment folichon pour « l’antiquaire » curieux mais inculte que je suis. Je me contente de prendre des photos de l’ensemble de l’oppidum et sous tous ses angles sans bien sûr comprendre de quoi il s’agit, mais là aussi je me promets d’apprendre. Ce ne sont que des ruines mais j’y chemine avec une prudence dont je me demande si elle est bien utile, tant tout semble figé et sans grande fragilité apparente. Je suppose que si j’agis ainsi, c’est parce que je me sens un peu coupable d’avoir enfreint un interdit, même si bien sûr je n’ai aucun sentiment d’être entré par effraction, le grillage étant déjà cisaillé.  Enfin, je repars enchanté de Pech Maho, par le même chemin grillagé mais en évitant cette fois de me jeter dans la Berre.  Enchanté car je tiens enfin une raison concrète à cette dénomination « antique » qui semblait m’échapper depuis le premier jour. Alors que je divague autour de Pech Maho depuis presque une heure, il me faut moins d’un quart d’heure pour retrouver l’intersection et les panonceaux directionnels déjà aperçus. Sigean est indiqué à 3,3km et comme il n’est que 11h30 ça me rassure car j’envisage d’y déjeuner d’un gros et bon sandwich style jambon-beurre ou pan-bagnat accompagné d’une grande bière bien fraîche. J’en rêve car j’en ai un peu marre des salades style Sodebo toutes prêtes, des sandwichs-triangles, des gâteaux de riz industriels et des grandes gorgées d’eau plate. Finalement, ici au milieu des vignobles, et en l’absence de tout dénivelé , je peux me permettre de soutenir un rythme régulier sans être obligé de speeder. Par un énorme tuyau en tôle ondulée, le  large chemin passe sous la départementale, puis se poursuit sur le chemin du Pla et la rue de la Clauze pour atterrir dans la Grand-Rue du centre-ville de Sigean. De ce parcours depuis Pech Maho, seule la Nature a su me freiner : des oiseaux, un couple  de pigeons, une plate-bande ornée de grandes et jolies fleurs jaunes dont je pense qu’il s’agit de topinambours, un chat noir très gentil qui s’est laissé caresser avec réticence avant de se laisser aller. Outre cette Nature, je me suis également arrêté devant un graffiti, lequel au début de la rue de la Clauze montre un homme souriant accueillant le passant avec un surprenant doigt d’honneur. L’heure du déjeuner ayant déjà sonné dans mon estomac, la première brasserie ouverte est la bonne. J’y commande un gros pan-bagnat accompagné d’une chope de bière car même s’il y a des restaurants, aujourd’hui ce n’est pas ce dont j’ai envie. Quelques joueurs de Loto, qui devant moi, vont et viennent tenter leur chance m’incitent à risquer la mienne. Je remplis une grille avec des numéros dont la logique m’est toute personnelle (Elle s’avérera gagnante avec 3 numéros). Je quitte les lieux direction l’église Saint-Félix puis la mairie car selon mon bout de carte IGN j’ai le sentiment que la suite du parcours est dans ce secteur. Mon GPS me le confirme. Quelques panonceaux directionnels bien placés venant attester cette intuition, il ne me reste plus qu’à suivre le balisage bien présent. « Les Eoliennes 3,5km et Port-la-Nouvelle 9,8km » sont les mentions exposées du challenge qu’il me faut encore accomplir pour terminer ce Sentier du Golfe Antique. Si la sortie de Sigean, au milieu des lotissements et sur l’asphalte du chemin de Plaisance  est quelque peu fastidieuse et donc pas vraiment agréable et sans grand intérêt, les premiers vignobles et les premières pinèdes atténuent quelque peu cette « tribulation » obligée. Cette fois, l’itinéraire passe au-dessus de la départementale et voilà enfin la campagne. Certes je marche encore sur une petite route toujours bitumée mais avec des noms qui fleurent bons l’éloignement de la civilisation : « Souffleur de rêves », « Bellevue », « les Trois Fontaines ». Quelques oiseaux sont encore là pour que je reste aux aguets. Sur la modeste colline que je dois gravir, la vue d’un champ d’éoliennes est déjà synonyme de changement total de décors. Pourtant, avant de les atteindre, voilà que se présente la seule vraie déclivité à grimper depuis celle m’ayant amené aux Pesquis. Combien à gravir ? 50 m ? 60 m ? En 3 jours de « platitude », j’ai le sentiment d’avoir oublié qu’en randonnée une montée restait possible. Par bonheur, au milieu des vignes, des pinèdes et d’un agréable maquis, le tout plutôt bien verdoyant et parsemé de plusieurs cortals en ruines, je finis rapidement par ne plus penser à ce très modeste dénivelé. Les éoliennes sont belles. Enfin moi, je les trouve belles ! Elancées, affinées, pures ou épurées, pâles ou blanches, bien campées sont des qualificatifs qu’on peut leur attribuer comme à une jolie femme. Reste à savoir si sur la plan énergétique, elles sont aussi utiles et rentables que certains le prétendent, mais là je ne suis pas assez calé techniquement pour répondre à cette question. D’ailleurs, si l’on évoque une quelconque rentabilité, à qui profitent-elles est un autre interrogation qui n’est pas dénuée de fondement car j’estime que le citoyen a là aussi son mot à dire ? Si la réponse est « oui » et à tous, restons-en là, mais si c’est « non », malgré leur beauté, elles dénaturent les paysages et sont des entraves au fonctionnement normal de la Nature.  Apparemment, c’est cette dernière opinion qu’ont eu certains chasseurs qui ont cru bon de truffer de plombs quelques panneaux explicatifs de leur fonctionnement. Pourtant quand je lis moi-même ces panneaux tout semble merveilleux dans les meilleurs des mondes et les éoliennes semblent être l’avenir pour une énergie que l’on veut propre. Propre à n’importe quel prix ? Oui, d’un côté, on ne peut pas demander aux citoyens d’être écolos et de l’autre ne pas les intéresser à l’aspect « économique » d’une industrie de proximité qui se prétend propre. Personnellement, je suis contre les centrales nucléaires que j’estime bien trop nombreuses et donc bien trop risquées dans un petit pays comme le nôtre. Tchernobyl et Fukushima sont les preuves que des accidents très graves restent possibles et qu’adviendra-t-il de nous si un accident se produit en France ? Qu’adviendra-t-il de l’humanité si un gouvernant fou décide qu’il peut au travers d’un simple petit bouton rayer un pays voire la planète toute entière ? C’est en pensant à tout ça que se termine ma lecture de ces panneaux. Sous ces grands moulins blancs, je me sens tout petit et surtout un peu couillon devant tant de peurs, de doutes et d’interrogations. Je me dis que ce n'est pas le bon moment pour me polluer la tête ! Je ne trouve plus guère d’intérêt à m’y attarder et je continue le chemin. Ce dernier se faufile dans un maquis dont le seul attrait est d’être quelque peu changeant car creusé de plusieurs ravines partant dans tous les sens. Quelques oiseaux au plumage brun sont un deuxième attrait mais comme je n’arrive ni à les identifier et encore moins à les photographier, je suis forcément déçu. Des alouettes ou des pipits sans doute ? Non, des bruants finalement. Seules quelques fauvettes, facilement reconnaissables dans leur façon furtive de passer d’un buisson à un autre puis d’y disparaître, me contraignent à rester aux aguets. Il faut que l’horizon formé par la Méditerranée se dévoile pour qu’enfin mon intérêt pour les passereaux s’estompe quelque peu. Quelques vestiges nouveaux, un tunnel menant à un blockhaus et le support d’une ancienne batterie allemande sont les patrimoines encore visibles mais quelque peu déplaisants de cette Garrigue-Haute. Quand une jolie esplanade agrémentée de quatre tables d’orientation et de deux bancs se présente, je comprends que ce Sentier du Golfe Antique tire à sa fin. Port-la-Nouvelle est là, totalement visible car à quelques encablures. Ma voiture est sans doute à moins d’une heure de marche. La vue de la longue ligne droite formée par La Robine m’attriste un peu sans que je sache l’expliquer. Alors je flâne comme je l’ai quasiment toujours fait en terminant mes randos sur plusieurs jours. Comme toujours, je suis pris en tenaille dans une espèce d’indécision entre le désir d’en finir et de retrouver Dany et la maison et ce plaisir que j’aurais sans doute à marcher encore quelques jours si le parcours était plus long. Les panonceaux directionnels bien présents m’entrainent inéluctablement vers la ligne d’arrivée. « Combe des buis », « Cami des carrières », « Sentier Cathare » et voilà qu’enfin se présente pour la toute première fois depuis mon départ un panonceau « Les étangs – Tour du Golfe Antique ». « Il était temps ! » me dis-je. Le vrai départ était donc là tout près du théâtre en plein air dit de la Garrigue ? Je traverse un grand carrefour et le Canalet est là. Je sais qu’il ne me reste qu’à le suivre pour arriver. Alors je flâne sur son quai, mais même en m’arrêtant à tout bout de champs, ma voiture finit par être là. J’y dépose mon sac à dos dans le coffre et les écouteurs de mon baladeur enfoncés dans les oreilles, je repars à la découverte de ce petit secteur que je ne connais pas. Joli prétexte à bien y réfléchir ! Finalement, l’étang est encore tout près, lisse comme un miroir car le vent a totalement cessé de souffler. Je m’assois sur un banc d’algues sèches et écoute « la Mer » jouée ou chantée par divers interprètes. Je sais que la dernière chanson de mon baladeur est l’originale et donc chantée par Charles Trenet, alors je l’attends. Joli prétexte une fois encore pour m’éterniser ici au bord de ce petit paradis. Un petit paradis trop près de la civilisation à mon goût car perturbé par trop de bruits. Ceux des voitures passant sur le pont menant au port, ceux de rares petits bateaux empruntant la Canalet ou bien encore ceux de quelques trains passant à toute allure. Mais malgré ça je suis bien et comme prévue la chanson de Trenet finit par arriver. Je bois comme du petit lait les poétiques paroles en pensant à ma mère car je sais qu’elle adorait cette chanson.  Malade d’Alzheimer, recluse dans sa tête et dans un ehpad, elle arrive à la fin de sa vie mais au fond de moi, je sais qu’elle aurait bien aimé l’écouter : « Voyez Près des étangs Ces grands roseaux mouillés, Voyez Ces oiseaux blancs Et ces maisons rouillées…….. »

 

Finalement, quand je reprends la route pour rentrer chez moi, j’ai trouvé le titre du reportage que je compte écrire de ces 3 jours de marche…Ça sera « Voyez près des étangs, voyez ces oiseaux blancs ou 3 jours sur le Sentier du Golfe Antique ». Je ne pouvais rêver mieux !

 

Nous sommes le 27 septembre 2014, ma mère décèdera le 10 novembre. Je lui  dédie le compte-rendu de ces 3 jours, elle qui me disait toujours après avoir lu mes récits de balades « quand je te lis, je marche avec toi ». J’espère que là où elle est partie, elle peut encore me lire ?

 

Nota : Concernant les distances, je tiens à préciser qu’au cours de ces 3 jours, et malgré la présence d’un GPS dans ma poche, je n’ai pas enregistré de données. D’abord parce que cela ne m’intéressait guère et ensuite parce que mon GPS étant très ancien, je savais d’avance qu’il manquerait de précisions à ce propos. Cela ne m’intéressait guère car avant de partir je savais que j’aurais grosso-modo et au bas mot 75 km à parcourir. C'est la distance que j'avais lue. Je n’étais donc pas à quelques kilomètres près et ce d’autant que je savais que les dénivelés seraient nuls ou au pire très modestes. Sur mes vidéos, vous trouverez des distances mentionnées qui sont des estimations d’un simple point à un autre, c’est-à-dire de la commune de départ à celle d’arrivée. Ces distances, si elles tiennent compte des entorses que j’ai pu faire au tracé originel du Sentier du Golfe Antique fourni par la Fédération de Randonnée Pédestre, elles ne tiennent pas compte de mes différentes « sorties de route », c’est-à-dire de tous ces lieux où ma curiosité m’a entraînée et dieu sait s’ils ont été nombreux. J’ai donc voulu, mais par simple curiosité, à l’aide de mon logiciel CartoExploreur recalculer les vraies distances parcourues incluant toutes ces « sorties de route ». Le résultat final, mais approximatif encore une fois, est le suivant : Etape 1 28,4 km, étape 2 24,9 km et étape 3 23,7 km soit un total de 77 km. Je suppose que si vous envisagez de parcourir ce tour et que vous lisez au préalable mon récit vous ne serez pas à quelques kilomètres de plus ou de moins à parcourir. Quoi qu’il en soit, je vous le souhaite d’ores et déjà très agréable.

 

(*) Pourquoi Golfe Antique ? : Dans l’antiquité, les étangs de Bages-Sigean, de l’Ayrolle et de Gruissan étaient reliés entre eux et formaient un golfe en relation avec la mer. Le massif de la Clape était une île au milieu de ce golfe où se déversait l’Aude nommée alors « l’Atax ». Les alluvions de l’ Aude ont comblés ce golfe. L’étang de Bages-Sigean était longé par un grand axe de communication entre l’Espagne et l’Italie axe qui reliait les oppida. Hannibal partant à la conquête de Rome, emprunta cette voie (voie héracléenne) qui fut modernisée par les romains et rebaptisée « Via Domitia ». Dans ce golfe, Narbonne était un port au commerce maritime très important. (Source Site du Comité Départemental de la Randonnée Pédestre de l’Aude / CDRP11). Rajoutons que de nombreuses preuves de cette activité maritime ont été retrouvées à divers endroits autour de l’étang actuel de Bages-Sigean (La Nautique, Mandirac, Sainte-Lucie, île Saint-Martin, Peyriac-de-Mer, etc...). Le seul aspect « antique » est d’ailleurs encore plus ancien que la présence des Romains puisqu’il est acquis que d’autres peuples les ont précédés autour du golfe comme les Elysiques mais également les Ligures et les Volques Tectosages à un degré moindre.

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Etape 1 : Port-la-Nouvelle/Narbonne 28,4km le 25 septembre 2014

Publié le par gibirando

Pour les raisons déjà invoquées dans mon récit, ce diaporama (comme les 2 autres) est agrémenté de diverses reprises de la chanson "La Mer" (en anglais Beyond The Sea) de Charles Trenet et Léo Chauliac. Elles sont interprétées ici et dans l'ordre suivant par Maximo Spodek (Instrumental/piano) Bobby Darin (chant), Antonio de Lucena (guitare espagnole) Sergey Brazhnik (instrumental), Nina Louise (chant) et Robbie Williams (chant).

Etape 1 : Port-la-Nouvelle/Narbonne 28,4km le 25 septembre 2014


- Port-la-Nouvelle – Narbonne

 

- Jeudi 25 septembre 2014, 7h30. Je roule direction Port-la-Nouvelle. Mon sac à dos est parfaitement bouclé et posé sur le siège arrière. En principe, rien ne manque et j’ai même pensé à prendre mon petit baladeur MP3. En 2009, tout à fait par hasard, mais de manière très appropriée, « Mes jeunes années » de Charles Trenet avaient délicieusement bercé toutes les étapes de mon Tour du Vallespir. Alors que je roulais vers Amélie-les-Bains, j’avais entendu cette chanson à la radio et elle était restée là dans un coin de ma tête tout au long du parcours. Pour la toute première fois, j'avais écouté et quasiment retenu toutes les paroles, des paroles dont je devinais qu'elles seraient en corrélation avec les moments que j'allais vivre. Entre gaieté et tendresse ou chagrin et douceur, avec cette chanson que ma mère avait souvent fredonnée, j’avais beaucoup pensé à elle, malade d’Alzheimer, et plus globalement à tous les êtres chers que j’avais perdus. J’ai toujours considéré qu’il y avait eu beaucoup d’injustices dans la maladie et le décès de ceux que j’avais tant aimé : mon frère et mon père partis bien trop jeunes et ma mère avec cette terrible maladie. Marcher en pensant beaucoup à eux m’avait énormément aidé dans mes réflexions et mes pensées après le contrecoup d’une retraite que je trouvais parfois insatisfaisante mais qu’en réalité, j’avais sans doute beaucoup trop idéalisée avant de la prendre. Je me suis souvenu de tous ces moments forts qui m’avaient fait prendre conscience de la chance que j’avais d’être vivant et de faire beaucoup de choses que j’aimais. J’adore les chansons poétiques de Trenet et  cette année, je pars avec une multitude de versions de « La Mer » mais il y a une raison à cela. En effet, quand on lit l’histoire de cette chanson, on apprend que Trenet aurait écrit les paroles de la chanson en 1943 alors que voyageant avec son pianiste Léo Chauliac et son ami le chanteur Laurent Gerbeau, il regardait la mer et l’étang de Thau par la fenêtre du train qui l’amenait de Paris à Perpignan. A cette époque Trenet a 30 ans et a déjà un énorme succès. Or, quand on approfondit le sujet, on apprend qu’en réalité, il avait déjà couchées ces mots-là sur un poème alors qu’il n’avait que 17 ou 18 ans. Or, à cette époque, il est plus coutumier de voyages entre Narbonne et Perpignan ; où il fréquente notamment le journaliste Albert Bausil ; et donc de visions des étangs de l’Aude que de celui de Thau. Il est donc fort probable que les paroles lui étaient inspirées par l’étang de Bages-Sigean et la mer du côté de Port-la-Nouvelle. Je me suis mis à penser que « le golfe clair » qu’il évoque, c’est peut-être un peu ce « Golfe Antique » que je pars découvrir alors j’ai voulu partir avec des versions bien différentes de cette chanson. Finalement, il y a tellement de reprises de toutes sortes avec des instruments et des sonorités si disparates qu’on a parfois l’impression d’écouter des chansons et des musiques bien dissemblables. C'est donc en découvrant cette diversité que j'ai eu envie de partir avec toutes ces versions. Les écouteurs de mon baladeur MP3 dans les oreilles, c'est en écoutant les premières versions que je roule en longeant l’étang de Salses-Leucate. Les golfes clairs sont déjà là. En réalité, les étangs sont encore bien sombres mais un flamboyant soleil rouge s’élève peu à peu au dessus de la ligne d’horizon. Le jour se lève du côté du Barcarès et de Leucate. Je m’arrête pour quelques photos. Les toutes premières mais il y en aura plus de mille pendant ces 3 jours. J’arrive à Fitou. Je m’arrête quelques minutes juste le temps d’acheter deux viennoiseries dans un « point chaud ». Je repars. Au loin, le soleil rouge a disparu derrière les falaises de La Franqui. Un peu plus loin, il surgit de nouveau mais semble s’être arrêté dans son ascension et paraît comme suspendu. Il voudrait bien jeter mille feux allant du rouge écarlate au jaune vif en passant par de nombreuses nuances orangées mais un voile de chaleur opaque paraît l’en empêcher. C’est sans doute un signe du grand beau temps qui s’annonce mais la tramontane annoncée est déjà bien là. Au dessus de ce rougeoiement, le ciel est d’un magnifique bleu acier. Aux Cabanes de la Palme, je tourne à droite et emprunte la petite D.709. Elle longe l’étang et les salins de La Palme mais Port-la-Nouvelle est vite là. Je me dirige directement vers sa zone portuaire, à l’endroit même où le canal de la Robine fait la jonction avec le chenal menant à la passe et à la haute mer. L’horizon est cendré et le soleil a toujours autant de mal à percer cette muraille brumeuse. Les nombreux petits bateaux du port de plaisance tanguent sur une onde relativement agitée par une violente tramontane. Enfin, je dis « tramontane » en me fiant aux informations de Météo France, mais c’est peut-être le vent qu’ici les audois appellent « cers » ? Ce ne serait qu'un problème de dénomination ai-je oui dire ?  Je fais le tour d’un pâté de maisons mais finalement et pour me garer, je trouve une place idéale sur un parking en bordure d’un petit canal et non loin de la gendarmerie. Ce petit canal, ici on l’appelle le Canalet et on voit immédiatement qu’il n’est pas récent car avec ses bateaux rangés au bord du quai, il a conservé son vieil aspect « cabanes de pêcheurs ».  Je n’ai guère le temps de m’y appesantir. Avant de chausser mes godillots et d’harnacher mon sac à dos, j’observe les lieux et regarde si le canal de la Robine est facilement atteignable depuis ce parking. Une grande passerelle est là, elle enjambe le canal et en plus, un balisage jaune et rouge indique clairement un itinéraire pédestre. En tous cas, il s’agit bien d’un « GRP Tour du Pays » et j’ai la conviction d’être déjà sur le Sentier du Golfe Antique (*) même si ici, aucun panonceau explicite ne m’en apporte la certitude. Je grimpe au sommet de la passerelle. Le canal de la Robine semble joignable et je retourne à la voiture. 8h20, me voilà sur la rive droite du canal de la Robine. Depuis le parking et pour en  arriver là, il m’a fallu emprunter plusieurs passerelles. Une fois dessus, une fois de dessous et ainsi de suite, mais finalement le balisage est plutôt bien indiqué et j’y suis parvenu. Au sommet de la dernière passerelle, le canal de la Robine ne m’a pas impressionné malgré une rectitude saisissante et une extrémité se perdant dans un horizon lointain et nébuleux. Il est vrai que j'ai déjà accompli La Robine en vélo lors d'un aller-retour jusqu'à Narbonne. De plus, je connais bien ce tronçon jusqu’à l’écluse de Sainte-Lucie même si je ne l’ai jamais accompli à pieds mais toujours en voiture au moins jusqu’au parking. Les morceaux de cartes pour la journée sont dans une poche de mon short et celui qui a cours dans une autre. J’aime bien l’avoir sous la main pour connaître les noms des lieux où je vais passer. Une forte tramontane souffle déjà mais comme elle devrait être signe de beau temps, je ne m’en plains pas. Or mis que j’ai déjà été contraint d’ôter mon baladeur de mes oreilles et d’arrêter « la Mer » ou plutôt « Beyond The Sea » magnifiquement chantée par Robbie Williams. Enfin, pour l’instant, elle n’est pas un inconvénient sauf qu’après quelques mètres à peine accomplis, elle semble encore forcir et mes yeux se mettent à larmoyer. Voilà un vrai inconvénient car alors que mon appareil photo numérique est déjà bien entré en action, je suis contraint de freiner mes ardeurs de ce coté-là aussi. Si des milliers de goélands ayant élus domicile dans les « Tables Salantes » ont eu le privilège des premiers clichés, je ne peux plus me permettre de tout photographier « à l'emporte-pièces ». Oui, ce vent si fort est un réel désagrément car j’ai également décidé de répertorier les plantes et les fleurs maritimes en les photographiant car je ne les connais pratiquement pas. Elles viendront grossir mon herbier photographique au côté des nombreuses fleurs des montagnes et des champs. Quelques oiseaux les occupent mais la puissance du vent empêche toute mise au point parfaite pour d’éventuelles photos. Je commence à pester un peu et ce d’autant que je m’aperçois que le vent soulève également une fine bruine d’embruns poissant parfois mon téléobjectif. Entre mes yeux qui larmoient, un ciel cotonneux derrière moi qui décroit la luminosité et ces embruns, forcément mes premières photos ne seront pas géniales. Un magnifique bateau filant au gré du canal ou un train s’éloignant vers Narbonne sur l’autre berge du canal complétent mes prises de vue avant mon arrivée à l’écluse de Sainte-Lucie. Des bateaux et des trains, il y en aura bien d’autres. Si ici les trains vont très vite à cause des lignes droites, les bateaux offrent l’avantage de quelques échanges rapides avec les occupants et au moins des bonjours toujours très sympathiques.  Ici, les premiers panonceaux indicatifs me renseignent sur quelques distances : derrière moi, Port-la-Nouvelle à 3 km. Devant, l’écluse de Mandirac à 10 km et Narbonne à 17,7 km, sous entendu par le canal de la Robine. Toujours aucune information quant au G.R.P Sentier du Golfe Antique. Ici, le canal formant un virage, ses eaux sont plus calmes et quelques colverts en profitent pour caboter placidement au fil du courant. Quelques poissons mouchetant la surface créent de multiples ronds sur le miroir verdâtre. De nombreux pins parasols inclinent leurs branches et forment une jolie haie ombragée bien à l’abri de la tramontane.  J’en profite pour m’arrêter un instant auprès d’un pêcheur. Il vient tout juste  d’arriver et n’a encore rien pris. Tout en bavardant, le sentiment qu’il me laisse et qu’il est surtout là pour profiter de cette belle journée qui s’annonce et comme on dit pour mouiller le fil.  Apparemment « prendre du poisson » lui semble secondaire. Je repars. Le virage se termine et là, très soudainement la violence de la tramontane me fait courber l’échine. Je comprends immédiatement que je marche plein nord et qu'ici le vent est plus fort que nulle par ailleurs. Je recommence à larmoyer et plus rien n'arrête ces larmes-là. Je m'arrête, essuies mes yeux, repars et ainsi de suite. Je quitte la large piste au profit d’une étroite sente filant sur la droite en bordure des étangs pensant être plus à l’abri du vent. Il n’en est rien. De l’autre côté du canal et dans la colline, je reconnais plusieurs grands bâtiments visités lors d’une jolie balade à la presqu’’île de Sainte-Lucie. Au bord du chemin, une vieille borne en bois indique 15 km. Je sais que pour moi, elle est sans intérêt car elle doit sans indiquer Narbonne par le canal de La Robine. A cause de la violence du vent, je regarde plus souvent sur les côtés que droit devant et quand c’est le cas, le moindre élément devient un repère à atteindre. Un pin parasol isolé, un cycliste arrêté, un buisson plus haut qu’un autre, un vieux bâtiment, un bateau qui s'éloigne tout est bon pour me fixer un objectif à rejoindre. Sur l’autre berge, le domaine Sainte-Lucie appartenant au Conservatoire du Littoral est là avec ses vastes bâtiments et ses bateaux de bois. Plusieurs sont là en cours de restauration. Un imposant, amarré à la rive et l’autre telle une carcasse, avec sa coque au sec et en cours de réparation. En son temps et comme l’indique un grand panneau, il y avait paraît-il une « Maison des Etangs » avec visite guidée de l’île, sentier botanique, musée et centre documentaire. Je me demande si tout ça fonctionne encore et je me dis qu’il aurait été bien mieux que le Sentier du Golfe Antique passe en ce lieu plutôt que sur l’autre rive. Après Sainte-Lucie et son Roc Saint-Antoine, plus rien ne freine la tramontane et avançait face à ce vent très puissant devient une véritable épreuve. Ici, le chemin ne forme qu’une étroite langue de terre de quelques mètres entre les eaux du vaste étang de l’Ayrolle sur la droite et celui beaucoup plus modeste du Charlot sur la gauche. Il faut dire que l’étang du Charlot n’est séparé de celui de Sigean que par la voie ferrée. Aujourd’hui, j’ai le vague sentiment que le « Charlot » c’est moi et si je m’arrête souvent ce n’est pas pour rire mais bien au contraire pour arrêter de larmoyer et assécher l’objectif de mon appareil-photo presque autant que mes yeux. A cause du vent et de ces larmes, je n’arrive pas à progresser comme je le voudrais. Dès que mes yeux s’arrêtent de pleurer, je repars et j’en profite le plus rapidement possible pour prendre quelques photos car il y a en bordure du chemin de nombreuses fleurs que je ne connais pas même si certaines ont de vraies ressemblances avec des fleurs plus communes. Il est vrai que j’ai une réelle méconnaissance pour les fleurs maritimes. Il est 10h30 quand j’arrive à la Maison Cantonnière de l’Ardillon. Si elle est amplement ruinée et sans grand intérêt de nos jours, je me souviens avoir lu qu’elle servait bien évidemment à loger les cantonniers chargés de l’entretien du canal, des ouvrages et des tombolos, mais aussi d’auberge pour les bateliers au temps où les travaux de halage se trouvaient immobiliser à cause de la puissance des vents. Souvent très chargées et dont très lourdes, les barges de transport, les pinardiers comme on les appelait, restaient plaquées contre la berge par les vents. Contraints de rester ainsi immobilisés, les bateliers attendaient ici des conditions météo plus favorables avant de repartir. Peu après, la tramontane ayant fléchi, j’en profite pour zigzaguer entre le chemin longeant La Robine et la grève de l’étang de l’Ayrolle avec l’espoir d’éventuelles découvertes. C’est là au bord de la grève que je photographie un groupe de goélands et quelques rares limicoles qui s'abritent sur les versants les moins ventés des tombolos. Pendant que les goléands se reposent, les limicoles déjeunent en plongeant leurs longs becs dans les bancs d’algues vertes que le courant à rejeter sur la berge. A me voyant, ils s’éloignent de quelques centaines de mètres. Il y a aussi quelques papillons mais souvent peu visibles car le plus souvent plaqués au sol ou planqués dans la végétation. Ils savent sans doute que leur envol est synonyme de risque d’être emportés par le vent au-dessus des flots. Je mets à profit cet arrêt photos pour prendre une barre de céréale puis je repars. Au fur et à mesure que j’avance, le vent faiblit et j’en suis ravi car mes yeux arrêtent automatiquement de larmoyer. A hauteur des Salins de Campignol puis de l’Ancienne Douane, la langue de terre s’élargit soudain et prend des vrais airs de petite Camargue, avec sur la gauche de nombreux taureaux et sur la droite, une multitude d’oiseaux marins : mouettes, aigrettes, cormorans, limicoles et goélands. Quelques chevaux blancs dans un enclos et un groupe de flamants roses qui s'abritent du vent viennent conforter cette similitude avec la zone humide du Delta du Rhône. Le canal de la Robine devient plus ombragé avec de grands arbres même si les roseaux sont encore très nombreux. Ces derniers sont désormais là pour consolider les berges que la navigation et les ragondins n’ont de cesse de saper.  La végétation se diversifie et se densifie en même temps. Je ne sens pratiquement plus la tramontane et mes yeux en sont comblés.  A la fin des Salins de Campignol, ma curiosité a aller visiter les lieux fait se soulever des milliers d’étourneaux sansonnets qui dormaient bien tranquilles dans un pré. Aussitôt, cette étonnante nuée prend des allures de nuages mouvants formant de bien belles arabesques dans un ciel azur purgé de tous nuages. Sur les eaux de la Robine, bien plus calmes ici, je surprends un ragondin sur la berge. Le temps d’une seule photo, il plonge puis nage en direction d’un groupe de colverts puis disparait dans les roseaux. Depuis quelques centaines de mètres, les colverts sont nombreux et semblent se complaire aux endroits où les berges sont taraudées. Un rapace s’envole au-dessus des platanes, ce qui m’empêche de l’immortaliser correctement et surtout de le répertorier. Je le reverrais un peu plus tard mais sans la certitude qu’il s’agisse du même. Quelques grandes bâtisses agrémentées de tours se présentent sur la droite. Je suppose qu’elles ont un rapport avec les salins ou les rizières. Finalement, ce n'est qu'en regardant ma carte que je comprends que je suis à hauteur du Petit Tournebelle. Les maisons de Tournebelle apparaissent au travers de la végétation. Bien que ne l’ayant jamais vu sous cet angle, je reconnais aisément le domaine où j’avais tenté en vain de trouver une location. Mon morceau de carte I.G.N m’apprend qu’il y a également le Grand Tournebelle et Tournebelle le Neuf, tous deux sur la gauche du canal. Un peu plus loin, et comme un étonnant mirage, le magnifique Domaine du Petit Mandirac apparaît, comme posé sur les immenses prés verdoyants et devant les collines de La Clape. Ici, dans les prés humides ; des  rizières je suppose ; et leurs nombreux chenaux, je retrouve quelques oiseaux aperçus lors de ma récente venue. Au travers des roseaux, j'aperçois aussi des taureaux et des chevaux en quasi-liberté. Je suis ravi d'observer toute cette vie. L’écluse de Mandirac est en vue mais comme il est déjà 12h15, je décide de stopper dans l’herbe, sous les platanes et juste devant un bien beau navire pour déjeuner. Depuis Port-la-Nouvelle et mon démarrage ce matin, je n’ai que quelques fruits secs et une barre de céréales dans le ventre. Il est vrai qu’à Fitou, deux pains au chocolat étaient venus compléter mon habituel petit déjeuner. De toute manière, quand je marche, rien ne m’est jamais suffisant et une « bonne » salade et deux petits pots de riz au lait sont les bienvenus.  Pendant que je mange et me repose en écoutant « La Mer » dans différentes reprises sur mon baladeur, je constate que les oiseaux sont bien plus nombreux par ici que je ne l’aurais supposé. Je pensais que la proximité des habitations était une entrave à leur présence. Il semble qu’il n’en soit rien. Sur la droite du canal, je vois de nombreuses cigognes survolaient les prés humides ainsi que quelques aigrettes et hérons cendrés et j’ai le sentiment que tout ce petit monde volant se pose dans les très proches alentours. Malgré cette stimulante présence, je me dis qu’un bon repos est primordial. L’étape est encore très longue et il faut que je prenne le temps pour chaque chose. Je me repose une heure puis repars. L’écluse est là et sur la droite, juste derrière la vieille école, de nombreuses cigognes continuent de faire le spectacle. Plusieurs voitures ont stoppé en bordure d’un grand pré et leurs occupants se sont tous mués en photographes animaliers. Il faut dire que des dizaines de cigognes sont juste là, au bout d’un pré, à quelques centaines de mètres à peine. Je voudrais bien que tous ces touristes partent pour prendre position mais quand une voiture s’en va, elle est immédiatement remplacée par une autre. Alors, je prends quelques photos comme je le peux et sans prendre le temps nécessaire. Au moment de poursuivre, j’aperçois un superbe héron cendré dans le pré face à l’école. Le temps d’une photo et le voilà déjà passant au-dessus de ma tête et filant se poser sur les grands arbres du Petit Mandirac. Je me dirige vers le domaine pour m’en approcher au maximum. Alors que je marche au bord de l’étroite D.32, je constate que de nombreux autres limicoles ont élus domicile dans tous les prés alentours. Assez étrangement ils s’envolent en me voyant alors que les voitures passant sur la route ne semblaient pas les perturber.  Je jette un coup d’œil vers les grands arbres du Petit Mandirac et le héron est toujours là. Alors, je m’en approche encore et je réussis à le photographier plutôt correctement malgré la bougeotte dont il fait preuve.  Je m’aperçois que je me suis bien éloigné de l’écluse et de l’itinéraire du Sentier du Golfe Antique. Là, je prends soudain conscience que si je fais ça à chaque bel oiseau aperçu, ce n’est pas ce soir que j’arriverais à Narbonne. Je reviens vers l’écluse dont je fige quelques photos de ses principaux points d’intérêts : école, canal, écluse elle-même, péniches y manoeuvrant, joli monument malheureusement taggué et vandalisé mentionnant un « parcours naturel des étangs » et enfin la maison de l’écluse. L’école, désormais, siége du « Narbonne Aviron Club », si j’en crois un panneau, me rappelle étrangement l’école primaire de mon enfance quand à la petite stèle fixée au dessus de la Maison de l’écluse, elle me rappelle à mon bon souvenir en indiquant de manière très précise les 13.038 mètres que j’ai déjà effectués depuis Port-la-Nouvelle. 13 km à enlever au 28 ou 29 de mon tracé estimatif jusqu’à l’hôtel, il m’en reste encore 17 à 18 à accomplir. D’autres panonceaux plus rassurants sont là indiquant Port la Nautique à 7,8 km et Saint Louis à 2,5 km. Alors, je repars avec la bonne résolution de beaucoup moins flâner que je ne l’ai fait ici à Mandirac. J’ai d’autant moins l’idée de flâner qu’il me faut redescendre le canal de la Robine sur l’autre rive jusqu’au Grand Tournebelle faisant face au Petit et c’est au bas mot, 1.600 mètres à refaire dans l’autre sens. Je passe devant le Café de Pays, dont je sais qu’il est très apprécié des Narbonnais en raison des soirées musicales qui y sont régulièrement organisées. Aujourd’hui, il est fermé ou peut être même jusqu’à la saison prochaine ? Je ne sais pas ? Je laisse sur la droite la petite gare de « Gruissan –Tournebelle » et je poursuis. Quelques bateaux électriques et une petite péniche passent sur le canal et me distraient un instant car les gens qui les occupent sont très souvent bien sympathiques et apparemment heureux que l’on s’intéresse à eux, ne seraient-ce que quelques instants. Je le suis tout autant de rompre un peu ma solitude. Surprise sur la berge, une poule d’eau s’enfuie en courant et saute dans le canal. Elle a échappé à ma perspicacité. A Tournebelle, je retrouve quelques chevaux camarguais puis c’est le passage à niveau qu’il me faut franchir avec sa célèbre mais frémissante pancarte « un train peu en cacher un autre ». Malgré les barrières levées et le feu au vert, je regarde bien à gauche puis bien à droite, avant de m’engager, sait-on jamais ! Rien à l’horizon, j’enjambe la voie ferrée. De l’autre côté et sur quelques centaines de mètres seulement, un large chemin file désormais  entre les roselières et les grosses pierres du ballast de la voie ferrée puis il bifurque en direction des marais. Alors que je marche sur ce chemin, deux trains vont se succéder à toute vitesse et je me dis que j’ai bien fait d’être très prudent au passage à niveau. Désormais, le chemin est devenu herbeux et il est essentiellement encadré de grands roseaux. Chaque fenêtre sur les marais est l’occasion de distinguer et de tenter de photographier quelques oiseaux. Toujours les mêmes. Petits limicoles, aigrettes, goélands, colverts, cormorans et mouettes sont les plus visibles. Quand je m’approche de trop près, tous ces volatiles effrayés s’envolent dans les airs dans une belle anarchie et parfois même en poussant des cris stridents. A ces moments-là, j’ai toujours le sentiment d’avoir rompu leur tranquillité et peut-être même un peu plus. Leur bien-être. A cause de la tramontane que j’observe de nouveau, il n’est pas toujours facile de me poser et de photographier correctement tous ces oiseaux. Alors, je n’insiste pas plus que ça et j’arrive très rapidement au petit hameau de Saint Louis. Enfin, hameau est un bien grand mot car il y a plus de bateaux dans le petit canal que de maisons sur ses rives. En réalité, je décrirais Saint Louis comme un merveilleux petit oasis posé sur le Canelou et au milieu des roselières pour quelques amoureux de la pêche en étangs. Si j’en crois ma carte I.G.N, le Canelou est un tout petit canal alimenté par la Robine et faisant la jonction avec l’étang de Bages. Un petite passerelle me permet de le traverser. Peu après et de l’autre côté, quelques panonceaux de randonnées sont assez contradictoires et m’indiquent des lieux similaires à atteindre mais avec des distances quelque peu différentes. Toujours rien concernant le G.R.P Sentier du Golfe Antique mais Port la Nautique à pied est indiqué à 5,3 km. Une autre mention indique la « Chaussée de Mandirac » à 2,5 km mais je n’ai rien sur la carte I.G.N avec ce nom-là. J’en déduis qu’il s’agit d’une variante menant au Grand Castelou puis au Grand Mandirac car un autre itinéraire y est surligné en pointillés. J’hésite car dans cette direction, j’ai le choix entre une route bitumée et un petit sentier longeant le Canelou. J’emprunte le petit sentier mais force est de constater qu’il n’est pas vraiment bien débroussaillé. Alors, je fais demi-tour et sors mon G.P.S pour la toute première fois. Il m’indique de prendre la route bitumée. Je suis clairement sur le bon itinéraire car après un virage vers la gauche, une autre route bitumée prend aussitôt le relais de la première. Cette longue ligne droite m’emmène vers le Petit Castelou. Le parcours est un peu lassant car long et rectiligne et surtout sur l’asphalte mais heureusement quelques ouvertures sur les marais et des canaux y circulant sont l’occasion de plusieurs photos. Je surprends un magnifique martin-pêcheur et des grands cormorans. Au bord du chemin, les libellules sont si nombreuses quelles sont l’opportunité de quelques belles macros. Il y en a des jaunes et des rouges mais aussi des bleues. Ici, je croise les deux premiers vrais randonneurs de la journée avec gros sacs à dos et « bons » godillots.  On se salue d’un simple signe de la tête et sans aucune parole. Je suppose qu’ils sont étrangers mais quelques mètres plus loin, je me dis qu’ils ont du penser la même chose de moi. Où vont-ils ? Je ne le saurais jamais ? En tous cas, ils seront les premiers et derniers vrais randonneurs rencontrés sur ce Sentier du Golfe Antique, chose assez étonnante quand même sur une distance de 75km !  Les premières maisons du Petit Castelou sont atteintes puis c’est de nouveau une longue ligne droite bitumée en direction du centre équestre, jouxtant le camping des Mimosas. Ici, pas grand-chose à fixer sur mon numérique or mis de rares papillons et quelques hérons ou aigrettes se planquant dans les salins et les roselières. Alors tout en marchant et pour passer le temps, je lis mon morceau de carte I.G.N et je découvre les noms insolites de ces endroits en bordure de marais où se côtoient curieux cabanons et jolies villas : « Bikini », « Gutenberg », « St Raphaël », « St Joseph » ou « Ste Rose ». J’en suis à me demander quelles sont les origines de ces noms si hétéroclites et qui n’ont rien de particulièrement « occitans ». Le centre équestre est là avec bien évidemment ses jolis chevaux mais surtout avec d’étonnants lamas. Je les fige sur quelques photos. Ici, de nombreuses hirondelles rustiques ont élu domicile et certaines peu farouches se posent devant moi sur les fils d’une clôture. La route tourne et file droit en direction de l’étang au dessus duquel je distingue très haut dans le ciel quelques grandes voiles chamarrées. Ce sont celles de quelques virtuoses du surfskiting.  Désormais, je marche en bordure même de l’étang et au milieu de plusieurs canaux et sur ce tronçon que j’avais un peu appréhendé à la simple vue de la carte I.G.N,  tout se passe au mieux car soit le sol est sec, soit des passerelles en permettent le passage aux endroits les plus humides. Ici, je décide de quitter momentanément l’itinéraire car je constate que de nombreux passereaux semblent avoir élus domiciles dans les salicornes : bergeronnettes printanières, cochevis et gravelots surtout. Mais un seul gravelot va occuper tout mon temps. A quelques mètres de moi, il a décidé d’effectuer un étrange manège. Il semble faire celui qui est blessé alors que quelques secondes auparavant il sautillait magnifiquement. Cette scène se renouvelant plusieurs, je comprends qu'il s'agit d'un artifice. Plus tard, j’apprendrais qu'il s'agit d'un stratagème et que les gravelots agissent ainsi pour éloigner les importuns de leur nichée.  Peu après la dernière passerelle, une pancarte amplement massacrée par des plombs de chasse indique un « Sentier du littoral de Mandirac à Montplaisir ». Je trouve l’état de cette pancarte très affligeant mais surtout surprenant alors que je viens de côtoyer diverses pancartes de la Fédération de Chasse indiquant que la Nature est fragile et la chasse interdite. Je me dis qu’interdire la chasse crée apparemment des frustrations. J’arrive à Port la Nautique mais avant de traverser la cité, j’en profite quelques minutes pour me déchausser et tremper mes pieds dans l’eau fraîche de l’étang. Faire désenfler mes pieds bouffis et endoloris par les kilomètres déjà parcourus n’est pas un luxe. Je vais même les laisser tremper bien plus longtemps que je ne l’avais imaginé en me déchaussant, d’abord parce que ça fait du bien mais aussi parce que des enfants jouant dans des canoës ont des éclats de rire communicatifs et salutaires à ma solitude. J’aurais même bien piqué une tête si le fond de l’étang avait été un peu plus profond et plus praticable. Mais, ici, il n’y a que des galets et quelques centimètres d’eau. Alors je repars et traverse La Nautique par la seule rue possible. Elle est encadrée de superbes villas sur la droite et du complexe portuaire sur la gauche. Je visite un peu ce dernier puis sort carrément du village. Un étroit sentier m'entraîne dans une pinède mais alors que je me crois un peu égaré, l'étang est là en contrebas.  Guère plus loin, c’est le paradis des véliplanchistes et je suis assez effaré par le nombre de camping-cars qui occupent les esplanades en bordure de l’étang. Toute cette civilisation animée et bruyante ne m’incite pas à m’éterniser mais d’un autre côté, il ne faut pas que je me laisse distraire car je dois trouver le chemin le plus court qui doit m’amener à Narbonne sud et surtout à l’hôtel Formule 1.  Ici, dès que je quitterai le Sentier du Golfe Antique, il me faudra délaisser mon morceau de carte I.G.N et le remplacer par l’image d’un plan Mappy que j’ai également imprimé. Il est très succinct mais je sais qu’il risque de m’être bien utile pour parvenir au but ultime que constitue l’hôtel. Après les camping-cars, l’itinéraire coupe le Pointe de Brunet mais comme là aussi, je vois quelques passereaux en bordure de l’étang, je choisis l’option de suivre la côte longeant l’Anse des Galères. Une étroite sente et quelques oiseaux m’entraînent au milieu des tourbières de sphaignes mais heureusement l’été et sa sécheresse sont passés par là et je les franchis sans encombre. En définitive, je retrouve l’itinéraire dominé par les installations sportives d’un camping puis par celle du quartier de Sainte Cécile. Derrière moi et de l’autre côté de l’étang, Bages se révèle au loin dans une brume de chaleur.  Un rapace s’envole et se pose dans la basse végétation. Il s’envole de nouveau dès que j’approche. Ici, j’apprécie un peu l’ombrage d’un large chemin qui se faufile au milieu des tamaris et des épilobes en fleurs. Je garde mon G.P.S allumé car je sais que l’intersection où je dois quitter le Sentier du Golfe Antique n’est plus très loin. Finalement, j’atteins ce carrefour et constate qu’une étroite sente grimpe sur le droite d’abord dans une dense végétation puis dans une colline où galets et argile s’amalgament en une blocaille ocre. La petite sente débouche sur l’asphalte d’une large route qui monte en direction du quartier du Petit Quatourze. Pendant quelques minutes, mon G.P.S, trop imprécis à cet instant, me fait quitter le bitume et m’envoie sur un large chemin herbeux mais dans un cul de sac se terminant à l’orée d’un petit bois. Ici, coule un étroit ruisseau, aujourd’hui en grande partie bien asséché. Au fond, j’y découvre avec étonnement plusieurs écrevisses mortes que le peu d’eau et sans doute sa température bien trop élevée ont fini de décimer. De l’autre côté d’un haut talus se terminant par un grand grillage, j’entends le bruit continuel de nombreux véhicules qui passent. Je me déleste de mon sac et de mon appareil-photo et y monte, non par simple curiosité, mais pour avoir une idée d’où je me trouve exactement. Tout en haut, je n’ai qu’une vue très restreinte et seulement en surplomb du complexe autoroutier. Je redescends et reprend l’asphalte de la large route. A hauteur du quartier de Saint-Paul, un groupe de vététistes vétérans m’interpelle et me demande comment rejoindre au plus vite le bord de l’étang. Je leur indique la petite sente qui m’a permis d’arriver ici sur le bitume. Après Saint-Paul et ses superbes villas, la route s’aplanit et sur la droite, les vues s’entrouvrent sur le vignoble narbonnais. En arrivant à son extrémité, je découvre le  nom de la petite route que je viens de cheminer : Chemin communal de l’Arboretum. Elle se termine près d’un pont sous lequel passe l’autoroute. Ici, mon G.P.S est sensé rentrer en action sans faire trop d’erreur mais il faut reconnaître qu’un G.P.S de randonnées, qui plus est un peu désuet comme le mien, ce n’est pas vraiment la panacée pour atteindre un petit objectif dans une ville aussi importante que Narbonne. Alors, je m’aperçois très vite qu’il ne m’est pas vraiment utile et je l’éteins. Je ne marche plus qu’avec mon plan Mappy sous les yeux. Malgré ça, force est de reconnaître que dans ce secteur de la ville rien n’a été fait pour aider le piéton que je suis. Carrefours, voies rapides et bretelles à répétitions, le plus souvent peu ou pas de trottoirs, sont autant d’obstacles qu’il me faut franchir avec la plus grande des prudences. Parfois, voitures et camions ne passent qu’à quelques centimètres de moi. Leurs coups de klaxon qui parfois arrivent dans mon dos ajoutent à mes craintes. Je redouble d’attention mais je ne suis pas rassuré pour autant. D’un autre côté, la vigilance ne doit pas me faire oublier que dès demain matin, il me faudra reprendre le même itinéraire, alors je note quelques repères comme les cinémas ou le nom de diverses enseignes que je croise. Il est pile 18h quand j’entre dans l’enceinte de l’hôtel Formule 1 à la fois ravir d'en finir et d'être arrivé sans encombre. De nombreux cyclistes sont là sur le parking à bavarder. Sur la terrasse, quelques étrangers sirotent une boisson et papotent dans une langue que je ne parviens pas à reconnaître. Sans doute des hollandais ou des européens de l’est. A l’accueil, je suis immédiatement reçu par un aimable jeune homme. Il m’indique que la réservation a été parfaitement enregistrée et que par rapport au prix d’Internet, je n’aurais que la taxe de séjour en sus. Par carte bancaire, je règle la note incluant cette taxe et le petit déjeuner. Il me remet plusieurs étiquettes avec le code permettant d’accéder à la chambre. Pour avoir logé à quelques reprises dans un hôtel Formule 1, je sais par avance que je n’aurais aucune mauvaise surprise. Je dépose mon sac, que je vide dans sa totalité, afin d’avoir tout sous la main. Première besogne, prendre une douche. Je me déshabille et c’est en slip, la serviette autour de la taille et avec ma trousse de toilette sous le bras que je pars illico-presto en direction des douches situées au bout du couloir. Après la trentaine de kilomètres parcourus, le plus souvent sous le soleil et dans la poussière que le vent soulevait, j’apprécie à sa juste et pleine mesure cette douche ô combien bénéfique. J’en profite si longtemps et au point que j’entends quelques clients râler de l’autre côté de la porte. Je leur laisse enfin la place et retrouve la chambre. Je m’allonge sur le lit en regardant la télé et là, sans m’en rendre compte, je tombe dans une profonde et bienfaisante sieste. Il est 19h30 quand je me réveille et je décide d’aller manger dans le secteur. Mais décider n'est pas concrétiser. Ici où les hôtels sont très nombreux, je suis surpris de constater que les cafétérias et les restaurants sont absents ou bien apparemment fermés le soir. C'est donc en désespoir de cause que je suis contraint de marcher. L'interrogation de quelques passants m'oblige à me rendre dans un KFC (Kentucky Fried Chicken) plutôt éloigné. Je n'ai guère d'autres choix même si manger dans un « burger » ce n’est pas vraiment ce que je préfère. Quand je reviens à l’hôtel, c’est en premier lieu, pour constater que l’un de mes deux « camelbacks » qui était encore bien plein s’est complètement vidé sur le sol de la chambre et que j’y patauge allégrement dès la porte d’entrée. C’est d’autant plus désagréable que l’eau contenait un tonifiant à base de glucose et que ça colle un peu partout. Hors mis, les deux petites serviettes mises à disposition, je n’ai rien d’autre pour éponger et me voilà transformé en un véritable « technicien de surface » alors que je tombe déjà de fatigue et beaucoup de sommeil. Heureusement et c’est un bon point, le lit étant fermement fixé au sol, l’eau n’a pas réussi à s’y écouler dessous. Il n’y aura pas de dégâts des eaux à déclarer. Après une copieuse demi-heure d’épongeage et d’essorage des serviettes, je réussis à ôter les 2 litres d’eau qui s’étaient déployées sur tout le sol de la chambre. Il est presque 10 heures et je me dis que le plancher aura toute la nuit pour sécher. Je regarde un peu la télé mais rien ne retient mon attention alors sur l’écran de mon numérique, je visionne un peu les photos de la journée. Mes premières photos ne sont pas géniales, en partie à cause de la luminosité, mais aussi car la tramontane a souvent plaqué un peu de buée sur mon objectif. Mais comme je le savais déjà, je ne veux pas me prendre la tête avec ça pour l’instant, me disant qu’au moment venu de faire le reportage sur mon blog j’aurais tout le temps d’y penser. De tous ces écrans que je regarde, mon constat est toujours le même :  Morphée me tend déjà les bras !  La nuit sera calme et seule une envie pressante m’enverra rejoindre le couloir et les WC qui s’y trouvent sur le coup des 4 heures. Sur le sol, quelques traces d’humidité sont encore présentes. Par la fenêtre restée ouverte, j’aperçois la grande enseigne bleutée du Novotel tout proche. Elle me rappelle certains vieux souvenirs quant à la recherche d’un emploi j’étais venu m’installer à Narbonne. Ça n’avait duré qu’un mois, le temps d’une période d’essai que j’avais trouvée peu séduisante mais comme toutes les expériences, il y avait eu de l'agréable et du positif. De cette période professionnelle chahutant ma vie tout court, c’est ce seul aspect savoureux que je conserve encore au fond de moi. Au-dessus, le ciel est pur et paraît bien étoilé. J’ai la quasi certitude que demain il fera beau pour accomplir l’étape qui doit m’amener à Portel-des-Corbières. Je me rendors avec une pensée qui me turlupine : « Bon dieu, mais pourquoi ce sentier que je suis entrain d’accomplir l’a-t-on appelé du « Golfe Antique » ? Alors que d’habitude, je me tuyaute au maximum pour ne pas marcher idiot, cette fois je suis parti quasiment la tête vide !

(*) Pourquoi Golfe Antique ? : Dans l’antiquité, les étangs de Bages-Sigean, de l’Ayrolle et de Gruissan étaient reliés entre eux et formaient un golfe en relation avec la mer. Le massif de la Clape était une île au milieu de ce golfe où se déversait l’Aude nommée alors « l’Atax ». Les alluvions de l’ Aude ont comblés ce golfe. L’étang de Bages-Sigean était longé par un grand axe de communication entre l’Espagne et l’Italie axe qui reliait les oppida. Hannibal partant à la conquête de Rome, emprunta cette voie (voie héracléenne) qui fut modernisée par les romains et rebaptisée « Via Domitia ». Dans ce golfe, Narbonne (en réalité Narbo Martius) était un port au commerce maritime très important. (Source Site du Comité Départemental de la Randonnée Pédestre de l’Aude / CDRP11). Rajoutons que de nombreuses preuves de cette activité maritime ont été retrouvées à divers endroits autour de l’étang actuel de Bages-Sigean (La Nautique, Mandirac, Sainte-Lucie, île Saint-Martin, Peyriac-de-Mer, etc...). Le seul aspect « antique » est d’ailleurs encore plus ancien que la présence des Romains puisqu’il est acquis que d’autres peuples les ont précédés autour du golfe comme les Elysiques mais également les Ligures et les Volques Tectosages à un degré moindre. 

Si vous souhaitez mieux connaître cet aspect "antique", je vous conseille de visionner la vidéo ci-dessous à propos de Narbonne :

 

 

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Le Tour du Domaine de Montpins (Espira-de-l'Agly)

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 2 musiques du compositeur japonais Joe Hisaishi extraites d'un album intitulé "Relaxing Piano Studio Ghibli Complete Collection" interprétées par Miguel Carvena feat Btrenta Classic. Elles ont pour titres : "Toujours avec moi/Le Voyage de Chihiro/Spirited Away" et "A Town With An Ocean View/Kiki'Delivery Service"

Le Tour du Domaine de Montpins (Espira-de-l'Agly)

Le Tour du Domaine de Montpins (Espira-de-l'Agly) 

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.


 

En ce samedi 19 décembre, la douceur est de mise. Le vent de la veille s’est bien calmé et l’envie de ne pas rester enfermé est là, aussi bien pour Dany que pour moi . Voir la Covid gérer nos vies est trop souvent insupportable, aussi quand la météo le permet l’envie de changer son quotidien jaillit comme un diable de sa boîte. C’est décidé, on veut profiter au maximum de ce changement qui vient de transformer un confinement « light » en un couvre-feu à partir de 20h. Mais que faire alors que nous avons « traîné » en pyjamas devant nos tablettes et qu’une partie de la matinée est déjà bien entamée ? Il me vient une idée. « Et si nous partions faire le « Tour de Montpins ? »  « Voilà plusieurs années que nous n’y sommes pas retournés ! » « Et de surcroît, ce n’est pas très loin ».  Dany est d’accord. Je jette un coup d’œil sur une fiche « randonnée » que je trouve sur Internet et qui m’annonce la couleur : 3,8 km -1h20. Allez me connaissant, disons 2h30 de flânerie pour peu que la faune soit un peu présente. Dany est toujours d’accord,  « mais nous n’irons que cet après-midi » me dit-elle. « Oui, c’est suffisant ! » lui dis-je. 14h30, nous voilà sur la ligne de départ que j’ai trouvé plus facilement que je l’avais imaginé me fiant au topo de la fiche « randonnée » lue ce matin. Assez paradoxalement, et alors qu’ici, l’objectif majeur est de s’ébahir devant de superbes villas et bastides, je viens de garer la voiture devant les vestiges d’une habitation ruinée. J’y lis difficilement et parce que les enseignes peintes en bleu sont bien effacées : « SCI Montpins -Alpha Promotion – Jacques Clolus ».  Je me mets à penser « tiens comme c’est étrange de laisser cette affreuse balafre dans ce lieu réputé comme étant à la fois une vitrine immobilière et un magnifique patrimoine forestier et touristique ! ».  Je cherche du regard le station de pompage annoncée sur le topo et suppose qu’il s’agit d’une petite bâtisse située de l’autre côté de la rue. Rien ne le précise. Un peu plus bas, un panonceau indicatif de randonnée met fin à toutes mes interrogations, sauf que l’itinéraire a soudain grandi d’un 1,8km et d’une demi-heure supplémentaires :  « 5,8 km – 2 h – dénivelé 160m ».  Qu’importe, nous n’avons que ça à faire de marcher, tout notre temps et le balisage jaune à suivre est déjà là. Nous décidons de le suivre même si j’ai conscience de le prendre à l’envers du sens préconisé sur le topo. D’emblée, le parcours serpente sous les grands pins où belles villas blanches et grandes demeures se partagent le domaine. Il faut souvent lever la tête pour les observer car la plupart ont été construites sur un petit tertre entouré et entrecoupé par des « correcs » le plus souvent asséchés. Je pense que c’est cette petite colline qui a donné son nom à ce lieu « : « Mont Pins ». Si le blanc est la couleur des principales façades, quelques bastides paraissent plus anciennes et sont un peu « baroques » dans leur style architectural. Il y en a même une qui ressemble à une chapelle « catalane » avec « cayroux » et pierres chamarrées. Alors que Dany marche à son rythme, chargée de ne pas perdre le balisage, moi je suis très inconstant entre mon désir d’observer les bâtisses et celui de ne rien perdre de la Nature où je déambule. Pour l’instant, elle se résume à quelques oiseaux chanteurs que je n’arrive pas à voir et à de rares fleurs plus faciles à photographier. Finalement, nous avons atteint le haut du tertre. A un endroit où un large layon récent a meurtri la pinède ; sans doute à titre préventif contre les incendies ; Dany m’attend car elle s’inquiète de ne plus retrouver le balisage. J’allume mon GPS où par précaution j’ai enregistré un tracé. Finalement, c’est tout droit même si une fois encore je prends conscience que mon tracé enregistré n’est pas celui au « 5,8 km » ! Tant pis ! Les dernières belles villas nous retiennent quelques instants car leurs parcs arborés sont de véritables « jardins d’Eden ». Citronniers, orangers, grenadiers, buissons ardents, de nombreux arbustes révèlent leurs fruits et offrent à cette balade un peu terne des couleurs inattendues mais ô combien escomptées. J’en suis d’autant plus ravi que quelques rougequeues noirs et fauvettes fréquentes les lieux. Je réussis à les photographier. Plus loin, pigeons et tourterelles occupent amplement le jardin d’une belle villa où le portail vaut à lui seul le détour. Nous quittons ce joli petit monde où il doit faire bon vivre. Nous voilà déjà à couper la D.12, jolie petite route qui fait la jonction entre Rivesaltes et Vingrau. Dans l’immédiat, les maisons se font rares et les prochaines ne seront vues soit que de loin ou bien à l’arrivée. Dans l’immédiat, seul le château d’eau perché sur un promontoire fait partie du décor. L’itinéraire y tourne autour, descend dans la garrigue, remonte dans les pins puis atteint un joli plateau où les panoramas s’entrouvrent.  C’est sans doute l’endroit où l’avifaune qu’on peut qualifier de sauvage se fait la plus visible. Elle se dévoile étonnamment sous les traits d’une huppe fasciée et un peu plus loin d’un joli bruant. Par bonheur, ces deux oiseaux inattendus et peu farouches acceptent de montrer le bout de leurs becs à mon appareil-photo. Alors que je termine ces photos, un papillon virevolte autour de moi. C’est le deuxième que je vois cet après-midi. Un Vulcain aux jolies ailes qui ont fait leur temps. Dès lors que l’on retrouve des pins, le chemin tout en descente nous ramène vers l’arrivée et vers d’autres jolies demeures. Alors que nous sommes à quelques mètres de la voiture, un grand panneau donnant les noms des résidents m’interpelle car j’y lis « Nicoletta ». Je pense bien évidemment à la chanteuse me demandant si c’est elle qui habite ici ? Je ne sais pas ! Mais une chose est certaine , il est mort le soleil ! Il y a déjà longtemps qu’il a disparu derrière une ouate cireuse. Malgré ce ciel pas vraiment bleu, nous avons bien profité de cette douce météo. Au regard du parcours plutôt court et du temps que nous y avons consacré, je suis globalement satisfait de la faune photographiée.   La balade est finie et il est temps de rentrer. Elle a été longue de 3,8 km, pour une modeste déclivité de 65 m et des montées cumulées de 91 m. 1h et 40 mn de flâneries ont été suffisantes. Il existe apparemment une version plus longue ; 5,8 km sont souvent cités ; mais celle que nous avons accomplie en suivant normalement le balisage jaune aperçu ne nous a pas permis de la réaliser. Je garde donc le sentiment que les layons anti-incendies opérés récemment ont fractionné ce parcours.  Carte IGN 2548 OT Perpignan – Plages du Roussillon Top 25.


 

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