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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo 15 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.3eme étape : Mercredi 19 août 2009.

Saint-Guillem (1.287 m)-Prats-de-Mollo (753 m) 15 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

Nous nous aventurâmes jusqu'au village de Prats-de-Mollo. J'avoue que je préférai les bocages de la plaine à ces grandes montagnes couvertes de chênes verts et qui semblent plus faites pour abriter des bandits, que pour assurer le couvert à des honnêtes gens. Extrait de l'essai " Voyage en France en 1787, 1788, 1789 ". Arthur Young (1741-1820) agriculteur, agronome et écrivain britannique.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.LA FAUTE A KLAUS :

Malgré cette anxiété que j'ai eu hier soir, j'ai fini par m'assoupir. Quand j'y repense, je constate que c'était plutôt une appréhension momentanée qu'une vraie obsession. Puis vers minuit, j'ai été réveillé par un bruit. C'était comme le bruit d'un grattement. Mais une fois éveillé, je me suis aperçu qu'un autre bruit venait du volet d'un petit vasistas qui était resté ouvert et qui grinçait sous une légère brise nocturne. A la faible clarté de ma lampe frontale, je n'ai rien observé qui correspondait au grattement qui m'avait réveillé. Par contre, le rayon plus large que ma lampe projetait contre le mur du refuge me fit remarquer qu'il manquait une grosse pierre à 15 centimètres de ma paillasse. Au fond de ce trou ainsi constitué, il y avait un nid de souris fait d'une bourre blanche, de poils et de fibres diverses. Mais de souris, il n'y en avait point ! Est-ce elle qui grattait avant que je ne me réveille ? Avait-elle eu le temps de décamper avant que je n'éclaire la lampe ? Pour ne plus être embêté par ce grincement lugubre et ces grattements désagréables, je pris les sages résolutions de fermer le vasistas et de déménager ma litière à l'autre bout du bat-flanc. Puis, j'ai profité de ce réveil fortuit pour partir uriner dehors. Le ciel tout entier était étoilé et une belle voie lactée blanchissait le firmament au dessus de la chapelle de l'ermitage. La nuit était douce et quasi silencieuse. Seule une petite brise, frissonnant les feuilles, tentait sans succès de rompre cette quiétude. Comme j'appréciais pleinement l'instant présent, cette sérénité, cette paix secrète et intime, loin du monde bruyant et trop insociable que j'avais quitté, je suis resté de longues minutes sur le pas de la porte, les yeux levés vers le ciel et l'ermitage qui se découpait, à écouter ce silence avant de partir me recoucher. Une fois encore, cette nuit-là fut bénéfique et, à mon grand étonnement, je n'ai ressenti à mon réveil aucune contracture musculaire, ni aucune douleur, malgré les deux longues étapes déjà accomplies et la rusticité du couchage qui ne m'avait pas empêché de dormir profondément.

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Quand je quitte Saint-Guillem, vers le sud, le jour est déjà levé mais le hameau est encore dans la pénombre. Ici les panneaux sont on ne peut plus clairs mais mal placés et je vais me tromper avant de me raviser et de reprendre le bon chemin.

Il est 7 heures. Vers le sud, le jour est déjà levé mais Saint-Guillem de Combret, blotti au fond du vallon de Coumelade, est encore dans une obscure nébulosité. Bloqués par les hauts monts environnants, les rayons du soleil mettront encore plus d'une heure avant d'éclairer complètement le minuscule hameau. Je déjeune de deux gâteaux de riz vite expédiés et d'une grande gorgée d'eau et range tranquillement mes affaires et mon sac à dos en prêtant attention à ne rien oublier dans le refuge. Il est 8 heures quand je démarre avec ma trousse de toilettes, mon gant et ma serviette à la main. Je sais qu'il y a dans le hameau, non loin d'ici, une auge ou plutôt un vieux lavoir dans lequel, par un tuyau de PVC, s'écoule une eau de source cristalline. J'ai bien l'intention de me raser et de faire un brin de toilettes car j'ai la désagréable sensation de me sentir sale et poussiéreux. Je mets un quart d'heure pour me laver et tenter de parfaire ma présentation. Mais j'ai le sentiment que l'eau glacée a eu un seul effet non négligeable sur mon organisme, celui de lui assener un " claquant " coup de fouet qui me permet de démarrer cette étape dans d'excellentes conditions. Je profite pour remplir mes deux gourdes et mon camelback d'une eau fraîche et renouvelée.

La large piste s'élève rapidement au dessus de l'ermitage. Sur ma droite, là même où hier après-midi j'ai galéré, la tempête Klaus a laissé un immense chantier de désolation dans cette forêt qui était pourtant magnifique. Par contre, en face de moi, les flancs du Puig dels Sarraïs (1.830 m) et du col de Serre-Vernet (1.808m) que je dois cheminer semblent moins meurtris. Il y a bien deci delà, quelques cicatrices, quelques sillons d'immenses résineux couchés, mais rien de bien inquiétant, en tous cas vu d'ici.

Quelques minutes plus tard, et alors que je m'apprête à poursuivre la piste, je remarque inopinément sur ma droite un panonceau qui semble m'indiquer Prats-de-Mollo et le col de Serre-Vernet par un autre chemin qui s'enfonce dans la forêt. Et je commets là une nouvelle erreur en ne sortant pas immédiatement mon GPS. Quand je le sors, c'est bien trop tard, car mon GPS ne capte plus aucun satellite masqué qu'il est au fond de ce sous-bois touffu. Deuxième erreur, je ne sors pas ma carte non plus, tranquillisé, il est vrai, par ce rassurant panneau. Et quand je sors ma carte, c'est encore beaucoup trop tard car j'ai marché ainsi une " bonne " demi-heure jusqu'à m'inquiéter de ne plus rencontrer le balisage jaune et rouge qui était pourtant bien visible jusqu'à présent. Au regard de la carte, je me rends à l'évidence, je me suis trompé, une fois de plus. Quitte à avoir perdu une heure, je décide de faire demi-tour car ce chemin qui zigzague toujours en forêt sans aucun balisage apparent me trouble et ne m'amènera nulle part et en tous cas pas où je dois aller.

Quand je retrouve la piste et le panonceau, selon moi, très mal placé à cet endroit, j'ai effectivement perdu une heure. Je m'avance sur la piste et quelques dizaines de mètres plus loin, j'aperçois effectivement les marques de peinture jaune et rouge propres au GRP du Vallespir. Je poursuis la piste et enjambe le fougueux torrent de Coumelade par un large pont bétonné. Peu après, la piste se sépare en deux, mais le balisage est ici parfait et m'oriente vers la droite. Plutôt plane au début, maintenant la piste monte allégrement, effectue deux larges courbes, avant d'atteindre le col Baxo à 1.473 mètres. Au fond de ce petit col herbeux, un nouveau panneau sollicite un départ à gauche. Ici une minuscule sente, encadrée d'une clôture, est barrée d'un petit portail qui est là pour empêcher les bovins de passer mais pas les randonneurs. Sans trop m'en apercevoir, et malgré l'heure perdue, j'ai déjà fait 190 mètres de dénivelé sur les 521 que je dois accomplir pour atteindre les 1.808 mètres du Col de Serre-Vernet. C'est bien sûr encourageant, mais j'évite de trop penser aux 331 mètres restant sur les trois kilomètres d'ascension qui doivent m'amener au pinacle de ce tour du Vallespir.

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J'ai quitté Saint-Guillem par un chemin qui enjambe la rivière Coumelade. Parfaitement balisé, il s'élève rapidement par le col Baxo, file à travers des bois touffus où coulent quelques petits ruisseaux. Mais parfois le chemin se transforme en balcon et j'ai le bonheur d'être en surplomb de superbes paysages. Saint-Guillem est déjà très loin.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Ce chemin parfois en balcon me laisse entrevoir Saint-Guillem que j'ai quitté ce matin. On aperçoit les bois saccagés par la tempête Klaus. Celui au dessus du hameau où j'ai galéré hier lors de mon arrivée et celui en dessous du refuge où se trouve un bel arboretum avec notamment quelques séquioas.

 Malgré le dénivelé, le petit chemin est changeant et agréable. Cheminant le plus souvent en sous-bois et recouvert d'un épais tapis de feuilles mortes, il coupe quelques ruisseaux, affluents de la Coumelade et monte rectiligne offrant quelquefois de magnifiques vues vers le sud mais surtout sur Saint-Guillem et tout le Bassin de Coumelade. Puis soudain, il bifurque dans le sens opposé en direction du Col de Serre-Vernet dans un bois de petits pins chétifs. Il n'est pas tout à fait midi quand j'arrive au col, point culminant de ce périple avec ses 1.808 mètres

Vaste pré herbeux entouré de pins et de sapins, il semble être le paradis pour nombre de génisses et de vaches blanches indolentes. La plupart sont affalées sur la verte prairie et même mon passage laisse indifférent tous ces bovins, qui repus, ne tournent même pas la tête quand je m'approche d'eux. Ici, les panoramas à 360° sont splendides de tous côtés. De nombreux hauts sommets et de nouveaux pics apparaissent, de nombreuses crêtes composent l'horizon : la Crête des Sept Hommes (2.651m), le Pla Guillem (2.301m), les Roques Blanches (2.252m), les Esquerdes de Rotja (2.316m), le Roc Colom (2.507m) et le Pic de Costabonne (2.465m) pour ne citer que les crêtes les plus connues et les plus attractives. Mais il y aussi de profonds ravins et surtout cette immense et épaisse forêt domaniale qui n'en finit plus de s'étendre sur ce magnifique Haut-Vallespir. Ici, il y a aussi un panneau, mais il ne sert plus à rien car il gît à terre et n'indique plus aucune direction. Je le redresse et essaie en vain de retrouver son emplacement originel. De dépit, je le pose contre un petit pin dans la position qui me semble la plus appropriée avec St Guillem dans la direction d'où je viens. A l'aide d'un bout de ficelle que j'ai trouvé sur la pelouse, j'ai beau l'attacher avec bons sens à une branche du pin, je ne suis guère plus avancé quand à la direction à prendre pour me rendre à Prats-de-Mollo.

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J'arrive au col de Serre Vernet. A 1.808 mètres, c'est le point culminant de mon périple. Les paysages sur le très Haut-Vallespir sont superbes de tous côtés. Ce col est aussi le paradis de vaches et des génisses. Le panonceau indicatif gît à terre, je le redresse et l'attache à un pin mais je ne suis pas plus avançé quant à la direction à prendre pour aller à Prats. Heureusement j'ai mon GPS !

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J'effraie un petit veau puis je m'arrête pour déjeuner dans cet éboulis qui descend très raide du Puig dels Sarraïs vers la vallée de la Parcigoule. Je ne peux trouver plus beau spectacle ! Mais la descente est loin d'être finie, je dois encore atteindre deux cols, celui de la Collade d'En Mandoulé et le col de Coumeille, petit pré verdâtre que j'aperçois tout en bas.

Mais heureusement, ma carte IGN est là et mon GPS aussi et à force d'avancer dans différentes directions vers le sud, je finis par trouver le bon itinéraire qui file sur le pré puis contourne quelques rochers. Il est midi et j'ai faim, mais comme la suite de l'étape est essentiellement faite de descentes, je prends la décision de continuer un peu pour m'offrir comme hors d'oeuvre un splendide panorama dégagé. Cette sente allie pelouses, petits bois de pins et de feuillus mais aussi rocailles et rochers plus ou moins gros. Mais il y aussi de nombreux et bas genévriers derrière lesquels quelques veaux ruminent leur fourrage. L'un d'entre eux peut se vanter de m'avoir fait une belle frayeur et tressaillir quand il a débouché devant moi alors que je marchai dans un silence de cathédrale. Mais je suppose que lui aussi, il a du avoir une peur " bleue " ! En contournant maintenant le rocailleux Puig dels Sarraïs, le chemin n'est désormais plus qu'amoncellement de blocs déchiquetés et gros pierriers escarpés. Je redouble de vigilance pour éviter toute chute qui, ici, serait catastrophique pour de pas dire fatale. Il est temps que je m'arrête pour déjeuner car je ne trouverai pas meilleur belvédère que ces éboulis, bien exposés au soleil, qui descendent raides vers le vallon de la Parcigoule. Il n'y a plus aucun obstacle devant moi et je déguste à la fois ma salade et ce magnifique spectacle. Assis sur une grosse pierre plate bien chaude et adossé à une autre, j'ai trouvé, dans de ce fauteuil improvisé mais un peu dur il est vrai, une terrasse peu confortable pour mes fesses mais idéale pour mes yeux.

D'ici, je jouis d'un panorama exceptionnel sur le Bassin de la Parcigoule mais aussi sur une immense partie de ce Haut-Vallespir que je suis venu découvrir. C'est d'ailleurs en mangeant dans ce gros pierrier que j'ai imaginé le titre de mon voyage et de ce récit : " Sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

Après trois jours de marche, et à cet instant précis, il me semblait qu'aucun autre endroit traversé ne méritait plus ce terme de " âpre " que cet immense magma rocheux. Dans cet éboulis, les aspérités ne manquent pas et l'âpreté, je la touche à chaque instant. Le déroulement imminent de ce Tour du Vallespir me montra malheureusement et très vite que je n'avais pas encore tout connu de cette légendaire âpreté. Quand je repars, la sente, où du moins ce que j'en devine grâce à un balisage abondant et précis, se complique sacrément en étant toujours très rocheuse mais en devenant encore plus abrupte. Pour éviter toute chute, je m'applique à poser mes pieds sur des pierres stables et quand les marches sont trop hautes à descendre, je m'aide autant de mes mains que de mes pieds.

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J'en ai fini avec la longue descente le long du flanc pierreux du Puig dels Sarraïs. Au col de Coumeille, une étrange croix gravée dans la pierre et le pic de Granarols que le chemin contourne au milieu d'une jolie pelouse jonchée de carlines blanches pour se diriger vers un autre puig , celui des Lloses. Ce puig, je vais m'en souvenir très longtemps !

Après un premier petit col herbeux, la Collade d'En Mandoulé sur la carte, la descente abrupte continue mais la sente moins rocailleuse mais plus terreuse devient plus facile jusqu'au Col de Coumeille (1.566m). Ce collet, petite prairie vert clair, encadrée par le Puig dels Sarraïs et le Pic de Granarols (1.690m) je l'ai entrevu dès le début de la descente du col de Serre-Vernet et depuis je languis de l'atteindre tant mon appréhension d'une mauvaise chute dans ce champ de pierres est ancrée dans ma tête. Aussi, je suis si soulagé en l'atteignant que la première chose est de déposer mon sac à dos et de m'allonger les bras en croix sur ce vert herbage. Mais, à cet endroit, je ne suis pas le seul à avoir fait une croix, un autre chemineau a cru utile d'en graver une dans la pierre, moins éphémère que la mienne. Au regard de son usure générale, des vieilles mousses et de l'érosion de petits conglomérats dans son cadre, cette croix me paraît très ancienne. Depuis quand était-elle là ? Je ne suis pas un spécialiste ni de l'archéologie ni de la géologie mais pour l'avoir lu, je sais que le Vallespir a été occupé bien avant le néolithique, époque où l'homme a vraiment commencé à maîtriser le polissage et la sculpture de la pierre. Alors cette croix, est-ce vraiment une croix ancienne ou une cupule comme celles que les hommes préhistoriques ont laissés gravés un peu partout dans le département ? Quelle âge a-t-elle cette gravure ? 5000 ans, 8000 ans, 10000 ans ? Est-elle plus récente et liée au christianisme ? Ou bien a-t-elle été sculpté par un preux et inventif chevalier en partance pour une croisade ? Comme toujours en pareil cas, j'en prends une photo avec l'idée de l'exposer dans mon futur récit à la fois pour l'agrémenter mais aussi avec le secret espoir que cette photo pourra être vue par de vrais spécialistes qui pourront ainsi et sans doute répondre à nombre de mes interrogations.

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L'étrange croix photographiée au col de Coumeille. Je suis preneur, si quelqu'un a des réponses aux questions que je me pose au sujet de cette croix ?

Au col de Coumeille, le chemin contourne le Pic de Granarols pour arriver au Puig des Lloses (1.413m). Ici, le sentier tout en pente douce et très praticable est un réel plaisir. Atteindre ce nouvel objectif n'est cette fois qu'une simple formalité. Il est 14 heures tapantes quand j'arrive au Puig des Lloses. Les panneaux directionnels y sont au nombre de trois : " 1- Le Tour du Vallespir vers Saint-Guillem, à savoir l'itinéraire que je viens de parcourir, 2-Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles, col situé à 30 minutes et bien sûr, 3 Prats-de-Mollo par le GRP Tour du Vallespir que je dois suivre pour respecter le tracé de mon GPS et celui de topo-guide de Georges Véron. Le Puig des Lloses ressemble plutôt à un petit collet avec un replat d'où l'on a une vue plongeante sur Prats-de-Mollo. Ici, je retrouve une flore que j'avais perdue de vue depuis le col de Formentere, faite de sorbiers des oiseleurs, de maigres genêts, de rachitiques genévriers et toujours ces bas massifs de bruyères roses que je côtoie depuis mon départ. Mais une chose me surprend sans trop m'inquiéter sur l'instant, ce sont ces petits amoncellements de branchages cassés dont on voit très bien qu'ils ont été laissés là en l'état depuis la tempête Klaus. Quand à Prats-de-Mollo, d'ici, la cité n'est visible que parce qu'une multitude de grands sapins ont été étêtés ou fracassés sur un vaste périmètre. Mais quand je poursuis la sente du Tour du Vallespir en direction du Col du Miracle, je ne suis pas vraiment inquiet. Il y a bien, dés le départ, un pin en travers du sentier mais je l'enjambe très facilement. 50 mètres plus loin, il y en a deux autres mais ceux-là je ne peux pas les enjamber et suis obligé de les contourner, assez facilement il est vrai. Puis, les pins et les sapins renversés en travers se succèdent. J'enjambe, contourne, passe parfois en dessous et quand je ne peux pas, par dessus. Je commence vraiment à galérer et mes membres sont déjà bien égratignés. Mais en y prêtant attention, je remarque que je ne suis pas le seul à être passer par là. Je vois parfaitement que les bas-côtés du sentier ont été piétinés car la terre est meuble aux endroits où un contournement était la seule alternative. Randonneurs, chasseurs, animaux ? Puis, d'un coup plus rien, plus d'arbres couchés sur plusieurs centaines de mètres. J'arrive au ravin du Pas des Vaques qui n'est ici qu'un petit ru où coule un mince filet d'eau sur un fond boueux. Avec un mouchoir en papier que je mouille au préalable, j'éponge toutes mes égratignures. Je traverse le ruisseau sans problème et poursuis mon chemin dans un sombre sous-bois, ce qui me convient très bien, car ça signifie que tous les arbres sont encore debout. Mais ça ne dure malheureusement pas et là, un peu plus loin, ça se complique car il n'y a pas de réel passage, et en tous cas aucune trace d'un franchissement antérieur. Quand je le peux, j'enjambe, mais quand les troncs sont trop hauts, je tente de passer dessous, mais parfois en vain car le problème avec les sapins, c'est qu'ils sont parfois partiellement déracinés et ont encore toutes leurs épaisses ramures. Et quand ils n'ont plus leurs ramilles, c'est encore pire car leurs branches sèches sont autant de poignards qu'il me faut éviter. Alors, je contourne, je descends, je monte tout en essayant de ne pas trop m'éloigner du chemin. Souvent, je suis contraint d'ôter mon sac à dos, qui, dans ce dédale, est un terrible handicap. Ouf ! J'ai réussi à franchir ce nouvel obstacle mais voilà que 150 mètres plus loin, il en apparaît une autre, aussi difficile que le précédent sinon plus.

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Au Puig des Lloses, les panonceaux sont nombreux et j'aperçois Prats-de-Mollo tout en bas, pourtant je vais me fourvoyer pendant plus de quatre heures dans cette forêt du Miracle ravagée par la terrible tempête Klaus. En vain. De cette forêt, je vais en ressortir meurtri, égratigné, ensanglanté et surtout brûlé des épaules aux chevilles pour être tombé dans de hautes orties ! De surcroît, je vais perdre mon appareil-photo, ce qui va m'obliger à retourner dans ce fatras pour le retrouver. 

Je suis fatigué et sanguinolent mais dans ma tête, je me dis que si j'en ai passé un, je peux en franchir d'autres. Je me dis aussi que les forestiers du coin doivent bien être conscients que le Tour du Vallespir est barré par tous ces arbres abattus et je suppose qu'ils ont commencé à déboiser en partant de Prats-de-Mollo et en remontant le sentier. Ce n'est pas possible, ce traquenard va bien finir par s'arrêter ! Je passe plus facilement ce nouveau barrage et arrive à un endroit où le sentier fait un angle droit près d'un piton rocheux en surplomb de Prats-de-Mollo. Ici, je prends conscience des dégâts considérables que la tempête Klaus a provoqué dans ce secteur mais j'arrive néanmoins à parcourir encore 500 mètres sans trop de difficultés avant de tomber sur une autre empreinte d'une forêt complètement ravagée. J'enjambe, je contourne, remonte et redescend sans trop me préoccuper du chemin qui a définitivement disparu dans cet amas incommensurable d'arbres brisés, de troncs fracassés, de branches amoncelées et de branchages empilés. Dans ma tête, j'espère surtout que ce nouveau sillon dévasté ne sera pas trop large et qu'une nouvelle fois, je pourrai le franchir. Par moment, j'arrive dans des impasses. Il m'est impossible de contourner, de passer dessous et malgré la hauteur où se trouvent les troncs, souvent à plus d'un mètre du sol, la seule solution reste de les enjamber. Je n'en suis pas à ma première enjambée mais cette fois, le tronc est-il un peu plus haut où est-ce la fatigue, toujours est-il, que droit sur le rondin, je me sens partir en arrière entraîné par le poids de mon sac. Un coup de reins pour me rétablir, mais ce coup de reins est bien trop puissant et voilà que je pars en avant ! J'ai beau mouliner l'espace avec mes bras pour tenter de tenir en équilibre mais c'est trop tard, mes mains ne rencontrent que le vide et en tous cas, rien où s'accrocher. Je pars en avant, je vais tomber et me rompre le cou dans ce monstrueux chaos, mais une dernière inspiration me donne l'intuition et le sursaut que plutôt que de tomber n'importe où et n'importe comment, il faut mieux que je me jette à un endroit choisi. Voilà, j'ai réussi, si je puis dire ! Je me retrouve planté au milieu d'un gros massif de ronces et de hautes orties. Mon genou gauche a malgré tout cogné fortement une grosse branche et je saigne abondamment. Mais ce n'est pas ça le plus douloureux, mais toutes ces petites brûlures d'orties qui, peu à peu, en partant des chevilles, semblent monter tout le long de mon corps, enflammant surtout mes jambes mais également mes bras. J'ai l'impression de flamber debout et malgré la douleur, je reste planté là au milieu de cette désolation, de ce néant. Je suis tout à coup comme tétanisé par l'angoisse. Mais je perçois que cette angoisse est arrivée de manière soudaine car jusqu'à présent, j'étais trop occupé à m'en sortir. Une fraction de quelques secondes, il me vient à l'esprit de sortir mon portable et d'appeler des secours. Mais en me retournant, et malgré cette complète désolation, je constate que ce n'est pas le néant absolu : à vol d'oiseau, je ne suis pas très loin d'une piste blanche et sableuse que je distingue en contrebas à quatre ou cinq cent mètres. Je discerne des voitures qui y circulent et aussi un mas. Et même si à cet instant précis, je voudrais être un oiseau, je n'en suis pas un ! Je me suis foutu tout seul dans cette " mouise " et il faut que j'en sorte tout seul aussi ! Mais faire cinq cent mètres dans cette dévastation, je sais à l'avance que c'est une impossible gageure.

La faute à Klaus Schümann

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je suis tombé par terre c'est la faute à Voltaire.

Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes exactement, j'ai hurlé :

Je suis tombé sur un os, c'est bien la faute à Klaus.

Le nez dans les gentianes, c'est la faute à Schümann.

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je ne suis pas notaire, c'est la faute à Voltaire.

Je suis petit oiseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes, j'ai crié :

J'ai chuté sur les lloses, c'est bien la faute à Klaus

J'ai brisé mes organes, c'est la faute à Schümann

 

Je voudrais faire un saut et atterrir à Prats-de-Mollo,

Je ne suis pas petit oiseau, c'est la faute à mon père !

Alors il me faut être costaud et que j'ai un sursaut !

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le 24 janvier 2009, la tempête Klaus a provoqué de considérables dégâts dans le Haut-Vallespir. En août, les plaies sont loin d'être toutes cicatrisées.

C'est donc décidé, je vais rebrousser chemin jusqu'au Puig des Lloses et descendre à Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles. La première chose à faire, c'est retrouver le sentier mais où peut-il bien être dans ce " labyrinthe " végétal trop urticant à mon goût. Seul mon GPS peut me le dire et il faut d'abord que je sorte de ce roncier qui m'enveloppe comme une toile d'araignée. D'ailleurs des araignées, il y en a pas mal ici et comme elles n'apprécient pas trop mon intrusion dans leur domaine réservé, elles me piquent elles aussi. Mais bon, je n'en suis plus à une piqûre près ! Seule solution, sortir par là où je suis arrivé, c'est-à-dire par le haut. Cette fois, j'ôte mon sac à dos, dont je vérifie au préalable toutes les fermetures et je l'envoie valdinguer par-dessus le tronc dont je viens de choir. Je me hisse sur le tronc et me mets carrément à cheval sur lui. Un point GPS me situe à une cinquantaine de mètres du chemin qui est vers le nord et pour moi vers le haut. Je récupère mon sac et poursuit ainsi mes divagations. Je jette mon sac, me hisse à nouveau, le récupère et ainsi de suite. Parfois, je jette mon sac un peu plus loin car j'arrive à jouer les équilibristes sur plusieurs troncs couchés de concert et ma progression s'accélère. Je vais mettre un gros quart d'heures pour retrouver le sentier et encore plus d'une heure pour rejoindre le Puig des Lloses. Quand je regarde ma montre, j'ai du mal à le croire : il est déjà 17 heures et voilà trois heures que je me fourvoie dans cette forêt du Miracle, la mal nommée. Il faut absolument que j'appelle l'hôtelier pour le prévenir que j'aurai du retard. De ce côté-là au moins je serais tranquille et quand je l'ai au bout du fil, effectivement il me rassure. J'ai réservé, j'ai payé et la chambre à l'hôtel Ausseil m'est complètement allouée quoi qu'il m'arrive. Mais s'il savait ce brave homme ce qu'il vient de m'arriver ! Mais n'en parlons plus, j'en suis sorti, même si c'est fourbu, écorché, entaillé, égratigné, brûlé et ensanglanté de la tête aux chevilles. Maintenant, le sentier qui descend vers le Col de Cavanelles au milieu des genêts et des hautes fougères est plutôt agréable et les panoramas sont suffisamment beaux pour que je me remette à prendre des photos. Mais où est mon appareil ? Il n'est pas dans une de mes poches et je ne me souviens pas l'avoir rangé dans mon sac ! Non, il était dans sa housse accrochée à ma ceinture et à ma ceinture, je n'ai plus rien désormais ! Le bouton-pression a dû s'ouvrir et je l'ai perdu ! Je suis désespéré car perdre mon appareil photo c'est comme si j'avais perdu la mémoire de ces trois premiers jours depuis Amélie-les-Bains. Pour moi, c'est inimaginable et il faut que je le retrouve. Sans trop réfléchir, je sors ma dernière gourde d'eau de mon sac à dos et je jette ce dernier dans les hauts genêts en m'assurant qu'on ne le voit pas depuis le chemin. Deux petites branches en forme de croix que je place au bord du sentier pour retrouver cet endroit et me voilà entrain de remonter le sentier, presque en courant, vers cet " enfer vert " où j'ai sans aucun doute perdu mon appareil. Où se trouvera-t-il ? Loin, près ? L'ai-je perdu quand je suis tombé de ce tronc plus haut que les autres ? S'est-il décroché dans le roncier ? Ou bien sous un tronc que j'ai franchi comme un tunnel ? Voilà les questions et bien d'autres qui grouillent dans ma tête alors que je me jette dans cette " impossible " quête. Vu l'heure et le temps que j'ai mis la première fois, il faut à la fois que je fasse vite mais sans pour autant négliger mes recherches. Ce serait idiot de passer à côté sans voir l'appareil par précipitation. L'absence du sac à dos m'aide considérablement mais au fond de moi, je sais que selon l'endroit où la housse est tombée de ma ceinture, c'est comme rechercher une minuscule aiguille dans une énorme botte de foin. Sans le sac mais avec une gourde à la main, je passe néanmoins tous les petits obstacles plus aisément, je traverse le ru du Pas des Vaques, je franchis le premier couloir de sapins anéantis avant que le sentier fasse un angle droit. Rien ! Il me reste encore un barrage à franchir avant ce virage et comme pour le précèdent, j'essaie de me souvenir par où je suis passé à l'aller mais aussi au retour. Et là, au moment où je me baisse pour passer sous les branches encore vertes d'un immense sapin déraciné, le miracle survient ! La petite housse avec mon numérique à l'intérieur est là au milieu du sentier sous la verte ramure. Ouf ! Ouf ! Ouf ! Je respire à pleins poumons. Quel soulagement. Je vérifie mon appareil que j'enfonce au plus profond de la poche de mon short et par sécurité supplémentaire, je referme celle-ci avec le Velcro consacré. Une fois encore, il ne me reste plus qu'à rebrousser chemin. Ce ne sera que la quatrième fois que j'emprunte cet itinéraire et si ça continue, je vais finir par en connaître le moindre recoin par coeur ! D'ailleurs, c'est le cas, car dans ma précipitation et alors que je me suis arrêté pour boire un coup, j'ai posé machinalement mon bob sur un rocher et je l'ai oublié. Mais je ne suis pas inquiet car je sais parfaitement où il se trouve.

Il est 18 heures quand je passe une nouvelle fois devant la panonceau " Puig des Lloses - 1.413 m - PR6B - Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles - 30 mn ".

A cet instant précis, je ne sais pas pourquoi, il me vient une abominable anxiété : Et si ce chemin, lui aussi, était impraticable, barré par une forêt saccagée ? Après tout, il n'y a pas d'autre chemin et le peu que j'en ai parcouru avant de retourner chercher mon appareil photo ne me laisse aucune certitude et ne me permet pas d'être rassuré. Après tout, Prats-de-Mollo que j'aperçois en bas est au moins à trois kilomètres à vol d'oiseau et il faut au bas mot compter au minimum le double par le chemin. Tout est encore possible ! Cette terrible angoisse, elle va soudain se transformer en une grosse boule au creux de mon estomac et elle va rester là, encore blotti pendant une heure et demie. Autant, j'ai été longtemps serein cet après-midi même au plus fort de mes élucubrations, autant maintenant je prends conscience que je peux ne pas arriver au bout de cette étape, en tous cas aujourd'hui. Mais je sais aussi que je n'ai pas le choix dans la direction à prendre et je continue. Je récupère mon sac. Les photos que j'avais voulu prendre tout à l'heure, je les prends maintenant. Mais j'avoue que je n'ai plus le cœur à ça ! J'ai toujours cette appréhension et ces questions qui fourmillent dans ma tête et je ne pense plus qu'à une chose : descendre, descendre, et descendre encore au plus vite vers Prats-de-Mollo. Comme prévu et sans problème, j'arrive au bout de 30 minutes à ce que je crois être le col de Cavanelles. A gauche, un grand champ en pente avec un large chemin qui le contourne, un autre chemin qui part droit devant moi et un autre qui part complètement à gauche. Je n'ai plus de tracé sur mon GPS et je ne vois plus le balisage jaune que j'ai entr'aperçu dans la descente. Je suis contraint de stopper pour regarder ma carte IGN. J'en profite pour manger et absorber un peu d'énergisant car je suis exténué. Le chemin qui part droit devant moi n'existe pas sur la carte. Ça m'étonne mais je l'oublie. Celui qui part à droite se termine dans un cul de sac. Je l'oublie aussi. Reste celui qui part à gauche et qui semble être le bon à la lecture de la carte. Je redémarre, c'est bon, j'aperçois un coup de peinture jaune sur le piquet d'une clôture. Je contourne ce lopin de terre que je voyais d'en haut. Le chemin continue de tourner, puis à mon étonnement, il se remet à nouveau à monter. Je suis éreinté et je n'en crois pas yeux quand je retrouve le petit pin sous lequel je viens de manger, il y a un instant. Je n'ai fait que tourner en rond autour de cette parcelle en friches. Mon téléphone sonne. C'est Dany. Elle demande de mes nouvelles. Je ne peux que lui dire bof ! Mais elle veut en savoir plus. Alors sans trop l'inquiéter, je lui raconte très brièvement mes mésaventures et lui explique que je ne suis plus sur le Tour du Vallespir, que je galère pour descendre sur Prats-de-Mollo et qu'il est primordial que je regarde très attentivement ma carte IGN. Je coupe en lui promettant de la rappeler dès que j'arrive à l'hôtel. Je redéploie ma carte et essaie de me situer par rapport au paysage que j'ai en face de moi. Je comprends que je ne suis pas au Col de Cavanelles mais près d'un endroit qui sur la carte s'appelle " La Segnora ". Il y a légèrement sur ma gauche le Puig Fabre (1.147 m), petit monticule débonnaire qui me rappelle étrangement ces petits volcans arrondis que l'on rencontre en Auvergne dans la chaîne des Puys.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.OSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

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Avec une chance inouie, j'ai retrouvé mon appareil-photo, le plus gros de ma galère est terminé, mais je descends très anxieux vers Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles car je ne suis pas certain du chemin. Finalement, de ce col, j'aperçois le bourg et un chemin désormais très praticable y descend. Ma grosse boule au creux de l'estomac disparaît.

C'est par là qu'il me faut aller, car le chemin passe au pied de ce Puig, et là je comprends qu'en bas du champ en friches, il me faut partir complètement à gauche par une piste qui est parfaitement indiquée sur la carte. Je redescends, contourne à nouveau le petit lopin de terre jusqu'à un portail que je n'avais pas aperçu la première fois. Il y a bien une trace jaune sur ce portail et une piste qui démarre derrière. Je l'emprunte. Un peu plus loin, il y a un raccourci toujours balisé en jaune qui part à droite dans de hauts genêts, mais je le néglige car même si mon itinéraire est plus long, la piste me semble très empruntée par des véhicules, car il y a de nombreuses empreintes de pneus sur le sable. Et surtout, je sais que cette piste va me mener là où je veux. J'ai trop erré aujourd'hui pour prendre le moindre risque de me retrouver une nouvelle fois face à des arbres morts et couchés. Toujours cette boule à l'estomac ! La piste fait maintenant une grande boucle et descend j'en suis certain vers le Col de Cavanelles. Dans cette descente, j'ai le bonheur de tomber sur une baignoire qui sert d'abreuvoir aux animaux et de mare improvisée aux têtards. D'un gros tuyau en PVC, il y coule une eau fraîche et claire et je peux ainsi me rafraîchir et surtout nettoyer toutes ces plaies et égratignures d'où des écoulements de sang ont ruisselé mais ont séché depuis. Au fond de moi, je me dis que sans toutes ces traces d'hémoglobine sur la peau, je serais un peu plus présentable pour arriver à l'hôtel ! Mais si après ce nettoyage, j'ai retrouvé un peu de mon " prestige ", cette eau glacée a l'effet désastreux de réveiller toutes ces brûlures d'orties. Elles n'étaient pas tout à fait endormies mais elles sommeillaient et les douleurs s'étaient bien atténuées. D'ailleurs, quand je regarde mes bras et mes jambes, mais mes jambes surtout, elles sont recouvertes presque intégralement de petites boursouflures rouges. Je sais que dans ma pharmacie, je n'ai aucun médicament, aucune pommade, pour tempérer cet urticaire. Je repars et cinq minutes plus tard, j'arrive au Col de Cavanelles. Il est 19h15. Ici la piste continue mais un panonceau indique une sente qui part à droite : " Col de Cavanelles - 1.050 m- PR6- Prats-de-Mollo par le Fort Lagarde 40mn ". Je compulse à nouveau ma carte car je me méfie désormais de tous les raccourcis. Mais celui-là est bon quand je constate qu'il ne descend que dans un environnement rocheux. Je sais que c'est gagné et la boule au creux de mon estomac disparaît comme par enchantement.

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Du col de Cavanelles, je distingue la Tour de Mir, une autre difficulté de ce Tour du Vallespir, le Pic de Costabonne, le Roc Colom où le Tech prend sa source et le château Lagarde que je rejoins 40 minutes plus tard. Du château, j'ai une belle vue sur la vallée du Tech, sur Prats-de-Mollo et son riche patrimoine historique. 

Dans cette descente rocailleuse, je me remets à faire quelques photos : de Prats-de-Mollo bien sûr, la cité est encore loin mais je sais qu'elle se rapproche à chacun de mes pas, de la citadelle du Fort Lagarde construite par Vauban en surplomb de la ville et de la Tour de Mir juchée sur un piton rocheux au milieu d'une ténébreuse forêt qui me fait face. Cette tour, je la connais pour y être monter à de multiples reprises. Je la prends en photo, mais à vrai dire je ne veux pas trop la regarder car il va me falloir la gravir demain. Et pourquoi le cacher, j'appréhende déjà car la forêt constituera l'essentiel de cette étape. J'ai mis 30 minutes pour arriver au Fort Lagarde au lieu des 40 qu'annonçait le dernier panneau indicatif. Je prends des photos du fort et de la ville dont le clocher carré qui domine l'église Sainte-Juste et Sainte-Ruffine perfore le panorama. Mais ce ne sont que de simples clichés, juste des souvenirs. Il est 20 heures 15 quand j'entre dans la cité. Voilà 12 heures que je suis sur les chemins. Pour combien de kilomètres parcourus ? Je suis incapable de le dire ! Alors faut-il que je l'avoue, sur la fin, la vigueur m'a manqué pour apprécier tout ce patrimoine historique à sa juste valeur ! Cette étape qui était la plus  courte est en fin de compte devenue la plus difficile depuis mon départ. 

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13 heures sur les chemins, quand j'entre dans Prats-de-Mollo, je suis fatigué et meurtri par cette très longue journée de marche éprouvante et mémorable. C'est au pas de course que j'ai traversé le fort Lagarde construit par Vauban. Je n'en ai pris simplement que quelques photos sans aucune conviction mais pour le simple plaisir de les inscrire dans mon souvenir et surtout pour le réel bonheur d'avoir retrouvé mon appareil photo dans la forêt du Miracle. Cette forêt porte-t-elle bien son nom ? Moi, en tout cas, je reste indécis entre la galère que j'ai vécue pendant 4 heures et le fait d'en être sorti à peu près indemne et pour terminer avec mon appareil photo dans la poche ! Un rescapé lui aussi !

Alors, ce qui m'importe maintenant, c'est de me retrouver au plus vite à l'hôtel. Aussi quand j'arrive sur la place du Foirail, je m'empresse de demander à une dame la direction de l'hôtel Ausseil et gentiment elle m'indique du doigt une grande porte fortifiée au milieu des remparts et me précise que l'hôtel est situé juste une rue après. Je passe sous le porche, arrive sur une autre place et comme je me souviens du nom de cette place " Josep de la Trinxeria ", je sais que l'hôtel est là. Mais la place est bondée de touristes et occupée par les deux restaurants qui y ont largement installés leurs tables et leurs chaises. La place Josep de la Trinxeria est en réalité une immense terrasse pour les deux restaurants mitoyens et quand je demande l'hôtel Ausseil à un garçon de table, il me réponds simplement : vous y êtes ! Au milieu des tables et devant des clients certainement interloqués par mon " look " de randonneur anéanti, je tente en vain de m'expliquer dans un brouhaha inextricable. On ne s'entend pas ici me dit-il. Suivez-moi ! La salle intérieure du restaurant est vide et je peux enfin m'exprimer :

- Je suis Monsieur Jullien, j'ai réservé une chambre. Montrez-la moi que je puisse au plus vite prendre une douche.

- Oui, je crois que vous en avez besoin, me réponds-il avec un petit sourire narquois et en me tendant une clé et en rajoutant : c'est la chambre 7 au deuxième étage.

- Puis-je manger après ? lui dis-je.

- Oui, mais ça ne sera peut-être pas en terrasse car tout est plein me réponds-il.

- Peu m'importe !

Malgré les escaliers qu'il me faut encore escalader, je m'empresse de monter dans la chambre. Avant toute chose, je me déshabille et me jette sous une douche chaude. J'ai bien essayé d'abord l'eau froide mais ce fut un supplice insupportable. Je n'ai pas insisté car à nouveau les brûlures se sont réveillées de manière presque insoutenable. J'ai appelé Dany pour la rassurer et l'embrasser mais sans trop m'étendre sur tous les déboires que j'avais endurés au court de cette mémorable journée. Les hauteurs du Vallespir ont été sacrément âpres aujourd'hui. Encore plus âpres que je ne l'avais imaginé ! C'est sûr maintenant, le titre de mon aventure " Sur les hauteurs d'une vallée âpre " ne sera pas galvaudé.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Une ruelle à Prats-de-Mollo et le clocher de l'église Saintes Juste et Ruffine.

ÂPRE EST CE VALLESPIR…… 

 

Âpre est ce Vallespir que je veux cheminer.

Dure est la Tour de Mir quand il faut y grimper.

Je ne fais que grandir sur ces crêtes boisées,

Les sources ont à jaillir pour combler les fossés.

 

Âpre est ce Vallespir que je veux affronter.

Dur est le déplaisir lorsque l'on veut marcher.

Et si mes pas délirent, rien ne peut m'arrêter,

Sauf les pins, ces martyrs que le vent a couché.

 

Âpre est ce Vallespir, je veux le proclamer.

Dur mon sang à tarir, je ne suis que touché.

Et ce pourpre élixir, il ne fait que couler,

Mon corps prêt à bondir sur les chemins dallés.

 

Âpre est ce Vallespir que j'ai pourtant aimé.

Dures ces lloses, ces porphyres où j'ai pourtant chuté.

Et si ma tête chavire, je n'vais pas m'écrouler,

Sur ces frêles sentiers, dans ces prés parfumés.

 

Âpre est ce Vallespir où il faut s'arrêter.

Dur est le point de mire où il faut arriver.

Et si mon cœur soupire alors qu'il est blessé,

Mon amour viens vers moi , toi seul peut l'apaiser.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le lendemain matin, la Tour de Mir me nargue de ces 1.540 mètres d'altitude. Elle se trouve sur le tracé du Tour du Vallespir. Vais-je l'affronter ?

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la forêt ravagée par la tempête Klaus pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo 15 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.3eme étape : Mercredi 19 août 2009.

Saint-Guillem (1.287 m)-Prats-de-Mollo (753 m) 15 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

Nous nous aventurâmes jusqu'au village de Prats-de-Mollo. J'avoue que je préférai les bocages de la plaine à ces grandes montagnes couvertes de chênes verts et qui semblent plus faites pour abriter des bandits, que pour assurer le couvert à des honnêtes gens. Extrait de l'essai " Voyage en France en 1787, 1788, 1789 ". Arthur Young (1741-1820) agriculteur, agronome et écrivain britannique.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.LA FAUTE A KLAUS :

Malgré cette anxiété que j'ai eu hier soir, j'ai fini par m'assoupir. Quand j'y repense, je constate que c'était plutôt une appréhension momentanée qu'une vraie obsession. Puis vers minuit, j'ai été réveillé par un bruit. C'était comme le bruit d'un grattement. Mais une fois éveillé, je me suis aperçu qu'un autre bruit venait du volet d'un petit vasistas qui était resté ouvert et qui grinçait sous une légère brise nocturne. A la faible clarté de ma lampe frontale, je n'ai rien observé qui correspondait au grattement qui m'avait réveillé. Par contre, le rayon plus large que ma lampe projetait contre le mur du refuge me fit remarquer qu'il manquait une grosse pierre à 15 centimètres de ma paillasse. Au fond de ce trou ainsi constitué, il y avait un nid de souris fait d'une bourre blanche, de poils et de fibres diverses. Mais de souris, il n'y en avait point ! Est-ce elle qui grattait avant que je ne me réveille ? Avait-elle eu le temps de décamper avant que je n'éclaire la lampe ? Pour ne plus être embêté par ce grincement lugubre et ces grattements désagréables, je pris les sages résolutions de fermer le vasistas et de déménager ma litière à l'autre bout du bat-flanc. Puis, j'ai profité de ce réveil fortuit pour partir uriner dehors. Le ciel tout entier était étoilé et une belle voie lactée blanchissait le firmament au dessus de la chapelle de l'ermitage. La nuit était douce et quasi silencieuse. Seule une petite brise, frissonnant les feuilles, tentait sans succès de rompre cette quiétude. Comme j'appréciais pleinement l'instant présent, cette sérénité, cette paix secrète et intime, loin du monde bruyant et trop insociable que j'avais quitté, je suis resté de longues minutes sur le pas de la porte, les yeux levés vers le ciel et l'ermitage qui se découpait, à écouter ce silence avant de partir me recoucher. Une fois encore, cette nuit-là fut bénéfique et, à mon grand étonnement, je n'ai ressenti à mon réveil aucune contracture musculaire, ni aucune douleur, malgré les deux longues étapes déjà accomplies et la rusticité du couchage qui ne m'avait pas empêché de dormir profondément.

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Quand je quitte Saint-Guillem, vers le sud, le jour est déjà levé mais le hameau est encore dans la pénombre. Ici les panneaux sont on ne peut plus clairs mais mal placés et je vais me tromper avant de me raviser et de reprendre le bon chemin.

Il est 7 heures. Vers le sud, le jour est déjà levé mais Saint-Guillem de Combret, blotti au fond du vallon de Coumelade, est encore dans une obscure nébulosité. Bloqués par les hauts monts environnants, les rayons du soleil mettront encore plus d'une heure avant d'éclairer complètement le minuscule hameau. Je déjeune de deux gâteaux de riz vite expédiés et d'une grande gorgée d'eau et range tranquillement mes affaires et mon sac à dos en prêtant attention à ne rien oublier dans le refuge. Il est 8 heures quand je démarre avec ma trousse de toilettes, mon gant et ma serviette à la main. Je sais qu'il y a dans le hameau, non loin d'ici, une auge ou plutôt un vieux lavoir dans lequel, par un tuyau de PVC, s'écoule une eau de source cristalline. J'ai bien l'intention de me raser et de faire un brin de toilettes car j'ai la désagréable sensation de me sentir sale et poussiéreux. Je mets un quart d'heure pour me laver et tenter de parfaire ma présentation. Mais j'ai le sentiment que l'eau glacée a eu un seul effet non négligeable sur mon organisme, celui de lui assener un " claquant " coup de fouet qui me permet de démarrer cette étape dans d'excellentes conditions. Je profite pour remplir mes deux gourdes et mon camelback d'une eau fraîche et renouvelée.

La large piste s'élève rapidement au dessus de l'ermitage. Sur ma droite, là même où hier après-midi j'ai galéré, la tempête Klaus a laissé un immense chantier de désolation dans cette forêt qui était pourtant magnifique. Par contre, en face de moi, les flancs du Puig dels Sarraïs (1.830 m) et du col de Serre-Vernet (1.808m) que je dois cheminer semblent moins meurtris. Il y a bien deci delà, quelques cicatrices, quelques sillons d'immenses résineux couchés, mais rien de bien inquiétant, en tous cas vu d'ici.

Quelques minutes plus tard, et alors que je m'apprête à poursuivre la piste, je remarque inopinément sur ma droite un panonceau qui semble m'indiquer Prats-de-Mollo et le col de Serre-Vernet par un autre chemin qui s'enfonce dans la forêt. Et je commets là une nouvelle erreur en ne sortant pas immédiatement mon GPS. Quand je le sors, c'est bien trop tard, car mon GPS ne capte plus aucun satellite masqué qu'il est au fond de ce sous-bois touffu. Deuxième erreur, je ne sors pas ma carte non plus, tranquillisé, il est vrai, par ce rassurant panneau. Et quand je sors ma carte, c'est encore beaucoup trop tard car j'ai marché ainsi une " bonne " demi-heure jusqu'à m'inquiéter de ne plus rencontrer le balisage jaune et rouge qui était pourtant bien visible jusqu'à présent. Au regard de la carte, je me rends à l'évidence, je me suis trompé, une fois de plus. Quitte à avoir perdu une heure, je décide de faire demi-tour car ce chemin qui zigzague toujours en forêt sans aucun balisage apparent me trouble et ne m'amènera nulle part et en tous cas pas où je dois aller.

Quand je retrouve la piste et le panonceau, selon moi, très mal placé à cet endroit, j'ai effectivement perdu une heure. Je m'avance sur la piste et quelques dizaines de mètres plus loin, j'aperçois effectivement les marques de peinture jaune et rouge propres au GRP du Vallespir. Je poursuis la piste et enjambe le fougueux torrent de Coumelade par un large pont bétonné. Peu après, la piste se sépare en deux, mais le balisage est ici parfait et m'oriente vers la droite. Plutôt plane au début, maintenant la piste monte allégrement, effectue deux larges courbes, avant d'atteindre le col Baxo à 1.473 mètres. Au fond de ce petit col herbeux, un nouveau panneau sollicite un départ à gauche. Ici une minuscule sente, encadrée d'une clôture, est barrée d'un petit portail qui est là pour empêcher les bovins de passer mais pas les randonneurs. Sans trop m'en apercevoir, et malgré l'heure perdue, j'ai déjà fait 190 mètres de dénivelé sur les 521 que je dois accomplir pour atteindre les 1.808 mètres du Col de Serre-Vernet. C'est bien sûr encourageant, mais j'évite de trop penser aux 331 mètres restant sur les trois kilomètres d'ascension qui doivent m'amener au pinacle de ce tour du Vallespir.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

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J'ai quitté Saint-Guillem par un chemin qui enjambe la rivière Coumelade. Parfaitement balisé, il s'élève rapidement par le col Baxo, file à travers des bois touffus où coulent quelques petits ruisseaux. Mais parfois le chemin se transforme en balcon et j'ai le bonheur d'être en surplomb de superbes paysages. Saint-Guillem est déjà très loin.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Ce chemin parfois en balcon me laisse entrevoir Saint-Guillem que j'ai quitté ce matin. On aperçoit les bois saccagés par la tempête Klaus. Celui au dessus du hameau où j'ai galéré hier lors de mon arrivée et celui en dessous du refuge où se trouve un bel arboretum avec notamment quelques séquioas.

 Malgré le dénivelé, le petit chemin est changeant et agréable. Cheminant le plus souvent en sous-bois et recouvert d'un épais tapis de feuilles mortes, il coupe quelques ruisseaux, affluents de la Coumelade et monte rectiligne offrant quelquefois de magnifiques vues vers le sud mais surtout sur Saint-Guillem et tout le Bassin de Coumelade. Puis soudain, il bifurque dans le sens opposé en direction du Col de Serre-Vernet dans un bois de petits pins chétifs. Il n'est pas tout à fait midi quand j'arrive au col, point culminant de ce périple avec ses 1.808 mètres

Vaste pré herbeux entouré de pins et de sapins, il semble être le paradis pour nombre de génisses et de vaches blanches indolentes. La plupart sont affalées sur la verte prairie et même mon passage laisse indifférent tous ces bovins, qui repus, ne tournent même pas la tête quand je m'approche d'eux. Ici, les panoramas à 360° sont splendides de tous côtés. De nombreux hauts sommets et de nouveaux pics apparaissent, de nombreuses crêtes composent l'horizon : la Crête des Sept Hommes (2.651m), le Pla Guillem (2.301m), les Roques Blanches (2.252m), les Esquerdes de Rotja (2.316m), le Roc Colom (2.507m) et le Pic de Costabonne (2.465m) pour ne citer que les crêtes les plus connues et les plus attractives. Mais il y aussi de profonds ravins et surtout cette immense et épaisse forêt domaniale qui n'en finit plus de s'étendre sur ce magnifique Haut-Vallespir. Ici, il y a aussi un panneau, mais il ne sert plus à rien car il gît à terre et n'indique plus aucune direction. Je le redresse et essaie en vain de retrouver son emplacement originel. De dépit, je le pose contre un petit pin dans la position qui me semble la plus appropriée avec St Guillem dans la direction d'où je viens. A l'aide d'un bout de ficelle que j'ai trouvé sur la pelouse, j'ai beau l'attacher avec bons sens à une branche du pin, je ne suis guère plus avancé quand à la direction à prendre pour me rendre à Prats-de-Mollo.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

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J'arrive au col de Serre Vernet. A 1.808 mètres, c'est le point culminant de mon périple. Les paysages sur le très Haut-Vallespir sont superbes de tous côtés. Ce col est aussi le paradis de vaches et des génisses. Le panonceau indicatif gît à terre, je le redresse et l'attache à un pin mais je ne suis pas plus avançé quant à la direction à prendre pour aller à Prats. Heureusement j'ai mon GPS !

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J'effraie un petit veau puis je m'arrête pour déjeuner dans cet éboulis qui descend très raide du Puig dels Sarraïs vers la vallée de la Parcigoule. Je ne peux trouver plus beau spectacle ! Mais la descente est loin d'être finie, je dois encore atteindre deux cols, celui de la Collade d'En Mandoulé et le col de Coumeille, petit pré verdâtre que j'aperçois tout en bas.

Mais heureusement, ma carte IGN est là et mon GPS aussi et à force d'avancer dans différentes directions vers le sud, je finis par trouver le bon itinéraire qui file sur le pré puis contourne quelques rochers. Il est midi et j'ai faim, mais comme la suite de l'étape est essentiellement faite de descentes, je prends la décision de continuer un peu pour m'offrir comme hors d'oeuvre un splendide panorama dégagé. Cette sente allie pelouses, petits bois de pins et de feuillus mais aussi rocailles et rochers plus ou moins gros. Mais il y aussi de nombreux et bas genévriers derrière lesquels quelques veaux ruminent leur fourrage. L'un d'entre eux peut se vanter de m'avoir fait une belle frayeur et tressaillir quand il a débouché devant moi alors que je marchai dans un silence de cathédrale. Mais je suppose que lui aussi, il a du avoir une peur " bleue " ! En contournant maintenant le rocailleux Puig dels Sarraïs, le chemin n'est désormais plus qu'amoncellement de blocs déchiquetés et gros pierriers escarpés. Je redouble de vigilance pour éviter toute chute qui, ici, serait catastrophique pour de pas dire fatale. Il est temps que je m'arrête pour déjeuner car je ne trouverai pas meilleur belvédère que ces éboulis, bien exposés au soleil, qui descendent raides vers le vallon de la Parcigoule. Il n'y a plus aucun obstacle devant moi et je déguste à la fois ma salade et ce magnifique spectacle. Assis sur une grosse pierre plate bien chaude et adossé à une autre, j'ai trouvé, dans de ce fauteuil improvisé mais un peu dur il est vrai, une terrasse peu confortable pour mes fesses mais idéale pour mes yeux.

D'ici, je jouis d'un panorama exceptionnel sur le Bassin de la Parcigoule mais aussi sur une immense partie de ce Haut-Vallespir que je suis venu découvrir. C'est d'ailleurs en mangeant dans ce gros pierrier que j'ai imaginé le titre de mon voyage et de ce récit : " Sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

Après trois jours de marche, et à cet instant précis, il me semblait qu'aucun autre endroit traversé ne méritait plus ce terme de " âpre " que cet immense magma rocheux. Dans cet éboulis, les aspérités ne manquent pas et l'âpreté, je la touche à chaque instant. Le déroulement imminent de ce Tour du Vallespir me montra malheureusement et très vite que je n'avais pas encore tout connu de cette légendaire âpreté. Quand je repars, la sente, où du moins ce que j'en devine grâce à un balisage abondant et précis, se complique sacrément en étant toujours très rocheuse mais en devenant encore plus abrupte. Pour éviter toute chute, je m'applique à poser mes pieds sur des pierres stables et quand les marches sont trop hautes à descendre, je m'aide autant de mes mains que de mes pieds.

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J'en ai fini avec la longue descente le long du flanc pierreux du Puig dels Sarraïs. Au col de Coumeille, une étrange croix gravée dans la pierre et le pic de Granarols que le chemin contourne au milieu d'une jolie pelouse jonchée de carlines blanches pour se diriger vers un autre puig , celui des Lloses. Ce puig, je vais m'en souvenir très longtemps !

Après un premier petit col herbeux, la Collade d'En Mandoulé sur la carte, la descente abrupte continue mais la sente moins rocailleuse mais plus terreuse devient plus facile jusqu'au Col de Coumeille (1.566m). Ce collet, petite prairie vert clair, encadrée par le Puig dels Sarraïs et le Pic de Granarols (1.690m) je l'ai entrevu dès le début de la descente du col de Serre-Vernet et depuis je languis de l'atteindre tant mon appréhension d'une mauvaise chute dans ce champ de pierres est ancrée dans ma tête. Aussi, je suis si soulagé en l'atteignant que la première chose est de déposer mon sac à dos et de m'allonger les bras en croix sur ce vert herbage. Mais, à cet endroit, je ne suis pas le seul à avoir fait une croix, un autre chemineau a cru utile d'en graver une dans la pierre, moins éphémère que la mienne. Au regard de son usure générale, des vieilles mousses et de l'érosion de petits conglomérats dans son cadre, cette croix me paraît très ancienne. Depuis quand était-elle là ? Je ne suis pas un spécialiste ni de l'archéologie ni de la géologie mais pour l'avoir lu, je sais que le Vallespir a été occupé bien avant le néolithique, époque où l'homme a vraiment commencé à maîtriser le polissage et la sculpture de la pierre. Alors cette croix, est-ce vraiment une croix ancienne ou une cupule comme celles que les hommes préhistoriques ont laissés gravés un peu partout dans le département ? Quelle âge a-t-elle cette gravure ? 5000 ans, 8000 ans, 10000 ans ? Est-elle plus récente et liée au christianisme ? Ou bien a-t-elle été sculpté par un preux et inventif chevalier en partance pour une croisade ? Comme toujours en pareil cas, j'en prends une photo avec l'idée de l'exposer dans mon futur récit à la fois pour l'agrémenter mais aussi avec le secret espoir que cette photo pourra être vue par de vrais spécialistes qui pourront ainsi et sans doute répondre à nombre de mes interrogations.

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L'étrange croix photographiée au col de Coumeille. Je suis preneur, si quelqu'un a des réponses aux questions que je me pose au sujet de cette croix ?

Au col de Coumeille, le chemin contourne le Pic de Granarols pour arriver au Puig des Lloses (1.413m). Ici, le sentier tout en pente douce et très praticable est un réel plaisir. Atteindre ce nouvel objectif n'est cette fois qu'une simple formalité. Il est 14 heures tapantes quand j'arrive au Puig des Lloses. Les panneaux directionnels y sont au nombre de trois : " 1- Le Tour du Vallespir vers Saint-Guillem, à savoir l'itinéraire que je viens de parcourir, 2-Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles, col situé à 30 minutes et bien sûr, 3 Prats-de-Mollo par le GRP Tour du Vallespir que je dois suivre pour respecter le tracé de mon GPS et celui de topo-guide de Georges Véron. Le Puig des Lloses ressemble plutôt à un petit collet avec un replat d'où l'on a une vue plongeante sur Prats-de-Mollo. Ici, je retrouve une flore que j'avais perdue de vue depuis le col de Formentere, faite de sorbiers des oiseleurs, de maigres genêts, de rachitiques genévriers et toujours ces bas massifs de bruyères roses que je côtoie depuis mon départ. Mais une chose me surprend sans trop m'inquiéter sur l'instant, ce sont ces petits amoncellements de branchages cassés dont on voit très bien qu'ils ont été laissés là en l'état depuis la tempête Klaus. Quand à Prats-de-Mollo, d'ici, la cité n'est visible que parce qu'une multitude de grands sapins ont été étêtés ou fracassés sur un vaste périmètre. Mais quand je poursuis la sente du Tour du Vallespir en direction du Col du Miracle, je ne suis pas vraiment inquiet. Il y a bien, dés le départ, un pin en travers du sentier mais je l'enjambe très facilement. 50 mètres plus loin, il y en a deux autres mais ceux-là je ne peux pas les enjamber et suis obligé de les contourner, assez facilement il est vrai. Puis, les pins et les sapins renversés en travers se succèdent. J'enjambe, contourne, passe parfois en dessous et quand je ne peux pas, par dessus. Je commence vraiment à galérer et mes membres sont déjà bien égratignés. Mais en y prêtant attention, je remarque que je ne suis pas le seul à être passer par là. Je vois parfaitement que les bas-côtés du sentier ont été piétinés car la terre est meuble aux endroits où un contournement était la seule alternative. Randonneurs, chasseurs, animaux ? Puis, d'un coup plus rien, plus d'arbres couchés sur plusieurs centaines de mètres. J'arrive au ravin du Pas des Vaques qui n'est ici qu'un petit ru où coule un mince filet d'eau sur un fond boueux. Avec un mouchoir en papier que je mouille au préalable, j'éponge toutes mes égratignures. Je traverse le ruisseau sans problème et poursuis mon chemin dans un sombre sous-bois, ce qui me convient très bien, car ça signifie que tous les arbres sont encore debout. Mais ça ne dure malheureusement pas et là, un peu plus loin, ça se complique car il n'y a pas de réel passage, et en tous cas aucune trace d'un franchissement antérieur. Quand je le peux, j'enjambe, mais quand les troncs sont trop hauts, je tente de passer dessous, mais parfois en vain car le problème avec les sapins, c'est qu'ils sont parfois partiellement déracinés et ont encore toutes leurs épaisses ramures. Et quand ils n'ont plus leurs ramilles, c'est encore pire car leurs branches sèches sont autant de poignards qu'il me faut éviter. Alors, je contourne, je descends, je monte tout en essayant de ne pas trop m'éloigner du chemin. Souvent, je suis contraint d'ôter mon sac à dos, qui, dans ce dédale, est un terrible handicap. Ouf ! J'ai réussi à franchir ce nouvel obstacle mais voilà que 150 mètres plus loin, il en apparaît une autre, aussi difficile que le précédent sinon plus.

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Au Puig des Lloses, les panonceaux sont nombreux et j'aperçois Prats-de-Mollo tout en bas, pourtant je vais me fourvoyer pendant plus de quatre heures dans cette forêt du Miracle ravagée par la terrible tempête Klaus. En vain. De cette forêt, je vais en ressortir meurtri, égratigné, ensanglanté et surtout brûlé des épaules aux chevilles pour être tombé dans de hautes orties ! De surcroît, je vais perdre mon appareil-photo, ce qui va m'obliger à retourner dans ce fatras pour le retrouver. 

Je suis fatigué et sanguinolent mais dans ma tête, je me dis que si j'en ai passé un, je peux en franchir d'autres. Je me dis aussi que les forestiers du coin doivent bien être conscients que le Tour du Vallespir est barré par tous ces arbres abattus et je suppose qu'ils ont commencé à déboiser en partant de Prats-de-Mollo et en remontant le sentier. Ce n'est pas possible, ce traquenard va bien finir par s'arrêter ! Je passe plus facilement ce nouveau barrage et arrive à un endroit où le sentier fait un angle droit près d'un piton rocheux en surplomb de Prats-de-Mollo. Ici, je prends conscience des dégâts considérables que la tempête Klaus a provoqué dans ce secteur mais j'arrive néanmoins à parcourir encore 500 mètres sans trop de difficultés avant de tomber sur une autre empreinte d'une forêt complètement ravagée. J'enjambe, je contourne, remonte et redescend sans trop me préoccuper du chemin qui a définitivement disparu dans cet amas incommensurable d'arbres brisés, de troncs fracassés, de branches amoncelées et de branchages empilés. Dans ma tête, j'espère surtout que ce nouveau sillon dévasté ne sera pas trop large et qu'une nouvelle fois, je pourrai le franchir. Par moment, j'arrive dans des impasses. Il m'est impossible de contourner, de passer dessous et malgré la hauteur où se trouvent les troncs, souvent à plus d'un mètre du sol, la seule solution reste de les enjamber. Je n'en suis pas à ma première enjambée mais cette fois, le tronc est-il un peu plus haut où est-ce la fatigue, toujours est-il, que droit sur le rondin, je me sens partir en arrière entraîné par le poids de mon sac. Un coup de reins pour me rétablir, mais ce coup de reins est bien trop puissant et voilà que je pars en avant ! J'ai beau mouliner l'espace avec mes bras pour tenter de tenir en équilibre mais c'est trop tard, mes mains ne rencontrent que le vide et en tous cas, rien où s'accrocher. Je pars en avant, je vais tomber et me rompre le cou dans ce monstrueux chaos, mais une dernière inspiration me donne l'intuition et le sursaut que plutôt que de tomber n'importe où et n'importe comment, il faut mieux que je me jette à un endroit choisi. Voilà, j'ai réussi, si je puis dire ! Je me retrouve planté au milieu d'un gros massif de ronces et de hautes orties. Mon genou gauche a malgré tout cogné fortement une grosse branche et je saigne abondamment. Mais ce n'est pas ça le plus douloureux, mais toutes ces petites brûlures d'orties qui, peu à peu, en partant des chevilles, semblent monter tout le long de mon corps, enflammant surtout mes jambes mais également mes bras. J'ai l'impression de flamber debout et malgré la douleur, je reste planté là au milieu de cette désolation, de ce néant. Je suis tout à coup comme tétanisé par l'angoisse. Mais je perçois que cette angoisse est arrivée de manière soudaine car jusqu'à présent, j'étais trop occupé à m'en sortir. Une fraction de quelques secondes, il me vient à l'esprit de sortir mon portable et d'appeler des secours. Mais en me retournant, et malgré cette complète désolation, je constate que ce n'est pas le néant absolu : à vol d'oiseau, je ne suis pas très loin d'une piste blanche et sableuse que je distingue en contrebas à quatre ou cinq cent mètres. Je discerne des voitures qui y circulent et aussi un mas. Et même si à cet instant précis, je voudrais être un oiseau, je n'en suis pas un ! Je me suis foutu tout seul dans cette " mouise " et il faut que j'en sorte tout seul aussi ! Mais faire cinq cent mètres dans cette dévastation, je sais à l'avance que c'est une impossible gageure.

La faute à Klaus Schümann

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je suis tombé par terre c'est la faute à Voltaire.

Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes exactement, j'ai hurlé :

Je suis tombé sur un os, c'est bien la faute à Klaus.

Le nez dans les gentianes, c'est la faute à Schümann.

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je ne suis pas notaire, c'est la faute à Voltaire.

Je suis petit oiseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes, j'ai crié :

J'ai chuté sur les lloses, c'est bien la faute à Klaus

J'ai brisé mes organes, c'est la faute à Schümann

 

Je voudrais faire un saut et atterrir à Prats-de-Mollo,

Je ne suis pas petit oiseau, c'est la faute à mon père !

Alors il me faut être costaud et que j'ai un sursaut !

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le 24 janvier 2009, la tempête Klaus a provoqué de considérables dégâts dans le Haut-Vallespir. En août, les plaies sont loin d'être toutes cicatrisées.

C'est donc décidé, je vais rebrousser chemin jusqu'au Puig des Lloses et descendre à Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles. La première chose à faire, c'est retrouver le sentier mais où peut-il bien être dans ce " labyrinthe " végétal trop urticant à mon goût. Seul mon GPS peut me le dire et il faut d'abord que je sorte de ce roncier qui m'enveloppe comme une toile d'araignée. D'ailleurs des araignées, il y en a pas mal ici et comme elles n'apprécient pas trop mon intrusion dans leur domaine réservé, elles me piquent elles aussi. Mais bon, je n'en suis plus à une piqûre près ! Seule solution, sortir par là où je suis arrivé, c'est-à-dire par le haut. Cette fois, j'ôte mon sac à dos, dont je vérifie au préalable toutes les fermetures et je l'envoie valdinguer par-dessus le tronc dont je viens de choir. Je me hisse sur le tronc et me mets carrément à cheval sur lui. Un point GPS me situe à une cinquantaine de mètres du chemin qui est vers le nord et pour moi vers le haut. Je récupère mon sac et poursuit ainsi mes divagations. Je jette mon sac, me hisse à nouveau, le récupère et ainsi de suite. Parfois, je jette mon sac un peu plus loin car j'arrive à jouer les équilibristes sur plusieurs troncs couchés de concert et ma progression s'accélère. Je vais mettre un gros quart d'heures pour retrouver le sentier et encore plus d'une heure pour rejoindre le Puig des Lloses. Quand je regarde ma montre, j'ai du mal à le croire : il est déjà 17 heures et voilà trois heures que je me fourvoie dans cette forêt du Miracle, la mal nommée. Il faut absolument que j'appelle l'hôtelier pour le prévenir que j'aurai du retard. De ce côté-là au moins je serais tranquille et quand je l'ai au bout du fil, effectivement il me rassure. J'ai réservé, j'ai payé et la chambre à l'hôtel Ausseil m'est complètement allouée quoi qu'il m'arrive. Mais s'il savait ce brave homme ce qu'il vient de m'arriver ! Mais n'en parlons plus, j'en suis sorti, même si c'est fourbu, écorché, entaillé, égratigné, brûlé et ensanglanté de la tête aux chevilles. Maintenant, le sentier qui descend vers le Col de Cavanelles au milieu des genêts et des hautes fougères est plutôt agréable et les panoramas sont suffisamment beaux pour que je me remette à prendre des photos. Mais où est mon appareil ? Il n'est pas dans une de mes poches et je ne me souviens pas l'avoir rangé dans mon sac ! Non, il était dans sa housse accrochée à ma ceinture et à ma ceinture, je n'ai plus rien désormais ! Le bouton-pression a dû s'ouvrir et je l'ai perdu ! Je suis désespéré car perdre mon appareil photo c'est comme si j'avais perdu la mémoire de ces trois premiers jours depuis Amélie-les-Bains. Pour moi, c'est inimaginable et il faut que je le retrouve. Sans trop réfléchir, je sors ma dernière gourde d'eau de mon sac à dos et je jette ce dernier dans les hauts genêts en m'assurant qu'on ne le voit pas depuis le chemin. Deux petites branches en forme de croix que je place au bord du sentier pour retrouver cet endroit et me voilà entrain de remonter le sentier, presque en courant, vers cet " enfer vert " où j'ai sans aucun doute perdu mon appareil. Où se trouvera-t-il ? Loin, près ? L'ai-je perdu quand je suis tombé de ce tronc plus haut que les autres ? S'est-il décroché dans le roncier ? Ou bien sous un tronc que j'ai franchi comme un tunnel ? Voilà les questions et bien d'autres qui grouillent dans ma tête alors que je me jette dans cette " impossible " quête. Vu l'heure et le temps que j'ai mis la première fois, il faut à la fois que je fasse vite mais sans pour autant négliger mes recherches. Ce serait idiot de passer à côté sans voir l'appareil par précipitation. L'absence du sac à dos m'aide considérablement mais au fond de moi, je sais que selon l'endroit où la housse est tombée de ma ceinture, c'est comme rechercher une minuscule aiguille dans une énorme botte de foin. Sans le sac mais avec une gourde à la main, je passe néanmoins tous les petits obstacles plus aisément, je traverse le ru du Pas des Vaques, je franchis le premier couloir de sapins anéantis avant que le sentier fasse un angle droit. Rien ! Il me reste encore un barrage à franchir avant ce virage et comme pour le précèdent, j'essaie de me souvenir par où je suis passé à l'aller mais aussi au retour. Et là, au moment où je me baisse pour passer sous les branches encore vertes d'un immense sapin déraciné, le miracle survient ! La petite housse avec mon numérique à l'intérieur est là au milieu du sentier sous la verte ramure. Ouf ! Ouf ! Ouf ! Je respire à pleins poumons. Quel soulagement. Je vérifie mon appareil que j'enfonce au plus profond de la poche de mon short et par sécurité supplémentaire, je referme celle-ci avec le Velcro consacré. Une fois encore, il ne me reste plus qu'à rebrousser chemin. Ce ne sera que la quatrième fois que j'emprunte cet itinéraire et si ça continue, je vais finir par en connaître le moindre recoin par coeur ! D'ailleurs, c'est le cas, car dans ma précipitation et alors que je me suis arrêté pour boire un coup, j'ai posé machinalement mon bob sur un rocher et je l'ai oublié. Mais je ne suis pas inquiet car je sais parfaitement où il se trouve.

Il est 18 heures quand je passe une nouvelle fois devant la panonceau " Puig des Lloses - 1.413 m - PR6B - Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles - 30 mn ".

A cet instant précis, je ne sais pas pourquoi, il me vient une abominable anxiété : Et si ce chemin, lui aussi, était impraticable, barré par une forêt saccagée ? Après tout, il n'y a pas d'autre chemin et le peu que j'en ai parcouru avant de retourner chercher mon appareil photo ne me laisse aucune certitude et ne me permet pas d'être rassuré. Après tout, Prats-de-Mollo que j'aperçois en bas est au moins à trois kilomètres à vol d'oiseau et il faut au bas mot compter au minimum le double par le chemin. Tout est encore possible ! Cette terrible angoisse, elle va soudain se transformer en une grosse boule au creux de mon estomac et elle va rester là, encore blotti pendant une heure et demie. Autant, j'ai été longtemps serein cet après-midi même au plus fort de mes élucubrations, autant maintenant je prends conscience que je peux ne pas arriver au bout de cette étape, en tous cas aujourd'hui. Mais je sais aussi que je n'ai pas le choix dans la direction à prendre et je continue. Je récupère mon sac. Les photos que j'avais voulu prendre tout à l'heure, je les prends maintenant. Mais j'avoue que je n'ai plus le cœur à ça ! J'ai toujours cette appréhension et ces questions qui fourmillent dans ma tête et je ne pense plus qu'à une chose : descendre, descendre, et descendre encore au plus vite vers Prats-de-Mollo. Comme prévu et sans problème, j'arrive au bout de 30 minutes à ce que je crois être le col de Cavanelles. A gauche, un grand champ en pente avec un large chemin qui le contourne, un autre chemin qui part droit devant moi et un autre qui part complètement à gauche. Je n'ai plus de tracé sur mon GPS et je ne vois plus le balisage jaune que j'ai entr'aperçu dans la descente. Je suis contraint de stopper pour regarder ma carte IGN. J'en profite pour manger et absorber un peu d'énergisant car je suis exténué. Le chemin qui part droit devant moi n'existe pas sur la carte. Ça m'étonne mais je l'oublie. Celui qui part à droite se termine dans un cul de sac. Je l'oublie aussi. Reste celui qui part à gauche et qui semble être le bon à la lecture de la carte. Je redémarre, c'est bon, j'aperçois un coup de peinture jaune sur le piquet d'une clôture. Je contourne ce lopin de terre que je voyais d'en haut. Le chemin continue de tourner, puis à mon étonnement, il se remet à nouveau à monter. Je suis éreinté et je n'en crois pas yeux quand je retrouve le petit pin sous lequel je viens de manger, il y a un instant. Je n'ai fait que tourner en rond autour de cette parcelle en friches. Mon téléphone sonne. C'est Dany. Elle demande de mes nouvelles. Je ne peux que lui dire bof ! Mais elle veut en savoir plus. Alors sans trop l'inquiéter, je lui raconte très brièvement mes mésaventures et lui explique que je ne suis plus sur le Tour du Vallespir, que je galère pour descendre sur Prats-de-Mollo et qu'il est primordial que je regarde très attentivement ma carte IGN. Je coupe en lui promettant de la rappeler dès que j'arrive à l'hôtel. Je redéploie ma carte et essaie de me situer par rapport au paysage que j'ai en face de moi. Je comprends que je ne suis pas au Col de Cavanelles mais près d'un endroit qui sur la carte s'appelle " La Segnora ". Il y a légèrement sur ma gauche le Puig Fabre (1.147 m), petit monticule débonnaire qui me rappelle étrangement ces petits volcans arrondis que l'on rencontre en Auvergne dans la chaîne des Puys.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.OSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

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Avec une chance inouie, j'ai retrouvé mon appareil-photo, le plus gros de ma galère est terminé, mais je descends très anxieux vers Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles car je ne suis pas certain du chemin. Finalement, de ce col, j'aperçois le bourg et un chemin désormais très praticable y descend. Ma grosse boule au creux de l'estomac disparaît.

C'est par là qu'il me faut aller, car le chemin passe au pied de ce Puig, et là je comprends qu'en bas du champ en friches, il me faut partir complètement à gauche par une piste qui est parfaitement indiquée sur la carte. Je redescends, contourne à nouveau le petit lopin de terre jusqu'à un portail que je n'avais pas aperçu la première fois. Il y a bien une trace jaune sur ce portail et une piste qui démarre derrière. Je l'emprunte. Un peu plus loin, il y a un raccourci toujours balisé en jaune qui part à droite dans de hauts genêts, mais je le néglige car même si mon itinéraire est plus long, la piste me semble très empruntée par des véhicules, car il y a de nombreuses empreintes de pneus sur le sable. Et surtout, je sais que cette piste va me mener là où je veux. J'ai trop erré aujourd'hui pour prendre le moindre risque de me retrouver une nouvelle fois face à des arbres morts et couchés. Toujours cette boule à l'estomac ! La piste fait maintenant une grande boucle et descend j'en suis certain vers le Col de Cavanelles. Dans cette descente, j'ai le bonheur de tomber sur une baignoire qui sert d'abreuvoir aux animaux et de mare improvisée aux têtards. D'un gros tuyau en PVC, il y coule une eau fraîche et claire et je peux ainsi me rafraîchir et surtout nettoyer toutes ces plaies et égratignures d'où des écoulements de sang ont ruisselé mais ont séché depuis. Au fond de moi, je me dis que sans toutes ces traces d'hémoglobine sur la peau, je serais un peu plus présentable pour arriver à l'hôtel ! Mais si après ce nettoyage, j'ai retrouvé un peu de mon " prestige ", cette eau glacée a l'effet désastreux de réveiller toutes ces brûlures d'orties. Elles n'étaient pas tout à fait endormies mais elles sommeillaient et les douleurs s'étaient bien atténuées. D'ailleurs, quand je regarde mes bras et mes jambes, mais mes jambes surtout, elles sont recouvertes presque intégralement de petites boursouflures rouges. Je sais que dans ma pharmacie, je n'ai aucun médicament, aucune pommade, pour tempérer cet urticaire. Je repars et cinq minutes plus tard, j'arrive au Col de Cavanelles. Il est 19h15. Ici la piste continue mais un panonceau indique une sente qui part à droite : " Col de Cavanelles - 1.050 m- PR6- Prats-de-Mollo par le Fort Lagarde 40mn ". Je compulse à nouveau ma carte car je me méfie désormais de tous les raccourcis. Mais celui-là est bon quand je constate qu'il ne descend que dans un environnement rocheux. Je sais que c'est gagné et la boule au creux de mon estomac disparaît comme par enchantement.

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Du col de Cavanelles, je distingue la Tour de Mir, une autre difficulté de ce Tour du Vallespir, le Pic de Costabonne, le Roc Colom où le Tech prend sa source et le château Lagarde que je rejoins 40 minutes plus tard. Du château, j'ai une belle vue sur la vallée du Tech, sur Prats-de-Mollo et son riche patrimoine historique. 

Dans cette descente rocailleuse, je me remets à faire quelques photos : de Prats-de-Mollo bien sûr, la cité est encore loin mais je sais qu'elle se rapproche à chacun de mes pas, de la citadelle du Fort Lagarde construite par Vauban en surplomb de la ville et de la Tour de Mir juchée sur un piton rocheux au milieu d'une ténébreuse forêt qui me fait face. Cette tour, je la connais pour y être monter à de multiples reprises. Je la prends en photo, mais à vrai dire je ne veux pas trop la regarder car il va me falloir la gravir demain. Et pourquoi le cacher, j'appréhende déjà car la forêt constituera l'essentiel de cette étape. J'ai mis 30 minutes pour arriver au Fort Lagarde au lieu des 40 qu'annonçait le dernier panneau indicatif. Je prends des photos du fort et de la ville dont le clocher carré qui domine l'église Sainte-Juste et Sainte-Ruffine perfore le panorama. Mais ce ne sont que de simples clichés, juste des souvenirs. Il est 20 heures 15 quand j'entre dans la cité. Voilà 12 heures que je suis sur les chemins. Pour combien de kilomètres parcourus ? Je suis incapable de le dire ! Alors faut-il que je l'avoue, sur la fin, la vigueur m'a manqué pour apprécier tout ce patrimoine historique à sa juste valeur ! Cette étape qui était la plus  courte est en fin de compte devenue la plus difficile depuis mon départ. 

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13 heures sur les chemins, quand j'entre dans Prats-de-Mollo, je suis fatigué et meurtri par cette très longue journée de marche éprouvante et mémorable. C'est au pas de course que j'ai traversé le fort Lagarde construit par Vauban. Je n'en ai pris simplement que quelques photos sans aucune conviction mais pour le simple plaisir de les inscrire dans mon souvenir et surtout pour le réel bonheur d'avoir retrouvé mon appareil photo dans la forêt du Miracle. Cette forêt porte-t-elle bien son nom ? Moi, en tout cas, je reste indécis entre la galère que j'ai vécue pendant 4 heures et le fait d'en être sorti à peu près indemne et pour terminer avec mon appareil photo dans la poche ! Un rescapé lui aussi !

Alors, ce qui m'importe maintenant, c'est de me retrouver au plus vite à l'hôtel. Aussi quand j'arrive sur la place du Foirail, je m'empresse de demander à une dame la direction de l'hôtel Ausseil et gentiment elle m'indique du doigt une grande porte fortifiée au milieu des remparts et me précise que l'hôtel est situé juste une rue après. Je passe sous le porche, arrive sur une autre place et comme je me souviens du nom de cette place " Josep de la Trinxeria ", je sais que l'hôtel est là. Mais la place est bondée de touristes et occupée par les deux restaurants qui y ont largement installés leurs tables et leurs chaises. La place Josep de la Trinxeria est en réalité une immense terrasse pour les deux restaurants mitoyens et quand je demande l'hôtel Ausseil à un garçon de table, il me réponds simplement : vous y êtes ! Au milieu des tables et devant des clients certainement interloqués par mon " look " de randonneur anéanti, je tente en vain de m'expliquer dans un brouhaha inextricable. On ne s'entend pas ici me dit-il. Suivez-moi ! La salle intérieure du restaurant est vide et je peux enfin m'exprimer :

- Je suis Monsieur Jullien, j'ai réservé une chambre. Montrez-la moi que je puisse au plus vite prendre une douche.

- Oui, je crois que vous en avez besoin, me réponds-il avec un petit sourire narquois et en me tendant une clé et en rajoutant : c'est la chambre 7 au deuxième étage.

- Puis-je manger après ? lui dis-je.

- Oui, mais ça ne sera peut-être pas en terrasse car tout est plein me réponds-il.

- Peu m'importe !

Malgré les escaliers qu'il me faut encore escalader, je m'empresse de monter dans la chambre. Avant toute chose, je me déshabille et me jette sous une douche chaude. J'ai bien essayé d'abord l'eau froide mais ce fut un supplice insupportable. Je n'ai pas insisté car à nouveau les brûlures se sont réveillées de manière presque insoutenable. J'ai appelé Dany pour la rassurer et l'embrasser mais sans trop m'étendre sur tous les déboires que j'avais endurés au court de cette mémorable journée. Les hauteurs du Vallespir ont été sacrément âpres aujourd'hui. Encore plus âpres que je ne l'avais imaginé ! C'est sûr maintenant, le titre de mon aventure " Sur les hauteurs d'une vallée âpre " ne sera pas galvaudé.

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Une ruelle à Prats-de-Mollo et le clocher de l'église Saintes Juste et Ruffine.

ÂPRE EST CE VALLESPIR…… 

 

Âpre est ce Vallespir que je veux cheminer.

Dure est la Tour de Mir quand il faut y grimper.

Je ne fais que grandir sur ces crêtes boisées,

Les sources ont à jaillir pour combler les fossés.

 

Âpre est ce Vallespir que je veux affronter.

Dur est le déplaisir lorsque l'on veut marcher.

Et si mes pas délirent, rien ne peut m'arrêter,

Sauf les pins, ces martyrs que le vent a couché.

 

Âpre est ce Vallespir, je veux le proclamer.

Dur mon sang à tarir, je ne suis que touché.

Et ce pourpre élixir, il ne fait que couler,

Mon corps prêt à bondir sur les chemins dallés.

 

Âpre est ce Vallespir que j'ai pourtant aimé.

Dures ces lloses, ces porphyres où j'ai pourtant chuté.

Et si ma tête chavire, je n'vais pas m'écrouler,

Sur ces frêles sentiers, dans ces prés parfumés.

 

Âpre est ce Vallespir où il faut s'arrêter.

Dur est le point de mire où il faut arriver.

Et si mon cœur soupire alors qu'il est blessé,

Mon amour viens vers moi , toi seul peut l'apaiser.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le lendemain matin, la Tour de Mir me nargue de ces 1.540 mètres d'altitude. Elle se trouve sur le tracé du Tour du Vallespir. Vais-je l'affronter ?

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la forêt ravagée par la tempête Klaus pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo 15 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.3eme étape : Mercredi 19 août 2009.

Saint-Guillem (1.287 m)-Prats-de-Mollo (753 m) 15 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

Nous nous aventurâmes jusqu'au village de Prats-de-Mollo. J'avoue que je préférai les bocages de la plaine à ces grandes montagnes couvertes de chênes verts et qui semblent plus faites pour abriter des bandits, que pour assurer le couvert à des honnêtes gens. Extrait de l'essai " Voyage en France en 1787, 1788, 1789 ". Arthur Young (1741-1820) agriculteur, agronome et écrivain britannique.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.LA FAUTE A KLAUS :

Malgré cette anxiété que j'ai eu hier soir, j'ai fini par m'assoupir. Quand j'y repense, je constate que c'était plutôt une appréhension momentanée qu'une vraie obsession. Puis vers minuit, j'ai été réveillé par un bruit. C'était comme le bruit d'un grattement. Mais une fois éveillé, je me suis aperçu qu'un autre bruit venait du volet d'un petit vasistas qui était resté ouvert et qui grinçait sous une légère brise nocturne. A la faible clarté de ma lampe frontale, je n'ai rien observé qui correspondait au grattement qui m'avait réveillé. Par contre, le rayon plus large que ma lampe projetait contre le mur du refuge me fit remarquer qu'il manquait une grosse pierre à 15 centimètres de ma paillasse. Au fond de ce trou ainsi constitué, il y avait un nid de souris fait d'une bourre blanche, de poils et de fibres diverses. Mais de souris, il n'y en avait point ! Est-ce elle qui grattait avant que je ne me réveille ? Avait-elle eu le temps de décamper avant que je n'éclaire la lampe ? Pour ne plus être embêté par ce grincement lugubre et ces grattements désagréables, je pris les sages résolutions de fermer le vasistas et de déménager ma litière à l'autre bout du bat-flanc. Puis, j'ai profité de ce réveil fortuit pour partir uriner dehors. Le ciel tout entier était étoilé et une belle voie lactée blanchissait le firmament au dessus de la chapelle de l'ermitage. La nuit était douce et quasi silencieuse. Seule une petite brise, frissonnant les feuilles, tentait sans succès de rompre cette quiétude. Comme j'appréciais pleinement l'instant présent, cette sérénité, cette paix secrète et intime, loin du monde bruyant et trop insociable que j'avais quitté, je suis resté de longues minutes sur le pas de la porte, les yeux levés vers le ciel et l'ermitage qui se découpait, à écouter ce silence avant de partir me recoucher. Une fois encore, cette nuit-là fut bénéfique et, à mon grand étonnement, je n'ai ressenti à mon réveil aucune contracture musculaire, ni aucune douleur, malgré les deux longues étapes déjà accomplies et la rusticité du couchage qui ne m'avait pas empêché de dormir profondément.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

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Quand je quitte Saint-Guillem, vers le sud, le jour est déjà levé mais le hameau est encore dans la pénombre. Ici les panneaux sont on ne peut plus clairs mais mal placés et je vais me tromper avant de me raviser et de reprendre le bon chemin.

Il est 7 heures. Vers le sud, le jour est déjà levé mais Saint-Guillem de Combret, blotti au fond du vallon de Coumelade, est encore dans une obscure nébulosité. Bloqués par les hauts monts environnants, les rayons du soleil mettront encore plus d'une heure avant d'éclairer complètement le minuscule hameau. Je déjeune de deux gâteaux de riz vite expédiés et d'une grande gorgée d'eau et range tranquillement mes affaires et mon sac à dos en prêtant attention à ne rien oublier dans le refuge. Il est 8 heures quand je démarre avec ma trousse de toilettes, mon gant et ma serviette à la main. Je sais qu'il y a dans le hameau, non loin d'ici, une auge ou plutôt un vieux lavoir dans lequel, par un tuyau de PVC, s'écoule une eau de source cristalline. J'ai bien l'intention de me raser et de faire un brin de toilettes car j'ai la désagréable sensation de me sentir sale et poussiéreux. Je mets un quart d'heure pour me laver et tenter de parfaire ma présentation. Mais j'ai le sentiment que l'eau glacée a eu un seul effet non négligeable sur mon organisme, celui de lui assener un " claquant " coup de fouet qui me permet de démarrer cette étape dans d'excellentes conditions. Je profite pour remplir mes deux gourdes et mon camelback d'une eau fraîche et renouvelée.

La large piste s'élève rapidement au dessus de l'ermitage. Sur ma droite, là même où hier après-midi j'ai galéré, la tempête Klaus a laissé un immense chantier de désolation dans cette forêt qui était pourtant magnifique. Par contre, en face de moi, les flancs du Puig dels Sarraïs (1.830 m) et du col de Serre-Vernet (1.808m) que je dois cheminer semblent moins meurtris. Il y a bien deci delà, quelques cicatrices, quelques sillons d'immenses résineux couchés, mais rien de bien inquiétant, en tous cas vu d'ici.

Quelques minutes plus tard, et alors que je m'apprête à poursuivre la piste, je remarque inopinément sur ma droite un panonceau qui semble m'indiquer Prats-de-Mollo et le col de Serre-Vernet par un autre chemin qui s'enfonce dans la forêt. Et je commets là une nouvelle erreur en ne sortant pas immédiatement mon GPS. Quand je le sors, c'est bien trop tard, car mon GPS ne capte plus aucun satellite masqué qu'il est au fond de ce sous-bois touffu. Deuxième erreur, je ne sors pas ma carte non plus, tranquillisé, il est vrai, par ce rassurant panneau. Et quand je sors ma carte, c'est encore beaucoup trop tard car j'ai marché ainsi une " bonne " demi-heure jusqu'à m'inquiéter de ne plus rencontrer le balisage jaune et rouge qui était pourtant bien visible jusqu'à présent. Au regard de la carte, je me rends à l'évidence, je me suis trompé, une fois de plus. Quitte à avoir perdu une heure, je décide de faire demi-tour car ce chemin qui zigzague toujours en forêt sans aucun balisage apparent me trouble et ne m'amènera nulle part et en tous cas pas où je dois aller.

Quand je retrouve la piste et le panonceau, selon moi, très mal placé à cet endroit, j'ai effectivement perdu une heure. Je m'avance sur la piste et quelques dizaines de mètres plus loin, j'aperçois effectivement les marques de peinture jaune et rouge propres au GRP du Vallespir. Je poursuis la piste et enjambe le fougueux torrent de Coumelade par un large pont bétonné. Peu après, la piste se sépare en deux, mais le balisage est ici parfait et m'oriente vers la droite. Plutôt plane au début, maintenant la piste monte allégrement, effectue deux larges courbes, avant d'atteindre le col Baxo à 1.473 mètres. Au fond de ce petit col herbeux, un nouveau panneau sollicite un départ à gauche. Ici une minuscule sente, encadrée d'une clôture, est barrée d'un petit portail qui est là pour empêcher les bovins de passer mais pas les randonneurs. Sans trop m'en apercevoir, et malgré l'heure perdue, j'ai déjà fait 190 mètres de dénivelé sur les 521 que je dois accomplir pour atteindre les 1.808 mètres du Col de Serre-Vernet. C'est bien sûr encourageant, mais j'évite de trop penser aux 331 mètres restant sur les trois kilomètres d'ascension qui doivent m'amener au pinacle de ce tour du Vallespir.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

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J'ai quitté Saint-Guillem par un chemin qui enjambe la rivière Coumelade. Parfaitement balisé, il s'élève rapidement par le col Baxo, file à travers des bois touffus où coulent quelques petits ruisseaux. Mais parfois le chemin se transforme en balcon et j'ai le bonheur d'être en surplomb de superbes paysages. Saint-Guillem est déjà très loin.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Ce chemin parfois en balcon me laisse entrevoir Saint-Guillem que j'ai quitté ce matin. On aperçoit les bois saccagés par la tempête Klaus. Celui au dessus du hameau où j'ai galéré hier lors de mon arrivée et celui en dessous du refuge où se trouve un bel arboretum avec notamment quelques séquioas.

 Malgré le dénivelé, le petit chemin est changeant et agréable. Cheminant le plus souvent en sous-bois et recouvert d'un épais tapis de feuilles mortes, il coupe quelques ruisseaux, affluents de la Coumelade et monte rectiligne offrant quelquefois de magnifiques vues vers le sud mais surtout sur Saint-Guillem et tout le Bassin de Coumelade. Puis soudain, il bifurque dans le sens opposé en direction du Col de Serre-Vernet dans un bois de petits pins chétifs. Il n'est pas tout à fait midi quand j'arrive au col, point culminant de ce périple avec ses 1.808 mètres

Vaste pré herbeux entouré de pins et de sapins, il semble être le paradis pour nombre de génisses et de vaches blanches indolentes. La plupart sont affalées sur la verte prairie et même mon passage laisse indifférent tous ces bovins, qui repus, ne tournent même pas la tête quand je m'approche d'eux. Ici, les panoramas à 360° sont splendides de tous côtés. De nombreux hauts sommets et de nouveaux pics apparaissent, de nombreuses crêtes composent l'horizon : la Crête des Sept Hommes (2.651m), le Pla Guillem (2.301m), les Roques Blanches (2.252m), les Esquerdes de Rotja (2.316m), le Roc Colom (2.507m) et le Pic de Costabonne (2.465m) pour ne citer que les crêtes les plus connues et les plus attractives. Mais il y aussi de profonds ravins et surtout cette immense et épaisse forêt domaniale qui n'en finit plus de s'étendre sur ce magnifique Haut-Vallespir. Ici, il y a aussi un panneau, mais il ne sert plus à rien car il gît à terre et n'indique plus aucune direction. Je le redresse et essaie en vain de retrouver son emplacement originel. De dépit, je le pose contre un petit pin dans la position qui me semble la plus appropriée avec St Guillem dans la direction d'où je viens. A l'aide d'un bout de ficelle que j'ai trouvé sur la pelouse, j'ai beau l'attacher avec bons sens à une branche du pin, je ne suis guère plus avancé quand à la direction à prendre pour me rendre à Prats-de-Mollo.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

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J'arrive au col de Serre Vernet. A 1.808 mètres, c'est le point culminant de mon périple. Les paysages sur le très Haut-Vallespir sont superbes de tous côtés. Ce col est aussi le paradis de vaches et des génisses. Le panonceau indicatif gît à terre, je le redresse et l'attache à un pin mais je ne suis pas plus avançé quant à la direction à prendre pour aller à Prats. Heureusement j'ai mon GPS !

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J'effraie un petit veau puis je m'arrête pour déjeuner dans cet éboulis qui descend très raide du Puig dels Sarraïs vers la vallée de la Parcigoule. Je ne peux trouver plus beau spectacle ! Mais la descente est loin d'être finie, je dois encore atteindre deux cols, celui de la Collade d'En Mandoulé et le col de Coumeille, petit pré verdâtre que j'aperçois tout en bas.

Mais heureusement, ma carte IGN est là et mon GPS aussi et à force d'avancer dans différentes directions vers le sud, je finis par trouver le bon itinéraire qui file sur le pré puis contourne quelques rochers. Il est midi et j'ai faim, mais comme la suite de l'étape est essentiellement faite de descentes, je prends la décision de continuer un peu pour m'offrir comme hors d'oeuvre un splendide panorama dégagé. Cette sente allie pelouses, petits bois de pins et de feuillus mais aussi rocailles et rochers plus ou moins gros. Mais il y aussi de nombreux et bas genévriers derrière lesquels quelques veaux ruminent leur fourrage. L'un d'entre eux peut se vanter de m'avoir fait une belle frayeur et tressaillir quand il a débouché devant moi alors que je marchai dans un silence de cathédrale. Mais je suppose que lui aussi, il a du avoir une peur " bleue " ! En contournant maintenant le rocailleux Puig dels Sarraïs, le chemin n'est désormais plus qu'amoncellement de blocs déchiquetés et gros pierriers escarpés. Je redouble de vigilance pour éviter toute chute qui, ici, serait catastrophique pour de pas dire fatale. Il est temps que je m'arrête pour déjeuner car je ne trouverai pas meilleur belvédère que ces éboulis, bien exposés au soleil, qui descendent raides vers le vallon de la Parcigoule. Il n'y a plus aucun obstacle devant moi et je déguste à la fois ma salade et ce magnifique spectacle. Assis sur une grosse pierre plate bien chaude et adossé à une autre, j'ai trouvé, dans de ce fauteuil improvisé mais un peu dur il est vrai, une terrasse peu confortable pour mes fesses mais idéale pour mes yeux.

D'ici, je jouis d'un panorama exceptionnel sur le Bassin de la Parcigoule mais aussi sur une immense partie de ce Haut-Vallespir que je suis venu découvrir. C'est d'ailleurs en mangeant dans ce gros pierrier que j'ai imaginé le titre de mon voyage et de ce récit : " Sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

Après trois jours de marche, et à cet instant précis, il me semblait qu'aucun autre endroit traversé ne méritait plus ce terme de " âpre " que cet immense magma rocheux. Dans cet éboulis, les aspérités ne manquent pas et l'âpreté, je la touche à chaque instant. Le déroulement imminent de ce Tour du Vallespir me montra malheureusement et très vite que je n'avais pas encore tout connu de cette légendaire âpreté. Quand je repars, la sente, où du moins ce que j'en devine grâce à un balisage abondant et précis, se complique sacrément en étant toujours très rocheuse mais en devenant encore plus abrupte. Pour éviter toute chute, je m'applique à poser mes pieds sur des pierres stables et quand les marches sont trop hautes à descendre, je m'aide autant de mes mains que de mes pieds.

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J'en ai fini avec la longue descente le long du flanc pierreux du Puig dels Sarraïs. Au col de Coumeille, une étrange croix gravée dans la pierre et le pic de Granarols que le chemin contourne au milieu d'une jolie pelouse jonchée de carlines blanches pour se diriger vers un autre puig , celui des Lloses. Ce puig, je vais m'en souvenir très longtemps !

Après un premier petit col herbeux, la Collade d'En Mandoulé sur la carte, la descente abrupte continue mais la sente moins rocailleuse mais plus terreuse devient plus facile jusqu'au Col de Coumeille (1.566m). Ce collet, petite prairie vert clair, encadrée par le Puig dels Sarraïs et le Pic de Granarols (1.690m) je l'ai entrevu dès le début de la descente du col de Serre-Vernet et depuis je languis de l'atteindre tant mon appréhension d'une mauvaise chute dans ce champ de pierres est ancrée dans ma tête. Aussi, je suis si soulagé en l'atteignant que la première chose est de déposer mon sac à dos et de m'allonger les bras en croix sur ce vert herbage. Mais, à cet endroit, je ne suis pas le seul à avoir fait une croix, un autre chemineau a cru utile d'en graver une dans la pierre, moins éphémère que la mienne. Au regard de son usure générale, des vieilles mousses et de l'érosion de petits conglomérats dans son cadre, cette croix me paraît très ancienne. Depuis quand était-elle là ? Je ne suis pas un spécialiste ni de l'archéologie ni de la géologie mais pour l'avoir lu, je sais que le Vallespir a été occupé bien avant le néolithique, époque où l'homme a vraiment commencé à maîtriser le polissage et la sculpture de la pierre. Alors cette croix, est-ce vraiment une croix ancienne ou une cupule comme celles que les hommes préhistoriques ont laissés gravés un peu partout dans le département ? Quelle âge a-t-elle cette gravure ? 5000 ans, 8000 ans, 10000 ans ? Est-elle plus récente et liée au christianisme ? Ou bien a-t-elle été sculpté par un preux et inventif chevalier en partance pour une croisade ? Comme toujours en pareil cas, j'en prends une photo avec l'idée de l'exposer dans mon futur récit à la fois pour l'agrémenter mais aussi avec le secret espoir que cette photo pourra être vue par de vrais spécialistes qui pourront ainsi et sans doute répondre à nombre de mes interrogations.

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L'étrange croix photographiée au col de Coumeille. Je suis preneur, si quelqu'un a des réponses aux questions que je me pose au sujet de cette croix ?

Au col de Coumeille, le chemin contourne le Pic de Granarols pour arriver au Puig des Lloses (1.413m). Ici, le sentier tout en pente douce et très praticable est un réel plaisir. Atteindre ce nouvel objectif n'est cette fois qu'une simple formalité. Il est 14 heures tapantes quand j'arrive au Puig des Lloses. Les panneaux directionnels y sont au nombre de trois : " 1- Le Tour du Vallespir vers Saint-Guillem, à savoir l'itinéraire que je viens de parcourir, 2-Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles, col situé à 30 minutes et bien sûr, 3 Prats-de-Mollo par le GRP Tour du Vallespir que je dois suivre pour respecter le tracé de mon GPS et celui de topo-guide de Georges Véron. Le Puig des Lloses ressemble plutôt à un petit collet avec un replat d'où l'on a une vue plongeante sur Prats-de-Mollo. Ici, je retrouve une flore que j'avais perdue de vue depuis le col de Formentere, faite de sorbiers des oiseleurs, de maigres genêts, de rachitiques genévriers et toujours ces bas massifs de bruyères roses que je côtoie depuis mon départ. Mais une chose me surprend sans trop m'inquiéter sur l'instant, ce sont ces petits amoncellements de branchages cassés dont on voit très bien qu'ils ont été laissés là en l'état depuis la tempête Klaus. Quand à Prats-de-Mollo, d'ici, la cité n'est visible que parce qu'une multitude de grands sapins ont été étêtés ou fracassés sur un vaste périmètre. Mais quand je poursuis la sente du Tour du Vallespir en direction du Col du Miracle, je ne suis pas vraiment inquiet. Il y a bien, dés le départ, un pin en travers du sentier mais je l'enjambe très facilement. 50 mètres plus loin, il y en a deux autres mais ceux-là je ne peux pas les enjamber et suis obligé de les contourner, assez facilement il est vrai. Puis, les pins et les sapins renversés en travers se succèdent. J'enjambe, contourne, passe parfois en dessous et quand je ne peux pas, par dessus. Je commence vraiment à galérer et mes membres sont déjà bien égratignés. Mais en y prêtant attention, je remarque que je ne suis pas le seul à être passer par là. Je vois parfaitement que les bas-côtés du sentier ont été piétinés car la terre est meuble aux endroits où un contournement était la seule alternative. Randonneurs, chasseurs, animaux ? Puis, d'un coup plus rien, plus d'arbres couchés sur plusieurs centaines de mètres. J'arrive au ravin du Pas des Vaques qui n'est ici qu'un petit ru où coule un mince filet d'eau sur un fond boueux. Avec un mouchoir en papier que je mouille au préalable, j'éponge toutes mes égratignures. Je traverse le ruisseau sans problème et poursuis mon chemin dans un sombre sous-bois, ce qui me convient très bien, car ça signifie que tous les arbres sont encore debout. Mais ça ne dure malheureusement pas et là, un peu plus loin, ça se complique car il n'y a pas de réel passage, et en tous cas aucune trace d'un franchissement antérieur. Quand je le peux, j'enjambe, mais quand les troncs sont trop hauts, je tente de passer dessous, mais parfois en vain car le problème avec les sapins, c'est qu'ils sont parfois partiellement déracinés et ont encore toutes leurs épaisses ramures. Et quand ils n'ont plus leurs ramilles, c'est encore pire car leurs branches sèches sont autant de poignards qu'il me faut éviter. Alors, je contourne, je descends, je monte tout en essayant de ne pas trop m'éloigner du chemin. Souvent, je suis contraint d'ôter mon sac à dos, qui, dans ce dédale, est un terrible handicap. Ouf ! J'ai réussi à franchir ce nouvel obstacle mais voilà que 150 mètres plus loin, il en apparaît une autre, aussi difficile que le précédent sinon plus.

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Au Puig des Lloses, les panonceaux sont nombreux et j'aperçois Prats-de-Mollo tout en bas, pourtant je vais me fourvoyer pendant plus de quatre heures dans cette forêt du Miracle ravagée par la terrible tempête Klaus. En vain. De cette forêt, je vais en ressortir meurtri, égratigné, ensanglanté et surtout brûlé des épaules aux chevilles pour être tombé dans de hautes orties ! De surcroît, je vais perdre mon appareil-photo, ce qui va m'obliger à retourner dans ce fatras pour le retrouver. 

Je suis fatigué et sanguinolent mais dans ma tête, je me dis que si j'en ai passé un, je peux en franchir d'autres. Je me dis aussi que les forestiers du coin doivent bien être conscients que le Tour du Vallespir est barré par tous ces arbres abattus et je suppose qu'ils ont commencé à déboiser en partant de Prats-de-Mollo et en remontant le sentier. Ce n'est pas possible, ce traquenard va bien finir par s'arrêter ! Je passe plus facilement ce nouveau barrage et arrive à un endroit où le sentier fait un angle droit près d'un piton rocheux en surplomb de Prats-de-Mollo. Ici, je prends conscience des dégâts considérables que la tempête Klaus a provoqué dans ce secteur mais j'arrive néanmoins à parcourir encore 500 mètres sans trop de difficultés avant de tomber sur une autre empreinte d'une forêt complètement ravagée. J'enjambe, je contourne, remonte et redescend sans trop me préoccuper du chemin qui a définitivement disparu dans cet amas incommensurable d'arbres brisés, de troncs fracassés, de branches amoncelées et de branchages empilés. Dans ma tête, j'espère surtout que ce nouveau sillon dévasté ne sera pas trop large et qu'une nouvelle fois, je pourrai le franchir. Par moment, j'arrive dans des impasses. Il m'est impossible de contourner, de passer dessous et malgré la hauteur où se trouvent les troncs, souvent à plus d'un mètre du sol, la seule solution reste de les enjamber. Je n'en suis pas à ma première enjambée mais cette fois, le tronc est-il un peu plus haut où est-ce la fatigue, toujours est-il, que droit sur le rondin, je me sens partir en arrière entraîné par le poids de mon sac. Un coup de reins pour me rétablir, mais ce coup de reins est bien trop puissant et voilà que je pars en avant ! J'ai beau mouliner l'espace avec mes bras pour tenter de tenir en équilibre mais c'est trop tard, mes mains ne rencontrent que le vide et en tous cas, rien où s'accrocher. Je pars en avant, je vais tomber et me rompre le cou dans ce monstrueux chaos, mais une dernière inspiration me donne l'intuition et le sursaut que plutôt que de tomber n'importe où et n'importe comment, il faut mieux que je me jette à un endroit choisi. Voilà, j'ai réussi, si je puis dire ! Je me retrouve planté au milieu d'un gros massif de ronces et de hautes orties. Mon genou gauche a malgré tout cogné fortement une grosse branche et je saigne abondamment. Mais ce n'est pas ça le plus douloureux, mais toutes ces petites brûlures d'orties qui, peu à peu, en partant des chevilles, semblent monter tout le long de mon corps, enflammant surtout mes jambes mais également mes bras. J'ai l'impression de flamber debout et malgré la douleur, je reste planté là au milieu de cette désolation, de ce néant. Je suis tout à coup comme tétanisé par l'angoisse. Mais je perçois que cette angoisse est arrivée de manière soudaine car jusqu'à présent, j'étais trop occupé à m'en sortir. Une fraction de quelques secondes, il me vient à l'esprit de sortir mon portable et d'appeler des secours. Mais en me retournant, et malgré cette complète désolation, je constate que ce n'est pas le néant absolu : à vol d'oiseau, je ne suis pas très loin d'une piste blanche et sableuse que je distingue en contrebas à quatre ou cinq cent mètres. Je discerne des voitures qui y circulent et aussi un mas. Et même si à cet instant précis, je voudrais être un oiseau, je n'en suis pas un ! Je me suis foutu tout seul dans cette " mouise " et il faut que j'en sorte tout seul aussi ! Mais faire cinq cent mètres dans cette dévastation, je sais à l'avance que c'est une impossible gageure.

La faute à Klaus Schümann

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je suis tombé par terre c'est la faute à Voltaire.

Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes exactement, j'ai hurlé :

Je suis tombé sur un os, c'est bien la faute à Klaus.

Le nez dans les gentianes, c'est la faute à Schümann.

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je ne suis pas notaire, c'est la faute à Voltaire.

Je suis petit oiseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes, j'ai crié :

J'ai chuté sur les lloses, c'est bien la faute à Klaus

J'ai brisé mes organes, c'est la faute à Schümann

 

Je voudrais faire un saut et atterrir à Prats-de-Mollo,

Je ne suis pas petit oiseau, c'est la faute à mon père !

Alors il me faut être costaud et que j'ai un sursaut !

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Le 24 janvier 2009, la tempête Klaus a provoqué de considérables dégâts dans le Haut-Vallespir. En août, les plaies sont loin d'être toutes cicatrisées.

C'est donc décidé, je vais rebrousser chemin jusqu'au Puig des Lloses et descendre à Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles. La première chose à faire, c'est retrouver le sentier mais où peut-il bien être dans ce " labyrinthe " végétal trop urticant à mon goût. Seul mon GPS peut me le dire et il faut d'abord que je sorte de ce roncier qui m'enveloppe comme une toile d'araignée. D'ailleurs des araignées, il y en a pas mal ici et comme elles n'apprécient pas trop mon intrusion dans leur domaine réservé, elles me piquent elles aussi. Mais bon, je n'en suis plus à une piqûre près ! Seule solution, sortir par là où je suis arrivé, c'est-à-dire par le haut. Cette fois, j'ôte mon sac à dos, dont je vérifie au préalable toutes les fermetures et je l'envoie valdinguer par-dessus le tronc dont je viens de choir. Je me hisse sur le tronc et me mets carrément à cheval sur lui. Un point GPS me situe à une cinquantaine de mètres du chemin qui est vers le nord et pour moi vers le haut. Je récupère mon sac et poursuit ainsi mes divagations. Je jette mon sac, me hisse à nouveau, le récupère et ainsi de suite. Parfois, je jette mon sac un peu plus loin car j'arrive à jouer les équilibristes sur plusieurs troncs couchés de concert et ma progression s'accélère. Je vais mettre un gros quart d'heures pour retrouver le sentier et encore plus d'une heure pour rejoindre le Puig des Lloses. Quand je regarde ma montre, j'ai du mal à le croire : il est déjà 17 heures et voilà trois heures que je me fourvoie dans cette forêt du Miracle, la mal nommée. Il faut absolument que j'appelle l'hôtelier pour le prévenir que j'aurai du retard. De ce côté-là au moins je serais tranquille et quand je l'ai au bout du fil, effectivement il me rassure. J'ai réservé, j'ai payé et la chambre à l'hôtel Ausseil m'est complètement allouée quoi qu'il m'arrive. Mais s'il savait ce brave homme ce qu'il vient de m'arriver ! Mais n'en parlons plus, j'en suis sorti, même si c'est fourbu, écorché, entaillé, égratigné, brûlé et ensanglanté de la tête aux chevilles. Maintenant, le sentier qui descend vers le Col de Cavanelles au milieu des genêts et des hautes fougères est plutôt agréable et les panoramas sont suffisamment beaux pour que je me remette à prendre des photos. Mais où est mon appareil ? Il n'est pas dans une de mes poches et je ne me souviens pas l'avoir rangé dans mon sac ! Non, il était dans sa housse accrochée à ma ceinture et à ma ceinture, je n'ai plus rien désormais ! Le bouton-pression a dû s'ouvrir et je l'ai perdu ! Je suis désespéré car perdre mon appareil photo c'est comme si j'avais perdu la mémoire de ces trois premiers jours depuis Amélie-les-Bains. Pour moi, c'est inimaginable et il faut que je le retrouve. Sans trop réfléchir, je sors ma dernière gourde d'eau de mon sac à dos et je jette ce dernier dans les hauts genêts en m'assurant qu'on ne le voit pas depuis le chemin. Deux petites branches en forme de croix que je place au bord du sentier pour retrouver cet endroit et me voilà entrain de remonter le sentier, presque en courant, vers cet " enfer vert " où j'ai sans aucun doute perdu mon appareil. Où se trouvera-t-il ? Loin, près ? L'ai-je perdu quand je suis tombé de ce tronc plus haut que les autres ? S'est-il décroché dans le roncier ? Ou bien sous un tronc que j'ai franchi comme un tunnel ? Voilà les questions et bien d'autres qui grouillent dans ma tête alors que je me jette dans cette " impossible " quête. Vu l'heure et le temps que j'ai mis la première fois, il faut à la fois que je fasse vite mais sans pour autant négliger mes recherches. Ce serait idiot de passer à côté sans voir l'appareil par précipitation. L'absence du sac à dos m'aide considérablement mais au fond de moi, je sais que selon l'endroit où la housse est tombée de ma ceinture, c'est comme rechercher une minuscule aiguille dans une énorme botte de foin. Sans le sac mais avec une gourde à la main, je passe néanmoins tous les petits obstacles plus aisément, je traverse le ru du Pas des Vaques, je franchis le premier couloir de sapins anéantis avant que le sentier fasse un angle droit. Rien ! Il me reste encore un barrage à franchir avant ce virage et comme pour le précèdent, j'essaie de me souvenir par où je suis passé à l'aller mais aussi au retour. Et là, au moment où je me baisse pour passer sous les branches encore vertes d'un immense sapin déraciné, le miracle survient ! La petite housse avec mon numérique à l'intérieur est là au milieu du sentier sous la verte ramure. Ouf ! Ouf ! Ouf ! Je respire à pleins poumons. Quel soulagement. Je vérifie mon appareil que j'enfonce au plus profond de la poche de mon short et par sécurité supplémentaire, je referme celle-ci avec le Velcro consacré. Une fois encore, il ne me reste plus qu'à rebrousser chemin. Ce ne sera que la quatrième fois que j'emprunte cet itinéraire et si ça continue, je vais finir par en connaître le moindre recoin par coeur ! D'ailleurs, c'est le cas, car dans ma précipitation et alors que je me suis arrêté pour boire un coup, j'ai posé machinalement mon bob sur un rocher et je l'ai oublié. Mais je ne suis pas inquiet car je sais parfaitement où il se trouve.

Il est 18 heures quand je passe une nouvelle fois devant la panonceau " Puig des Lloses - 1.413 m - PR6B - Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles - 30 mn ".

A cet instant précis, je ne sais pas pourquoi, il me vient une abominable anxiété : Et si ce chemin, lui aussi, était impraticable, barré par une forêt saccagée ? Après tout, il n'y a pas d'autre chemin et le peu que j'en ai parcouru avant de retourner chercher mon appareil photo ne me laisse aucune certitude et ne me permet pas d'être rassuré. Après tout, Prats-de-Mollo que j'aperçois en bas est au moins à trois kilomètres à vol d'oiseau et il faut au bas mot compter au minimum le double par le chemin. Tout est encore possible ! Cette terrible angoisse, elle va soudain se transformer en une grosse boule au creux de mon estomac et elle va rester là, encore blotti pendant une heure et demie. Autant, j'ai été longtemps serein cet après-midi même au plus fort de mes élucubrations, autant maintenant je prends conscience que je peux ne pas arriver au bout de cette étape, en tous cas aujourd'hui. Mais je sais aussi que je n'ai pas le choix dans la direction à prendre et je continue. Je récupère mon sac. Les photos que j'avais voulu prendre tout à l'heure, je les prends maintenant. Mais j'avoue que je n'ai plus le cœur à ça ! J'ai toujours cette appréhension et ces questions qui fourmillent dans ma tête et je ne pense plus qu'à une chose : descendre, descendre, et descendre encore au plus vite vers Prats-de-Mollo. Comme prévu et sans problème, j'arrive au bout de 30 minutes à ce que je crois être le col de Cavanelles. A gauche, un grand champ en pente avec un large chemin qui le contourne, un autre chemin qui part droit devant moi et un autre qui part complètement à gauche. Je n'ai plus de tracé sur mon GPS et je ne vois plus le balisage jaune que j'ai entr'aperçu dans la descente. Je suis contraint de stopper pour regarder ma carte IGN. J'en profite pour manger et absorber un peu d'énergisant car je suis exténué. Le chemin qui part droit devant moi n'existe pas sur la carte. Ça m'étonne mais je l'oublie. Celui qui part à droite se termine dans un cul de sac. Je l'oublie aussi. Reste celui qui part à gauche et qui semble être le bon à la lecture de la carte. Je redémarre, c'est bon, j'aperçois un coup de peinture jaune sur le piquet d'une clôture. Je contourne ce lopin de terre que je voyais d'en haut. Le chemin continue de tourner, puis à mon étonnement, il se remet à nouveau à monter. Je suis éreinté et je n'en crois pas yeux quand je retrouve le petit pin sous lequel je viens de manger, il y a un instant. Je n'ai fait que tourner en rond autour de cette parcelle en friches. Mon téléphone sonne. C'est Dany. Elle demande de mes nouvelles. Je ne peux que lui dire bof ! Mais elle veut en savoir plus. Alors sans trop l'inquiéter, je lui raconte très brièvement mes mésaventures et lui explique que je ne suis plus sur le Tour du Vallespir, que je galère pour descendre sur Prats-de-Mollo et qu'il est primordial que je regarde très attentivement ma carte IGN. Je coupe en lui promettant de la rappeler dès que j'arrive à l'hôtel. Je redéploie ma carte et essaie de me situer par rapport au paysage que j'ai en face de moi. Je comprends que je ne suis pas au Col de Cavanelles mais près d'un endroit qui sur la carte s'appelle " La Segnora ". Il y a légèrement sur ma gauche le Puig Fabre (1.147 m), petit monticule débonnaire qui me rappelle étrangement ces petits volcans arrondis que l'on rencontre en Auvergne dans la chaîne des Puys.

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.OSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Avec une chance inouie, j'ai retrouvé mon appareil-photo, le plus gros de ma galère est terminé, mais je descends très anxieux vers Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles car je ne suis pas certain du chemin. Finalement, de ce col, j'aperçois le bourg et un chemin désormais très praticable y descend. Ma grosse boule au creux de l'estomac disparaît.

C'est par là qu'il me faut aller, car le chemin passe au pied de ce Puig, et là je comprends qu'en bas du champ en friches, il me faut partir complètement à gauche par une piste qui est parfaitement indiquée sur la carte. Je redescends, contourne à nouveau le petit lopin de terre jusqu'à un portail que je n'avais pas aperçu la première fois. Il y a bien une trace jaune sur ce portail et une piste qui démarre derrière. Je l'emprunte. Un peu plus loin, il y a un raccourci toujours balisé en jaune qui part à droite dans de hauts genêts, mais je le néglige car même si mon itinéraire est plus long, la piste me semble très empruntée par des véhicules, car il y a de nombreuses empreintes de pneus sur le sable. Et surtout, je sais que cette piste va me mener là où je veux. J'ai trop erré aujourd'hui pour prendre le moindre risque de me retrouver une nouvelle fois face à des arbres morts et couchés. Toujours cette boule à l'estomac ! La piste fait maintenant une grande boucle et descend j'en suis certain vers le Col de Cavanelles. Dans cette descente, j'ai le bonheur de tomber sur une baignoire qui sert d'abreuvoir aux animaux et de mare improvisée aux têtards. D'un gros tuyau en PVC, il y coule une eau fraîche et claire et je peux ainsi me rafraîchir et surtout nettoyer toutes ces plaies et égratignures d'où des écoulements de sang ont ruisselé mais ont séché depuis. Au fond de moi, je me dis que sans toutes ces traces d'hémoglobine sur la peau, je serais un peu plus présentable pour arriver à l'hôtel ! Mais si après ce nettoyage, j'ai retrouvé un peu de mon " prestige ", cette eau glacée a l'effet désastreux de réveiller toutes ces brûlures d'orties. Elles n'étaient pas tout à fait endormies mais elles sommeillaient et les douleurs s'étaient bien atténuées. D'ailleurs, quand je regarde mes bras et mes jambes, mais mes jambes surtout, elles sont recouvertes presque intégralement de petites boursouflures rouges. Je sais que dans ma pharmacie, je n'ai aucun médicament, aucune pommade, pour tempérer cet urticaire. Je repars et cinq minutes plus tard, j'arrive au Col de Cavanelles. Il est 19h15. Ici la piste continue mais un panonceau indique une sente qui part à droite : " Col de Cavanelles - 1.050 m- PR6- Prats-de-Mollo par le Fort Lagarde 40mn ". Je compulse à nouveau ma carte car je me méfie désormais de tous les raccourcis. Mais celui-là est bon quand je constate qu'il ne descend que dans un environnement rocheux. Je sais que c'est gagné et la boule au creux de mon estomac disparaît comme par enchantement.

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Du col de Cavanelles, je distingue la Tour de Mir, une autre difficulté de ce Tour du Vallespir, le Pic de Costabonne, le Roc Colom où le Tech prend sa source et le château Lagarde que je rejoins 40 minutes plus tard. Du château, j'ai une belle vue sur la vallée du Tech, sur Prats-de-Mollo et son riche patrimoine historique. 

Dans cette descente rocailleuse, je me remets à faire quelques photos : de Prats-de-Mollo bien sûr, la cité est encore loin mais je sais qu'elle se rapproche à chacun de mes pas, de la citadelle du Fort Lagarde construite par Vauban en surplomb de la ville et de la Tour de Mir juchée sur un piton rocheux au milieu d'une ténébreuse forêt qui me fait face. Cette tour, je la connais pour y être monter à de multiples reprises. Je la prends en photo, mais à vrai dire je ne veux pas trop la regarder car il va me falloir la gravir demain. Et pourquoi le cacher, j'appréhende déjà car la forêt constituera l'essentiel de cette étape. J'ai mis 30 minutes pour arriver au Fort Lagarde au lieu des 40 qu'annonçait le dernier panneau indicatif. Je prends des photos du fort et de la ville dont le clocher carré qui domine l'église Sainte-Juste et Sainte-Ruffine perfore le panorama. Mais ce ne sont que de simples clichés, juste des souvenirs. Il est 20 heures 15 quand j'entre dans la cité. Voilà 12 heures que je suis sur les chemins. Pour combien de kilomètres parcourus ? Je suis incapable de le dire ! Alors faut-il que je l'avoue, sur la fin, la vigueur m'a manqué pour apprécier tout ce patrimoine historique à sa juste valeur ! Cette étape qui était la plus  courte est en fin de compte devenue la plus difficile depuis mon départ. 

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13 heures sur les chemins, quand j'entre dans Prats-de-Mollo, je suis fatigué et meurtri par cette très longue journée de marche éprouvante et mémorable. C'est au pas de course que j'ai traversé le fort Lagarde construit par Vauban. Je n'en ai pris simplement que quelques photos sans aucune conviction mais pour le simple plaisir de les inscrire dans mon souvenir et surtout pour le réel bonheur d'avoir retrouvé mon appareil photo dans la forêt du Miracle. Cette forêt porte-t-elle bien son nom ? Moi, en tout cas, je reste indécis entre la galère que j'ai vécue pendant 4 heures et le fait d'en être sorti à peu près indemne et pour terminer avec mon appareil photo dans la poche ! Un rescapé lui aussi !

Alors, ce qui m'importe maintenant, c'est de me retrouver au plus vite à l'hôtel. Aussi quand j'arrive sur la place du Foirail, je m'empresse de demander à une dame la direction de l'hôtel Ausseil et gentiment elle m'indique du doigt une grande porte fortifiée au milieu des remparts et me précise que l'hôtel est situé juste une rue après. Je passe sous le porche, arrive sur une autre place et comme je me souviens du nom de cette place " Josep de la Trinxeria ", je sais que l'hôtel est là. Mais la place est bondée de touristes et occupée par les deux restaurants qui y ont largement installés leurs tables et leurs chaises. La place Josep de la Trinxeria est en réalité une immense terrasse pour les deux restaurants mitoyens et quand je demande l'hôtel Ausseil à un garçon de table, il me réponds simplement : vous y êtes ! Au milieu des tables et devant des clients certainement interloqués par mon " look " de randonneur anéanti, je tente en vain de m'expliquer dans un brouhaha inextricable. On ne s'entend pas ici me dit-il. Suivez-moi ! La salle intérieure du restaurant est vide et je peux enfin m'exprimer :

- Je suis Monsieur Jullien, j'ai réservé une chambre. Montrez-la moi que je puisse au plus vite prendre une douche.

- Oui, je crois que vous en avez besoin, me réponds-il avec un petit sourire narquois et en me tendant une clé et en rajoutant : c'est la chambre 7 au deuxième étage.

- Puis-je manger après ? lui dis-je.

- Oui, mais ça ne sera peut-être pas en terrasse car tout est plein me réponds-il.

- Peu m'importe !

Malgré les escaliers qu'il me faut encore escalader, je m'empresse de monter dans la chambre. Avant toute chose, je me déshabille et me jette sous une douche chaude. J'ai bien essayé d'abord l'eau froide mais ce fut un supplice insupportable. Je n'ai pas insisté car à nouveau les brûlures se sont réveillées de manière presque insoutenable. J'ai appelé Dany pour la rassurer et l'embrasser mais sans trop m'étendre sur tous les déboires que j'avais endurés au court de cette mémorable journée. Les hauteurs du Vallespir ont été sacrément âpres aujourd'hui. Encore plus âpres que je ne l'avais imaginé ! C'est sûr maintenant, le titre de mon aventure " Sur les hauteurs d'une vallée âpre " ne sera pas galvaudé.

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Une ruelle à Prats-de-Mollo et le clocher de l'église Saintes Juste et Ruffine.

ÂPRE EST CE VALLESPIR…… 

 

Âpre est ce Vallespir que je veux cheminer.

Dure est la Tour de Mir quand il faut y grimper.

Je ne fais que grandir sur ces crêtes boisées,

Les sources ont à jaillir pour combler les fossés.

 

Âpre est ce Vallespir que je veux affronter.

Dur est le déplaisir lorsque l'on veut marcher.

Et si mes pas délirent, rien ne peut m'arrêter,

Sauf les pins, ces martyrs que le vent a couché.

 

Âpre est ce Vallespir, je veux le proclamer.

Dur mon sang à tarir, je ne suis que touché.

Et ce pourpre élixir, il ne fait que couler,

Mon corps prêt à bondir sur les chemins dallés.

 

Âpre est ce Vallespir que j'ai pourtant aimé.

Dures ces lloses, ces porphyres où j'ai pourtant chuté.

Et si ma tête chavire, je n'vais pas m'écrouler,

Sur ces frêles sentiers, dans ces prés parfumés.

 

Âpre est ce Vallespir où il faut s'arrêter.

Dur est le point de mire où il faut arriver.

Et si mon cœur soupire alors qu'il est blessé,

Mon amour viens vers moi , toi seul peut l'apaiser.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le lendemain matin, la Tour de Mir me nargue de ces 1.540 mètres d'altitude. Elle se trouve sur le tracé du Tour du Vallespir. Vais-je l'affronter ?

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la forêt ravagée par la tempête Klaus pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms2eme étape : Mardi 18 août 2009.

Batère (1.460 m)-Saint-Guillem (1.287 m) 21 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

Ils franchirent le col, balayé de vents froids, trouvèrent l'ombre tiède des sentiers perdus sous les charmilles, bordés de fleurettes et de clairs ruisseaux, qui cheminent en palier ou en montées insensibles jusqu'au mamelon rocheux qui domine Sant-Guillem. Extrait du roman " Domenica ou la vallée âpre ". Marie Vallespir. Romancière française.

 

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kmsUN ECUREUIL JUSTE AU BOUT DE MON NEZ :

J'ai dû m'endormir vers minuit. Comme souvent, je me suis, au préalable, repassé la pellicule de cette première journée. En plus, dans ce magnifique film, j'avais l'image et la musique. Le refrain de " Mes jeunes années " venait sans cesse enjoliver cette étape pourtant très belle en elle-même. Mais ensuite, la nuit a quand même été très bonne car à ma grande surprise, hier soir, je me suis retrouvé tout seul dans cette immense salle. Tout le monde est parti rejoindre les lits gigognes du dortoir adjacent et aucun compagnon de chambrée n'est venu, par ses ronflements, perturber ma rêverie puis mon sommeil qui, ainsi, a été doux et récupérateur.

Décidemment, j'ai beau tenter de me convaincre d'arrêter de regarder ma montre, j'ai beau me dire que quand on veut flâner c'est idiot d'avoir toujours l'œil rivé sur le cadran, j'ai beau me dire que personne ne m'attends avant 5 jours, j'ai beau savoir que la journée sera largement suffisante pour atteindre l'arrivée, force est de constater, qu'en randonnée la montre reste un objet utile et essentiel. J'en veux pour preuve ce réveil programmé à 6h30 pour un petit déjeuner prévu à 7h30. Oh, bien sûr, rien ni personne ne m'oblige à me lever si tôt mais ces horaires me conviennent tout simplement. Sur des randonnées comme celle là, j'aime démarrer avec le lever du jour. Je ne suis pas le seul d'ailleurs. Or mis le jeune couple, on prend les mêmes que hier soir et on recommence. Mais autour de la table et devant les bols, si j'ai devant moi les mêmes personnes, les visages, les mines et les regards, eux, sont très dissemblables. Certains somnolent encore et ne semblent pas disposés à beurrer leur tartine. D'autres discutent comme s'il n'y avait jamais eu de G.R.10 à parcourir aujourd'hui, d'autres sont déjà d'attaque et pensent qu'ils perdent leur temps à rester attablés. De mon côté, je suis assez étonné de ma forme physique. Aucune douleur musculaire, ni aux jambes ni ailleurs et surtout pas de courbatures, mais il est tout de même hors de question de négliger ce petit déjeuner. Je prends tout mon temps car personne ne m'attend ce soir à Saint-Guillem de Combret. J'ai bien l'intention de traîner, de regarder ma montre le moins possible et je viens de décider que ça commencerait ici devant mon café au lait.

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

Je quitte Batère, son refuge, mes amis d'un jour, ses poules, ses vestiges miniers par des sentiers parfaitement balisés en jaune et rouge. Le sentier descend et je m'enfonce pour une paire d'heures dans une épaisse forêt.

Au bout d'une demi-heure, il me faut tout de même partir, je règle l'addition, pars au dortoir récupérer mon sac à dos qui est fin prêt et que j'ajuste aussitôt sur mes épaules. Tous mes amis d'un jour, d'Epinal et d'Allemagne sont là devant le refuge prêts à partir eux aussi. Quelques mots d'adieu aux plus sympas d'entre eux. Je serre des mains, fait la bise aux dames et salue d'un signe d'autres personnes qui se sont déjà éloignées. Nos routes se séparent ici. Eux partent vers le col de la Descarga et le G.R.10 et moi à l'opposé toujours dans cette magnifique forêt domaniale du Haut-Vallespir. Mais, en raison des couleurs surprenantes de ce matin vaporeux, je ne peux m'empêcher de partir sans jeter un dernier coup d'œil sur tous ces beaux paysages qu'il y a devant le refuge. Je sais pertinemment qu'il va y en avoir bien d'autres, mais ceux-là me retiennent encore comme un aimant : les panoramas sur la Vallée du Tech, Corsavy, Leca et la Souque sont déjà merveilleux dans cette aube nouvelle où s'élève quelques fumerolles de brumes dans un ciel limpide. Je me décide à partir, deux poules aux crêtes rouges semblent vouloir m'accompagner. Il faut dire qu'en leur donnant les restes d'un quignon de pain, je les aide dans cette démarche. En passant devant une voiture, je finis par comprendre l'absence du jeune couple ce matin au petit déjeuner : ils dorment à poings fermés allongés sur leurs sièges. Ils ne sont pas les seuls à dormir encore, d'autres ont dressé leur tente sur un pré, qui un peu plus loin, sert accessoirement de parking mais présente l'avantage d'être en bordure d'une vue grandiose et exceptionnelle. D'ici, on a une superbe et vaste vision du Vallespir vers l'est et comme le soleil tarde à se lever, l'horizon hésite entre la fin d'une nuit bleutée et le prélude à une belle journée orangée. C'est dans cette quiétude ambiante que je quitte définitivement Batère et ses derniers vestiges miniers. Le silence est de mise et je n'entends plus que le bruit de mes lourds godillots qui écrasent l'herbe humide d'une fraîche rosée matinale.

A partir d'ici et sur un long tronçon, le sentier que j'emprunte est commun au Tour du Vallespir et à celui du Canigou. Le balisage jaune et rouge est enfin bien présent et je n'éprouve aucun mal à le suivre sur ce sentier qui est soudain devenu très caillouteux en descendant de manière abrupte dans le Bois du Roc des Cabres. Mais des chèvres ou des cabris, je n'en verrai point dans cette dense forêt. Juste avant le Roc, le seul mammifère que j'aperçois, c'est un petit écureuil roux. A cinq mètres de moi, je le surprends sur la branche d'un petit pin. J'avance encore un peu car il me tourne le dos puis je m'arrête. Il ne m'a pas vu et j'essaie de ne plus bouger pour qu'il me laisse le temps de récupérer mon appareil photo enfouit dans une housse que je porte à la ceinture. Un caillou roule sous mon pied. Il se retourne et m'aperçoit. Il ne bouge pas car il paraît très surpris de me voir là à trois mètres de lui ! Au lieu de fuir, il saute sur la branche d'un grand pin encore plus proche de moi. Mais j'ai compris son manège car le grand pin est plus propice que le petit pour s'esquiver. Il est là maintenant juste au bout de mon nez. J'hésite entre récupérer mon appareil photo que j'ai un mal fou à sortir de sa housse ou le perdre de vue. L'occasion est trop belle, il faut que je le prenne en photo ! J'essaie de ralentir mes mouvements. Il m'observe. Un geste de trop. Le voilà qui saute et change de branche. Si j'attends encore pour le photographier, à coup sûr, je le loupe. Il se met à grimper, s'arrête de nouveau mais je l'ai dans le viseur et j'appuie sur le déclencheur. Je n'ai pas le temps de réaliser, qu'il est déjà à la cime du grand pin. Il détale maintenant à une vitesse inouïe, sautant de branche en branche. Je l'ai perdu ! Sur l'écran de mon numérique, j'essaie de voir si l'écureuil est sur le cliché que j'ai pris mais sur le moment, je ne l'aperçois pas. Il est vrai que je n'ai eu ni le temps de zoomer ni celui de faire une parfaite mise au point. Je me dis que je verrai sans doute mieux sur l'écran de mon ordinateur et peut-être aurais-je une belle surprise !

 Saute petit écureuil sur le bout de mon nez

 

Saute petit écureuil sur le bout de mon nez,

N'ait pas peur, viens vers moi et ne soit pas gêné.

Tu n'auras aucun mal, si tu te laisses faire,

Et ce que je propose, c'est loin d'être l'enfer.

 

C'est une belle photo que j'aurai pour la vie,

Et que je montrerai que si j'en ai envie.

Alors saute écureuil sur le bout de mon nez,

Arrête d'avoir peur et ne soit pas borné.

 

Ce n'est qu'un souvenir pour mes petits-enfants,

Que t'avoir en image et pas en triomphant.

Saute petit écureuil sur le bout de mon nez,

Si tu ne sautes pas, tu me gâches la journée.

 

Je n'ai pas d'écureuils dans mon joli bestiaire,

Approche, n'ait pas peur ou ne soit pas si fier.

Saute petit écureuil, mon nez c'est du velours,

Une photo, un portrait c'est parfois de l'amour

 

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

Un petit écureuil roux qui ne veut pas se laisser photographier mais je réussis néanmoins à l'avoir et en grossissant la photo, il n'est pas mal du tout !

De temps à autre, les paysages se dévoilent. Parfois vers l'est où le jour s'est enfin levé mais où les teintes bleutées et orangées de l'aube ont malheureusement laissé la place à une brume poisseuse et grisâtre. Parfois, vers le nord où par dessus les grands sapins, j'arrive de temps à autre à percevoir la grande façade blanche du refuge de Batère. J'arrive devant une grande barrière rocheuse au milieu d'un océan végétal. De là, je suis en surplomb et la vue donne enfin vers l'ouest et le sud. Mais cette vision est restreinte et ce ne sont que de magnifiques forêts à perte de vue. Dans cette verte immensité, seules quelques tristes saignées apparaissent et me rappellent que le 24 janvier dernier, il y a eu dans le département une terrible tempête.

C'était Klaus, tempête mal nommée par un institut de météorologie allemand puisqu'elle a soufflée avec une fantastique violence essentiellement dans le sud de l'Europe (Portugal, Espagne, Andorre, France, Italie) pour faiblir en Grèce puis terminer sa course en Turquie près de la Mer Noire. Mais, il faut savoir aussi que c'est une allemande Karla Wege, qui la première, eut l'idée en 1954, de donner des noms aux dépressions et anticyclones d'Europe afin que les cartes météos soient plus simples à lire. Aujourd'hui, cet institut de météo monnaye ces noms, et chacun peut se placer sur une liste d'attente pour devenir parrain ou sponsor et donner plus tard son nom ou son prénom à une tempête. Ainsi, difficile de dire qui était ce Klaus Schümann, en l'honneur duquel cette tempête a été ainsi nommée. Les homonymes étant nombreux car ce prénom et ce nom sont fort répandus en Allemagne, le plus connu d'entre tous étant néanmoins l'ancien Directeur Général des Affaires Politiques du Conseil de l'Europe. Mais est-ce bien lui ? Rien n'est moins sûr !

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J'ai quitté le refuge de Batère, dont j'aperçois la toiture depuis la descente dans la forêt. Un piton rocheux se dresse devant moi. Je descends dans le Bois du Roc des Cabres, puis dans une immense forêt légèrement chahutée par la tempête Klaus où pullulent les grosses coulemelles.

Je repars. La falaise blanche me paraissait infranchissable, mais la petite sente très étroite bifurque juste avant et tourne à droite dans une descente toujours plus raide. Les sombres pins et les grands résineux ont laissé la place à une immense et lumineuse hêtraie où les grosses coulemelles poussent à profusion. Il y a maintenant une heure que j'ai démarré, j'atteins un petit torrent. Sur ma carte, c'est le ruisseau du ravin de la Riverette. Je le traverse et le longe quelques temps. La sente s'aplanie et file sud-ouest. Un quart d'heure plus tard, je croise les premiers panonceaux : Col d'En Cé (veut dire feu, encens) et la Baraque del Faig (hêtre). Je marche dans la bonne direction. Je ne suis pas inquiet mais pourtant ça me rassure car cela fait un bon moment que je serpente dans la forêt et que mon GPS n'arrive pas à faire un point précis sous cette forêt trop dense. Quand au balisage, il est présent, mais parfois trop effacé pour être évident à percevoir. De temps à temps, les cicatrices de Klaus se font plus apparentes mais les forestiers ont fait leur travail et je n'éprouve aucune difficulté à suivre l'itinéraire qui est désormais rectiligne. Je traverse un deuxième ruisseau, c'est le Correc des Cabres. A travers quelques grands pins, je finis par apercevoir le Pic de la Souque. Il semble beaucoup plus proche maintenant, pas de doute, j'arrive au Col d'En Cé.

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 2 : Batère - Saint-Guillem - 21 kms

Photos prises dans le Bois du Roc des Cabres puis en arrivant au Col d'En Cé

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Au col d'En Cé, joli pré planté de ruches avec le Pic de la Souque pour horizon. Je vais m'y arrêter pour prendre un en-cas mais les abeilles ne l'entendent pas ainsi !

Dans ma tête et pour plusieurs raisons, ce col est dans cette longue journée de marche, une première étape de franchie : d'abord parce que ce col est le carrefour de deux chemins, dont je ne sais trop lequel des deux emprunte vraiment le Tour du Vallespir. Sur les cartes, c'est une étroite sente qui, par la droite, remonte dans la forêt, longe les Canals de Leca dans un décor rocheux et dont le dénivelé est paraît-il plutôt difficile. De l'autre, c'est une large piste qui monte du hameau de Leca et qui file parallèle au Riuferrer, la rivière du fer. Jadis, cette route a été goudronnée mais il n'en reste plus rien. Georges Véron dans son guide conseille cette piste et écrit : " les sages la suivront vers la droite et l'ouest sans s'occuper du balisage qui emprunte, très en contre-haut, un parcours nettement plus pénible ".

Je ne connais pas cette piste pas plus que le sentier pénible d'ailleurs. Est-elle plus facile ? Sans doute, si je compare les deux itinéraires que par sécurité, j'ai enregistré dans mon GPS. Ici, ce ne sont pas les difficultés qui m'effraient, ni le poids du sac qui me pèse, mais je veux avant tout être sage et je ne me pose donc aucune question. Je délaisse la petite sente balisée en jaune et rouge qui grimpe dans la forêt, et qui, selon les panonceaux, file à la Baraque del Faig en empruntant, et le Tour du Canigou et celui du Vallespir. Malgré ces indications on ne peut plus claires, je n'ai pas le sentiment de faire une entorse au Tour du Vallespir puisque Véron lui-même préconise le parcours que je vais prendre.

J'ai mis deux heures pour arriver au Col d'En Cé et j'estime qu'il est temps de faire une pause. Le cadre s'y prête avec une jolie pelouse verte et rase comme je les aime. Cette halte me semble indispensable, ne serait-ce que pour reposer mes genoux légèrement endoloris ; douleurs aux articulations engendrées par les multiples torsions de cette longue descente. Je m'arrête, dépose mon sac et commence à sortir quelques friandises. Mais les abeilles, de plusieurs ruches blotties non loin de là dans les fougères, ne l'entendent pas de cette oreille. Oh non, elles ne me piquent pas mais les nombreuses escadrilles qui tournent autour de moi sont suffisamment dissuasives pour me faire comprendre que je me suis ingéré dans un territoire qui n'était pas le mien. Je remballe tout mon attirail et file un peu plus loin vers un endroit plus accue

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Je quitte le col d'En Cé par l'agréable et large chemin conseillé par Georges Véron dans son guide et non pas par le sentier du Tour du Vallespir qui, beaucoup plus haut, longe les Canals de Leca. Pourtant, je n'ai pas le sentiment de faire une entorse au véritable parcours !

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Après le Col d'En Cé, de merveilleux panoramas de tous côtés, vers de hauts sommets, vers le cirque d'En Faig, la Souque et la vallée du Riuferrer, rivière du fer alimentée par d'agréables et mélodieux petits rus.

Bien que clôturée sur ma gauche, sans doute par sécurité pour les troupeaux, car elle est carrément en surplomb de 300 ou 400 mètres au dessus du torrent du Riuferrer, la piste est plaisante à cheminer. Ici aussi quelques arbres ont été étêtés par la tempête Klaus. La déclivité est modeste et quand les arbres ont été épargnés, le chemin se faufile à travers une flore resplendissante où les courts feuillus se mélangent aux petits sapins et aux frêles épicéas. Cette basse végétation présente un avantage non négligeable, celui de pouvoir marcher sans avoir à trop lever la tête pour découvrir cet immense cirque du Faig qui s'ouvre devant moi. Ce cirque, couronné de très hauts sommets qui se détachent sur un ciel bleu cristallin est vraiment splendide : Pic du Roc Nègre (2.714 m) Pic des Très Vents (2.731 m), Pic Roja (2.724 m), Pic de Bassibes (2.637 m), Pic des Sept Hommes (2.651 m). Les crêtes et les flancs de toutes ces hautes cimes où alternent les immenses pierriers blancs et les vertes pelouses sont des invitations à randonner toujours plus haut, même si je sais par avance que je n'aurais pas à monter à ces altitudes sur ce Tour du Vallespir.

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Au pied du splendide cirque d'En Faig, une rafraîchissante baignade dans le Riuferrer un peu perturbée par les sifflements d'une marmotte que je n'arrive pas à apercevoir.Mais en me baignant, j'ai réalisé une rêve, celui de prendre un bain dans une rivière lors de ce Tour du Vallespir.

Depuis le Col d'En Cé, arrêt compris, j'ai mis exactement une heure pour parcourir les 4 kilomètres de cette piste qui se termine comme elle avait commencé, c'est-à-dire dans une verte prairie plantée de nombreuses ruches. Mais, j'ai retenu la leçon, je laisse les abeilles tranquilles et je préfère filer vers le torrent dont j'entends désormais le clapotis tout proche. J'enjambe quelques rochers car, malgré ce que dit Véron dans son guide, il n'y a ici aucune passerelle. Elle a sans doute été emportée, un jour d'orage, par les flots impétueux du torrent. Je suis déjà sur une autre rive du Riuferrer mais ici, des rives, il y en a plusieurs car la rivière prend sa source à proximité et cherche encore son cours principal dans le début de ce long vallon qui finit sa course 17 kilomètres plus loin, à Arles-sur-Tech. Il fait très chaud et j'ai très chaud, et toutes ses vasques limpides sont des provocations à un bain que je sais presque inévitable. A des lieux de toute habitation, j'ai la quasi certitude d'être seul et éloigné de tout au fond de ce magnifique cirque, j'ôte tous mes vêtements et me dirige vers la rivière. Mais à l'instant précis où j'entre dans l'eau, j'entends un sifflement strident. Serait-ce quelqu'un qui me reluque et qui me trouve beau dans le " plus simple appareil " ? J'ai de l'imagination mais il m'est impossible de croire à ce raisonnement. Je reste néanmoins surpris d'entendre siffler et je regarde autour de moi avec insistance et un peu d'appréhension aussi, je dois l'avouer. Quelqu'un m'aurait-il surpris dans cette tenue d'Adam sans feuille de vigne ? Non, je ne vois personne mais les sifflements aigus se répètent et viennent clairement d'une zone de gros éboulis qui se trouve derrière moi où déboule un autre petit torrent. Je suis pudique et malgré une eau glacée, je plonge plus vite que prévu dans la première marmite venue. J'observe mais je ne vois rien. J'avoue que ce sifflement persistant continue de me troubler. Je sors du torrent, me sèche et j'enfile mon slip. Mais les sifflements irréguliers se poursuivent et je comprends qu'il ne peut s'agir que d'une marmotte qui siffle pour prévenir ses congénères de ma présence. Je retourne au bord du torrent pour figer sur une photo, cet instant ridicule et désopilant dont je rigole encore quand j'y pense. Enfin, malgré l'aspect ridicule de ce moment, j'ai réalisé un rêve celui de me baigner dans une rivière lors de ce Tour du Vallespir. Depuis que je suis enfant, l'eau m'a toujours fortement attirée. 

Paysages aperçus après avoir enjambé le Riuferrer et quitté le cirque d'En Faig. Le sentier alterne éboulis et jolis passages en sous-bois. De l'autre côté du torrent, j'aperçois la piste empruntée après le col d'En Cé. Le balisage est bon même si ici le panonceau indique seulement le Tour du Canigou. 

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Paysages aperçus après avoir enjambé le Riuferrer et quitté le cirque d'En Faig. Le sentier alterne éboulis et jolis passages en sous-bois. De l'autre côté du torrent, j'aperçois la piste empruntée après le col d'En Cé. Le balisage est bon même si ici le panonceau indique seulement le Tour du Canigou.

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J'ai quitté le cirque d'En Faig (au fond), la sente s'élève au dessus du vallon du Riuferrer dans lequel je viens de me baigner nu. Mais des sifflements aigus, ceux d'une marmotte sans doute, sont venus troubler ce plaisir. En reprenant ma marche, j'en rigole tout seul car je trouve cela désopilant quand j'y repense !

Après avoir traversé le Riuferrer, c'est une petite sente qui le longe désormais sur la rive opposée. Mais, si le sentier est parallèle à la piste que j'ai suivie depuis le Col d'En Cé, avec ses montées et ses descentes successives dans les cailloux et les éboulis, il est beaucoup moins agréable et facile à arpenter que ne l'était la piste. Seuls les paysages restent plaisants à regarder avec désormais une vue circulaire de tous les pics qui dominent le cirque d'En Faig. Il y a toujours les mêmes auxquels s'ajoutent désormais ceux en face de moi à savoir les pics Gallinasse (2.461 m), Cincreus ou Cinq croix (2.266 m) et Pel de Ca ou Peau du chien (2.112 m). Dans le pierrier du Gallinasse, j'aperçois un isard qui grimpe la pente avec une facilité déconcertante. Il s'arrête et m'observe. Compte tenu de la distance qui nous sépare, il est peu inquiet et continue tranquille son ascension vers le sommet. Bien qu'estimant la distance trop importante, je tente néanmoins une photo en mode rapproché. Le chemin se fait plus doux au sein du bois de la Bac de la Cova dels Porcs (bac signifiant ubac, cova signifiant grotte, on peut traduite textuellement par ubac de la grotte des cochons), je décide de stopper là pour déjeuner car il est 12h30 et je n'ai pas envie de " speeder " inutilement. Je mange en priorité le panier repas confectionné ce matin par le cuistot du Refuge de Batère, constitué d'un gros sandwich omelette au jambon, d'un " bon " morceau de fromage, de 2 tranches de pains d'épices et d'une orange. Je conserve et continue de trimbaler mes salades et mes gâteaux de riz que je garde précieusement en prévision des repas de ce soir et de demain midi. Quand je repars, le ciel s'est quelque peu assombri. Mais cette obscurcissement est sporadique car une " bonne " tramontane pousse vers le sud tous ces gros cumulus le plus souvent très blancs mais quelquefois gris aussi.

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J'ai définitivement quitté En Faig. Une rampe d'éboulis s'élève hardiment et m'oblige à prendre un peu d'énergisant. Un étrange papillon tente de faire du mimétisme sur une feuille, mais pas de bol, le feuille est verte et lui est marron tacheté de bleu. C'est la première fois que j'en vois un comme ça et je ne connais pas son nom. La sente file vers une belle hêtraie où poussent de jolis champignons jaunes, direction la cabane de la Devesa que j'aperçois au loin.

La sente s'élève maintenant par une sévère rampe qui se fraye un chemin au milieu d'un gros pierrier. La sente ne fait que monter depuis que j'ai redémarré et elle s'accentue encore. L'estomac alourdi par le déjeuner, j'ai un mal fou à retrouver mon ardeur de ce matin. Aussi, je trouve opportun d'ouvrir, pour la première fois de la journée, une nouvelle compote gélifiée énergisante dont j'absorbe, en pressant le tube, une copieuse lichette. L'effet du glucose sur mon organisme est quasiment immédiat et alors que je grimpe en direction de la cabane forestière de La Devesa, un quart d'heures plus tard, j'ai retrouvé une " forme olympique ". J'entre dans une étrange hêtraie où les arbres avec leurs multiples branches tentaculaires qui sortent du sol ressemblent plus à des pieuvres géantes qu'à des végétaux. Les abords du chemin sont parsemés d'une multitude de jolis petits champignons jaunâtres. Au sortir de la hêtraie, j'aperçois enfin au dessus de moi la cabane qui sert régulièrement d'abri aux bergers et de refuge aux randonneurs.

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La cabane de Devesa apparaît et les panoramas se révèlent de tous côtés et jusqu'à la Méditerranée. Dommage une longe chape brumeuse bouche l'essentiel de l'horizon. Mais je réussis néanmoins à apercevoir Amélie-les-Bains d'où je suis parti hier matin, Montbolo et la piste qui monte vers Formentere.

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Je grave dans ce grand hêtre, mais sans talent, la mémoire de mon passage ici.

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Des chevaux et surtout un gentil et sympathique trio de randonneurs: voilà, quelques bons souvenirs de mon passage près de la cabane de la Devesa.

Sur ma gauche, je reconnais la verte prairie du Col de l'Estagnol que je connais bien et que je dois rejoindre. Mais pour l'instant rien ne presse, il n'est que 14 heures et je m'arrête pour manger une orange à l'ombre d'un immense hêtre. Machinalement, je me mets à en creuser l'écorce, à l'aide de mon " Laguiole ", pour tenter d'y graver à jamais mes initiales et la date du jour marquant ainsi mon " glorieux " passage sur ce Tour du Vallespir. Mais il faut que je l'avoue, je ne suis pas un artiste en la matière et je resterai sans doute le seul à savoir que je suis passé par là ! Au moment où je m'apprête à repartir, un homme arrive vers moi et, dans un élan très amical, il me salue en me serrant la main avec chaleur. Il semble radieux de rencontrer quelqu'un à qui parler. Il est suivi d'une jeune femme et d'une jeune fille. La jeune femme vient également vers moi me dire bonjour. La jeune fille, elle, poursuit son chemin, et me salue, de loin, d'un sourire timide. Pendant que ses parents m'expliquent leur randonnée, je la vois partir en courant à la rencontre de trois chevaux qu'elle vient d'apercevoir non loin de la cabane. Son père, qui ne la quitte pas des yeux, se met à crier. Il s'étrangle à lui rappeler les règles de prudence les plus élémentaires à adopter avant de se rapprocher des chevaux. Mais la jeune fille les a déjà atteints et les caresse sans aucune retenue ni appréhension. Heureusement, ces chevaux qui vivent le plus souvent à l'état sauvage semblent dociles et de bonne composition. Le père, qui n'était pas entendu, est, par crainte, parti en courant rejoindre sa fille, ce qui a eu pour effet de couper court à notre conversation qui, apparemment, s'orientait sur la manière dont ils devaient poursuivre leur parcours pour rejoindre Leca. Une fois rassuré le père revient vers moi, déplie sa carte IGN et me demande de lui indiquer s'ils peuvent faire une boucle pour rejoindre leur point de départ et retrouver leur véhicule qu'ils ont laissé à Leca. Le doigt pointé vers un proche horizon, je lui désigne d'abord le Col de l'Estagnol, grand pré vert clair que l'on aperçoit au milieu d'un océan de grands conifères au vert plus sombre puis, tout en décrivant le parcours à prendre, mon index descend dans le ravin qui nous fait face. C'est celui de la Font de l'Estagnol. Puis, pointant toujours mon index, je retranscris sur la carte la même description, tout en suivant l'itinéraire en rouge qu'il auront à emprunter.

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Avant de repartir de la Devesa vers le col de l'Estagnol, j'ai un large aperçu du chemin parcouru hier, d'Amélie-les-Bains à Batère dont j'aperçois la tour à l'horizon sur ma gauche.

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Je laisse la Devesa, sa cabane, ses chevaux, son cadre bucolique et ses beaux panoramas, direction le col de l'Estagnol et son pré verdoyant que j'aperçois au loin.

L'homme me remercie et le trio repart en direction de la large piste qui démarre au pied de la cabane de la Devesa. Ils me distancent rapidement et disparaissent dans la sombre forêt qui descend le long des flancs du Puig dels Pastors. De mon côté, je continue de flâner, prenant photos sur photos, du site de la Devesa et des alentours mais aussi de tous ces splendides panoramas que je domine et que j'aperçois presque à perte de vue en direction de la mer. Je discerne avec bonheur mais étonnement la quasi totalité du chemin parcouru hier : Mes yeux partent d'Amélie-les-Bains, grande empreinte blanchâtre au fond de la vallée du Tech puis peu à peu, ils montent vers Montbolo que je devine à peine, puis ils cheminent sur cette longue piste qui louvoie telle une couleuvre vers le col de Formentere pour s'arrêter au pied de la tour de Batère parfaitement visible. Absorbé par tous ces beaux paysages et ces magnifiques forêts, quand je sors du Bois dels Pastors pour déboucher sur le vaste et verdoyant pré du Col de L'Estagnol, c'est sous quelques gouttelettes de pluie. Elles tombent d'un modeste nuage noir qui a, sans doute lui aussi, décidé de s'arrêter là pour profiter de ce remarquable spectacle. Pour la deuxième fois en deux jours, me voilà contraint de recouvrir mon sac à dos et de sortir mon poncho dans la précipitation. Sur le grand pré, je retrouve " mon " trio de randonneurs. Ils viennent de nouveau vers moi car ils n'ont pas trouvé la sente qui redescend vers Leca. Je dépose mon sac à dos sur le pré et leur demande de me suivre jusqu'à un petit piquet et à une petite trace jaune, peu visible il est vrai, car peinte à même le sol sur une pierre à la limite de la forêt et de la pelouse.Là, je leur dis de ne plus quitter ce balisage jusqu'à retrouver le panneau Leca qu'ils ont inévitablement rencontré en montant vers le Faig. Je quitte cette charmante famille, non sans leur avoir montré au préalable, et une nouvelle fois, le tracé sur la carte IGN et décrit au père la sente qui devrait les ramener sans problème jusqu'à leur véhicule. Je les mets surtout en garde de délaisser les chemins et les pistes qu'ils vont couper et qui partent vers la droite.

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Quand, j'arrive au col de l'Estagnol, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour Jérôme car il y a trois semaines, nous avions déjeuné là avant de monter au Pic de la Souque. D'ailleurs, le pic apparaît au loin en forme de volcan aplati à son sommet. Mais il y a aussi toutes ces montagnes que j'aurai à gravir dans les jours prochains de l'autre côté du versant du Vallespir.

Un dernier signe de la main et le sympathique " trio " disparaît définitivement dans le bois. J'ôte et replie mon poncho car le petit nuage noir a fichu le camp lui aussi et la pluie fine a cessé. Le petit nuage noir a laissé la place à un magnifique ciel bleu où quelques éphémères et gros cumulus blancs très épars continuent de courir poussés par un vent modéré du nord. Quand je me retrouve sur cet immense pré vert clair, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour Jérôme, il y a trois semaines nous avions déjeuné là avant de grimper au Pic de la Souque. De ce vaste plateau herbeux, la vision bascule sur l'autre Vallespir, celui de la vallée du Tech. Ces paysages sur le Tech et plus loin vers l'Espagne ne sont que successions de petites collines, de profondes ravines et de montagnes beaucoup moins hautes que celles auxquelles je tourne désormais le dos. Est-ce la distance qui me sépare encore de ces paysages, mais j'éprouve pas mal de difficultés à imaginer, que pour finir convenablement cette boucle, il me faudra chevaucher toutes ces " montagnes russes " lors des trois derniers jours. Je rejoins un panneau indicateur qui m'oriente dans la direction à poursuivre : " Volta del Vallespir/Tour du Vallespir - St Guillem ". Malgré mon GPS, j'avoue que ce panneau m'est précieux car hormis le site de Saint-Guillem lui-même, je ne connais plus les chemins qui m'attendent à partir d'ici et pendant encore deux jours jusqu'à Notre-Dame du Coral et Lamanère. Assis bien en face ces jolis panoramas, je grignote quelques fruits secs en observant sur ma carte IGN, les sentiers à prendre pour arriver au refuge de Saint-Guillem ce soir. Je repars par une large piste dont la déclivité s'accentue à chacun de mes pas. Par sécurité, du moins je le pense, je garde à la main et pendant quelques temps mon GPS allumé. Le dénivelé progresse : 1.650 mètres, 1.670, 1.680, 1.700, 1.720, 1.730 mètres, puis, toujours allumé, je finis par le glisser dans la poche de mon short car ce dernier me situe parfaitement sur le tracé. Et là, je commet une erreur grossière car quand je le ressors de ma poche, bien, que n'ayant pas quitté la piste, je m'aperçois que je ne suis plus du tout sur la tracé mais l'altitude a encore augmenté de quelques mètres puisque je suis désormais à 1.765 mètres. Selon la connaissance que j'ai du parcours, je sais que je suis beaucoup trop haut car le point culminant du Tour du Vallespir se situe à 1.808 mètres et ce sera demain au Col de Serre Vernet. Je comprends que je me suis beaucoup trop rapproché de cette altitude pour être sur le bon chemin ! Je ressors la carte de mon sac et remarque qu'effectivement j'ai dû louper la sente qui descend à gauche vers un petit col inscrit sur la carte : la Collada del Réart. Mais je remarque aussi que si je continue la piste, je ne suis plus très loin d'une autre sente qui rejoint la première, peu avant le Roc del Réart. Je choisis cette option et continue de monter sur quelques dizaines de mètres. Et là, surprise et soulagement, juste derrière un virage, j'aperçois un nouveau panneau indiquant clairement : " Volta del Canigo/Volta del Vallespir - St Guillem ". A mes pieds, une étroite sente descend à gauche.

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Après le col de l'Estagnol, je me trompe de chemin et la sente grimpe vers des sommets plus élevés que prévus, mais les panoramas sont si merveilleux !

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Je me suis trompé de chemin mais par bonheur celui-là aussi à une variante qui va à hameau de Saint-Guillem de Combret !

Le GPS me situe à 1.771 mètres d'altitude et de là encore, les panoramas sont grandioses sur le Bas et le Moyen Vallespir et la vallée du Tech bien sûr, mais aussi sur le vallon et le bassin de Coumelade et les pics et les crêtes qui l'entourent. Pic de Gallinas (2.029 m), crêtes de Serre-Vernet (1.970 m), Montagne Rase (2.439 m), à vol d'oiseau, je ne suis plus très loin de la haute montagne mais maintenant il me faut descendre dans cette terrible sente qui zigzague des contreforts très rocailleux du Roc Coucoulère jusqu'aux flancs boisés de la Sola du Rossignol. J'ai beau me méfier à outrance de cette étroite sente abrupte, peu empruntée, mal débroussaillée et par endroit ravinée, je ne peux éviter une chute dans les bruyères rases. Heureusement sans gravité, sauf pour une malheureuse petite abeille qui se retrouve plantée par le dard dans la paume de ma main. Malgré la vive douleur momentanée, j'essaie de dégager cette pauvre abeille de cette situation inconfortable, surtout pour elle, car je sais qu'en tirant, une partie de l'abdomen restera planté dans ma peau retenu qu'il est par un petit crochet qui se trouve à la pointe du dard. L'abdomen et le dard étant étroitement relié par un muscle infime et fragile, l'abeille meurt en général de cette intervention. Malgré toute la délicatesse que je peux mettre à cette opération, tout se passe comme prévu : je suis malheureusement obligé de m'y reprendre par deux fois, une première, car le dard et les entrailles toutes entières sont restées plantées dans ma paume et une seconde, pour retirer le dard dont j'ai le vague sentiment que le crochet est resté enfoncé dans mon derme. L'abeille, elle, n'a pas survécu à cette " pitoyable chirurgie " ! Malgré une douleur assez superficielle désormais, je sors, par sécurité, ma trousse à pharmacie et mon " Aspivenin " pour aspirer le reste des toxines injectées par cette pauvre abeille qui, tranquille à butiner, a eu la malchance de croiser ma route.

Pauvre petite abeille que le rose attirait

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Sur le rose sentier, voilà que j'ai chuté

Sur une frêle abeille que le rose attirait.

Tombé dans les bruyères où est la gravité,

Pour une abeille gracile que le rose attirait.

 

Dans la paume de ma main, elle resta plantée,

Cette jolie abeille que le rose attirait.

Autant le dire de suite, il faut avoir pitié,

Pour une abeille fragile que le rose attirait.

 

Petit corps dans mes mains, j'avais la faculté,

Pour cette fine abeille que le rose attirait,

De la tirer de là, avec habileté,

Cette petite abeille que le rose attirait.

 

Tirant son abdomen avec dextérité,

La délicate abeille que le rose attirait,

S'endormit dans ma main et pour l'éternité.

Et rose fût sa mort où elle fût attirée

 

Mais ce triste spectacle m'avait déconcerté.

Je priais cette abeille que le rose attirait

De s'envoler vers Dieu qui m'avait écouté.

Au rose paradis, l'abeille fût attirée.

 

Et comme cette histoire a une moralité.

La mort quitta l'abeille que le rose attirait.

Le matin, elle revint toute ressuscitée,

Butiner les bruyères encore fraîches de rosée.

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Mon GPS affiche 1.771 m d'altitude, j'aperçois Saint-Guillem 500 mètres plus bas, les crêtes à gravir demain et le splendide vallon de la Coumelade. 

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Il va me falloir 1h40 pour arriver au hameau de Saint-Guillem, écrasant au passage une pauvre petite abeille et galérant dans le dernier bois, couché par la tempête Klaus.

Je repars contrit en redoublant de vigilance pour ne plus tomber et écraser d'autres innocentes abeilles qui sont très nombreuses sur ce sentier. A chaque détour du chemin, à chaque bout du zig ou parfois du zag, j'aperçois désormais le hameau de Saint-Guillem de Combret. Avec sa chapelle, son refuge et ses quelques maisons, le hameau se rapproche trop lentement à mon goût. Oh non, je ne suis pas pressé car ce soir personne ne m'attends ! Mais je languis d'arriver car cette descente est usante tant pour les muscles et les articulations que par la tension nerveuse que je mets à ne pas trébucher. La pente est très raide par endroits et l'orage d'hier soir a rendu certaines portions du sentier très glissantes. Depuis le dernier panonceau situé à 1.771 mètres d'altitude, et montre en mains, j'ai mis exactement 1h40 pour parcourir un peu plus de quatre kilomètres et arriver au refuge, situé à 1.287 mètres. Et pour couronner le tout, cette descente se termine dans un fatras invraisemblable de bois cassés et d'arbres abattus par la tempête Klaus. A cet instant précis, et après être sorti difficilement, avec quelques égratignures très superficielles mais sans aucun bobo sérieux de ce ramassis d'arbres morts, il me paraît impossible de trouver pires conditions de marche. Le hameau paraît désert. Je passe sous la jolie chapelle. Il est 17 heures tapantes quand j'entre dans le refuge dont la porte est grande ouverte mais où un caleçon a été mis à sécher sous le auvent. Mais le refuge est vide lui aussi. Je m'y installe le plus confortablement possible. Ici le mot " confort " est franchement très exagéré.

De la paillasse à la cheminée en passant par une grande table et deux bancs en bois, tout y est plutôt spartiate pour ne pas dire austère. Je sors de mon sac à dos tout le nécessaire dont je vais avoir besoin pour vivre c'est à dire pour manger et pour dormir. Sans trop m'étaler car il est fort possible que d'autres randonneurs arrivent encore, j'essaie de m'aménager deux petits coins à moi. Un sur la table, l'autre sur le dortoir. Si d'autres locataires arrivent, seule la couchette posera vraiment un problème car s'il y a une grande estrade en bois pouvant accueillir plusieurs personnes, il y a un seul matelas en mousse et deux gros coussins, type sièges de voiture. Mais en la circonstance, le premier arrivant ayant toujours raison, je m'accapare le matelas et un gros coussin dont je veux montrer l'occupation en y posant mon sac à dos bien en évidence. Par contre, je n'occupe qu'un petit coin de la grande table où j'ai déjà disposé les mets pour ce soir et le " p'tit déj " pour demain matin.

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La chapelle Saint-Guillem de Combret, lieu de passage depuis des siècles

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En arrivant à Saint-Guillem de Combret, le refuge non gardé est un lieu austère aux conditions spartiates mais ô combien pratiques sur ce Tour du Vallespir !

Je partage le reste de l'après-midi et la fin de la soirée entre la visite du site de Saint-Guillem de Combret que je connais déjà pas mal, quelques photos et un peu de lecture. La chapelle semble la seule habitation occupée aujourd'hui, aussi j'écourte ma visite et part faire quelques photos des panoramas alentours. De retour au refuge, je feuillette quelques vieilles pages de L'Indépendant de Perpignan qui ont sans doute été laissées ici pour allumer la cheminée puis je reprends la lecture de " Dalva ". Quand le soir se met à tomber, aucun autre locataire n'est arrivé. Le caleçon est toujours là, suspendu sous le auvent de la porte d'entrée et personne n'est venu le décrocher. Certainement quelqu'un qui l'aura oublié ! Je prends mes aises car je sais que plus personne ne viendra maintenant. Tout en lisant " Dalva ", je mange deux salades, un gâteau de riz et quelques fruits secs. Mais après ce frugal repas, la lassitude aidant, mes paupières tombent seules sur mes yeux sans vigueur. Assis à la grande table, je tente de lire à la faible lueur de cinq ou six bougies et seul un petit lézard, qui entre et sort par un fenestron resté entrebâillé, me tient un peu éveillé. Indécis, il cherche sans doute un orifice où se coucher mais hésite entre l'obscurité extérieure et la demi pénombre du refuge. Quand il disparaît définitivement, je n'essaie plus de lutter contre le sommeil et moi aussi, je pars me coucher.

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A Saint-Guillem, je termine la soirée à un peu de lecture et à quelques photos. Mais je suis anxieux car le bois sous le refuge, où se trouve l'arboretum, a été, lui aussi, fracassé par la tempête Klaus. Alors, je me dis : " Comment vont être les chemins lors des jours à venir ? "

Je repense à cette journée plutôt agréable et sympathique à 99%. Journée à la fois comique sous certains aspects mais aussi angoissante quand je me souviens de la galère dans laquelle j'ai bataillé dans ce dernier bois pour rejoindre le hameau. Mes pensées s'emmêlent entre instants d'angoisse et de bonheur. Mais dans ce jeu du souvenir, l'angoisse et l'anxiété finissent par l'emporter malgré la domination incontestable des instants de plaisir et de bonheur. Je revois parfaitement ce petit écureuil roux qui était tout près de moi mais que je n'ai pas vraiment réussi à photographier convenablement. Je me revois nu dans le Riuferrer, dans cette attitude ridicule et burlesque, à écouter ces sifflements aigus dont je cherchais stupidement la provenance. Je me souviens de ce couple de randonneurs qui sont venus vers moi chaleureusement et le sourire en " banane " pour que je les rassure quant à la direction à prendre. Là aussi, cette rencontre avait un aspect un peu cocasse et dérisoire car ce couple et leur fille semblaient compter sur moi comme les disciples attendaient de Jésus qu'il leur montre le droit chemin. J'exagère un peu, mais s'ils avaient su combien de fois, moi aussi, je me suis transformé en " brebis égarée ", ils auraient passé leur chemin en m'ignorant totalement ! D'ailleurs ne me suis-je pas fourvoyé au cours de cette journée : après le Col de l'Estagnol puis surtout dans ce fouillis de branchages et cet amoncellement d'arbres fracassés ou déracinés. C'est en partie de la faute à Klaus me direz-vous ! Mais même vu sous cet angle, cet égarement m'inquiète. Et si dans les jours prochains, nombres de chemins étaient autant impraticables ? Je suis d'autant plus inquiet, que cet après-midi, je suis parti vainement avec l'idée de visiter l'arboretum qui se trouve juste en dessous, à seulement quelques mètres du refuge. Pourtant c'est un des rares endroits du département où l'on peut apercevoir de grands séquoias ! Mais cet arboretum était lui aussi inapprochable car la tempête avait fait dans ce petit bois d'incommensurables ravages. En général, je suis plutôt fataliste pour ne pas me laisser angoisser inutilement et tomber dans la paranoïa. J'ai beau me dire ; je verrai bien, demain sera un autre jour, c'était bien jusqu'à présent, il n'y a pas de raison que ça change ; les images de ces grands arbres couchés, déracinés, fracassés en deux comme de simples allumettes reviennent sans cesse et m'empêchent de trouver le sommeil. Tout à l'heure, je m'endormais à table et maintenant je n'arrive plus à sortir de ma tête la vision de tous les dégâts de cette tempête Klaus. J'essaie, mais en vain, de me convaincre que les longues randonnées pédestres oscillent souvent entre moments de plaisirs et instants de souffrance et de douleurs. Pourtant et par expérience, je sais que ces revirements de situation sont souvent inévitables, surtout quand on veut se hisser sur " les hauteurs d'une vallée âpre " ?

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Le Balcon de la Coumelade (1.811 m) depuis St Guillem de Combret (1.335 m)

Publié le par gibirando

Ce diaporama est enjolivé avec le "Boléro" de Maurice Ravel somptueusement interprété ici par l'Orchestre Symphonique des Jeunes de la Galice avec à la baguette le grand chef d'orchestre Vicente Alberola.
 Le Balcon de la Coumelade (1.811 m) depuis St Guillem de Combret (1.335 m)
BALCONCOUMELADEIGN

Je vous l'ai déjà dit, le Vallespir m'attire comme un aimant et passer tout un été sans aller y faire une jolie randonnée pédestre, c'est pour moi presque impensable. Il restait donc à trouver un lieu propice à de nouvelles et merveilleuses découvertes et là, pas de souci, ce problème trouva très vite une solution. Par contre, pour l'organiser, ce fut une toute autre histoire. Autant le dire, si vous ne possédez pas un véhicule tout terrain voire un petit peu haut sur ses roues, cette prochaine balade que je vous présente ici et que j’ai intitulée « le Balcon de la Coumelade » ne sera pas facile à organiser, à moins bien sûr d’être disposé à faire plus de 30 à 35 kilomètres sur une seule journée voire à la réaliser sur 2 jours, ce qui bien entendu reste toujours possible.  En effet, le départ de cette excursion n’est ni plus ni moins que le Chapelle Saint Guillem de Combret qui habituellement est déjà en soit un très joli objectif de randonnée pédestre. Alors atteindre la chapelle, comme je l’ai fait avec une Fiat Punto et par la longue piste parfois très défoncée qui y mène depuis le hameau de la Llau et le col de la Roue est déjà un périple en soit. Un périple , il est vrai risqué pour ce type de véhicule. Une fois cette première difficulté franchie, le reste de la balade est de toute beauté et une fois encore, il faut reconnaître que le Vallespir recèle d’incroyables petits trésors naturels qu’il faut parfois aller chercher jusqu’au plus profond de ses ravins. Ici, le principal ravin, c’est celui où s’écoule le torrent de la Coumelade, petite rivière de 15 kilomètres de long, affluent du Tech et prenant sa source sur les flancs sud des Puigs Roja (2.724 m) et des Tres Vents (2.731m). Mais n’ayez aucune crainte, au cours de cette balade, vous n’aurez pas à monter si haut en altitude et les points culminants que sont le col de Serre-Vernet avec ses 1.808 mètres d’altitude et la Cabane Vieille avec ses 1.811 mètres constitueront déjà de prodigieux balcons suffisamment élevés pour que l’on se régale à observer les merveilleux panoramas du Vallespir en général et de ce bassin versant qu’est la Coumelade en particulier. Bien évidemment, ce secteur du Vallespir ne m’est pas inconnu et je commence à bien le connaître. Je suis venu à de multiples reprises à la Chapelle Saint Guillem de Combret soit au départ du hameau de la Llau soit en passant par la Fontaine du Brigadier à partir du col de la Roue. J’y suis passé aussi lors de mon Tour du Vallespir de 2009 couchant même dans le refuge qui se trouve en contrebas de la chapelle. Je garde d’ailleurs de ce passage et du lendemain au dessus de Prats-de-Mollo, des souvenirs indélébiles tant j’avais galéré dans certaines parties de la forêt décimées par la tempête Klaus. Depuis l’année de cette terrible tempête et de mon passage, le Tour du Vallespir jusqu’alors très confidentiel, a été largement réhabilité. Les balisages sont beaucoup plus visibles. Tous les panonceaux indicatifs ont été changés et alors que je m’étais égaré pour monter vers le col de Serre-Vernet à cause d’un panneau qui avait été bougé et mal remis en place, aujourd’hui tout est parfaitement « clean » et le départ est on ne peut plus clair. Depuis, la chapelle (1.335 m), il suffit d’emprunter la piste qui file et monte vers le Col Baxo distant de 2 kilomètres. A ce col, deux possibilités se présentent, soit on continue par la route forestière qui monte directe vers le lieu-dit les Troncasses soit on accepte le challenge de ma balade et on poursuit vers la gauche en entrant dans le forêt et en suivant ainsi le panonceau qui vous indique le col de Serre-Vernet à 2,5 kilomètres. En montant directement vers les Troncasses, on va marcher parallèlement au lit du torrent de la Coumelade économisant ainsi plus de 4 à 5 kilomètres par rapport à la boucle décrite ici. Mais comme le but de ma balade est quand même de marcher en balcon au dessus du bassin versant de cette rivière, mon parcours est nettement préférable même si la distance est nettement plus longue. Dans les deux cas, on marchera le plus souvent en sous-bois car ici la forêt est reine et bien que les forêts du Vallespir soient constituées à plus des 4/5eme de feuillus avec notamment les châtaigniers, les chênes et les hêtres, de loin les plus nombreux, ici on n’aura pas vraiment cette impression et au contraire, on aura le sentiment qu’aussi bien les feuillus que les conifères se partagent l’espace. Hêtres, chênes pubescents, chênes rouvres, chênes verts, châtaigniers, frênes, peupliers, érables, bouleaux, saules, aulnes, noisetiers, tilleuls, robiniers, sorbiers, trembles, sureaux, pins sylvestres, pins à crochets, pins Laricio, pins noirs, épicéas, mélèzes, Douglas, cèdres, etc… tout ce grand monde végétal semble vivre ici en parfaite harmonie ce qui bien sûr n’est pas vraiment le cas malgré cette apparence. En effet, certains arbres comme le sapin pectiné par exemple sont en voie de disparition, ici comme dans tout le Vallespir. A cause de ces sous-bois, la montée vers le Col de Serre-Vernet sera très limitée en panoramas visibles aussi profitez bien de chaque fenêtre qui s’entrouvre et n’hésitez pas quand c’est possible à quitter le sentier de quelques mètres pour partir à la découverte de ces rares mais merveilleux points de vues. Vous serez très surpris de constater qu’à l’horizon, on y aperçoit la côte méditerranéenne du côté de Roses, Empuriabrava et le Cap de Creus en sus des vues bien plus proches sur Saint Guillem, le Bassin de la Coumelade et le Vallespir. En arrivant au col de Serre-Vernet (1.808 m), il faut savoir que l’essentiel du dénivelé est déjà accompli. Ce col est un « pasquier » très prisé par les bovins même si ce jour-là, je n’ai aperçu aucun troupeau ni aucun animal d’élevage mais seulement qu’un intrépide et sauvage petit renardeau qui traversa la prairie au moment où je m’étais arrêté pour déjeuner. Tout comme j’avais aperçu moi-même ce renardeau, deux vautours fauves l’avaient sans doute repéré sur la pelouse rase et ils firent semblant d’effectuer un piquet avant de m’apercevoir et de se raviser. J’ai profité de cette pelouse verdoyante pour faire une longue pause et pique-niquer avec les vues sublimes que l’on aperçoit de l’autre côté du col sur la forêt domaniale du Haut-Vallespir et les hauts sommets l’environnant : Pic Roja, Crête des Sept Hommes, Pla Guillem, Roques Blanches, Esquerdes de Rotja, Pic de Costabonne et la Tour de Mir défilent ici dans une magnifique ronde. Les deux vautours qui avaient tournoyé quelques temps au dessus de ma tête ont disparu et j’ai quitté le col de Serre-Vernet avec la satisfaction d’avoir peut-être sauvé la vie à ce jeune mais téméraire renardeau. Pour retrouver le sentier qui fait le lien entre le col de Serre-Vernet et la Roque Coucoulère, le « fameux balcon » en question, il faut quitter la pelouse et redescendre de quelques mètres au travers des pins à crochets. Le petit sentier se trouve sur le versant est, celui-là même par lequel on est arrivé au col. Là, sous le versant sud du Puig de Gallinas (2.029 m), ce petit sentier file vers le nord en direction des Troncasses et au préalable vers le lieu-dit la cabane d’en Ribes. Presque immédiatement, le regard embrasse des vues époustouflantes sur le Bassin de la Coumelade et sur une immense partie du Bas-Vallespir. Droit devant, on aperçoit parfois quelques bouts du balcon restant à parcourir pour atteindre la Roque Coucoulère où il faudra amorcer la descente et le retour vers Saint Guillem. Ici aussi, la balade alterne les futaies de pins ou de feuillus puis les sombres hêtraies. De temps à autre, cette haute végétation disparaît et laisse la place à une autre bien moins haute mais tout aussi envahissante et difficile à cheminer : genêts à balais, genévriers, fougères et ronciers sont autant d’obstacles à éviter pour retrouver le petit sentier parfois un peu trop délaissé des « débroussailleurs ». A l’approche du vallon de la Coumelade, les éboulis se font plus nombreux et les yeux sont hésitants entre regarder le sol et les pieds ou bien le paysage austère mais grandiose du Puig dels Tres Vents. Alors on trouve préférable de s’arrêter pour regarder le spectacle de cette incroyable nature sauvage. En surplomb du vallon, on atteint une bifurcation qui permet sur la gauche de monter jusqu’à la Cabane des Troncasses. Personnellement, j’en ai fait l’impasse et j’ai préféré emprunter le sentier assez difficile qui sur la droite descend vers le torrent en traversant parfois de gros pierriers. Au bout de cette descente, on débouche sur une piste et devant les barrières d’un enclos. On remonte la piste par la gauche qui, elle-même s’élève en suivant le cours du torrent de la Coumelade. En bordure du torrent, les papillons sont légion et sont bien trop occupés à butiner les jolies fleurs roses d’une Eupatoire chanvrine pour redouter mon numérique. Tout en montant, je remarque, au sein de la rivière, de nombreux petits barrages et je suppose que ces aménagements en béton ou à enrochements qu’on appelle « gabions » sont sans doute là pour éviter une érosion trop importante des berges du torrent mais aussi pour casser les éventuelles crues très violentes dont la Coumelade est coutumière à l’instar des autres rivières du Vallespir. La piste se termine et pour éviter un troupeau de bovins qui occupe amplement les rives du torrent, je fais le choix de traverser sur le dernier de ses gabions mais une fois de l’autre côté, je suis contraint de sortir mon GPS car le sentier filant vers la Cabane Vieille est nettement plus haut en altitude. Après une courte galère dans ce maquis constitué de genêts purgatifs et de petites bruyères roses, je retrouve avec bonheur le petit sentier. Ici sur cette « solana » aride du Puig dels Tres Vents, le mot « balcon » prend tout son sens. Ici, rien ne vient altérer la vision et le vallon de la Coumelade s’entrouvre magnifiquement, alors j’en ai profité pour procéder à un nouvel arrêt goûter et fruits secs. Entre orri en pierres sèches et module Algeco, l’étonnante Cabane Vieille est rapidement atteinte et avec elle, le point culminant à 1.811 m de ma jolie boucle. Dans cet important lieu d’estives, on prend soin de respecter cette cabane et ceux qui y vivent et notamment les nombreux animaux en refermant les barrières et les clôtures derrière soi. Ici et jusqu’aux surprenantes roches escarpées et dentelées de la Roque Coucoulère commence la derrière partie du « balcon » avec toujours de superbes vues aériennes et plongeantes sur Saint Guillem dont on aperçoit la chapelle pas plus grande qu’une petite brique de Lego. Le sentier retrouve une forêt de pins à crochets, paradis des pinsons, pipits et autres gobe-mouches puis inévitablement on finit par tomber sur un cairn et un panonceau indiquant Saint Guillem à 3,4 kilomètres. Ici, tout le monde descend et surtout il ne faut pas se fier à ces quelques kilomètres qu’ils restent à parcourir car au bout du compte, on aura l’impression d’en avoir cheminé deux ou trois fois plus, tant cette descente est sinueuse et parfois délicate. Mais une fois encore, on oublie bien vite les difficultés et on profite pleinement de ce nombreuses et superbes vues qui se dévoilent de tous côtés au cours cette longue descente. Après une heure vingt de descente depuis la Coucoulère et sept heures et quart de d’errance au total, je retrouve la belle chapelle romane du XIeme siècle sous un ciel aussi prodigieusement bleu que celui qui m’avait accueilli ce matin. Après être venu ici quelques dizaines de fois sans succès, j’ai enfin, grâce à l’autorisation d’une gentille dame, pu pénétrer quelques minutes dans la chapelle. Je tiens à la remercier même si elle ne m’a pas autorisé à y prendre des photos comme je l’aurais souhaité. J’ai pu néanmoins y voir un très joli retable ainsi qu’une fresque représentant les saints martyrs d’Arles-sur-Tech, Abdon et Sennen. Par contre, je n’ai acquis aucune certitude quand à la cloche dont la légende prétend qu’elle aurait été forgée à la main et que de ce fait, il y aurait encore des empreintes de doigts incrustées dans son métal. Cette balade, telle que présentée ici, est longue de 17 à 18 kilomètres environ. Le dénivelé est de 500 mètres environ mais les montées cumulées sont de 1.790 mètres. Enfin, si j’ai un dernier petit conseil à formuler c’est de vous dire qu’il ne faut pas trop tarder à faire cette balade car je pense que si rien n’est fait au niveau du débroussaillage, la partie « balcon » entre le col de Serre-Vernet et la Roque Coucoulère sera devenue dans peu de temps quasiment impraticable. Est-ce voulu par certains lobbies ? Je n’ai pas la réponse et cette question reste donc en suspens ! Carte IGN 2349 ET Massif du Canigou Top 25.

Attention, il est important de ne pas confondre cette Coumelade avec une autre rivière du département qui porte le même nom mais que l'on écrit plus souvent "Comelade" qui prend sa source dans les Aspres, se jette dans la Têt et serait paraît-il aurifère si j'en crois un site Internet.

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La Chapelle Saint-Guillem par la Fontaine du Brigadier (1.257 m)

Publié le par gibirando

 

Ce diaporama est agrémenté de 2 jolies chansons de Gérard Lenorman"Les Jours Heureux" et "Michèle".

En novembre 2006, j’avais déjà eu l’occasion de vous amener vers la chapelle de Saint-Guillem de Combret depuis le hameau de la Llau mais comme je ne me lasse pas de ce coin de montagne, j’y retourne régulièrement. En mars 2009 par une magnifique journée avec un ciel lumineux  comme je les aime, j’ai voulu y retourner mais le sentier habituel, celui qui longe et surplombe le torrent de la Coumelade était obstrué par les nombreux arbres qui avaient été foudroyés par la tempête Klaus du 24 janvier. Avec la meilleure volonté, il était impossible de passer par là et pour ne pas gâcher cette splendide journée qui s’annonçait, il m’a fallu trouver rapidement une autre solution. Une analyse rapide de la carte IGN me permit de constater que depuis le hameau de La Llau, les solutions pour atteindre Saint-Guillem étaient très limitées : il y avait la piste forestière qui passe par le col de la Roue et le lieu-dit le Ventous, mais je connaissais parfaitement cette piste, puisque c’est celle qui servait de retour dans la boucle déjà présentée en 2006 puis toujours depuis le Col de la Roue, col situé à l’est de La Llau où il est recommandé de laisser son véhicule, il y a cette longue piste qui file vers la Fontaine du Brigadier,  lieu de jonction de multiples chemins et endroit bien connu des randonneurs, des pique-niqueurs et des chasseurs grâce à son avenant refuge non gardé et à son agréable aire de détente. Cette longue piste, intitulée route forestière de la Pinousette,  part plein nord depuis le Col de la Roue, bifurque plein est en montant vers la Fontaine du Brigadier puis à la fontaine, elle tourne dans le sens opposé plein ouest jusqu’à Saint-Guillem. A la Fontaine du Brigadier, il faut prendre garde de ne pas se tromper et ignorer le chemin qui monte vers la Souque (pic que j’ai déjà décrit dans ce blog). Avant d’entreprendre cette longue randonnée en boucle que je venais d’imaginer, je craignais une certaine monotonie du chemin, une lassitude compte tenu de sa longueur mais en réalité, il n’en fût rien tellement les vues et les panoramas furent merveilleux d’un bout à l’autre de ce circuit. La vision de ces merveilleux paysages me rappelait la description que Marie Vallespir faisait de ce coin de montagne dans son superbe roman « Domenica ou la Vallée âpre » : « Assis à l’abri, dans un creux de rocher, Domenica et Yvan dominaient le splendide panorama ; le chevauchement des cimes dans cette lumière crue, presque blessante, d’une extraordinaire transparence. Les crêtes couronnées de blanc, dominaient des éboulis bleuâtres sur les versants d’ombre, dorés sur les pentes ensoleillées, qui dévalaient en à-pics vertigineux jusqu’à la zone d’ombre des forêts de sapins. Ils se sentaient merveilleusement seuls, isolés dans leur amour, en face des ces solitudes grandioses que la main de l’homme n’a point souillées…. Ils regardaient le moutonnement fraternel des pics espagnols et français, dressés d’un même élan, vers le même azur, dorés du même soleil. Ils se sentaient baignés de cette atmosphère des cimes étrangement exaltante, qui élève l’âme, purifie le cœur, dépouille l’être humain de toutes les mesquineries, de toutes les ombres qui stagnent dans les bas-fonds ».  Voilà ce que ressentait et observait Domenica et Yvan, juste avant d’arriver à Saint-Guillem. Mais pourquoi ne pas le dire, Dany et moi nous éprouvions les mêmes sentiments et percevions les mêmes choses ce jour là, sur ce même chemin que Marie Vallespir avait arpenté pour écrire son roman ! Autant dire que ce chemin que j’avais imaginé en quelques minutes allait bien au-delà de notre imaginaire et la découverte de Saint-Guillem et de sa féerique chapelle avec une arrivée par le haut fut un véritable enchantement. Seuls quelques arbres en travers de la piste, que les forestiers n’avaient pas encore déblayés, freinèrent notre marche. Après la longue visite de Saint-Guillem de Combret et comme dans le première description que j’en avais faite en 2006, le retour de cette boucle se fit par la piste forestière qui descend vers le Ventous et le Col de la Roue où l’on retrouve sa voiture. Ce circuit est long de 17,5 kilomètres pour un dénivelé somme toute modeste de 400 mètres, le point culminant étant à 1.402 mètres d’altitude. Il faudra consacrer une journée à cette découverte ou un pique-nique style barbecue peut-être organisé soit à la Fontaine du Brigadier soit à Saint-Guillem dans la cheminée du refuge. Carte IGN 2349 ET Massif du Canigou Top 25.

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