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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms5eme étape : Vendredi 21 août 2009.

Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

Soudain, la route bifurque. On prend à gauche. On monte en lacets. Et puis, le long des précipices béants, on file sur Saint-Laurent-de-Cerdans, vers la frontière espagnole. Les bois croulent de tous côtés. La cassure du schiste les arrête net au bord de la route. On n'aperçoit plus rien que ce filet de route grise au milieu d'une mer de verdure ensoleillée. Extrait du recueil " Visages de mon pays". Ludovic Massé (1900-1982) Ecrivain et poète français.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms ARCHANGES ET DEMON :

 

Hier soir, après avoir quitté la fenêtre, je me suis couché et je me suis mis à lire " Dalva ". Mais il me fut très difficile de me concentrer sur la lecture, car en permanence, revenaient, devant mes yeux, les affres de ce petit mulot ballotté par les trois matous. Avant de m'endormir, j'ai pris soin de badigeonner d' " Urticium " mes jambes et mes bras et la lecture finit par me donner ce petit " coup de massue " que les brûlures encore présentes et les pensées aussi sombres que les trois chats empêchaient jusqu'à présent. Dans la nuit, à deux autres reprises, j'ai été obligé de renouveler les applications de crème que j'ai confortées avec les petits granules car de très désagréables picotements m'ont réveillé. 

Il est 7 heures et autant dire que ce n'est pas la grande forme ce matin. Et pourtant, il va bien falloir que je les parcoure ces 26 kilomètres inscrits au programme du jour. Une fois encore, dans ce secteur extrêmement boisé, j'espère que mon " complice " Klaus m'aura laissé un étroit passage. En tous cas, grâce au gérant, je sais que le chemin est praticable au moins jusqu'à Lamanère. Je pars me jeter sous une douche froide. Et comme je n'y pense pas avant, une nouvelle fois l'eau glacée mets le feu à toutes ces petites rougeurs qui pullulent sur ma peau. La plaie au genou suppure de plus en plus et je renouvelle le pansement d'éosine. Malgré le bien que ça pourrait certainement lui faire, j'hésite à laisser la blessure au grand air car j'ai la crainte de me griffer ou de me cogner au cours de l'étape. Il est 7h30, et une fois encore, je me retrouve tout seul dans la Bergerie avec cet insupportable rongeur empaillé qui me dévisage. 7h30, c'est l'heure décidée, hier soir, d'un commun accord avec le jeune gérant. Hormis le café au lait, tout est prêt sur la table : pain, croissant, beurre, confitures, et comme je ne veux pas partir trop tard pour cette longue étape, j'apprécie d'autant plus cette ponctualité. On m'apporte un broc de lait chaud et un autre de café dans lequel j'arrive à me confectionner deux gros bols de café au lait que je prends néanmoins le temps d'apprécier.

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J'ai quitté Notre-Dame, direction Lamanère, devant moi le boisé Puig de Las Coubines dévoile son aspect pyramidal. Mon appareil-photo commence à dysfonctionner mais je vais le constater que bien plus tard.

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Sur le chemin, un joli oratoire dédié à la Vierge Marie et une date : 1500 !

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J'arrive à Lamanère près de la station d'épuration, par bonheur inodore, et à l'aire de pique-nique. Le temps d'un petit en-cas et je repars dans les ruelles en quête de la bonne direction.

8h15, je viens de récupérer mon panier-repas et harnaché de mon sac, je suis sur le parvis de la jolie chapelle. Sur l'herbe du parc, les matous sont déjà pied d'œuvre, en quête d'un oiseau, d'un campagnol ou d'un autre mulot. Je laisse ces redoutables chasseurs à leur petit déjeuner et repars par le chemin par lequel je suis arrivé hier après-midi. J'arrive à l'intersection qui descend vers Lamanère, et je poursuis la descente. Dix minutes plus tard, par une petite passerelle en bois, je traverse la Bernadeille, mince torrent au modique débit. Ici, surplombant le ruisseau, il y a un très joli oratoire restauré, dédié à la Vierge Marie et une étonnante date inscrite : 1500 ! L'essentiel de ma marche s'effectue dans de sombres sous-bois qui dominent sur ma gauche le ravin du Coral. Mais, de temps en temps, une fenêtre s'ouvre sur le mont à la fois rocailleux et boisé du Puig de Las Coubines (1.253 m). Toujours presque en descente, le sentier se rapproche peu à peu de la ravine, puis à l'approche de Lamanère, il fait un angle droit et je chemine en balcon au dessus du torrent de la Lamanère. Le petit village le plus méridional de l'hexagone est là, de l'autre côté du torrent, avec pour magnifique toile de fond, la verdoyante et oblongue montagne de la Baga de Bordellat. Le sentier débouche sur une piste qui descend vers la rivière et vers ce que je crois être un petit étang mais qui s'avère être en réalité un bassin de décantation de la station d'épuration du village.

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J'ai trouvé la Carrer de la Font de Dalt, (en français, la rue de la Fontaine d'en Haut), cette étroite ruelle cimentée qui s'élève me remet dans le droit chemin.

Il est 9h30, à côté du bassin de décantation, il y a une agréable aire de pique-nique bien propre et surtout aucune odeur nauséabonde alors je m'installe pour manger quelques fruits secs avant de repartir vers le village. Dans les petites ruelles, je ne trouve pas immédiatement le chemin qui monte vers les " Tours de Cabrens " où plutôt vers les Estanouses, petit lieu-dit qui selon ma carte IGN se situe sur le Tour du Vallespir. Pourtant, combien de fois y suis-je monter à ces immanquables tours ? Je sors mon GPS car les quelques personnes, qui me regardent passer, repasser, puis passer à nouveau, et qui discutent au beau milieu de la rue, n'ont pas l'air disposés à me venir en aide. La voilà, elle est enfin là, la petite venelle, cette " carrer ", comme ils disent ici. Comment ai-je pu la louper, cette Carrer de la Font de Dalt (fontaine du haut) montant vers les tours, avec ce balisage bien présent et les nombreux panneaux indicatifs accrochés à ce mur ? Sans doute étais-je distrait par le lumineux hameau dans son cadre d'émeraude et sa jolie rivière qui y coule au milieu ! Il est 10 heures quand je m'éloigne de Lamanère par une allée cimentée qui grimpe hardiment. Premier dénivelé, premières souffrances et premières grandes gorgées d'eau. Je m'arrête à la fois pour reprendre mon souffle et pour admirer les jolies maisons avec leurs vertes pelouses et leurs jardins fleuris. Je m'amuse d'un joli cadre peint dans lequel il est écrit : " attention au chat ". Je souris car je suppose que ce cadre aurais mieux trouvé sa place dans le parc de Notre-Dame du Coral, ainsi, les petits mulots auraient pu le lire !

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Je laisse Lamanère, son décor verdoyant, ses jolies maisons aux jardins fleuris par une sente bien balisée où virevoltent des papillons multicolores. Les Tours de Cabrens apparaissent très hautes au détour du chemin mais qu'importe puisque je vais au hameau des Estanouses qui lui est situé dessous beaucoup plus bas !

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En montant, j'aperçois les Estanouses, ce minuscule hameau par lequel le Tour du Vallespir devrait normalement passer si j'en crois ma carte IGN, mais désormais c'est un domaine privé gardait par des archanges et deux dobermans. Mais il y a aussi "un démon" qui va me faire monter par les Tours de Cabrens, ces tours minuscules que j'aperçois tout là-haut !

Je rentre dans un petit bois de chênes, coupe une première piste. Le balisage jaune et rouge du Tour du Vallespir est bien présent et une petite pancarte en ardoise me conforte sur la direction à suivre : " Tours de Cabrens-Pla Castell-Estanouses ". La pente s'accentue, j'entre dans un deuxième bois. A sa sortie, je traverse aussitôt une autre piste. Bien qu'encore très éloignées, deux des trois Tours de Cabrens sont parfaitement visibles au sommet de la haute colline. Mais je ne m'en inquiète pas car de toute manière, je sais que je n'aurais pas y monter. Un autre panneau est là maintenant, au bord d'un sentier terreux : " Les Torres Cabrenç ". J'ai retrouvé une foulée et une respiration régulière, malgré la pente qui s'est amplifiée très sérieusement. Le sentier terreux se termine d'abord par un bois de petits feuillus puis dans des prés de hautes fougères. Ici, les bas-côtés très fleuris du chemin sont des terrains propices à bons nombres d'insectes mais surtout aux abeilles et aux papillons. Des papillons, je n'en ai jamais vu autant depuis mon départ, même sur la piste du Col de Formentere où pourtant il y en avait déjà beaucoup qui tournaient autour de moi. Au fil de mes randonnées et en les photographiant, j'ai appris à les reconnaître : Piérides, Argus, Vulcains, Tabacs d'Espagne, Petites Tortues, Nacrés, Théclas, Ecailles martrées, Apollons, Citrons, à chacun de mes pas c'est un cortège de papillons multicolores qui s'élèvent. Il y en a tellement dans les prés, dans les haies et sur le chemin que parfois quant ils s'envolent, autour de moi ça ressemble à ces milliers de confettis colorés ou à ces petits papiers brillants que l'on jette lors de grandes manifestations. Je rejoins une autre piste plane qui, selon mon GPS doit me faire passer devant le lieu-dit les " Estanouses ". Je m'avance, pas de problème le GPS me situe sur le tracé. Je fait quelques dizaines de mètres et là, je me retrouve devant une clôture où trônent de jolies statuettes d'archanges et de colombes aux ailes déployées et un grand portail ouvert : " Domaine des Estanouses ". Collé sur un pilier, il y a bien un petit cadre avec un chien dessiné, style Doberman mais rien qui annonce une éventuelle méchanceté ni la raison d'être craintif. Et quand je m'approche, bien au contraire, il y a sur la gauche, une caméra avec ces quelques mots amusants : " Souriez, vous êtes filmés ! ". Je reste planté là, indécis quant à la conduite que je dois tenir. D'un côté, j'ai une peur bleue des Dobermans avec un affreux souvenir d'enfance d'une folle course poursuite entre un énorme molosse de cette race et moi perché sur un Solex. De cette " chevauchée fantastique ", j'avais réussi à en sortir sain et sauf, grâce au propriétaire qui, sur un puissant et simple sifflement, avait réussi à stopper net son chien, au moment même où ce dernier était sur le point de me rattraper pour me croquer un mollet. D'un autre côté, je me dis que les propriétaires doivent certainement avoir, à la fois de l'humour avec ce " Souriez, vous êtes filmés ", et une grande amabilité pour exposer ainsi sur leur mur ces chérubins et ces colombes, symboles de douceur et de paix. Je me décide et j'entre, j'ai confiance dans les hommes, un peu moins dans les Dobermans mais après tout, et selon mes cartes, je suis bien sur le GRP Tour du Vallespir et je n'ai pas d'autres solutions que celle-là. Je fais une trentaine de mètres, arrive devant de belles maisons où tout est calme et silencieux. Je m'arrête, troublé par ce silence et m'apprête à poursuivre la piste avec mon GPS à la main, quand tout à coup, en provenance des villas, deux dobermans descendent vers moi en vociférant.

Je reste pétrifié. Voilà que ma triste expérience se renouvelle, mais cette fois ils sont deux, et je n'ai aucune chance car je n'ai pas de Solex pour fuir mais un sac de 18 kilos qui ruine toute éventualité d'escapade. Heureusement une fois encore, je vais m'en sortir, car du haut d'une terrasse, une femme se met à hurler et les chiens s'immobilisent à deux mètres de moi. Ils continuent de grogner, mais comme j'ai de la mémoire, je raccourcis aussitôt mon bâton télescopique et leur tends une main amicale dont je ne sais pas, s'ils vont la dévorer ou la lécher. Entre temps et alors que les " cerbères " se sont calmés, un homme est également sorti sur la terrasse et m'interpelle en criant :

- Que voulez-vous ?

- Je veux aller au Pla de Castell !

- Non, ce n'est plus possible par là, le chemin est fermé depuis quatre ans !

- Mais comment est-il fermé ?

- Vous êtes sur une propriété privée et le chemin n'a plus été défriché !

- Mais par où puis-je y aller ?

- Il faut que vous montiez aux Tours !

Je suis si surpris que je lui pose cette question vraiment idiote :

- Quelles tours ? Celles de Cabrens ?

Et il me répond brutalement :

- Vous en connaissez d'autres ici ?

Et il ajoute :

-Il y a un chemin qui passe juste en dessous des tours !

Je crois qu'à cette idée d'avoir à escalader les Tours de Cabrens, je suis encore plus terrifié que j'ai pu l'être devant les Dobermans. Je les connais trop bien ces tours à signaux de Cabrens pour y être monté à quelques reprises mais jamais avec un sac à doc de 18 kilos ! Un gros dénivelé sur une distance très courte et jamais un replat pour souffler. Comme si cette étape n'était pas suffisamment longue ! Je ne bouge plus. Je suis groggy et je regarde bouche bée cet homme qui vient de me donner un véritable coup de gourdin sur la tête. Et tout en le regardant, je ne sais pas pourquoi, j'ai un mal fou à le croire. Pourquoi, ce chemin n'aurait-il pas été débroussaillé ? D'accord, il est chez lui, mais ne préfère-t-il pas empêcher tout passage de randonneurs sur son domaine ? Je continue à le regarder et je me dis que je me suis bien trompé sur son compte : " Il vous reçoit avec des anges mais en réalité, lui c'est un vrai démon ! ". Lui m'observe aussi et semble s'interroger sur la conduite que je vais adopter. Mais il a le beau rôle avec ses deux chiens de garde qui maintenant se sont couchés à mes pieds. Alors ai-je le choix ? Même si je ne lui montre pas, je repars furieux tout en marmonnant : " Voilà ça m'apprendra à avoir trop confiance dans les hommes ! "

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Après avoir terriblement souffert dans la montée vers le Tours de Cabrens, j'arrive à la première. Elle date du XIVeme siècle. D'ici, malgré quelques nuages, j'ai des vues splendides sur une grande partie du chemin parcouru. Je décide de déjeuner mais des énergumènes exagérément bruyants vont me faire fuir. Au bord la falaise, j'aperçois un autre démon ! Il est très beau !

Et c'est vrai, peut-être je crois trop en l'homme et pas suffisamment dans les Dobermans. Après tout, ils sont très gentils ces chiens-là quand ils sont bien dressés ! Sur la piste, je retrouve un autre panneau " Torrés de Cabrenç " et un petit sentier que je poursuis mais il s'agit d'un simple raccourci qui m'emmène sur une autre piste un peu plus haut. Il est 11 heures, l'heure a tourné et aujourd'hui, j'ai le sentiment de ne pas avoir beaucoup avancé. Mais bon, d'un autre côté, je ne suis pas en super forme et je me dis qu'il n'est pas utile que je me " brûle " en me dépêchant inutilement. Aussi, je continue de monter à mon rythme qui, je l'avoue, n'est pas bien rapide aujourd'hui. Je coupe un maigre ruisseau, la piste se termine et devient sentier à l'entrée d'un sous-bois. La déclivité s'intensifie mais une tour se rapproche. Je raccourcis mon bâton que je plante plus fermement pour me hisser sans avoir à faire trop d'efforts avec mes jambes. Mais c'est peine perdue, car le poids du sac qui m'entraîne en arrière contrebalance cette vaine manœuvre. Heureusement, j'ai dans ma poche et à portée de main, mon petit tube de " dope ". Habituellement, et cela depuis mon départ, un sachet de gel énergétique me fait amplement la journée mais aujourd'hui j'en ai quelque peu abusé et c'est sûr, cette fois il ne terminera pas cette étape. A la fin du sous-bois, une nouvelle piste apparaît. Je regarde mon GPS plus par curiosité que par nécessité, car ici je n'ai plus de tracé. Entre mon entrée et ma sortie de ce petit sous-bois, j'ai fait quoi ? 200 mètres, 250 mètres, mais l'altitude, elle a progressé de 63 mètres. Je comprends mieux mon essoufflement. Une vingtaine de mètres plus loin, dans la courbe d'un virage, un balisage me renvoie dans les bois par une pente escarpée. Je regarde ma carte IGN et constate qu'il s'agit d'un raide raccourci qui monte à la première tour. Je l'ignore et poursuit par la piste encore une fois plus " roulante " comme disent les cyclistes. Un homme est entrain de redescendre, lui en direction de Serralongue. Nous bavardons un peu, de tout et de rien mais surtout de mon Tour du Vallespir dont il semble dire que c'est pure folie que je le fasse seul. En disant cela, il fait certainement allusion à mon âge et sans doute a-t-il en partie raison. Aussi, je ne le contrarie pas mais je fais mien ce proverbe : " Un fou qui marche va plus loin qu'un sage qui reste assis ". Mais la bible ne dit-elle pas aussi : " La voie qu'emprunte le fou est droite à ses yeux, mais il est sage d'écouter les conseils ". Alors un partout et la balle au centre. Je continue la piste et je finis par arriver devant la première des tours. Ancienne tour à signaux qui date vraisemblablement du XIVeme siècle, elle servait à communiquer avec d'autres tours ou bien avec des châteaux ou des forteresses du Vallespir et du Roussillon. Elle a magnifiquement été restaurée. Il est midi et je m'installe à une table de l'aire de pique-nique aménagée devant la tour. D'autres randonneurs sont déjà là, installés et calmes mais d'autres arrivent et tournent autour de moi comme de bruyants frelons en quête d'un emplacement idéal, qu'apparemment ils n'arrivent pas à trouver. Gesticulant, criant et braillant même, ils semblent se moquer éperdument de tout ce qui les entoure. J'arrête là mon pique-nique pour m'éloigner de ces énergumènes excités mais surtout irrespectueux vis-à-vis des autres et de la quiétude qu'en général on vient chercher dans un tel lieu. Je pars d'abord derrière la tour puis longe le bord de la haute falaise en direction de la deuxième. Sur ma gauche, un panorama superbe me laisse entrevoir une toute petite portion du chemin parcouru aujourd'hui, mais droit devant moi, j'ai une ample et admirable vision des hauteurs que j'ai gambadées depuis Formentere. Avec les jumelles, j'essaie de retrouver plus précisément les endroits et les crêtes où j'ai pu marcher les jours précédents. Mais dans cet horizon lointain et légèrement voilé par quelques nuages blancs, retrouver ces contrées n'est pas si évident. Mais, j'aperçois néanmoins le refuge blanc de Batère, le dôme aplati et reconnaissable du pic de la Souque et je devine les vertes prairies des cols de l'Estagnol et de Serre-Vernet. Après ce bref intermède, je continue à longer la falaise et suis maintenant en surplomb de la maison du " démon " : Les Estanouses sont là à mes pieds, vaste et magnifique domaine avec piscine. J'observe la piste que j'avais commencé à emprunter, elle semble se poursuivre bien après les habitations puis elle s'enfonce dans la forêt où je perds sa trace. J'imagine que je ne saurais jamais comment se termine cette piste. Après tout, le démon n'en est peut-être pas un et mon ressentiment m'a fait perdre la raison ? Mais s'il n'est pas démon, qu'est-il alors ? Un homme serviable qui m'a simplement indiqué un chemin ? Alors archange ou démon ? Mais pour travestir un proverbe bien connu : " chassez le surnaturel, il revient au galop ". Car au moment où je tourne la tête, un nouvel être surnaturel chasse l'autre. Mais celui là est de pierre et je ne vois plus que lui dans la falaise. Une tête parfaite vue de profil et taillée dans cette paroi rocheuse par cette talentueuse " Dame Nature " ou par ce sculpteur fou qu'on appelle l'Univers. Je reste d'abord subjugué par ce visage étrange que j'aperçois à Cabrens pour la première fois alors que j'y suis monté à diverses reprises.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

Je reste complètement subjugué par ce profil presque parfait taillé dans la paroi rocheuse par "Dame Nature " ou par ce sculpteur fou qu'on appelle l'Univers.

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Dans l'ordre d'apparition : la 1ere tour du 14eme siècle puis la 2eme tour du 13eme siècle en surplomb de la falaise et des Estanouses que j'aperçois tout en bas, puis enfin, les ruines du château du 11eme siècle où je vais pouvoir enfin déjeuner en paix avec une vision parfaite sur le Pla de Castell et l'itinéraire parcouru ce matin.

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Au pied des Tours, je trouve un panonceau " Tour du Vallespir " près d'une vieille ferme envahie par les lierres. Le Pla de Castell est peuplé de papillons. Après avoir souffert toute la matinée, je peux enfin souffler et me fier aux nombreux panneaux pour suivre sagement le chemin. Il arrive dans un Colorado miniature !

Alors vision due à la fatigue, imagination débordante ou effets de la lumière selon le temps, l'ensoleillement à une heure du jour bien particulière ? Je m'empresse de prendre une photo, puis une deuxième en rapproché. Mais au moment où je vérifie les photos sur le petit écran de mon numérique, ce dernier a l'air de foirer au niveau de la pixellisation et comme je l'ai depuis peu de temps, je n'en connais pas tous les réglages à mettre en œuvre pour réparer ce mauvais fonctionnement. Mais au fait, pourquoi se met-il soudain à " déconner " ici, devant cette sculpture étonnante ? Me jetterait-il un sort ce mauvais génie ?

Je m'empresse de regarder les photos antérieures. Non, plusieurs photos présentent les mêmes symptômes depuis hier apparemment et peu après mon départ de Prats-de-Mollo. Alors mon numérique a-t-il souffert de mes péripéties dans la forêt du Miracle ou bien l'ai-je mouillé sans m'en apercevoir ? Je suis un peu dégoûté, je l'avoue, mais je vais faire avec, car les mauvaises photos ne sont pas systématiques non plus et je me dis que je pourrais peut-être les corriger avec un logiciel de retouche. Comme je suis un peu perturbé par cet incident qui m'agace, et peut-être aussi par cette fabuleuse figure surnaturelle que je viens de voir, du coup, je finis par en oublier cette deuxième tour que l'on appelle la médiane. Au lieu d'y monter, je passe dessous et j'ai juste le temps de la prendre en photo, et cette photo-là, semble bonne. Je me dis que ce petit écart d'itinéraire n'est pas bien grave. En effet, je connais déjà cette tour, avec ses murs de 5 mètres de large, elle a, paraît-il, servie de prison et est plus ancienne d'un siècle (XIIIeme) que la précédente. Mais surtout, je suis sur une sente, difficile certes, mais bien balisée en jaune. Dans un court dédale de rochers et de petits chênes, la sente finit par remonter vers la troisième tour construite à l'extrême limite de la crête rocheuse. On l'appelle tour, mais en réalité, il s'agit des ruines d'un vieux château du XIeme, dont il ne reste qu'une infime partie de la voûte de l'antique donjon et quelques murailles qui dominent le Pla de Castell et son écrin de verdure. Tranquille cette fois, je m'arrête là pour finir mon déjeuner que quelques nigauds avaient interrompus. Il est 13 heures et après avoir remonté le temps en longeant cette crête, il me faut maintenant la redescendre de l'autre côté et c'est loin d'être une sinécure. Abrupte et glissante plus qu'il ne faudrait, je descends le plus souvent en m'accrochant aux arbres quand ce n'est pas sur le cul. Ici, comme je l'ai déjà fait dans les gros pierriers de Serre-Vernet, je redouble d'attention pour éviter une chute qui pourrait avoir des conséquences dramatiques. Je mets 25 minutes pour atteindre le plat et un petit panonceau où je retrouve le GRP Tour du Vallespir. Je suis surpris de trouver ici ce panonceau mais en consultant les copies du topo-guide, je constate soudain que Véron inscrivait les Tours de Cabrens comme une alternative aux autres chemins. Panonceau ô combien encourageant, car il est inscrit : " Falgos " et c'est bien par là-bas que je dois aller. Je longe les ruines d'une vieille ferme encombrée par les lierres et envahie d'une foisonnante végétation. Ici aussi, les papillons sont nombreux et fantaisistes dans leurs circonvolutions et quand j'arrive au joli carrefour du Pla de Castell, je constate avec bonheur que mon GPS a retrouvé le tracé enregistré. Ce bonheur s'ajoute à celui d'apercevoir le panneau : " Pla de la Muga ". Je file à main gauche par la large piste que je quitte immédiatement, toujours à gauche, à un nouveau panneau : " Tour du Vallespir-Coustouges ". Je ne me rends pas à Coustouges car à ma connaissance il n'existe plus aucune possibilité ni de couchage ni de ravitaillement, mais le véritable Tour du Vallespir passe par ce village frontalier dont les Romains avaient déjà fait de ce lieu, un passage obligé vers ce qu'ils appelaient Hispania, c'est-à-dire l'Espagne. Cette voie, c'était la Via Vallespirani, ancêtre très proche du chemin que j'emprunte aujourd'hui et qui allait au Col d'Ares.

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Après le Pla de Castell, j'arrive au Pla de la Muga dans cet étrange " Colorado miniature " où les couleurs des roches et des sables vont du rouge ocre au rouge bordeaux. Mais c'est quoi au juste ces roches ?

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Pas toujours évident à suivre, le chemin circule au milieu de ces roches rouges et atterrit en Espagne devant cette stèle où il est écrit : " Ici née la Muga ". La Muga est une rivière qui se jette dans le golfe de Roses. Pourtant ici tout est sec et rien de laisse à penser qu'il y a la source d'un fleuve de 65 kilomètres de long !

L'étroite sente se faufile dans un petit bois de pins et débouche sur d'étranges et magnifiques dunes de sables rouges. Ici on voit parfaitement ce travail d'érosion que le vent et surtout l'eau ont façonné sur cette terre qui va de l'ocre rouge au rouge bordeaux. Dunes et vagues de sable que l'on croirait mouvantes mais aussi petites pierres dures et gros rochers érodés ressemblant à des scories ou à d'étranges bombes volcaniques. Alors c'est quoi, ces bizarres formations géologiques rouges que l'on trouve par ici ? Les dépôts des éruptions des proches volcans de la Garrotxa ? Grâce à de petits cairns, je déambule et grimpe dans ce Colorado miniature. Mais entre le chemin à prendre et l'ornière centrale et principale, l'écart est très étroit pour monter au Pla de la Muga. Je finis par m'éloigner du tracé du GPS et me retrouve devant une stèle où il est marqué en catalan : " Ici né la Muga 1216,49 m - Fête de l'Albera Viva 9-6-1996 " et où s'ajoutent les noms d'une douzaine de villages français et espagnols des alentours. Mais je suis surpris car ici tout est sec aujourd'hui et aucune source ne jaillit. Pourtant je crois savoir que la Muga est longue puisqu'elle s'écoule le long de la frontière, puis dans l'Emporda pour finir sa course dans le golfe de Roses du côté d'Empuriabrava. (Renseignements pris sur Internet à mon retour, la rivière Muga est longue de 65 kilomètres et pour un fleuve dont la source semble asséchée en été, je trouve que c'est plutôt pas mal !) J'observe ma carte IGN pour regarder où je suis exactement et retrouver le sentier. Je n'ai jamais été aussi prêt de la frontière, puisque si j'en crois la carte, je l'ai même franchie devant cette stèle. Mais si la Muga se jette dans le golfe de Roses, moi, il me faut partir sans traîner vers un autre golf, celui à 18 trous du domaine de Falgos.

Je retrouve le sentier dans les pins tout proches. Il se poursuit rectiligne vers le nord sur un chemin de sable blanc au milieu d'une lumineuse hêtraie et de quelques châtaigniers. Puis, soudain ce sentier se transforme en une large piste ensoleillée et colorée qui fait un angle droit, part plein sud et serpente au milieu des petits feuillus et des bruyères roses. J'apprécie ces chemins sableux et souples où je peux rattraper les atermoiements de mes flâneries et de mes divagations. Animés de papillons multicolores et de sauterelles aux ailes bleutées, ornés et parfumés de milles fleurs, colorés par les mauves véroniques, les bruyères roses et les baies rouges des sorbiers des oiseaux qui me font une haie, ce chemin qui ne fait que descendre est une vraie " autoroute du soleil " pour mes jambes fatiguées. Alors est-ce la fatigue, la précipitation ou bien mon insouciance, mais une fois encore, je me trompe pour filer droit vers le pic de la Massanes (1.114 m). Et quand je regarde mon GPS puis ma carte, une fois encore j'ai parcouru quelques centaines de mètres pour rien. Je suis allé tout droit au lieu de poursuivre la piste à gauche qui descend vers Falgos. Heureusement, je n'ai fait que trois cent ou quatre cent mètres et faire demi-tour n'est pas bien grave.

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Après cette brève incursion en Espagne, j'ai retrouvé le Tour du Vallespir et un agréable sentier qui doit m'amener à Saint-Laurent-de-Cerdans

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Ce chemin coloré de mauves véroniques, de bruyères roses et par les baies rouges des sorbiers des oiseaux est animé de papillons multicolores. Pour mes jambes fatiguées, c'est une vraie " autoroute du soleil ". Parfois, je marche aussi en sous-bois et je finis par arriver au golf de Falgos.

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La lassitude plus une déprimante route goudronnée, une fois encore tout devient une excuse à des arrêts photos, de jolis papillons, les " écailles chinées " surtout. Après 7 kms, j'enjambe le ruisseau de Coustouges et entre dans Saint-Laurent. Mais je n'en ai pas fini, il reste encore plus d'1,5 km à parcourir pour arriver à la Maison Noëll !

Mais je me dis aussi qu'il faut que je redouble d'attention car l'étape est suffisamment longue sans que j'en rajoute inutilement. Il est 15 heures passé, et comme j'ai un petit creux à l'estomac, je profite de cette étourderie, de la tranquillité du lieu et de l'herbe tendre du chemin pour finir mon panier repas très copieux aujourd'hui. Après cet en-cas, je repars toujours au même rythme ma descente vers Falgos au travers d'une hêtraie, des pinèdes et de hautes haies de genêts. Mais quand j'aboutis sur la route qui monte au Domaine de Falgos et descend vers Saint-Laurent de Cerdans, il n'est pas encore 16 heures et mes pensées sont prises en tenaille entre deux sentiments : d'un côté, je suis heureux d'être arrivé là, à quelques kilomètres de l'arrivée car je sais que j'en ai fini avec les hauteurs pour aujourd'hui, et de l'autre, je suis sous le coup d'une grosse désillusion car je pensai trouver un joli sentier fleuri pour rejoindre Saint-Laurent et je ne trouve qu'une route goudronnée qui serpente au milieu des schistes. Et quand je regarde ma carte IGN, cette route qui doit m'amener dans le centre historique de Saint-Laurent de Cerdans, je l'estime à environ 7 à 8 kilomètres. Ma déception est d'autant plus grande que c'est par obligation que je dois rejoindre cette ville, car à l'origine le vrai Tour du Vallespir passait par Coustouges. Mais depuis quelques années, il n'y a plus de possibilité de couchage et quand j'ai organisé mon parcours, je n'ai rien trouvé à Coustouges, ni refuge, ni gîte, ni chambres d'hôtes, ni hôtel. C'est donc par résignation que je me suis rabattu sur Saint-Laurent-de-Cerdans car le Tour du Vallespir y passe à quelques kilomètres au pied du Mont Capell (1.194 m).

Alors, avec encore tous ces kilomètres à parcourir, autant dire que ma journée est loin d'être finie !

Comme je le fais souvent en pareil cas, je prends un train de sénateur et tout devient une excuse à faire des photos. Mais ici, il n'y a pas grand-chose à photographier, pas de vastes panoramas, ni de beaux paysages, ni d'amples forêts ou de vertes prairies, mais qu'une triste et tortueuse route de bitume gris encastrée dans la roche. Alors, une fois encore je me rabats sur ces " malheureux " papillons. Mais ici, il y a une chose très étrange : les papillons sont magnifiques mais il y en a pratiquement qu'une seule variété et ce sont les reconnaissables " Ecailles chinées ou Callimorphe ". On peut les confondre avec les " Ecailles martres " qui sont ressemblantes bien que leurs zébrures noires et blanches ne soient pas tout à fait identiques. Je prends bien quelques exemplaires de ces étonnants papillons en photo avec leur ailes contrastées pour moitié oranges et pour moitié zébrées lorsqu'elles sont ouvertes, mais comme il y en a des milliers au bord de la route sur les épilobes, les chardons, les véroniques en épi, les fleurs d'origan et même les fleurs d'orties, j'en ai vite fait le tour. Mais si ces papillons ont la particularité de marauder aussi bien le jour que la nuit, il ne faut pas que je fasse pareil, car si je continue à vadrouiller de la sorte c'est bien à la nuit tombante que je vais arriver.

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Avec cette hilarante station météo du Wendland, les Laurentins prouvent qu'ils ont de l'humour !

17 h, j'arrive sur un pont où coule une rivière, à l'intersection de plusieurs routes. Il y en a une qui va à Coustouges, une autre à Vilaroja et celle que je dois emprunter vers Saint-Laurent. Dix minutes plus tard, j'entre dans le joli bourg où je m'arrête quelques instants sur un banc pour manger et me désaltérer un peu car j'avoue en avoir marre de cette route goudronnée. A quelques mètres du banc, il y a un trépied où est accrochée une chaîne, et au bout de la chaîne, un gros pavé est suspendu.

Intrigué, je m'approche et je prends en photo cette hilarante station météo du Wendland. Aussi, en traversant la Quera et entrant dans la ville, je me dis : " C'est bien, au moins ici les habitants ont de l'humour ! ". Et c'est vrai que les gens m'ont l'air bien sympathiques. Ici, tout le monde me salue, les passants, les retraités qui jardinent, les badauds, les hommes, les femmes, les jeunes, les vieux. Et quand, je demande mon chemin pour trouver la rue de la Sort, on se met en quatre pour m'expliquer. Du coup, hormis l'effort d'y grimper car la pente est rude, je n'ai aucun problème pour trouver la Rue de la Poste et l'église paroissiale que l'on m'a gentiment indiquées comme repères. Je suis même surpris par tant de prévenance car cherchant encore mon chemin et la Rue de la Sort, un jeune homme brun très sympathique s'approche et me demande :

-Vous avez l'air perdu, je peux vous aider ?

-Oui, je cherche à me rendre au numéro 4 de la rue de la Sort, chez Monsieur Mario Lopes.

-Je suis Monsieur Lopes, suivez-moi, je vais vous y accompagner.

-Je suis Gilbert Jullien. Enchanté Monsieur Lopes, mais vous alliez dans l'autre sens !

-Oui, j'allais chercher mon enfant à la garderie.

-Alors, ne vous dérangez pas, je vais vous attendre ici.

-Non, écoutez ma femme est à la maison et c'est simple pour y aller. Prenez tout droit, puis tournez à gauche dans la première petite ruelle. C'est la rue de la Sort. Mais au lieu de sonner au numéro 4, allez au numéro 6.

-Merci, c'est compris, j'y vais de ce pas.

-A tout à l'heure.

-A tout à l'heure.

Le jeune homme repart et une minute après, je suis dans une étroite venelle, devant la petite porte d'une haute maison de village. Une jeune femme très gaie m'ouvre. Je me présente. Isabelle, me dit-elle, avant de me faire très spontanément la bise. Nous montons quelques escaliers qui débouchent sur une grande salle à manger. La demeure me paraît immense, mais elle est surtout magnifique et je ne me prive pas de le lui dire. Avec la volubilité qui semble la caractériser et son agréable accent portugais chantant, Isabelle se met à m'expliquer en détail les origines de cette splendide maison de maître : Elle s'appelle Damia Noëll et fût construite en 1606 et habitée pendant plusieurs siècles par une richissime famille de bourgeois qui s'appelait Noëll. Le premier occupant s'appelait Damia d'où le nom de la maison d'hôtes désormais. (Pour la petite histoire, j'appris sur Internet que ce Damia avait combattu aux côtés de Josep de la Trinxeria et est resté dans l'Histoire de la Catalogne comme un farouche opposant au Traité des Pyrénées et à l'instauration de la gabelle en Vallespir.) Il y a quelques années, les héritiers de la famille Noëll ont décidé de vendre la maison après le décès d'une de leurs grand-mères qui avait vécue dans cette grande bâtisse pendant de longues années et qui ne l'avait plus réellement entretenue. Isabelle et Mario la rachetèrent pour en faire une table et des chambres d'hôtes car ils avaient, depuis longtemps, l'ardent désir de se lancer dans cette activité. Et, quand Isabelle m'amène sur la terrasse extérieure construite en grosses pierres de taille, je reste complètement émerveillé par ce côté-là de la maison. Autant la façade côté ruelle est modeste et ne paye pas de mine, autant ce côté-là est remarquable, avec cette terrasse qui domine une partie du village, la rivière Saint-Laurent, de grands jardins en espaliers et qui est face aux collines et au Mont Capell.

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Quelques photos de Saint-Laurent-de-Cerdans au moment où j'arrive dans le village. J'enjambe la rivière Quera, et j'entre dans un village qui respire la fête.

Mais avec mon sac à dos sur les épaules et mon bâton et mon bob encore à la main, je crois qu'Isabelle a dû se rendre compte que j'étais impatient de rejoindre ma chambre. Oh non, Isabelle ne m'ennuyait pas avec ces vieilles histoires de la famille Noëll, bien au contraire, mais la lassitude devait se lire sur mon visage tiré ! Elle semble confuse mais je l'en excuse car j'ai parfaitement vu qu'elle vivait avec passion cette antique maison et le fait de contribuer à l'embellir et à vouloir la faire revivre. Mais, elle a compris aussi que j'étais fatigué et c'est tout à son honneur. Par d'immenses escaliers en bois vernis, elle m'accompagne à l'étage supérieur où se trouve ma chambre. Une chambre magnifique avec un vrai grand lit, avec des draps tout blancs, recouvert d'un admirable couvre-lit brodé et de vrais oreillers. En y entrant, je ne peux m'empêcher de me dire que cette chambre me change de tout ce que j'ai pu connaître sur ce Tour du Vallespir. En 3 jours, je suis passé de la simple paillasse de Saint-Guillem avec lézard, souris et poussière à volonté à une chambre " princière ". Mais dans une longue randonnée comme celle-là, c'est bien toutes ces petites choses diverses et variées qui créent l'aventure et tout naturellement, je prends plaisir à ces diversités.

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Une vue aérienne du village puis la ruelle avant d'arriver à la Maison Noëll. Un instant de détente dans la merveilleuse chambre que l'on m'a allouée. De superbes panoramas sur le Mont Capell et les " serrats " que j'aperçois depuis la magnifique terrasse ou depuis ma fenêtre.

Après une bienfaisante douche dans une vraie cabine avec des robinets mitigeurs comme à la maison, j'ai aspiré à un petit peu de repos que j'ai une fois encore rempli avec " Dalva ". Mais, je sais que l'on m'attend pour un apéritif de bienvenu à 19 heures tapantes. Je connais le principe de la chambre d'hôtes où tous les convives se retrouvent pour des repas en commun et à une table unique, parfois en présence des propriétaires. Dans le canapé du salon, Mario me présente d'abord sa petite famille. Avec beaucoup de simplicité, tout le monde me fait la bise. Avec la même passion qu'Isabelle, Mario m'explique comment il en est venu à acheter cette maison de maître et la conversation va bon train sur l'histoire des Noëll. Il me parle surtout d'Abdon, le seigneur de Vilaro, âme de la Résistance du Vallespir au temps de la Révolution Française qui fût le plus connu de tous. Nous en sommes là, quand un autre client nous rejoint, venu de Bretagne et passionné de VTT. Alors nous partons nous installer sur la belle terrasse, nous buvons une bière, puis les bavardages s'animent. Mario nous offre un excellent muscat et d'autres convives nous rejoignent. Il s'agit de tchèques. Un couple plutôt timide qui passe leurs vacances dans la région. Ils arrivent tout droit de Bruxelles où ils travaillent au Parlement Européen. Ils parlent très bien le français, en tout cas beaucoup mieux qu'ils ont l'air de le penser et surtout bien mieux que nous pouvons parler le tchèque tous autant que nous sommes ! L'heure du souper arrive et nous partons tous nous installer à la grande table de la salle à manger. Trop occupés en cuisine à préparer les excellents plats que nous devons manger, Isabelle et Mario ne soupent pas avec nous. Mais si nous regrettons leur absence à table, nous n'avons pas à regretter leur présence derrière les fourneaux car ce repas est en tous points remarquable : une craquante salade de chèvre chaud, un gros " galet " grillé, poisson de Méditerranée et un savoureux et copieux " pijama espagnol ", dessert fait d'un flan à l'œuf, d'une boule de glace à la vanille accompagnée d'une demi pèche et d'une demi poire au sirop, le tout agrémenté d'une sauce au chocolat. Entre deux plats, la sympathique Isabelle nous rejoint et viens s'enquérir de l'intérêt que nous portons à ses plats, Mario, lui, est le plus souvent près de nous a harmoniser les débats, et de ce fait, leurs absences au repas n'ont aucune conséquence sur la qualité de nos conversations qui sont agréables et chaleureuses. Chacun se met à raconter à tour de rôle, comment il vit sa passion. Le jeune breton, c'est le VTT qu'il chevauche à sillonner le Vallespir depuis quelques jours. Les tchèques plus passionnées par les visites des musées et le patrimoine roussillonnais parlent avec ferveur du Musée d'Art Moderne de Céret. Et moi, je parle bien sûr des randonnées et de ce Tour du Vallespir que je suis entrain d'accomplir. Cette soirée est une des plus agréables que j'ai passé depuis fort longtemps et quand, nous partons nous coucher, nous avons tous l'air heureux. Nous nous séparons un peu à regrets, et surtout par respect vis-à-vis d'Isabelle et Mario. Nous quittons tous Saint-Laurent-de-Cerdans dès demain matin, mais pour nos hôtes, de nouveaux clients arrivent et comme beaucoup de choses sont à prévoir, ils vont devoir se lever tôt. Une fois encore malgré une évidente lassitude, je ne peux pas m'endormir immédiatement. Cette amicale veillée entre copains d'un jour dans un cadre reposant à souhait m'a fait prendre conscience des difficiles conditions dans lesquelles j'ai vécues depuis cinq jours. Si la solitude de ces derniers jours ne m'a pas véritablement pesée, rencontrer d'autres gens, dialoguer avec eux, partager leur passion et la mienne ont été des instants de vrai bonheur. Je suis assez lucide pour savoir que ce séjour passé ici restera comme un des moments forts de mon aventure. A la veille de terminer mon périple, je m'aperçois que l'âpreté de ces hauteurs, elles ont été merveilleusement matérielles et physiques, par les montagnes, les crêtes et les collines que j'ai escaladé assez souvent en peinant, mais que j'ai, comme toujours, découvert avec ravissement une fois les sommets atteints. Mais en y regardant de plus près, ces hauteurs ont été âpres psychiquement par la solitude que j'ai vécue, les souffrances que j'ai endurées et les réflexions qu'elles ont suscitées en moi. Mais est-ce fini ? Non, il reste encore l'étape de demain ! Mais en partant faire cette randonnée, n'étais-je pas prévenu que ce Tour du Vallespir m'amènerait vers des sommets de bonheurs insoupçonnés mais parfois aussi " sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

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L'église de Saint-Laurent-de-Cerdans

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A la nuit tombante, vue sur le Mont Capell depuis la fenêtre de ma chambre.

 

De Notre-Dame de Coral à la Maison Noëll

 

J'avais quitté la belle, j'avais quitté la Vierge,

Par un souple chemin que longeait le Coral.

Je tenais mon bâton comme l'on tient un cierge,

Notre-Dame s'enfuyait sous un ciel idéal.

 

Un cadre de verdure entourait le hameau,

La Baga Bordellat, on ne peut plus oblongue

Où la claire rivière coulait sous les ormeaux,

Et les Tours de Cabrens veillaient la Serre longue.

 

Quand le village fut loin qu'on appelle Lamanère,

Un portail au milieu barrait tout le chemin,

Un horrible démon me fit perdre mes nerfs

M'obligeant à m'enfuir sans lui tendre la main.

 

Des archanges sur un mur m'indiquèrent la route

Qui montait rudement en direction des tours,

Âprement est le mot sur lequel j'arc-boute,

Loin de moi cette idée de faire demi-tour.

 

Un visage était là sculpté dans la falaise,

Grand seigneur de Cabrens comme était le tyran,

Les deux avaient le don de mettre mal à l'aise,

Les anges, les démons et un vieux vétéran.

 

Mais que l'on soit démon, beau génie ou bien ange,

Et que la peur se tient au creux de l'estomac,

Sur le sort, l'essentiel est d'avoir sa revanche,

Ma première est de voir d'amples panoramas.

 

Rouge était le sentier et ocre était la terre,

A la source asséchée où je perds mon latin,

Saint-Laurent qui attend la fin de mon calvaire,

A la Maison Noëll, près d'un petit fortin.

 

Isabelle, Mario accueillerent la troupe,

Avec leurs cœurs en or et leur sourire en coin,

L'amitié, la chaleur envahit tout le groupe,

Avant que le matin envoie tout ça au loin.

 

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Cliquez sur l'archange et le démon pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms5eme étape : Vendredi 21 août 2009.

Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms

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Soudain, la route bifurque. On prend à gauche. On monte en lacets. Et puis, le long des précipices béants, on file sur Saint-Laurent-de-Cerdans, vers la frontière espagnole. Les bois croulent de tous côtés. La cassure du schiste les arrête net au bord de la route. On n'aperçoit plus rien que ce filet de route grise au milieu d'une mer de verdure ensoleillée. Extrait du recueil " Visages de mon pays". Ludovic Massé (1900-1982) Ecrivain et poète français.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms ARCHANGES ET DEMON :

 

Hier soir, après avoir quitté la fenêtre, je me suis couché et je me suis mis à lire " Dalva ". Mais il me fut très difficile de me concentrer sur la lecture, car en permanence, revenaient, devant mes yeux, les affres de ce petit mulot ballotté par les trois matous. Avant de m'endormir, j'ai pris soin de badigeonner d' " Urticium " mes jambes et mes bras et la lecture finit par me donner ce petit " coup de massue " que les brûlures encore présentes et les pensées aussi sombres que les trois chats empêchaient jusqu'à présent. Dans la nuit, à deux autres reprises, j'ai été obligé de renouveler les applications de crème que j'ai confortées avec les petits granules car de très désagréables picotements m'ont réveillé. 

Il est 7 heures et autant dire que ce n'est pas la grande forme ce matin. Et pourtant, il va bien falloir que je les parcoure ces 26 kilomètres inscrits au programme du jour. Une fois encore, dans ce secteur extrêmement boisé, j'espère que mon " complice " Klaus m'aura laissé un étroit passage. En tous cas, grâce au gérant, je sais que le chemin est praticable au moins jusqu'à Lamanère. Je pars me jeter sous une douche froide. Et comme je n'y pense pas avant, une nouvelle fois l'eau glacée mets le feu à toutes ces petites rougeurs qui pullulent sur ma peau. La plaie au genou suppure de plus en plus et je renouvelle le pansement d'éosine. Malgré le bien que ça pourrait certainement lui faire, j'hésite à laisser la blessure au grand air car j'ai la crainte de me griffer ou de me cogner au cours de l'étape. Il est 7h30, et une fois encore, je me retrouve tout seul dans la Bergerie avec cet insupportable rongeur empaillé qui me dévisage. 7h30, c'est l'heure décidée, hier soir, d'un commun accord avec le jeune gérant. Hormis le café au lait, tout est prêt sur la table : pain, croissant, beurre, confitures, et comme je ne veux pas partir trop tard pour cette longue étape, j'apprécie d'autant plus cette ponctualité. On m'apporte un broc de lait chaud et un autre de café dans lequel j'arrive à me confectionner deux gros bols de café au lait que je prends néanmoins le temps d'apprécier.

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J'ai quitté Notre-Dame, direction Lamanère, devant moi le boisé Puig de Las Coubines dévoile son aspect pyramidal. Mon appareil-photo commence à dysfonctionner mais je vais le constater que bien plus tard.

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Sur le chemin, un joli oratoire dédié à la Vierge Marie et une date : 1500 !

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J'arrive à Lamanère près de la station d'épuration, par bonheur inodore, et à l'aire de pique-nique. Le temps d'un petit en-cas et je repars dans les ruelles en quête de la bonne direction.

8h15, je viens de récupérer mon panier-repas et harnaché de mon sac, je suis sur le parvis de la jolie chapelle. Sur l'herbe du parc, les matous sont déjà pied d'œuvre, en quête d'un oiseau, d'un campagnol ou d'un autre mulot. Je laisse ces redoutables chasseurs à leur petit déjeuner et repars par le chemin par lequel je suis arrivé hier après-midi. J'arrive à l'intersection qui descend vers Lamanère, et je poursuis la descente. Dix minutes plus tard, par une petite passerelle en bois, je traverse la Bernadeille, mince torrent au modique débit. Ici, surplombant le ruisseau, il y a un très joli oratoire restauré, dédié à la Vierge Marie et une étonnante date inscrite : 1500 ! L'essentiel de ma marche s'effectue dans de sombres sous-bois qui dominent sur ma gauche le ravin du Coral. Mais, de temps en temps, une fenêtre s'ouvre sur le mont à la fois rocailleux et boisé du Puig de Las Coubines (1.253 m). Toujours presque en descente, le sentier se rapproche peu à peu de la ravine, puis à l'approche de Lamanère, il fait un angle droit et je chemine en balcon au dessus du torrent de la Lamanère. Le petit village le plus méridional de l'hexagone est là, de l'autre côté du torrent, avec pour magnifique toile de fond, la verdoyante et oblongue montagne de la Baga de Bordellat. Le sentier débouche sur une piste qui descend vers la rivière et vers ce que je crois être un petit étang mais qui s'avère être en réalité un bassin de décantation de la station d'épuration du village.

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J'ai trouvé la Carrer de la Font de Dalt, (en français, la rue de la Fontaine d'en Haut), cette étroite ruelle cimentée qui s'élève me remet dans le droit chemin.

Il est 9h30, à côté du bassin de décantation, il y a une agréable aire de pique-nique bien propre et surtout aucune odeur nauséabonde alors je m'installe pour manger quelques fruits secs avant de repartir vers le village. Dans les petites ruelles, je ne trouve pas immédiatement le chemin qui monte vers les " Tours de Cabrens " où plutôt vers les Estanouses, petit lieu-dit qui selon ma carte IGN se situe sur le Tour du Vallespir. Pourtant, combien de fois y suis-je monter à ces immanquables tours ? Je sors mon GPS car les quelques personnes, qui me regardent passer, repasser, puis passer à nouveau, et qui discutent au beau milieu de la rue, n'ont pas l'air disposés à me venir en aide. La voilà, elle est enfin là, la petite venelle, cette " carrer ", comme ils disent ici. Comment ai-je pu la louper, cette Carrer de la Font de Dalt (fontaine du haut) montant vers les tours, avec ce balisage bien présent et les nombreux panneaux indicatifs accrochés à ce mur ? Sans doute étais-je distrait par le lumineux hameau dans son cadre d'émeraude et sa jolie rivière qui y coule au milieu ! Il est 10 heures quand je m'éloigne de Lamanère par une allée cimentée qui grimpe hardiment. Premier dénivelé, premières souffrances et premières grandes gorgées d'eau. Je m'arrête à la fois pour reprendre mon souffle et pour admirer les jolies maisons avec leurs vertes pelouses et leurs jardins fleuris. Je m'amuse d'un joli cadre peint dans lequel il est écrit : " attention au chat ". Je souris car je suppose que ce cadre aurais mieux trouvé sa place dans le parc de Notre-Dame du Coral, ainsi, les petits mulots auraient pu le lire !

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Je laisse Lamanère, son décor verdoyant, ses jolies maisons aux jardins fleuris par une sente bien balisée où virevoltent des papillons multicolores. Les Tours de Cabrens apparaissent très hautes au détour du chemin mais qu'importe puisque je vais au hameau des Estanouses qui lui est situé dessous beaucoup plus bas !

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En montant, j'aperçois les Estanouses, ce minuscule hameau par lequel le Tour du Vallespir devrait normalement passer si j'en crois ma carte IGN, mais désormais c'est un domaine privé gardait par des archanges et deux dobermans. Mais il y a aussi "un démon" qui va me faire monter par les Tours de Cabrens, ces tours minuscules que j'aperçois tout là-haut !

Je rentre dans un petit bois de chênes, coupe une première piste. Le balisage jaune et rouge du Tour du Vallespir est bien présent et une petite pancarte en ardoise me conforte sur la direction à suivre : " Tours de Cabrens-Pla Castell-Estanouses ". La pente s'accentue, j'entre dans un deuxième bois. A sa sortie, je traverse aussitôt une autre piste. Bien qu'encore très éloignées, deux des trois Tours de Cabrens sont parfaitement visibles au sommet de la haute colline. Mais je ne m'en inquiète pas car de toute manière, je sais que je n'aurais pas y monter. Un autre panneau est là maintenant, au bord d'un sentier terreux : " Les Torres Cabrenç ". J'ai retrouvé une foulée et une respiration régulière, malgré la pente qui s'est amplifiée très sérieusement. Le sentier terreux se termine d'abord par un bois de petits feuillus puis dans des prés de hautes fougères. Ici, les bas-côtés très fleuris du chemin sont des terrains propices à bons nombres d'insectes mais surtout aux abeilles et aux papillons. Des papillons, je n'en ai jamais vu autant depuis mon départ, même sur la piste du Col de Formentere où pourtant il y en avait déjà beaucoup qui tournaient autour de moi. Au fil de mes randonnées et en les photographiant, j'ai appris à les reconnaître : Piérides, Argus, Vulcains, Tabacs d'Espagne, Petites Tortues, Nacrés, Théclas, Ecailles martrées, Apollons, Citrons, à chacun de mes pas c'est un cortège de papillons multicolores qui s'élèvent. Il y en a tellement dans les prés, dans les haies et sur le chemin que parfois quant ils s'envolent, autour de moi ça ressemble à ces milliers de confettis colorés ou à ces petits papiers brillants que l'on jette lors de grandes manifestations. Je rejoins une autre piste plane qui, selon mon GPS doit me faire passer devant le lieu-dit les " Estanouses ". Je m'avance, pas de problème le GPS me situe sur le tracé. Je fait quelques dizaines de mètres et là, je me retrouve devant une clôture où trônent de jolies statuettes d'archanges et de colombes aux ailes déployées et un grand portail ouvert : " Domaine des Estanouses ". Collé sur un pilier, il y a bien un petit cadre avec un chien dessiné, style Doberman mais rien qui annonce une éventuelle méchanceté ni la raison d'être craintif. Et quand je m'approche, bien au contraire, il y a sur la gauche, une caméra avec ces quelques mots amusants : " Souriez, vous êtes filmés ! ". Je reste planté là, indécis quant à la conduite que je dois tenir. D'un côté, j'ai une peur bleue des Dobermans avec un affreux souvenir d'enfance d'une folle course poursuite entre un énorme molosse de cette race et moi perché sur un Solex. De cette " chevauchée fantastique ", j'avais réussi à en sortir sain et sauf, grâce au propriétaire qui, sur un puissant et simple sifflement, avait réussi à stopper net son chien, au moment même où ce dernier était sur le point de me rattraper pour me croquer un mollet. D'un autre côté, je me dis que les propriétaires doivent certainement avoir, à la fois de l'humour avec ce " Souriez, vous êtes filmés ", et une grande amabilité pour exposer ainsi sur leur mur ces chérubins et ces colombes, symboles de douceur et de paix. Je me décide et j'entre, j'ai confiance dans les hommes, un peu moins dans les Dobermans mais après tout, et selon mes cartes, je suis bien sur le GRP Tour du Vallespir et je n'ai pas d'autres solutions que celle-là. Je fais une trentaine de mètres, arrive devant de belles maisons où tout est calme et silencieux. Je m'arrête, troublé par ce silence et m'apprête à poursuivre la piste avec mon GPS à la main, quand tout à coup, en provenance des villas, deux dobermans descendent vers moi en vociférant.

Je reste pétrifié. Voilà que ma triste expérience se renouvelle, mais cette fois ils sont deux, et je n'ai aucune chance car je n'ai pas de Solex pour fuir mais un sac de 18 kilos qui ruine toute éventualité d'escapade. Heureusement une fois encore, je vais m'en sortir, car du haut d'une terrasse, une femme se met à hurler et les chiens s'immobilisent à deux mètres de moi. Ils continuent de grogner, mais comme j'ai de la mémoire, je raccourcis aussitôt mon bâton télescopique et leur tends une main amicale dont je ne sais pas, s'ils vont la dévorer ou la lécher. Entre temps et alors que les " cerbères " se sont calmés, un homme est également sorti sur la terrasse et m'interpelle en criant :

- Que voulez-vous ?

- Je veux aller au Pla de Castell !

- Non, ce n'est plus possible par là, le chemin est fermé depuis quatre ans !

- Mais comment est-il fermé ?

- Vous êtes sur une propriété privée et le chemin n'a plus été défriché !

- Mais par où puis-je y aller ?

- Il faut que vous montiez aux Tours !

Je suis si surpris que je lui pose cette question vraiment idiote :

- Quelles tours ? Celles de Cabrens ?

Et il me répond brutalement :

- Vous en connaissez d'autres ici ?

Et il ajoute :

-Il y a un chemin qui passe juste en dessous des tours !

Je crois qu'à cette idée d'avoir à escalader les Tours de Cabrens, je suis encore plus terrifié que j'ai pu l'être devant les Dobermans. Je les connais trop bien ces tours à signaux de Cabrens pour y être monté à quelques reprises mais jamais avec un sac à doc de 18 kilos ! Un gros dénivelé sur une distance très courte et jamais un replat pour souffler. Comme si cette étape n'était pas suffisamment longue ! Je ne bouge plus. Je suis groggy et je regarde bouche bée cet homme qui vient de me donner un véritable coup de gourdin sur la tête. Et tout en le regardant, je ne sais pas pourquoi, j'ai un mal fou à le croire. Pourquoi, ce chemin n'aurait-il pas été débroussaillé ? D'accord, il est chez lui, mais ne préfère-t-il pas empêcher tout passage de randonneurs sur son domaine ? Je continue à le regarder et je me dis que je me suis bien trompé sur son compte : " Il vous reçoit avec des anges mais en réalité, lui c'est un vrai démon ! ". Lui m'observe aussi et semble s'interroger sur la conduite que je vais adopter. Mais il a le beau rôle avec ses deux chiens de garde qui maintenant se sont couchés à mes pieds. Alors ai-je le choix ? Même si je ne lui montre pas, je repars furieux tout en marmonnant : " Voilà ça m'apprendra à avoir trop confiance dans les hommes ! "

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Après avoir terriblement souffert dans la montée vers le Tours de Cabrens, j'arrive à la première. Elle date du XIVeme siècle. D'ici, malgré quelques nuages, j'ai des vues splendides sur une grande partie du chemin parcouru. Je décide de déjeuner mais des énergumènes exagérément bruyants vont me faire fuir. Au bord la falaise, j'aperçois un autre démon ! Il est très beau !

Et c'est vrai, peut-être je crois trop en l'homme et pas suffisamment dans les Dobermans. Après tout, ils sont très gentils ces chiens-là quand ils sont bien dressés ! Sur la piste, je retrouve un autre panneau " Torrés de Cabrenç " et un petit sentier que je poursuis mais il s'agit d'un simple raccourci qui m'emmène sur une autre piste un peu plus haut. Il est 11 heures, l'heure a tourné et aujourd'hui, j'ai le sentiment de ne pas avoir beaucoup avancé. Mais bon, d'un autre côté, je ne suis pas en super forme et je me dis qu'il n'est pas utile que je me " brûle " en me dépêchant inutilement. Aussi, je continue de monter à mon rythme qui, je l'avoue, n'est pas bien rapide aujourd'hui. Je coupe un maigre ruisseau, la piste se termine et devient sentier à l'entrée d'un sous-bois. La déclivité s'intensifie mais une tour se rapproche. Je raccourcis mon bâton que je plante plus fermement pour me hisser sans avoir à faire trop d'efforts avec mes jambes. Mais c'est peine perdue, car le poids du sac qui m'entraîne en arrière contrebalance cette vaine manœuvre. Heureusement, j'ai dans ma poche et à portée de main, mon petit tube de " dope ". Habituellement, et cela depuis mon départ, un sachet de gel énergétique me fait amplement la journée mais aujourd'hui j'en ai quelque peu abusé et c'est sûr, cette fois il ne terminera pas cette étape. A la fin du sous-bois, une nouvelle piste apparaît. Je regarde mon GPS plus par curiosité que par nécessité, car ici je n'ai plus de tracé. Entre mon entrée et ma sortie de ce petit sous-bois, j'ai fait quoi ? 200 mètres, 250 mètres, mais l'altitude, elle a progressé de 63 mètres. Je comprends mieux mon essoufflement. Une vingtaine de mètres plus loin, dans la courbe d'un virage, un balisage me renvoie dans les bois par une pente escarpée. Je regarde ma carte IGN et constate qu'il s'agit d'un raide raccourci qui monte à la première tour. Je l'ignore et poursuit par la piste encore une fois plus " roulante " comme disent les cyclistes. Un homme est entrain de redescendre, lui en direction de Serralongue. Nous bavardons un peu, de tout et de rien mais surtout de mon Tour du Vallespir dont il semble dire que c'est pure folie que je le fasse seul. En disant cela, il fait certainement allusion à mon âge et sans doute a-t-il en partie raison. Aussi, je ne le contrarie pas mais je fais mien ce proverbe : " Un fou qui marche va plus loin qu'un sage qui reste assis ". Mais la bible ne dit-elle pas aussi : " La voie qu'emprunte le fou est droite à ses yeux, mais il est sage d'écouter les conseils ". Alors un partout et la balle au centre. Je continue la piste et je finis par arriver devant la première des tours. Ancienne tour à signaux qui date vraisemblablement du XIVeme siècle, elle servait à communiquer avec d'autres tours ou bien avec des châteaux ou des forteresses du Vallespir et du Roussillon. Elle a magnifiquement été restaurée. Il est midi et je m'installe à une table de l'aire de pique-nique aménagée devant la tour. D'autres randonneurs sont déjà là, installés et calmes mais d'autres arrivent et tournent autour de moi comme de bruyants frelons en quête d'un emplacement idéal, qu'apparemment ils n'arrivent pas à trouver. Gesticulant, criant et braillant même, ils semblent se moquer éperdument de tout ce qui les entoure. J'arrête là mon pique-nique pour m'éloigner de ces énergumènes excités mais surtout irrespectueux vis-à-vis des autres et de la quiétude qu'en général on vient chercher dans un tel lieu. Je pars d'abord derrière la tour puis longe le bord de la haute falaise en direction de la deuxième. Sur ma gauche, un panorama superbe me laisse entrevoir une toute petite portion du chemin parcouru aujourd'hui, mais droit devant moi, j'ai une ample et admirable vision des hauteurs que j'ai gambadées depuis Formentere. Avec les jumelles, j'essaie de retrouver plus précisément les endroits et les crêtes où j'ai pu marcher les jours précédents. Mais dans cet horizon lointain et légèrement voilé par quelques nuages blancs, retrouver ces contrées n'est pas si évident. Mais, j'aperçois néanmoins le refuge blanc de Batère, le dôme aplati et reconnaissable du pic de la Souque et je devine les vertes prairies des cols de l'Estagnol et de Serre-Vernet. Après ce bref intermède, je continue à longer la falaise et suis maintenant en surplomb de la maison du " démon " : Les Estanouses sont là à mes pieds, vaste et magnifique domaine avec piscine. J'observe la piste que j'avais commencé à emprunter, elle semble se poursuivre bien après les habitations puis elle s'enfonce dans la forêt où je perds sa trace. J'imagine que je ne saurais jamais comment se termine cette piste. Après tout, le démon n'en est peut-être pas un et mon ressentiment m'a fait perdre la raison ? Mais s'il n'est pas démon, qu'est-il alors ? Un homme serviable qui m'a simplement indiqué un chemin ? Alors archange ou démon ? Mais pour travestir un proverbe bien connu : " chassez le surnaturel, il revient au galop ". Car au moment où je tourne la tête, un nouvel être surnaturel chasse l'autre. Mais celui là est de pierre et je ne vois plus que lui dans la falaise. Une tête parfaite vue de profil et taillée dans cette paroi rocheuse par cette talentueuse " Dame Nature " ou par ce sculpteur fou qu'on appelle l'Univers. Je reste d'abord subjugué par ce visage étrange que j'aperçois à Cabrens pour la première fois alors que j'y suis monté à diverses reprises.

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Je reste complètement subjugué par ce profil presque parfait taillé dans la paroi rocheuse par "Dame Nature " ou par ce sculpteur fou qu'on appelle l'Univers.

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Dans l'ordre d'apparition : la 1ere tour du 14eme siècle puis la 2eme tour du 13eme siècle en surplomb de la falaise et des Estanouses que j'aperçois tout en bas, puis enfin, les ruines du château du 11eme siècle où je vais pouvoir enfin déjeuner en paix avec une vision parfaite sur le Pla de Castell et l'itinéraire parcouru ce matin.

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Au pied des Tours, je trouve un panonceau " Tour du Vallespir " près d'une vieille ferme envahie par les lierres. Le Pla de Castell est peuplé de papillons. Après avoir souffert toute la matinée, je peux enfin souffler et me fier aux nombreux panneaux pour suivre sagement le chemin. Il arrive dans un Colorado miniature !

Alors vision due à la fatigue, imagination débordante ou effets de la lumière selon le temps, l'ensoleillement à une heure du jour bien particulière ? Je m'empresse de prendre une photo, puis une deuxième en rapproché. Mais au moment où je vérifie les photos sur le petit écran de mon numérique, ce dernier a l'air de foirer au niveau de la pixellisation et comme je l'ai depuis peu de temps, je n'en connais pas tous les réglages à mettre en œuvre pour réparer ce mauvais fonctionnement. Mais au fait, pourquoi se met-il soudain à " déconner " ici, devant cette sculpture étonnante ? Me jetterait-il un sort ce mauvais génie ?

Je m'empresse de regarder les photos antérieures. Non, plusieurs photos présentent les mêmes symptômes depuis hier apparemment et peu après mon départ de Prats-de-Mollo. Alors mon numérique a-t-il souffert de mes péripéties dans la forêt du Miracle ou bien l'ai-je mouillé sans m'en apercevoir ? Je suis un peu dégoûté, je l'avoue, mais je vais faire avec, car les mauvaises photos ne sont pas systématiques non plus et je me dis que je pourrais peut-être les corriger avec un logiciel de retouche. Comme je suis un peu perturbé par cet incident qui m'agace, et peut-être aussi par cette fabuleuse figure surnaturelle que je viens de voir, du coup, je finis par en oublier cette deuxième tour que l'on appelle la médiane. Au lieu d'y monter, je passe dessous et j'ai juste le temps de la prendre en photo, et cette photo-là, semble bonne. Je me dis que ce petit écart d'itinéraire n'est pas bien grave. En effet, je connais déjà cette tour, avec ses murs de 5 mètres de large, elle a, paraît-il, servie de prison et est plus ancienne d'un siècle (XIIIeme) que la précédente. Mais surtout, je suis sur une sente, difficile certes, mais bien balisée en jaune. Dans un court dédale de rochers et de petits chênes, la sente finit par remonter vers la troisième tour construite à l'extrême limite de la crête rocheuse. On l'appelle tour, mais en réalité, il s'agit des ruines d'un vieux château du XIeme, dont il ne reste qu'une infime partie de la voûte de l'antique donjon et quelques murailles qui dominent le Pla de Castell et son écrin de verdure. Tranquille cette fois, je m'arrête là pour finir mon déjeuner que quelques nigauds avaient interrompus. Il est 13 heures et après avoir remonté le temps en longeant cette crête, il me faut maintenant la redescendre de l'autre côté et c'est loin d'être une sinécure. Abrupte et glissante plus qu'il ne faudrait, je descends le plus souvent en m'accrochant aux arbres quand ce n'est pas sur le cul. Ici, comme je l'ai déjà fait dans les gros pierriers de Serre-Vernet, je redouble d'attention pour éviter une chute qui pourrait avoir des conséquences dramatiques. Je mets 25 minutes pour atteindre le plat et un petit panonceau où je retrouve le GRP Tour du Vallespir. Je suis surpris de trouver ici ce panonceau mais en consultant les copies du topo-guide, je constate soudain que Véron inscrivait les Tours de Cabrens comme une alternative aux autres chemins. Panonceau ô combien encourageant, car il est inscrit : " Falgos " et c'est bien par là-bas que je dois aller. Je longe les ruines d'une vieille ferme encombrée par les lierres et envahie d'une foisonnante végétation. Ici aussi, les papillons sont nombreux et fantaisistes dans leurs circonvolutions et quand j'arrive au joli carrefour du Pla de Castell, je constate avec bonheur que mon GPS a retrouvé le tracé enregistré. Ce bonheur s'ajoute à celui d'apercevoir le panneau : " Pla de la Muga ". Je file à main gauche par la large piste que je quitte immédiatement, toujours à gauche, à un nouveau panneau : " Tour du Vallespir-Coustouges ". Je ne me rends pas à Coustouges car à ma connaissance il n'existe plus aucune possibilité ni de couchage ni de ravitaillement, mais le véritable Tour du Vallespir passe par ce village frontalier dont les Romains avaient déjà fait de ce lieu, un passage obligé vers ce qu'ils appelaient Hispania, c'est-à-dire l'Espagne. Cette voie, c'était la Via Vallespirani, ancêtre très proche du chemin que j'emprunte aujourd'hui et qui allait au Col d'Ares.

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Après le Pla de Castell, j'arrive au Pla de la Muga dans cet étrange " Colorado miniature " où les couleurs des roches et des sables vont du rouge ocre au rouge bordeaux. Mais c'est quoi au juste ces roches ?

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Pas toujours évident à suivre, le chemin circule au milieu de ces roches rouges et atterrit en Espagne devant cette stèle où il est écrit : " Ici née la Muga ". La Muga est une rivière qui se jette dans le golfe de Roses. Pourtant ici tout est sec et rien de laisse à penser qu'il y a la source d'un fleuve de 65 kilomètres de long !

L'étroite sente se faufile dans un petit bois de pins et débouche sur d'étranges et magnifiques dunes de sables rouges. Ici on voit parfaitement ce travail d'érosion que le vent et surtout l'eau ont façonné sur cette terre qui va de l'ocre rouge au rouge bordeaux. Dunes et vagues de sable que l'on croirait mouvantes mais aussi petites pierres dures et gros rochers érodés ressemblant à des scories ou à d'étranges bombes volcaniques. Alors c'est quoi, ces bizarres formations géologiques rouges que l'on trouve par ici ? Les dépôts des éruptions des proches volcans de la Garrotxa ? Grâce à de petits cairns, je déambule et grimpe dans ce Colorado miniature. Mais entre le chemin à prendre et l'ornière centrale et principale, l'écart est très étroit pour monter au Pla de la Muga. Je finis par m'éloigner du tracé du GPS et me retrouve devant une stèle où il est marqué en catalan : " Ici né la Muga 1216,49 m - Fête de l'Albera Viva 9-6-1996 " et où s'ajoutent les noms d'une douzaine de villages français et espagnols des alentours. Mais je suis surpris car ici tout est sec aujourd'hui et aucune source ne jaillit. Pourtant je crois savoir que la Muga est longue puisqu'elle s'écoule le long de la frontière, puis dans l'Emporda pour finir sa course dans le golfe de Roses du côté d'Empuriabrava. (Renseignements pris sur Internet à mon retour, la rivière Muga est longue de 65 kilomètres et pour un fleuve dont la source semble asséchée en été, je trouve que c'est plutôt pas mal !) J'observe ma carte IGN pour regarder où je suis exactement et retrouver le sentier. Je n'ai jamais été aussi prêt de la frontière, puisque si j'en crois la carte, je l'ai même franchie devant cette stèle. Mais si la Muga se jette dans le golfe de Roses, moi, il me faut partir sans traîner vers un autre golf, celui à 18 trous du domaine de Falgos.

Je retrouve le sentier dans les pins tout proches. Il se poursuit rectiligne vers le nord sur un chemin de sable blanc au milieu d'une lumineuse hêtraie et de quelques châtaigniers. Puis, soudain ce sentier se transforme en une large piste ensoleillée et colorée qui fait un angle droit, part plein sud et serpente au milieu des petits feuillus et des bruyères roses. J'apprécie ces chemins sableux et souples où je peux rattraper les atermoiements de mes flâneries et de mes divagations. Animés de papillons multicolores et de sauterelles aux ailes bleutées, ornés et parfumés de milles fleurs, colorés par les mauves véroniques, les bruyères roses et les baies rouges des sorbiers des oiseaux qui me font une haie, ce chemin qui ne fait que descendre est une vraie " autoroute du soleil " pour mes jambes fatiguées. Alors est-ce la fatigue, la précipitation ou bien mon insouciance, mais une fois encore, je me trompe pour filer droit vers le pic de la Massanes (1.114 m). Et quand je regarde mon GPS puis ma carte, une fois encore j'ai parcouru quelques centaines de mètres pour rien. Je suis allé tout droit au lieu de poursuivre la piste à gauche qui descend vers Falgos. Heureusement, je n'ai fait que trois cent ou quatre cent mètres et faire demi-tour n'est pas bien grave.

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Après cette brève incursion en Espagne, j'ai retrouvé le Tour du Vallespir et un agréable sentier qui doit m'amener à Saint-Laurent-de-Cerdans

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Ce chemin coloré de mauves véroniques, de bruyères roses et par les baies rouges des sorbiers des oiseaux est animé de papillons multicolores. Pour mes jambes fatiguées, c'est une vraie " autoroute du soleil ". Parfois, je marche aussi en sous-bois et je finis par arriver au golf de Falgos.

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La lassitude plus une déprimante route goudronnée, une fois encore tout devient une excuse à des arrêts photos, de jolis papillons, les " écailles chinées " surtout. Après 7 kms, j'enjambe le ruisseau de Coustouges et entre dans Saint-Laurent. Mais je n'en ai pas fini, il reste encore plus d'1,5 km à parcourir pour arriver à la Maison Noëll !

Mais je me dis aussi qu'il faut que je redouble d'attention car l'étape est suffisamment longue sans que j'en rajoute inutilement. Il est 15 heures passé, et comme j'ai un petit creux à l'estomac, je profite de cette étourderie, de la tranquillité du lieu et de l'herbe tendre du chemin pour finir mon panier repas très copieux aujourd'hui. Après cet en-cas, je repars toujours au même rythme ma descente vers Falgos au travers d'une hêtraie, des pinèdes et de hautes haies de genêts. Mais quand j'aboutis sur la route qui monte au Domaine de Falgos et descend vers Saint-Laurent de Cerdans, il n'est pas encore 16 heures et mes pensées sont prises en tenaille entre deux sentiments : d'un côté, je suis heureux d'être arrivé là, à quelques kilomètres de l'arrivée car je sais que j'en ai fini avec les hauteurs pour aujourd'hui, et de l'autre, je suis sous le coup d'une grosse désillusion car je pensai trouver un joli sentier fleuri pour rejoindre Saint-Laurent et je ne trouve qu'une route goudronnée qui serpente au milieu des schistes. Et quand je regarde ma carte IGN, cette route qui doit m'amener dans le centre historique de Saint-Laurent de Cerdans, je l'estime à environ 7 à 8 kilomètres. Ma déception est d'autant plus grande que c'est par obligation que je dois rejoindre cette ville, car à l'origine le vrai Tour du Vallespir passait par Coustouges. Mais depuis quelques années, il n'y a plus de possibilité de couchage et quand j'ai organisé mon parcours, je n'ai rien trouvé à Coustouges, ni refuge, ni gîte, ni chambres d'hôtes, ni hôtel. C'est donc par résignation que je me suis rabattu sur Saint-Laurent-de-Cerdans car le Tour du Vallespir y passe à quelques kilomètres au pied du Mont Capell (1.194 m).

Alors, avec encore tous ces kilomètres à parcourir, autant dire que ma journée est loin d'être finie !

Comme je le fais souvent en pareil cas, je prends un train de sénateur et tout devient une excuse à faire des photos. Mais ici, il n'y a pas grand-chose à photographier, pas de vastes panoramas, ni de beaux paysages, ni d'amples forêts ou de vertes prairies, mais qu'une triste et tortueuse route de bitume gris encastrée dans la roche. Alors, une fois encore je me rabats sur ces " malheureux " papillons. Mais ici, il y a une chose très étrange : les papillons sont magnifiques mais il y en a pratiquement qu'une seule variété et ce sont les reconnaissables " Ecailles chinées ou Callimorphe ". On peut les confondre avec les " Ecailles martres " qui sont ressemblantes bien que leurs zébrures noires et blanches ne soient pas tout à fait identiques. Je prends bien quelques exemplaires de ces étonnants papillons en photo avec leur ailes contrastées pour moitié oranges et pour moitié zébrées lorsqu'elles sont ouvertes, mais comme il y en a des milliers au bord de la route sur les épilobes, les chardons, les véroniques en épi, les fleurs d'origan et même les fleurs d'orties, j'en ai vite fait le tour. Mais si ces papillons ont la particularité de marauder aussi bien le jour que la nuit, il ne faut pas que je fasse pareil, car si je continue à vadrouiller de la sorte c'est bien à la nuit tombante que je vais arriver.

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Avec cette hilarante station météo du Wendland, les Laurentins prouvent qu'ils ont de l'humour !

17 h, j'arrive sur un pont où coule une rivière, à l'intersection de plusieurs routes. Il y en a une qui va à Coustouges, une autre à Vilaroja et celle que je dois emprunter vers Saint-Laurent. Dix minutes plus tard, j'entre dans le joli bourg où je m'arrête quelques instants sur un banc pour manger et me désaltérer un peu car j'avoue en avoir marre de cette route goudronnée. A quelques mètres du banc, il y a un trépied où est accrochée une chaîne, et au bout de la chaîne, un gros pavé est suspendu.

Intrigué, je m'approche et je prends en photo cette hilarante station météo du Wendland. Aussi, en traversant la Quera et entrant dans la ville, je me dis : " C'est bien, au moins ici les habitants ont de l'humour ! ". Et c'est vrai que les gens m'ont l'air bien sympathiques. Ici, tout le monde me salue, les passants, les retraités qui jardinent, les badauds, les hommes, les femmes, les jeunes, les vieux. Et quand, je demande mon chemin pour trouver la rue de la Sort, on se met en quatre pour m'expliquer. Du coup, hormis l'effort d'y grimper car la pente est rude, je n'ai aucun problème pour trouver la Rue de la Poste et l'église paroissiale que l'on m'a gentiment indiquées comme repères. Je suis même surpris par tant de prévenance car cherchant encore mon chemin et la Rue de la Sort, un jeune homme brun très sympathique s'approche et me demande :

-Vous avez l'air perdu, je peux vous aider ?

-Oui, je cherche à me rendre au numéro 4 de la rue de la Sort, chez Monsieur Mario Lopes.

-Je suis Monsieur Lopes, suivez-moi, je vais vous y accompagner.

-Je suis Gilbert Jullien. Enchanté Monsieur Lopes, mais vous alliez dans l'autre sens !

-Oui, j'allais chercher mon enfant à la garderie.

-Alors, ne vous dérangez pas, je vais vous attendre ici.

-Non, écoutez ma femme est à la maison et c'est simple pour y aller. Prenez tout droit, puis tournez à gauche dans la première petite ruelle. C'est la rue de la Sort. Mais au lieu de sonner au numéro 4, allez au numéro 6.

-Merci, c'est compris, j'y vais de ce pas.

-A tout à l'heure.

-A tout à l'heure.

Le jeune homme repart et une minute après, je suis dans une étroite venelle, devant la petite porte d'une haute maison de village. Une jeune femme très gaie m'ouvre. Je me présente. Isabelle, me dit-elle, avant de me faire très spontanément la bise. Nous montons quelques escaliers qui débouchent sur une grande salle à manger. La demeure me paraît immense, mais elle est surtout magnifique et je ne me prive pas de le lui dire. Avec la volubilité qui semble la caractériser et son agréable accent portugais chantant, Isabelle se met à m'expliquer en détail les origines de cette splendide maison de maître : Elle s'appelle Damia Noëll et fût construite en 1606 et habitée pendant plusieurs siècles par une richissime famille de bourgeois qui s'appelait Noëll. Le premier occupant s'appelait Damia d'où le nom de la maison d'hôtes désormais. (Pour la petite histoire, j'appris sur Internet que ce Damia avait combattu aux côtés de Josep de la Trinxeria et est resté dans l'Histoire de la Catalogne comme un farouche opposant au Traité des Pyrénées et à l'instauration de la gabelle en Vallespir.) Il y a quelques années, les héritiers de la famille Noëll ont décidé de vendre la maison après le décès d'une de leurs grand-mères qui avait vécue dans cette grande bâtisse pendant de longues années et qui ne l'avait plus réellement entretenue. Isabelle et Mario la rachetèrent pour en faire une table et des chambres d'hôtes car ils avaient, depuis longtemps, l'ardent désir de se lancer dans cette activité. Et, quand Isabelle m'amène sur la terrasse extérieure construite en grosses pierres de taille, je reste complètement émerveillé par ce côté-là de la maison. Autant la façade côté ruelle est modeste et ne paye pas de mine, autant ce côté-là est remarquable, avec cette terrasse qui domine une partie du village, la rivière Saint-Laurent, de grands jardins en espaliers et qui est face aux collines et au Mont Capell.

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Quelques photos de Saint-Laurent-de-Cerdans au moment où j'arrive dans le village. J'enjambe la rivière Quera, et j'entre dans un village qui respire la fête.

Mais avec mon sac à dos sur les épaules et mon bâton et mon bob encore à la main, je crois qu'Isabelle a dû se rendre compte que j'étais impatient de rejoindre ma chambre. Oh non, Isabelle ne m'ennuyait pas avec ces vieilles histoires de la famille Noëll, bien au contraire, mais la lassitude devait se lire sur mon visage tiré ! Elle semble confuse mais je l'en excuse car j'ai parfaitement vu qu'elle vivait avec passion cette antique maison et le fait de contribuer à l'embellir et à vouloir la faire revivre. Mais, elle a compris aussi que j'étais fatigué et c'est tout à son honneur. Par d'immenses escaliers en bois vernis, elle m'accompagne à l'étage supérieur où se trouve ma chambre. Une chambre magnifique avec un vrai grand lit, avec des draps tout blancs, recouvert d'un admirable couvre-lit brodé et de vrais oreillers. En y entrant, je ne peux m'empêcher de me dire que cette chambre me change de tout ce que j'ai pu connaître sur ce Tour du Vallespir. En 3 jours, je suis passé de la simple paillasse de Saint-Guillem avec lézard, souris et poussière à volonté à une chambre " princière ". Mais dans une longue randonnée comme celle-là, c'est bien toutes ces petites choses diverses et variées qui créent l'aventure et tout naturellement, je prends plaisir à ces diversités.

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Une vue aérienne du village puis la ruelle avant d'arriver à la Maison Noëll. Un instant de détente dans la merveilleuse chambre que l'on m'a allouée. De superbes panoramas sur le Mont Capell et les " serrats " que j'aperçois depuis la magnifique terrasse ou depuis ma fenêtre.

Après une bienfaisante douche dans une vraie cabine avec des robinets mitigeurs comme à la maison, j'ai aspiré à un petit peu de repos que j'ai une fois encore rempli avec " Dalva ". Mais, je sais que l'on m'attend pour un apéritif de bienvenu à 19 heures tapantes. Je connais le principe de la chambre d'hôtes où tous les convives se retrouvent pour des repas en commun et à une table unique, parfois en présence des propriétaires. Dans le canapé du salon, Mario me présente d'abord sa petite famille. Avec beaucoup de simplicité, tout le monde me fait la bise. Avec la même passion qu'Isabelle, Mario m'explique comment il en est venu à acheter cette maison de maître et la conversation va bon train sur l'histoire des Noëll. Il me parle surtout d'Abdon, le seigneur de Vilaro, âme de la Résistance du Vallespir au temps de la Révolution Française qui fût le plus connu de tous. Nous en sommes là, quand un autre client nous rejoint, venu de Bretagne et passionné de VTT. Alors nous partons nous installer sur la belle terrasse, nous buvons une bière, puis les bavardages s'animent. Mario nous offre un excellent muscat et d'autres convives nous rejoignent. Il s'agit de tchèques. Un couple plutôt timide qui passe leurs vacances dans la région. Ils arrivent tout droit de Bruxelles où ils travaillent au Parlement Européen. Ils parlent très bien le français, en tout cas beaucoup mieux qu'ils ont l'air de le penser et surtout bien mieux que nous pouvons parler le tchèque tous autant que nous sommes ! L'heure du souper arrive et nous partons tous nous installer à la grande table de la salle à manger. Trop occupés en cuisine à préparer les excellents plats que nous devons manger, Isabelle et Mario ne soupent pas avec nous. Mais si nous regrettons leur absence à table, nous n'avons pas à regretter leur présence derrière les fourneaux car ce repas est en tous points remarquable : une craquante salade de chèvre chaud, un gros " galet " grillé, poisson de Méditerranée et un savoureux et copieux " pijama espagnol ", dessert fait d'un flan à l'œuf, d'une boule de glace à la vanille accompagnée d'une demi pèche et d'une demi poire au sirop, le tout agrémenté d'une sauce au chocolat. Entre deux plats, la sympathique Isabelle nous rejoint et viens s'enquérir de l'intérêt que nous portons à ses plats, Mario, lui, est le plus souvent près de nous a harmoniser les débats, et de ce fait, leurs absences au repas n'ont aucune conséquence sur la qualité de nos conversations qui sont agréables et chaleureuses. Chacun se met à raconter à tour de rôle, comment il vit sa passion. Le jeune breton, c'est le VTT qu'il chevauche à sillonner le Vallespir depuis quelques jours. Les tchèques plus passionnées par les visites des musées et le patrimoine roussillonnais parlent avec ferveur du Musée d'Art Moderne de Céret. Et moi, je parle bien sûr des randonnées et de ce Tour du Vallespir que je suis entrain d'accomplir. Cette soirée est une des plus agréables que j'ai passé depuis fort longtemps et quand, nous partons nous coucher, nous avons tous l'air heureux. Nous nous séparons un peu à regrets, et surtout par respect vis-à-vis d'Isabelle et Mario. Nous quittons tous Saint-Laurent-de-Cerdans dès demain matin, mais pour nos hôtes, de nouveaux clients arrivent et comme beaucoup de choses sont à prévoir, ils vont devoir se lever tôt. Une fois encore malgré une évidente lassitude, je ne peux pas m'endormir immédiatement. Cette amicale veillée entre copains d'un jour dans un cadre reposant à souhait m'a fait prendre conscience des difficiles conditions dans lesquelles j'ai vécues depuis cinq jours. Si la solitude de ces derniers jours ne m'a pas véritablement pesée, rencontrer d'autres gens, dialoguer avec eux, partager leur passion et la mienne ont été des instants de vrai bonheur. Je suis assez lucide pour savoir que ce séjour passé ici restera comme un des moments forts de mon aventure. A la veille de terminer mon périple, je m'aperçois que l'âpreté de ces hauteurs, elles ont été merveilleusement matérielles et physiques, par les montagnes, les crêtes et les collines que j'ai escaladé assez souvent en peinant, mais que j'ai, comme toujours, découvert avec ravissement une fois les sommets atteints. Mais en y regardant de plus près, ces hauteurs ont été âpres psychiquement par la solitude que j'ai vécue, les souffrances que j'ai endurées et les réflexions qu'elles ont suscitées en moi. Mais est-ce fini ? Non, il reste encore l'étape de demain ! Mais en partant faire cette randonnée, n'étais-je pas prévenu que ce Tour du Vallespir m'amènerait vers des sommets de bonheurs insoupçonnés mais parfois aussi " sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

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L'église de Saint-Laurent-de-Cerdans

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A la nuit tombante, vue sur le Mont Capell depuis la fenêtre de ma chambre.

 

De Notre-Dame de Coral à la Maison Noëll

 

J'avais quitté la belle, j'avais quitté la Vierge,

Par un souple chemin que longeait le Coral.

Je tenais mon bâton comme l'on tient un cierge,

Notre-Dame s'enfuyait sous un ciel idéal.

 

Un cadre de verdure entourait le hameau,

La Baga Bordellat, on ne peut plus oblongue

Où la claire rivière coulait sous les ormeaux,

Et les Tours de Cabrens veillaient la Serre longue.

 

Quand le village fut loin qu'on appelle Lamanère,

Un portail au milieu barrait tout le chemin,

Un horrible démon me fit perdre mes nerfs

M'obligeant à m'enfuir sans lui tendre la main.

 

Des archanges sur un mur m'indiquèrent la route

Qui montait rudement en direction des tours,

Âprement est le mot sur lequel j'arc-boute,

Loin de moi cette idée de faire demi-tour.

 

Un visage était là sculpté dans la falaise,

Grand seigneur de Cabrens comme était le tyran,

Les deux avaient le don de mettre mal à l'aise,

Les anges, les démons et un vieux vétéran.

 

Mais que l'on soit démon, beau génie ou bien ange,

Et que la peur se tient au creux de l'estomac,

Sur le sort, l'essentiel est d'avoir sa revanche,

Ma première est de voir d'amples panoramas.

 

Rouge était le sentier et ocre était la terre,

A la source asséchée où je perds mon latin,

Saint-Laurent qui attend la fin de mon calvaire,

A la Maison Noëll, près d'un petit fortin.

 

Isabelle, Mario accueillerent la troupe,

Avec leurs cœurs en or et leur sourire en coin,

L'amitié, la chaleur envahit tout le groupe,

Avant que le matin envoie tout ça au loin.

 

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Cliquez sur l'archange et le démon pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms5eme étape : Vendredi 21 août 2009.

Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms

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Soudain, la route bifurque. On prend à gauche. On monte en lacets. Et puis, le long des précipices béants, on file sur Saint-Laurent-de-Cerdans, vers la frontière espagnole. Les bois croulent de tous côtés. La cassure du schiste les arrête net au bord de la route. On n'aperçoit plus rien que ce filet de route grise au milieu d'une mer de verdure ensoleillée. Extrait du recueil " Visages de mon pays". Ludovic Massé (1900-1982) Ecrivain et poète français.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms ARCHANGES ET DEMON :

 

Hier soir, après avoir quitté la fenêtre, je me suis couché et je me suis mis à lire " Dalva ". Mais il me fut très difficile de me concentrer sur la lecture, car en permanence, revenaient, devant mes yeux, les affres de ce petit mulot ballotté par les trois matous. Avant de m'endormir, j'ai pris soin de badigeonner d' " Urticium " mes jambes et mes bras et la lecture finit par me donner ce petit " coup de massue " que les brûlures encore présentes et les pensées aussi sombres que les trois chats empêchaient jusqu'à présent. Dans la nuit, à deux autres reprises, j'ai été obligé de renouveler les applications de crème que j'ai confortées avec les petits granules car de très désagréables picotements m'ont réveillé. 

Il est 7 heures et autant dire que ce n'est pas la grande forme ce matin. Et pourtant, il va bien falloir que je les parcoure ces 26 kilomètres inscrits au programme du jour. Une fois encore, dans ce secteur extrêmement boisé, j'espère que mon " complice " Klaus m'aura laissé un étroit passage. En tous cas, grâce au gérant, je sais que le chemin est praticable au moins jusqu'à Lamanère. Je pars me jeter sous une douche froide. Et comme je n'y pense pas avant, une nouvelle fois l'eau glacée mets le feu à toutes ces petites rougeurs qui pullulent sur ma peau. La plaie au genou suppure de plus en plus et je renouvelle le pansement d'éosine. Malgré le bien que ça pourrait certainement lui faire, j'hésite à laisser la blessure au grand air car j'ai la crainte de me griffer ou de me cogner au cours de l'étape. Il est 7h30, et une fois encore, je me retrouve tout seul dans la Bergerie avec cet insupportable rongeur empaillé qui me dévisage. 7h30, c'est l'heure décidée, hier soir, d'un commun accord avec le jeune gérant. Hormis le café au lait, tout est prêt sur la table : pain, croissant, beurre, confitures, et comme je ne veux pas partir trop tard pour cette longue étape, j'apprécie d'autant plus cette ponctualité. On m'apporte un broc de lait chaud et un autre de café dans lequel j'arrive à me confectionner deux gros bols de café au lait que je prends néanmoins le temps d'apprécier.

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J'ai quitté Notre-Dame, direction Lamanère, devant moi le boisé Puig de Las Coubines dévoile son aspect pyramidal. Mon appareil-photo commence à dysfonctionner mais je vais le constater que bien plus tard.

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Sur le chemin, un joli oratoire dédié à la Vierge Marie et une date : 1500 !

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J'arrive à Lamanère près de la station d'épuration, par bonheur inodore, et à l'aire de pique-nique. Le temps d'un petit en-cas et je repars dans les ruelles en quête de la bonne direction.

8h15, je viens de récupérer mon panier-repas et harnaché de mon sac, je suis sur le parvis de la jolie chapelle. Sur l'herbe du parc, les matous sont déjà pied d'œuvre, en quête d'un oiseau, d'un campagnol ou d'un autre mulot. Je laisse ces redoutables chasseurs à leur petit déjeuner et repars par le chemin par lequel je suis arrivé hier après-midi. J'arrive à l'intersection qui descend vers Lamanère, et je poursuis la descente. Dix minutes plus tard, par une petite passerelle en bois, je traverse la Bernadeille, mince torrent au modique débit. Ici, surplombant le ruisseau, il y a un très joli oratoire restauré, dédié à la Vierge Marie et une étonnante date inscrite : 1500 ! L'essentiel de ma marche s'effectue dans de sombres sous-bois qui dominent sur ma gauche le ravin du Coral. Mais, de temps en temps, une fenêtre s'ouvre sur le mont à la fois rocailleux et boisé du Puig de Las Coubines (1.253 m). Toujours presque en descente, le sentier se rapproche peu à peu de la ravine, puis à l'approche de Lamanère, il fait un angle droit et je chemine en balcon au dessus du torrent de la Lamanère. Le petit village le plus méridional de l'hexagone est là, de l'autre côté du torrent, avec pour magnifique toile de fond, la verdoyante et oblongue montagne de la Baga de Bordellat. Le sentier débouche sur une piste qui descend vers la rivière et vers ce que je crois être un petit étang mais qui s'avère être en réalité un bassin de décantation de la station d'épuration du village.

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J'ai trouvé la Carrer de la Font de Dalt, (en français, la rue de la Fontaine d'en Haut), cette étroite ruelle cimentée qui s'élève me remet dans le droit chemin.

Il est 9h30, à côté du bassin de décantation, il y a une agréable aire de pique-nique bien propre et surtout aucune odeur nauséabonde alors je m'installe pour manger quelques fruits secs avant de repartir vers le village. Dans les petites ruelles, je ne trouve pas immédiatement le chemin qui monte vers les " Tours de Cabrens " où plutôt vers les Estanouses, petit lieu-dit qui selon ma carte IGN se situe sur le Tour du Vallespir. Pourtant, combien de fois y suis-je monter à ces immanquables tours ? Je sors mon GPS car les quelques personnes, qui me regardent passer, repasser, puis passer à nouveau, et qui discutent au beau milieu de la rue, n'ont pas l'air disposés à me venir en aide. La voilà, elle est enfin là, la petite venelle, cette " carrer ", comme ils disent ici. Comment ai-je pu la louper, cette Carrer de la Font de Dalt (fontaine du haut) montant vers les tours, avec ce balisage bien présent et les nombreux panneaux indicatifs accrochés à ce mur ? Sans doute étais-je distrait par le lumineux hameau dans son cadre d'émeraude et sa jolie rivière qui y coule au milieu ! Il est 10 heures quand je m'éloigne de Lamanère par une allée cimentée qui grimpe hardiment. Premier dénivelé, premières souffrances et premières grandes gorgées d'eau. Je m'arrête à la fois pour reprendre mon souffle et pour admirer les jolies maisons avec leurs vertes pelouses et leurs jardins fleuris. Je m'amuse d'un joli cadre peint dans lequel il est écrit : " attention au chat ". Je souris car je suppose que ce cadre aurais mieux trouvé sa place dans le parc de Notre-Dame du Coral, ainsi, les petits mulots auraient pu le lire !

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Je laisse Lamanère, son décor verdoyant, ses jolies maisons aux jardins fleuris par une sente bien balisée où virevoltent des papillons multicolores. Les Tours de Cabrens apparaissent très hautes au détour du chemin mais qu'importe puisque je vais au hameau des Estanouses qui lui est situé dessous beaucoup plus bas !

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En montant, j'aperçois les Estanouses, ce minuscule hameau par lequel le Tour du Vallespir devrait normalement passer si j'en crois ma carte IGN, mais désormais c'est un domaine privé gardait par des archanges et deux dobermans. Mais il y a aussi "un démon" qui va me faire monter par les Tours de Cabrens, ces tours minuscules que j'aperçois tout là-haut !

Je rentre dans un petit bois de chênes, coupe une première piste. Le balisage jaune et rouge du Tour du Vallespir est bien présent et une petite pancarte en ardoise me conforte sur la direction à suivre : " Tours de Cabrens-Pla Castell-Estanouses ". La pente s'accentue, j'entre dans un deuxième bois. A sa sortie, je traverse aussitôt une autre piste. Bien qu'encore très éloignées, deux des trois Tours de Cabrens sont parfaitement visibles au sommet de la haute colline. Mais je ne m'en inquiète pas car de toute manière, je sais que je n'aurais pas y monter. Un autre panneau est là maintenant, au bord d'un sentier terreux : " Les Torres Cabrenç ". J'ai retrouvé une foulée et une respiration régulière, malgré la pente qui s'est amplifiée très sérieusement. Le sentier terreux se termine d'abord par un bois de petits feuillus puis dans des prés de hautes fougères. Ici, les bas-côtés très fleuris du chemin sont des terrains propices à bons nombres d'insectes mais surtout aux abeilles et aux papillons. Des papillons, je n'en ai jamais vu autant depuis mon départ, même sur la piste du Col de Formentere où pourtant il y en avait déjà beaucoup qui tournaient autour de moi. Au fil de mes randonnées et en les photographiant, j'ai appris à les reconnaître : Piérides, Argus, Vulcains, Tabacs d'Espagne, Petites Tortues, Nacrés, Théclas, Ecailles martrées, Apollons, Citrons, à chacun de mes pas c'est un cortège de papillons multicolores qui s'élèvent. Il y en a tellement dans les prés, dans les haies et sur le chemin que parfois quant ils s'envolent, autour de moi ça ressemble à ces milliers de confettis colorés ou à ces petits papiers brillants que l'on jette lors de grandes manifestations. Je rejoins une autre piste plane qui, selon mon GPS doit me faire passer devant le lieu-dit les " Estanouses ". Je m'avance, pas de problème le GPS me situe sur le tracé. Je fait quelques dizaines de mètres et là, je me retrouve devant une clôture où trônent de jolies statuettes d'archanges et de colombes aux ailes déployées et un grand portail ouvert : " Domaine des Estanouses ". Collé sur un pilier, il y a bien un petit cadre avec un chien dessiné, style Doberman mais rien qui annonce une éventuelle méchanceté ni la raison d'être craintif. Et quand je m'approche, bien au contraire, il y a sur la gauche, une caméra avec ces quelques mots amusants : " Souriez, vous êtes filmés ! ". Je reste planté là, indécis quant à la conduite que je dois tenir. D'un côté, j'ai une peur bleue des Dobermans avec un affreux souvenir d'enfance d'une folle course poursuite entre un énorme molosse de cette race et moi perché sur un Solex. De cette " chevauchée fantastique ", j'avais réussi à en sortir sain et sauf, grâce au propriétaire qui, sur un puissant et simple sifflement, avait réussi à stopper net son chien, au moment même où ce dernier était sur le point de me rattraper pour me croquer un mollet. D'un autre côté, je me dis que les propriétaires doivent certainement avoir, à la fois de l'humour avec ce " Souriez, vous êtes filmés ", et une grande amabilité pour exposer ainsi sur leur mur ces chérubins et ces colombes, symboles de douceur et de paix. Je me décide et j'entre, j'ai confiance dans les hommes, un peu moins dans les Dobermans mais après tout, et selon mes cartes, je suis bien sur le GRP Tour du Vallespir et je n'ai pas d'autres solutions que celle-là. Je fais une trentaine de mètres, arrive devant de belles maisons où tout est calme et silencieux. Je m'arrête, troublé par ce silence et m'apprête à poursuivre la piste avec mon GPS à la main, quand tout à coup, en provenance des villas, deux dobermans descendent vers moi en vociférant.

Je reste pétrifié. Voilà que ma triste expérience se renouvelle, mais cette fois ils sont deux, et je n'ai aucune chance car je n'ai pas de Solex pour fuir mais un sac de 18 kilos qui ruine toute éventualité d'escapade. Heureusement une fois encore, je vais m'en sortir, car du haut d'une terrasse, une femme se met à hurler et les chiens s'immobilisent à deux mètres de moi. Ils continuent de grogner, mais comme j'ai de la mémoire, je raccourcis aussitôt mon bâton télescopique et leur tends une main amicale dont je ne sais pas, s'ils vont la dévorer ou la lécher. Entre temps et alors que les " cerbères " se sont calmés, un homme est également sorti sur la terrasse et m'interpelle en criant :

- Que voulez-vous ?

- Je veux aller au Pla de Castell !

- Non, ce n'est plus possible par là, le chemin est fermé depuis quatre ans !

- Mais comment est-il fermé ?

- Vous êtes sur une propriété privée et le chemin n'a plus été défriché !

- Mais par où puis-je y aller ?

- Il faut que vous montiez aux Tours !

Je suis si surpris que je lui pose cette question vraiment idiote :

- Quelles tours ? Celles de Cabrens ?

Et il me répond brutalement :

- Vous en connaissez d'autres ici ?

Et il ajoute :

-Il y a un chemin qui passe juste en dessous des tours !

Je crois qu'à cette idée d'avoir à escalader les Tours de Cabrens, je suis encore plus terrifié que j'ai pu l'être devant les Dobermans. Je les connais trop bien ces tours à signaux de Cabrens pour y être monté à quelques reprises mais jamais avec un sac à doc de 18 kilos ! Un gros dénivelé sur une distance très courte et jamais un replat pour souffler. Comme si cette étape n'était pas suffisamment longue ! Je ne bouge plus. Je suis groggy et je regarde bouche bée cet homme qui vient de me donner un véritable coup de gourdin sur la tête. Et tout en le regardant, je ne sais pas pourquoi, j'ai un mal fou à le croire. Pourquoi, ce chemin n'aurait-il pas été débroussaillé ? D'accord, il est chez lui, mais ne préfère-t-il pas empêcher tout passage de randonneurs sur son domaine ? Je continue à le regarder et je me dis que je me suis bien trompé sur son compte : " Il vous reçoit avec des anges mais en réalité, lui c'est un vrai démon ! ". Lui m'observe aussi et semble s'interroger sur la conduite que je vais adopter. Mais il a le beau rôle avec ses deux chiens de garde qui maintenant se sont couchés à mes pieds. Alors ai-je le choix ? Même si je ne lui montre pas, je repars furieux tout en marmonnant : " Voilà ça m'apprendra à avoir trop confiance dans les hommes ! "

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Après avoir terriblement souffert dans la montée vers le Tours de Cabrens, j'arrive à la première. Elle date du XIVeme siècle. D'ici, malgré quelques nuages, j'ai des vues splendides sur une grande partie du chemin parcouru. Je décide de déjeuner mais des énergumènes exagérément bruyants vont me faire fuir. Au bord la falaise, j'aperçois un autre démon ! Il est très beau !

Et c'est vrai, peut-être je crois trop en l'homme et pas suffisamment dans les Dobermans. Après tout, ils sont très gentils ces chiens-là quand ils sont bien dressés ! Sur la piste, je retrouve un autre panneau " Torrés de Cabrenç " et un petit sentier que je poursuis mais il s'agit d'un simple raccourci qui m'emmène sur une autre piste un peu plus haut. Il est 11 heures, l'heure a tourné et aujourd'hui, j'ai le sentiment de ne pas avoir beaucoup avancé. Mais bon, d'un autre côté, je ne suis pas en super forme et je me dis qu'il n'est pas utile que je me " brûle " en me dépêchant inutilement. Aussi, je continue de monter à mon rythme qui, je l'avoue, n'est pas bien rapide aujourd'hui. Je coupe un maigre ruisseau, la piste se termine et devient sentier à l'entrée d'un sous-bois. La déclivité s'intensifie mais une tour se rapproche. Je raccourcis mon bâton que je plante plus fermement pour me hisser sans avoir à faire trop d'efforts avec mes jambes. Mais c'est peine perdue, car le poids du sac qui m'entraîne en arrière contrebalance cette vaine manœuvre. Heureusement, j'ai dans ma poche et à portée de main, mon petit tube de " dope ". Habituellement, et cela depuis mon départ, un sachet de gel énergétique me fait amplement la journée mais aujourd'hui j'en ai quelque peu abusé et c'est sûr, cette fois il ne terminera pas cette étape. A la fin du sous-bois, une nouvelle piste apparaît. Je regarde mon GPS plus par curiosité que par nécessité, car ici je n'ai plus de tracé. Entre mon entrée et ma sortie de ce petit sous-bois, j'ai fait quoi ? 200 mètres, 250 mètres, mais l'altitude, elle a progressé de 63 mètres. Je comprends mieux mon essoufflement. Une vingtaine de mètres plus loin, dans la courbe d'un virage, un balisage me renvoie dans les bois par une pente escarpée. Je regarde ma carte IGN et constate qu'il s'agit d'un raide raccourci qui monte à la première tour. Je l'ignore et poursuit par la piste encore une fois plus " roulante " comme disent les cyclistes. Un homme est entrain de redescendre, lui en direction de Serralongue. Nous bavardons un peu, de tout et de rien mais surtout de mon Tour du Vallespir dont il semble dire que c'est pure folie que je le fasse seul. En disant cela, il fait certainement allusion à mon âge et sans doute a-t-il en partie raison. Aussi, je ne le contrarie pas mais je fais mien ce proverbe : " Un fou qui marche va plus loin qu'un sage qui reste assis ". Mais la bible ne dit-elle pas aussi : " La voie qu'emprunte le fou est droite à ses yeux, mais il est sage d'écouter les conseils ". Alors un partout et la balle au centre. Je continue la piste et je finis par arriver devant la première des tours. Ancienne tour à signaux qui date vraisemblablement du XIVeme siècle, elle servait à communiquer avec d'autres tours ou bien avec des châteaux ou des forteresses du Vallespir et du Roussillon. Elle a magnifiquement été restaurée. Il est midi et je m'installe à une table de l'aire de pique-nique aménagée devant la tour. D'autres randonneurs sont déjà là, installés et calmes mais d'autres arrivent et tournent autour de moi comme de bruyants frelons en quête d'un emplacement idéal, qu'apparemment ils n'arrivent pas à trouver. Gesticulant, criant et braillant même, ils semblent se moquer éperdument de tout ce qui les entoure. J'arrête là mon pique-nique pour m'éloigner de ces énergumènes excités mais surtout irrespectueux vis-à-vis des autres et de la quiétude qu'en général on vient chercher dans un tel lieu. Je pars d'abord derrière la tour puis longe le bord de la haute falaise en direction de la deuxième. Sur ma gauche, un panorama superbe me laisse entrevoir une toute petite portion du chemin parcouru aujourd'hui, mais droit devant moi, j'ai une ample et admirable vision des hauteurs que j'ai gambadées depuis Formentere. Avec les jumelles, j'essaie de retrouver plus précisément les endroits et les crêtes où j'ai pu marcher les jours précédents. Mais dans cet horizon lointain et légèrement voilé par quelques nuages blancs, retrouver ces contrées n'est pas si évident. Mais, j'aperçois néanmoins le refuge blanc de Batère, le dôme aplati et reconnaissable du pic de la Souque et je devine les vertes prairies des cols de l'Estagnol et de Serre-Vernet. Après ce bref intermède, je continue à longer la falaise et suis maintenant en surplomb de la maison du " démon " : Les Estanouses sont là à mes pieds, vaste et magnifique domaine avec piscine. J'observe la piste que j'avais commencé à emprunter, elle semble se poursuivre bien après les habitations puis elle s'enfonce dans la forêt où je perds sa trace. J'imagine que je ne saurais jamais comment se termine cette piste. Après tout, le démon n'en est peut-être pas un et mon ressentiment m'a fait perdre la raison ? Mais s'il n'est pas démon, qu'est-il alors ? Un homme serviable qui m'a simplement indiqué un chemin ? Alors archange ou démon ? Mais pour travestir un proverbe bien connu : " chassez le surnaturel, il revient au galop ". Car au moment où je tourne la tête, un nouvel être surnaturel chasse l'autre. Mais celui là est de pierre et je ne vois plus que lui dans la falaise. Une tête parfaite vue de profil et taillée dans cette paroi rocheuse par cette talentueuse " Dame Nature " ou par ce sculpteur fou qu'on appelle l'Univers. Je reste d'abord subjugué par ce visage étrange que j'aperçois à Cabrens pour la première fois alors que j'y suis monté à diverses reprises.

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Je reste complètement subjugué par ce profil presque parfait taillé dans la paroi rocheuse par "Dame Nature " ou par ce sculpteur fou qu'on appelle l'Univers.

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Dans l'ordre d'apparition : la 1ere tour du 14eme siècle puis la 2eme tour du 13eme siècle en surplomb de la falaise et des Estanouses que j'aperçois tout en bas, puis enfin, les ruines du château du 11eme siècle où je vais pouvoir enfin déjeuner en paix avec une vision parfaite sur le Pla de Castell et l'itinéraire parcouru ce matin.

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Au pied des Tours, je trouve un panonceau " Tour du Vallespir " près d'une vieille ferme envahie par les lierres. Le Pla de Castell est peuplé de papillons. Après avoir souffert toute la matinée, je peux enfin souffler et me fier aux nombreux panneaux pour suivre sagement le chemin. Il arrive dans un Colorado miniature !

Alors vision due à la fatigue, imagination débordante ou effets de la lumière selon le temps, l'ensoleillement à une heure du jour bien particulière ? Je m'empresse de prendre une photo, puis une deuxième en rapproché. Mais au moment où je vérifie les photos sur le petit écran de mon numérique, ce dernier a l'air de foirer au niveau de la pixellisation et comme je l'ai depuis peu de temps, je n'en connais pas tous les réglages à mettre en œuvre pour réparer ce mauvais fonctionnement. Mais au fait, pourquoi se met-il soudain à " déconner " ici, devant cette sculpture étonnante ? Me jetterait-il un sort ce mauvais génie ?

Je m'empresse de regarder les photos antérieures. Non, plusieurs photos présentent les mêmes symptômes depuis hier apparemment et peu après mon départ de Prats-de-Mollo. Alors mon numérique a-t-il souffert de mes péripéties dans la forêt du Miracle ou bien l'ai-je mouillé sans m'en apercevoir ? Je suis un peu dégoûté, je l'avoue, mais je vais faire avec, car les mauvaises photos ne sont pas systématiques non plus et je me dis que je pourrais peut-être les corriger avec un logiciel de retouche. Comme je suis un peu perturbé par cet incident qui m'agace, et peut-être aussi par cette fabuleuse figure surnaturelle que je viens de voir, du coup, je finis par en oublier cette deuxième tour que l'on appelle la médiane. Au lieu d'y monter, je passe dessous et j'ai juste le temps de la prendre en photo, et cette photo-là, semble bonne. Je me dis que ce petit écart d'itinéraire n'est pas bien grave. En effet, je connais déjà cette tour, avec ses murs de 5 mètres de large, elle a, paraît-il, servie de prison et est plus ancienne d'un siècle (XIIIeme) que la précédente. Mais surtout, je suis sur une sente, difficile certes, mais bien balisée en jaune. Dans un court dédale de rochers et de petits chênes, la sente finit par remonter vers la troisième tour construite à l'extrême limite de la crête rocheuse. On l'appelle tour, mais en réalité, il s'agit des ruines d'un vieux château du XIeme, dont il ne reste qu'une infime partie de la voûte de l'antique donjon et quelques murailles qui dominent le Pla de Castell et son écrin de verdure. Tranquille cette fois, je m'arrête là pour finir mon déjeuner que quelques nigauds avaient interrompus. Il est 13 heures et après avoir remonté le temps en longeant cette crête, il me faut maintenant la redescendre de l'autre côté et c'est loin d'être une sinécure. Abrupte et glissante plus qu'il ne faudrait, je descends le plus souvent en m'accrochant aux arbres quand ce n'est pas sur le cul. Ici, comme je l'ai déjà fait dans les gros pierriers de Serre-Vernet, je redouble d'attention pour éviter une chute qui pourrait avoir des conséquences dramatiques. Je mets 25 minutes pour atteindre le plat et un petit panonceau où je retrouve le GRP Tour du Vallespir. Je suis surpris de trouver ici ce panonceau mais en consultant les copies du topo-guide, je constate soudain que Véron inscrivait les Tours de Cabrens comme une alternative aux autres chemins. Panonceau ô combien encourageant, car il est inscrit : " Falgos " et c'est bien par là-bas que je dois aller. Je longe les ruines d'une vieille ferme encombrée par les lierres et envahie d'une foisonnante végétation. Ici aussi, les papillons sont nombreux et fantaisistes dans leurs circonvolutions et quand j'arrive au joli carrefour du Pla de Castell, je constate avec bonheur que mon GPS a retrouvé le tracé enregistré. Ce bonheur s'ajoute à celui d'apercevoir le panneau : " Pla de la Muga ". Je file à main gauche par la large piste que je quitte immédiatement, toujours à gauche, à un nouveau panneau : " Tour du Vallespir-Coustouges ". Je ne me rends pas à Coustouges car à ma connaissance il n'existe plus aucune possibilité ni de couchage ni de ravitaillement, mais le véritable Tour du Vallespir passe par ce village frontalier dont les Romains avaient déjà fait de ce lieu, un passage obligé vers ce qu'ils appelaient Hispania, c'est-à-dire l'Espagne. Cette voie, c'était la Via Vallespirani, ancêtre très proche du chemin que j'emprunte aujourd'hui et qui allait au Col d'Ares.

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Après le Pla de Castell, j'arrive au Pla de la Muga dans cet étrange " Colorado miniature " où les couleurs des roches et des sables vont du rouge ocre au rouge bordeaux. Mais c'est quoi au juste ces roches ?

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

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Pas toujours évident à suivre, le chemin circule au milieu de ces roches rouges et atterrit en Espagne devant cette stèle où il est écrit : " Ici née la Muga ". La Muga est une rivière qui se jette dans le golfe de Roses. Pourtant ici tout est sec et rien de laisse à penser qu'il y a la source d'un fleuve de 65 kilomètres de long !

L'étroite sente se faufile dans un petit bois de pins et débouche sur d'étranges et magnifiques dunes de sables rouges. Ici on voit parfaitement ce travail d'érosion que le vent et surtout l'eau ont façonné sur cette terre qui va de l'ocre rouge au rouge bordeaux. Dunes et vagues de sable que l'on croirait mouvantes mais aussi petites pierres dures et gros rochers érodés ressemblant à des scories ou à d'étranges bombes volcaniques. Alors c'est quoi, ces bizarres formations géologiques rouges que l'on trouve par ici ? Les dépôts des éruptions des proches volcans de la Garrotxa ? Grâce à de petits cairns, je déambule et grimpe dans ce Colorado miniature. Mais entre le chemin à prendre et l'ornière centrale et principale, l'écart est très étroit pour monter au Pla de la Muga. Je finis par m'éloigner du tracé du GPS et me retrouve devant une stèle où il est marqué en catalan : " Ici né la Muga 1216,49 m - Fête de l'Albera Viva 9-6-1996 " et où s'ajoutent les noms d'une douzaine de villages français et espagnols des alentours. Mais je suis surpris car ici tout est sec aujourd'hui et aucune source ne jaillit. Pourtant je crois savoir que la Muga est longue puisqu'elle s'écoule le long de la frontière, puis dans l'Emporda pour finir sa course dans le golfe de Roses du côté d'Empuriabrava. (Renseignements pris sur Internet à mon retour, la rivière Muga est longue de 65 kilomètres et pour un fleuve dont la source semble asséchée en été, je trouve que c'est plutôt pas mal !) J'observe ma carte IGN pour regarder où je suis exactement et retrouver le sentier. Je n'ai jamais été aussi prêt de la frontière, puisque si j'en crois la carte, je l'ai même franchie devant cette stèle. Mais si la Muga se jette dans le golfe de Roses, moi, il me faut partir sans traîner vers un autre golf, celui à 18 trous du domaine de Falgos.

Je retrouve le sentier dans les pins tout proches. Il se poursuit rectiligne vers le nord sur un chemin de sable blanc au milieu d'une lumineuse hêtraie et de quelques châtaigniers. Puis, soudain ce sentier se transforme en une large piste ensoleillée et colorée qui fait un angle droit, part plein sud et serpente au milieu des petits feuillus et des bruyères roses. J'apprécie ces chemins sableux et souples où je peux rattraper les atermoiements de mes flâneries et de mes divagations. Animés de papillons multicolores et de sauterelles aux ailes bleutées, ornés et parfumés de milles fleurs, colorés par les mauves véroniques, les bruyères roses et les baies rouges des sorbiers des oiseaux qui me font une haie, ce chemin qui ne fait que descendre est une vraie " autoroute du soleil " pour mes jambes fatiguées. Alors est-ce la fatigue, la précipitation ou bien mon insouciance, mais une fois encore, je me trompe pour filer droit vers le pic de la Massanes (1.114 m). Et quand je regarde mon GPS puis ma carte, une fois encore j'ai parcouru quelques centaines de mètres pour rien. Je suis allé tout droit au lieu de poursuivre la piste à gauche qui descend vers Falgos. Heureusement, je n'ai fait que trois cent ou quatre cent mètres et faire demi-tour n'est pas bien grave.

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Après cette brève incursion en Espagne, j'ai retrouvé le Tour du Vallespir et un agréable sentier qui doit m'amener à Saint-Laurent-de-Cerdans

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Ce chemin coloré de mauves véroniques, de bruyères roses et par les baies rouges des sorbiers des oiseaux est animé de papillons multicolores. Pour mes jambes fatiguées, c'est une vraie " autoroute du soleil ". Parfois, je marche aussi en sous-bois et je finis par arriver au golf de Falgos.

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La lassitude plus une déprimante route goudronnée, une fois encore tout devient une excuse à des arrêts photos, de jolis papillons, les " écailles chinées " surtout. Après 7 kms, j'enjambe le ruisseau de Coustouges et entre dans Saint-Laurent. Mais je n'en ai pas fini, il reste encore plus d'1,5 km à parcourir pour arriver à la Maison Noëll !

Mais je me dis aussi qu'il faut que je redouble d'attention car l'étape est suffisamment longue sans que j'en rajoute inutilement. Il est 15 heures passé, et comme j'ai un petit creux à l'estomac, je profite de cette étourderie, de la tranquillité du lieu et de l'herbe tendre du chemin pour finir mon panier repas très copieux aujourd'hui. Après cet en-cas, je repars toujours au même rythme ma descente vers Falgos au travers d'une hêtraie, des pinèdes et de hautes haies de genêts. Mais quand j'aboutis sur la route qui monte au Domaine de Falgos et descend vers Saint-Laurent de Cerdans, il n'est pas encore 16 heures et mes pensées sont prises en tenaille entre deux sentiments : d'un côté, je suis heureux d'être arrivé là, à quelques kilomètres de l'arrivée car je sais que j'en ai fini avec les hauteurs pour aujourd'hui, et de l'autre, je suis sous le coup d'une grosse désillusion car je pensai trouver un joli sentier fleuri pour rejoindre Saint-Laurent et je ne trouve qu'une route goudronnée qui serpente au milieu des schistes. Et quand je regarde ma carte IGN, cette route qui doit m'amener dans le centre historique de Saint-Laurent de Cerdans, je l'estime à environ 7 à 8 kilomètres. Ma déception est d'autant plus grande que c'est par obligation que je dois rejoindre cette ville, car à l'origine le vrai Tour du Vallespir passait par Coustouges. Mais depuis quelques années, il n'y a plus de possibilité de couchage et quand j'ai organisé mon parcours, je n'ai rien trouvé à Coustouges, ni refuge, ni gîte, ni chambres d'hôtes, ni hôtel. C'est donc par résignation que je me suis rabattu sur Saint-Laurent-de-Cerdans car le Tour du Vallespir y passe à quelques kilomètres au pied du Mont Capell (1.194 m).

Alors, avec encore tous ces kilomètres à parcourir, autant dire que ma journée est loin d'être finie !

Comme je le fais souvent en pareil cas, je prends un train de sénateur et tout devient une excuse à faire des photos. Mais ici, il n'y a pas grand-chose à photographier, pas de vastes panoramas, ni de beaux paysages, ni d'amples forêts ou de vertes prairies, mais qu'une triste et tortueuse route de bitume gris encastrée dans la roche. Alors, une fois encore je me rabats sur ces " malheureux " papillons. Mais ici, il y a une chose très étrange : les papillons sont magnifiques mais il y en a pratiquement qu'une seule variété et ce sont les reconnaissables " Ecailles chinées ou Callimorphe ". On peut les confondre avec les " Ecailles martres " qui sont ressemblantes bien que leurs zébrures noires et blanches ne soient pas tout à fait identiques. Je prends bien quelques exemplaires de ces étonnants papillons en photo avec leur ailes contrastées pour moitié oranges et pour moitié zébrées lorsqu'elles sont ouvertes, mais comme il y en a des milliers au bord de la route sur les épilobes, les chardons, les véroniques en épi, les fleurs d'origan et même les fleurs d'orties, j'en ai vite fait le tour. Mais si ces papillons ont la particularité de marauder aussi bien le jour que la nuit, il ne faut pas que je fasse pareil, car si je continue à vadrouiller de la sorte c'est bien à la nuit tombante que je vais arriver.

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Avec cette hilarante station météo du Wendland, les Laurentins prouvent qu'ils ont de l'humour !

17 h, j'arrive sur un pont où coule une rivière, à l'intersection de plusieurs routes. Il y en a une qui va à Coustouges, une autre à Vilaroja et celle que je dois emprunter vers Saint-Laurent. Dix minutes plus tard, j'entre dans le joli bourg où je m'arrête quelques instants sur un banc pour manger et me désaltérer un peu car j'avoue en avoir marre de cette route goudronnée. A quelques mètres du banc, il y a un trépied où est accrochée une chaîne, et au bout de la chaîne, un gros pavé est suspendu.

Intrigué, je m'approche et je prends en photo cette hilarante station météo du Wendland. Aussi, en traversant la Quera et entrant dans la ville, je me dis : " C'est bien, au moins ici les habitants ont de l'humour ! ". Et c'est vrai que les gens m'ont l'air bien sympathiques. Ici, tout le monde me salue, les passants, les retraités qui jardinent, les badauds, les hommes, les femmes, les jeunes, les vieux. Et quand, je demande mon chemin pour trouver la rue de la Sort, on se met en quatre pour m'expliquer. Du coup, hormis l'effort d'y grimper car la pente est rude, je n'ai aucun problème pour trouver la Rue de la Poste et l'église paroissiale que l'on m'a gentiment indiquées comme repères. Je suis même surpris par tant de prévenance car cherchant encore mon chemin et la Rue de la Sort, un jeune homme brun très sympathique s'approche et me demande :

-Vous avez l'air perdu, je peux vous aider ?

-Oui, je cherche à me rendre au numéro 4 de la rue de la Sort, chez Monsieur Mario Lopes.

-Je suis Monsieur Lopes, suivez-moi, je vais vous y accompagner.

-Je suis Gilbert Jullien. Enchanté Monsieur Lopes, mais vous alliez dans l'autre sens !

-Oui, j'allais chercher mon enfant à la garderie.

-Alors, ne vous dérangez pas, je vais vous attendre ici.

-Non, écoutez ma femme est à la maison et c'est simple pour y aller. Prenez tout droit, puis tournez à gauche dans la première petite ruelle. C'est la rue de la Sort. Mais au lieu de sonner au numéro 4, allez au numéro 6.

-Merci, c'est compris, j'y vais de ce pas.

-A tout à l'heure.

-A tout à l'heure.

Le jeune homme repart et une minute après, je suis dans une étroite venelle, devant la petite porte d'une haute maison de village. Une jeune femme très gaie m'ouvre. Je me présente. Isabelle, me dit-elle, avant de me faire très spontanément la bise. Nous montons quelques escaliers qui débouchent sur une grande salle à manger. La demeure me paraît immense, mais elle est surtout magnifique et je ne me prive pas de le lui dire. Avec la volubilité qui semble la caractériser et son agréable accent portugais chantant, Isabelle se met à m'expliquer en détail les origines de cette splendide maison de maître : Elle s'appelle Damia Noëll et fût construite en 1606 et habitée pendant plusieurs siècles par une richissime famille de bourgeois qui s'appelait Noëll. Le premier occupant s'appelait Damia d'où le nom de la maison d'hôtes désormais. (Pour la petite histoire, j'appris sur Internet que ce Damia avait combattu aux côtés de Josep de la Trinxeria et est resté dans l'Histoire de la Catalogne comme un farouche opposant au Traité des Pyrénées et à l'instauration de la gabelle en Vallespir.) Il y a quelques années, les héritiers de la famille Noëll ont décidé de vendre la maison après le décès d'une de leurs grand-mères qui avait vécue dans cette grande bâtisse pendant de longues années et qui ne l'avait plus réellement entretenue. Isabelle et Mario la rachetèrent pour en faire une table et des chambres d'hôtes car ils avaient, depuis longtemps, l'ardent désir de se lancer dans cette activité. Et, quand Isabelle m'amène sur la terrasse extérieure construite en grosses pierres de taille, je reste complètement émerveillé par ce côté-là de la maison. Autant la façade côté ruelle est modeste et ne paye pas de mine, autant ce côté-là est remarquable, avec cette terrasse qui domine une partie du village, la rivière Saint-Laurent, de grands jardins en espaliers et qui est face aux collines et au Mont Capell.

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Quelques photos de Saint-Laurent-de-Cerdans au moment où j'arrive dans le village. J'enjambe la rivière Quera, et j'entre dans un village qui respire la fête.

Mais avec mon sac à dos sur les épaules et mon bâton et mon bob encore à la main, je crois qu'Isabelle a dû se rendre compte que j'étais impatient de rejoindre ma chambre. Oh non, Isabelle ne m'ennuyait pas avec ces vieilles histoires de la famille Noëll, bien au contraire, mais la lassitude devait se lire sur mon visage tiré ! Elle semble confuse mais je l'en excuse car j'ai parfaitement vu qu'elle vivait avec passion cette antique maison et le fait de contribuer à l'embellir et à vouloir la faire revivre. Mais, elle a compris aussi que j'étais fatigué et c'est tout à son honneur. Par d'immenses escaliers en bois vernis, elle m'accompagne à l'étage supérieur où se trouve ma chambre. Une chambre magnifique avec un vrai grand lit, avec des draps tout blancs, recouvert d'un admirable couvre-lit brodé et de vrais oreillers. En y entrant, je ne peux m'empêcher de me dire que cette chambre me change de tout ce que j'ai pu connaître sur ce Tour du Vallespir. En 3 jours, je suis passé de la simple paillasse de Saint-Guillem avec lézard, souris et poussière à volonté à une chambre " princière ". Mais dans une longue randonnée comme celle-là, c'est bien toutes ces petites choses diverses et variées qui créent l'aventure et tout naturellement, je prends plaisir à ces diversités.

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Une vue aérienne du village puis la ruelle avant d'arriver à la Maison Noëll. Un instant de détente dans la merveilleuse chambre que l'on m'a allouée. De superbes panoramas sur le Mont Capell et les " serrats " que j'aperçois depuis la magnifique terrasse ou depuis ma fenêtre.

Après une bienfaisante douche dans une vraie cabine avec des robinets mitigeurs comme à la maison, j'ai aspiré à un petit peu de repos que j'ai une fois encore rempli avec " Dalva ". Mais, je sais que l'on m'attend pour un apéritif de bienvenu à 19 heures tapantes. Je connais le principe de la chambre d'hôtes où tous les convives se retrouvent pour des repas en commun et à une table unique, parfois en présence des propriétaires. Dans le canapé du salon, Mario me présente d'abord sa petite famille. Avec beaucoup de simplicité, tout le monde me fait la bise. Avec la même passion qu'Isabelle, Mario m'explique comment il en est venu à acheter cette maison de maître et la conversation va bon train sur l'histoire des Noëll. Il me parle surtout d'Abdon, le seigneur de Vilaro, âme de la Résistance du Vallespir au temps de la Révolution Française qui fût le plus connu de tous. Nous en sommes là, quand un autre client nous rejoint, venu de Bretagne et passionné de VTT. Alors nous partons nous installer sur la belle terrasse, nous buvons une bière, puis les bavardages s'animent. Mario nous offre un excellent muscat et d'autres convives nous rejoignent. Il s'agit de tchèques. Un couple plutôt timide qui passe leurs vacances dans la région. Ils arrivent tout droit de Bruxelles où ils travaillent au Parlement Européen. Ils parlent très bien le français, en tout cas beaucoup mieux qu'ils ont l'air de le penser et surtout bien mieux que nous pouvons parler le tchèque tous autant que nous sommes ! L'heure du souper arrive et nous partons tous nous installer à la grande table de la salle à manger. Trop occupés en cuisine à préparer les excellents plats que nous devons manger, Isabelle et Mario ne soupent pas avec nous. Mais si nous regrettons leur absence à table, nous n'avons pas à regretter leur présence derrière les fourneaux car ce repas est en tous points remarquable : une craquante salade de chèvre chaud, un gros " galet " grillé, poisson de Méditerranée et un savoureux et copieux " pijama espagnol ", dessert fait d'un flan à l'œuf, d'une boule de glace à la vanille accompagnée d'une demi pèche et d'une demi poire au sirop, le tout agrémenté d'une sauce au chocolat. Entre deux plats, la sympathique Isabelle nous rejoint et viens s'enquérir de l'intérêt que nous portons à ses plats, Mario, lui, est le plus souvent près de nous a harmoniser les débats, et de ce fait, leurs absences au repas n'ont aucune conséquence sur la qualité de nos conversations qui sont agréables et chaleureuses. Chacun se met à raconter à tour de rôle, comment il vit sa passion. Le jeune breton, c'est le VTT qu'il chevauche à sillonner le Vallespir depuis quelques jours. Les tchèques plus passionnées par les visites des musées et le patrimoine roussillonnais parlent avec ferveur du Musée d'Art Moderne de Céret. Et moi, je parle bien sûr des randonnées et de ce Tour du Vallespir que je suis entrain d'accomplir. Cette soirée est une des plus agréables que j'ai passé depuis fort longtemps et quand, nous partons nous coucher, nous avons tous l'air heureux. Nous nous séparons un peu à regrets, et surtout par respect vis-à-vis d'Isabelle et Mario. Nous quittons tous Saint-Laurent-de-Cerdans dès demain matin, mais pour nos hôtes, de nouveaux clients arrivent et comme beaucoup de choses sont à prévoir, ils vont devoir se lever tôt. Une fois encore malgré une évidente lassitude, je ne peux pas m'endormir immédiatement. Cette amicale veillée entre copains d'un jour dans un cadre reposant à souhait m'a fait prendre conscience des difficiles conditions dans lesquelles j'ai vécues depuis cinq jours. Si la solitude de ces derniers jours ne m'a pas véritablement pesée, rencontrer d'autres gens, dialoguer avec eux, partager leur passion et la mienne ont été des instants de vrai bonheur. Je suis assez lucide pour savoir que ce séjour passé ici restera comme un des moments forts de mon aventure. A la veille de terminer mon périple, je m'aperçois que l'âpreté de ces hauteurs, elles ont été merveilleusement matérielles et physiques, par les montagnes, les crêtes et les collines que j'ai escaladé assez souvent en peinant, mais que j'ai, comme toujours, découvert avec ravissement une fois les sommets atteints. Mais en y regardant de plus près, ces hauteurs ont été âpres psychiquement par la solitude que j'ai vécue, les souffrances que j'ai endurées et les réflexions qu'elles ont suscitées en moi. Mais est-ce fini ? Non, il reste encore l'étape de demain ! Mais en partant faire cette randonnée, n'étais-je pas prévenu que ce Tour du Vallespir m'amènerait vers des sommets de bonheurs insoupçonnés mais parfois aussi " sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

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L'église de Saint-Laurent-de-Cerdans

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A la nuit tombante, vue sur le Mont Capell depuis la fenêtre de ma chambre.

 

De Notre-Dame de Coral à la Maison Noëll

 

J'avais quitté la belle, j'avais quitté la Vierge,

Par un souple chemin que longeait le Coral.

Je tenais mon bâton comme l'on tient un cierge,

Notre-Dame s'enfuyait sous un ciel idéal.

 

Un cadre de verdure entourait le hameau,

La Baga Bordellat, on ne peut plus oblongue

Où la claire rivière coulait sous les ormeaux,

Et les Tours de Cabrens veillaient la Serre longue.

 

Quand le village fut loin qu'on appelle Lamanère,

Un portail au milieu barrait tout le chemin,

Un horrible démon me fit perdre mes nerfs

M'obligeant à m'enfuir sans lui tendre la main.

 

Des archanges sur un mur m'indiquèrent la route

Qui montait rudement en direction des tours,

Âprement est le mot sur lequel j'arc-boute,

Loin de moi cette idée de faire demi-tour.

 

Un visage était là sculpté dans la falaise,

Grand seigneur de Cabrens comme était le tyran,

Les deux avaient le don de mettre mal à l'aise,

Les anges, les démons et un vieux vétéran.

 

Mais que l'on soit démon, beau génie ou bien ange,

Et que la peur se tient au creux de l'estomac,

Sur le sort, l'essentiel est d'avoir sa revanche,

Ma première est de voir d'amples panoramas.

 

Rouge était le sentier et ocre était la terre,

A la source asséchée où je perds mon latin,

Saint-Laurent qui attend la fin de mon calvaire,

A la Maison Noëll, près d'un petit fortin.

 

Isabelle, Mario accueillerent la troupe,

Avec leurs cœurs en or et leur sourire en coin,

L'amitié, la chaleur envahit tout le groupe,

Avant que le matin envoie tout ça au loin.

 

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral  - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

Cliquez sur l'archange et le démon pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.4eme étape : Jeudi 20 août 2009.

Prats-de-Mollo (753 m) - Notre-Dame de Coral (1.091m)

9 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

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"Un doux crépuscule d'avril descendait sur le Vallespir encore embrasé des rougeurs ardentes du couchant. C'était l'heure où le rose et l'orangé se disputent, en tons dégradés, les lisières du ciel et se fondent en cette teinte merveilleuse et indéfinissable qui incendie la crête des hautes montagnes". Extrait du roman " Domenica ou la vallée âpre ". Marie Vallespir.

 

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.SANS MIR, J'AI FAIT LE MINIMUM :

A l'hôtel-restaurant Ausseil, on soigne les clients. Hier soir, le patron a mis tout en œuvre pour que je puisse manger en terrasse. Il est allé chercher un petit guéridon où il m'installa comme un nabab. Seul le service pouvait être critiquable car il a été un peu long mais il faut dire que les tables étaient nombreuses et les clients aussi. Pourtant, en prenant le menu du jour fait d'une escalivade, d'un pavé de morue à la catalane et d'une crème catalane, je pensais pouvoir expédier ce souper typiquement catalan pour partir me coucher tôt. Il n'en a rien été, mais je n'ai pas eu à le regretter. Cette cuisine du terroir était excellente et en plus, tout seul dans mon coin, je me suis bien marré. Il y avait juste derrière moi un groupe de huit personnes, pour moitié catalanes et, pour l'autre moitié parisiennes et le contraste étonnant de ces deux accents antinomiques avait quelque chose de sympathiquement cocasse. Les gens d'ici parlaient ce sympathique français du terroir avec des mots mâchouillés aux intonations catalanes et chez les parigots, les hommes avaient cet accent argotique du titi parisien et les femmes, cet accent pointu à vous crever un œil. Dans le brouhaha général, je ne comprenais pas tout des conversations mais ces échanges et surtout ces sons, que tout opposait, étaient un régal pour mes oreilles et pour mon moral. Aussi, quand le groupe finit par quitter le restaurant, mon intérêt de rester à table disparut avec lui. Il est 23 heures et temps d'aller dormir. Mais du sommeil, il n'y en eut point cette nuit-là. Les orties que j'avais piétinées cet après-midi se rappelaient à mon bon souvenir et les inflammations avaient redoublées d'intensité et étaient devenues insoutenables. A aucun moment, je ne réussis à dormir, à peine somnoler parfois, car dans cette bataille du sommeil et du réveil que se livrait la lassitude et les brûlures, ces dernières gagnaient sans cesse. J'ai essayé une pommade anti-inflammatoire et une à l'arnica, mais sans succès et, seules les douches d'eaux chaudes, que je prenais régulièrement, arrivaient à calmer temporairement ces douleurs.

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En jaune, c'est l'hôtel Ausseil où j'ai été parfaitement reçu. Mais les piqûres d'orties m'ont empêché de dormir. A droite, le porche de la ville fortifiée

Cette nuit sans dormir a été un vrai calvaire, mais elle présenta l'avantage de me laisser un temps infini pour réfléchir. Mais de toutes ces réflexions, deux revenaient sans cesse et se résumaient ainsi :

1- Pourquoi hier m'étais-je obstiné si longtemps dans ce guêpier avant de faire demi-tour ?

2- Que faire aujourd'hui pour ne pas renouveler cette triste et périlleuse expérience, si elle vient à survenir ?

Je répondais à la première interrogation, en reconnaissant mon entêtement à vouloir coûte que coûte cheminer le Tour du Vallespir. Mais est-ce si important de passer par ce chemin ou bien par un autre ? Et le but n'est-il pas de découvrir le Vallespir et d'arriver à l'endroit désiré ? A la première question ma réponse fut " NON " et à la deuxième ce fut " OUI ". Mais au fond de moi, je savais qu'il y avait eu autre chose aussi, quelque chose d'inconscient, comme une espèce de fascination à vouloir me mesurer à des forces et à des éléments que la nature, elle-même, avait vaincus. Après coup, j'avais le sentiment que mon entêtement à vouloir avancer dans cette forêt massacrée avait été un peu comme aller à la rencontre d'un mystère que je me devais d'élucider.

Mais désormais, il fallait que je me penche sur l'essentiel. De la solution à la première réflexion découla la résolution de la seconde et je me mis à compulser immédiatement mes cartes. Car la solution se trouvait automatiquement là. Fallait-il que je continue l'itinéraire du Tour du Vallespir, alors que dans ce secteur de Prats-de-Mollo, nombres de chemins ravagés par la tempête Klaus étaient peut-être encore barrés et impraticables ? Pour atteindre Notre-Dame de Coral, objectif de cette quatrième étape, il y avait le GRP Tour du Vallespir avec 21 kilomètres à parcourir, une rude ascension à la Tour de Mir, que je connaissais bien, par le boisé Bassin du Canidell, puis la rectiligne et aplanie crête boisée du Pic des Miquelets (1.632 m) et pour terminer, la descente boisée du Col d'Ares (1.513 m) jusqu'à l'ermitage. Cet itinéraire qui était enregistré dans mon GPS avait un dénominateur commun : " Boisé ". Le mot qui enfante une grosse boule dans mon estomac que je n'arrive plus à expulser. Mais pour se rendre à Notre-Dame de Coral, il y avait aussi un P.R. (Promenades et randonnées) sur la carte, un itinéraire parfaitement dessiné et surligné en rouge. Je l'avais déjà remarqué en étudiant le Tour du Vallespir. Moins long de 10 à 11 kilomètres que le GRP, je l'avais jugé comme une alternative très intéressante en cas de gros pépins physiques. Or, les pépins physiques étaient là ! Alors que faire ? Ce chemin circulait lui aussi en forêt, mais il présentait l'avantage de couper et de longer de manière quasi parallèle la D.115 qui descend du poste frontière du Col d'Ares. Et je me disais que si des arbres étaient tombés, c'est bien dans ce secteur où se trouve la départementale qu'on avait du certainement les dégager en priorité.

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Prats-de-Mollo a un riche patrimoine historique et culturel. Ici une jolie cour de chapelle fleurie et ornée de fresques où l'on distingue les deux saintes. Mais pas le temps de m'attarder. Dommage !

A 5 heures du matin, quand j'éteins la lumière pour tenter de trouver une dernière fois un sommeil réparateur, j'ai pris quelques bonnes résolutions et pour ne pas en oublier, je les ai écrites dans mon petit calepin :

a) Me rendre demain matin à l'Office du Tourisme et demander des informations sur le GRP Tour du Vallespir qui passe par la Tour de Mir et sur le P.R., l'autre chemin qui va à Notre-Dame de Coral.

b) Si le GRP Tour du Vallespir est dans son intégralité praticable, je l'emprunterai.

c) Si je n'ai pas d'informations suffisamment précises et fiables, j'éviterai le GRP Tour du Vallespir au profit de l'autre chemin.

d) Si ce chemin est lui aussi impraticable, je prendrais la D.115 jusqu'au col de la Guilla puis la piste qui va à Can Moulins et enfin le sentier qui rejoint Notre-Dame de Coral.

e) Informer les responsables de l'Office du Tourisme quant à la galère que j'ai connu hier entre le Puig des Lloses et le Col du Miracle pour que d'autres randonneurs ne tombent pas dans le même piège.

f) Passer à la pharmacie pour acheter un calmant qui soulagera mes brûlures.

g) Penser à passer dans une épicerie car l'hôtel Ausseil ne prépare pas de panier pique-nique.

Dans ce combat de titans que se livrèrent toute la nuit le sommeil et l'éveil, ce dernier finit par jeter l'éponge vers 6 heures du matin et je m'endormis. Mais vers 7 heures, le bruit de quelques véhicules de livraison dans les ruelles avoisinantes arbitrèrent et mirent fin définitivement à cette bagarre dont je sortis comme le seul vaincu, terrassé et fourbu.

Depuis mon départ d'Amélie, c'est le premier jour où je suis réellement fatigué et courbaturé. Mon genou gauche est meurtri, me fait mal et la plaie pourtant peu profonde n'est pas jolie à voir car elle suppure abondamment. La douche chaude me réveille un peu mais n'a pas sur mon organisme cet effet habituel de stimulation. La fatigue est là et si je ne fais rien, elle ne s'arrangera pas au fil de la journée. Je mets sur mon genou une compresse de mercurochrome que je scotche avec un gros bout de sparadrap. Pour calmer les douleurs et les inflammations, je prends dans ma pharmacie deux Propofan et un Cycladol que j'avalerai avec le petit déjeuner.

La terrasse de l'hôtel Ausseil est quasi déserte et hormis un couple de touristes et la charmante serveuse qui vient me servir, il n'y a personne. Je prends seul ce copieux petit déjeuner sous l'œil prévenant et souriant de l'agréable serveuse. Cette dernière m'indique où se trouvent la pharmacie, l'Office du Tourisme et une superette. Par bonheur, tous ces commerces sont situés sur la place du Foirail, mais par contre, elle ne sait pas me dire quels sont les horaires d'ouverture. Les brûlures aux jambes étant toujours virulentes, il m'importe de me soigner dans un premier temps. Par les ruelles désertes, je pars aussitôt en direction de la Place du Foirail. Mais il n'est pas encore 8 heures et tout est fermé sauf la superette qui est ouverte, mais son unique employée est occupée à recevoir un camion de livraison. Au moment où je m'apprête à entrer, la commerçante d'un air ironique et caustique me dit en ricanant : Nous ouvrons à neuf heures ! Je repars vers les ruelles de la ville fortifiée où sans problème, je peux, grâce à une épicerie et à une boulangerie ouvertes, constituer un panier repas pour midi. Je reprends le chemin de l'hôtel, paye ma note par chèque car l'agréable serveuse m'assure que la carte bleue validée à la réservation ne sera pas encaissée et je remonte dans ma chambre. Mon sac à dos est prêt et il ne me reste plus qu'à ranger le pique-nique du midi et partir. Je sors de l'hôtel en remerciant la patronne de l'excellent accueil que j'ai eu et me dirige une nouvelle fois vers la place du Foirail. L'officine est ouverte et la pharmacienne me conseille un gel apaisant " Urticium " et ajoute un petit tube de granules homéopathiques " Urtica Urens ". Assis sur une murette, je badigeonne mes bras et mes jambes de ce gel froid et avale trois granules. Je suis agréablement surpris car les douleurs semblent s'atténuer presque immédiatement.

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Sous un beau soleil, je quitte Prats-de-Mollo par un pont qui enjambe le Tech. C'est décidé, je délaisse Mir, sa tour et je fais ma première entorse volontaire à ce Tour du Vallespir. J'emprunte un PR.12 qui est en partie commun avec le fameux " Cami de la Retirada ". Il va me mener sans problème à Notre-Dame de Coral. Je traverse le torrent Canidell et tombe sur ce petit panneau qui vante les mérites de l'Ortie. Moi qui souffre le martyre et qui n'ait pas dormi de la nuit à cause de cette plante urticante, je suis sidéré d'apprendre qu'elle a des vertus anti-inflammatoires !

La tour de Mir

Indécis et confus, je pars dans la verdure.

Prats se réveille alors sous un ciel éclatant.

Le cœur encore intact d'un esprit d'aventure,

La Tour de Mir domine le vallon flamboyant.

 

Hésitant à grimper vers la haute muraille,

Le maximum à faire est encore important.

Ma tête grande ouverte tel un bel éventail.

La Tour de Mir me nargue idem à un géant.

 

Je balance, j'hésite, tel l'oiseau qui émigre,

Vers un court minimum où un chemin cuisant.

Mes jambes sont en feu mais ne sont pas de givre.

La Tour de Mir fascine les plus agonisants.

 

Ma décision est prise, je rejoins Notre-Dame,

Par le libre sentier de tous les résistants,

Mais l'esprit torturé comme une vieille femme,

La Tour de Mir m'invite de son pic arrogant.

 

Sombres sont les sous-bois, la paresse de mise.

Saint-Antoine est joli et son parc reposant.

L'horizon est bleuté, ma pensée cristallise.

La Tour de Mir m'attire de son feu si luisant.

 

J'escalade, je m'élève vers le col de la Guille,

Car Notre-Dame est belle dans le soleil couchant,

Et mon bras appuyant un bâton si futile,

La Tour de Mir s'enfuit, avec elle mon tourment.

 

La belle du Coral dévoile ses reliques,

Ses trésors que l'ermite a veillés pieusement.

Mes yeux émerveillés par ce pays de biques,

Le feu, la Tour de Mir s'éteint finalement.

 

L'Office du Tourisme est toujours fermé et j'ai maintenant un choix à faire : soit j'attends l'heure de l'ouverture en prenant le risque que l'employée ne puisse pas répondre à mes interrogations quant à la praticabilité des chemins soit je me décide tout de suite et opte pour le P.R pour respecter la résolution prise cette nuit.

En raison de mon état de lassitude avancée et de l'importante différence de distance à parcourir, pratiquement deux fois moins par le P.R., j'opte presque sans réfléchir pour cette solution qui me semble, aujourd'hui, la plus raisonnable. Il y a quelques années, une célèbre publicité annonçait " Mini Mir, il en fait un maximum " mais moi, c'est décidé " je ne vais pas prendre Mir (la tour) et je vais en faire un minimum (de kilomètres) ". Le jeu de mots est un peu lourdaud mais il a le mérite d'être un peu distrayant et de me venir à l'esprit à cet instant où je démarre cette nouvelle journée de marche avec une certaine appréhension.

Je traverse la place du Foirail et me dirige vers le pont qui traverse le Tech. Ici, il n'y a pas de colombes comme à Amélie mais un cadre de verdure exceptionnel et je retrouve le fleuve pour la deuxième fois depuis mon départ. Pas encore alimenté par ses nombreux affluents, il n'est ici qu'un petit torrent de montagne tranquille au débit relativement modeste en été. Mais cette discrétion du fleuve est très relative au regard de la documentation que j'ai pu lire sur l'Aiguat de 1940. Au carrefour adjacent, je trouve quelques panneaux de randonnées dont celui qui monte à la Tour de Mir. Je traverse la D.115 et cette fois, je suis devant le bon panneau avec un P.R.1, un P.R.3, un P.R.19 et surtout celui que je recherche, le P.R.12 indiquant " Notre Dame du Coral - La Coulometa ". Le balisage est blanc et rouge comme les G.R. Il y a dessous celui-ci, un autre panonceau dont l'itinéraire est vraiment chargé d'Histoire c'est le " Cami de la Retidara ", insolite chemin de l'exil que plus de 100.000 réfugiés espagnols empruntèrent en janvier 1939 pour fuir le régime tyrannique du général Franco. Cet exode massif eut une portée considérable sur la petite cité de Prats-de-Mollo et la région du Vallespir tout entière car il fut très difficile d'accueillir correctement toutes ces familles dans cet hiver très rigoureux qui était déjà là. Après la guerre, un grand nombre de famille s'installèrent dans le Vallespir. Ils eurent des enfants, qui ont grandi et sont devenus français. 70 ans ont passés et aujourd'hui c'est par bonheur que je vais emprunter une portion de ce " chemin du malheur " qui monte au Col d'Ares. J'enjambe le pont qui traverse le torrent du Canidell. Au bout du pont, un petit panneau éducatif sur l'ortie a été installé. Il décrit la plante, ses utilisations et vante ses bienfaits. Et là, chose surprenante, moi dont le lit était un véritable bûcher et qui ai " flambé " toute la nuit à cause de cette maudite plante, j'apprends qu'elle a des qualités d'anti-inflammatoire et qu'on peut même en faire des soupes. Non, je me suis endormi et je rêve, je ne suis pas devant ce panneau, je suis encore dans mon lit à l'hôtel Ausseil. Pincez-moi car je ne peux pas croire ça ! Je repars, la sente monte rudement dans un bois de feuillus où dominent les frênes et les grands châtaigniers. Je marche le plus souvent sous une sombre canopée mais parfois, j'arrive, au détour du chemin ou au travers des branches, à apercevoir Prats, juste en dessous qui s'éloigne, ou bien la Tour de Mir sur ma gauche, petite tétine brune dépassant d'un dodu mamelon verdâtre.

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Le PR.12 grimpe dans la forêt. Malgré tout, j'aperçois de temps à autre la Tour de Mir ou les lieux où j'ai cheminé hier. Puis il coupe la D.115 et arrive à la ferme des Casals. Quand il devient un agréable sentier tout en sous-bois, je vais flâner comme jamais je ne l'ai fait depuis mon départ, récupérant ainsi de mon exténuante étape d'hier. 

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Ce chemin tout en sous-bois où je vais paresser, m'amène au col de la Guilla puis sur une piste qui descend vers Can Moulins. Je quitte cette piste par une étroite sente balisée avec des lettres en vieil anglais qui m'entraîne dans le ravin de Coral entre prés fleuris et bois où virevoltent de beaux papillons. Au loin, j'aperçois mon objectif du jour : la chapelle Notre-Dame de Coral.

Je m'arrête souvent pour calmer ma respiration qui a tendance à s'emballer. Si les anti-inflammatoires ont eu pour effet de calmer mes contractures musculaires, je reste néanmoins marqué par ma terrible journée d'hier et ma nuit agitée. Et je me réjouis d'avoir pris ce chemin déjà suffisamment difficile compte tenu de ma fatigue. Après maints zigzags, j'atteins Saint-Antoine, petit ermitage avec une fontaine et une aire de pique-nique. Je profite de ce lieu calme pour souffler un peu et manger le pain au chocolat que j'ai acheté ce matin. Je repars. Le balisage est formidablement distinct. Je traverse la D.115 pour entrer dans un autre bois où le chemin s'est élargi. Ici la forêt ne semble pas avoir souffert du déchaînement de Klaus. La forêt se termine et le chemin débouche dans un immense pré lumineux où tout à coup les beaux panoramas se dévoilent vers le nord. Le chemin traverse le pré et pénètre dans la grande ferme des Casals. Il est 10h30. Je passe au milieu de la ferme que je quitte par une piste terreuse qui continue vers la D.115. Très vite, je délaisse cette piste au profit d'une autre qui aboutit à un portail. Le balisage du P.R.12 est bien là. Je pousse le portail que je prends soin de refermer derrière moi. C'est un large chemin herbeux tout en sous-bois de petits noisetiers qui démarre ici et longe parallèlement la D.115. Après les rudes montées que j'ai eues jusqu'ici, j'apprécie à sa juste valeur ce sentier fleuri au doux dénivelé. Il est si agréable à cheminer et il fait si beau aujourd'hui, que je flâne, m'arrête, repars, m'arrête à nouveau pour observer une fleur, un oiseau ou un papillon. Tout devient prétexte à un rythme de marche nonchalant et placide. Je vais même jusqu'à m'arrêter plusieurs fois pour déjeuner. Un coup c'est un morceau de quiche acheté à la boulangerie ce matin, une autre fois une salade que je trimballe depuis le départ, une autre fois, un morceau de pizza, un gâteau de riz ou bien une orange. C'est simple, quand je retrouve la D.115 au col de la Guilla (1.194 m), je me suis arrêté trois fois, j'ai mangé tout mon déjeuner, il n'est pas encore midi et j'ai mis plus d'une heure depuis la ferme des Casals pour parcourir deux kilomètres. C'est dire la lenteur avec laquelle j'ai marché, mais cette lenteur est aujourd'hui en parfait synchronisme avec mon état de paresse. Un petit panonceau en direction de Notre-Dame du Coral est planté là au bord de la D.115. Il m'expédie de l'autre côté de la route où un grand portail s'ouvre sur une large piste qui descend vers Can Moulins. Les décors changent, ce n'est plus tout à fait la même végétation. Ici, les grands châtaigniers, les frênes et les hêtres ont quasiment disparus au profit des pins, des chênes verts et des chênes lièges. Sous un soleil de plomb et sur cette large piste terreuse qui descend allègrement, je retrouve machinalement mon rythme de marche régulier et habituel. Seul un abreuvoir dans lequel s'écoule une source arrête mon élan. J'y trempe mon bob déjà bien mouillé de sueur que j'enfonce tout dégoulinant sur ma tête. Frais comme un gardon, je repars sous ce cagnard brûlant mais juste avant Can Moulins, je suis à nouveau arrêté dans ma course par un petit panonceau aux lettres écrites en vieil anglais " N + D + du Coral ". De cet endroit, on aperçoit d'ailleurs les toits de l'ermitage. Au sein d'une dense forêt, la chapelle n'est plus qu'à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau. Une étroite sente raide descend dans une ravine, se stabilise et passe sous les maisons du hameau isolé de Can Moulins. Puis il descend à nouveau dans le bois d'un autre vallon où coule le Coral. Lors de l'analyse du parcours, j'avais prévu de m'y baigner en cas de fortes chaleurs. Mais si les fortes chaleurs sont là, le ruisseau, lui, n'est qu'un petit filet d'eau où il est très difficile de s'y mouiller ne serait-ce que les pieds.

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Après avoir traîné comme jamais, je finis par arriver très tôt à Notre-Dame de Coral. Comme à Saint-Guillem, la jolie chapelle est un lieu de pèlerinage et d'ermitage depuis des siècles mais ici elle fait aussi hôtellerie et restaurant. Je suis accueilli par deux énormes Saint-Bernard très gentils mais un peu trop baveux à mon goût. Un panonceau m'indique Lamanère, direction que j'aurais à prendre demain.

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Après une sieste bienfaitrice dans ma chambre, balades, visite et photos du site sont au programme. Son calme et son cadre de verdure unique se prête bien à ces activités. D'ici, j'aperçois tout au loin les Tours de Cabrens que je dois approcher demain. Je vais garder de Notre-Dame de Coral un souvenir impérissable et l'envie constante d'y amener un jour toute ma famille. 

Toujours dans les bois, le chemin remonte en zigzaguant jusqu'à l'intersection de deux chemins. Je connais bien cette jonction pour être venu à diverses reprises à Notre-Dame du Coral : il y a le chemin qui descend vers Lamanère et qu'il me faudra prendre demain et celui qui monte en direction de l'ermitage. Il est 13h15 quand j'aperçois les bâtiments et la chapelle. Je suis accueilli aux sons des grognements de deux énormes " Saint-Bernard " qui sont affalés de tout leur long sur le carrelage, certainement frais, du narthex de la chapelle. Ils doivent avoir si chaud qu'ils ne bronchent pas, mais néanmoins, ils m'observent du coin de l'oeil comme pour me dire " ne bouge plus, on te surveille ". Mais, je les connais pour les avoir rencontrés, il y a quelques mois, lors d'une randonnée. Ils sont plus impressionnants que réellement menaçants. Un jeune homme arrive d'un espace privé qui me semble être la cuisine. Je me présente, et il est parfaitement au courant de ma réservation en demi-pension pour une nuit. Force est de constater qu'ici ça fonctionne mieux qu'au Refuge de Batère. Pendant que le jeune homme me parle, les deux molosses se sont levés et sont venus me renifler les mains. Non, renifler n'est pas vraiment le mot. De leurs bajoues humides, ils m'enduisent les mains d'une bave gluante et quand je veux les repousser pour arrêter ce badigeonnage visqueux, le jeune homme me dit : " ils ont peur de votre bâton de marche " ! Je plie mon bâton télescopique et suit le jeune homme qui se dirige à l'étage pour me montrer ma chambre. Ce n'est pas vraiment une chambre mais plutôt un petit dortoir avec trois lits gigognes mais où, en principe, je devrais être seul car peu de randonneurs sont attendus aujourd'hui. Avant de retourner à ses occupations, le jeune homme me demande si je souhaite une boisson fraîche et quand je lui réponds une bière, il m'annonce avec jubilation, et comme si c'était une prouesse, qu'il a même une excellente bière pression. Je ne sais pas si chez lui, cet accueil courtois est habituel mais avec mon tee-shirt détrempé et mon bob avachi, il en a certainement conclu que j'avais dû avoir très chaud toute la matinée et que je devais avoir très soif. Gagné ! Je dépose mes affaires, retourne chercher ma bière et remonte avec dans le dortoir. Maintenant, je n'aspire qu'à une seule chose : " dormir ! ". Je me délecte de cette bière glacée, sors mes effets de toilettes, me déshabille et me précipite en slip sous la première douche venue qui se trouve au fond du couloir. Quand je reviens dans la chambre, et bien que les brûlures se soient formidablement estompées, je m'enduis les bras et les jambes d'Urticium et mets sous ma langue 5 granules d'Urtica Urens que je laisse fondre. Je finis ma bière et me jette sous une couverture et en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, je me vois m'endormir comme un bébé rassasié. Il est 16h30 quand je me réveille au doux bruit d'un aspirateur qui ronfle. Celui-ci arrive de l'extérieur et entre par la fenêtre que j'ai laissée grande ouverte. Quand je m'y penche c'est pour constater que la gérante et sa fille sont entrain de nettoyer leur voiture. M'apercevant à la fenêtre, elle semble confuse de m'avoir réveillé mais je la rassure car en réalité, il n'en est rien, je me suis éveillé tout seul après tout de même plus de deux heures d'un sommeil profond et réparateur. Je pars faire quelques photos de Notre-Dame du Coral qui est vraiment un site magique dans un cadre de verdure remarquable. D'ici, j'arrive à voir et à photographier les fameuses " Tours de Cabrens ", au pied desquelles, j'ai prévu de passer demain.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

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Quelques images de ma soirée à Notre-Dame de Coral : la jolie chapelle avec ma chambre dont la première fenêtre est ouverte. Devant la fenêtre de ma chambre où, le soir, je vais assister impuissant à la mise à mort d'un pauvre mulot ballotté par trois horribles matous. La marmotte empaillée de l'excellent restaurant " La Bergerie " qui de ses yeux fixes me regarde manger et enfin le beau coucher de soleil vers le Mont Falgas. Ce soir-là, plusieurs randonneurs m'indiquent l'impossibilité qu'ils ont eu de se rendre à la Tour de Mir à cause des arbres couchés par la tempête Klaus et cela me conforte dans la décision d'avoir préféré le PR.12 plutôt que l'itinéraire du Tour du Vallespir. Cela effacera en partie cette entorse non prévue. 

Assis devant l'entrée de la chapelle, je fais la connaissance d'une randonneuse. Elle marche avec deux amis et font des randonnées en étoiles depuis l'ermitage. Elle vient d'arriver du secteur de la Tour de Mir où ils sont allés randonner aujourd'hui. Au fil de la discussion, elle finit par m'apprendre que, par là-bas, beaucoup d'arbres gisent encore à terre au milieu des pistes et des chemins. Ils ont pas mal galéré et n'ont pas pu respecter la boucle qu'ils avaient initialement envisagée de faire. Puis au moment de faire demi-tour, ils ont éprouvé beaucoup de difficultés pour revenir à l'ermitage depuis la Tour de Mir par un autre chemin. Cette information que je n'ai pas spécialement recherchée arrive à mes oreilles comme un pur soulagement. En effet, après cette difficile journée d'hier et malgré mon désir de faire preuve de prudence, j'avoue que faire le Tour du Vallespir et ne pas respecter son parcours originel me chagrine pas mal. Mais avec cette information, plus aucun regret, j'ai la certitude maintenant d'avoir pris ce matin la bonne décision en choisissant le P.R.12 ! La jeune femme part rejoindre ses amis dans le dortoir. Une petite chatte noire vient se faire câliner, elle ressemble à s'y méprendre à ma petite Milie, mais quand un des deux Saint-Bernard aperçoit ce manège, il est jaloux et veut lui aussi sa part de caresses. Je veux bien le cajoler mais lui ne conçoit pas de recevoir de la tendresse sans en rendre à son tour à grands coups de langue. Et voilà qu'en moins de trois heures, il se met à me passer une deuxième couche de salive collante sur les mains. J'adore les animaux et particulièrement les chiens mais cette écume blanche qui dégouline de ses bajoues a un côté ragoûtant et désagréable et, là c'en est trop. Je remonte vers les toilettes pour me laver les mains puis je me remets au lit pour un peu de lecture. Vers 19h30, je redescends pour m'installer dans la Bergerie. C'est ainsi que s'appelle la jolie salle de restaurant au décor campagnard typiquement catalan. Je suis seul dans la salle, et ce repas, que je mange sous l'œil inerte d'une grosse marmotte empaillée, est vraiment savoureux avec une salade de tomates à la mozzarella, un coquelet rôti avec un excellent petit assortiment de légumes, de riz et d'un délicieux gratin. Et pour clore le tout, on m'apporte une grosse tranche d'un succulent gâteau à la crème pâtissière. Je n'ai vraiment que des louanges à faire de cet accueil de qualité. La chambre est parfaite pour le randonneur que je suis, la cuisine est excellente et raffinée, le tout dans un décor unique et calme et pour couronner le tout avec un rapport qualité/prix des plus raisonnables. Que demander de plus ! Quand je remonte dans la chambre, le soir est entrain de tomber mais le soleil est loin d'être couché. Par la fenêtre, je le regarde décliner peu à peu, grosse boule rouge qui disparaît derrière le Mont Falgas. A cet instant, et en regardant vers ces belles montagnes, je repense à ce " Cami de la Retirada ". Ces chemins de la liberté, ils ont dû en voir passer des contingents de malheureux et de chancelants avec tous ces réfugiés politiques qui étaient obligés de fuir leur pays. Mais dans l'autre sens, cette frontière, elle a dû en voir défiler des bienheureux et des chanceux avec ces résistants et ces combattants de tous bords qui fuyaient le nazisme pour des vies et des destinées nouvelles. Trois chats noirs qui jouent sous ma fenêtre sur la pelouse du parc m'extirpent de cette rêverie et de ces réflexions. Ils jouent à un jeu très cruel, c'est celui du chat et de la souris, comme une parodie d'un " Tom et Jerry " grandeur nature où il y aurait trois " Tom " et dans lequel, le rôle de " Jerry " est tenu par un minuscule mulot dont le sort est scellé d'avance. Les trois " ignobles " matous se renvoient, d'un à l'autre, le petit mulot comme une balle de caoutchouc et quand parfois celui-ci retombe dans l'herbe, j'ai toujours espoir qu'il finisse par arriver à s'échapper. Mais malheureusement, il finit tôt ou tard par se faire rattraper pour un des trois " greffiers ". Décidément la nature est trop cruelle et devant cet impitoyable spectacle, je préfère partir me coucher. Voilà un aspect de l'âpreté du Vallespir que je n'avais pas imaginé au départ de cette randonnée. Comme quoi, on est loin de tout envisager quand on veut se hisser sur " les hauteurs d'une vallée âpre ".

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

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L'après-midi, ce gentil chat était venu se faire câliner. A la nuit tombante, sur la pelouse de l'ermitage, accompagnés de ses deux compères, il est soudain devenu un " ignoble assassin " suppliciant un pauvre petit mulot qu'ils se renvoyaient de l'un à l'autre comme un simple balle de caoutchouc. Une nouvelle fable était déjà dans ma tête.

 

Trois petits " Tom " et un pauvre Jerry

 

Trois petits " Tom " jouaient dans le parc ombragé.

Noirs étaient leurs pelages, leurs esprits, leurs pensées.

Et ce pauvre " Jerry ", que le diable tirait

Par une fine queue, était désespéré.

 

Un homme à la fenêtre regardant ce spectacle,

Espérait du hasard, une étoile, un miracle.

Mais la dure nature le fit pleurer soudain,

Les petits " Toms " noirs étaient des assassins.

 

Il partit se coucher, sensible à sa faiblesse.

Les petits " Toms " noirs avaient tant de rudesse.

Croquer une souris tels étaient leurs destins,

Un " Jerry ", un mulot ce n'est pas un festin

 

Puis l'homme s'endormit, mais les rêves l'éveillèrent

Sur son lit, un p'tit " Tom " dormait tel un pépère

Sans cauchemar aucun, sur ce qu'il avait fait

Le " Jerry " dans son ventre avait ressuscité.

 

Dans leurs songes, ils sautèrent dans le parc ténébreux

Le P'tit " Tom " et " Jerry " avaient l'air si heureux.

Toute la nuit, ils jouèrent jusqu'au petit matin,

Comme de bons copains, de gentils diablotins.

 

Puis le jour se leva et son lot de tracas,

Les petits " Toms " noirs cherchaient comme un en-cas.

Point de pauvre mulot pour leur combler la faim,

Mais un " Jerry " ailé tel un beau séraphin.

 

Les Petits " Toms " noirs scrutaient en vain le ciel,

En quête d'un oiseau, de leurs airs criminels.

Mais le frêle " Jerry " s'était changé en aigle,

Sur les chats il tomba emportant le plus faible.

 

Il faut vivre la vie comme un chat, un mulot,

Caresser les p'tits " Toms ", ignorer les salauds,

Et si la vie est dure, croque-là doublement

Comme une petit " Jerry " si tendre et si fondant.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Cliquez sur la tour de Mir pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.4eme étape : Jeudi 20 août 2009.

Prats-de-Mollo (753 m) - Notre-Dame de Coral (1.091m)

9 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

"Un doux crépuscule d'avril descendait sur le Vallespir encore embrasé des rougeurs ardentes du couchant. C'était l'heure où le rose et l'orangé se disputent, en tons dégradés, les lisières du ciel et se fondent en cette teinte merveilleuse et indéfinissable qui incendie la crête des hautes montagnes". Extrait du roman " Domenica ou la vallée âpre ". Marie Vallespir.

 

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.SANS MIR, J'AI FAIT LE MINIMUM :

A l'hôtel-restaurant Ausseil, on soigne les clients. Hier soir, le patron a mis tout en œuvre pour que je puisse manger en terrasse. Il est allé chercher un petit guéridon où il m'installa comme un nabab. Seul le service pouvait être critiquable car il a été un peu long mais il faut dire que les tables étaient nombreuses et les clients aussi. Pourtant, en prenant le menu du jour fait d'une escalivade, d'un pavé de morue à la catalane et d'une crème catalane, je pensais pouvoir expédier ce souper typiquement catalan pour partir me coucher tôt. Il n'en a rien été, mais je n'ai pas eu à le regretter. Cette cuisine du terroir était excellente et en plus, tout seul dans mon coin, je me suis bien marré. Il y avait juste derrière moi un groupe de huit personnes, pour moitié catalanes et, pour l'autre moitié parisiennes et le contraste étonnant de ces deux accents antinomiques avait quelque chose de sympathiquement cocasse. Les gens d'ici parlaient ce sympathique français du terroir avec des mots mâchouillés aux intonations catalanes et chez les parigots, les hommes avaient cet accent argotique du titi parisien et les femmes, cet accent pointu à vous crever un œil. Dans le brouhaha général, je ne comprenais pas tout des conversations mais ces échanges et surtout ces sons, que tout opposait, étaient un régal pour mes oreilles et pour mon moral. Aussi, quand le groupe finit par quitter le restaurant, mon intérêt de rester à table disparut avec lui. Il est 23 heures et temps d'aller dormir. Mais du sommeil, il n'y en eut point cette nuit-là. Les orties que j'avais piétinées cet après-midi se rappelaient à mon bon souvenir et les inflammations avaient redoublées d'intensité et étaient devenues insoutenables. A aucun moment, je ne réussis à dormir, à peine somnoler parfois, car dans cette bataille du sommeil et du réveil que se livrait la lassitude et les brûlures, ces dernières gagnaient sans cesse. J'ai essayé une pommade anti-inflammatoire et une à l'arnica, mais sans succès et, seules les douches d'eaux chaudes, que je prenais régulièrement, arrivaient à calmer temporairement ces douleurs.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

En jaune, c'est l'hôtel Ausseil où j'ai été parfaitement reçu. Mais les piqûres d'orties m'ont empêché de dormir. A droite, le porche de la ville fortifiée

Cette nuit sans dormir a été un vrai calvaire, mais elle présenta l'avantage de me laisser un temps infini pour réfléchir. Mais de toutes ces réflexions, deux revenaient sans cesse et se résumaient ainsi :

1- Pourquoi hier m'étais-je obstiné si longtemps dans ce guêpier avant de faire demi-tour ?

2- Que faire aujourd'hui pour ne pas renouveler cette triste et périlleuse expérience, si elle vient à survenir ?

Je répondais à la première interrogation, en reconnaissant mon entêtement à vouloir coûte que coûte cheminer le Tour du Vallespir. Mais est-ce si important de passer par ce chemin ou bien par un autre ? Et le but n'est-il pas de découvrir le Vallespir et d'arriver à l'endroit désiré ? A la première question ma réponse fut " NON " et à la deuxième ce fut " OUI ". Mais au fond de moi, je savais qu'il y avait eu autre chose aussi, quelque chose d'inconscient, comme une espèce de fascination à vouloir me mesurer à des forces et à des éléments que la nature, elle-même, avait vaincus. Après coup, j'avais le sentiment que mon entêtement à vouloir avancer dans cette forêt massacrée avait été un peu comme aller à la rencontre d'un mystère que je me devais d'élucider.

Mais désormais, il fallait que je me penche sur l'essentiel. De la solution à la première réflexion découla la résolution de la seconde et je me mis à compulser immédiatement mes cartes. Car la solution se trouvait automatiquement là. Fallait-il que je continue l'itinéraire du Tour du Vallespir, alors que dans ce secteur de Prats-de-Mollo, nombres de chemins ravagés par la tempête Klaus étaient peut-être encore barrés et impraticables ? Pour atteindre Notre-Dame de Coral, objectif de cette quatrième étape, il y avait le GRP Tour du Vallespir avec 21 kilomètres à parcourir, une rude ascension à la Tour de Mir, que je connaissais bien, par le boisé Bassin du Canidell, puis la rectiligne et aplanie crête boisée du Pic des Miquelets (1.632 m) et pour terminer, la descente boisée du Col d'Ares (1.513 m) jusqu'à l'ermitage. Cet itinéraire qui était enregistré dans mon GPS avait un dénominateur commun : " Boisé ". Le mot qui enfante une grosse boule dans mon estomac que je n'arrive plus à expulser. Mais pour se rendre à Notre-Dame de Coral, il y avait aussi un P.R. (Promenades et randonnées) sur la carte, un itinéraire parfaitement dessiné et surligné en rouge. Je l'avais déjà remarqué en étudiant le Tour du Vallespir. Moins long de 10 à 11 kilomètres que le GRP, je l'avais jugé comme une alternative très intéressante en cas de gros pépins physiques. Or, les pépins physiques étaient là ! Alors que faire ? Ce chemin circulait lui aussi en forêt, mais il présentait l'avantage de couper et de longer de manière quasi parallèle la D.115 qui descend du poste frontière du Col d'Ares. Et je me disais que si des arbres étaient tombés, c'est bien dans ce secteur où se trouve la départementale qu'on avait du certainement les dégager en priorité.

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Prats-de-Mollo a un riche patrimoine historique et culturel. Ici une jolie cour de chapelle fleurie et ornée de fresques où l'on distingue les deux saintes. Mais pas le temps de m'attarder. Dommage !

A 5 heures du matin, quand j'éteins la lumière pour tenter de trouver une dernière fois un sommeil réparateur, j'ai pris quelques bonnes résolutions et pour ne pas en oublier, je les ai écrites dans mon petit calepin :

a) Me rendre demain matin à l'Office du Tourisme et demander des informations sur le GRP Tour du Vallespir qui passe par la Tour de Mir et sur le P.R., l'autre chemin qui va à Notre-Dame de Coral.

b) Si le GRP Tour du Vallespir est dans son intégralité praticable, je l'emprunterai.

c) Si je n'ai pas d'informations suffisamment précises et fiables, j'éviterai le GRP Tour du Vallespir au profit de l'autre chemin.

d) Si ce chemin est lui aussi impraticable, je prendrais la D.115 jusqu'au col de la Guilla puis la piste qui va à Can Moulins et enfin le sentier qui rejoint Notre-Dame de Coral.

e) Informer les responsables de l'Office du Tourisme quant à la galère que j'ai connu hier entre le Puig des Lloses et le Col du Miracle pour que d'autres randonneurs ne tombent pas dans le même piège.

f) Passer à la pharmacie pour acheter un calmant qui soulagera mes brûlures.

g) Penser à passer dans une épicerie car l'hôtel Ausseil ne prépare pas de panier pique-nique.

Dans ce combat de titans que se livrèrent toute la nuit le sommeil et l'éveil, ce dernier finit par jeter l'éponge vers 6 heures du matin et je m'endormis. Mais vers 7 heures, le bruit de quelques véhicules de livraison dans les ruelles avoisinantes arbitrèrent et mirent fin définitivement à cette bagarre dont je sortis comme le seul vaincu, terrassé et fourbu.

Depuis mon départ d'Amélie, c'est le premier jour où je suis réellement fatigué et courbaturé. Mon genou gauche est meurtri, me fait mal et la plaie pourtant peu profonde n'est pas jolie à voir car elle suppure abondamment. La douche chaude me réveille un peu mais n'a pas sur mon organisme cet effet habituel de stimulation. La fatigue est là et si je ne fais rien, elle ne s'arrangera pas au fil de la journée. Je mets sur mon genou une compresse de mercurochrome que je scotche avec un gros bout de sparadrap. Pour calmer les douleurs et les inflammations, je prends dans ma pharmacie deux Propofan et un Cycladol que j'avalerai avec le petit déjeuner.

La terrasse de l'hôtel Ausseil est quasi déserte et hormis un couple de touristes et la charmante serveuse qui vient me servir, il n'y a personne. Je prends seul ce copieux petit déjeuner sous l'œil prévenant et souriant de l'agréable serveuse. Cette dernière m'indique où se trouvent la pharmacie, l'Office du Tourisme et une superette. Par bonheur, tous ces commerces sont situés sur la place du Foirail, mais par contre, elle ne sait pas me dire quels sont les horaires d'ouverture. Les brûlures aux jambes étant toujours virulentes, il m'importe de me soigner dans un premier temps. Par les ruelles désertes, je pars aussitôt en direction de la Place du Foirail. Mais il n'est pas encore 8 heures et tout est fermé sauf la superette qui est ouverte, mais son unique employée est occupée à recevoir un camion de livraison. Au moment où je m'apprête à entrer, la commerçante d'un air ironique et caustique me dit en ricanant : Nous ouvrons à neuf heures ! Je repars vers les ruelles de la ville fortifiée où sans problème, je peux, grâce à une épicerie et à une boulangerie ouvertes, constituer un panier repas pour midi. Je reprends le chemin de l'hôtel, paye ma note par chèque car l'agréable serveuse m'assure que la carte bleue validée à la réservation ne sera pas encaissée et je remonte dans ma chambre. Mon sac à dos est prêt et il ne me reste plus qu'à ranger le pique-nique du midi et partir. Je sors de l'hôtel en remerciant la patronne de l'excellent accueil que j'ai eu et me dirige une nouvelle fois vers la place du Foirail. L'officine est ouverte et la pharmacienne me conseille un gel apaisant " Urticium " et ajoute un petit tube de granules homéopathiques " Urtica Urens ". Assis sur une murette, je badigeonne mes bras et mes jambes de ce gel froid et avale trois granules. Je suis agréablement surpris car les douleurs semblent s'atténuer presque immédiatement.

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Sous un beau soleil, je quitte Prats-de-Mollo par un pont qui enjambe le Tech. C'est décidé, je délaisse Mir, sa tour et je fais ma première entorse volontaire à ce Tour du Vallespir. J'emprunte un PR.12 qui est en partie commun avec le fameux " Cami de la Retirada ". Il va me mener sans problème à Notre-Dame de Coral. Je traverse le torrent Canidell et tombe sur ce petit panneau qui vante les mérites de l'Ortie. Moi qui souffre le martyre et qui n'ait pas dormi de la nuit à cause de cette plante urticante, je suis sidéré d'apprendre qu'elle a des vertus anti-inflammatoires !

La tour de Mir

Indécis et confus, je pars dans la verdure.

Prats se réveille alors sous un ciel éclatant.

Le cœur encore intact d'un esprit d'aventure,

La Tour de Mir domine le vallon flamboyant.

 

Hésitant à grimper vers la haute muraille,

Le maximum à faire est encore important.

Ma tête grande ouverte tel un bel éventail.

La Tour de Mir me nargue idem à un géant.

 

Je balance, j'hésite, tel l'oiseau qui émigre,

Vers un court minimum où un chemin cuisant.

Mes jambes sont en feu mais ne sont pas de givre.

La Tour de Mir fascine les plus agonisants.

 

Ma décision est prise, je rejoins Notre-Dame,

Par le libre sentier de tous les résistants,

Mais l'esprit torturé comme une vieille femme,

La Tour de Mir m'invite de son pic arrogant.

 

Sombres sont les sous-bois, la paresse de mise.

Saint-Antoine est joli et son parc reposant.

L'horizon est bleuté, ma pensée cristallise.

La Tour de Mir m'attire de son feu si luisant.

 

J'escalade, je m'élève vers le col de la Guille,

Car Notre-Dame est belle dans le soleil couchant,

Et mon bras appuyant un bâton si futile,

La Tour de Mir s'enfuit, avec elle mon tourment.

 

La belle du Coral dévoile ses reliques,

Ses trésors que l'ermite a veillés pieusement.

Mes yeux émerveillés par ce pays de biques,

Le feu, la Tour de Mir s'éteint finalement.

 

L'Office du Tourisme est toujours fermé et j'ai maintenant un choix à faire : soit j'attends l'heure de l'ouverture en prenant le risque que l'employée ne puisse pas répondre à mes interrogations quant à la praticabilité des chemins soit je me décide tout de suite et opte pour le P.R pour respecter la résolution prise cette nuit.

En raison de mon état de lassitude avancée et de l'importante différence de distance à parcourir, pratiquement deux fois moins par le P.R., j'opte presque sans réfléchir pour cette solution qui me semble, aujourd'hui, la plus raisonnable. Il y a quelques années, une célèbre publicité annonçait " Mini Mir, il en fait un maximum " mais moi, c'est décidé " je ne vais pas prendre Mir (la tour) et je vais en faire un minimum (de kilomètres) ". Le jeu de mots est un peu lourdaud mais il a le mérite d'être un peu distrayant et de me venir à l'esprit à cet instant où je démarre cette nouvelle journée de marche avec une certaine appréhension.

Je traverse la place du Foirail et me dirige vers le pont qui traverse le Tech. Ici, il n'y a pas de colombes comme à Amélie mais un cadre de verdure exceptionnel et je retrouve le fleuve pour la deuxième fois depuis mon départ. Pas encore alimenté par ses nombreux affluents, il n'est ici qu'un petit torrent de montagne tranquille au débit relativement modeste en été. Mais cette discrétion du fleuve est très relative au regard de la documentation que j'ai pu lire sur l'Aiguat de 1940. Au carrefour adjacent, je trouve quelques panneaux de randonnées dont celui qui monte à la Tour de Mir. Je traverse la D.115 et cette fois, je suis devant le bon panneau avec un P.R.1, un P.R.3, un P.R.19 et surtout celui que je recherche, le P.R.12 indiquant " Notre Dame du Coral - La Coulometa ". Le balisage est blanc et rouge comme les G.R. Il y a dessous celui-ci, un autre panonceau dont l'itinéraire est vraiment chargé d'Histoire c'est le " Cami de la Retidara ", insolite chemin de l'exil que plus de 100.000 réfugiés espagnols empruntèrent en janvier 1939 pour fuir le régime tyrannique du général Franco. Cet exode massif eut une portée considérable sur la petite cité de Prats-de-Mollo et la région du Vallespir tout entière car il fut très difficile d'accueillir correctement toutes ces familles dans cet hiver très rigoureux qui était déjà là. Après la guerre, un grand nombre de famille s'installèrent dans le Vallespir. Ils eurent des enfants, qui ont grandi et sont devenus français. 70 ans ont passés et aujourd'hui c'est par bonheur que je vais emprunter une portion de ce " chemin du malheur " qui monte au Col d'Ares. J'enjambe le pont qui traverse le torrent du Canidell. Au bout du pont, un petit panneau éducatif sur l'ortie a été installé. Il décrit la plante, ses utilisations et vante ses bienfaits. Et là, chose surprenante, moi dont le lit était un véritable bûcher et qui ai " flambé " toute la nuit à cause de cette maudite plante, j'apprends qu'elle a des qualités d'anti-inflammatoire et qu'on peut même en faire des soupes. Non, je me suis endormi et je rêve, je ne suis pas devant ce panneau, je suis encore dans mon lit à l'hôtel Ausseil. Pincez-moi car je ne peux pas croire ça ! Je repars, la sente monte rudement dans un bois de feuillus où dominent les frênes et les grands châtaigniers. Je marche le plus souvent sous une sombre canopée mais parfois, j'arrive, au détour du chemin ou au travers des branches, à apercevoir Prats, juste en dessous qui s'éloigne, ou bien la Tour de Mir sur ma gauche, petite tétine brune dépassant d'un dodu mamelon verdâtre.

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.oSur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

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Le PR.12 grimpe dans la forêt. Malgré tout, j'aperçois de temps à autre la Tour de Mir ou les lieux où j'ai cheminé hier. Puis il coupe la D.115 et arrive à la ferme des Casals. Quand il devient un agréable sentier tout en sous-bois, je vais flâner comme jamais je ne l'ai fait depuis mon départ, récupérant ainsi de mon exténuante étape d'hier. 

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Ce chemin tout en sous-bois où je vais paresser, m'amène au col de la Guilla puis sur une piste qui descend vers Can Moulins. Je quitte cette piste par une étroite sente balisée avec des lettres en vieil anglais qui m'entraîne dans le ravin de Coral entre prés fleuris et bois où virevoltent de beaux papillons. Au loin, j'aperçois mon objectif du jour : la chapelle Notre-Dame de Coral.

Je m'arrête souvent pour calmer ma respiration qui a tendance à s'emballer. Si les anti-inflammatoires ont eu pour effet de calmer mes contractures musculaires, je reste néanmoins marqué par ma terrible journée d'hier et ma nuit agitée. Et je me réjouis d'avoir pris ce chemin déjà suffisamment difficile compte tenu de ma fatigue. Après maints zigzags, j'atteins Saint-Antoine, petit ermitage avec une fontaine et une aire de pique-nique. Je profite de ce lieu calme pour souffler un peu et manger le pain au chocolat que j'ai acheté ce matin. Je repars. Le balisage est formidablement distinct. Je traverse la D.115 pour entrer dans un autre bois où le chemin s'est élargi. Ici la forêt ne semble pas avoir souffert du déchaînement de Klaus. La forêt se termine et le chemin débouche dans un immense pré lumineux où tout à coup les beaux panoramas se dévoilent vers le nord. Le chemin traverse le pré et pénètre dans la grande ferme des Casals. Il est 10h30. Je passe au milieu de la ferme que je quitte par une piste terreuse qui continue vers la D.115. Très vite, je délaisse cette piste au profit d'une autre qui aboutit à un portail. Le balisage du P.R.12 est bien là. Je pousse le portail que je prends soin de refermer derrière moi. C'est un large chemin herbeux tout en sous-bois de petits noisetiers qui démarre ici et longe parallèlement la D.115. Après les rudes montées que j'ai eues jusqu'ici, j'apprécie à sa juste valeur ce sentier fleuri au doux dénivelé. Il est si agréable à cheminer et il fait si beau aujourd'hui, que je flâne, m'arrête, repars, m'arrête à nouveau pour observer une fleur, un oiseau ou un papillon. Tout devient prétexte à un rythme de marche nonchalant et placide. Je vais même jusqu'à m'arrêter plusieurs fois pour déjeuner. Un coup c'est un morceau de quiche acheté à la boulangerie ce matin, une autre fois une salade que je trimballe depuis le départ, une autre fois, un morceau de pizza, un gâteau de riz ou bien une orange. C'est simple, quand je retrouve la D.115 au col de la Guilla (1.194 m), je me suis arrêté trois fois, j'ai mangé tout mon déjeuner, il n'est pas encore midi et j'ai mis plus d'une heure depuis la ferme des Casals pour parcourir deux kilomètres. C'est dire la lenteur avec laquelle j'ai marché, mais cette lenteur est aujourd'hui en parfait synchronisme avec mon état de paresse. Un petit panonceau en direction de Notre-Dame du Coral est planté là au bord de la D.115. Il m'expédie de l'autre côté de la route où un grand portail s'ouvre sur une large piste qui descend vers Can Moulins. Les décors changent, ce n'est plus tout à fait la même végétation. Ici, les grands châtaigniers, les frênes et les hêtres ont quasiment disparus au profit des pins, des chênes verts et des chênes lièges. Sous un soleil de plomb et sur cette large piste terreuse qui descend allègrement, je retrouve machinalement mon rythme de marche régulier et habituel. Seul un abreuvoir dans lequel s'écoule une source arrête mon élan. J'y trempe mon bob déjà bien mouillé de sueur que j'enfonce tout dégoulinant sur ma tête. Frais comme un gardon, je repars sous ce cagnard brûlant mais juste avant Can Moulins, je suis à nouveau arrêté dans ma course par un petit panonceau aux lettres écrites en vieil anglais " N + D + du Coral ". De cet endroit, on aperçoit d'ailleurs les toits de l'ermitage. Au sein d'une dense forêt, la chapelle n'est plus qu'à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau. Une étroite sente raide descend dans une ravine, se stabilise et passe sous les maisons du hameau isolé de Can Moulins. Puis il descend à nouveau dans le bois d'un autre vallon où coule le Coral. Lors de l'analyse du parcours, j'avais prévu de m'y baigner en cas de fortes chaleurs. Mais si les fortes chaleurs sont là, le ruisseau, lui, n'est qu'un petit filet d'eau où il est très difficile de s'y mouiller ne serait-ce que les pieds.

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Après avoir traîné comme jamais, je finis par arriver très tôt à Notre-Dame de Coral. Comme à Saint-Guillem, la jolie chapelle est un lieu de pèlerinage et d'ermitage depuis des siècles mais ici elle fait aussi hôtellerie et restaurant. Je suis accueilli par deux énormes Saint-Bernard très gentils mais un peu trop baveux à mon goût. Un panonceau m'indique Lamanère, direction que j'aurais à prendre demain.

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Après une sieste bienfaitrice dans ma chambre, balades, visite et photos du site sont au programme. Son calme et son cadre de verdure unique se prête bien à ces activités. D'ici, j'aperçois tout au loin les Tours de Cabrens que je dois approcher demain. Je vais garder de Notre-Dame de Coral un souvenir impérissable et l'envie constante d'y amener un jour toute ma famille. 

Toujours dans les bois, le chemin remonte en zigzaguant jusqu'à l'intersection de deux chemins. Je connais bien cette jonction pour être venu à diverses reprises à Notre-Dame du Coral : il y a le chemin qui descend vers Lamanère et qu'il me faudra prendre demain et celui qui monte en direction de l'ermitage. Il est 13h15 quand j'aperçois les bâtiments et la chapelle. Je suis accueilli aux sons des grognements de deux énormes " Saint-Bernard " qui sont affalés de tout leur long sur le carrelage, certainement frais, du narthex de la chapelle. Ils doivent avoir si chaud qu'ils ne bronchent pas, mais néanmoins, ils m'observent du coin de l'oeil comme pour me dire " ne bouge plus, on te surveille ". Mais, je les connais pour les avoir rencontrés, il y a quelques mois, lors d'une randonnée. Ils sont plus impressionnants que réellement menaçants. Un jeune homme arrive d'un espace privé qui me semble être la cuisine. Je me présente, et il est parfaitement au courant de ma réservation en demi-pension pour une nuit. Force est de constater qu'ici ça fonctionne mieux qu'au Refuge de Batère. Pendant que le jeune homme me parle, les deux molosses se sont levés et sont venus me renifler les mains. Non, renifler n'est pas vraiment le mot. De leurs bajoues humides, ils m'enduisent les mains d'une bave gluante et quand je veux les repousser pour arrêter ce badigeonnage visqueux, le jeune homme me dit : " ils ont peur de votre bâton de marche " ! Je plie mon bâton télescopique et suit le jeune homme qui se dirige à l'étage pour me montrer ma chambre. Ce n'est pas vraiment une chambre mais plutôt un petit dortoir avec trois lits gigognes mais où, en principe, je devrais être seul car peu de randonneurs sont attendus aujourd'hui. Avant de retourner à ses occupations, le jeune homme me demande si je souhaite une boisson fraîche et quand je lui réponds une bière, il m'annonce avec jubilation, et comme si c'était une prouesse, qu'il a même une excellente bière pression. Je ne sais pas si chez lui, cet accueil courtois est habituel mais avec mon tee-shirt détrempé et mon bob avachi, il en a certainement conclu que j'avais dû avoir très chaud toute la matinée et que je devais avoir très soif. Gagné ! Je dépose mes affaires, retourne chercher ma bière et remonte avec dans le dortoir. Maintenant, je n'aspire qu'à une seule chose : " dormir ! ". Je me délecte de cette bière glacée, sors mes effets de toilettes, me déshabille et me précipite en slip sous la première douche venue qui se trouve au fond du couloir. Quand je reviens dans la chambre, et bien que les brûlures se soient formidablement estompées, je m'enduis les bras et les jambes d'Urticium et mets sous ma langue 5 granules d'Urtica Urens que je laisse fondre. Je finis ma bière et me jette sous une couverture et en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, je me vois m'endormir comme un bébé rassasié. Il est 16h30 quand je me réveille au doux bruit d'un aspirateur qui ronfle. Celui-ci arrive de l'extérieur et entre par la fenêtre que j'ai laissée grande ouverte. Quand je m'y penche c'est pour constater que la gérante et sa fille sont entrain de nettoyer leur voiture. M'apercevant à la fenêtre, elle semble confuse de m'avoir réveillé mais je la rassure car en réalité, il n'en est rien, je me suis éveillé tout seul après tout de même plus de deux heures d'un sommeil profond et réparateur. Je pars faire quelques photos de Notre-Dame du Coral qui est vraiment un site magique dans un cadre de verdure remarquable. D'ici, j'arrive à voir et à photographier les fameuses " Tours de Cabrens ", au pied desquelles, j'ai prévu de passer demain.

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Quelques images de ma soirée à Notre-Dame de Coral : la jolie chapelle avec ma chambre dont la première fenêtre est ouverte. Devant la fenêtre de ma chambre où, le soir, je vais assister impuissant à la mise à mort d'un pauvre mulot ballotté par trois horribles matous. La marmotte empaillée de l'excellent restaurant " La Bergerie " qui de ses yeux fixes me regarde manger et enfin le beau coucher de soleil vers le Mont Falgas. Ce soir-là, plusieurs randonneurs m'indiquent l'impossibilité qu'ils ont eu de se rendre à la Tour de Mir à cause des arbres couchés par la tempête Klaus et cela me conforte dans la décision d'avoir préféré le PR.12 plutôt que l'itinéraire du Tour du Vallespir. Cela effacera en partie cette entorse non prévue. 

Assis devant l'entrée de la chapelle, je fais la connaissance d'une randonneuse. Elle marche avec deux amis et font des randonnées en étoiles depuis l'ermitage. Elle vient d'arriver du secteur de la Tour de Mir où ils sont allés randonner aujourd'hui. Au fil de la discussion, elle finit par m'apprendre que, par là-bas, beaucoup d'arbres gisent encore à terre au milieu des pistes et des chemins. Ils ont pas mal galéré et n'ont pas pu respecter la boucle qu'ils avaient initialement envisagée de faire. Puis au moment de faire demi-tour, ils ont éprouvé beaucoup de difficultés pour revenir à l'ermitage depuis la Tour de Mir par un autre chemin. Cette information que je n'ai pas spécialement recherchée arrive à mes oreilles comme un pur soulagement. En effet, après cette difficile journée d'hier et malgré mon désir de faire preuve de prudence, j'avoue que faire le Tour du Vallespir et ne pas respecter son parcours originel me chagrine pas mal. Mais avec cette information, plus aucun regret, j'ai la certitude maintenant d'avoir pris ce matin la bonne décision en choisissant le P.R.12 ! La jeune femme part rejoindre ses amis dans le dortoir. Une petite chatte noire vient se faire câliner, elle ressemble à s'y méprendre à ma petite Milie, mais quand un des deux Saint-Bernard aperçoit ce manège, il est jaloux et veut lui aussi sa part de caresses. Je veux bien le cajoler mais lui ne conçoit pas de recevoir de la tendresse sans en rendre à son tour à grands coups de langue. Et voilà qu'en moins de trois heures, il se met à me passer une deuxième couche de salive collante sur les mains. J'adore les animaux et particulièrement les chiens mais cette écume blanche qui dégouline de ses bajoues a un côté ragoûtant et désagréable et, là c'en est trop. Je remonte vers les toilettes pour me laver les mains puis je me remets au lit pour un peu de lecture. Vers 19h30, je redescends pour m'installer dans la Bergerie. C'est ainsi que s'appelle la jolie salle de restaurant au décor campagnard typiquement catalan. Je suis seul dans la salle, et ce repas, que je mange sous l'œil inerte d'une grosse marmotte empaillée, est vraiment savoureux avec une salade de tomates à la mozzarella, un coquelet rôti avec un excellent petit assortiment de légumes, de riz et d'un délicieux gratin. Et pour clore le tout, on m'apporte une grosse tranche d'un succulent gâteau à la crème pâtissière. Je n'ai vraiment que des louanges à faire de cet accueil de qualité. La chambre est parfaite pour le randonneur que je suis, la cuisine est excellente et raffinée, le tout dans un décor unique et calme et pour couronner le tout avec un rapport qualité/prix des plus raisonnables. Que demander de plus ! Quand je remonte dans la chambre, le soir est entrain de tomber mais le soleil est loin d'être couché. Par la fenêtre, je le regarde décliner peu à peu, grosse boule rouge qui disparaît derrière le Mont Falgas. A cet instant, et en regardant vers ces belles montagnes, je repense à ce " Cami de la Retirada ". Ces chemins de la liberté, ils ont dû en voir passer des contingents de malheureux et de chancelants avec tous ces réfugiés politiques qui étaient obligés de fuir leur pays. Mais dans l'autre sens, cette frontière, elle a dû en voir défiler des bienheureux et des chanceux avec ces résistants et ces combattants de tous bords qui fuyaient le nazisme pour des vies et des destinées nouvelles. Trois chats noirs qui jouent sous ma fenêtre sur la pelouse du parc m'extirpent de cette rêverie et de ces réflexions. Ils jouent à un jeu très cruel, c'est celui du chat et de la souris, comme une parodie d'un " Tom et Jerry " grandeur nature où il y aurait trois " Tom " et dans lequel, le rôle de " Jerry " est tenu par un minuscule mulot dont le sort est scellé d'avance. Les trois " ignobles " matous se renvoient, d'un à l'autre, le petit mulot comme une balle de caoutchouc et quand parfois celui-ci retombe dans l'herbe, j'ai toujours espoir qu'il finisse par arriver à s'échapper. Mais malheureusement, il finit tôt ou tard par se faire rattraper pour un des trois " greffiers ". Décidément la nature est trop cruelle et devant cet impitoyable spectacle, je préfère partir me coucher. Voilà un aspect de l'âpreté du Vallespir que je n'avais pas imaginé au départ de cette randonnée. Comme quoi, on est loin de tout envisager quand on veut se hisser sur " les hauteurs d'une vallée âpre ".

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

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L'après-midi, ce gentil chat était venu se faire câliner. A la nuit tombante, sur la pelouse de l'ermitage, accompagnés de ses deux compères, il est soudain devenu un " ignoble assassin " suppliciant un pauvre petit mulot qu'ils se renvoyaient de l'un à l'autre comme un simple balle de caoutchouc. Une nouvelle fable était déjà dans ma tête.

 

Trois petits " Tom " et un pauvre Jerry

 

Trois petits " Tom " jouaient dans le parc ombragé.

Noirs étaient leurs pelages, leurs esprits, leurs pensées.

Et ce pauvre " Jerry ", que le diable tirait

Par une fine queue, était désespéré.

 

Un homme à la fenêtre regardant ce spectacle,

Espérait du hasard, une étoile, un miracle.

Mais la dure nature le fit pleurer soudain,

Les petits " Toms " noirs étaient des assassins.

 

Il partit se coucher, sensible à sa faiblesse.

Les petits " Toms " noirs avaient tant de rudesse.

Croquer une souris tels étaient leurs destins,

Un " Jerry ", un mulot ce n'est pas un festin

 

Puis l'homme s'endormit, mais les rêves l'éveillèrent

Sur son lit, un p'tit " Tom " dormait tel un pépère

Sans cauchemar aucun, sur ce qu'il avait fait

Le " Jerry " dans son ventre avait ressuscité.

 

Dans leurs songes, ils sautèrent dans le parc ténébreux

Le P'tit " Tom " et " Jerry " avaient l'air si heureux.

Toute la nuit, ils jouèrent jusqu'au petit matin,

Comme de bons copains, de gentils diablotins.

 

Puis le jour se leva et son lot de tracas,

Les petits " Toms " noirs cherchaient comme un en-cas.

Point de pauvre mulot pour leur combler la faim,

Mais un " Jerry " ailé tel un beau séraphin.

 

Les Petits " Toms " noirs scrutaient en vain le ciel,

En quête d'un oiseau, de leurs airs criminels.

Mais le frêle " Jerry " s'était changé en aigle,

Sur les chats il tomba emportant le plus faible.

 

Il faut vivre la vie comme un chat, un mulot,

Caresser les p'tits " Toms ", ignorer les salauds,

Et si la vie est dure, croque-là doublement

Comme une petit " Jerry " si tendre et si fondant.

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Cliquez sur la tour de Mir pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.4eme étape : Jeudi 20 août 2009.

Prats-de-Mollo (753 m) - Notre-Dame de Coral (1.091m)

9 kms.

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

"Un doux crépuscule d'avril descendait sur le Vallespir encore embrasé des rougeurs ardentes du couchant. C'était l'heure où le rose et l'orangé se disputent, en tons dégradés, les lisières du ciel et se fondent en cette teinte merveilleuse et indéfinissable qui incendie la crête des hautes montagnes". Extrait du roman " Domenica ou la vallée âpre ". Marie Vallespir.

 

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.SANS MIR, J'AI FAIT LE MINIMUM :

A l'hôtel-restaurant Ausseil, on soigne les clients. Hier soir, le patron a mis tout en œuvre pour que je puisse manger en terrasse. Il est allé chercher un petit guéridon où il m'installa comme un nabab. Seul le service pouvait être critiquable car il a été un peu long mais il faut dire que les tables étaient nombreuses et les clients aussi. Pourtant, en prenant le menu du jour fait d'une escalivade, d'un pavé de morue à la catalane et d'une crème catalane, je pensais pouvoir expédier ce souper typiquement catalan pour partir me coucher tôt. Il n'en a rien été, mais je n'ai pas eu à le regretter. Cette cuisine du terroir était excellente et en plus, tout seul dans mon coin, je me suis bien marré. Il y avait juste derrière moi un groupe de huit personnes, pour moitié catalanes et, pour l'autre moitié parisiennes et le contraste étonnant de ces deux accents antinomiques avait quelque chose de sympathiquement cocasse. Les gens d'ici parlaient ce sympathique français du terroir avec des mots mâchouillés aux intonations catalanes et chez les parigots, les hommes avaient cet accent argotique du titi parisien et les femmes, cet accent pointu à vous crever un œil. Dans le brouhaha général, je ne comprenais pas tout des conversations mais ces échanges et surtout ces sons, que tout opposait, étaient un régal pour mes oreilles et pour mon moral. Aussi, quand le groupe finit par quitter le restaurant, mon intérêt de rester à table disparut avec lui. Il est 23 heures et temps d'aller dormir. Mais du sommeil, il n'y en eut point cette nuit-là. Les orties que j'avais piétinées cet après-midi se rappelaient à mon bon souvenir et les inflammations avaient redoublées d'intensité et étaient devenues insoutenables. A aucun moment, je ne réussis à dormir, à peine somnoler parfois, car dans cette bataille du sommeil et du réveil que se livrait la lassitude et les brûlures, ces dernières gagnaient sans cesse. J'ai essayé une pommade anti-inflammatoire et une à l'arnica, mais sans succès et, seules les douches d'eaux chaudes, que je prenais régulièrement, arrivaient à calmer temporairement ces douleurs.

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En jaune, c'est l'hôtel Ausseil où j'ai été parfaitement reçu. Mais les piqûres d'orties m'ont empêché de dormir. A droite, le porche de la ville fortifiée

Cette nuit sans dormir a été un vrai calvaire, mais elle présenta l'avantage de me laisser un temps infini pour réfléchir. Mais de toutes ces réflexions, deux revenaient sans cesse et se résumaient ainsi :

1- Pourquoi hier m'étais-je obstiné si longtemps dans ce guêpier avant de faire demi-tour ?

2- Que faire aujourd'hui pour ne pas renouveler cette triste et périlleuse expérience, si elle vient à survenir ?

Je répondais à la première interrogation, en reconnaissant mon entêtement à vouloir coûte que coûte cheminer le Tour du Vallespir. Mais est-ce si important de passer par ce chemin ou bien par un autre ? Et le but n'est-il pas de découvrir le Vallespir et d'arriver à l'endroit désiré ? A la première question ma réponse fut " NON " et à la deuxième ce fut " OUI ". Mais au fond de moi, je savais qu'il y avait eu autre chose aussi, quelque chose d'inconscient, comme une espèce de fascination à vouloir me mesurer à des forces et à des éléments que la nature, elle-même, avait vaincus. Après coup, j'avais le sentiment que mon entêtement à vouloir avancer dans cette forêt massacrée avait été un peu comme aller à la rencontre d'un mystère que je me devais d'élucider.

Mais désormais, il fallait que je me penche sur l'essentiel. De la solution à la première réflexion découla la résolution de la seconde et je me mis à compulser immédiatement mes cartes. Car la solution se trouvait automatiquement là. Fallait-il que je continue l'itinéraire du Tour du Vallespir, alors que dans ce secteur de Prats-de-Mollo, nombres de chemins ravagés par la tempête Klaus étaient peut-être encore barrés et impraticables ? Pour atteindre Notre-Dame de Coral, objectif de cette quatrième étape, il y avait le GRP Tour du Vallespir avec 21 kilomètres à parcourir, une rude ascension à la Tour de Mir, que je connaissais bien, par le boisé Bassin du Canidell, puis la rectiligne et aplanie crête boisée du Pic des Miquelets (1.632 m) et pour terminer, la descente boisée du Col d'Ares (1.513 m) jusqu'à l'ermitage. Cet itinéraire qui était enregistré dans mon GPS avait un dénominateur commun : " Boisé ". Le mot qui enfante une grosse boule dans mon estomac que je n'arrive plus à expulser. Mais pour se rendre à Notre-Dame de Coral, il y avait aussi un P.R. (Promenades et randonnées) sur la carte, un itinéraire parfaitement dessiné et surligné en rouge. Je l'avais déjà remarqué en étudiant le Tour du Vallespir. Moins long de 10 à 11 kilomètres que le GRP, je l'avais jugé comme une alternative très intéressante en cas de gros pépins physiques. Or, les pépins physiques étaient là ! Alors que faire ? Ce chemin circulait lui aussi en forêt, mais il présentait l'avantage de couper et de longer de manière quasi parallèle la D.115 qui descend du poste frontière du Col d'Ares. Et je me disais que si des arbres étaient tombés, c'est bien dans ce secteur où se trouve la départementale qu'on avait du certainement les dégager en priorité.

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Prats-de-Mollo a un riche patrimoine historique et culturel. Ici une jolie cour de chapelle fleurie et ornée de fresques où l'on distingue les deux saintes. Mais pas le temps de m'attarder. Dommage !

A 5 heures du matin, quand j'éteins la lumière pour tenter de trouver une dernière fois un sommeil réparateur, j'ai pris quelques bonnes résolutions et pour ne pas en oublier, je les ai écrites dans mon petit calepin :

a) Me rendre demain matin à l'Office du Tourisme et demander des informations sur le GRP Tour du Vallespir qui passe par la Tour de Mir et sur le P.R., l'autre chemin qui va à Notre-Dame de Coral.

b) Si le GRP Tour du Vallespir est dans son intégralité praticable, je l'emprunterai.

c) Si je n'ai pas d'informations suffisamment précises et fiables, j'éviterai le GRP Tour du Vallespir au profit de l'autre chemin.

d) Si ce chemin est lui aussi impraticable, je prendrais la D.115 jusqu'au col de la Guilla puis la piste qui va à Can Moulins et enfin le sentier qui rejoint Notre-Dame de Coral.

e) Informer les responsables de l'Office du Tourisme quant à la galère que j'ai connu hier entre le Puig des Lloses et le Col du Miracle pour que d'autres randonneurs ne tombent pas dans le même piège.

f) Passer à la pharmacie pour acheter un calmant qui soulagera mes brûlures.

g) Penser à passer dans une épicerie car l'hôtel Ausseil ne prépare pas de panier pique-nique.

Dans ce combat de titans que se livrèrent toute la nuit le sommeil et l'éveil, ce dernier finit par jeter l'éponge vers 6 heures du matin et je m'endormis. Mais vers 7 heures, le bruit de quelques véhicules de livraison dans les ruelles avoisinantes arbitrèrent et mirent fin définitivement à cette bagarre dont je sortis comme le seul vaincu, terrassé et fourbu.

Depuis mon départ d'Amélie, c'est le premier jour où je suis réellement fatigué et courbaturé. Mon genou gauche est meurtri, me fait mal et la plaie pourtant peu profonde n'est pas jolie à voir car elle suppure abondamment. La douche chaude me réveille un peu mais n'a pas sur mon organisme cet effet habituel de stimulation. La fatigue est là et si je ne fais rien, elle ne s'arrangera pas au fil de la journée. Je mets sur mon genou une compresse de mercurochrome que je scotche avec un gros bout de sparadrap. Pour calmer les douleurs et les inflammations, je prends dans ma pharmacie deux Propofan et un Cycladol que j'avalerai avec le petit déjeuner.

La terrasse de l'hôtel Ausseil est quasi déserte et hormis un couple de touristes et la charmante serveuse qui vient me servir, il n'y a personne. Je prends seul ce copieux petit déjeuner sous l'œil prévenant et souriant de l'agréable serveuse. Cette dernière m'indique où se trouvent la pharmacie, l'Office du Tourisme et une superette. Par bonheur, tous ces commerces sont situés sur la place du Foirail, mais par contre, elle ne sait pas me dire quels sont les horaires d'ouverture. Les brûlures aux jambes étant toujours virulentes, il m'importe de me soigner dans un premier temps. Par les ruelles désertes, je pars aussitôt en direction de la Place du Foirail. Mais il n'est pas encore 8 heures et tout est fermé sauf la superette qui est ouverte, mais son unique employée est occupée à recevoir un camion de livraison. Au moment où je m'apprête à entrer, la commerçante d'un air ironique et caustique me dit en ricanant : Nous ouvrons à neuf heures ! Je repars vers les ruelles de la ville fortifiée où sans problème, je peux, grâce à une épicerie et à une boulangerie ouvertes, constituer un panier repas pour midi. Je reprends le chemin de l'hôtel, paye ma note par chèque car l'agréable serveuse m'assure que la carte bleue validée à la réservation ne sera pas encaissée et je remonte dans ma chambre. Mon sac à dos est prêt et il ne me reste plus qu'à ranger le pique-nique du midi et partir. Je sors de l'hôtel en remerciant la patronne de l'excellent accueil que j'ai eu et me dirige une nouvelle fois vers la place du Foirail. L'officine est ouverte et la pharmacienne me conseille un gel apaisant " Urticium " et ajoute un petit tube de granules homéopathiques " Urtica Urens ". Assis sur une murette, je badigeonne mes bras et mes jambes de ce gel froid et avale trois granules. Je suis agréablement surpris car les douleurs semblent s'atténuer presque immédiatement.

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Sous un beau soleil, je quitte Prats-de-Mollo par un pont qui enjambe le Tech. C'est décidé, je délaisse Mir, sa tour et je fais ma première entorse volontaire à ce Tour du Vallespir. J'emprunte un PR.12 qui est en partie commun avec le fameux " Cami de la Retirada ". Il va me mener sans problème à Notre-Dame de Coral. Je traverse le torrent Canidell et tombe sur ce petit panneau qui vante les mérites de l'Ortie. Moi qui souffre le martyre et qui n'ait pas dormi de la nuit à cause de cette plante urticante, je suis sidéré d'apprendre qu'elle a des vertus anti-inflammatoires !

La tour de Mir

Indécis et confus, je pars dans la verdure.

Prats se réveille alors sous un ciel éclatant.

Le cœur encore intact d'un esprit d'aventure,

La Tour de Mir domine le vallon flamboyant.

 

Hésitant à grimper vers la haute muraille,

Le maximum à faire est encore important.

Ma tête grande ouverte tel un bel éventail.

La Tour de Mir me nargue idem à un géant.

 

Je balance, j'hésite, tel l'oiseau qui émigre,

Vers un court minimum où un chemin cuisant.

Mes jambes sont en feu mais ne sont pas de givre.

La Tour de Mir fascine les plus agonisants.

 

Ma décision est prise, je rejoins Notre-Dame,

Par le libre sentier de tous les résistants,

Mais l'esprit torturé comme une vieille femme,

La Tour de Mir m'invite de son pic arrogant.

 

Sombres sont les sous-bois, la paresse de mise.

Saint-Antoine est joli et son parc reposant.

L'horizon est bleuté, ma pensée cristallise.

La Tour de Mir m'attire de son feu si luisant.

 

J'escalade, je m'élève vers le col de la Guille,

Car Notre-Dame est belle dans le soleil couchant,

Et mon bras appuyant un bâton si futile,

La Tour de Mir s'enfuit, avec elle mon tourment.

 

La belle du Coral dévoile ses reliques,

Ses trésors que l'ermite a veillés pieusement.

Mes yeux émerveillés par ce pays de biques,

Le feu, la Tour de Mir s'éteint finalement.

 

L'Office du Tourisme est toujours fermé et j'ai maintenant un choix à faire : soit j'attends l'heure de l'ouverture en prenant le risque que l'employée ne puisse pas répondre à mes interrogations quant à la praticabilité des chemins soit je me décide tout de suite et opte pour le P.R pour respecter la résolution prise cette nuit.

En raison de mon état de lassitude avancée et de l'importante différence de distance à parcourir, pratiquement deux fois moins par le P.R., j'opte presque sans réfléchir pour cette solution qui me semble, aujourd'hui, la plus raisonnable. Il y a quelques années, une célèbre publicité annonçait " Mini Mir, il en fait un maximum " mais moi, c'est décidé " je ne vais pas prendre Mir (la tour) et je vais en faire un minimum (de kilomètres) ". Le jeu de mots est un peu lourdaud mais il a le mérite d'être un peu distrayant et de me venir à l'esprit à cet instant où je démarre cette nouvelle journée de marche avec une certaine appréhension.

Je traverse la place du Foirail et me dirige vers le pont qui traverse le Tech. Ici, il n'y a pas de colombes comme à Amélie mais un cadre de verdure exceptionnel et je retrouve le fleuve pour la deuxième fois depuis mon départ. Pas encore alimenté par ses nombreux affluents, il n'est ici qu'un petit torrent de montagne tranquille au débit relativement modeste en été. Mais cette discrétion du fleuve est très relative au regard de la documentation que j'ai pu lire sur l'Aiguat de 1940. Au carrefour adjacent, je trouve quelques panneaux de randonnées dont celui qui monte à la Tour de Mir. Je traverse la D.115 et cette fois, je suis devant le bon panneau avec un P.R.1, un P.R.3, un P.R.19 et surtout celui que je recherche, le P.R.12 indiquant " Notre Dame du Coral - La Coulometa ". Le balisage est blanc et rouge comme les G.R. Il y a dessous celui-ci, un autre panonceau dont l'itinéraire est vraiment chargé d'Histoire c'est le " Cami de la Retidara ", insolite chemin de l'exil que plus de 100.000 réfugiés espagnols empruntèrent en janvier 1939 pour fuir le régime tyrannique du général Franco. Cet exode massif eut une portée considérable sur la petite cité de Prats-de-Mollo et la région du Vallespir tout entière car il fut très difficile d'accueillir correctement toutes ces familles dans cet hiver très rigoureux qui était déjà là. Après la guerre, un grand nombre de famille s'installèrent dans le Vallespir. Ils eurent des enfants, qui ont grandi et sont devenus français. 70 ans ont passés et aujourd'hui c'est par bonheur que je vais emprunter une portion de ce " chemin du malheur " qui monte au Col d'Ares. J'enjambe le pont qui traverse le torrent du Canidell. Au bout du pont, un petit panneau éducatif sur l'ortie a été installé. Il décrit la plante, ses utilisations et vante ses bienfaits. Et là, chose surprenante, moi dont le lit était un véritable bûcher et qui ai " flambé " toute la nuit à cause de cette maudite plante, j'apprends qu'elle a des qualités d'anti-inflammatoire et qu'on peut même en faire des soupes. Non, je me suis endormi et je rêve, je ne suis pas devant ce panneau, je suis encore dans mon lit à l'hôtel Ausseil. Pincez-moi car je ne peux pas croire ça ! Je repars, la sente monte rudement dans un bois de feuillus où dominent les frênes et les grands châtaigniers. Je marche le plus souvent sous une sombre canopée mais parfois, j'arrive, au détour du chemin ou au travers des branches, à apercevoir Prats, juste en dessous qui s'éloigne, ou bien la Tour de Mir sur ma gauche, petite tétine brune dépassant d'un dodu mamelon verdâtre.

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Le PR.12 grimpe dans la forêt. Malgré tout, j'aperçois de temps à autre la Tour de Mir ou les lieux où j'ai cheminé hier. Puis il coupe la D.115 et arrive à la ferme des Casals. Quand il devient un agréable sentier tout en sous-bois, je vais flâner comme jamais je ne l'ai fait depuis mon départ, récupérant ainsi de mon exténuante étape d'hier. 

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Ce chemin tout en sous-bois où je vais paresser, m'amène au col de la Guilla puis sur une piste qui descend vers Can Moulins. Je quitte cette piste par une étroite sente balisée avec des lettres en vieil anglais qui m'entraîne dans le ravin de Coral entre prés fleuris et bois où virevoltent de beaux papillons. Au loin, j'aperçois mon objectif du jour : la chapelle Notre-Dame de Coral.

Je m'arrête souvent pour calmer ma respiration qui a tendance à s'emballer. Si les anti-inflammatoires ont eu pour effet de calmer mes contractures musculaires, je reste néanmoins marqué par ma terrible journée d'hier et ma nuit agitée. Et je me réjouis d'avoir pris ce chemin déjà suffisamment difficile compte tenu de ma fatigue. Après maints zigzags, j'atteins Saint-Antoine, petit ermitage avec une fontaine et une aire de pique-nique. Je profite de ce lieu calme pour souffler un peu et manger le pain au chocolat que j'ai acheté ce matin. Je repars. Le balisage est formidablement distinct. Je traverse la D.115 pour entrer dans un autre bois où le chemin s'est élargi. Ici la forêt ne semble pas avoir souffert du déchaînement de Klaus. La forêt se termine et le chemin débouche dans un immense pré lumineux où tout à coup les beaux panoramas se dévoilent vers le nord. Le chemin traverse le pré et pénètre dans la grande ferme des Casals. Il est 10h30. Je passe au milieu de la ferme que je quitte par une piste terreuse qui continue vers la D.115. Très vite, je délaisse cette piste au profit d'une autre qui aboutit à un portail. Le balisage du P.R.12 est bien là. Je pousse le portail que je prends soin de refermer derrière moi. C'est un large chemin herbeux tout en sous-bois de petits noisetiers qui démarre ici et longe parallèlement la D.115. Après les rudes montées que j'ai eues jusqu'ici, j'apprécie à sa juste valeur ce sentier fleuri au doux dénivelé. Il est si agréable à cheminer et il fait si beau aujourd'hui, que je flâne, m'arrête, repars, m'arrête à nouveau pour observer une fleur, un oiseau ou un papillon. Tout devient prétexte à un rythme de marche nonchalant et placide. Je vais même jusqu'à m'arrêter plusieurs fois pour déjeuner. Un coup c'est un morceau de quiche acheté à la boulangerie ce matin, une autre fois une salade que je trimballe depuis le départ, une autre fois, un morceau de pizza, un gâteau de riz ou bien une orange. C'est simple, quand je retrouve la D.115 au col de la Guilla (1.194 m), je me suis arrêté trois fois, j'ai mangé tout mon déjeuner, il n'est pas encore midi et j'ai mis plus d'une heure depuis la ferme des Casals pour parcourir deux kilomètres. C'est dire la lenteur avec laquelle j'ai marché, mais cette lenteur est aujourd'hui en parfait synchronisme avec mon état de paresse. Un petit panonceau en direction de Notre-Dame du Coral est planté là au bord de la D.115. Il m'expédie de l'autre côté de la route où un grand portail s'ouvre sur une large piste qui descend vers Can Moulins. Les décors changent, ce n'est plus tout à fait la même végétation. Ici, les grands châtaigniers, les frênes et les hêtres ont quasiment disparus au profit des pins, des chênes verts et des chênes lièges. Sous un soleil de plomb et sur cette large piste terreuse qui descend allègrement, je retrouve machinalement mon rythme de marche régulier et habituel. Seul un abreuvoir dans lequel s'écoule une source arrête mon élan. J'y trempe mon bob déjà bien mouillé de sueur que j'enfonce tout dégoulinant sur ma tête. Frais comme un gardon, je repars sous ce cagnard brûlant mais juste avant Can Moulins, je suis à nouveau arrêté dans ma course par un petit panonceau aux lettres écrites en vieil anglais " N + D + du Coral ". De cet endroit, on aperçoit d'ailleurs les toits de l'ermitage. Au sein d'une dense forêt, la chapelle n'est plus qu'à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau. Une étroite sente raide descend dans une ravine, se stabilise et passe sous les maisons du hameau isolé de Can Moulins. Puis il descend à nouveau dans le bois d'un autre vallon où coule le Coral. Lors de l'analyse du parcours, j'avais prévu de m'y baigner en cas de fortes chaleurs. Mais si les fortes chaleurs sont là, le ruisseau, lui, n'est qu'un petit filet d'eau où il est très difficile de s'y mouiller ne serait-ce que les pieds.

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Après avoir traîné comme jamais, je finis par arriver très tôt à Notre-Dame de Coral. Comme à Saint-Guillem, la jolie chapelle est un lieu de pèlerinage et d'ermitage depuis des siècles mais ici elle fait aussi hôtellerie et restaurant. Je suis accueilli par deux énormes Saint-Bernard très gentils mais un peu trop baveux à mon goût. Un panonceau m'indique Lamanère, direction que j'aurais à prendre demain.

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Après une sieste bienfaitrice dans ma chambre, balades, visite et photos du site sont au programme. Son calme et son cadre de verdure unique se prête bien à ces activités. D'ici, j'aperçois tout au loin les Tours de Cabrens que je dois approcher demain. Je vais garder de Notre-Dame de Coral un souvenir impérissable et l'envie constante d'y amener un jour toute ma famille. 

Toujours dans les bois, le chemin remonte en zigzaguant jusqu'à l'intersection de deux chemins. Je connais bien cette jonction pour être venu à diverses reprises à Notre-Dame du Coral : il y a le chemin qui descend vers Lamanère et qu'il me faudra prendre demain et celui qui monte en direction de l'ermitage. Il est 13h15 quand j'aperçois les bâtiments et la chapelle. Je suis accueilli aux sons des grognements de deux énormes " Saint-Bernard " qui sont affalés de tout leur long sur le carrelage, certainement frais, du narthex de la chapelle. Ils doivent avoir si chaud qu'ils ne bronchent pas, mais néanmoins, ils m'observent du coin de l'oeil comme pour me dire " ne bouge plus, on te surveille ". Mais, je les connais pour les avoir rencontrés, il y a quelques mois, lors d'une randonnée. Ils sont plus impressionnants que réellement menaçants. Un jeune homme arrive d'un espace privé qui me semble être la cuisine. Je me présente, et il est parfaitement au courant de ma réservation en demi-pension pour une nuit. Force est de constater qu'ici ça fonctionne mieux qu'au Refuge de Batère. Pendant que le jeune homme me parle, les deux molosses se sont levés et sont venus me renifler les mains. Non, renifler n'est pas vraiment le mot. De leurs bajoues humides, ils m'enduisent les mains d'une bave gluante et quand je veux les repousser pour arrêter ce badigeonnage visqueux, le jeune homme me dit : " ils ont peur de votre bâton de marche " ! Je plie mon bâton télescopique et suit le jeune homme qui se dirige à l'étage pour me montrer ma chambre. Ce n'est pas vraiment une chambre mais plutôt un petit dortoir avec trois lits gigognes mais où, en principe, je devrais être seul car peu de randonneurs sont attendus aujourd'hui. Avant de retourner à ses occupations, le jeune homme me demande si je souhaite une boisson fraîche et quand je lui réponds une bière, il m'annonce avec jubilation, et comme si c'était une prouesse, qu'il a même une excellente bière pression. Je ne sais pas si chez lui, cet accueil courtois est habituel mais avec mon tee-shirt détrempé et mon bob avachi, il en a certainement conclu que j'avais dû avoir très chaud toute la matinée et que je devais avoir très soif. Gagné ! Je dépose mes affaires, retourne chercher ma bière et remonte avec dans le dortoir. Maintenant, je n'aspire qu'à une seule chose : " dormir ! ". Je me délecte de cette bière glacée, sors mes effets de toilettes, me déshabille et me précipite en slip sous la première douche venue qui se trouve au fond du couloir. Quand je reviens dans la chambre, et bien que les brûlures se soient formidablement estompées, je m'enduis les bras et les jambes d'Urticium et mets sous ma langue 5 granules d'Urtica Urens que je laisse fondre. Je finis ma bière et me jette sous une couverture et en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, je me vois m'endormir comme un bébé rassasié. Il est 16h30 quand je me réveille au doux bruit d'un aspirateur qui ronfle. Celui-ci arrive de l'extérieur et entre par la fenêtre que j'ai laissée grande ouverte. Quand je m'y penche c'est pour constater que la gérante et sa fille sont entrain de nettoyer leur voiture. M'apercevant à la fenêtre, elle semble confuse de m'avoir réveillé mais je la rassure car en réalité, il n'en est rien, je me suis éveillé tout seul après tout de même plus de deux heures d'un sommeil profond et réparateur. Je pars faire quelques photos de Notre-Dame du Coral qui est vraiment un site magique dans un cadre de verdure remarquable. D'ici, j'arrive à voir et à photographier les fameuses " Tours de Cabrens ", au pied desquelles, j'ai prévu de passer demain.

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Quelques images de ma soirée à Notre-Dame de Coral : la jolie chapelle avec ma chambre dont la première fenêtre est ouverte. Devant la fenêtre de ma chambre où, le soir, je vais assister impuissant à la mise à mort d'un pauvre mulot ballotté par trois horribles matous. La marmotte empaillée de l'excellent restaurant " La Bergerie " qui de ses yeux fixes me regarde manger et enfin le beau coucher de soleil vers le Mont Falgas. Ce soir-là, plusieurs randonneurs m'indiquent l'impossibilité qu'ils ont eu de se rendre à la Tour de Mir à cause des arbres couchés par la tempête Klaus et cela me conforte dans la décision d'avoir préféré le PR.12 plutôt que l'itinéraire du Tour du Vallespir. Cela effacera en partie cette entorse non prévue. 

Assis devant l'entrée de la chapelle, je fais la connaissance d'une randonneuse. Elle marche avec deux amis et font des randonnées en étoiles depuis l'ermitage. Elle vient d'arriver du secteur de la Tour de Mir où ils sont allés randonner aujourd'hui. Au fil de la discussion, elle finit par m'apprendre que, par là-bas, beaucoup d'arbres gisent encore à terre au milieu des pistes et des chemins. Ils ont pas mal galéré et n'ont pas pu respecter la boucle qu'ils avaient initialement envisagée de faire. Puis au moment de faire demi-tour, ils ont éprouvé beaucoup de difficultés pour revenir à l'ermitage depuis la Tour de Mir par un autre chemin. Cette information que je n'ai pas spécialement recherchée arrive à mes oreilles comme un pur soulagement. En effet, après cette difficile journée d'hier et malgré mon désir de faire preuve de prudence, j'avoue que faire le Tour du Vallespir et ne pas respecter son parcours originel me chagrine pas mal. Mais avec cette information, plus aucun regret, j'ai la certitude maintenant d'avoir pris ce matin la bonne décision en choisissant le P.R.12 ! La jeune femme part rejoindre ses amis dans le dortoir. Une petite chatte noire vient se faire câliner, elle ressemble à s'y méprendre à ma petite Milie, mais quand un des deux Saint-Bernard aperçoit ce manège, il est jaloux et veut lui aussi sa part de caresses. Je veux bien le cajoler mais lui ne conçoit pas de recevoir de la tendresse sans en rendre à son tour à grands coups de langue. Et voilà qu'en moins de trois heures, il se met à me passer une deuxième couche de salive collante sur les mains. J'adore les animaux et particulièrement les chiens mais cette écume blanche qui dégouline de ses bajoues a un côté ragoûtant et désagréable et, là c'en est trop. Je remonte vers les toilettes pour me laver les mains puis je me remets au lit pour un peu de lecture. Vers 19h30, je redescends pour m'installer dans la Bergerie. C'est ainsi que s'appelle la jolie salle de restaurant au décor campagnard typiquement catalan. Je suis seul dans la salle, et ce repas, que je mange sous l'œil inerte d'une grosse marmotte empaillée, est vraiment savoureux avec une salade de tomates à la mozzarella, un coquelet rôti avec un excellent petit assortiment de légumes, de riz et d'un délicieux gratin. Et pour clore le tout, on m'apporte une grosse tranche d'un succulent gâteau à la crème pâtissière. Je n'ai vraiment que des louanges à faire de cet accueil de qualité. La chambre est parfaite pour le randonneur que je suis, la cuisine est excellente et raffinée, le tout dans un décor unique et calme et pour couronner le tout avec un rapport qualité/prix des plus raisonnables. Que demander de plus ! Quand je remonte dans la chambre, le soir est entrain de tomber mais le soleil est loin d'être couché. Par la fenêtre, je le regarde décliner peu à peu, grosse boule rouge qui disparaît derrière le Mont Falgas. A cet instant, et en regardant vers ces belles montagnes, je repense à ce " Cami de la Retirada ". Ces chemins de la liberté, ils ont dû en voir passer des contingents de malheureux et de chancelants avec tous ces réfugiés politiques qui étaient obligés de fuir leur pays. Mais dans l'autre sens, cette frontière, elle a dû en voir défiler des bienheureux et des chanceux avec ces résistants et ces combattants de tous bords qui fuyaient le nazisme pour des vies et des destinées nouvelles. Trois chats noirs qui jouent sous ma fenêtre sur la pelouse du parc m'extirpent de cette rêverie et de ces réflexions. Ils jouent à un jeu très cruel, c'est celui du chat et de la souris, comme une parodie d'un " Tom et Jerry " grandeur nature où il y aurait trois " Tom " et dans lequel, le rôle de " Jerry " est tenu par un minuscule mulot dont le sort est scellé d'avance. Les trois " ignobles " matous se renvoient, d'un à l'autre, le petit mulot comme une balle de caoutchouc et quand parfois celui-ci retombe dans l'herbe, j'ai toujours espoir qu'il finisse par arriver à s'échapper. Mais malheureusement, il finit tôt ou tard par se faire rattraper pour un des trois " greffiers ". Décidément la nature est trop cruelle et devant cet impitoyable spectacle, je préfère partir me coucher. Voilà un aspect de l'âpreté du Vallespir que je n'avais pas imaginé au départ de cette randonnée. Comme quoi, on est loin de tout envisager quand on veut se hisser sur " les hauteurs d'une vallée âpre ".

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

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L'après-midi, ce gentil chat était venu se faire câliner. A la nuit tombante, sur la pelouse de l'ermitage, accompagnés de ses deux compères, il est soudain devenu un " ignoble assassin " suppliciant un pauvre petit mulot qu'ils se renvoyaient de l'un à l'autre comme un simple balle de caoutchouc. Une nouvelle fable était déjà dans ma tête.

 

Trois petits " Tom " et un pauvre Jerry

 

Trois petits " Tom " jouaient dans le parc ombragé.

Noirs étaient leurs pelages, leurs esprits, leurs pensées.

Et ce pauvre " Jerry ", que le diable tirait

Par une fine queue, était désespéré.

 

Un homme à la fenêtre regardant ce spectacle,

Espérait du hasard, une étoile, un miracle.

Mais la dure nature le fit pleurer soudain,

Les petits " Toms " noirs étaient des assassins.

 

Il partit se coucher, sensible à sa faiblesse.

Les petits " Toms " noirs avaient tant de rudesse.

Croquer une souris tels étaient leurs destins,

Un " Jerry ", un mulot ce n'est pas un festin

 

Puis l'homme s'endormit, mais les rêves l'éveillèrent

Sur son lit, un p'tit " Tom " dormait tel un pépère

Sans cauchemar aucun, sur ce qu'il avait fait

Le " Jerry " dans son ventre avait ressuscité.

 

Dans leurs songes, ils sautèrent dans le parc ténébreux

Le P'tit " Tom " et " Jerry " avaient l'air si heureux.

Toute la nuit, ils jouèrent jusqu'au petit matin,

Comme de bons copains, de gentils diablotins.

 

Puis le jour se leva et son lot de tracas,

Les petits " Toms " noirs cherchaient comme un en-cas.

Point de pauvre mulot pour leur combler la faim,

Mais un " Jerry " ailé tel un beau séraphin.

 

Les Petits " Toms " noirs scrutaient en vain le ciel,

En quête d'un oiseau, de leurs airs criminels.

Mais le frêle " Jerry " s'était changé en aigle,

Sur les chats il tomba emportant le plus faible.

 

Il faut vivre la vie comme un chat, un mulot,

Caresser les p'tits " Toms ", ignorer les salauds,

Et si la vie est dure, croque-là doublement

Comme une petit " Jerry " si tendre et si fondant.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 4 : Prats-de-Mollo  - Notre-Dame de Coral - 9 kms.

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