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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.4eme étape : Jeudi 20 août 2009.

Prats-de-Mollo (753 m) - Notre-Dame de Coral (1.091m)

9 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

"Un doux crépuscule d'avril descendait sur le Vallespir encore embrasé des rougeurs ardentes du couchant. C'était l'heure où le rose et l'orangé se disputent, en tons dégradés, les lisières du ciel et se fondent en cette teinte merveilleuse et indéfinissable qui incendie la crête des hautes montagnes". Extrait du roman " Domenica ou la vallée âpre ". Marie Vallespir.

 

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.SANS MIR, J'AI FAIT LE MINIMUM :

A l'hôtel-restaurant Ausseil, on soigne les clients. Hier soir, le patron a mis tout en œuvre pour que je puisse manger en terrasse. Il est allé chercher un petit guéridon où il m'installa comme un nabab. Seul le service pouvait être critiquable car il a été un peu long mais il faut dire que les tables étaient nombreuses et les clients aussi. Pourtant, en prenant le menu du jour fait d'une escalivade, d'un pavé de morue à la catalane et d'une crème catalane, je pensais pouvoir expédier ce souper typiquement catalan pour partir me coucher tôt. Il n'en a rien été, mais je n'ai pas eu à le regretter. Cette cuisine du terroir était excellente et en plus, tout seul dans mon coin, je me suis bien marré. Il y avait juste derrière moi un groupe de huit personnes, pour moitié catalanes et, pour l'autre moitié parisiennes et le contraste étonnant de ces deux accents antinomiques avait quelque chose de sympathiquement cocasse. Les gens d'ici parlaient ce sympathique français du terroir avec des mots mâchouillés aux intonations catalanes et chez les parigots, les hommes avaient cet accent argotique du titi parisien et les femmes, cet accent pointu à vous crever un œil. Dans le brouhaha général, je ne comprenais pas tout des conversations mais ces échanges et surtout ces sons, que tout opposait, étaient un régal pour mes oreilles et pour mon moral. Aussi, quand le groupe finit par quitter le restaurant, mon intérêt de rester à table disparut avec lui. Il est 23 heures et temps d'aller dormir. Mais du sommeil, il n'y en eut point cette nuit-là. Les orties que j'avais piétinées cet après-midi se rappelaient à mon bon souvenir et les inflammations avaient redoublées d'intensité et étaient devenues insoutenables. A aucun moment, je ne réussis à dormir, à peine somnoler parfois, car dans cette bataille du sommeil et du réveil que se livrait la lassitude et les brûlures, ces dernières gagnaient sans cesse. J'ai essayé une pommade anti-inflammatoire et une à l'arnica, mais sans succès et, seules les douches d'eaux chaudes, que je prenais régulièrement, arrivaient à calmer temporairement ces douleurs.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

En jaune, c'est l'hôtel Ausseil où j'ai été parfaitement reçu. Mais les piqûres d'orties m'ont empêché de dormir. A droite, le porche de la ville fortifiée

Cette nuit sans dormir a été un vrai calvaire, mais elle présenta l'avantage de me laisser un temps infini pour réfléchir. Mais de toutes ces réflexions, deux revenaient sans cesse et se résumaient ainsi :

1- Pourquoi hier m'étais-je obstiné si longtemps dans ce guêpier avant de faire demi-tour ?

2- Que faire aujourd'hui pour ne pas renouveler cette triste et périlleuse expérience, si elle vient à survenir ?

Je répondais à la première interrogation, en reconnaissant mon entêtement à vouloir coûte que coûte cheminer le Tour du Vallespir. Mais est-ce si important de passer par ce chemin ou bien par un autre ? Et le but n'est-il pas de découvrir le Vallespir et d'arriver à l'endroit désiré ? A la première question ma réponse fut " NON " et à la deuxième ce fut " OUI ". Mais au fond de moi, je savais qu'il y avait eu autre chose aussi, quelque chose d'inconscient, comme une espèce de fascination à vouloir me mesurer à des forces et à des éléments que la nature, elle-même, avait vaincus. Après coup, j'avais le sentiment que mon entêtement à vouloir avancer dans cette forêt massacrée avait été un peu comme aller à la rencontre d'un mystère que je me devais d'élucider.

Mais désormais, il fallait que je me penche sur l'essentiel. De la solution à la première réflexion découla la résolution de la seconde et je me mis à compulser immédiatement mes cartes. Car la solution se trouvait automatiquement là. Fallait-il que je continue l'itinéraire du Tour du Vallespir, alors que dans ce secteur de Prats-de-Mollo, nombres de chemins ravagés par la tempête Klaus étaient peut-être encore barrés et impraticables ? Pour atteindre Notre-Dame de Coral, objectif de cette quatrième étape, il y avait le GRP Tour du Vallespir avec 21 kilomètres à parcourir, une rude ascension à la Tour de Mir, que je connaissais bien, par le boisé Bassin du Canidell, puis la rectiligne et aplanie crête boisée du Pic des Miquelets (1.632 m) et pour terminer, la descente boisée du Col d'Ares (1.513 m) jusqu'à l'ermitage. Cet itinéraire qui était enregistré dans mon GPS avait un dénominateur commun : " Boisé ". Le mot qui enfante une grosse boule dans mon estomac que je n'arrive plus à expulser. Mais pour se rendre à Notre-Dame de Coral, il y avait aussi un P.R. (Promenades et randonnées) sur la carte, un itinéraire parfaitement dessiné et surligné en rouge. Je l'avais déjà remarqué en étudiant le Tour du Vallespir. Moins long de 10 à 11 kilomètres que le GRP, je l'avais jugé comme une alternative très intéressante en cas de gros pépins physiques. Or, les pépins physiques étaient là ! Alors que faire ? Ce chemin circulait lui aussi en forêt, mais il présentait l'avantage de couper et de longer de manière quasi parallèle la D.115 qui descend du poste frontière du Col d'Ares. Et je me disais que si des arbres étaient tombés, c'est bien dans ce secteur où se trouve la départementale qu'on avait du certainement les dégager en priorité.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Prats-de-Mollo a un riche patrimoine historique et culturel. Ici une jolie cour de chapelle fleurie et ornée de fresques où l'on distingue les deux saintes. Mais pas le temps de m'attarder. Dommage !

A 5 heures du matin, quand j'éteins la lumière pour tenter de trouver une dernière fois un sommeil réparateur, j'ai pris quelques bonnes résolutions et pour ne pas en oublier, je les ai écrites dans mon petit calepin :

a) Me rendre demain matin à l'Office du Tourisme et demander des informations sur le GRP Tour du Vallespir qui passe par la Tour de Mir et sur le P.R., l'autre chemin qui va à Notre-Dame de Coral.

b) Si le GRP Tour du Vallespir est dans son intégralité praticable, je l'emprunterai.

c) Si je n'ai pas d'informations suffisamment précises et fiables, j'éviterai le GRP Tour du Vallespir au profit de l'autre chemin.

d) Si ce chemin est lui aussi impraticable, je prendrais la D.115 jusqu'au col de la Guilla puis la piste qui va à Can Moulins et enfin le sentier qui rejoint Notre-Dame de Coral.

e) Informer les responsables de l'Office du Tourisme quant à la galère que j'ai connu hier entre le Puig des Lloses et le Col du Miracle pour que d'autres randonneurs ne tombent pas dans le même piège.

f) Passer à la pharmacie pour acheter un calmant qui soulagera mes brûlures.

g) Penser à passer dans une épicerie car l'hôtel Ausseil ne prépare pas de panier pique-nique.

Dans ce combat de titans que se livrèrent toute la nuit le sommeil et l'éveil, ce dernier finit par jeter l'éponge vers 6 heures du matin et je m'endormis. Mais vers 7 heures, le bruit de quelques véhicules de livraison dans les ruelles avoisinantes arbitrèrent et mirent fin définitivement à cette bagarre dont je sortis comme le seul vaincu, terrassé et fourbu.

Depuis mon départ d'Amélie, c'est le premier jour où je suis réellement fatigué et courbaturé. Mon genou gauche est meurtri, me fait mal et la plaie pourtant peu profonde n'est pas jolie à voir car elle suppure abondamment. La douche chaude me réveille un peu mais n'a pas sur mon organisme cet effet habituel de stimulation. La fatigue est là et si je ne fais rien, elle ne s'arrangera pas au fil de la journée. Je mets sur mon genou une compresse de mercurochrome que je scotche avec un gros bout de sparadrap. Pour calmer les douleurs et les inflammations, je prends dans ma pharmacie deux Propofan et un Cycladol que j'avalerai avec le petit déjeuner.

La terrasse de l'hôtel Ausseil est quasi déserte et hormis un couple de touristes et la charmante serveuse qui vient me servir, il n'y a personne. Je prends seul ce copieux petit déjeuner sous l'œil prévenant et souriant de l'agréable serveuse. Cette dernière m'indique où se trouvent la pharmacie, l'Office du Tourisme et une superette. Par bonheur, tous ces commerces sont situés sur la place du Foirail, mais par contre, elle ne sait pas me dire quels sont les horaires d'ouverture. Les brûlures aux jambes étant toujours virulentes, il m'importe de me soigner dans un premier temps. Par les ruelles désertes, je pars aussitôt en direction de la Place du Foirail. Mais il n'est pas encore 8 heures et tout est fermé sauf la superette qui est ouverte, mais son unique employée est occupée à recevoir un camion de livraison. Au moment où je m'apprête à entrer, la commerçante d'un air ironique et caustique me dit en ricanant : Nous ouvrons à neuf heures ! Je repars vers les ruelles de la ville fortifiée où sans problème, je peux, grâce à une épicerie et à une boulangerie ouvertes, constituer un panier repas pour midi. Je reprends le chemin de l'hôtel, paye ma note par chèque car l'agréable serveuse m'assure que la carte bleue validée à la réservation ne sera pas encaissée et je remonte dans ma chambre. Mon sac à dos est prêt et il ne me reste plus qu'à ranger le pique-nique du midi et partir. Je sors de l'hôtel en remerciant la patronne de l'excellent accueil que j'ai eu et me dirige une nouvelle fois vers la place du Foirail. L'officine est ouverte et la pharmacienne me conseille un gel apaisant " Urticium " et ajoute un petit tube de granules homéopathiques " Urtica Urens ". Assis sur une murette, je badigeonne mes bras et mes jambes de ce gel froid et avale trois granules. Je suis agréablement surpris car les douleurs semblent s'atténuer presque immédiatement.

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Sous un beau soleil, je quitte Prats-de-Mollo par un pont qui enjambe le Tech. C'est décidé, je délaisse Mir, sa tour et je fais ma première entorse volontaire à ce Tour du Vallespir. J'emprunte un PR.12 qui est en partie commun avec le fameux " Cami de la Retirada ". Il va me mener sans problème à Notre-Dame de Coral. Je traverse le torrent Canidell et tombe sur ce petit panneau qui vante les mérites de l'Ortie. Moi qui souffre le martyre et qui n'ait pas dormi de la nuit à cause de cette plante urticante, je suis sidéré d'apprendre qu'elle a des vertus anti-inflammatoires !

La tour de Mir

Indécis et confus, je pars dans la verdure.

Prats se réveille alors sous un ciel éclatant.

Le cœur encore intact d'un esprit d'aventure,

La Tour de Mir domine le vallon flamboyant.

 

Hésitant à grimper vers la haute muraille,

Le maximum à faire est encore important.

Ma tête grande ouverte tel un bel éventail.

La Tour de Mir me nargue idem à un géant.

 

Je balance, j'hésite, tel l'oiseau qui émigre,

Vers un court minimum où un chemin cuisant.

Mes jambes sont en feu mais ne sont pas de givre.

La Tour de Mir fascine les plus agonisants.

 

Ma décision est prise, je rejoins Notre-Dame,

Par le libre sentier de tous les résistants,

Mais l'esprit torturé comme une vieille femme,

La Tour de Mir m'invite de son pic arrogant.

 

Sombres sont les sous-bois, la paresse de mise.

Saint-Antoine est joli et son parc reposant.

L'horizon est bleuté, ma pensée cristallise.

La Tour de Mir m'attire de son feu si luisant.

 

J'escalade, je m'élève vers le col de la Guille,

Car Notre-Dame est belle dans le soleil couchant,

Et mon bras appuyant un bâton si futile,

La Tour de Mir s'enfuit, avec elle mon tourment.

 

La belle du Coral dévoile ses reliques,

Ses trésors que l'ermite a veillés pieusement.

Mes yeux émerveillés par ce pays de biques,

Le feu, la Tour de Mir s'éteint finalement.

 

L'Office du Tourisme est toujours fermé et j'ai maintenant un choix à faire : soit j'attends l'heure de l'ouverture en prenant le risque que l'employée ne puisse pas répondre à mes interrogations quant à la praticabilité des chemins soit je me décide tout de suite et opte pour le P.R pour respecter la résolution prise cette nuit.

En raison de mon état de lassitude avancée et de l'importante différence de distance à parcourir, pratiquement deux fois moins par le P.R., j'opte presque sans réfléchir pour cette solution qui me semble, aujourd'hui, la plus raisonnable. Il y a quelques années, une célèbre publicité annonçait " Mini Mir, il en fait un maximum " mais moi, c'est décidé " je ne vais pas prendre Mir (la tour) et je vais en faire un minimum (de kilomètres) ". Le jeu de mots est un peu lourdaud mais il a le mérite d'être un peu distrayant et de me venir à l'esprit à cet instant où je démarre cette nouvelle journée de marche avec une certaine appréhension.

Je traverse la place du Foirail et me dirige vers le pont qui traverse le Tech. Ici, il n'y a pas de colombes comme à Amélie mais un cadre de verdure exceptionnel et je retrouve le fleuve pour la deuxième fois depuis mon départ. Pas encore alimenté par ses nombreux affluents, il n'est ici qu'un petit torrent de montagne tranquille au débit relativement modeste en été. Mais cette discrétion du fleuve est très relative au regard de la documentation que j'ai pu lire sur l'Aiguat de 1940. Au carrefour adjacent, je trouve quelques panneaux de randonnées dont celui qui monte à la Tour de Mir. Je traverse la D.115 et cette fois, je suis devant le bon panneau avec un P.R.1, un P.R.3, un P.R.19 et surtout celui que je recherche, le P.R.12 indiquant " Notre Dame du Coral - La Coulometa ". Le balisage est blanc et rouge comme les G.R. Il y a dessous celui-ci, un autre panonceau dont l'itinéraire est vraiment chargé d'Histoire c'est le " Cami de la Retidara ", insolite chemin de l'exil que plus de 100.000 réfugiés espagnols empruntèrent en janvier 1939 pour fuir le régime tyrannique du général Franco. Cet exode massif eut une portée considérable sur la petite cité de Prats-de-Mollo et la région du Vallespir tout entière car il fut très difficile d'accueillir correctement toutes ces familles dans cet hiver très rigoureux qui était déjà là. Après la guerre, un grand nombre de famille s'installèrent dans le Vallespir. Ils eurent des enfants, qui ont grandi et sont devenus français. 70 ans ont passés et aujourd'hui c'est par bonheur que je vais emprunter une portion de ce " chemin du malheur " qui monte au Col d'Ares. J'enjambe le pont qui traverse le torrent du Canidell. Au bout du pont, un petit panneau éducatif sur l'ortie a été installé. Il décrit la plante, ses utilisations et vante ses bienfaits. Et là, chose surprenante, moi dont le lit était un véritable bûcher et qui ai " flambé " toute la nuit à cause de cette maudite plante, j'apprends qu'elle a des qualités d'anti-inflammatoire et qu'on peut même en faire des soupes. Non, je me suis endormi et je rêve, je ne suis pas devant ce panneau, je suis encore dans mon lit à l'hôtel Ausseil. Pincez-moi car je ne peux pas croire ça ! Je repars, la sente monte rudement dans un bois de feuillus où dominent les frênes et les grands châtaigniers. Je marche le plus souvent sous une sombre canopée mais parfois, j'arrive, au détour du chemin ou au travers des branches, à apercevoir Prats, juste en dessous qui s'éloigne, ou bien la Tour de Mir sur ma gauche, petite tétine brune dépassant d'un dodu mamelon verdâtre.

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Le PR.12 grimpe dans la forêt. Malgré tout, j'aperçois de temps à autre la Tour de Mir ou les lieux où j'ai cheminé hier. Puis il coupe la D.115 et arrive à la ferme des Casals. Quand il devient un agréable sentier tout en sous-bois, je vais flâner comme jamais je ne l'ai fait depuis mon départ, récupérant ainsi de mon exténuante étape d'hier. 

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Ce chemin tout en sous-bois où je vais paresser, m'amène au col de la Guilla puis sur une piste qui descend vers Can Moulins. Je quitte cette piste par une étroite sente balisée avec des lettres en vieil anglais qui m'entraîne dans le ravin de Coral entre prés fleuris et bois où virevoltent de beaux papillons. Au loin, j'aperçois mon objectif du jour : la chapelle Notre-Dame de Coral.

Je m'arrête souvent pour calmer ma respiration qui a tendance à s'emballer. Si les anti-inflammatoires ont eu pour effet de calmer mes contractures musculaires, je reste néanmoins marqué par ma terrible journée d'hier et ma nuit agitée. Et je me réjouis d'avoir pris ce chemin déjà suffisamment difficile compte tenu de ma fatigue. Après maints zigzags, j'atteins Saint-Antoine, petit ermitage avec une fontaine et une aire de pique-nique. Je profite de ce lieu calme pour souffler un peu et manger le pain au chocolat que j'ai acheté ce matin. Je repars. Le balisage est formidablement distinct. Je traverse la D.115 pour entrer dans un autre bois où le chemin s'est élargi. Ici la forêt ne semble pas avoir souffert du déchaînement de Klaus. La forêt se termine et le chemin débouche dans un immense pré lumineux où tout à coup les beaux panoramas se dévoilent vers le nord. Le chemin traverse le pré et pénètre dans la grande ferme des Casals. Il est 10h30. Je passe au milieu de la ferme que je quitte par une piste terreuse qui continue vers la D.115. Très vite, je délaisse cette piste au profit d'une autre qui aboutit à un portail. Le balisage du P.R.12 est bien là. Je pousse le portail que je prends soin de refermer derrière moi. C'est un large chemin herbeux tout en sous-bois de petits noisetiers qui démarre ici et longe parallèlement la D.115. Après les rudes montées que j'ai eues jusqu'ici, j'apprécie à sa juste valeur ce sentier fleuri au doux dénivelé. Il est si agréable à cheminer et il fait si beau aujourd'hui, que je flâne, m'arrête, repars, m'arrête à nouveau pour observer une fleur, un oiseau ou un papillon. Tout devient prétexte à un rythme de marche nonchalant et placide. Je vais même jusqu'à m'arrêter plusieurs fois pour déjeuner. Un coup c'est un morceau de quiche acheté à la boulangerie ce matin, une autre fois une salade que je trimballe depuis le départ, une autre fois, un morceau de pizza, un gâteau de riz ou bien une orange. C'est simple, quand je retrouve la D.115 au col de la Guilla (1.194 m), je me suis arrêté trois fois, j'ai mangé tout mon déjeuner, il n'est pas encore midi et j'ai mis plus d'une heure depuis la ferme des Casals pour parcourir deux kilomètres. C'est dire la lenteur avec laquelle j'ai marché, mais cette lenteur est aujourd'hui en parfait synchronisme avec mon état de paresse. Un petit panonceau en direction de Notre-Dame du Coral est planté là au bord de la D.115. Il m'expédie de l'autre côté de la route où un grand portail s'ouvre sur une large piste qui descend vers Can Moulins. Les décors changent, ce n'est plus tout à fait la même végétation. Ici, les grands châtaigniers, les frênes et les hêtres ont quasiment disparus au profit des pins, des chênes verts et des chênes lièges. Sous un soleil de plomb et sur cette large piste terreuse qui descend allègrement, je retrouve machinalement mon rythme de marche régulier et habituel. Seul un abreuvoir dans lequel s'écoule une source arrête mon élan. J'y trempe mon bob déjà bien mouillé de sueur que j'enfonce tout dégoulinant sur ma tête. Frais comme un gardon, je repars sous ce cagnard brûlant mais juste avant Can Moulins, je suis à nouveau arrêté dans ma course par un petit panonceau aux lettres écrites en vieil anglais " N + D + du Coral ". De cet endroit, on aperçoit d'ailleurs les toits de l'ermitage. Au sein d'une dense forêt, la chapelle n'est plus qu'à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau. Une étroite sente raide descend dans une ravine, se stabilise et passe sous les maisons du hameau isolé de Can Moulins. Puis il descend à nouveau dans le bois d'un autre vallon où coule le Coral. Lors de l'analyse du parcours, j'avais prévu de m'y baigner en cas de fortes chaleurs. Mais si les fortes chaleurs sont là, le ruisseau, lui, n'est qu'un petit filet d'eau où il est très difficile de s'y mouiller ne serait-ce que les pieds.

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Après avoir traîné comme jamais, je finis par arriver très tôt à Notre-Dame de Coral. Comme à Saint-Guillem, la jolie chapelle est un lieu de pèlerinage et d'ermitage depuis des siècles mais ici elle fait aussi hôtellerie et restaurant. Je suis accueilli par deux énormes Saint-Bernard très gentils mais un peu trop baveux à mon goût. Un panonceau m'indique Lamanère, direction que j'aurais à prendre demain.

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Après une sieste bienfaitrice dans ma chambre, balades, visite et photos du site sont au programme. Son calme et son cadre de verdure unique se prête bien à ces activités. D'ici, j'aperçois tout au loin les Tours de Cabrens que je dois approcher demain. Je vais garder de Notre-Dame de Coral un souvenir impérissable et l'envie constante d'y amener un jour toute ma famille. 

Toujours dans les bois, le chemin remonte en zigzaguant jusqu'à l'intersection de deux chemins. Je connais bien cette jonction pour être venu à diverses reprises à Notre-Dame du Coral : il y a le chemin qui descend vers Lamanère et qu'il me faudra prendre demain et celui qui monte en direction de l'ermitage. Il est 13h15 quand j'aperçois les bâtiments et la chapelle. Je suis accueilli aux sons des grognements de deux énormes " Saint-Bernard " qui sont affalés de tout leur long sur le carrelage, certainement frais, du narthex de la chapelle. Ils doivent avoir si chaud qu'ils ne bronchent pas, mais néanmoins, ils m'observent du coin de l'oeil comme pour me dire " ne bouge plus, on te surveille ". Mais, je les connais pour les avoir rencontrés, il y a quelques mois, lors d'une randonnée. Ils sont plus impressionnants que réellement menaçants. Un jeune homme arrive d'un espace privé qui me semble être la cuisine. Je me présente, et il est parfaitement au courant de ma réservation en demi-pension pour une nuit. Force est de constater qu'ici ça fonctionne mieux qu'au Refuge de Batère. Pendant que le jeune homme me parle, les deux molosses se sont levés et sont venus me renifler les mains. Non, renifler n'est pas vraiment le mot. De leurs bajoues humides, ils m'enduisent les mains d'une bave gluante et quand je veux les repousser pour arrêter ce badigeonnage visqueux, le jeune homme me dit : " ils ont peur de votre bâton de marche " ! Je plie mon bâton télescopique et suit le jeune homme qui se dirige à l'étage pour me montrer ma chambre. Ce n'est pas vraiment une chambre mais plutôt un petit dortoir avec trois lits gigognes mais où, en principe, je devrais être seul car peu de randonneurs sont attendus aujourd'hui. Avant de retourner à ses occupations, le jeune homme me demande si je souhaite une boisson fraîche et quand je lui réponds une bière, il m'annonce avec jubilation, et comme si c'était une prouesse, qu'il a même une excellente bière pression. Je ne sais pas si chez lui, cet accueil courtois est habituel mais avec mon tee-shirt détrempé et mon bob avachi, il en a certainement conclu que j'avais dû avoir très chaud toute la matinée et que je devais avoir très soif. Gagné ! Je dépose mes affaires, retourne chercher ma bière et remonte avec dans le dortoir. Maintenant, je n'aspire qu'à une seule chose : " dormir ! ". Je me délecte de cette bière glacée, sors mes effets de toilettes, me déshabille et me précipite en slip sous la première douche venue qui se trouve au fond du couloir. Quand je reviens dans la chambre, et bien que les brûlures se soient formidablement estompées, je m'enduis les bras et les jambes d'Urticium et mets sous ma langue 5 granules d'Urtica Urens que je laisse fondre. Je finis ma bière et me jette sous une couverture et en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, je me vois m'endormir comme un bébé rassasié. Il est 16h30 quand je me réveille au doux bruit d'un aspirateur qui ronfle. Celui-ci arrive de l'extérieur et entre par la fenêtre que j'ai laissée grande ouverte. Quand je m'y penche c'est pour constater que la gérante et sa fille sont entrain de nettoyer leur voiture. M'apercevant à la fenêtre, elle semble confuse de m'avoir réveillé mais je la rassure car en réalité, il n'en est rien, je me suis éveillé tout seul après tout de même plus de deux heures d'un sommeil profond et réparateur. Je pars faire quelques photos de Notre-Dame du Coral qui est vraiment un site magique dans un cadre de verdure remarquable. D'ici, j'arrive à voir et à photographier les fameuses " Tours de Cabrens ", au pied desquelles, j'ai prévu de passer demain.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

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Quelques images de ma soirée à Notre-Dame de Coral : la jolie chapelle avec ma chambre dont la première fenêtre est ouverte. Devant la fenêtre de ma chambre où, le soir, je vais assister impuissant à la mise à mort d'un pauvre mulot ballotté par trois horribles matous. La marmotte empaillée de l'excellent restaurant " La Bergerie " qui de ses yeux fixes me regarde manger et enfin le beau coucher de soleil vers le Mont Falgas. Ce soir-là, plusieurs randonneurs m'indiquent l'impossibilité qu'ils ont eu de se rendre à la Tour de Mir à cause des arbres couchés par la tempête Klaus et cela me conforte dans la décision d'avoir préféré le PR.12 plutôt que l'itinéraire du Tour du Vallespir. Cela effacera en partie cette entorse non prévue. 

Assis devant l'entrée de la chapelle, je fais la connaissance d'une randonneuse. Elle marche avec deux amis et font des randonnées en étoiles depuis l'ermitage. Elle vient d'arriver du secteur de la Tour de Mir où ils sont allés randonner aujourd'hui. Au fil de la discussion, elle finit par m'apprendre que, par là-bas, beaucoup d'arbres gisent encore à terre au milieu des pistes et des chemins. Ils ont pas mal galéré et n'ont pas pu respecter la boucle qu'ils avaient initialement envisagée de faire. Puis au moment de faire demi-tour, ils ont éprouvé beaucoup de difficultés pour revenir à l'ermitage depuis la Tour de Mir par un autre chemin. Cette information que je n'ai pas spécialement recherchée arrive à mes oreilles comme un pur soulagement. En effet, après cette difficile journée d'hier et malgré mon désir de faire preuve de prudence, j'avoue que faire le Tour du Vallespir et ne pas respecter son parcours originel me chagrine pas mal. Mais avec cette information, plus aucun regret, j'ai la certitude maintenant d'avoir pris ce matin la bonne décision en choisissant le P.R.12 ! La jeune femme part rejoindre ses amis dans le dortoir. Une petite chatte noire vient se faire câliner, elle ressemble à s'y méprendre à ma petite Milie, mais quand un des deux Saint-Bernard aperçoit ce manège, il est jaloux et veut lui aussi sa part de caresses. Je veux bien le cajoler mais lui ne conçoit pas de recevoir de la tendresse sans en rendre à son tour à grands coups de langue. Et voilà qu'en moins de trois heures, il se met à me passer une deuxième couche de salive collante sur les mains. J'adore les animaux et particulièrement les chiens mais cette écume blanche qui dégouline de ses bajoues a un côté ragoûtant et désagréable et, là c'en est trop. Je remonte vers les toilettes pour me laver les mains puis je me remets au lit pour un peu de lecture. Vers 19h30, je redescends pour m'installer dans la Bergerie. C'est ainsi que s'appelle la jolie salle de restaurant au décor campagnard typiquement catalan. Je suis seul dans la salle, et ce repas, que je mange sous l'œil inerte d'une grosse marmotte empaillée, est vraiment savoureux avec une salade de tomates à la mozzarella, un coquelet rôti avec un excellent petit assortiment de légumes, de riz et d'un délicieux gratin. Et pour clore le tout, on m'apporte une grosse tranche d'un succulent gâteau à la crème pâtissière. Je n'ai vraiment que des louanges à faire de cet accueil de qualité. La chambre est parfaite pour le randonneur que je suis, la cuisine est excellente et raffinée, le tout dans un décor unique et calme et pour couronner le tout avec un rapport qualité/prix des plus raisonnables. Que demander de plus ! Quand je remonte dans la chambre, le soir est entrain de tomber mais le soleil est loin d'être couché. Par la fenêtre, je le regarde décliner peu à peu, grosse boule rouge qui disparaît derrière le Mont Falgas. A cet instant, et en regardant vers ces belles montagnes, je repense à ce " Cami de la Retirada ". Ces chemins de la liberté, ils ont dû en voir passer des contingents de malheureux et de chancelants avec tous ces réfugiés politiques qui étaient obligés de fuir leur pays. Mais dans l'autre sens, cette frontière, elle a dû en voir défiler des bienheureux et des chanceux avec ces résistants et ces combattants de tous bords qui fuyaient le nazisme pour des vies et des destinées nouvelles. Trois chats noirs qui jouent sous ma fenêtre sur la pelouse du parc m'extirpent de cette rêverie et de ces réflexions. Ils jouent à un jeu très cruel, c'est celui du chat et de la souris, comme une parodie d'un " Tom et Jerry " grandeur nature où il y aurait trois " Tom " et dans lequel, le rôle de " Jerry " est tenu par un minuscule mulot dont le sort est scellé d'avance. Les trois " ignobles " matous se renvoient, d'un à l'autre, le petit mulot comme une balle de caoutchouc et quand parfois celui-ci retombe dans l'herbe, j'ai toujours espoir qu'il finisse par arriver à s'échapper. Mais malheureusement, il finit tôt ou tard par se faire rattraper pour un des trois " greffiers ". Décidément la nature est trop cruelle et devant cet impitoyable spectacle, je préfère partir me coucher. Voilà un aspect de l'âpreté du Vallespir que je n'avais pas imaginé au départ de cette randonnée. Comme quoi, on est loin de tout envisager quand on veut se hisser sur " les hauteurs d'une vallée âpre ".

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L'après-midi, ce gentil chat était venu se faire câliner. A la nuit tombante, sur la pelouse de l'ermitage, accompagnés de ses deux compères, il est soudain devenu un " ignoble assassin " suppliciant un pauvre petit mulot qu'ils se renvoyaient de l'un à l'autre comme un simple balle de caoutchouc. Une nouvelle fable était déjà dans ma tête.

 

Trois petits " Tom " et un pauvre Jerry

 

Trois petits " Tom " jouaient dans le parc ombragé.

Noirs étaient leurs pelages, leurs esprits, leurs pensées.

Et ce pauvre " Jerry ", que le diable tirait

Par une fine queue, était désespéré.

 

Un homme à la fenêtre regardant ce spectacle,

Espérait du hasard, une étoile, un miracle.

Mais la dure nature le fit pleurer soudain,

Les petits " Toms " noirs étaient des assassins.

 

Il partit se coucher, sensible à sa faiblesse.

Les petits " Toms " noirs avaient tant de rudesse.

Croquer une souris tels étaient leurs destins,

Un " Jerry ", un mulot ce n'est pas un festin

 

Puis l'homme s'endormit, mais les rêves l'éveillèrent

Sur son lit, un p'tit " Tom " dormait tel un pépère

Sans cauchemar aucun, sur ce qu'il avait fait

Le " Jerry " dans son ventre avait ressuscité.

 

Dans leurs songes, ils sautèrent dans le parc ténébreux

Le P'tit " Tom " et " Jerry " avaient l'air si heureux.

Toute la nuit, ils jouèrent jusqu'au petit matin,

Comme de bons copains, de gentils diablotins.

 

Puis le jour se leva et son lot de tracas,

Les petits " Toms " noirs cherchaient comme un en-cas.

Point de pauvre mulot pour leur combler la faim,

Mais un " Jerry " ailé tel un beau séraphin.

 

Les Petits " Toms " noirs scrutaient en vain le ciel,

En quête d'un oiseau, de leurs airs criminels.

Mais le frêle " Jerry " s'était changé en aigle,

Sur les chats il tomba emportant le plus faible.

 

Il faut vivre la vie comme un chat, un mulot,

Caresser les p'tits " Toms ", ignorer les salauds,

Et si la vie est dure, croque-là doublement

Comme une petit " Jerry " si tendre et si fondant.

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Cliquez sur la tour de Mir pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.4eme étape : Jeudi 20 août 2009.

Prats-de-Mollo (753 m) - Notre-Dame de Coral (1.091m)

9 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

"Un doux crépuscule d'avril descendait sur le Vallespir encore embrasé des rougeurs ardentes du couchant. C'était l'heure où le rose et l'orangé se disputent, en tons dégradés, les lisières du ciel et se fondent en cette teinte merveilleuse et indéfinissable qui incendie la crête des hautes montagnes". Extrait du roman " Domenica ou la vallée âpre ". Marie Vallespir.

 

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.SANS MIR, J'AI FAIT LE MINIMUM :

A l'hôtel-restaurant Ausseil, on soigne les clients. Hier soir, le patron a mis tout en œuvre pour que je puisse manger en terrasse. Il est allé chercher un petit guéridon où il m'installa comme un nabab. Seul le service pouvait être critiquable car il a été un peu long mais il faut dire que les tables étaient nombreuses et les clients aussi. Pourtant, en prenant le menu du jour fait d'une escalivade, d'un pavé de morue à la catalane et d'une crème catalane, je pensais pouvoir expédier ce souper typiquement catalan pour partir me coucher tôt. Il n'en a rien été, mais je n'ai pas eu à le regretter. Cette cuisine du terroir était excellente et en plus, tout seul dans mon coin, je me suis bien marré. Il y avait juste derrière moi un groupe de huit personnes, pour moitié catalanes et, pour l'autre moitié parisiennes et le contraste étonnant de ces deux accents antinomiques avait quelque chose de sympathiquement cocasse. Les gens d'ici parlaient ce sympathique français du terroir avec des mots mâchouillés aux intonations catalanes et chez les parigots, les hommes avaient cet accent argotique du titi parisien et les femmes, cet accent pointu à vous crever un œil. Dans le brouhaha général, je ne comprenais pas tout des conversations mais ces échanges et surtout ces sons, que tout opposait, étaient un régal pour mes oreilles et pour mon moral. Aussi, quand le groupe finit par quitter le restaurant, mon intérêt de rester à table disparut avec lui. Il est 23 heures et temps d'aller dormir. Mais du sommeil, il n'y en eut point cette nuit-là. Les orties que j'avais piétinées cet après-midi se rappelaient à mon bon souvenir et les inflammations avaient redoublées d'intensité et étaient devenues insoutenables. A aucun moment, je ne réussis à dormir, à peine somnoler parfois, car dans cette bataille du sommeil et du réveil que se livrait la lassitude et les brûlures, ces dernières gagnaient sans cesse. J'ai essayé une pommade anti-inflammatoire et une à l'arnica, mais sans succès et, seules les douches d'eaux chaudes, que je prenais régulièrement, arrivaient à calmer temporairement ces douleurs.

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En jaune, c'est l'hôtel Ausseil où j'ai été parfaitement reçu. Mais les piqûres d'orties m'ont empêché de dormir. A droite, le porche de la ville fortifiée

Cette nuit sans dormir a été un vrai calvaire, mais elle présenta l'avantage de me laisser un temps infini pour réfléchir. Mais de toutes ces réflexions, deux revenaient sans cesse et se résumaient ainsi :

1- Pourquoi hier m'étais-je obstiné si longtemps dans ce guêpier avant de faire demi-tour ?

2- Que faire aujourd'hui pour ne pas renouveler cette triste et périlleuse expérience, si elle vient à survenir ?

Je répondais à la première interrogation, en reconnaissant mon entêtement à vouloir coûte que coûte cheminer le Tour du Vallespir. Mais est-ce si important de passer par ce chemin ou bien par un autre ? Et le but n'est-il pas de découvrir le Vallespir et d'arriver à l'endroit désiré ? A la première question ma réponse fut " NON " et à la deuxième ce fut " OUI ". Mais au fond de moi, je savais qu'il y avait eu autre chose aussi, quelque chose d'inconscient, comme une espèce de fascination à vouloir me mesurer à des forces et à des éléments que la nature, elle-même, avait vaincus. Après coup, j'avais le sentiment que mon entêtement à vouloir avancer dans cette forêt massacrée avait été un peu comme aller à la rencontre d'un mystère que je me devais d'élucider.

Mais désormais, il fallait que je me penche sur l'essentiel. De la solution à la première réflexion découla la résolution de la seconde et je me mis à compulser immédiatement mes cartes. Car la solution se trouvait automatiquement là. Fallait-il que je continue l'itinéraire du Tour du Vallespir, alors que dans ce secteur de Prats-de-Mollo, nombres de chemins ravagés par la tempête Klaus étaient peut-être encore barrés et impraticables ? Pour atteindre Notre-Dame de Coral, objectif de cette quatrième étape, il y avait le GRP Tour du Vallespir avec 21 kilomètres à parcourir, une rude ascension à la Tour de Mir, que je connaissais bien, par le boisé Bassin du Canidell, puis la rectiligne et aplanie crête boisée du Pic des Miquelets (1.632 m) et pour terminer, la descente boisée du Col d'Ares (1.513 m) jusqu'à l'ermitage. Cet itinéraire qui était enregistré dans mon GPS avait un dénominateur commun : " Boisé ". Le mot qui enfante une grosse boule dans mon estomac que je n'arrive plus à expulser. Mais pour se rendre à Notre-Dame de Coral, il y avait aussi un P.R. (Promenades et randonnées) sur la carte, un itinéraire parfaitement dessiné et surligné en rouge. Je l'avais déjà remarqué en étudiant le Tour du Vallespir. Moins long de 10 à 11 kilomètres que le GRP, je l'avais jugé comme une alternative très intéressante en cas de gros pépins physiques. Or, les pépins physiques étaient là ! Alors que faire ? Ce chemin circulait lui aussi en forêt, mais il présentait l'avantage de couper et de longer de manière quasi parallèle la D.115 qui descend du poste frontière du Col d'Ares. Et je me disais que si des arbres étaient tombés, c'est bien dans ce secteur où se trouve la départementale qu'on avait du certainement les dégager en priorité.

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Prats-de-Mollo a un riche patrimoine historique et culturel. Ici une jolie cour de chapelle fleurie et ornée de fresques où l'on distingue les deux saintes. Mais pas le temps de m'attarder. Dommage !

A 5 heures du matin, quand j'éteins la lumière pour tenter de trouver une dernière fois un sommeil réparateur, j'ai pris quelques bonnes résolutions et pour ne pas en oublier, je les ai écrites dans mon petit calepin :

a) Me rendre demain matin à l'Office du Tourisme et demander des informations sur le GRP Tour du Vallespir qui passe par la Tour de Mir et sur le P.R., l'autre chemin qui va à Notre-Dame de Coral.

b) Si le GRP Tour du Vallespir est dans son intégralité praticable, je l'emprunterai.

c) Si je n'ai pas d'informations suffisamment précises et fiables, j'éviterai le GRP Tour du Vallespir au profit de l'autre chemin.

d) Si ce chemin est lui aussi impraticable, je prendrais la D.115 jusqu'au col de la Guilla puis la piste qui va à Can Moulins et enfin le sentier qui rejoint Notre-Dame de Coral.

e) Informer les responsables de l'Office du Tourisme quant à la galère que j'ai connu hier entre le Puig des Lloses et le Col du Miracle pour que d'autres randonneurs ne tombent pas dans le même piège.

f) Passer à la pharmacie pour acheter un calmant qui soulagera mes brûlures.

g) Penser à passer dans une épicerie car l'hôtel Ausseil ne prépare pas de panier pique-nique.

Dans ce combat de titans que se livrèrent toute la nuit le sommeil et l'éveil, ce dernier finit par jeter l'éponge vers 6 heures du matin et je m'endormis. Mais vers 7 heures, le bruit de quelques véhicules de livraison dans les ruelles avoisinantes arbitrèrent et mirent fin définitivement à cette bagarre dont je sortis comme le seul vaincu, terrassé et fourbu.

Depuis mon départ d'Amélie, c'est le premier jour où je suis réellement fatigué et courbaturé. Mon genou gauche est meurtri, me fait mal et la plaie pourtant peu profonde n'est pas jolie à voir car elle suppure abondamment. La douche chaude me réveille un peu mais n'a pas sur mon organisme cet effet habituel de stimulation. La fatigue est là et si je ne fais rien, elle ne s'arrangera pas au fil de la journée. Je mets sur mon genou une compresse de mercurochrome que je scotche avec un gros bout de sparadrap. Pour calmer les douleurs et les inflammations, je prends dans ma pharmacie deux Propofan et un Cycladol que j'avalerai avec le petit déjeuner.

La terrasse de l'hôtel Ausseil est quasi déserte et hormis un couple de touristes et la charmante serveuse qui vient me servir, il n'y a personne. Je prends seul ce copieux petit déjeuner sous l'œil prévenant et souriant de l'agréable serveuse. Cette dernière m'indique où se trouvent la pharmacie, l'Office du Tourisme et une superette. Par bonheur, tous ces commerces sont situés sur la place du Foirail, mais par contre, elle ne sait pas me dire quels sont les horaires d'ouverture. Les brûlures aux jambes étant toujours virulentes, il m'importe de me soigner dans un premier temps. Par les ruelles désertes, je pars aussitôt en direction de la Place du Foirail. Mais il n'est pas encore 8 heures et tout est fermé sauf la superette qui est ouverte, mais son unique employée est occupée à recevoir un camion de livraison. Au moment où je m'apprête à entrer, la commerçante d'un air ironique et caustique me dit en ricanant : Nous ouvrons à neuf heures ! Je repars vers les ruelles de la ville fortifiée où sans problème, je peux, grâce à une épicerie et à une boulangerie ouvertes, constituer un panier repas pour midi. Je reprends le chemin de l'hôtel, paye ma note par chèque car l'agréable serveuse m'assure que la carte bleue validée à la réservation ne sera pas encaissée et je remonte dans ma chambre. Mon sac à dos est prêt et il ne me reste plus qu'à ranger le pique-nique du midi et partir. Je sors de l'hôtel en remerciant la patronne de l'excellent accueil que j'ai eu et me dirige une nouvelle fois vers la place du Foirail. L'officine est ouverte et la pharmacienne me conseille un gel apaisant " Urticium " et ajoute un petit tube de granules homéopathiques " Urtica Urens ". Assis sur une murette, je badigeonne mes bras et mes jambes de ce gel froid et avale trois granules. Je suis agréablement surpris car les douleurs semblent s'atténuer presque immédiatement.

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Sous un beau soleil, je quitte Prats-de-Mollo par un pont qui enjambe le Tech. C'est décidé, je délaisse Mir, sa tour et je fais ma première entorse volontaire à ce Tour du Vallespir. J'emprunte un PR.12 qui est en partie commun avec le fameux " Cami de la Retirada ". Il va me mener sans problème à Notre-Dame de Coral. Je traverse le torrent Canidell et tombe sur ce petit panneau qui vante les mérites de l'Ortie. Moi qui souffre le martyre et qui n'ait pas dormi de la nuit à cause de cette plante urticante, je suis sidéré d'apprendre qu'elle a des vertus anti-inflammatoires !

La tour de Mir

Indécis et confus, je pars dans la verdure.

Prats se réveille alors sous un ciel éclatant.

Le cœur encore intact d'un esprit d'aventure,

La Tour de Mir domine le vallon flamboyant.

 

Hésitant à grimper vers la haute muraille,

Le maximum à faire est encore important.

Ma tête grande ouverte tel un bel éventail.

La Tour de Mir me nargue idem à un géant.

 

Je balance, j'hésite, tel l'oiseau qui émigre,

Vers un court minimum où un chemin cuisant.

Mes jambes sont en feu mais ne sont pas de givre.

La Tour de Mir fascine les plus agonisants.

 

Ma décision est prise, je rejoins Notre-Dame,

Par le libre sentier de tous les résistants,

Mais l'esprit torturé comme une vieille femme,

La Tour de Mir m'invite de son pic arrogant.

 

Sombres sont les sous-bois, la paresse de mise.

Saint-Antoine est joli et son parc reposant.

L'horizon est bleuté, ma pensée cristallise.

La Tour de Mir m'attire de son feu si luisant.

 

J'escalade, je m'élève vers le col de la Guille,

Car Notre-Dame est belle dans le soleil couchant,

Et mon bras appuyant un bâton si futile,

La Tour de Mir s'enfuit, avec elle mon tourment.

 

La belle du Coral dévoile ses reliques,

Ses trésors que l'ermite a veillés pieusement.

Mes yeux émerveillés par ce pays de biques,

Le feu, la Tour de Mir s'éteint finalement.

 

L'Office du Tourisme est toujours fermé et j'ai maintenant un choix à faire : soit j'attends l'heure de l'ouverture en prenant le risque que l'employée ne puisse pas répondre à mes interrogations quant à la praticabilité des chemins soit je me décide tout de suite et opte pour le P.R pour respecter la résolution prise cette nuit.

En raison de mon état de lassitude avancée et de l'importante différence de distance à parcourir, pratiquement deux fois moins par le P.R., j'opte presque sans réfléchir pour cette solution qui me semble, aujourd'hui, la plus raisonnable. Il y a quelques années, une célèbre publicité annonçait " Mini Mir, il en fait un maximum " mais moi, c'est décidé " je ne vais pas prendre Mir (la tour) et je vais en faire un minimum (de kilomètres) ". Le jeu de mots est un peu lourdaud mais il a le mérite d'être un peu distrayant et de me venir à l'esprit à cet instant où je démarre cette nouvelle journée de marche avec une certaine appréhension.

Je traverse la place du Foirail et me dirige vers le pont qui traverse le Tech. Ici, il n'y a pas de colombes comme à Amélie mais un cadre de verdure exceptionnel et je retrouve le fleuve pour la deuxième fois depuis mon départ. Pas encore alimenté par ses nombreux affluents, il n'est ici qu'un petit torrent de montagne tranquille au débit relativement modeste en été. Mais cette discrétion du fleuve est très relative au regard de la documentation que j'ai pu lire sur l'Aiguat de 1940. Au carrefour adjacent, je trouve quelques panneaux de randonnées dont celui qui monte à la Tour de Mir. Je traverse la D.115 et cette fois, je suis devant le bon panneau avec un P.R.1, un P.R.3, un P.R.19 et surtout celui que je recherche, le P.R.12 indiquant " Notre Dame du Coral - La Coulometa ". Le balisage est blanc et rouge comme les G.R. Il y a dessous celui-ci, un autre panonceau dont l'itinéraire est vraiment chargé d'Histoire c'est le " Cami de la Retidara ", insolite chemin de l'exil que plus de 100.000 réfugiés espagnols empruntèrent en janvier 1939 pour fuir le régime tyrannique du général Franco. Cet exode massif eut une portée considérable sur la petite cité de Prats-de-Mollo et la région du Vallespir tout entière car il fut très difficile d'accueillir correctement toutes ces familles dans cet hiver très rigoureux qui était déjà là. Après la guerre, un grand nombre de famille s'installèrent dans le Vallespir. Ils eurent des enfants, qui ont grandi et sont devenus français. 70 ans ont passés et aujourd'hui c'est par bonheur que je vais emprunter une portion de ce " chemin du malheur " qui monte au Col d'Ares. J'enjambe le pont qui traverse le torrent du Canidell. Au bout du pont, un petit panneau éducatif sur l'ortie a été installé. Il décrit la plante, ses utilisations et vante ses bienfaits. Et là, chose surprenante, moi dont le lit était un véritable bûcher et qui ai " flambé " toute la nuit à cause de cette maudite plante, j'apprends qu'elle a des qualités d'anti-inflammatoire et qu'on peut même en faire des soupes. Non, je me suis endormi et je rêve, je ne suis pas devant ce panneau, je suis encore dans mon lit à l'hôtel Ausseil. Pincez-moi car je ne peux pas croire ça ! Je repars, la sente monte rudement dans un bois de feuillus où dominent les frênes et les grands châtaigniers. Je marche le plus souvent sous une sombre canopée mais parfois, j'arrive, au détour du chemin ou au travers des branches, à apercevoir Prats, juste en dessous qui s'éloigne, ou bien la Tour de Mir sur ma gauche, petite tétine brune dépassant d'un dodu mamelon verdâtre.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

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Le PR.12 grimpe dans la forêt. Malgré tout, j'aperçois de temps à autre la Tour de Mir ou les lieux où j'ai cheminé hier. Puis il coupe la D.115 et arrive à la ferme des Casals. Quand il devient un agréable sentier tout en sous-bois, je vais flâner comme jamais je ne l'ai fait depuis mon départ, récupérant ainsi de mon exténuante étape d'hier. 

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Ce chemin tout en sous-bois où je vais paresser, m'amène au col de la Guilla puis sur une piste qui descend vers Can Moulins. Je quitte cette piste par une étroite sente balisée avec des lettres en vieil anglais qui m'entraîne dans le ravin de Coral entre prés fleuris et bois où virevoltent de beaux papillons. Au loin, j'aperçois mon objectif du jour : la chapelle Notre-Dame de Coral.

Je m'arrête souvent pour calmer ma respiration qui a tendance à s'emballer. Si les anti-inflammatoires ont eu pour effet de calmer mes contractures musculaires, je reste néanmoins marqué par ma terrible journée d'hier et ma nuit agitée. Et je me réjouis d'avoir pris ce chemin déjà suffisamment difficile compte tenu de ma fatigue. Après maints zigzags, j'atteins Saint-Antoine, petit ermitage avec une fontaine et une aire de pique-nique. Je profite de ce lieu calme pour souffler un peu et manger le pain au chocolat que j'ai acheté ce matin. Je repars. Le balisage est formidablement distinct. Je traverse la D.115 pour entrer dans un autre bois où le chemin s'est élargi. Ici la forêt ne semble pas avoir souffert du déchaînement de Klaus. La forêt se termine et le chemin débouche dans un immense pré lumineux où tout à coup les beaux panoramas se dévoilent vers le nord. Le chemin traverse le pré et pénètre dans la grande ferme des Casals. Il est 10h30. Je passe au milieu de la ferme que je quitte par une piste terreuse qui continue vers la D.115. Très vite, je délaisse cette piste au profit d'une autre qui aboutit à un portail. Le balisage du P.R.12 est bien là. Je pousse le portail que je prends soin de refermer derrière moi. C'est un large chemin herbeux tout en sous-bois de petits noisetiers qui démarre ici et longe parallèlement la D.115. Après les rudes montées que j'ai eues jusqu'ici, j'apprécie à sa juste valeur ce sentier fleuri au doux dénivelé. Il est si agréable à cheminer et il fait si beau aujourd'hui, que je flâne, m'arrête, repars, m'arrête à nouveau pour observer une fleur, un oiseau ou un papillon. Tout devient prétexte à un rythme de marche nonchalant et placide. Je vais même jusqu'à m'arrêter plusieurs fois pour déjeuner. Un coup c'est un morceau de quiche acheté à la boulangerie ce matin, une autre fois une salade que je trimballe depuis le départ, une autre fois, un morceau de pizza, un gâteau de riz ou bien une orange. C'est simple, quand je retrouve la D.115 au col de la Guilla (1.194 m), je me suis arrêté trois fois, j'ai mangé tout mon déjeuner, il n'est pas encore midi et j'ai mis plus d'une heure depuis la ferme des Casals pour parcourir deux kilomètres. C'est dire la lenteur avec laquelle j'ai marché, mais cette lenteur est aujourd'hui en parfait synchronisme avec mon état de paresse. Un petit panonceau en direction de Notre-Dame du Coral est planté là au bord de la D.115. Il m'expédie de l'autre côté de la route où un grand portail s'ouvre sur une large piste qui descend vers Can Moulins. Les décors changent, ce n'est plus tout à fait la même végétation. Ici, les grands châtaigniers, les frênes et les hêtres ont quasiment disparus au profit des pins, des chênes verts et des chênes lièges. Sous un soleil de plomb et sur cette large piste terreuse qui descend allègrement, je retrouve machinalement mon rythme de marche régulier et habituel. Seul un abreuvoir dans lequel s'écoule une source arrête mon élan. J'y trempe mon bob déjà bien mouillé de sueur que j'enfonce tout dégoulinant sur ma tête. Frais comme un gardon, je repars sous ce cagnard brûlant mais juste avant Can Moulins, je suis à nouveau arrêté dans ma course par un petit panonceau aux lettres écrites en vieil anglais " N + D + du Coral ". De cet endroit, on aperçoit d'ailleurs les toits de l'ermitage. Au sein d'une dense forêt, la chapelle n'est plus qu'à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau. Une étroite sente raide descend dans une ravine, se stabilise et passe sous les maisons du hameau isolé de Can Moulins. Puis il descend à nouveau dans le bois d'un autre vallon où coule le Coral. Lors de l'analyse du parcours, j'avais prévu de m'y baigner en cas de fortes chaleurs. Mais si les fortes chaleurs sont là, le ruisseau, lui, n'est qu'un petit filet d'eau où il est très difficile de s'y mouiller ne serait-ce que les pieds.

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Après avoir traîné comme jamais, je finis par arriver très tôt à Notre-Dame de Coral. Comme à Saint-Guillem, la jolie chapelle est un lieu de pèlerinage et d'ermitage depuis des siècles mais ici elle fait aussi hôtellerie et restaurant. Je suis accueilli par deux énormes Saint-Bernard très gentils mais un peu trop baveux à mon goût. Un panonceau m'indique Lamanère, direction que j'aurais à prendre demain.

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Après une sieste bienfaitrice dans ma chambre, balades, visite et photos du site sont au programme. Son calme et son cadre de verdure unique se prête bien à ces activités. D'ici, j'aperçois tout au loin les Tours de Cabrens que je dois approcher demain. Je vais garder de Notre-Dame de Coral un souvenir impérissable et l'envie constante d'y amener un jour toute ma famille. 

Toujours dans les bois, le chemin remonte en zigzaguant jusqu'à l'intersection de deux chemins. Je connais bien cette jonction pour être venu à diverses reprises à Notre-Dame du Coral : il y a le chemin qui descend vers Lamanère et qu'il me faudra prendre demain et celui qui monte en direction de l'ermitage. Il est 13h15 quand j'aperçois les bâtiments et la chapelle. Je suis accueilli aux sons des grognements de deux énormes " Saint-Bernard " qui sont affalés de tout leur long sur le carrelage, certainement frais, du narthex de la chapelle. Ils doivent avoir si chaud qu'ils ne bronchent pas, mais néanmoins, ils m'observent du coin de l'oeil comme pour me dire " ne bouge plus, on te surveille ". Mais, je les connais pour les avoir rencontrés, il y a quelques mois, lors d'une randonnée. Ils sont plus impressionnants que réellement menaçants. Un jeune homme arrive d'un espace privé qui me semble être la cuisine. Je me présente, et il est parfaitement au courant de ma réservation en demi-pension pour une nuit. Force est de constater qu'ici ça fonctionne mieux qu'au Refuge de Batère. Pendant que le jeune homme me parle, les deux molosses se sont levés et sont venus me renifler les mains. Non, renifler n'est pas vraiment le mot. De leurs bajoues humides, ils m'enduisent les mains d'une bave gluante et quand je veux les repousser pour arrêter ce badigeonnage visqueux, le jeune homme me dit : " ils ont peur de votre bâton de marche " ! Je plie mon bâton télescopique et suit le jeune homme qui se dirige à l'étage pour me montrer ma chambre. Ce n'est pas vraiment une chambre mais plutôt un petit dortoir avec trois lits gigognes mais où, en principe, je devrais être seul car peu de randonneurs sont attendus aujourd'hui. Avant de retourner à ses occupations, le jeune homme me demande si je souhaite une boisson fraîche et quand je lui réponds une bière, il m'annonce avec jubilation, et comme si c'était une prouesse, qu'il a même une excellente bière pression. Je ne sais pas si chez lui, cet accueil courtois est habituel mais avec mon tee-shirt détrempé et mon bob avachi, il en a certainement conclu que j'avais dû avoir très chaud toute la matinée et que je devais avoir très soif. Gagné ! Je dépose mes affaires, retourne chercher ma bière et remonte avec dans le dortoir. Maintenant, je n'aspire qu'à une seule chose : " dormir ! ". Je me délecte de cette bière glacée, sors mes effets de toilettes, me déshabille et me précipite en slip sous la première douche venue qui se trouve au fond du couloir. Quand je reviens dans la chambre, et bien que les brûlures se soient formidablement estompées, je m'enduis les bras et les jambes d'Urticium et mets sous ma langue 5 granules d'Urtica Urens que je laisse fondre. Je finis ma bière et me jette sous une couverture et en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, je me vois m'endormir comme un bébé rassasié. Il est 16h30 quand je me réveille au doux bruit d'un aspirateur qui ronfle. Celui-ci arrive de l'extérieur et entre par la fenêtre que j'ai laissée grande ouverte. Quand je m'y penche c'est pour constater que la gérante et sa fille sont entrain de nettoyer leur voiture. M'apercevant à la fenêtre, elle semble confuse de m'avoir réveillé mais je la rassure car en réalité, il n'en est rien, je me suis éveillé tout seul après tout de même plus de deux heures d'un sommeil profond et réparateur. Je pars faire quelques photos de Notre-Dame du Coral qui est vraiment un site magique dans un cadre de verdure remarquable. D'ici, j'arrive à voir et à photographier les fameuses " Tours de Cabrens ", au pied desquelles, j'ai prévu de passer demain.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

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Quelques images de ma soirée à Notre-Dame de Coral : la jolie chapelle avec ma chambre dont la première fenêtre est ouverte. Devant la fenêtre de ma chambre où, le soir, je vais assister impuissant à la mise à mort d'un pauvre mulot ballotté par trois horribles matous. La marmotte empaillée de l'excellent restaurant " La Bergerie " qui de ses yeux fixes me regarde manger et enfin le beau coucher de soleil vers le Mont Falgas. Ce soir-là, plusieurs randonneurs m'indiquent l'impossibilité qu'ils ont eu de se rendre à la Tour de Mir à cause des arbres couchés par la tempête Klaus et cela me conforte dans la décision d'avoir préféré le PR.12 plutôt que l'itinéraire du Tour du Vallespir. Cela effacera en partie cette entorse non prévue. 

Assis devant l'entrée de la chapelle, je fais la connaissance d'une randonneuse. Elle marche avec deux amis et font des randonnées en étoiles depuis l'ermitage. Elle vient d'arriver du secteur de la Tour de Mir où ils sont allés randonner aujourd'hui. Au fil de la discussion, elle finit par m'apprendre que, par là-bas, beaucoup d'arbres gisent encore à terre au milieu des pistes et des chemins. Ils ont pas mal galéré et n'ont pas pu respecter la boucle qu'ils avaient initialement envisagée de faire. Puis au moment de faire demi-tour, ils ont éprouvé beaucoup de difficultés pour revenir à l'ermitage depuis la Tour de Mir par un autre chemin. Cette information que je n'ai pas spécialement recherchée arrive à mes oreilles comme un pur soulagement. En effet, après cette difficile journée d'hier et malgré mon désir de faire preuve de prudence, j'avoue que faire le Tour du Vallespir et ne pas respecter son parcours originel me chagrine pas mal. Mais avec cette information, plus aucun regret, j'ai la certitude maintenant d'avoir pris ce matin la bonne décision en choisissant le P.R.12 ! La jeune femme part rejoindre ses amis dans le dortoir. Une petite chatte noire vient se faire câliner, elle ressemble à s'y méprendre à ma petite Milie, mais quand un des deux Saint-Bernard aperçoit ce manège, il est jaloux et veut lui aussi sa part de caresses. Je veux bien le cajoler mais lui ne conçoit pas de recevoir de la tendresse sans en rendre à son tour à grands coups de langue. Et voilà qu'en moins de trois heures, il se met à me passer une deuxième couche de salive collante sur les mains. J'adore les animaux et particulièrement les chiens mais cette écume blanche qui dégouline de ses bajoues a un côté ragoûtant et désagréable et, là c'en est trop. Je remonte vers les toilettes pour me laver les mains puis je me remets au lit pour un peu de lecture. Vers 19h30, je redescends pour m'installer dans la Bergerie. C'est ainsi que s'appelle la jolie salle de restaurant au décor campagnard typiquement catalan. Je suis seul dans la salle, et ce repas, que je mange sous l'œil inerte d'une grosse marmotte empaillée, est vraiment savoureux avec une salade de tomates à la mozzarella, un coquelet rôti avec un excellent petit assortiment de légumes, de riz et d'un délicieux gratin. Et pour clore le tout, on m'apporte une grosse tranche d'un succulent gâteau à la crème pâtissière. Je n'ai vraiment que des louanges à faire de cet accueil de qualité. La chambre est parfaite pour le randonneur que je suis, la cuisine est excellente et raffinée, le tout dans un décor unique et calme et pour couronner le tout avec un rapport qualité/prix des plus raisonnables. Que demander de plus ! Quand je remonte dans la chambre, le soir est entrain de tomber mais le soleil est loin d'être couché. Par la fenêtre, je le regarde décliner peu à peu, grosse boule rouge qui disparaît derrière le Mont Falgas. A cet instant, et en regardant vers ces belles montagnes, je repense à ce " Cami de la Retirada ". Ces chemins de la liberté, ils ont dû en voir passer des contingents de malheureux et de chancelants avec tous ces réfugiés politiques qui étaient obligés de fuir leur pays. Mais dans l'autre sens, cette frontière, elle a dû en voir défiler des bienheureux et des chanceux avec ces résistants et ces combattants de tous bords qui fuyaient le nazisme pour des vies et des destinées nouvelles. Trois chats noirs qui jouent sous ma fenêtre sur la pelouse du parc m'extirpent de cette rêverie et de ces réflexions. Ils jouent à un jeu très cruel, c'est celui du chat et de la souris, comme une parodie d'un " Tom et Jerry " grandeur nature où il y aurait trois " Tom " et dans lequel, le rôle de " Jerry " est tenu par un minuscule mulot dont le sort est scellé d'avance. Les trois " ignobles " matous se renvoient, d'un à l'autre, le petit mulot comme une balle de caoutchouc et quand parfois celui-ci retombe dans l'herbe, j'ai toujours espoir qu'il finisse par arriver à s'échapper. Mais malheureusement, il finit tôt ou tard par se faire rattraper pour un des trois " greffiers ". Décidément la nature est trop cruelle et devant cet impitoyable spectacle, je préfère partir me coucher. Voilà un aspect de l'âpreté du Vallespir que je n'avais pas imaginé au départ de cette randonnée. Comme quoi, on est loin de tout envisager quand on veut se hisser sur " les hauteurs d'une vallée âpre ".

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

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L'après-midi, ce gentil chat était venu se faire câliner. A la nuit tombante, sur la pelouse de l'ermitage, accompagnés de ses deux compères, il est soudain devenu un " ignoble assassin " suppliciant un pauvre petit mulot qu'ils se renvoyaient de l'un à l'autre comme un simple balle de caoutchouc. Une nouvelle fable était déjà dans ma tête.

 

Trois petits " Tom " et un pauvre Jerry

 

Trois petits " Tom " jouaient dans le parc ombragé.

Noirs étaient leurs pelages, leurs esprits, leurs pensées.

Et ce pauvre " Jerry ", que le diable tirait

Par une fine queue, était désespéré.

 

Un homme à la fenêtre regardant ce spectacle,

Espérait du hasard, une étoile, un miracle.

Mais la dure nature le fit pleurer soudain,

Les petits " Toms " noirs étaient des assassins.

 

Il partit se coucher, sensible à sa faiblesse.

Les petits " Toms " noirs avaient tant de rudesse.

Croquer une souris tels étaient leurs destins,

Un " Jerry ", un mulot ce n'est pas un festin

 

Puis l'homme s'endormit, mais les rêves l'éveillèrent

Sur son lit, un p'tit " Tom " dormait tel un pépère

Sans cauchemar aucun, sur ce qu'il avait fait

Le " Jerry " dans son ventre avait ressuscité.

 

Dans leurs songes, ils sautèrent dans le parc ténébreux

Le P'tit " Tom " et " Jerry " avaient l'air si heureux.

Toute la nuit, ils jouèrent jusqu'au petit matin,

Comme de bons copains, de gentils diablotins.

 

Puis le jour se leva et son lot de tracas,

Les petits " Toms " noirs cherchaient comme un en-cas.

Point de pauvre mulot pour leur combler la faim,

Mais un " Jerry " ailé tel un beau séraphin.

 

Les Petits " Toms " noirs scrutaient en vain le ciel,

En quête d'un oiseau, de leurs airs criminels.

Mais le frêle " Jerry " s'était changé en aigle,

Sur les chats il tomba emportant le plus faible.

 

Il faut vivre la vie comme un chat, un mulot,

Caresser les p'tits " Toms ", ignorer les salauds,

Et si la vie est dure, croque-là doublement

Comme une petit " Jerry " si tendre et si fondant.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Cliquez sur la tour de Mir pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.4eme étape : Jeudi 20 août 2009.

Prats-de-Mollo (753 m) - Notre-Dame de Coral (1.091m)

9 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

"Un doux crépuscule d'avril descendait sur le Vallespir encore embrasé des rougeurs ardentes du couchant. C'était l'heure où le rose et l'orangé se disputent, en tons dégradés, les lisières du ciel et se fondent en cette teinte merveilleuse et indéfinissable qui incendie la crête des hautes montagnes". Extrait du roman " Domenica ou la vallée âpre ". Marie Vallespir.

 

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.SANS MIR, J'AI FAIT LE MINIMUM :

A l'hôtel-restaurant Ausseil, on soigne les clients. Hier soir, le patron a mis tout en œuvre pour que je puisse manger en terrasse. Il est allé chercher un petit guéridon où il m'installa comme un nabab. Seul le service pouvait être critiquable car il a été un peu long mais il faut dire que les tables étaient nombreuses et les clients aussi. Pourtant, en prenant le menu du jour fait d'une escalivade, d'un pavé de morue à la catalane et d'une crème catalane, je pensais pouvoir expédier ce souper typiquement catalan pour partir me coucher tôt. Il n'en a rien été, mais je n'ai pas eu à le regretter. Cette cuisine du terroir était excellente et en plus, tout seul dans mon coin, je me suis bien marré. Il y avait juste derrière moi un groupe de huit personnes, pour moitié catalanes et, pour l'autre moitié parisiennes et le contraste étonnant de ces deux accents antinomiques avait quelque chose de sympathiquement cocasse. Les gens d'ici parlaient ce sympathique français du terroir avec des mots mâchouillés aux intonations catalanes et chez les parigots, les hommes avaient cet accent argotique du titi parisien et les femmes, cet accent pointu à vous crever un œil. Dans le brouhaha général, je ne comprenais pas tout des conversations mais ces échanges et surtout ces sons, que tout opposait, étaient un régal pour mes oreilles et pour mon moral. Aussi, quand le groupe finit par quitter le restaurant, mon intérêt de rester à table disparut avec lui. Il est 23 heures et temps d'aller dormir. Mais du sommeil, il n'y en eut point cette nuit-là. Les orties que j'avais piétinées cet après-midi se rappelaient à mon bon souvenir et les inflammations avaient redoublées d'intensité et étaient devenues insoutenables. A aucun moment, je ne réussis à dormir, à peine somnoler parfois, car dans cette bataille du sommeil et du réveil que se livrait la lassitude et les brûlures, ces dernières gagnaient sans cesse. J'ai essayé une pommade anti-inflammatoire et une à l'arnica, mais sans succès et, seules les douches d'eaux chaudes, que je prenais régulièrement, arrivaient à calmer temporairement ces douleurs.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

En jaune, c'est l'hôtel Ausseil où j'ai été parfaitement reçu. Mais les piqûres d'orties m'ont empêché de dormir. A droite, le porche de la ville fortifiée

Cette nuit sans dormir a été un vrai calvaire, mais elle présenta l'avantage de me laisser un temps infini pour réfléchir. Mais de toutes ces réflexions, deux revenaient sans cesse et se résumaient ainsi :

1- Pourquoi hier m'étais-je obstiné si longtemps dans ce guêpier avant de faire demi-tour ?

2- Que faire aujourd'hui pour ne pas renouveler cette triste et périlleuse expérience, si elle vient à survenir ?

Je répondais à la première interrogation, en reconnaissant mon entêtement à vouloir coûte que coûte cheminer le Tour du Vallespir. Mais est-ce si important de passer par ce chemin ou bien par un autre ? Et le but n'est-il pas de découvrir le Vallespir et d'arriver à l'endroit désiré ? A la première question ma réponse fut " NON " et à la deuxième ce fut " OUI ". Mais au fond de moi, je savais qu'il y avait eu autre chose aussi, quelque chose d'inconscient, comme une espèce de fascination à vouloir me mesurer à des forces et à des éléments que la nature, elle-même, avait vaincus. Après coup, j'avais le sentiment que mon entêtement à vouloir avancer dans cette forêt massacrée avait été un peu comme aller à la rencontre d'un mystère que je me devais d'élucider.

Mais désormais, il fallait que je me penche sur l'essentiel. De la solution à la première réflexion découla la résolution de la seconde et je me mis à compulser immédiatement mes cartes. Car la solution se trouvait automatiquement là. Fallait-il que je continue l'itinéraire du Tour du Vallespir, alors que dans ce secteur de Prats-de-Mollo, nombres de chemins ravagés par la tempête Klaus étaient peut-être encore barrés et impraticables ? Pour atteindre Notre-Dame de Coral, objectif de cette quatrième étape, il y avait le GRP Tour du Vallespir avec 21 kilomètres à parcourir, une rude ascension à la Tour de Mir, que je connaissais bien, par le boisé Bassin du Canidell, puis la rectiligne et aplanie crête boisée du Pic des Miquelets (1.632 m) et pour terminer, la descente boisée du Col d'Ares (1.513 m) jusqu'à l'ermitage. Cet itinéraire qui était enregistré dans mon GPS avait un dénominateur commun : " Boisé ". Le mot qui enfante une grosse boule dans mon estomac que je n'arrive plus à expulser. Mais pour se rendre à Notre-Dame de Coral, il y avait aussi un P.R. (Promenades et randonnées) sur la carte, un itinéraire parfaitement dessiné et surligné en rouge. Je l'avais déjà remarqué en étudiant le Tour du Vallespir. Moins long de 10 à 11 kilomètres que le GRP, je l'avais jugé comme une alternative très intéressante en cas de gros pépins physiques. Or, les pépins physiques étaient là ! Alors que faire ? Ce chemin circulait lui aussi en forêt, mais il présentait l'avantage de couper et de longer de manière quasi parallèle la D.115 qui descend du poste frontière du Col d'Ares. Et je me disais que si des arbres étaient tombés, c'est bien dans ce secteur où se trouve la départementale qu'on avait du certainement les dégager en priorité.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Prats-de-Mollo a un riche patrimoine historique et culturel. Ici une jolie cour de chapelle fleurie et ornée de fresques où l'on distingue les deux saintes. Mais pas le temps de m'attarder. Dommage !

A 5 heures du matin, quand j'éteins la lumière pour tenter de trouver une dernière fois un sommeil réparateur, j'ai pris quelques bonnes résolutions et pour ne pas en oublier, je les ai écrites dans mon petit calepin :

a) Me rendre demain matin à l'Office du Tourisme et demander des informations sur le GRP Tour du Vallespir qui passe par la Tour de Mir et sur le P.R., l'autre chemin qui va à Notre-Dame de Coral.

b) Si le GRP Tour du Vallespir est dans son intégralité praticable, je l'emprunterai.

c) Si je n'ai pas d'informations suffisamment précises et fiables, j'éviterai le GRP Tour du Vallespir au profit de l'autre chemin.

d) Si ce chemin est lui aussi impraticable, je prendrais la D.115 jusqu'au col de la Guilla puis la piste qui va à Can Moulins et enfin le sentier qui rejoint Notre-Dame de Coral.

e) Informer les responsables de l'Office du Tourisme quant à la galère que j'ai connu hier entre le Puig des Lloses et le Col du Miracle pour que d'autres randonneurs ne tombent pas dans le même piège.

f) Passer à la pharmacie pour acheter un calmant qui soulagera mes brûlures.

g) Penser à passer dans une épicerie car l'hôtel Ausseil ne prépare pas de panier pique-nique.

Dans ce combat de titans que se livrèrent toute la nuit le sommeil et l'éveil, ce dernier finit par jeter l'éponge vers 6 heures du matin et je m'endormis. Mais vers 7 heures, le bruit de quelques véhicules de livraison dans les ruelles avoisinantes arbitrèrent et mirent fin définitivement à cette bagarre dont je sortis comme le seul vaincu, terrassé et fourbu.

Depuis mon départ d'Amélie, c'est le premier jour où je suis réellement fatigué et courbaturé. Mon genou gauche est meurtri, me fait mal et la plaie pourtant peu profonde n'est pas jolie à voir car elle suppure abondamment. La douche chaude me réveille un peu mais n'a pas sur mon organisme cet effet habituel de stimulation. La fatigue est là et si je ne fais rien, elle ne s'arrangera pas au fil de la journée. Je mets sur mon genou une compresse de mercurochrome que je scotche avec un gros bout de sparadrap. Pour calmer les douleurs et les inflammations, je prends dans ma pharmacie deux Propofan et un Cycladol que j'avalerai avec le petit déjeuner.

La terrasse de l'hôtel Ausseil est quasi déserte et hormis un couple de touristes et la charmante serveuse qui vient me servir, il n'y a personne. Je prends seul ce copieux petit déjeuner sous l'œil prévenant et souriant de l'agréable serveuse. Cette dernière m'indique où se trouvent la pharmacie, l'Office du Tourisme et une superette. Par bonheur, tous ces commerces sont situés sur la place du Foirail, mais par contre, elle ne sait pas me dire quels sont les horaires d'ouverture. Les brûlures aux jambes étant toujours virulentes, il m'importe de me soigner dans un premier temps. Par les ruelles désertes, je pars aussitôt en direction de la Place du Foirail. Mais il n'est pas encore 8 heures et tout est fermé sauf la superette qui est ouverte, mais son unique employée est occupée à recevoir un camion de livraison. Au moment où je m'apprête à entrer, la commerçante d'un air ironique et caustique me dit en ricanant : Nous ouvrons à neuf heures ! Je repars vers les ruelles de la ville fortifiée où sans problème, je peux, grâce à une épicerie et à une boulangerie ouvertes, constituer un panier repas pour midi. Je reprends le chemin de l'hôtel, paye ma note par chèque car l'agréable serveuse m'assure que la carte bleue validée à la réservation ne sera pas encaissée et je remonte dans ma chambre. Mon sac à dos est prêt et il ne me reste plus qu'à ranger le pique-nique du midi et partir. Je sors de l'hôtel en remerciant la patronne de l'excellent accueil que j'ai eu et me dirige une nouvelle fois vers la place du Foirail. L'officine est ouverte et la pharmacienne me conseille un gel apaisant " Urticium " et ajoute un petit tube de granules homéopathiques " Urtica Urens ". Assis sur une murette, je badigeonne mes bras et mes jambes de ce gel froid et avale trois granules. Je suis agréablement surpris car les douleurs semblent s'atténuer presque immédiatement.

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Sous un beau soleil, je quitte Prats-de-Mollo par un pont qui enjambe le Tech. C'est décidé, je délaisse Mir, sa tour et je fais ma première entorse volontaire à ce Tour du Vallespir. J'emprunte un PR.12 qui est en partie commun avec le fameux " Cami de la Retirada ". Il va me mener sans problème à Notre-Dame de Coral. Je traverse le torrent Canidell et tombe sur ce petit panneau qui vante les mérites de l'Ortie. Moi qui souffre le martyre et qui n'ait pas dormi de la nuit à cause de cette plante urticante, je suis sidéré d'apprendre qu'elle a des vertus anti-inflammatoires !

La tour de Mir

Indécis et confus, je pars dans la verdure.

Prats se réveille alors sous un ciel éclatant.

Le cœur encore intact d'un esprit d'aventure,

La Tour de Mir domine le vallon flamboyant.

 

Hésitant à grimper vers la haute muraille,

Le maximum à faire est encore important.

Ma tête grande ouverte tel un bel éventail.

La Tour de Mir me nargue idem à un géant.

 

Je balance, j'hésite, tel l'oiseau qui émigre,

Vers un court minimum où un chemin cuisant.

Mes jambes sont en feu mais ne sont pas de givre.

La Tour de Mir fascine les plus agonisants.

 

Ma décision est prise, je rejoins Notre-Dame,

Par le libre sentier de tous les résistants,

Mais l'esprit torturé comme une vieille femme,

La Tour de Mir m'invite de son pic arrogant.

 

Sombres sont les sous-bois, la paresse de mise.

Saint-Antoine est joli et son parc reposant.

L'horizon est bleuté, ma pensée cristallise.

La Tour de Mir m'attire de son feu si luisant.

 

J'escalade, je m'élève vers le col de la Guille,

Car Notre-Dame est belle dans le soleil couchant,

Et mon bras appuyant un bâton si futile,

La Tour de Mir s'enfuit, avec elle mon tourment.

 

La belle du Coral dévoile ses reliques,

Ses trésors que l'ermite a veillés pieusement.

Mes yeux émerveillés par ce pays de biques,

Le feu, la Tour de Mir s'éteint finalement.

 

L'Office du Tourisme est toujours fermé et j'ai maintenant un choix à faire : soit j'attends l'heure de l'ouverture en prenant le risque que l'employée ne puisse pas répondre à mes interrogations quant à la praticabilité des chemins soit je me décide tout de suite et opte pour le P.R pour respecter la résolution prise cette nuit.

En raison de mon état de lassitude avancée et de l'importante différence de distance à parcourir, pratiquement deux fois moins par le P.R., j'opte presque sans réfléchir pour cette solution qui me semble, aujourd'hui, la plus raisonnable. Il y a quelques années, une célèbre publicité annonçait " Mini Mir, il en fait un maximum " mais moi, c'est décidé " je ne vais pas prendre Mir (la tour) et je vais en faire un minimum (de kilomètres) ". Le jeu de mots est un peu lourdaud mais il a le mérite d'être un peu distrayant et de me venir à l'esprit à cet instant où je démarre cette nouvelle journée de marche avec une certaine appréhension.

Je traverse la place du Foirail et me dirige vers le pont qui traverse le Tech. Ici, il n'y a pas de colombes comme à Amélie mais un cadre de verdure exceptionnel et je retrouve le fleuve pour la deuxième fois depuis mon départ. Pas encore alimenté par ses nombreux affluents, il n'est ici qu'un petit torrent de montagne tranquille au débit relativement modeste en été. Mais cette discrétion du fleuve est très relative au regard de la documentation que j'ai pu lire sur l'Aiguat de 1940. Au carrefour adjacent, je trouve quelques panneaux de randonnées dont celui qui monte à la Tour de Mir. Je traverse la D.115 et cette fois, je suis devant le bon panneau avec un P.R.1, un P.R.3, un P.R.19 et surtout celui que je recherche, le P.R.12 indiquant " Notre Dame du Coral - La Coulometa ". Le balisage est blanc et rouge comme les G.R. Il y a dessous celui-ci, un autre panonceau dont l'itinéraire est vraiment chargé d'Histoire c'est le " Cami de la Retidara ", insolite chemin de l'exil que plus de 100.000 réfugiés espagnols empruntèrent en janvier 1939 pour fuir le régime tyrannique du général Franco. Cet exode massif eut une portée considérable sur la petite cité de Prats-de-Mollo et la région du Vallespir tout entière car il fut très difficile d'accueillir correctement toutes ces familles dans cet hiver très rigoureux qui était déjà là. Après la guerre, un grand nombre de famille s'installèrent dans le Vallespir. Ils eurent des enfants, qui ont grandi et sont devenus français. 70 ans ont passés et aujourd'hui c'est par bonheur que je vais emprunter une portion de ce " chemin du malheur " qui monte au Col d'Ares. J'enjambe le pont qui traverse le torrent du Canidell. Au bout du pont, un petit panneau éducatif sur l'ortie a été installé. Il décrit la plante, ses utilisations et vante ses bienfaits. Et là, chose surprenante, moi dont le lit était un véritable bûcher et qui ai " flambé " toute la nuit à cause de cette maudite plante, j'apprends qu'elle a des qualités d'anti-inflammatoire et qu'on peut même en faire des soupes. Non, je me suis endormi et je rêve, je ne suis pas devant ce panneau, je suis encore dans mon lit à l'hôtel Ausseil. Pincez-moi car je ne peux pas croire ça ! Je repars, la sente monte rudement dans un bois de feuillus où dominent les frênes et les grands châtaigniers. Je marche le plus souvent sous une sombre canopée mais parfois, j'arrive, au détour du chemin ou au travers des branches, à apercevoir Prats, juste en dessous qui s'éloigne, ou bien la Tour de Mir sur ma gauche, petite tétine brune dépassant d'un dodu mamelon verdâtre.

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Le PR.12 grimpe dans la forêt. Malgré tout, j'aperçois de temps à autre la Tour de Mir ou les lieux où j'ai cheminé hier. Puis il coupe la D.115 et arrive à la ferme des Casals. Quand il devient un agréable sentier tout en sous-bois, je vais flâner comme jamais je ne l'ai fait depuis mon départ, récupérant ainsi de mon exténuante étape d'hier. 

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Ce chemin tout en sous-bois où je vais paresser, m'amène au col de la Guilla puis sur une piste qui descend vers Can Moulins. Je quitte cette piste par une étroite sente balisée avec des lettres en vieil anglais qui m'entraîne dans le ravin de Coral entre prés fleuris et bois où virevoltent de beaux papillons. Au loin, j'aperçois mon objectif du jour : la chapelle Notre-Dame de Coral.

Je m'arrête souvent pour calmer ma respiration qui a tendance à s'emballer. Si les anti-inflammatoires ont eu pour effet de calmer mes contractures musculaires, je reste néanmoins marqué par ma terrible journée d'hier et ma nuit agitée. Et je me réjouis d'avoir pris ce chemin déjà suffisamment difficile compte tenu de ma fatigue. Après maints zigzags, j'atteins Saint-Antoine, petit ermitage avec une fontaine et une aire de pique-nique. Je profite de ce lieu calme pour souffler un peu et manger le pain au chocolat que j'ai acheté ce matin. Je repars. Le balisage est formidablement distinct. Je traverse la D.115 pour entrer dans un autre bois où le chemin s'est élargi. Ici la forêt ne semble pas avoir souffert du déchaînement de Klaus. La forêt se termine et le chemin débouche dans un immense pré lumineux où tout à coup les beaux panoramas se dévoilent vers le nord. Le chemin traverse le pré et pénètre dans la grande ferme des Casals. Il est 10h30. Je passe au milieu de la ferme que je quitte par une piste terreuse qui continue vers la D.115. Très vite, je délaisse cette piste au profit d'une autre qui aboutit à un portail. Le balisage du P.R.12 est bien là. Je pousse le portail que je prends soin de refermer derrière moi. C'est un large chemin herbeux tout en sous-bois de petits noisetiers qui démarre ici et longe parallèlement la D.115. Après les rudes montées que j'ai eues jusqu'ici, j'apprécie à sa juste valeur ce sentier fleuri au doux dénivelé. Il est si agréable à cheminer et il fait si beau aujourd'hui, que je flâne, m'arrête, repars, m'arrête à nouveau pour observer une fleur, un oiseau ou un papillon. Tout devient prétexte à un rythme de marche nonchalant et placide. Je vais même jusqu'à m'arrêter plusieurs fois pour déjeuner. Un coup c'est un morceau de quiche acheté à la boulangerie ce matin, une autre fois une salade que je trimballe depuis le départ, une autre fois, un morceau de pizza, un gâteau de riz ou bien une orange. C'est simple, quand je retrouve la D.115 au col de la Guilla (1.194 m), je me suis arrêté trois fois, j'ai mangé tout mon déjeuner, il n'est pas encore midi et j'ai mis plus d'une heure depuis la ferme des Casals pour parcourir deux kilomètres. C'est dire la lenteur avec laquelle j'ai marché, mais cette lenteur est aujourd'hui en parfait synchronisme avec mon état de paresse. Un petit panonceau en direction de Notre-Dame du Coral est planté là au bord de la D.115. Il m'expédie de l'autre côté de la route où un grand portail s'ouvre sur une large piste qui descend vers Can Moulins. Les décors changent, ce n'est plus tout à fait la même végétation. Ici, les grands châtaigniers, les frênes et les hêtres ont quasiment disparus au profit des pins, des chênes verts et des chênes lièges. Sous un soleil de plomb et sur cette large piste terreuse qui descend allègrement, je retrouve machinalement mon rythme de marche régulier et habituel. Seul un abreuvoir dans lequel s'écoule une source arrête mon élan. J'y trempe mon bob déjà bien mouillé de sueur que j'enfonce tout dégoulinant sur ma tête. Frais comme un gardon, je repars sous ce cagnard brûlant mais juste avant Can Moulins, je suis à nouveau arrêté dans ma course par un petit panonceau aux lettres écrites en vieil anglais " N + D + du Coral ". De cet endroit, on aperçoit d'ailleurs les toits de l'ermitage. Au sein d'une dense forêt, la chapelle n'est plus qu'à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau. Une étroite sente raide descend dans une ravine, se stabilise et passe sous les maisons du hameau isolé de Can Moulins. Puis il descend à nouveau dans le bois d'un autre vallon où coule le Coral. Lors de l'analyse du parcours, j'avais prévu de m'y baigner en cas de fortes chaleurs. Mais si les fortes chaleurs sont là, le ruisseau, lui, n'est qu'un petit filet d'eau où il est très difficile de s'y mouiller ne serait-ce que les pieds.

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Après avoir traîné comme jamais, je finis par arriver très tôt à Notre-Dame de Coral. Comme à Saint-Guillem, la jolie chapelle est un lieu de pèlerinage et d'ermitage depuis des siècles mais ici elle fait aussi hôtellerie et restaurant. Je suis accueilli par deux énormes Saint-Bernard très gentils mais un peu trop baveux à mon goût. Un panonceau m'indique Lamanère, direction que j'aurais à prendre demain.

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Après une sieste bienfaitrice dans ma chambre, balades, visite et photos du site sont au programme. Son calme et son cadre de verdure unique se prête bien à ces activités. D'ici, j'aperçois tout au loin les Tours de Cabrens que je dois approcher demain. Je vais garder de Notre-Dame de Coral un souvenir impérissable et l'envie constante d'y amener un jour toute ma famille. 

Toujours dans les bois, le chemin remonte en zigzaguant jusqu'à l'intersection de deux chemins. Je connais bien cette jonction pour être venu à diverses reprises à Notre-Dame du Coral : il y a le chemin qui descend vers Lamanère et qu'il me faudra prendre demain et celui qui monte en direction de l'ermitage. Il est 13h15 quand j'aperçois les bâtiments et la chapelle. Je suis accueilli aux sons des grognements de deux énormes " Saint-Bernard " qui sont affalés de tout leur long sur le carrelage, certainement frais, du narthex de la chapelle. Ils doivent avoir si chaud qu'ils ne bronchent pas, mais néanmoins, ils m'observent du coin de l'oeil comme pour me dire " ne bouge plus, on te surveille ". Mais, je les connais pour les avoir rencontrés, il y a quelques mois, lors d'une randonnée. Ils sont plus impressionnants que réellement menaçants. Un jeune homme arrive d'un espace privé qui me semble être la cuisine. Je me présente, et il est parfaitement au courant de ma réservation en demi-pension pour une nuit. Force est de constater qu'ici ça fonctionne mieux qu'au Refuge de Batère. Pendant que le jeune homme me parle, les deux molosses se sont levés et sont venus me renifler les mains. Non, renifler n'est pas vraiment le mot. De leurs bajoues humides, ils m'enduisent les mains d'une bave gluante et quand je veux les repousser pour arrêter ce badigeonnage visqueux, le jeune homme me dit : " ils ont peur de votre bâton de marche " ! Je plie mon bâton télescopique et suit le jeune homme qui se dirige à l'étage pour me montrer ma chambre. Ce n'est pas vraiment une chambre mais plutôt un petit dortoir avec trois lits gigognes mais où, en principe, je devrais être seul car peu de randonneurs sont attendus aujourd'hui. Avant de retourner à ses occupations, le jeune homme me demande si je souhaite une boisson fraîche et quand je lui réponds une bière, il m'annonce avec jubilation, et comme si c'était une prouesse, qu'il a même une excellente bière pression. Je ne sais pas si chez lui, cet accueil courtois est habituel mais avec mon tee-shirt détrempé et mon bob avachi, il en a certainement conclu que j'avais dû avoir très chaud toute la matinée et que je devais avoir très soif. Gagné ! Je dépose mes affaires, retourne chercher ma bière et remonte avec dans le dortoir. Maintenant, je n'aspire qu'à une seule chose : " dormir ! ". Je me délecte de cette bière glacée, sors mes effets de toilettes, me déshabille et me précipite en slip sous la première douche venue qui se trouve au fond du couloir. Quand je reviens dans la chambre, et bien que les brûlures se soient formidablement estompées, je m'enduis les bras et les jambes d'Urticium et mets sous ma langue 5 granules d'Urtica Urens que je laisse fondre. Je finis ma bière et me jette sous une couverture et en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, je me vois m'endormir comme un bébé rassasié. Il est 16h30 quand je me réveille au doux bruit d'un aspirateur qui ronfle. Celui-ci arrive de l'extérieur et entre par la fenêtre que j'ai laissée grande ouverte. Quand je m'y penche c'est pour constater que la gérante et sa fille sont entrain de nettoyer leur voiture. M'apercevant à la fenêtre, elle semble confuse de m'avoir réveillé mais je la rassure car en réalité, il n'en est rien, je me suis éveillé tout seul après tout de même plus de deux heures d'un sommeil profond et réparateur. Je pars faire quelques photos de Notre-Dame du Coral qui est vraiment un site magique dans un cadre de verdure remarquable. D'ici, j'arrive à voir et à photographier les fameuses " Tours de Cabrens ", au pied desquelles, j'ai prévu de passer demain.

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Quelques images de ma soirée à Notre-Dame de Coral : la jolie chapelle avec ma chambre dont la première fenêtre est ouverte. Devant la fenêtre de ma chambre où, le soir, je vais assister impuissant à la mise à mort d'un pauvre mulot ballotté par trois horribles matous. La marmotte empaillée de l'excellent restaurant " La Bergerie " qui de ses yeux fixes me regarde manger et enfin le beau coucher de soleil vers le Mont Falgas. Ce soir-là, plusieurs randonneurs m'indiquent l'impossibilité qu'ils ont eu de se rendre à la Tour de Mir à cause des arbres couchés par la tempête Klaus et cela me conforte dans la décision d'avoir préféré le PR.12 plutôt que l'itinéraire du Tour du Vallespir. Cela effacera en partie cette entorse non prévue. 

Assis devant l'entrée de la chapelle, je fais la connaissance d'une randonneuse. Elle marche avec deux amis et font des randonnées en étoiles depuis l'ermitage. Elle vient d'arriver du secteur de la Tour de Mir où ils sont allés randonner aujourd'hui. Au fil de la discussion, elle finit par m'apprendre que, par là-bas, beaucoup d'arbres gisent encore à terre au milieu des pistes et des chemins. Ils ont pas mal galéré et n'ont pas pu respecter la boucle qu'ils avaient initialement envisagée de faire. Puis au moment de faire demi-tour, ils ont éprouvé beaucoup de difficultés pour revenir à l'ermitage depuis la Tour de Mir par un autre chemin. Cette information que je n'ai pas spécialement recherchée arrive à mes oreilles comme un pur soulagement. En effet, après cette difficile journée d'hier et malgré mon désir de faire preuve de prudence, j'avoue que faire le Tour du Vallespir et ne pas respecter son parcours originel me chagrine pas mal. Mais avec cette information, plus aucun regret, j'ai la certitude maintenant d'avoir pris ce matin la bonne décision en choisissant le P.R.12 ! La jeune femme part rejoindre ses amis dans le dortoir. Une petite chatte noire vient se faire câliner, elle ressemble à s'y méprendre à ma petite Milie, mais quand un des deux Saint-Bernard aperçoit ce manège, il est jaloux et veut lui aussi sa part de caresses. Je veux bien le cajoler mais lui ne conçoit pas de recevoir de la tendresse sans en rendre à son tour à grands coups de langue. Et voilà qu'en moins de trois heures, il se met à me passer une deuxième couche de salive collante sur les mains. J'adore les animaux et particulièrement les chiens mais cette écume blanche qui dégouline de ses bajoues a un côté ragoûtant et désagréable et, là c'en est trop. Je remonte vers les toilettes pour me laver les mains puis je me remets au lit pour un peu de lecture. Vers 19h30, je redescends pour m'installer dans la Bergerie. C'est ainsi que s'appelle la jolie salle de restaurant au décor campagnard typiquement catalan. Je suis seul dans la salle, et ce repas, que je mange sous l'œil inerte d'une grosse marmotte empaillée, est vraiment savoureux avec une salade de tomates à la mozzarella, un coquelet rôti avec un excellent petit assortiment de légumes, de riz et d'un délicieux gratin. Et pour clore le tout, on m'apporte une grosse tranche d'un succulent gâteau à la crème pâtissière. Je n'ai vraiment que des louanges à faire de cet accueil de qualité. La chambre est parfaite pour le randonneur que je suis, la cuisine est excellente et raffinée, le tout dans un décor unique et calme et pour couronner le tout avec un rapport qualité/prix des plus raisonnables. Que demander de plus ! Quand je remonte dans la chambre, le soir est entrain de tomber mais le soleil est loin d'être couché. Par la fenêtre, je le regarde décliner peu à peu, grosse boule rouge qui disparaît derrière le Mont Falgas. A cet instant, et en regardant vers ces belles montagnes, je repense à ce " Cami de la Retirada ". Ces chemins de la liberté, ils ont dû en voir passer des contingents de malheureux et de chancelants avec tous ces réfugiés politiques qui étaient obligés de fuir leur pays. Mais dans l'autre sens, cette frontière, elle a dû en voir défiler des bienheureux et des chanceux avec ces résistants et ces combattants de tous bords qui fuyaient le nazisme pour des vies et des destinées nouvelles. Trois chats noirs qui jouent sous ma fenêtre sur la pelouse du parc m'extirpent de cette rêverie et de ces réflexions. Ils jouent à un jeu très cruel, c'est celui du chat et de la souris, comme une parodie d'un " Tom et Jerry " grandeur nature où il y aurait trois " Tom " et dans lequel, le rôle de " Jerry " est tenu par un minuscule mulot dont le sort est scellé d'avance. Les trois " ignobles " matous se renvoient, d'un à l'autre, le petit mulot comme une balle de caoutchouc et quand parfois celui-ci retombe dans l'herbe, j'ai toujours espoir qu'il finisse par arriver à s'échapper. Mais malheureusement, il finit tôt ou tard par se faire rattraper pour un des trois " greffiers ". Décidément la nature est trop cruelle et devant cet impitoyable spectacle, je préfère partir me coucher. Voilà un aspect de l'âpreté du Vallespir que je n'avais pas imaginé au départ de cette randonnée. Comme quoi, on est loin de tout envisager quand on veut se hisser sur " les hauteurs d'une vallée âpre ".

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

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L'après-midi, ce gentil chat était venu se faire câliner. A la nuit tombante, sur la pelouse de l'ermitage, accompagnés de ses deux compères, il est soudain devenu un " ignoble assassin " suppliciant un pauvre petit mulot qu'ils se renvoyaient de l'un à l'autre comme un simple balle de caoutchouc. Une nouvelle fable était déjà dans ma tête.

 

Trois petits " Tom " et un pauvre Jerry

 

Trois petits " Tom " jouaient dans le parc ombragé.

Noirs étaient leurs pelages, leurs esprits, leurs pensées.

Et ce pauvre " Jerry ", que le diable tirait

Par une fine queue, était désespéré.

 

Un homme à la fenêtre regardant ce spectacle,

Espérait du hasard, une étoile, un miracle.

Mais la dure nature le fit pleurer soudain,

Les petits " Toms " noirs étaient des assassins.

 

Il partit se coucher, sensible à sa faiblesse.

Les petits " Toms " noirs avaient tant de rudesse.

Croquer une souris tels étaient leurs destins,

Un " Jerry ", un mulot ce n'est pas un festin

 

Puis l'homme s'endormit, mais les rêves l'éveillèrent

Sur son lit, un p'tit " Tom " dormait tel un pépère

Sans cauchemar aucun, sur ce qu'il avait fait

Le " Jerry " dans son ventre avait ressuscité.

 

Dans leurs songes, ils sautèrent dans le parc ténébreux

Le P'tit " Tom " et " Jerry " avaient l'air si heureux.

Toute la nuit, ils jouèrent jusqu'au petit matin,

Comme de bons copains, de gentils diablotins.

 

Puis le jour se leva et son lot de tracas,

Les petits " Toms " noirs cherchaient comme un en-cas.

Point de pauvre mulot pour leur combler la faim,

Mais un " Jerry " ailé tel un beau séraphin.

 

Les Petits " Toms " noirs scrutaient en vain le ciel,

En quête d'un oiseau, de leurs airs criminels.

Mais le frêle " Jerry " s'était changé en aigle,

Sur les chats il tomba emportant le plus faible.

 

Il faut vivre la vie comme un chat, un mulot,

Caresser les p'tits " Toms ", ignorer les salauds,

Et si la vie est dure, croque-là doublement

Comme une petit " Jerry " si tendre et si fondant.

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo 15 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.3eme étape : Mercredi 19 août 2009.

Saint-Guillem (1.287 m)-Prats-de-Mollo (753 m) 15 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

Nous nous aventurâmes jusqu'au village de Prats-de-Mollo. J'avoue que je préférai les bocages de la plaine à ces grandes montagnes couvertes de chênes verts et qui semblent plus faites pour abriter des bandits, que pour assurer le couvert à des honnêtes gens. Extrait de l'essai " Voyage en France en 1787, 1788, 1789 ". Arthur Young (1741-1820) agriculteur, agronome et écrivain britannique.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.LA FAUTE A KLAUS :

Malgré cette anxiété que j'ai eu hier soir, j'ai fini par m'assoupir. Quand j'y repense, je constate que c'était plutôt une appréhension momentanée qu'une vraie obsession. Puis vers minuit, j'ai été réveillé par un bruit. C'était comme le bruit d'un grattement. Mais une fois éveillé, je me suis aperçu qu'un autre bruit venait du volet d'un petit vasistas qui était resté ouvert et qui grinçait sous une légère brise nocturne. A la faible clarté de ma lampe frontale, je n'ai rien observé qui correspondait au grattement qui m'avait réveillé. Par contre, le rayon plus large que ma lampe projetait contre le mur du refuge me fit remarquer qu'il manquait une grosse pierre à 15 centimètres de ma paillasse. Au fond de ce trou ainsi constitué, il y avait un nid de souris fait d'une bourre blanche, de poils et de fibres diverses. Mais de souris, il n'y en avait point ! Est-ce elle qui grattait avant que je ne me réveille ? Avait-elle eu le temps de décamper avant que je n'éclaire la lampe ? Pour ne plus être embêté par ce grincement lugubre et ces grattements désagréables, je pris les sages résolutions de fermer le vasistas et de déménager ma litière à l'autre bout du bat-flanc. Puis, j'ai profité de ce réveil fortuit pour partir uriner dehors. Le ciel tout entier était étoilé et une belle voie lactée blanchissait le firmament au dessus de la chapelle de l'ermitage. La nuit était douce et quasi silencieuse. Seule une petite brise, frissonnant les feuilles, tentait sans succès de rompre cette quiétude. Comme j'appréciais pleinement l'instant présent, cette sérénité, cette paix secrète et intime, loin du monde bruyant et trop insociable que j'avais quitté, je suis resté de longues minutes sur le pas de la porte, les yeux levés vers le ciel et l'ermitage qui se découpait, à écouter ce silence avant de partir me recoucher. Une fois encore, cette nuit-là fut bénéfique et, à mon grand étonnement, je n'ai ressenti à mon réveil aucune contracture musculaire, ni aucune douleur, malgré les deux longues étapes déjà accomplies et la rusticité du couchage qui ne m'avait pas empêché de dormir profondément.

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Quand je quitte Saint-Guillem, vers le sud, le jour est déjà levé mais le hameau est encore dans la pénombre. Ici les panneaux sont on ne peut plus clairs mais mal placés et je vais me tromper avant de me raviser et de reprendre le bon chemin.

Il est 7 heures. Vers le sud, le jour est déjà levé mais Saint-Guillem de Combret, blotti au fond du vallon de Coumelade, est encore dans une obscure nébulosité. Bloqués par les hauts monts environnants, les rayons du soleil mettront encore plus d'une heure avant d'éclairer complètement le minuscule hameau. Je déjeune de deux gâteaux de riz vite expédiés et d'une grande gorgée d'eau et range tranquillement mes affaires et mon sac à dos en prêtant attention à ne rien oublier dans le refuge. Il est 8 heures quand je démarre avec ma trousse de toilettes, mon gant et ma serviette à la main. Je sais qu'il y a dans le hameau, non loin d'ici, une auge ou plutôt un vieux lavoir dans lequel, par un tuyau de PVC, s'écoule une eau de source cristalline. J'ai bien l'intention de me raser et de faire un brin de toilettes car j'ai la désagréable sensation de me sentir sale et poussiéreux. Je mets un quart d'heure pour me laver et tenter de parfaire ma présentation. Mais j'ai le sentiment que l'eau glacée a eu un seul effet non négligeable sur mon organisme, celui de lui assener un " claquant " coup de fouet qui me permet de démarrer cette étape dans d'excellentes conditions. Je profite pour remplir mes deux gourdes et mon camelback d'une eau fraîche et renouvelée.

La large piste s'élève rapidement au dessus de l'ermitage. Sur ma droite, là même où hier après-midi j'ai galéré, la tempête Klaus a laissé un immense chantier de désolation dans cette forêt qui était pourtant magnifique. Par contre, en face de moi, les flancs du Puig dels Sarraïs (1.830 m) et du col de Serre-Vernet (1.808m) que je dois cheminer semblent moins meurtris. Il y a bien deci delà, quelques cicatrices, quelques sillons d'immenses résineux couchés, mais rien de bien inquiétant, en tous cas vu d'ici.

Quelques minutes plus tard, et alors que je m'apprête à poursuivre la piste, je remarque inopinément sur ma droite un panonceau qui semble m'indiquer Prats-de-Mollo et le col de Serre-Vernet par un autre chemin qui s'enfonce dans la forêt. Et je commets là une nouvelle erreur en ne sortant pas immédiatement mon GPS. Quand je le sors, c'est bien trop tard, car mon GPS ne capte plus aucun satellite masqué qu'il est au fond de ce sous-bois touffu. Deuxième erreur, je ne sors pas ma carte non plus, tranquillisé, il est vrai, par ce rassurant panneau. Et quand je sors ma carte, c'est encore beaucoup trop tard car j'ai marché ainsi une " bonne " demi-heure jusqu'à m'inquiéter de ne plus rencontrer le balisage jaune et rouge qui était pourtant bien visible jusqu'à présent. Au regard de la carte, je me rends à l'évidence, je me suis trompé, une fois de plus. Quitte à avoir perdu une heure, je décide de faire demi-tour car ce chemin qui zigzague toujours en forêt sans aucun balisage apparent me trouble et ne m'amènera nulle part et en tous cas pas où je dois aller.

Quand je retrouve la piste et le panonceau, selon moi, très mal placé à cet endroit, j'ai effectivement perdu une heure. Je m'avance sur la piste et quelques dizaines de mètres plus loin, j'aperçois effectivement les marques de peinture jaune et rouge propres au GRP du Vallespir. Je poursuis la piste et enjambe le fougueux torrent de Coumelade par un large pont bétonné. Peu après, la piste se sépare en deux, mais le balisage est ici parfait et m'oriente vers la droite. Plutôt plane au début, maintenant la piste monte allégrement, effectue deux larges courbes, avant d'atteindre le col Baxo à 1.473 mètres. Au fond de ce petit col herbeux, un nouveau panneau sollicite un départ à gauche. Ici une minuscule sente, encadrée d'une clôture, est barrée d'un petit portail qui est là pour empêcher les bovins de passer mais pas les randonneurs. Sans trop m'en apercevoir, et malgré l'heure perdue, j'ai déjà fait 190 mètres de dénivelé sur les 521 que je dois accomplir pour atteindre les 1.808 mètres du Col de Serre-Vernet. C'est bien sûr encourageant, mais j'évite de trop penser aux 331 mètres restant sur les trois kilomètres d'ascension qui doivent m'amener au pinacle de ce tour du Vallespir.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

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J'ai quitté Saint-Guillem par un chemin qui enjambe la rivière Coumelade. Parfaitement balisé, il s'élève rapidement par le col Baxo, file à travers des bois touffus où coulent quelques petits ruisseaux. Mais parfois le chemin se transforme en balcon et j'ai le bonheur d'être en surplomb de superbes paysages. Saint-Guillem est déjà très loin.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Ce chemin parfois en balcon me laisse entrevoir Saint-Guillem que j'ai quitté ce matin. On aperçoit les bois saccagés par la tempête Klaus. Celui au dessus du hameau où j'ai galéré hier lors de mon arrivée et celui en dessous du refuge où se trouve un bel arboretum avec notamment quelques séquioas.

 Malgré le dénivelé, le petit chemin est changeant et agréable. Cheminant le plus souvent en sous-bois et recouvert d'un épais tapis de feuilles mortes, il coupe quelques ruisseaux, affluents de la Coumelade et monte rectiligne offrant quelquefois de magnifiques vues vers le sud mais surtout sur Saint-Guillem et tout le Bassin de Coumelade. Puis soudain, il bifurque dans le sens opposé en direction du Col de Serre-Vernet dans un bois de petits pins chétifs. Il n'est pas tout à fait midi quand j'arrive au col, point culminant de ce périple avec ses 1.808 mètres

Vaste pré herbeux entouré de pins et de sapins, il semble être le paradis pour nombre de génisses et de vaches blanches indolentes. La plupart sont affalées sur la verte prairie et même mon passage laisse indifférent tous ces bovins, qui repus, ne tournent même pas la tête quand je m'approche d'eux. Ici, les panoramas à 360° sont splendides de tous côtés. De nombreux hauts sommets et de nouveaux pics apparaissent, de nombreuses crêtes composent l'horizon : la Crête des Sept Hommes (2.651m), le Pla Guillem (2.301m), les Roques Blanches (2.252m), les Esquerdes de Rotja (2.316m), le Roc Colom (2.507m) et le Pic de Costabonne (2.465m) pour ne citer que les crêtes les plus connues et les plus attractives. Mais il y aussi de profonds ravins et surtout cette immense et épaisse forêt domaniale qui n'en finit plus de s'étendre sur ce magnifique Haut-Vallespir. Ici, il y a aussi un panneau, mais il ne sert plus à rien car il gît à terre et n'indique plus aucune direction. Je le redresse et essaie en vain de retrouver son emplacement originel. De dépit, je le pose contre un petit pin dans la position qui me semble la plus appropriée avec St Guillem dans la direction d'où je viens. A l'aide d'un bout de ficelle que j'ai trouvé sur la pelouse, j'ai beau l'attacher avec bons sens à une branche du pin, je ne suis guère plus avancé quand à la direction à prendre pour me rendre à Prats-de-Mollo.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

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J'arrive au col de Serre Vernet. A 1.808 mètres, c'est le point culminant de mon périple. Les paysages sur le très Haut-Vallespir sont superbes de tous côtés. Ce col est aussi le paradis de vaches et des génisses. Le panonceau indicatif gît à terre, je le redresse et l'attache à un pin mais je ne suis pas plus avançé quant à la direction à prendre pour aller à Prats. Heureusement j'ai mon GPS !

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J'effraie un petit veau puis je m'arrête pour déjeuner dans cet éboulis qui descend très raide du Puig dels Sarraïs vers la vallée de la Parcigoule. Je ne peux trouver plus beau spectacle ! Mais la descente est loin d'être finie, je dois encore atteindre deux cols, celui de la Collade d'En Mandoulé et le col de Coumeille, petit pré verdâtre que j'aperçois tout en bas.

Mais heureusement, ma carte IGN est là et mon GPS aussi et à force d'avancer dans différentes directions vers le sud, je finis par trouver le bon itinéraire qui file sur le pré puis contourne quelques rochers. Il est midi et j'ai faim, mais comme la suite de l'étape est essentiellement faite de descentes, je prends la décision de continuer un peu pour m'offrir comme hors d'oeuvre un splendide panorama dégagé. Cette sente allie pelouses, petits bois de pins et de feuillus mais aussi rocailles et rochers plus ou moins gros. Mais il y aussi de nombreux et bas genévriers derrière lesquels quelques veaux ruminent leur fourrage. L'un d'entre eux peut se vanter de m'avoir fait une belle frayeur et tressaillir quand il a débouché devant moi alors que je marchai dans un silence de cathédrale. Mais je suppose que lui aussi, il a du avoir une peur " bleue " ! En contournant maintenant le rocailleux Puig dels Sarraïs, le chemin n'est désormais plus qu'amoncellement de blocs déchiquetés et gros pierriers escarpés. Je redouble de vigilance pour éviter toute chute qui, ici, serait catastrophique pour de pas dire fatale. Il est temps que je m'arrête pour déjeuner car je ne trouverai pas meilleur belvédère que ces éboulis, bien exposés au soleil, qui descendent raides vers le vallon de la Parcigoule. Il n'y a plus aucun obstacle devant moi et je déguste à la fois ma salade et ce magnifique spectacle. Assis sur une grosse pierre plate bien chaude et adossé à une autre, j'ai trouvé, dans de ce fauteuil improvisé mais un peu dur il est vrai, une terrasse peu confortable pour mes fesses mais idéale pour mes yeux.

D'ici, je jouis d'un panorama exceptionnel sur le Bassin de la Parcigoule mais aussi sur une immense partie de ce Haut-Vallespir que je suis venu découvrir. C'est d'ailleurs en mangeant dans ce gros pierrier que j'ai imaginé le titre de mon voyage et de ce récit : " Sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

Après trois jours de marche, et à cet instant précis, il me semblait qu'aucun autre endroit traversé ne méritait plus ce terme de " âpre " que cet immense magma rocheux. Dans cet éboulis, les aspérités ne manquent pas et l'âpreté, je la touche à chaque instant. Le déroulement imminent de ce Tour du Vallespir me montra malheureusement et très vite que je n'avais pas encore tout connu de cette légendaire âpreté. Quand je repars, la sente, où du moins ce que j'en devine grâce à un balisage abondant et précis, se complique sacrément en étant toujours très rocheuse mais en devenant encore plus abrupte. Pour éviter toute chute, je m'applique à poser mes pieds sur des pierres stables et quand les marches sont trop hautes à descendre, je m'aide autant de mes mains que de mes pieds.

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J'en ai fini avec la longue descente le long du flanc pierreux du Puig dels Sarraïs. Au col de Coumeille, une étrange croix gravée dans la pierre et le pic de Granarols que le chemin contourne au milieu d'une jolie pelouse jonchée de carlines blanches pour se diriger vers un autre puig , celui des Lloses. Ce puig, je vais m'en souvenir très longtemps !

Après un premier petit col herbeux, la Collade d'En Mandoulé sur la carte, la descente abrupte continue mais la sente moins rocailleuse mais plus terreuse devient plus facile jusqu'au Col de Coumeille (1.566m). Ce collet, petite prairie vert clair, encadrée par le Puig dels Sarraïs et le Pic de Granarols (1.690m) je l'ai entrevu dès le début de la descente du col de Serre-Vernet et depuis je languis de l'atteindre tant mon appréhension d'une mauvaise chute dans ce champ de pierres est ancrée dans ma tête. Aussi, je suis si soulagé en l'atteignant que la première chose est de déposer mon sac à dos et de m'allonger les bras en croix sur ce vert herbage. Mais, à cet endroit, je ne suis pas le seul à avoir fait une croix, un autre chemineau a cru utile d'en graver une dans la pierre, moins éphémère que la mienne. Au regard de son usure générale, des vieilles mousses et de l'érosion de petits conglomérats dans son cadre, cette croix me paraît très ancienne. Depuis quand était-elle là ? Je ne suis pas un spécialiste ni de l'archéologie ni de la géologie mais pour l'avoir lu, je sais que le Vallespir a été occupé bien avant le néolithique, époque où l'homme a vraiment commencé à maîtriser le polissage et la sculpture de la pierre. Alors cette croix, est-ce vraiment une croix ancienne ou une cupule comme celles que les hommes préhistoriques ont laissés gravés un peu partout dans le département ? Quelle âge a-t-elle cette gravure ? 5000 ans, 8000 ans, 10000 ans ? Est-elle plus récente et liée au christianisme ? Ou bien a-t-elle été sculpté par un preux et inventif chevalier en partance pour une croisade ? Comme toujours en pareil cas, j'en prends une photo avec l'idée de l'exposer dans mon futur récit à la fois pour l'agrémenter mais aussi avec le secret espoir que cette photo pourra être vue par de vrais spécialistes qui pourront ainsi et sans doute répondre à nombre de mes interrogations.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

L'étrange croix photographiée au col de Coumeille. Je suis preneur, si quelqu'un a des réponses aux questions que je me pose au sujet de cette croix ?

Au col de Coumeille, le chemin contourne le Pic de Granarols pour arriver au Puig des Lloses (1.413m). Ici, le sentier tout en pente douce et très praticable est un réel plaisir. Atteindre ce nouvel objectif n'est cette fois qu'une simple formalité. Il est 14 heures tapantes quand j'arrive au Puig des Lloses. Les panneaux directionnels y sont au nombre de trois : " 1- Le Tour du Vallespir vers Saint-Guillem, à savoir l'itinéraire que je viens de parcourir, 2-Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles, col situé à 30 minutes et bien sûr, 3 Prats-de-Mollo par le GRP Tour du Vallespir que je dois suivre pour respecter le tracé de mon GPS et celui de topo-guide de Georges Véron. Le Puig des Lloses ressemble plutôt à un petit collet avec un replat d'où l'on a une vue plongeante sur Prats-de-Mollo. Ici, je retrouve une flore que j'avais perdue de vue depuis le col de Formentere, faite de sorbiers des oiseleurs, de maigres genêts, de rachitiques genévriers et toujours ces bas massifs de bruyères roses que je côtoie depuis mon départ. Mais une chose me surprend sans trop m'inquiéter sur l'instant, ce sont ces petits amoncellements de branchages cassés dont on voit très bien qu'ils ont été laissés là en l'état depuis la tempête Klaus. Quand à Prats-de-Mollo, d'ici, la cité n'est visible que parce qu'une multitude de grands sapins ont été étêtés ou fracassés sur un vaste périmètre. Mais quand je poursuis la sente du Tour du Vallespir en direction du Col du Miracle, je ne suis pas vraiment inquiet. Il y a bien, dés le départ, un pin en travers du sentier mais je l'enjambe très facilement. 50 mètres plus loin, il y en a deux autres mais ceux-là je ne peux pas les enjamber et suis obligé de les contourner, assez facilement il est vrai. Puis, les pins et les sapins renversés en travers se succèdent. J'enjambe, contourne, passe parfois en dessous et quand je ne peux pas, par dessus. Je commence vraiment à galérer et mes membres sont déjà bien égratignés. Mais en y prêtant attention, je remarque que je ne suis pas le seul à être passer par là. Je vois parfaitement que les bas-côtés du sentier ont été piétinés car la terre est meuble aux endroits où un contournement était la seule alternative. Randonneurs, chasseurs, animaux ? Puis, d'un coup plus rien, plus d'arbres couchés sur plusieurs centaines de mètres. J'arrive au ravin du Pas des Vaques qui n'est ici qu'un petit ru où coule un mince filet d'eau sur un fond boueux. Avec un mouchoir en papier que je mouille au préalable, j'éponge toutes mes égratignures. Je traverse le ruisseau sans problème et poursuis mon chemin dans un sombre sous-bois, ce qui me convient très bien, car ça signifie que tous les arbres sont encore debout. Mais ça ne dure malheureusement pas et là, un peu plus loin, ça se complique car il n'y a pas de réel passage, et en tous cas aucune trace d'un franchissement antérieur. Quand je le peux, j'enjambe, mais quand les troncs sont trop hauts, je tente de passer dessous, mais parfois en vain car le problème avec les sapins, c'est qu'ils sont parfois partiellement déracinés et ont encore toutes leurs épaisses ramures. Et quand ils n'ont plus leurs ramilles, c'est encore pire car leurs branches sèches sont autant de poignards qu'il me faut éviter. Alors, je contourne, je descends, je monte tout en essayant de ne pas trop m'éloigner du chemin. Souvent, je suis contraint d'ôter mon sac à dos, qui, dans ce dédale, est un terrible handicap. Ouf ! J'ai réussi à franchir ce nouvel obstacle mais voilà que 150 mètres plus loin, il en apparaît une autre, aussi difficile que le précédent sinon plus.

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Au Puig des Lloses, les panonceaux sont nombreux et j'aperçois Prats-de-Mollo tout en bas, pourtant je vais me fourvoyer pendant plus de quatre heures dans cette forêt du Miracle ravagée par la terrible tempête Klaus. En vain. De cette forêt, je vais en ressortir meurtri, égratigné, ensanglanté et surtout brûlé des épaules aux chevilles pour être tombé dans de hautes orties ! De surcroît, je vais perdre mon appareil-photo, ce qui va m'obliger à retourner dans ce fatras pour le retrouver. 

Je suis fatigué et sanguinolent mais dans ma tête, je me dis que si j'en ai passé un, je peux en franchir d'autres. Je me dis aussi que les forestiers du coin doivent bien être conscients que le Tour du Vallespir est barré par tous ces arbres abattus et je suppose qu'ils ont commencé à déboiser en partant de Prats-de-Mollo et en remontant le sentier. Ce n'est pas possible, ce traquenard va bien finir par s'arrêter ! Je passe plus facilement ce nouveau barrage et arrive à un endroit où le sentier fait un angle droit près d'un piton rocheux en surplomb de Prats-de-Mollo. Ici, je prends conscience des dégâts considérables que la tempête Klaus a provoqué dans ce secteur mais j'arrive néanmoins à parcourir encore 500 mètres sans trop de difficultés avant de tomber sur une autre empreinte d'une forêt complètement ravagée. J'enjambe, je contourne, remonte et redescend sans trop me préoccuper du chemin qui a définitivement disparu dans cet amas incommensurable d'arbres brisés, de troncs fracassés, de branches amoncelées et de branchages empilés. Dans ma tête, j'espère surtout que ce nouveau sillon dévasté ne sera pas trop large et qu'une nouvelle fois, je pourrai le franchir. Par moment, j'arrive dans des impasses. Il m'est impossible de contourner, de passer dessous et malgré la hauteur où se trouvent les troncs, souvent à plus d'un mètre du sol, la seule solution reste de les enjamber. Je n'en suis pas à ma première enjambée mais cette fois, le tronc est-il un peu plus haut où est-ce la fatigue, toujours est-il, que droit sur le rondin, je me sens partir en arrière entraîné par le poids de mon sac. Un coup de reins pour me rétablir, mais ce coup de reins est bien trop puissant et voilà que je pars en avant ! J'ai beau mouliner l'espace avec mes bras pour tenter de tenir en équilibre mais c'est trop tard, mes mains ne rencontrent que le vide et en tous cas, rien où s'accrocher. Je pars en avant, je vais tomber et me rompre le cou dans ce monstrueux chaos, mais une dernière inspiration me donne l'intuition et le sursaut que plutôt que de tomber n'importe où et n'importe comment, il faut mieux que je me jette à un endroit choisi. Voilà, j'ai réussi, si je puis dire ! Je me retrouve planté au milieu d'un gros massif de ronces et de hautes orties. Mon genou gauche a malgré tout cogné fortement une grosse branche et je saigne abondamment. Mais ce n'est pas ça le plus douloureux, mais toutes ces petites brûlures d'orties qui, peu à peu, en partant des chevilles, semblent monter tout le long de mon corps, enflammant surtout mes jambes mais également mes bras. J'ai l'impression de flamber debout et malgré la douleur, je reste planté là au milieu de cette désolation, de ce néant. Je suis tout à coup comme tétanisé par l'angoisse. Mais je perçois que cette angoisse est arrivée de manière soudaine car jusqu'à présent, j'étais trop occupé à m'en sortir. Une fraction de quelques secondes, il me vient à l'esprit de sortir mon portable et d'appeler des secours. Mais en me retournant, et malgré cette complète désolation, je constate que ce n'est pas le néant absolu : à vol d'oiseau, je ne suis pas très loin d'une piste blanche et sableuse que je distingue en contrebas à quatre ou cinq cent mètres. Je discerne des voitures qui y circulent et aussi un mas. Et même si à cet instant précis, je voudrais être un oiseau, je n'en suis pas un ! Je me suis foutu tout seul dans cette " mouise " et il faut que j'en sorte tout seul aussi ! Mais faire cinq cent mètres dans cette dévastation, je sais à l'avance que c'est une impossible gageure.

La faute à Klaus Schümann

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je suis tombé par terre c'est la faute à Voltaire.

Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes exactement, j'ai hurlé :

Je suis tombé sur un os, c'est bien la faute à Klaus.

Le nez dans les gentianes, c'est la faute à Schümann.

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je ne suis pas notaire, c'est la faute à Voltaire.

Je suis petit oiseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes, j'ai crié :

J'ai chuté sur les lloses, c'est bien la faute à Klaus

J'ai brisé mes organes, c'est la faute à Schümann

 

Je voudrais faire un saut et atterrir à Prats-de-Mollo,

Je ne suis pas petit oiseau, c'est la faute à mon père !

Alors il me faut être costaud et que j'ai un sursaut !

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le 24 janvier 2009, la tempête Klaus a provoqué de considérables dégâts dans le Haut-Vallespir. En août, les plaies sont loin d'être toutes cicatrisées.

C'est donc décidé, je vais rebrousser chemin jusqu'au Puig des Lloses et descendre à Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles. La première chose à faire, c'est retrouver le sentier mais où peut-il bien être dans ce " labyrinthe " végétal trop urticant à mon goût. Seul mon GPS peut me le dire et il faut d'abord que je sorte de ce roncier qui m'enveloppe comme une toile d'araignée. D'ailleurs des araignées, il y en a pas mal ici et comme elles n'apprécient pas trop mon intrusion dans leur domaine réservé, elles me piquent elles aussi. Mais bon, je n'en suis plus à une piqûre près ! Seule solution, sortir par là où je suis arrivé, c'est-à-dire par le haut. Cette fois, j'ôte mon sac à dos, dont je vérifie au préalable toutes les fermetures et je l'envoie valdinguer par-dessus le tronc dont je viens de choir. Je me hisse sur le tronc et me mets carrément à cheval sur lui. Un point GPS me situe à une cinquantaine de mètres du chemin qui est vers le nord et pour moi vers le haut. Je récupère mon sac et poursuit ainsi mes divagations. Je jette mon sac, me hisse à nouveau, le récupère et ainsi de suite. Parfois, je jette mon sac un peu plus loin car j'arrive à jouer les équilibristes sur plusieurs troncs couchés de concert et ma progression s'accélère. Je vais mettre un gros quart d'heures pour retrouver le sentier et encore plus d'une heure pour rejoindre le Puig des Lloses. Quand je regarde ma montre, j'ai du mal à le croire : il est déjà 17 heures et voilà trois heures que je me fourvoie dans cette forêt du Miracle, la mal nommée. Il faut absolument que j'appelle l'hôtelier pour le prévenir que j'aurai du retard. De ce côté-là au moins je serais tranquille et quand je l'ai au bout du fil, effectivement il me rassure. J'ai réservé, j'ai payé et la chambre à l'hôtel Ausseil m'est complètement allouée quoi qu'il m'arrive. Mais s'il savait ce brave homme ce qu'il vient de m'arriver ! Mais n'en parlons plus, j'en suis sorti, même si c'est fourbu, écorché, entaillé, égratigné, brûlé et ensanglanté de la tête aux chevilles. Maintenant, le sentier qui descend vers le Col de Cavanelles au milieu des genêts et des hautes fougères est plutôt agréable et les panoramas sont suffisamment beaux pour que je me remette à prendre des photos. Mais où est mon appareil ? Il n'est pas dans une de mes poches et je ne me souviens pas l'avoir rangé dans mon sac ! Non, il était dans sa housse accrochée à ma ceinture et à ma ceinture, je n'ai plus rien désormais ! Le bouton-pression a dû s'ouvrir et je l'ai perdu ! Je suis désespéré car perdre mon appareil photo c'est comme si j'avais perdu la mémoire de ces trois premiers jours depuis Amélie-les-Bains. Pour moi, c'est inimaginable et il faut que je le retrouve. Sans trop réfléchir, je sors ma dernière gourde d'eau de mon sac à dos et je jette ce dernier dans les hauts genêts en m'assurant qu'on ne le voit pas depuis le chemin. Deux petites branches en forme de croix que je place au bord du sentier pour retrouver cet endroit et me voilà entrain de remonter le sentier, presque en courant, vers cet " enfer vert " où j'ai sans aucun doute perdu mon appareil. Où se trouvera-t-il ? Loin, près ? L'ai-je perdu quand je suis tombé de ce tronc plus haut que les autres ? S'est-il décroché dans le roncier ? Ou bien sous un tronc que j'ai franchi comme un tunnel ? Voilà les questions et bien d'autres qui grouillent dans ma tête alors que je me jette dans cette " impossible " quête. Vu l'heure et le temps que j'ai mis la première fois, il faut à la fois que je fasse vite mais sans pour autant négliger mes recherches. Ce serait idiot de passer à côté sans voir l'appareil par précipitation. L'absence du sac à dos m'aide considérablement mais au fond de moi, je sais que selon l'endroit où la housse est tombée de ma ceinture, c'est comme rechercher une minuscule aiguille dans une énorme botte de foin. Sans le sac mais avec une gourde à la main, je passe néanmoins tous les petits obstacles plus aisément, je traverse le ru du Pas des Vaques, je franchis le premier couloir de sapins anéantis avant que le sentier fasse un angle droit. Rien ! Il me reste encore un barrage à franchir avant ce virage et comme pour le précèdent, j'essaie de me souvenir par où je suis passé à l'aller mais aussi au retour. Et là, au moment où je me baisse pour passer sous les branches encore vertes d'un immense sapin déraciné, le miracle survient ! La petite housse avec mon numérique à l'intérieur est là au milieu du sentier sous la verte ramure. Ouf ! Ouf ! Ouf ! Je respire à pleins poumons. Quel soulagement. Je vérifie mon appareil que j'enfonce au plus profond de la poche de mon short et par sécurité supplémentaire, je referme celle-ci avec le Velcro consacré. Une fois encore, il ne me reste plus qu'à rebrousser chemin. Ce ne sera que la quatrième fois que j'emprunte cet itinéraire et si ça continue, je vais finir par en connaître le moindre recoin par coeur ! D'ailleurs, c'est le cas, car dans ma précipitation et alors que je me suis arrêté pour boire un coup, j'ai posé machinalement mon bob sur un rocher et je l'ai oublié. Mais je ne suis pas inquiet car je sais parfaitement où il se trouve.

Il est 18 heures quand je passe une nouvelle fois devant la panonceau " Puig des Lloses - 1.413 m - PR6B - Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles - 30 mn ".

A cet instant précis, je ne sais pas pourquoi, il me vient une abominable anxiété : Et si ce chemin, lui aussi, était impraticable, barré par une forêt saccagée ? Après tout, il n'y a pas d'autre chemin et le peu que j'en ai parcouru avant de retourner chercher mon appareil photo ne me laisse aucune certitude et ne me permet pas d'être rassuré. Après tout, Prats-de-Mollo que j'aperçois en bas est au moins à trois kilomètres à vol d'oiseau et il faut au bas mot compter au minimum le double par le chemin. Tout est encore possible ! Cette terrible angoisse, elle va soudain se transformer en une grosse boule au creux de mon estomac et elle va rester là, encore blotti pendant une heure et demie. Autant, j'ai été longtemps serein cet après-midi même au plus fort de mes élucubrations, autant maintenant je prends conscience que je peux ne pas arriver au bout de cette étape, en tous cas aujourd'hui. Mais je sais aussi que je n'ai pas le choix dans la direction à prendre et je continue. Je récupère mon sac. Les photos que j'avais voulu prendre tout à l'heure, je les prends maintenant. Mais j'avoue que je n'ai plus le cœur à ça ! J'ai toujours cette appréhension et ces questions qui fourmillent dans ma tête et je ne pense plus qu'à une chose : descendre, descendre, et descendre encore au plus vite vers Prats-de-Mollo. Comme prévu et sans problème, j'arrive au bout de 30 minutes à ce que je crois être le col de Cavanelles. A gauche, un grand champ en pente avec un large chemin qui le contourne, un autre chemin qui part droit devant moi et un autre qui part complètement à gauche. Je n'ai plus de tracé sur mon GPS et je ne vois plus le balisage jaune que j'ai entr'aperçu dans la descente. Je suis contraint de stopper pour regarder ma carte IGN. J'en profite pour manger et absorber un peu d'énergisant car je suis exténué. Le chemin qui part droit devant moi n'existe pas sur la carte. Ça m'étonne mais je l'oublie. Celui qui part à droite se termine dans un cul de sac. Je l'oublie aussi. Reste celui qui part à gauche et qui semble être le bon à la lecture de la carte. Je redémarre, c'est bon, j'aperçois un coup de peinture jaune sur le piquet d'une clôture. Je contourne ce lopin de terre que je voyais d'en haut. Le chemin continue de tourner, puis à mon étonnement, il se remet à nouveau à monter. Je suis éreinté et je n'en crois pas yeux quand je retrouve le petit pin sous lequel je viens de manger, il y a un instant. Je n'ai fait que tourner en rond autour de cette parcelle en friches. Mon téléphone sonne. C'est Dany. Elle demande de mes nouvelles. Je ne peux que lui dire bof ! Mais elle veut en savoir plus. Alors sans trop l'inquiéter, je lui raconte très brièvement mes mésaventures et lui explique que je ne suis plus sur le Tour du Vallespir, que je galère pour descendre sur Prats-de-Mollo et qu'il est primordial que je regarde très attentivement ma carte IGN. Je coupe en lui promettant de la rappeler dès que j'arrive à l'hôtel. Je redéploie ma carte et essaie de me situer par rapport au paysage que j'ai en face de moi. Je comprends que je ne suis pas au Col de Cavanelles mais près d'un endroit qui sur la carte s'appelle " La Segnora ". Il y a légèrement sur ma gauche le Puig Fabre (1.147 m), petit monticule débonnaire qui me rappelle étrangement ces petits volcans arrondis que l'on rencontre en Auvergne dans la chaîne des Puys.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.OSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

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Avec une chance inouie, j'ai retrouvé mon appareil-photo, le plus gros de ma galère est terminé, mais je descends très anxieux vers Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles car je ne suis pas certain du chemin. Finalement, de ce col, j'aperçois le bourg et un chemin désormais très praticable y descend. Ma grosse boule au creux de l'estomac disparaît.

C'est par là qu'il me faut aller, car le chemin passe au pied de ce Puig, et là je comprends qu'en bas du champ en friches, il me faut partir complètement à gauche par une piste qui est parfaitement indiquée sur la carte. Je redescends, contourne à nouveau le petit lopin de terre jusqu'à un portail que je n'avais pas aperçu la première fois. Il y a bien une trace jaune sur ce portail et une piste qui démarre derrière. Je l'emprunte. Un peu plus loin, il y a un raccourci toujours balisé en jaune qui part à droite dans de hauts genêts, mais je le néglige car même si mon itinéraire est plus long, la piste me semble très empruntée par des véhicules, car il y a de nombreuses empreintes de pneus sur le sable. Et surtout, je sais que cette piste va me mener là où je veux. J'ai trop erré aujourd'hui pour prendre le moindre risque de me retrouver une nouvelle fois face à des arbres morts et couchés. Toujours cette boule à l'estomac ! La piste fait maintenant une grande boucle et descend j'en suis certain vers le Col de Cavanelles. Dans cette descente, j'ai le bonheur de tomber sur une baignoire qui sert d'abreuvoir aux animaux et de mare improvisée aux têtards. D'un gros tuyau en PVC, il y coule une eau fraîche et claire et je peux ainsi me rafraîchir et surtout nettoyer toutes ces plaies et égratignures d'où des écoulements de sang ont ruisselé mais ont séché depuis. Au fond de moi, je me dis que sans toutes ces traces d'hémoglobine sur la peau, je serais un peu plus présentable pour arriver à l'hôtel ! Mais si après ce nettoyage, j'ai retrouvé un peu de mon " prestige ", cette eau glacée a l'effet désastreux de réveiller toutes ces brûlures d'orties. Elles n'étaient pas tout à fait endormies mais elles sommeillaient et les douleurs s'étaient bien atténuées. D'ailleurs, quand je regarde mes bras et mes jambes, mais mes jambes surtout, elles sont recouvertes presque intégralement de petites boursouflures rouges. Je sais que dans ma pharmacie, je n'ai aucun médicament, aucune pommade, pour tempérer cet urticaire. Je repars et cinq minutes plus tard, j'arrive au Col de Cavanelles. Il est 19h15. Ici la piste continue mais un panonceau indique une sente qui part à droite : " Col de Cavanelles - 1.050 m- PR6- Prats-de-Mollo par le Fort Lagarde 40mn ". Je compulse à nouveau ma carte car je me méfie désormais de tous les raccourcis. Mais celui-là est bon quand je constate qu'il ne descend que dans un environnement rocheux. Je sais que c'est gagné et la boule au creux de mon estomac disparaît comme par enchantement.

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Du col de Cavanelles, je distingue la Tour de Mir, une autre difficulté de ce Tour du Vallespir, le Pic de Costabonne, le Roc Colom où le Tech prend sa source et le château Lagarde que je rejoins 40 minutes plus tard. Du château, j'ai une belle vue sur la vallée du Tech, sur Prats-de-Mollo et son riche patrimoine historique. 

Dans cette descente rocailleuse, je me remets à faire quelques photos : de Prats-de-Mollo bien sûr, la cité est encore loin mais je sais qu'elle se rapproche à chacun de mes pas, de la citadelle du Fort Lagarde construite par Vauban en surplomb de la ville et de la Tour de Mir juchée sur un piton rocheux au milieu d'une ténébreuse forêt qui me fait face. Cette tour, je la connais pour y être monter à de multiples reprises. Je la prends en photo, mais à vrai dire je ne veux pas trop la regarder car il va me falloir la gravir demain. Et pourquoi le cacher, j'appréhende déjà car la forêt constituera l'essentiel de cette étape. J'ai mis 30 minutes pour arriver au Fort Lagarde au lieu des 40 qu'annonçait le dernier panneau indicatif. Je prends des photos du fort et de la ville dont le clocher carré qui domine l'église Sainte-Juste et Sainte-Ruffine perfore le panorama. Mais ce ne sont que de simples clichés, juste des souvenirs. Il est 20 heures 15 quand j'entre dans la cité. Voilà 12 heures que je suis sur les chemins. Pour combien de kilomètres parcourus ? Je suis incapable de le dire ! Alors faut-il que je l'avoue, sur la fin, la vigueur m'a manqué pour apprécier tout ce patrimoine historique à sa juste valeur ! Cette étape qui était la plus  courte est en fin de compte devenue la plus difficile depuis mon départ. 

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13 heures sur les chemins, quand j'entre dans Prats-de-Mollo, je suis fatigué et meurtri par cette très longue journée de marche éprouvante et mémorable. C'est au pas de course que j'ai traversé le fort Lagarde construit par Vauban. Je n'en ai pris simplement que quelques photos sans aucune conviction mais pour le simple plaisir de les inscrire dans mon souvenir et surtout pour le réel bonheur d'avoir retrouvé mon appareil photo dans la forêt du Miracle. Cette forêt porte-t-elle bien son nom ? Moi, en tout cas, je reste indécis entre la galère que j'ai vécue pendant 4 heures et le fait d'en être sorti à peu près indemne et pour terminer avec mon appareil photo dans la poche ! Un rescapé lui aussi !

Alors, ce qui m'importe maintenant, c'est de me retrouver au plus vite à l'hôtel. Aussi quand j'arrive sur la place du Foirail, je m'empresse de demander à une dame la direction de l'hôtel Ausseil et gentiment elle m'indique du doigt une grande porte fortifiée au milieu des remparts et me précise que l'hôtel est situé juste une rue après. Je passe sous le porche, arrive sur une autre place et comme je me souviens du nom de cette place " Josep de la Trinxeria ", je sais que l'hôtel est là. Mais la place est bondée de touristes et occupée par les deux restaurants qui y ont largement installés leurs tables et leurs chaises. La place Josep de la Trinxeria est en réalité une immense terrasse pour les deux restaurants mitoyens et quand je demande l'hôtel Ausseil à un garçon de table, il me réponds simplement : vous y êtes ! Au milieu des tables et devant des clients certainement interloqués par mon " look " de randonneur anéanti, je tente en vain de m'expliquer dans un brouhaha inextricable. On ne s'entend pas ici me dit-il. Suivez-moi ! La salle intérieure du restaurant est vide et je peux enfin m'exprimer :

- Je suis Monsieur Jullien, j'ai réservé une chambre. Montrez-la moi que je puisse au plus vite prendre une douche.

- Oui, je crois que vous en avez besoin, me réponds-il avec un petit sourire narquois et en me tendant une clé et en rajoutant : c'est la chambre 7 au deuxième étage.

- Puis-je manger après ? lui dis-je.

- Oui, mais ça ne sera peut-être pas en terrasse car tout est plein me réponds-il.

- Peu m'importe !

Malgré les escaliers qu'il me faut encore escalader, je m'empresse de monter dans la chambre. Avant toute chose, je me déshabille et me jette sous une douche chaude. J'ai bien essayé d'abord l'eau froide mais ce fut un supplice insupportable. Je n'ai pas insisté car à nouveau les brûlures se sont réveillées de manière presque insoutenable. J'ai appelé Dany pour la rassurer et l'embrasser mais sans trop m'étendre sur tous les déboires que j'avais endurés au court de cette mémorable journée. Les hauteurs du Vallespir ont été sacrément âpres aujourd'hui. Encore plus âpres que je ne l'avais imaginé ! C'est sûr maintenant, le titre de mon aventure " Sur les hauteurs d'une vallée âpre " ne sera pas galvaudé.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Une ruelle à Prats-de-Mollo et le clocher de l'église Saintes Juste et Ruffine.

ÂPRE EST CE VALLESPIR…… 

 

Âpre est ce Vallespir que je veux cheminer.

Dure est la Tour de Mir quand il faut y grimper.

Je ne fais que grandir sur ces crêtes boisées,

Les sources ont à jaillir pour combler les fossés.

 

Âpre est ce Vallespir que je veux affronter.

Dur est le déplaisir lorsque l'on veut marcher.

Et si mes pas délirent, rien ne peut m'arrêter,

Sauf les pins, ces martyrs que le vent a couché.

 

Âpre est ce Vallespir, je veux le proclamer.

Dur mon sang à tarir, je ne suis que touché.

Et ce pourpre élixir, il ne fait que couler,

Mon corps prêt à bondir sur les chemins dallés.

 

Âpre est ce Vallespir que j'ai pourtant aimé.

Dures ces lloses, ces porphyres où j'ai pourtant chuté.

Et si ma tête chavire, je n'vais pas m'écrouler,

Sur ces frêles sentiers, dans ces prés parfumés.

 

Âpre est ce Vallespir où il faut s'arrêter.

Dur est le point de mire où il faut arriver.

Et si mon cœur soupire alors qu'il est blessé,

Mon amour viens vers moi , toi seul peut l'apaiser.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le lendemain matin, la Tour de Mir me nargue de ces 1.540 mètres d'altitude. Elle se trouve sur le tracé du Tour du Vallespir. Vais-je l'affronter ?

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la forêt ravagée par la tempête Klaus pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo 15 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.3eme étape : Mercredi 19 août 2009.

Saint-Guillem (1.287 m)-Prats-de-Mollo (753 m) 15 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

Nous nous aventurâmes jusqu'au village de Prats-de-Mollo. J'avoue que je préférai les bocages de la plaine à ces grandes montagnes couvertes de chênes verts et qui semblent plus faites pour abriter des bandits, que pour assurer le couvert à des honnêtes gens. Extrait de l'essai " Voyage en France en 1787, 1788, 1789 ". Arthur Young (1741-1820) agriculteur, agronome et écrivain britannique.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.LA FAUTE A KLAUS :

Malgré cette anxiété que j'ai eu hier soir, j'ai fini par m'assoupir. Quand j'y repense, je constate que c'était plutôt une appréhension momentanée qu'une vraie obsession. Puis vers minuit, j'ai été réveillé par un bruit. C'était comme le bruit d'un grattement. Mais une fois éveillé, je me suis aperçu qu'un autre bruit venait du volet d'un petit vasistas qui était resté ouvert et qui grinçait sous une légère brise nocturne. A la faible clarté de ma lampe frontale, je n'ai rien observé qui correspondait au grattement qui m'avait réveillé. Par contre, le rayon plus large que ma lampe projetait contre le mur du refuge me fit remarquer qu'il manquait une grosse pierre à 15 centimètres de ma paillasse. Au fond de ce trou ainsi constitué, il y avait un nid de souris fait d'une bourre blanche, de poils et de fibres diverses. Mais de souris, il n'y en avait point ! Est-ce elle qui grattait avant que je ne me réveille ? Avait-elle eu le temps de décamper avant que je n'éclaire la lampe ? Pour ne plus être embêté par ce grincement lugubre et ces grattements désagréables, je pris les sages résolutions de fermer le vasistas et de déménager ma litière à l'autre bout du bat-flanc. Puis, j'ai profité de ce réveil fortuit pour partir uriner dehors. Le ciel tout entier était étoilé et une belle voie lactée blanchissait le firmament au dessus de la chapelle de l'ermitage. La nuit était douce et quasi silencieuse. Seule une petite brise, frissonnant les feuilles, tentait sans succès de rompre cette quiétude. Comme j'appréciais pleinement l'instant présent, cette sérénité, cette paix secrète et intime, loin du monde bruyant et trop insociable que j'avais quitté, je suis resté de longues minutes sur le pas de la porte, les yeux levés vers le ciel et l'ermitage qui se découpait, à écouter ce silence avant de partir me recoucher. Une fois encore, cette nuit-là fut bénéfique et, à mon grand étonnement, je n'ai ressenti à mon réveil aucune contracture musculaire, ni aucune douleur, malgré les deux longues étapes déjà accomplies et la rusticité du couchage qui ne m'avait pas empêché de dormir profondément.

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Quand je quitte Saint-Guillem, vers le sud, le jour est déjà levé mais le hameau est encore dans la pénombre. Ici les panneaux sont on ne peut plus clairs mais mal placés et je vais me tromper avant de me raviser et de reprendre le bon chemin.

Il est 7 heures. Vers le sud, le jour est déjà levé mais Saint-Guillem de Combret, blotti au fond du vallon de Coumelade, est encore dans une obscure nébulosité. Bloqués par les hauts monts environnants, les rayons du soleil mettront encore plus d'une heure avant d'éclairer complètement le minuscule hameau. Je déjeune de deux gâteaux de riz vite expédiés et d'une grande gorgée d'eau et range tranquillement mes affaires et mon sac à dos en prêtant attention à ne rien oublier dans le refuge. Il est 8 heures quand je démarre avec ma trousse de toilettes, mon gant et ma serviette à la main. Je sais qu'il y a dans le hameau, non loin d'ici, une auge ou plutôt un vieux lavoir dans lequel, par un tuyau de PVC, s'écoule une eau de source cristalline. J'ai bien l'intention de me raser et de faire un brin de toilettes car j'ai la désagréable sensation de me sentir sale et poussiéreux. Je mets un quart d'heure pour me laver et tenter de parfaire ma présentation. Mais j'ai le sentiment que l'eau glacée a eu un seul effet non négligeable sur mon organisme, celui de lui assener un " claquant " coup de fouet qui me permet de démarrer cette étape dans d'excellentes conditions. Je profite pour remplir mes deux gourdes et mon camelback d'une eau fraîche et renouvelée.

La large piste s'élève rapidement au dessus de l'ermitage. Sur ma droite, là même où hier après-midi j'ai galéré, la tempête Klaus a laissé un immense chantier de désolation dans cette forêt qui était pourtant magnifique. Par contre, en face de moi, les flancs du Puig dels Sarraïs (1.830 m) et du col de Serre-Vernet (1.808m) que je dois cheminer semblent moins meurtris. Il y a bien deci delà, quelques cicatrices, quelques sillons d'immenses résineux couchés, mais rien de bien inquiétant, en tous cas vu d'ici.

Quelques minutes plus tard, et alors que je m'apprête à poursuivre la piste, je remarque inopinément sur ma droite un panonceau qui semble m'indiquer Prats-de-Mollo et le col de Serre-Vernet par un autre chemin qui s'enfonce dans la forêt. Et je commets là une nouvelle erreur en ne sortant pas immédiatement mon GPS. Quand je le sors, c'est bien trop tard, car mon GPS ne capte plus aucun satellite masqué qu'il est au fond de ce sous-bois touffu. Deuxième erreur, je ne sors pas ma carte non plus, tranquillisé, il est vrai, par ce rassurant panneau. Et quand je sors ma carte, c'est encore beaucoup trop tard car j'ai marché ainsi une " bonne " demi-heure jusqu'à m'inquiéter de ne plus rencontrer le balisage jaune et rouge qui était pourtant bien visible jusqu'à présent. Au regard de la carte, je me rends à l'évidence, je me suis trompé, une fois de plus. Quitte à avoir perdu une heure, je décide de faire demi-tour car ce chemin qui zigzague toujours en forêt sans aucun balisage apparent me trouble et ne m'amènera nulle part et en tous cas pas où je dois aller.

Quand je retrouve la piste et le panonceau, selon moi, très mal placé à cet endroit, j'ai effectivement perdu une heure. Je m'avance sur la piste et quelques dizaines de mètres plus loin, j'aperçois effectivement les marques de peinture jaune et rouge propres au GRP du Vallespir. Je poursuis la piste et enjambe le fougueux torrent de Coumelade par un large pont bétonné. Peu après, la piste se sépare en deux, mais le balisage est ici parfait et m'oriente vers la droite. Plutôt plane au début, maintenant la piste monte allégrement, effectue deux larges courbes, avant d'atteindre le col Baxo à 1.473 mètres. Au fond de ce petit col herbeux, un nouveau panneau sollicite un départ à gauche. Ici une minuscule sente, encadrée d'une clôture, est barrée d'un petit portail qui est là pour empêcher les bovins de passer mais pas les randonneurs. Sans trop m'en apercevoir, et malgré l'heure perdue, j'ai déjà fait 190 mètres de dénivelé sur les 521 que je dois accomplir pour atteindre les 1.808 mètres du Col de Serre-Vernet. C'est bien sûr encourageant, mais j'évite de trop penser aux 331 mètres restant sur les trois kilomètres d'ascension qui doivent m'amener au pinacle de ce tour du Vallespir.

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J'ai quitté Saint-Guillem par un chemin qui enjambe la rivière Coumelade. Parfaitement balisé, il s'élève rapidement par le col Baxo, file à travers des bois touffus où coulent quelques petits ruisseaux. Mais parfois le chemin se transforme en balcon et j'ai le bonheur d'être en surplomb de superbes paysages. Saint-Guillem est déjà très loin.

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Ce chemin parfois en balcon me laisse entrevoir Saint-Guillem que j'ai quitté ce matin. On aperçoit les bois saccagés par la tempête Klaus. Celui au dessus du hameau où j'ai galéré hier lors de mon arrivée et celui en dessous du refuge où se trouve un bel arboretum avec notamment quelques séquioas.

 Malgré le dénivelé, le petit chemin est changeant et agréable. Cheminant le plus souvent en sous-bois et recouvert d'un épais tapis de feuilles mortes, il coupe quelques ruisseaux, affluents de la Coumelade et monte rectiligne offrant quelquefois de magnifiques vues vers le sud mais surtout sur Saint-Guillem et tout le Bassin de Coumelade. Puis soudain, il bifurque dans le sens opposé en direction du Col de Serre-Vernet dans un bois de petits pins chétifs. Il n'est pas tout à fait midi quand j'arrive au col, point culminant de ce périple avec ses 1.808 mètres

Vaste pré herbeux entouré de pins et de sapins, il semble être le paradis pour nombre de génisses et de vaches blanches indolentes. La plupart sont affalées sur la verte prairie et même mon passage laisse indifférent tous ces bovins, qui repus, ne tournent même pas la tête quand je m'approche d'eux. Ici, les panoramas à 360° sont splendides de tous côtés. De nombreux hauts sommets et de nouveaux pics apparaissent, de nombreuses crêtes composent l'horizon : la Crête des Sept Hommes (2.651m), le Pla Guillem (2.301m), les Roques Blanches (2.252m), les Esquerdes de Rotja (2.316m), le Roc Colom (2.507m) et le Pic de Costabonne (2.465m) pour ne citer que les crêtes les plus connues et les plus attractives. Mais il y aussi de profonds ravins et surtout cette immense et épaisse forêt domaniale qui n'en finit plus de s'étendre sur ce magnifique Haut-Vallespir. Ici, il y a aussi un panneau, mais il ne sert plus à rien car il gît à terre et n'indique plus aucune direction. Je le redresse et essaie en vain de retrouver son emplacement originel. De dépit, je le pose contre un petit pin dans la position qui me semble la plus appropriée avec St Guillem dans la direction d'où je viens. A l'aide d'un bout de ficelle que j'ai trouvé sur la pelouse, j'ai beau l'attacher avec bons sens à une branche du pin, je ne suis guère plus avancé quand à la direction à prendre pour me rendre à Prats-de-Mollo.

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J'arrive au col de Serre Vernet. A 1.808 mètres, c'est le point culminant de mon périple. Les paysages sur le très Haut-Vallespir sont superbes de tous côtés. Ce col est aussi le paradis de vaches et des génisses. Le panonceau indicatif gît à terre, je le redresse et l'attache à un pin mais je ne suis pas plus avançé quant à la direction à prendre pour aller à Prats. Heureusement j'ai mon GPS !

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J'effraie un petit veau puis je m'arrête pour déjeuner dans cet éboulis qui descend très raide du Puig dels Sarraïs vers la vallée de la Parcigoule. Je ne peux trouver plus beau spectacle ! Mais la descente est loin d'être finie, je dois encore atteindre deux cols, celui de la Collade d'En Mandoulé et le col de Coumeille, petit pré verdâtre que j'aperçois tout en bas.

Mais heureusement, ma carte IGN est là et mon GPS aussi et à force d'avancer dans différentes directions vers le sud, je finis par trouver le bon itinéraire qui file sur le pré puis contourne quelques rochers. Il est midi et j'ai faim, mais comme la suite de l'étape est essentiellement faite de descentes, je prends la décision de continuer un peu pour m'offrir comme hors d'oeuvre un splendide panorama dégagé. Cette sente allie pelouses, petits bois de pins et de feuillus mais aussi rocailles et rochers plus ou moins gros. Mais il y aussi de nombreux et bas genévriers derrière lesquels quelques veaux ruminent leur fourrage. L'un d'entre eux peut se vanter de m'avoir fait une belle frayeur et tressaillir quand il a débouché devant moi alors que je marchai dans un silence de cathédrale. Mais je suppose que lui aussi, il a du avoir une peur " bleue " ! En contournant maintenant le rocailleux Puig dels Sarraïs, le chemin n'est désormais plus qu'amoncellement de blocs déchiquetés et gros pierriers escarpés. Je redouble de vigilance pour éviter toute chute qui, ici, serait catastrophique pour de pas dire fatale. Il est temps que je m'arrête pour déjeuner car je ne trouverai pas meilleur belvédère que ces éboulis, bien exposés au soleil, qui descendent raides vers le vallon de la Parcigoule. Il n'y a plus aucun obstacle devant moi et je déguste à la fois ma salade et ce magnifique spectacle. Assis sur une grosse pierre plate bien chaude et adossé à une autre, j'ai trouvé, dans de ce fauteuil improvisé mais un peu dur il est vrai, une terrasse peu confortable pour mes fesses mais idéale pour mes yeux.

D'ici, je jouis d'un panorama exceptionnel sur le Bassin de la Parcigoule mais aussi sur une immense partie de ce Haut-Vallespir que je suis venu découvrir. C'est d'ailleurs en mangeant dans ce gros pierrier que j'ai imaginé le titre de mon voyage et de ce récit : " Sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

Après trois jours de marche, et à cet instant précis, il me semblait qu'aucun autre endroit traversé ne méritait plus ce terme de " âpre " que cet immense magma rocheux. Dans cet éboulis, les aspérités ne manquent pas et l'âpreté, je la touche à chaque instant. Le déroulement imminent de ce Tour du Vallespir me montra malheureusement et très vite que je n'avais pas encore tout connu de cette légendaire âpreté. Quand je repars, la sente, où du moins ce que j'en devine grâce à un balisage abondant et précis, se complique sacrément en étant toujours très rocheuse mais en devenant encore plus abrupte. Pour éviter toute chute, je m'applique à poser mes pieds sur des pierres stables et quand les marches sont trop hautes à descendre, je m'aide autant de mes mains que de mes pieds.

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J'en ai fini avec la longue descente le long du flanc pierreux du Puig dels Sarraïs. Au col de Coumeille, une étrange croix gravée dans la pierre et le pic de Granarols que le chemin contourne au milieu d'une jolie pelouse jonchée de carlines blanches pour se diriger vers un autre puig , celui des Lloses. Ce puig, je vais m'en souvenir très longtemps !

Après un premier petit col herbeux, la Collade d'En Mandoulé sur la carte, la descente abrupte continue mais la sente moins rocailleuse mais plus terreuse devient plus facile jusqu'au Col de Coumeille (1.566m). Ce collet, petite prairie vert clair, encadrée par le Puig dels Sarraïs et le Pic de Granarols (1.690m) je l'ai entrevu dès le début de la descente du col de Serre-Vernet et depuis je languis de l'atteindre tant mon appréhension d'une mauvaise chute dans ce champ de pierres est ancrée dans ma tête. Aussi, je suis si soulagé en l'atteignant que la première chose est de déposer mon sac à dos et de m'allonger les bras en croix sur ce vert herbage. Mais, à cet endroit, je ne suis pas le seul à avoir fait une croix, un autre chemineau a cru utile d'en graver une dans la pierre, moins éphémère que la mienne. Au regard de son usure générale, des vieilles mousses et de l'érosion de petits conglomérats dans son cadre, cette croix me paraît très ancienne. Depuis quand était-elle là ? Je ne suis pas un spécialiste ni de l'archéologie ni de la géologie mais pour l'avoir lu, je sais que le Vallespir a été occupé bien avant le néolithique, époque où l'homme a vraiment commencé à maîtriser le polissage et la sculpture de la pierre. Alors cette croix, est-ce vraiment une croix ancienne ou une cupule comme celles que les hommes préhistoriques ont laissés gravés un peu partout dans le département ? Quelle âge a-t-elle cette gravure ? 5000 ans, 8000 ans, 10000 ans ? Est-elle plus récente et liée au christianisme ? Ou bien a-t-elle été sculpté par un preux et inventif chevalier en partance pour une croisade ? Comme toujours en pareil cas, j'en prends une photo avec l'idée de l'exposer dans mon futur récit à la fois pour l'agrémenter mais aussi avec le secret espoir que cette photo pourra être vue par de vrais spécialistes qui pourront ainsi et sans doute répondre à nombre de mes interrogations.

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L'étrange croix photographiée au col de Coumeille. Je suis preneur, si quelqu'un a des réponses aux questions que je me pose au sujet de cette croix ?

Au col de Coumeille, le chemin contourne le Pic de Granarols pour arriver au Puig des Lloses (1.413m). Ici, le sentier tout en pente douce et très praticable est un réel plaisir. Atteindre ce nouvel objectif n'est cette fois qu'une simple formalité. Il est 14 heures tapantes quand j'arrive au Puig des Lloses. Les panneaux directionnels y sont au nombre de trois : " 1- Le Tour du Vallespir vers Saint-Guillem, à savoir l'itinéraire que je viens de parcourir, 2-Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles, col situé à 30 minutes et bien sûr, 3 Prats-de-Mollo par le GRP Tour du Vallespir que je dois suivre pour respecter le tracé de mon GPS et celui de topo-guide de Georges Véron. Le Puig des Lloses ressemble plutôt à un petit collet avec un replat d'où l'on a une vue plongeante sur Prats-de-Mollo. Ici, je retrouve une flore que j'avais perdue de vue depuis le col de Formentere, faite de sorbiers des oiseleurs, de maigres genêts, de rachitiques genévriers et toujours ces bas massifs de bruyères roses que je côtoie depuis mon départ. Mais une chose me surprend sans trop m'inquiéter sur l'instant, ce sont ces petits amoncellements de branchages cassés dont on voit très bien qu'ils ont été laissés là en l'état depuis la tempête Klaus. Quand à Prats-de-Mollo, d'ici, la cité n'est visible que parce qu'une multitude de grands sapins ont été étêtés ou fracassés sur un vaste périmètre. Mais quand je poursuis la sente du Tour du Vallespir en direction du Col du Miracle, je ne suis pas vraiment inquiet. Il y a bien, dés le départ, un pin en travers du sentier mais je l'enjambe très facilement. 50 mètres plus loin, il y en a deux autres mais ceux-là je ne peux pas les enjamber et suis obligé de les contourner, assez facilement il est vrai. Puis, les pins et les sapins renversés en travers se succèdent. J'enjambe, contourne, passe parfois en dessous et quand je ne peux pas, par dessus. Je commence vraiment à galérer et mes membres sont déjà bien égratignés. Mais en y prêtant attention, je remarque que je ne suis pas le seul à être passer par là. Je vois parfaitement que les bas-côtés du sentier ont été piétinés car la terre est meuble aux endroits où un contournement était la seule alternative. Randonneurs, chasseurs, animaux ? Puis, d'un coup plus rien, plus d'arbres couchés sur plusieurs centaines de mètres. J'arrive au ravin du Pas des Vaques qui n'est ici qu'un petit ru où coule un mince filet d'eau sur un fond boueux. Avec un mouchoir en papier que je mouille au préalable, j'éponge toutes mes égratignures. Je traverse le ruisseau sans problème et poursuis mon chemin dans un sombre sous-bois, ce qui me convient très bien, car ça signifie que tous les arbres sont encore debout. Mais ça ne dure malheureusement pas et là, un peu plus loin, ça se complique car il n'y a pas de réel passage, et en tous cas aucune trace d'un franchissement antérieur. Quand je le peux, j'enjambe, mais quand les troncs sont trop hauts, je tente de passer dessous, mais parfois en vain car le problème avec les sapins, c'est qu'ils sont parfois partiellement déracinés et ont encore toutes leurs épaisses ramures. Et quand ils n'ont plus leurs ramilles, c'est encore pire car leurs branches sèches sont autant de poignards qu'il me faut éviter. Alors, je contourne, je descends, je monte tout en essayant de ne pas trop m'éloigner du chemin. Souvent, je suis contraint d'ôter mon sac à dos, qui, dans ce dédale, est un terrible handicap. Ouf ! J'ai réussi à franchir ce nouvel obstacle mais voilà que 150 mètres plus loin, il en apparaît une autre, aussi difficile que le précédent sinon plus.

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Au Puig des Lloses, les panonceaux sont nombreux et j'aperçois Prats-de-Mollo tout en bas, pourtant je vais me fourvoyer pendant plus de quatre heures dans cette forêt du Miracle ravagée par la terrible tempête Klaus. En vain. De cette forêt, je vais en ressortir meurtri, égratigné, ensanglanté et surtout brûlé des épaules aux chevilles pour être tombé dans de hautes orties ! De surcroît, je vais perdre mon appareil-photo, ce qui va m'obliger à retourner dans ce fatras pour le retrouver. 

Je suis fatigué et sanguinolent mais dans ma tête, je me dis que si j'en ai passé un, je peux en franchir d'autres. Je me dis aussi que les forestiers du coin doivent bien être conscients que le Tour du Vallespir est barré par tous ces arbres abattus et je suppose qu'ils ont commencé à déboiser en partant de Prats-de-Mollo et en remontant le sentier. Ce n'est pas possible, ce traquenard va bien finir par s'arrêter ! Je passe plus facilement ce nouveau barrage et arrive à un endroit où le sentier fait un angle droit près d'un piton rocheux en surplomb de Prats-de-Mollo. Ici, je prends conscience des dégâts considérables que la tempête Klaus a provoqué dans ce secteur mais j'arrive néanmoins à parcourir encore 500 mètres sans trop de difficultés avant de tomber sur une autre empreinte d'une forêt complètement ravagée. J'enjambe, je contourne, remonte et redescend sans trop me préoccuper du chemin qui a définitivement disparu dans cet amas incommensurable d'arbres brisés, de troncs fracassés, de branches amoncelées et de branchages empilés. Dans ma tête, j'espère surtout que ce nouveau sillon dévasté ne sera pas trop large et qu'une nouvelle fois, je pourrai le franchir. Par moment, j'arrive dans des impasses. Il m'est impossible de contourner, de passer dessous et malgré la hauteur où se trouvent les troncs, souvent à plus d'un mètre du sol, la seule solution reste de les enjamber. Je n'en suis pas à ma première enjambée mais cette fois, le tronc est-il un peu plus haut où est-ce la fatigue, toujours est-il, que droit sur le rondin, je me sens partir en arrière entraîné par le poids de mon sac. Un coup de reins pour me rétablir, mais ce coup de reins est bien trop puissant et voilà que je pars en avant ! J'ai beau mouliner l'espace avec mes bras pour tenter de tenir en équilibre mais c'est trop tard, mes mains ne rencontrent que le vide et en tous cas, rien où s'accrocher. Je pars en avant, je vais tomber et me rompre le cou dans ce monstrueux chaos, mais une dernière inspiration me donne l'intuition et le sursaut que plutôt que de tomber n'importe où et n'importe comment, il faut mieux que je me jette à un endroit choisi. Voilà, j'ai réussi, si je puis dire ! Je me retrouve planté au milieu d'un gros massif de ronces et de hautes orties. Mon genou gauche a malgré tout cogné fortement une grosse branche et je saigne abondamment. Mais ce n'est pas ça le plus douloureux, mais toutes ces petites brûlures d'orties qui, peu à peu, en partant des chevilles, semblent monter tout le long de mon corps, enflammant surtout mes jambes mais également mes bras. J'ai l'impression de flamber debout et malgré la douleur, je reste planté là au milieu de cette désolation, de ce néant. Je suis tout à coup comme tétanisé par l'angoisse. Mais je perçois que cette angoisse est arrivée de manière soudaine car jusqu'à présent, j'étais trop occupé à m'en sortir. Une fraction de quelques secondes, il me vient à l'esprit de sortir mon portable et d'appeler des secours. Mais en me retournant, et malgré cette complète désolation, je constate que ce n'est pas le néant absolu : à vol d'oiseau, je ne suis pas très loin d'une piste blanche et sableuse que je distingue en contrebas à quatre ou cinq cent mètres. Je discerne des voitures qui y circulent et aussi un mas. Et même si à cet instant précis, je voudrais être un oiseau, je n'en suis pas un ! Je me suis foutu tout seul dans cette " mouise " et il faut que j'en sorte tout seul aussi ! Mais faire cinq cent mètres dans cette dévastation, je sais à l'avance que c'est une impossible gageure.

La faute à Klaus Schümann

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je suis tombé par terre c'est la faute à Voltaire.

Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes exactement, j'ai hurlé :

Je suis tombé sur un os, c'est bien la faute à Klaus.

Le nez dans les gentianes, c'est la faute à Schümann.

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je ne suis pas notaire, c'est la faute à Voltaire.

Je suis petit oiseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes, j'ai crié :

J'ai chuté sur les lloses, c'est bien la faute à Klaus

J'ai brisé mes organes, c'est la faute à Schümann

 

Je voudrais faire un saut et atterrir à Prats-de-Mollo,

Je ne suis pas petit oiseau, c'est la faute à mon père !

Alors il me faut être costaud et que j'ai un sursaut !

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le 24 janvier 2009, la tempête Klaus a provoqué de considérables dégâts dans le Haut-Vallespir. En août, les plaies sont loin d'être toutes cicatrisées.

C'est donc décidé, je vais rebrousser chemin jusqu'au Puig des Lloses et descendre à Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles. La première chose à faire, c'est retrouver le sentier mais où peut-il bien être dans ce " labyrinthe " végétal trop urticant à mon goût. Seul mon GPS peut me le dire et il faut d'abord que je sorte de ce roncier qui m'enveloppe comme une toile d'araignée. D'ailleurs des araignées, il y en a pas mal ici et comme elles n'apprécient pas trop mon intrusion dans leur domaine réservé, elles me piquent elles aussi. Mais bon, je n'en suis plus à une piqûre près ! Seule solution, sortir par là où je suis arrivé, c'est-à-dire par le haut. Cette fois, j'ôte mon sac à dos, dont je vérifie au préalable toutes les fermetures et je l'envoie valdinguer par-dessus le tronc dont je viens de choir. Je me hisse sur le tronc et me mets carrément à cheval sur lui. Un point GPS me situe à une cinquantaine de mètres du chemin qui est vers le nord et pour moi vers le haut. Je récupère mon sac et poursuit ainsi mes divagations. Je jette mon sac, me hisse à nouveau, le récupère et ainsi de suite. Parfois, je jette mon sac un peu plus loin car j'arrive à jouer les équilibristes sur plusieurs troncs couchés de concert et ma progression s'accélère. Je vais mettre un gros quart d'heures pour retrouver le sentier et encore plus d'une heure pour rejoindre le Puig des Lloses. Quand je regarde ma montre, j'ai du mal à le croire : il est déjà 17 heures et voilà trois heures que je me fourvoie dans cette forêt du Miracle, la mal nommée. Il faut absolument que j'appelle l'hôtelier pour le prévenir que j'aurai du retard. De ce côté-là au moins je serais tranquille et quand je l'ai au bout du fil, effectivement il me rassure. J'ai réservé, j'ai payé et la chambre à l'hôtel Ausseil m'est complètement allouée quoi qu'il m'arrive. Mais s'il savait ce brave homme ce qu'il vient de m'arriver ! Mais n'en parlons plus, j'en suis sorti, même si c'est fourbu, écorché, entaillé, égratigné, brûlé et ensanglanté de la tête aux chevilles. Maintenant, le sentier qui descend vers le Col de Cavanelles au milieu des genêts et des hautes fougères est plutôt agréable et les panoramas sont suffisamment beaux pour que je me remette à prendre des photos. Mais où est mon appareil ? Il n'est pas dans une de mes poches et je ne me souviens pas l'avoir rangé dans mon sac ! Non, il était dans sa housse accrochée à ma ceinture et à ma ceinture, je n'ai plus rien désormais ! Le bouton-pression a dû s'ouvrir et je l'ai perdu ! Je suis désespéré car perdre mon appareil photo c'est comme si j'avais perdu la mémoire de ces trois premiers jours depuis Amélie-les-Bains. Pour moi, c'est inimaginable et il faut que je le retrouve. Sans trop réfléchir, je sors ma dernière gourde d'eau de mon sac à dos et je jette ce dernier dans les hauts genêts en m'assurant qu'on ne le voit pas depuis le chemin. Deux petites branches en forme de croix que je place au bord du sentier pour retrouver cet endroit et me voilà entrain de remonter le sentier, presque en courant, vers cet " enfer vert " où j'ai sans aucun doute perdu mon appareil. Où se trouvera-t-il ? Loin, près ? L'ai-je perdu quand je suis tombé de ce tronc plus haut que les autres ? S'est-il décroché dans le roncier ? Ou bien sous un tronc que j'ai franchi comme un tunnel ? Voilà les questions et bien d'autres qui grouillent dans ma tête alors que je me jette dans cette " impossible " quête. Vu l'heure et le temps que j'ai mis la première fois, il faut à la fois que je fasse vite mais sans pour autant négliger mes recherches. Ce serait idiot de passer à côté sans voir l'appareil par précipitation. L'absence du sac à dos m'aide considérablement mais au fond de moi, je sais que selon l'endroit où la housse est tombée de ma ceinture, c'est comme rechercher une minuscule aiguille dans une énorme botte de foin. Sans le sac mais avec une gourde à la main, je passe néanmoins tous les petits obstacles plus aisément, je traverse le ru du Pas des Vaques, je franchis le premier couloir de sapins anéantis avant que le sentier fasse un angle droit. Rien ! Il me reste encore un barrage à franchir avant ce virage et comme pour le précèdent, j'essaie de me souvenir par où je suis passé à l'aller mais aussi au retour. Et là, au moment où je me baisse pour passer sous les branches encore vertes d'un immense sapin déraciné, le miracle survient ! La petite housse avec mon numérique à l'intérieur est là au milieu du sentier sous la verte ramure. Ouf ! Ouf ! Ouf ! Je respire à pleins poumons. Quel soulagement. Je vérifie mon appareil que j'enfonce au plus profond de la poche de mon short et par sécurité supplémentaire, je referme celle-ci avec le Velcro consacré. Une fois encore, il ne me reste plus qu'à rebrousser chemin. Ce ne sera que la quatrième fois que j'emprunte cet itinéraire et si ça continue, je vais finir par en connaître le moindre recoin par coeur ! D'ailleurs, c'est le cas, car dans ma précipitation et alors que je me suis arrêté pour boire un coup, j'ai posé machinalement mon bob sur un rocher et je l'ai oublié. Mais je ne suis pas inquiet car je sais parfaitement où il se trouve.

Il est 18 heures quand je passe une nouvelle fois devant la panonceau " Puig des Lloses - 1.413 m - PR6B - Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles - 30 mn ".

A cet instant précis, je ne sais pas pourquoi, il me vient une abominable anxiété : Et si ce chemin, lui aussi, était impraticable, barré par une forêt saccagée ? Après tout, il n'y a pas d'autre chemin et le peu que j'en ai parcouru avant de retourner chercher mon appareil photo ne me laisse aucune certitude et ne me permet pas d'être rassuré. Après tout, Prats-de-Mollo que j'aperçois en bas est au moins à trois kilomètres à vol d'oiseau et il faut au bas mot compter au minimum le double par le chemin. Tout est encore possible ! Cette terrible angoisse, elle va soudain se transformer en une grosse boule au creux de mon estomac et elle va rester là, encore blotti pendant une heure et demie. Autant, j'ai été longtemps serein cet après-midi même au plus fort de mes élucubrations, autant maintenant je prends conscience que je peux ne pas arriver au bout de cette étape, en tous cas aujourd'hui. Mais je sais aussi que je n'ai pas le choix dans la direction à prendre et je continue. Je récupère mon sac. Les photos que j'avais voulu prendre tout à l'heure, je les prends maintenant. Mais j'avoue que je n'ai plus le cœur à ça ! J'ai toujours cette appréhension et ces questions qui fourmillent dans ma tête et je ne pense plus qu'à une chose : descendre, descendre, et descendre encore au plus vite vers Prats-de-Mollo. Comme prévu et sans problème, j'arrive au bout de 30 minutes à ce que je crois être le col de Cavanelles. A gauche, un grand champ en pente avec un large chemin qui le contourne, un autre chemin qui part droit devant moi et un autre qui part complètement à gauche. Je n'ai plus de tracé sur mon GPS et je ne vois plus le balisage jaune que j'ai entr'aperçu dans la descente. Je suis contraint de stopper pour regarder ma carte IGN. J'en profite pour manger et absorber un peu d'énergisant car je suis exténué. Le chemin qui part droit devant moi n'existe pas sur la carte. Ça m'étonne mais je l'oublie. Celui qui part à droite se termine dans un cul de sac. Je l'oublie aussi. Reste celui qui part à gauche et qui semble être le bon à la lecture de la carte. Je redémarre, c'est bon, j'aperçois un coup de peinture jaune sur le piquet d'une clôture. Je contourne ce lopin de terre que je voyais d'en haut. Le chemin continue de tourner, puis à mon étonnement, il se remet à nouveau à monter. Je suis éreinté et je n'en crois pas yeux quand je retrouve le petit pin sous lequel je viens de manger, il y a un instant. Je n'ai fait que tourner en rond autour de cette parcelle en friches. Mon téléphone sonne. C'est Dany. Elle demande de mes nouvelles. Je ne peux que lui dire bof ! Mais elle veut en savoir plus. Alors sans trop l'inquiéter, je lui raconte très brièvement mes mésaventures et lui explique que je ne suis plus sur le Tour du Vallespir, que je galère pour descendre sur Prats-de-Mollo et qu'il est primordial que je regarde très attentivement ma carte IGN. Je coupe en lui promettant de la rappeler dès que j'arrive à l'hôtel. Je redéploie ma carte et essaie de me situer par rapport au paysage que j'ai en face de moi. Je comprends que je ne suis pas au Col de Cavanelles mais près d'un endroit qui sur la carte s'appelle " La Segnora ". Il y a légèrement sur ma gauche le Puig Fabre (1.147 m), petit monticule débonnaire qui me rappelle étrangement ces petits volcans arrondis que l'on rencontre en Auvergne dans la chaîne des Puys.

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Avec une chance inouie, j'ai retrouvé mon appareil-photo, le plus gros de ma galère est terminé, mais je descends très anxieux vers Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles car je ne suis pas certain du chemin. Finalement, de ce col, j'aperçois le bourg et un chemin désormais très praticable y descend. Ma grosse boule au creux de l'estomac disparaît.

C'est par là qu'il me faut aller, car le chemin passe au pied de ce Puig, et là je comprends qu'en bas du champ en friches, il me faut partir complètement à gauche par une piste qui est parfaitement indiquée sur la carte. Je redescends, contourne à nouveau le petit lopin de terre jusqu'à un portail que je n'avais pas aperçu la première fois. Il y a bien une trace jaune sur ce portail et une piste qui démarre derrière. Je l'emprunte. Un peu plus loin, il y a un raccourci toujours balisé en jaune qui part à droite dans de hauts genêts, mais je le néglige car même si mon itinéraire est plus long, la piste me semble très empruntée par des véhicules, car il y a de nombreuses empreintes de pneus sur le sable. Et surtout, je sais que cette piste va me mener là où je veux. J'ai trop erré aujourd'hui pour prendre le moindre risque de me retrouver une nouvelle fois face à des arbres morts et couchés. Toujours cette boule à l'estomac ! La piste fait maintenant une grande boucle et descend j'en suis certain vers le Col de Cavanelles. Dans cette descente, j'ai le bonheur de tomber sur une baignoire qui sert d'abreuvoir aux animaux et de mare improvisée aux têtards. D'un gros tuyau en PVC, il y coule une eau fraîche et claire et je peux ainsi me rafraîchir et surtout nettoyer toutes ces plaies et égratignures d'où des écoulements de sang ont ruisselé mais ont séché depuis. Au fond de moi, je me dis que sans toutes ces traces d'hémoglobine sur la peau, je serais un peu plus présentable pour arriver à l'hôtel ! Mais si après ce nettoyage, j'ai retrouvé un peu de mon " prestige ", cette eau glacée a l'effet désastreux de réveiller toutes ces brûlures d'orties. Elles n'étaient pas tout à fait endormies mais elles sommeillaient et les douleurs s'étaient bien atténuées. D'ailleurs, quand je regarde mes bras et mes jambes, mais mes jambes surtout, elles sont recouvertes presque intégralement de petites boursouflures rouges. Je sais que dans ma pharmacie, je n'ai aucun médicament, aucune pommade, pour tempérer cet urticaire. Je repars et cinq minutes plus tard, j'arrive au Col de Cavanelles. Il est 19h15. Ici la piste continue mais un panonceau indique une sente qui part à droite : " Col de Cavanelles - 1.050 m- PR6- Prats-de-Mollo par le Fort Lagarde 40mn ". Je compulse à nouveau ma carte car je me méfie désormais de tous les raccourcis. Mais celui-là est bon quand je constate qu'il ne descend que dans un environnement rocheux. Je sais que c'est gagné et la boule au creux de mon estomac disparaît comme par enchantement.

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Du col de Cavanelles, je distingue la Tour de Mir, une autre difficulté de ce Tour du Vallespir, le Pic de Costabonne, le Roc Colom où le Tech prend sa source et le château Lagarde que je rejoins 40 minutes plus tard. Du château, j'ai une belle vue sur la vallée du Tech, sur Prats-de-Mollo et son riche patrimoine historique. 

Dans cette descente rocailleuse, je me remets à faire quelques photos : de Prats-de-Mollo bien sûr, la cité est encore loin mais je sais qu'elle se rapproche à chacun de mes pas, de la citadelle du Fort Lagarde construite par Vauban en surplomb de la ville et de la Tour de Mir juchée sur un piton rocheux au milieu d'une ténébreuse forêt qui me fait face. Cette tour, je la connais pour y être monter à de multiples reprises. Je la prends en photo, mais à vrai dire je ne veux pas trop la regarder car il va me falloir la gravir demain. Et pourquoi le cacher, j'appréhende déjà car la forêt constituera l'essentiel de cette étape. J'ai mis 30 minutes pour arriver au Fort Lagarde au lieu des 40 qu'annonçait le dernier panneau indicatif. Je prends des photos du fort et de la ville dont le clocher carré qui domine l'église Sainte-Juste et Sainte-Ruffine perfore le panorama. Mais ce ne sont que de simples clichés, juste des souvenirs. Il est 20 heures 15 quand j'entre dans la cité. Voilà 12 heures que je suis sur les chemins. Pour combien de kilomètres parcourus ? Je suis incapable de le dire ! Alors faut-il que je l'avoue, sur la fin, la vigueur m'a manqué pour apprécier tout ce patrimoine historique à sa juste valeur ! Cette étape qui était la plus  courte est en fin de compte devenue la plus difficile depuis mon départ. 

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13 heures sur les chemins, quand j'entre dans Prats-de-Mollo, je suis fatigué et meurtri par cette très longue journée de marche éprouvante et mémorable. C'est au pas de course que j'ai traversé le fort Lagarde construit par Vauban. Je n'en ai pris simplement que quelques photos sans aucune conviction mais pour le simple plaisir de les inscrire dans mon souvenir et surtout pour le réel bonheur d'avoir retrouvé mon appareil photo dans la forêt du Miracle. Cette forêt porte-t-elle bien son nom ? Moi, en tout cas, je reste indécis entre la galère que j'ai vécue pendant 4 heures et le fait d'en être sorti à peu près indemne et pour terminer avec mon appareil photo dans la poche ! Un rescapé lui aussi !

Alors, ce qui m'importe maintenant, c'est de me retrouver au plus vite à l'hôtel. Aussi quand j'arrive sur la place du Foirail, je m'empresse de demander à une dame la direction de l'hôtel Ausseil et gentiment elle m'indique du doigt une grande porte fortifiée au milieu des remparts et me précise que l'hôtel est situé juste une rue après. Je passe sous le porche, arrive sur une autre place et comme je me souviens du nom de cette place " Josep de la Trinxeria ", je sais que l'hôtel est là. Mais la place est bondée de touristes et occupée par les deux restaurants qui y ont largement installés leurs tables et leurs chaises. La place Josep de la Trinxeria est en réalité une immense terrasse pour les deux restaurants mitoyens et quand je demande l'hôtel Ausseil à un garçon de table, il me réponds simplement : vous y êtes ! Au milieu des tables et devant des clients certainement interloqués par mon " look " de randonneur anéanti, je tente en vain de m'expliquer dans un brouhaha inextricable. On ne s'entend pas ici me dit-il. Suivez-moi ! La salle intérieure du restaurant est vide et je peux enfin m'exprimer :

- Je suis Monsieur Jullien, j'ai réservé une chambre. Montrez-la moi que je puisse au plus vite prendre une douche.

- Oui, je crois que vous en avez besoin, me réponds-il avec un petit sourire narquois et en me tendant une clé et en rajoutant : c'est la chambre 7 au deuxième étage.

- Puis-je manger après ? lui dis-je.

- Oui, mais ça ne sera peut-être pas en terrasse car tout est plein me réponds-il.

- Peu m'importe !

Malgré les escaliers qu'il me faut encore escalader, je m'empresse de monter dans la chambre. Avant toute chose, je me déshabille et me jette sous une douche chaude. J'ai bien essayé d'abord l'eau froide mais ce fut un supplice insupportable. Je n'ai pas insisté car à nouveau les brûlures se sont réveillées de manière presque insoutenable. J'ai appelé Dany pour la rassurer et l'embrasser mais sans trop m'étendre sur tous les déboires que j'avais endurés au court de cette mémorable journée. Les hauteurs du Vallespir ont été sacrément âpres aujourd'hui. Encore plus âpres que je ne l'avais imaginé ! C'est sûr maintenant, le titre de mon aventure " Sur les hauteurs d'une vallée âpre " ne sera pas galvaudé.

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Une ruelle à Prats-de-Mollo et le clocher de l'église Saintes Juste et Ruffine.

ÂPRE EST CE VALLESPIR…… 

 

Âpre est ce Vallespir que je veux cheminer.

Dure est la Tour de Mir quand il faut y grimper.

Je ne fais que grandir sur ces crêtes boisées,

Les sources ont à jaillir pour combler les fossés.

 

Âpre est ce Vallespir que je veux affronter.

Dur est le déplaisir lorsque l'on veut marcher.

Et si mes pas délirent, rien ne peut m'arrêter,

Sauf les pins, ces martyrs que le vent a couché.

 

Âpre est ce Vallespir, je veux le proclamer.

Dur mon sang à tarir, je ne suis que touché.

Et ce pourpre élixir, il ne fait que couler,

Mon corps prêt à bondir sur les chemins dallés.

 

Âpre est ce Vallespir que j'ai pourtant aimé.

Dures ces lloses, ces porphyres où j'ai pourtant chuté.

Et si ma tête chavire, je n'vais pas m'écrouler,

Sur ces frêles sentiers, dans ces prés parfumés.

 

Âpre est ce Vallespir où il faut s'arrêter.

Dur est le point de mire où il faut arriver.

Et si mon cœur soupire alors qu'il est blessé,

Mon amour viens vers moi , toi seul peut l'apaiser.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le lendemain matin, la Tour de Mir me nargue de ces 1.540 mètres d'altitude. Elle se trouve sur le tracé du Tour du Vallespir. Vais-je l'affronter ?

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Cliquez sur la forêt ravagée par la tempête Klaus pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo 15 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.3eme étape : Mercredi 19 août 2009.

Saint-Guillem (1.287 m)-Prats-de-Mollo (753 m) 15 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

Nous nous aventurâmes jusqu'au village de Prats-de-Mollo. J'avoue que je préférai les bocages de la plaine à ces grandes montagnes couvertes de chênes verts et qui semblent plus faites pour abriter des bandits, que pour assurer le couvert à des honnêtes gens. Extrait de l'essai " Voyage en France en 1787, 1788, 1789 ". Arthur Young (1741-1820) agriculteur, agronome et écrivain britannique.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.LA FAUTE A KLAUS :

Malgré cette anxiété que j'ai eu hier soir, j'ai fini par m'assoupir. Quand j'y repense, je constate que c'était plutôt une appréhension momentanée qu'une vraie obsession. Puis vers minuit, j'ai été réveillé par un bruit. C'était comme le bruit d'un grattement. Mais une fois éveillé, je me suis aperçu qu'un autre bruit venait du volet d'un petit vasistas qui était resté ouvert et qui grinçait sous une légère brise nocturne. A la faible clarté de ma lampe frontale, je n'ai rien observé qui correspondait au grattement qui m'avait réveillé. Par contre, le rayon plus large que ma lampe projetait contre le mur du refuge me fit remarquer qu'il manquait une grosse pierre à 15 centimètres de ma paillasse. Au fond de ce trou ainsi constitué, il y avait un nid de souris fait d'une bourre blanche, de poils et de fibres diverses. Mais de souris, il n'y en avait point ! Est-ce elle qui grattait avant que je ne me réveille ? Avait-elle eu le temps de décamper avant que je n'éclaire la lampe ? Pour ne plus être embêté par ce grincement lugubre et ces grattements désagréables, je pris les sages résolutions de fermer le vasistas et de déménager ma litière à l'autre bout du bat-flanc. Puis, j'ai profité de ce réveil fortuit pour partir uriner dehors. Le ciel tout entier était étoilé et une belle voie lactée blanchissait le firmament au dessus de la chapelle de l'ermitage. La nuit était douce et quasi silencieuse. Seule une petite brise, frissonnant les feuilles, tentait sans succès de rompre cette quiétude. Comme j'appréciais pleinement l'instant présent, cette sérénité, cette paix secrète et intime, loin du monde bruyant et trop insociable que j'avais quitté, je suis resté de longues minutes sur le pas de la porte, les yeux levés vers le ciel et l'ermitage qui se découpait, à écouter ce silence avant de partir me recoucher. Une fois encore, cette nuit-là fut bénéfique et, à mon grand étonnement, je n'ai ressenti à mon réveil aucune contracture musculaire, ni aucune douleur, malgré les deux longues étapes déjà accomplies et la rusticité du couchage qui ne m'avait pas empêché de dormir profondément.

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Quand je quitte Saint-Guillem, vers le sud, le jour est déjà levé mais le hameau est encore dans la pénombre. Ici les panneaux sont on ne peut plus clairs mais mal placés et je vais me tromper avant de me raviser et de reprendre le bon chemin.

Il est 7 heures. Vers le sud, le jour est déjà levé mais Saint-Guillem de Combret, blotti au fond du vallon de Coumelade, est encore dans une obscure nébulosité. Bloqués par les hauts monts environnants, les rayons du soleil mettront encore plus d'une heure avant d'éclairer complètement le minuscule hameau. Je déjeune de deux gâteaux de riz vite expédiés et d'une grande gorgée d'eau et range tranquillement mes affaires et mon sac à dos en prêtant attention à ne rien oublier dans le refuge. Il est 8 heures quand je démarre avec ma trousse de toilettes, mon gant et ma serviette à la main. Je sais qu'il y a dans le hameau, non loin d'ici, une auge ou plutôt un vieux lavoir dans lequel, par un tuyau de PVC, s'écoule une eau de source cristalline. J'ai bien l'intention de me raser et de faire un brin de toilettes car j'ai la désagréable sensation de me sentir sale et poussiéreux. Je mets un quart d'heure pour me laver et tenter de parfaire ma présentation. Mais j'ai le sentiment que l'eau glacée a eu un seul effet non négligeable sur mon organisme, celui de lui assener un " claquant " coup de fouet qui me permet de démarrer cette étape dans d'excellentes conditions. Je profite pour remplir mes deux gourdes et mon camelback d'une eau fraîche et renouvelée.

La large piste s'élève rapidement au dessus de l'ermitage. Sur ma droite, là même où hier après-midi j'ai galéré, la tempête Klaus a laissé un immense chantier de désolation dans cette forêt qui était pourtant magnifique. Par contre, en face de moi, les flancs du Puig dels Sarraïs (1.830 m) et du col de Serre-Vernet (1.808m) que je dois cheminer semblent moins meurtris. Il y a bien deci delà, quelques cicatrices, quelques sillons d'immenses résineux couchés, mais rien de bien inquiétant, en tous cas vu d'ici.

Quelques minutes plus tard, et alors que je m'apprête à poursuivre la piste, je remarque inopinément sur ma droite un panonceau qui semble m'indiquer Prats-de-Mollo et le col de Serre-Vernet par un autre chemin qui s'enfonce dans la forêt. Et je commets là une nouvelle erreur en ne sortant pas immédiatement mon GPS. Quand je le sors, c'est bien trop tard, car mon GPS ne capte plus aucun satellite masqué qu'il est au fond de ce sous-bois touffu. Deuxième erreur, je ne sors pas ma carte non plus, tranquillisé, il est vrai, par ce rassurant panneau. Et quand je sors ma carte, c'est encore beaucoup trop tard car j'ai marché ainsi une " bonne " demi-heure jusqu'à m'inquiéter de ne plus rencontrer le balisage jaune et rouge qui était pourtant bien visible jusqu'à présent. Au regard de la carte, je me rends à l'évidence, je me suis trompé, une fois de plus. Quitte à avoir perdu une heure, je décide de faire demi-tour car ce chemin qui zigzague toujours en forêt sans aucun balisage apparent me trouble et ne m'amènera nulle part et en tous cas pas où je dois aller.

Quand je retrouve la piste et le panonceau, selon moi, très mal placé à cet endroit, j'ai effectivement perdu une heure. Je m'avance sur la piste et quelques dizaines de mètres plus loin, j'aperçois effectivement les marques de peinture jaune et rouge propres au GRP du Vallespir. Je poursuis la piste et enjambe le fougueux torrent de Coumelade par un large pont bétonné. Peu après, la piste se sépare en deux, mais le balisage est ici parfait et m'oriente vers la droite. Plutôt plane au début, maintenant la piste monte allégrement, effectue deux larges courbes, avant d'atteindre le col Baxo à 1.473 mètres. Au fond de ce petit col herbeux, un nouveau panneau sollicite un départ à gauche. Ici une minuscule sente, encadrée d'une clôture, est barrée d'un petit portail qui est là pour empêcher les bovins de passer mais pas les randonneurs. Sans trop m'en apercevoir, et malgré l'heure perdue, j'ai déjà fait 190 mètres de dénivelé sur les 521 que je dois accomplir pour atteindre les 1.808 mètres du Col de Serre-Vernet. C'est bien sûr encourageant, mais j'évite de trop penser aux 331 mètres restant sur les trois kilomètres d'ascension qui doivent m'amener au pinacle de ce tour du Vallespir.

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J'ai quitté Saint-Guillem par un chemin qui enjambe la rivière Coumelade. Parfaitement balisé, il s'élève rapidement par le col Baxo, file à travers des bois touffus où coulent quelques petits ruisseaux. Mais parfois le chemin se transforme en balcon et j'ai le bonheur d'être en surplomb de superbes paysages. Saint-Guillem est déjà très loin.

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Ce chemin parfois en balcon me laisse entrevoir Saint-Guillem que j'ai quitté ce matin. On aperçoit les bois saccagés par la tempête Klaus. Celui au dessus du hameau où j'ai galéré hier lors de mon arrivée et celui en dessous du refuge où se trouve un bel arboretum avec notamment quelques séquioas.

 Malgré le dénivelé, le petit chemin est changeant et agréable. Cheminant le plus souvent en sous-bois et recouvert d'un épais tapis de feuilles mortes, il coupe quelques ruisseaux, affluents de la Coumelade et monte rectiligne offrant quelquefois de magnifiques vues vers le sud mais surtout sur Saint-Guillem et tout le Bassin de Coumelade. Puis soudain, il bifurque dans le sens opposé en direction du Col de Serre-Vernet dans un bois de petits pins chétifs. Il n'est pas tout à fait midi quand j'arrive au col, point culminant de ce périple avec ses 1.808 mètres

Vaste pré herbeux entouré de pins et de sapins, il semble être le paradis pour nombre de génisses et de vaches blanches indolentes. La plupart sont affalées sur la verte prairie et même mon passage laisse indifférent tous ces bovins, qui repus, ne tournent même pas la tête quand je m'approche d'eux. Ici, les panoramas à 360° sont splendides de tous côtés. De nombreux hauts sommets et de nouveaux pics apparaissent, de nombreuses crêtes composent l'horizon : la Crête des Sept Hommes (2.651m), le Pla Guillem (2.301m), les Roques Blanches (2.252m), les Esquerdes de Rotja (2.316m), le Roc Colom (2.507m) et le Pic de Costabonne (2.465m) pour ne citer que les crêtes les plus connues et les plus attractives. Mais il y aussi de profonds ravins et surtout cette immense et épaisse forêt domaniale qui n'en finit plus de s'étendre sur ce magnifique Haut-Vallespir. Ici, il y a aussi un panneau, mais il ne sert plus à rien car il gît à terre et n'indique plus aucune direction. Je le redresse et essaie en vain de retrouver son emplacement originel. De dépit, je le pose contre un petit pin dans la position qui me semble la plus appropriée avec St Guillem dans la direction d'où je viens. A l'aide d'un bout de ficelle que j'ai trouvé sur la pelouse, j'ai beau l'attacher avec bons sens à une branche du pin, je ne suis guère plus avancé quand à la direction à prendre pour me rendre à Prats-de-Mollo.

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J'arrive au col de Serre Vernet. A 1.808 mètres, c'est le point culminant de mon périple. Les paysages sur le très Haut-Vallespir sont superbes de tous côtés. Ce col est aussi le paradis de vaches et des génisses. Le panonceau indicatif gît à terre, je le redresse et l'attache à un pin mais je ne suis pas plus avançé quant à la direction à prendre pour aller à Prats. Heureusement j'ai mon GPS !

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J'effraie un petit veau puis je m'arrête pour déjeuner dans cet éboulis qui descend très raide du Puig dels Sarraïs vers la vallée de la Parcigoule. Je ne peux trouver plus beau spectacle ! Mais la descente est loin d'être finie, je dois encore atteindre deux cols, celui de la Collade d'En Mandoulé et le col de Coumeille, petit pré verdâtre que j'aperçois tout en bas.

Mais heureusement, ma carte IGN est là et mon GPS aussi et à force d'avancer dans différentes directions vers le sud, je finis par trouver le bon itinéraire qui file sur le pré puis contourne quelques rochers. Il est midi et j'ai faim, mais comme la suite de l'étape est essentiellement faite de descentes, je prends la décision de continuer un peu pour m'offrir comme hors d'oeuvre un splendide panorama dégagé. Cette sente allie pelouses, petits bois de pins et de feuillus mais aussi rocailles et rochers plus ou moins gros. Mais il y aussi de nombreux et bas genévriers derrière lesquels quelques veaux ruminent leur fourrage. L'un d'entre eux peut se vanter de m'avoir fait une belle frayeur et tressaillir quand il a débouché devant moi alors que je marchai dans un silence de cathédrale. Mais je suppose que lui aussi, il a du avoir une peur " bleue " ! En contournant maintenant le rocailleux Puig dels Sarraïs, le chemin n'est désormais plus qu'amoncellement de blocs déchiquetés et gros pierriers escarpés. Je redouble de vigilance pour éviter toute chute qui, ici, serait catastrophique pour de pas dire fatale. Il est temps que je m'arrête pour déjeuner car je ne trouverai pas meilleur belvédère que ces éboulis, bien exposés au soleil, qui descendent raides vers le vallon de la Parcigoule. Il n'y a plus aucun obstacle devant moi et je déguste à la fois ma salade et ce magnifique spectacle. Assis sur une grosse pierre plate bien chaude et adossé à une autre, j'ai trouvé, dans de ce fauteuil improvisé mais un peu dur il est vrai, une terrasse peu confortable pour mes fesses mais idéale pour mes yeux.

D'ici, je jouis d'un panorama exceptionnel sur le Bassin de la Parcigoule mais aussi sur une immense partie de ce Haut-Vallespir que je suis venu découvrir. C'est d'ailleurs en mangeant dans ce gros pierrier que j'ai imaginé le titre de mon voyage et de ce récit : " Sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

Après trois jours de marche, et à cet instant précis, il me semblait qu'aucun autre endroit traversé ne méritait plus ce terme de " âpre " que cet immense magma rocheux. Dans cet éboulis, les aspérités ne manquent pas et l'âpreté, je la touche à chaque instant. Le déroulement imminent de ce Tour du Vallespir me montra malheureusement et très vite que je n'avais pas encore tout connu de cette légendaire âpreté. Quand je repars, la sente, où du moins ce que j'en devine grâce à un balisage abondant et précis, se complique sacrément en étant toujours très rocheuse mais en devenant encore plus abrupte. Pour éviter toute chute, je m'applique à poser mes pieds sur des pierres stables et quand les marches sont trop hautes à descendre, je m'aide autant de mes mains que de mes pieds.

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J'en ai fini avec la longue descente le long du flanc pierreux du Puig dels Sarraïs. Au col de Coumeille, une étrange croix gravée dans la pierre et le pic de Granarols que le chemin contourne au milieu d'une jolie pelouse jonchée de carlines blanches pour se diriger vers un autre puig , celui des Lloses. Ce puig, je vais m'en souvenir très longtemps !

Après un premier petit col herbeux, la Collade d'En Mandoulé sur la carte, la descente abrupte continue mais la sente moins rocailleuse mais plus terreuse devient plus facile jusqu'au Col de Coumeille (1.566m). Ce collet, petite prairie vert clair, encadrée par le Puig dels Sarraïs et le Pic de Granarols (1.690m) je l'ai entrevu dès le début de la descente du col de Serre-Vernet et depuis je languis de l'atteindre tant mon appréhension d'une mauvaise chute dans ce champ de pierres est ancrée dans ma tête. Aussi, je suis si soulagé en l'atteignant que la première chose est de déposer mon sac à dos et de m'allonger les bras en croix sur ce vert herbage. Mais, à cet endroit, je ne suis pas le seul à avoir fait une croix, un autre chemineau a cru utile d'en graver une dans la pierre, moins éphémère que la mienne. Au regard de son usure générale, des vieilles mousses et de l'érosion de petits conglomérats dans son cadre, cette croix me paraît très ancienne. Depuis quand était-elle là ? Je ne suis pas un spécialiste ni de l'archéologie ni de la géologie mais pour l'avoir lu, je sais que le Vallespir a été occupé bien avant le néolithique, époque où l'homme a vraiment commencé à maîtriser le polissage et la sculpture de la pierre. Alors cette croix, est-ce vraiment une croix ancienne ou une cupule comme celles que les hommes préhistoriques ont laissés gravés un peu partout dans le département ? Quelle âge a-t-elle cette gravure ? 5000 ans, 8000 ans, 10000 ans ? Est-elle plus récente et liée au christianisme ? Ou bien a-t-elle été sculpté par un preux et inventif chevalier en partance pour une croisade ? Comme toujours en pareil cas, j'en prends une photo avec l'idée de l'exposer dans mon futur récit à la fois pour l'agrémenter mais aussi avec le secret espoir que cette photo pourra être vue par de vrais spécialistes qui pourront ainsi et sans doute répondre à nombre de mes interrogations.

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L'étrange croix photographiée au col de Coumeille. Je suis preneur, si quelqu'un a des réponses aux questions que je me pose au sujet de cette croix ?

Au col de Coumeille, le chemin contourne le Pic de Granarols pour arriver au Puig des Lloses (1.413m). Ici, le sentier tout en pente douce et très praticable est un réel plaisir. Atteindre ce nouvel objectif n'est cette fois qu'une simple formalité. Il est 14 heures tapantes quand j'arrive au Puig des Lloses. Les panneaux directionnels y sont au nombre de trois : " 1- Le Tour du Vallespir vers Saint-Guillem, à savoir l'itinéraire que je viens de parcourir, 2-Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles, col situé à 30 minutes et bien sûr, 3 Prats-de-Mollo par le GRP Tour du Vallespir que je dois suivre pour respecter le tracé de mon GPS et celui de topo-guide de Georges Véron. Le Puig des Lloses ressemble plutôt à un petit collet avec un replat d'où l'on a une vue plongeante sur Prats-de-Mollo. Ici, je retrouve une flore que j'avais perdue de vue depuis le col de Formentere, faite de sorbiers des oiseleurs, de maigres genêts, de rachitiques genévriers et toujours ces bas massifs de bruyères roses que je côtoie depuis mon départ. Mais une chose me surprend sans trop m'inquiéter sur l'instant, ce sont ces petits amoncellements de branchages cassés dont on voit très bien qu'ils ont été laissés là en l'état depuis la tempête Klaus. Quand à Prats-de-Mollo, d'ici, la cité n'est visible que parce qu'une multitude de grands sapins ont été étêtés ou fracassés sur un vaste périmètre. Mais quand je poursuis la sente du Tour du Vallespir en direction du Col du Miracle, je ne suis pas vraiment inquiet. Il y a bien, dés le départ, un pin en travers du sentier mais je l'enjambe très facilement. 50 mètres plus loin, il y en a deux autres mais ceux-là je ne peux pas les enjamber et suis obligé de les contourner, assez facilement il est vrai. Puis, les pins et les sapins renversés en travers se succèdent. J'enjambe, contourne, passe parfois en dessous et quand je ne peux pas, par dessus. Je commence vraiment à galérer et mes membres sont déjà bien égratignés. Mais en y prêtant attention, je remarque que je ne suis pas le seul à être passer par là. Je vois parfaitement que les bas-côtés du sentier ont été piétinés car la terre est meuble aux endroits où un contournement était la seule alternative. Randonneurs, chasseurs, animaux ? Puis, d'un coup plus rien, plus d'arbres couchés sur plusieurs centaines de mètres. J'arrive au ravin du Pas des Vaques qui n'est ici qu'un petit ru où coule un mince filet d'eau sur un fond boueux. Avec un mouchoir en papier que je mouille au préalable, j'éponge toutes mes égratignures. Je traverse le ruisseau sans problème et poursuis mon chemin dans un sombre sous-bois, ce qui me convient très bien, car ça signifie que tous les arbres sont encore debout. Mais ça ne dure malheureusement pas et là, un peu plus loin, ça se complique car il n'y a pas de réel passage, et en tous cas aucune trace d'un franchissement antérieur. Quand je le peux, j'enjambe, mais quand les troncs sont trop hauts, je tente de passer dessous, mais parfois en vain car le problème avec les sapins, c'est qu'ils sont parfois partiellement déracinés et ont encore toutes leurs épaisses ramures. Et quand ils n'ont plus leurs ramilles, c'est encore pire car leurs branches sèches sont autant de poignards qu'il me faut éviter. Alors, je contourne, je descends, je monte tout en essayant de ne pas trop m'éloigner du chemin. Souvent, je suis contraint d'ôter mon sac à dos, qui, dans ce dédale, est un terrible handicap. Ouf ! J'ai réussi à franchir ce nouvel obstacle mais voilà que 150 mètres plus loin, il en apparaît une autre, aussi difficile que le précédent sinon plus.

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Au Puig des Lloses, les panonceaux sont nombreux et j'aperçois Prats-de-Mollo tout en bas, pourtant je vais me fourvoyer pendant plus de quatre heures dans cette forêt du Miracle ravagée par la terrible tempête Klaus. En vain. De cette forêt, je vais en ressortir meurtri, égratigné, ensanglanté et surtout brûlé des épaules aux chevilles pour être tombé dans de hautes orties ! De surcroît, je vais perdre mon appareil-photo, ce qui va m'obliger à retourner dans ce fatras pour le retrouver. 

Je suis fatigué et sanguinolent mais dans ma tête, je me dis que si j'en ai passé un, je peux en franchir d'autres. Je me dis aussi que les forestiers du coin doivent bien être conscients que le Tour du Vallespir est barré par tous ces arbres abattus et je suppose qu'ils ont commencé à déboiser en partant de Prats-de-Mollo et en remontant le sentier. Ce n'est pas possible, ce traquenard va bien finir par s'arrêter ! Je passe plus facilement ce nouveau barrage et arrive à un endroit où le sentier fait un angle droit près d'un piton rocheux en surplomb de Prats-de-Mollo. Ici, je prends conscience des dégâts considérables que la tempête Klaus a provoqué dans ce secteur mais j'arrive néanmoins à parcourir encore 500 mètres sans trop de difficultés avant de tomber sur une autre empreinte d'une forêt complètement ravagée. J'enjambe, je contourne, remonte et redescend sans trop me préoccuper du chemin qui a définitivement disparu dans cet amas incommensurable d'arbres brisés, de troncs fracassés, de branches amoncelées et de branchages empilés. Dans ma tête, j'espère surtout que ce nouveau sillon dévasté ne sera pas trop large et qu'une nouvelle fois, je pourrai le franchir. Par moment, j'arrive dans des impasses. Il m'est impossible de contourner, de passer dessous et malgré la hauteur où se trouvent les troncs, souvent à plus d'un mètre du sol, la seule solution reste de les enjamber. Je n'en suis pas à ma première enjambée mais cette fois, le tronc est-il un peu plus haut où est-ce la fatigue, toujours est-il, que droit sur le rondin, je me sens partir en arrière entraîné par le poids de mon sac. Un coup de reins pour me rétablir, mais ce coup de reins est bien trop puissant et voilà que je pars en avant ! J'ai beau mouliner l'espace avec mes bras pour tenter de tenir en équilibre mais c'est trop tard, mes mains ne rencontrent que le vide et en tous cas, rien où s'accrocher. Je pars en avant, je vais tomber et me rompre le cou dans ce monstrueux chaos, mais une dernière inspiration me donne l'intuition et le sursaut que plutôt que de tomber n'importe où et n'importe comment, il faut mieux que je me jette à un endroit choisi. Voilà, j'ai réussi, si je puis dire ! Je me retrouve planté au milieu d'un gros massif de ronces et de hautes orties. Mon genou gauche a malgré tout cogné fortement une grosse branche et je saigne abondamment. Mais ce n'est pas ça le plus douloureux, mais toutes ces petites brûlures d'orties qui, peu à peu, en partant des chevilles, semblent monter tout le long de mon corps, enflammant surtout mes jambes mais également mes bras. J'ai l'impression de flamber debout et malgré la douleur, je reste planté là au milieu de cette désolation, de ce néant. Je suis tout à coup comme tétanisé par l'angoisse. Mais je perçois que cette angoisse est arrivée de manière soudaine car jusqu'à présent, j'étais trop occupé à m'en sortir. Une fraction de quelques secondes, il me vient à l'esprit de sortir mon portable et d'appeler des secours. Mais en me retournant, et malgré cette complète désolation, je constate que ce n'est pas le néant absolu : à vol d'oiseau, je ne suis pas très loin d'une piste blanche et sableuse que je distingue en contrebas à quatre ou cinq cent mètres. Je discerne des voitures qui y circulent et aussi un mas. Et même si à cet instant précis, je voudrais être un oiseau, je n'en suis pas un ! Je me suis foutu tout seul dans cette " mouise " et il faut que j'en sorte tout seul aussi ! Mais faire cinq cent mètres dans cette dévastation, je sais à l'avance que c'est une impossible gageure.

La faute à Klaus Schümann

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je suis tombé par terre c'est la faute à Voltaire.

Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes exactement, j'ai hurlé :

Je suis tombé sur un os, c'est bien la faute à Klaus.

Le nez dans les gentianes, c'est la faute à Schümann.

 

Il y a 220 ans, Gavroche chantait :

Je ne suis pas notaire, c'est la faute à Voltaire.

Je suis petit oiseau, c'est la faute à Rousseau.

 

Il y a 220 secondes, j'ai crié :

J'ai chuté sur les lloses, c'est bien la faute à Klaus

J'ai brisé mes organes, c'est la faute à Schümann

 

Je voudrais faire un saut et atterrir à Prats-de-Mollo,

Je ne suis pas petit oiseau, c'est la faute à mon père !

Alors il me faut être costaud et que j'ai un sursaut !

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le 24 janvier 2009, la tempête Klaus a provoqué de considérables dégâts dans le Haut-Vallespir. En août, les plaies sont loin d'être toutes cicatrisées.

C'est donc décidé, je vais rebrousser chemin jusqu'au Puig des Lloses et descendre à Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles. La première chose à faire, c'est retrouver le sentier mais où peut-il bien être dans ce " labyrinthe " végétal trop urticant à mon goût. Seul mon GPS peut me le dire et il faut d'abord que je sorte de ce roncier qui m'enveloppe comme une toile d'araignée. D'ailleurs des araignées, il y en a pas mal ici et comme elles n'apprécient pas trop mon intrusion dans leur domaine réservé, elles me piquent elles aussi. Mais bon, je n'en suis plus à une piqûre près ! Seule solution, sortir par là où je suis arrivé, c'est-à-dire par le haut. Cette fois, j'ôte mon sac à dos, dont je vérifie au préalable toutes les fermetures et je l'envoie valdinguer par-dessus le tronc dont je viens de choir. Je me hisse sur le tronc et me mets carrément à cheval sur lui. Un point GPS me situe à une cinquantaine de mètres du chemin qui est vers le nord et pour moi vers le haut. Je récupère mon sac et poursuit ainsi mes divagations. Je jette mon sac, me hisse à nouveau, le récupère et ainsi de suite. Parfois, je jette mon sac un peu plus loin car j'arrive à jouer les équilibristes sur plusieurs troncs couchés de concert et ma progression s'accélère. Je vais mettre un gros quart d'heures pour retrouver le sentier et encore plus d'une heure pour rejoindre le Puig des Lloses. Quand je regarde ma montre, j'ai du mal à le croire : il est déjà 17 heures et voilà trois heures que je me fourvoie dans cette forêt du Miracle, la mal nommée. Il faut absolument que j'appelle l'hôtelier pour le prévenir que j'aurai du retard. De ce côté-là au moins je serais tranquille et quand je l'ai au bout du fil, effectivement il me rassure. J'ai réservé, j'ai payé et la chambre à l'hôtel Ausseil m'est complètement allouée quoi qu'il m'arrive. Mais s'il savait ce brave homme ce qu'il vient de m'arriver ! Mais n'en parlons plus, j'en suis sorti, même si c'est fourbu, écorché, entaillé, égratigné, brûlé et ensanglanté de la tête aux chevilles. Maintenant, le sentier qui descend vers le Col de Cavanelles au milieu des genêts et des hautes fougères est plutôt agréable et les panoramas sont suffisamment beaux pour que je me remette à prendre des photos. Mais où est mon appareil ? Il n'est pas dans une de mes poches et je ne me souviens pas l'avoir rangé dans mon sac ! Non, il était dans sa housse accrochée à ma ceinture et à ma ceinture, je n'ai plus rien désormais ! Le bouton-pression a dû s'ouvrir et je l'ai perdu ! Je suis désespéré car perdre mon appareil photo c'est comme si j'avais perdu la mémoire de ces trois premiers jours depuis Amélie-les-Bains. Pour moi, c'est inimaginable et il faut que je le retrouve. Sans trop réfléchir, je sors ma dernière gourde d'eau de mon sac à dos et je jette ce dernier dans les hauts genêts en m'assurant qu'on ne le voit pas depuis le chemin. Deux petites branches en forme de croix que je place au bord du sentier pour retrouver cet endroit et me voilà entrain de remonter le sentier, presque en courant, vers cet " enfer vert " où j'ai sans aucun doute perdu mon appareil. Où se trouvera-t-il ? Loin, près ? L'ai-je perdu quand je suis tombé de ce tronc plus haut que les autres ? S'est-il décroché dans le roncier ? Ou bien sous un tronc que j'ai franchi comme un tunnel ? Voilà les questions et bien d'autres qui grouillent dans ma tête alors que je me jette dans cette " impossible " quête. Vu l'heure et le temps que j'ai mis la première fois, il faut à la fois que je fasse vite mais sans pour autant négliger mes recherches. Ce serait idiot de passer à côté sans voir l'appareil par précipitation. L'absence du sac à dos m'aide considérablement mais au fond de moi, je sais que selon l'endroit où la housse est tombée de ma ceinture, c'est comme rechercher une minuscule aiguille dans une énorme botte de foin. Sans le sac mais avec une gourde à la main, je passe néanmoins tous les petits obstacles plus aisément, je traverse le ru du Pas des Vaques, je franchis le premier couloir de sapins anéantis avant que le sentier fasse un angle droit. Rien ! Il me reste encore un barrage à franchir avant ce virage et comme pour le précèdent, j'essaie de me souvenir par où je suis passé à l'aller mais aussi au retour. Et là, au moment où je me baisse pour passer sous les branches encore vertes d'un immense sapin déraciné, le miracle survient ! La petite housse avec mon numérique à l'intérieur est là au milieu du sentier sous la verte ramure. Ouf ! Ouf ! Ouf ! Je respire à pleins poumons. Quel soulagement. Je vérifie mon appareil que j'enfonce au plus profond de la poche de mon short et par sécurité supplémentaire, je referme celle-ci avec le Velcro consacré. Une fois encore, il ne me reste plus qu'à rebrousser chemin. Ce ne sera que la quatrième fois que j'emprunte cet itinéraire et si ça continue, je vais finir par en connaître le moindre recoin par coeur ! D'ailleurs, c'est le cas, car dans ma précipitation et alors que je me suis arrêté pour boire un coup, j'ai posé machinalement mon bob sur un rocher et je l'ai oublié. Mais je ne suis pas inquiet car je sais parfaitement où il se trouve.

Il est 18 heures quand je passe une nouvelle fois devant la panonceau " Puig des Lloses - 1.413 m - PR6B - Prats-de-Mollo par le Col de Cavanelles - 30 mn ".

A cet instant précis, je ne sais pas pourquoi, il me vient une abominable anxiété : Et si ce chemin, lui aussi, était impraticable, barré par une forêt saccagée ? Après tout, il n'y a pas d'autre chemin et le peu que j'en ai parcouru avant de retourner chercher mon appareil photo ne me laisse aucune certitude et ne me permet pas d'être rassuré. Après tout, Prats-de-Mollo que j'aperçois en bas est au moins à trois kilomètres à vol d'oiseau et il faut au bas mot compter au minimum le double par le chemin. Tout est encore possible ! Cette terrible angoisse, elle va soudain se transformer en une grosse boule au creux de mon estomac et elle va rester là, encore blotti pendant une heure et demie. Autant, j'ai été longtemps serein cet après-midi même au plus fort de mes élucubrations, autant maintenant je prends conscience que je peux ne pas arriver au bout de cette étape, en tous cas aujourd'hui. Mais je sais aussi que je n'ai pas le choix dans la direction à prendre et je continue. Je récupère mon sac. Les photos que j'avais voulu prendre tout à l'heure, je les prends maintenant. Mais j'avoue que je n'ai plus le cœur à ça ! J'ai toujours cette appréhension et ces questions qui fourmillent dans ma tête et je ne pense plus qu'à une chose : descendre, descendre, et descendre encore au plus vite vers Prats-de-Mollo. Comme prévu et sans problème, j'arrive au bout de 30 minutes à ce que je crois être le col de Cavanelles. A gauche, un grand champ en pente avec un large chemin qui le contourne, un autre chemin qui part droit devant moi et un autre qui part complètement à gauche. Je n'ai plus de tracé sur mon GPS et je ne vois plus le balisage jaune que j'ai entr'aperçu dans la descente. Je suis contraint de stopper pour regarder ma carte IGN. J'en profite pour manger et absorber un peu d'énergisant car je suis exténué. Le chemin qui part droit devant moi n'existe pas sur la carte. Ça m'étonne mais je l'oublie. Celui qui part à droite se termine dans un cul de sac. Je l'oublie aussi. Reste celui qui part à gauche et qui semble être le bon à la lecture de la carte. Je redémarre, c'est bon, j'aperçois un coup de peinture jaune sur le piquet d'une clôture. Je contourne ce lopin de terre que je voyais d'en haut. Le chemin continue de tourner, puis à mon étonnement, il se remet à nouveau à monter. Je suis éreinté et je n'en crois pas yeux quand je retrouve le petit pin sous lequel je viens de manger, il y a un instant. Je n'ai fait que tourner en rond autour de cette parcelle en friches. Mon téléphone sonne. C'est Dany. Elle demande de mes nouvelles. Je ne peux que lui dire bof ! Mais elle veut en savoir plus. Alors sans trop l'inquiéter, je lui raconte très brièvement mes mésaventures et lui explique que je ne suis plus sur le Tour du Vallespir, que je galère pour descendre sur Prats-de-Mollo et qu'il est primordial que je regarde très attentivement ma carte IGN. Je coupe en lui promettant de la rappeler dès que j'arrive à l'hôtel. Je redéploie ma carte et essaie de me situer par rapport au paysage que j'ai en face de moi. Je comprends que je ne suis pas au Col de Cavanelles mais près d'un endroit qui sur la carte s'appelle " La Segnora ". Il y a légèrement sur ma gauche le Puig Fabre (1.147 m), petit monticule débonnaire qui me rappelle étrangement ces petits volcans arrondis que l'on rencontre en Auvergne dans la chaîne des Puys.

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Avec une chance inouie, j'ai retrouvé mon appareil-photo, le plus gros de ma galère est terminé, mais je descends très anxieux vers Prats-de-Mollo par le col de Cavanelles car je ne suis pas certain du chemin. Finalement, de ce col, j'aperçois le bourg et un chemin désormais très praticable y descend. Ma grosse boule au creux de l'estomac disparaît.

C'est par là qu'il me faut aller, car le chemin passe au pied de ce Puig, et là je comprends qu'en bas du champ en friches, il me faut partir complètement à gauche par une piste qui est parfaitement indiquée sur la carte. Je redescends, contourne à nouveau le petit lopin de terre jusqu'à un portail que je n'avais pas aperçu la première fois. Il y a bien une trace jaune sur ce portail et une piste qui démarre derrière. Je l'emprunte. Un peu plus loin, il y a un raccourci toujours balisé en jaune qui part à droite dans de hauts genêts, mais je le néglige car même si mon itinéraire est plus long, la piste me semble très empruntée par des véhicules, car il y a de nombreuses empreintes de pneus sur le sable. Et surtout, je sais que cette piste va me mener là où je veux. J'ai trop erré aujourd'hui pour prendre le moindre risque de me retrouver une nouvelle fois face à des arbres morts et couchés. Toujours cette boule à l'estomac ! La piste fait maintenant une grande boucle et descend j'en suis certain vers le Col de Cavanelles. Dans cette descente, j'ai le bonheur de tomber sur une baignoire qui sert d'abreuvoir aux animaux et de mare improvisée aux têtards. D'un gros tuyau en PVC, il y coule une eau fraîche et claire et je peux ainsi me rafraîchir et surtout nettoyer toutes ces plaies et égratignures d'où des écoulements de sang ont ruisselé mais ont séché depuis. Au fond de moi, je me dis que sans toutes ces traces d'hémoglobine sur la peau, je serais un peu plus présentable pour arriver à l'hôtel ! Mais si après ce nettoyage, j'ai retrouvé un peu de mon " prestige ", cette eau glacée a l'effet désastreux de réveiller toutes ces brûlures d'orties. Elles n'étaient pas tout à fait endormies mais elles sommeillaient et les douleurs s'étaient bien atténuées. D'ailleurs, quand je regarde mes bras et mes jambes, mais mes jambes surtout, elles sont recouvertes presque intégralement de petites boursouflures rouges. Je sais que dans ma pharmacie, je n'ai aucun médicament, aucune pommade, pour tempérer cet urticaire. Je repars et cinq minutes plus tard, j'arrive au Col de Cavanelles. Il est 19h15. Ici la piste continue mais un panonceau indique une sente qui part à droite : " Col de Cavanelles - 1.050 m- PR6- Prats-de-Mollo par le Fort Lagarde 40mn ". Je compulse à nouveau ma carte car je me méfie désormais de tous les raccourcis. Mais celui-là est bon quand je constate qu'il ne descend que dans un environnement rocheux. Je sais que c'est gagné et la boule au creux de mon estomac disparaît comme par enchantement.

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Du col de Cavanelles, je distingue la Tour de Mir, une autre difficulté de ce Tour du Vallespir, le Pic de Costabonne, le Roc Colom où le Tech prend sa source et le château Lagarde que je rejoins 40 minutes plus tard. Du château, j'ai une belle vue sur la vallée du Tech, sur Prats-de-Mollo et son riche patrimoine historique. 

Dans cette descente rocailleuse, je me remets à faire quelques photos : de Prats-de-Mollo bien sûr, la cité est encore loin mais je sais qu'elle se rapproche à chacun de mes pas, de la citadelle du Fort Lagarde construite par Vauban en surplomb de la ville et de la Tour de Mir juchée sur un piton rocheux au milieu d'une ténébreuse forêt qui me fait face. Cette tour, je la connais pour y être monter à de multiples reprises. Je la prends en photo, mais à vrai dire je ne veux pas trop la regarder car il va me falloir la gravir demain. Et pourquoi le cacher, j'appréhende déjà car la forêt constituera l'essentiel de cette étape. J'ai mis 30 minutes pour arriver au Fort Lagarde au lieu des 40 qu'annonçait le dernier panneau indicatif. Je prends des photos du fort et de la ville dont le clocher carré qui domine l'église Sainte-Juste et Sainte-Ruffine perfore le panorama. Mais ce ne sont que de simples clichés, juste des souvenirs. Il est 20 heures 15 quand j'entre dans la cité. Voilà 12 heures que je suis sur les chemins. Pour combien de kilomètres parcourus ? Je suis incapable de le dire ! Alors faut-il que je l'avoue, sur la fin, la vigueur m'a manqué pour apprécier tout ce patrimoine historique à sa juste valeur ! Cette étape qui était la plus  courte est en fin de compte devenue la plus difficile depuis mon départ. 

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13 heures sur les chemins, quand j'entre dans Prats-de-Mollo, je suis fatigué et meurtri par cette très longue journée de marche éprouvante et mémorable. C'est au pas de course que j'ai traversé le fort Lagarde construit par Vauban. Je n'en ai pris simplement que quelques photos sans aucune conviction mais pour le simple plaisir de les inscrire dans mon souvenir et surtout pour le réel bonheur d'avoir retrouvé mon appareil photo dans la forêt du Miracle. Cette forêt porte-t-elle bien son nom ? Moi, en tout cas, je reste indécis entre la galère que j'ai vécue pendant 4 heures et le fait d'en être sorti à peu près indemne et pour terminer avec mon appareil photo dans la poche ! Un rescapé lui aussi !

Alors, ce qui m'importe maintenant, c'est de me retrouver au plus vite à l'hôtel. Aussi quand j'arrive sur la place du Foirail, je m'empresse de demander à une dame la direction de l'hôtel Ausseil et gentiment elle m'indique du doigt une grande porte fortifiée au milieu des remparts et me précise que l'hôtel est situé juste une rue après. Je passe sous le porche, arrive sur une autre place et comme je me souviens du nom de cette place " Josep de la Trinxeria ", je sais que l'hôtel est là. Mais la place est bondée de touristes et occupée par les deux restaurants qui y ont largement installés leurs tables et leurs chaises. La place Josep de la Trinxeria est en réalité une immense terrasse pour les deux restaurants mitoyens et quand je demande l'hôtel Ausseil à un garçon de table, il me réponds simplement : vous y êtes ! Au milieu des tables et devant des clients certainement interloqués par mon " look " de randonneur anéanti, je tente en vain de m'expliquer dans un brouhaha inextricable. On ne s'entend pas ici me dit-il. Suivez-moi ! La salle intérieure du restaurant est vide et je peux enfin m'exprimer :

- Je suis Monsieur Jullien, j'ai réservé une chambre. Montrez-la moi que je puisse au plus vite prendre une douche.

- Oui, je crois que vous en avez besoin, me réponds-il avec un petit sourire narquois et en me tendant une clé et en rajoutant : c'est la chambre 7 au deuxième étage.

- Puis-je manger après ? lui dis-je.

- Oui, mais ça ne sera peut-être pas en terrasse car tout est plein me réponds-il.

- Peu m'importe !

Malgré les escaliers qu'il me faut encore escalader, je m'empresse de monter dans la chambre. Avant toute chose, je me déshabille et me jette sous une douche chaude. J'ai bien essayé d'abord l'eau froide mais ce fut un supplice insupportable. Je n'ai pas insisté car à nouveau les brûlures se sont réveillées de manière presque insoutenable. J'ai appelé Dany pour la rassurer et l'embrasser mais sans trop m'étendre sur tous les déboires que j'avais endurés au court de cette mémorable journée. Les hauteurs du Vallespir ont été sacrément âpres aujourd'hui. Encore plus âpres que je ne l'avais imaginé ! C'est sûr maintenant, le titre de mon aventure " Sur les hauteurs d'une vallée âpre " ne sera pas galvaudé.

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Une ruelle à Prats-de-Mollo et le clocher de l'église Saintes Juste et Ruffine.

ÂPRE EST CE VALLESPIR…… 

 

Âpre est ce Vallespir que je veux cheminer.

Dure est la Tour de Mir quand il faut y grimper.

Je ne fais que grandir sur ces crêtes boisées,

Les sources ont à jaillir pour combler les fossés.

 

Âpre est ce Vallespir que je veux affronter.

Dur est le déplaisir lorsque l'on veut marcher.

Et si mes pas délirent, rien ne peut m'arrêter,

Sauf les pins, ces martyrs que le vent a couché.

 

Âpre est ce Vallespir, je veux le proclamer.

Dur mon sang à tarir, je ne suis que touché.

Et ce pourpre élixir, il ne fait que couler,

Mon corps prêt à bondir sur les chemins dallés.

 

Âpre est ce Vallespir que j'ai pourtant aimé.

Dures ces lloses, ces porphyres où j'ai pourtant chuté.

Et si ma tête chavire, je n'vais pas m'écrouler,

Sur ces frêles sentiers, dans ces prés parfumés.

 

Âpre est ce Vallespir où il faut s'arrêter.

Dur est le point de mire où il faut arriver.

Et si mon cœur soupire alors qu'il est blessé,

Mon amour viens vers moi , toi seul peut l'apaiser.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 3 : Saint-Guillem - Prats-de-Mollo  15 kms.

Le lendemain matin, la Tour de Mir me nargue de ces 1.540 mètres d'altitude. Elle se trouve sur le tracé du Tour du Vallespir. Vais-je l'affronter ?

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Cliquez sur la forêt ravagée par la tempête Klaus pour passer à l'étape suivante

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