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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms5eme étape : Vendredi 21 août 2009.

Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms

Cliquez sur la carte pour l'agrandir. 2 fois pour un plein écran.

Soudain, la route bifurque. On prend à gauche. On monte en lacets. Et puis, le long des précipices béants, on file sur Saint-Laurent-de-Cerdans, vers la frontière espagnole. Les bois croulent de tous côtés. La cassure du schiste les arrête net au bord de la route. On n'aperçoit plus rien que ce filet de route grise au milieu d'une mer de verdure ensoleillée. Extrait du recueil " Visages de mon pays". Ludovic Massé (1900-1982) Ecrivain et poète français.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms ARCHANGES ET DEMON :

 

Hier soir, après avoir quitté la fenêtre, je me suis couché et je me suis mis à lire " Dalva ". Mais il me fut très difficile de me concentrer sur la lecture, car en permanence, revenaient, devant mes yeux, les affres de ce petit mulot ballotté par les trois matous. Avant de m'endormir, j'ai pris soin de badigeonner d' " Urticium " mes jambes et mes bras et la lecture finit par me donner ce petit " coup de massue " que les brûlures encore présentes et les pensées aussi sombres que les trois chats empêchaient jusqu'à présent. Dans la nuit, à deux autres reprises, j'ai été obligé de renouveler les applications de crème que j'ai confortées avec les petits granules car de très désagréables picotements m'ont réveillé. 

Il est 7 heures et autant dire que ce n'est pas la grande forme ce matin. Et pourtant, il va bien falloir que je les parcoure ces 26 kilomètres inscrits au programme du jour. Une fois encore, dans ce secteur extrêmement boisé, j'espère que mon " complice " Klaus m'aura laissé un étroit passage. En tous cas, grâce au gérant, je sais que le chemin est praticable au moins jusqu'à Lamanère. Je pars me jeter sous une douche froide. Et comme je n'y pense pas avant, une nouvelle fois l'eau glacée mets le feu à toutes ces petites rougeurs qui pullulent sur ma peau. La plaie au genou suppure de plus en plus et je renouvelle le pansement d'éosine. Malgré le bien que ça pourrait certainement lui faire, j'hésite à laisser la blessure au grand air car j'ai la crainte de me griffer ou de me cogner au cours de l'étape. Il est 7h30, et une fois encore, je me retrouve tout seul dans la Bergerie avec cet insupportable rongeur empaillé qui me dévisage. 7h30, c'est l'heure décidée, hier soir, d'un commun accord avec le jeune gérant. Hormis le café au lait, tout est prêt sur la table : pain, croissant, beurre, confitures, et comme je ne veux pas partir trop tard pour cette longue étape, j'apprécie d'autant plus cette ponctualité. On m'apporte un broc de lait chaud et un autre de café dans lequel j'arrive à me confectionner deux gros bols de café au lait que je prends néanmoins le temps d'apprécier.

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J'ai quitté Notre-Dame, direction Lamanère, devant moi le boisé Puig de Las Coubines dévoile son aspect pyramidal. Mon appareil-photo commence à dysfonctionner mais je vais le constater que bien plus tard.

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Sur le chemin, un joli oratoire dédié à la Vierge Marie et une date : 1500 !

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J'arrive à Lamanère près de la station d'épuration, par bonheur inodore, et à l'aire de pique-nique. Le temps d'un petit en-cas et je repars dans les ruelles en quête de la bonne direction.

8h15, je viens de récupérer mon panier-repas et harnaché de mon sac, je suis sur le parvis de la jolie chapelle. Sur l'herbe du parc, les matous sont déjà pied d'œuvre, en quête d'un oiseau, d'un campagnol ou d'un autre mulot. Je laisse ces redoutables chasseurs à leur petit déjeuner et repars par le chemin par lequel je suis arrivé hier après-midi. J'arrive à l'intersection qui descend vers Lamanère, et je poursuis la descente. Dix minutes plus tard, par une petite passerelle en bois, je traverse la Bernadeille, mince torrent au modique débit. Ici, surplombant le ruisseau, il y a un très joli oratoire restauré, dédié à la Vierge Marie et une étonnante date inscrite : 1500 ! L'essentiel de ma marche s'effectue dans de sombres sous-bois qui dominent sur ma gauche le ravin du Coral. Mais, de temps en temps, une fenêtre s'ouvre sur le mont à la fois rocailleux et boisé du Puig de Las Coubines (1.253 m). Toujours presque en descente, le sentier se rapproche peu à peu de la ravine, puis à l'approche de Lamanère, il fait un angle droit et je chemine en balcon au dessus du torrent de la Lamanère. Le petit village le plus méridional de l'hexagone est là, de l'autre côté du torrent, avec pour magnifique toile de fond, la verdoyante et oblongue montagne de la Baga de Bordellat. Le sentier débouche sur une piste qui descend vers la rivière et vers ce que je crois être un petit étang mais qui s'avère être en réalité un bassin de décantation de la station d'épuration du village.

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J'ai trouvé la Carrer de la Font de Dalt, (en français, la rue de la Fontaine d'en Haut), cette étroite ruelle cimentée qui s'élève me remet dans le droit chemin.

Il est 9h30, à côté du bassin de décantation, il y a une agréable aire de pique-nique bien propre et surtout aucune odeur nauséabonde alors je m'installe pour manger quelques fruits secs avant de repartir vers le village. Dans les petites ruelles, je ne trouve pas immédiatement le chemin qui monte vers les " Tours de Cabrens " où plutôt vers les Estanouses, petit lieu-dit qui selon ma carte IGN se situe sur le Tour du Vallespir. Pourtant, combien de fois y suis-je monter à ces immanquables tours ? Je sors mon GPS car les quelques personnes, qui me regardent passer, repasser, puis passer à nouveau, et qui discutent au beau milieu de la rue, n'ont pas l'air disposés à me venir en aide. La voilà, elle est enfin là, la petite venelle, cette " carrer ", comme ils disent ici. Comment ai-je pu la louper, cette Carrer de la Font de Dalt (fontaine du haut) montant vers les tours, avec ce balisage bien présent et les nombreux panneaux indicatifs accrochés à ce mur ? Sans doute étais-je distrait par le lumineux hameau dans son cadre d'émeraude et sa jolie rivière qui y coule au milieu ! Il est 10 heures quand je m'éloigne de Lamanère par une allée cimentée qui grimpe hardiment. Premier dénivelé, premières souffrances et premières grandes gorgées d'eau. Je m'arrête à la fois pour reprendre mon souffle et pour admirer les jolies maisons avec leurs vertes pelouses et leurs jardins fleuris. Je m'amuse d'un joli cadre peint dans lequel il est écrit : " attention au chat ". Je souris car je suppose que ce cadre aurais mieux trouvé sa place dans le parc de Notre-Dame du Coral, ainsi, les petits mulots auraient pu le lire !

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Je laisse Lamanère, son décor verdoyant, ses jolies maisons aux jardins fleuris par une sente bien balisée où virevoltent des papillons multicolores. Les Tours de Cabrens apparaissent très hautes au détour du chemin mais qu'importe puisque je vais au hameau des Estanouses qui lui est situé dessous beaucoup plus bas !

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En montant, j'aperçois les Estanouses, ce minuscule hameau par lequel le Tour du Vallespir devrait normalement passer si j'en crois ma carte IGN, mais désormais c'est un domaine privé gardait par des archanges et deux dobermans. Mais il y a aussi "un démon" qui va me faire monter par les Tours de Cabrens, ces tours minuscules que j'aperçois tout là-haut !

Je rentre dans un petit bois de chênes, coupe une première piste. Le balisage jaune et rouge du Tour du Vallespir est bien présent et une petite pancarte en ardoise me conforte sur la direction à suivre : " Tours de Cabrens-Pla Castell-Estanouses ". La pente s'accentue, j'entre dans un deuxième bois. A sa sortie, je traverse aussitôt une autre piste. Bien qu'encore très éloignées, deux des trois Tours de Cabrens sont parfaitement visibles au sommet de la haute colline. Mais je ne m'en inquiète pas car de toute manière, je sais que je n'aurais pas y monter. Un autre panneau est là maintenant, au bord d'un sentier terreux : " Les Torres Cabrenç ". J'ai retrouvé une foulée et une respiration régulière, malgré la pente qui s'est amplifiée très sérieusement. Le sentier terreux se termine d'abord par un bois de petits feuillus puis dans des prés de hautes fougères. Ici, les bas-côtés très fleuris du chemin sont des terrains propices à bons nombres d'insectes mais surtout aux abeilles et aux papillons. Des papillons, je n'en ai jamais vu autant depuis mon départ, même sur la piste du Col de Formentere où pourtant il y en avait déjà beaucoup qui tournaient autour de moi. Au fil de mes randonnées et en les photographiant, j'ai appris à les reconnaître : Piérides, Argus, Vulcains, Tabacs d'Espagne, Petites Tortues, Nacrés, Théclas, Ecailles martrées, Apollons, Citrons, à chacun de mes pas c'est un cortège de papillons multicolores qui s'élèvent. Il y en a tellement dans les prés, dans les haies et sur le chemin que parfois quant ils s'envolent, autour de moi ça ressemble à ces milliers de confettis colorés ou à ces petits papiers brillants que l'on jette lors de grandes manifestations. Je rejoins une autre piste plane qui, selon mon GPS doit me faire passer devant le lieu-dit les " Estanouses ". Je m'avance, pas de problème le GPS me situe sur le tracé. Je fait quelques dizaines de mètres et là, je me retrouve devant une clôture où trônent de jolies statuettes d'archanges et de colombes aux ailes déployées et un grand portail ouvert : " Domaine des Estanouses ". Collé sur un pilier, il y a bien un petit cadre avec un chien dessiné, style Doberman mais rien qui annonce une éventuelle méchanceté ni la raison d'être craintif. Et quand je m'approche, bien au contraire, il y a sur la gauche, une caméra avec ces quelques mots amusants : " Souriez, vous êtes filmés ! ". Je reste planté là, indécis quant à la conduite que je dois tenir. D'un côté, j'ai une peur bleue des Dobermans avec un affreux souvenir d'enfance d'une folle course poursuite entre un énorme molosse de cette race et moi perché sur un Solex. De cette " chevauchée fantastique ", j'avais réussi à en sortir sain et sauf, grâce au propriétaire qui, sur un puissant et simple sifflement, avait réussi à stopper net son chien, au moment même où ce dernier était sur le point de me rattraper pour me croquer un mollet. D'un autre côté, je me dis que les propriétaires doivent certainement avoir, à la fois de l'humour avec ce " Souriez, vous êtes filmés ", et une grande amabilité pour exposer ainsi sur leur mur ces chérubins et ces colombes, symboles de douceur et de paix. Je me décide et j'entre, j'ai confiance dans les hommes, un peu moins dans les Dobermans mais après tout, et selon mes cartes, je suis bien sur le GRP Tour du Vallespir et je n'ai pas d'autres solutions que celle-là. Je fais une trentaine de mètres, arrive devant de belles maisons où tout est calme et silencieux. Je m'arrête, troublé par ce silence et m'apprête à poursuivre la piste avec mon GPS à la main, quand tout à coup, en provenance des villas, deux dobermans descendent vers moi en vociférant.

Je reste pétrifié. Voilà que ma triste expérience se renouvelle, mais cette fois ils sont deux, et je n'ai aucune chance car je n'ai pas de Solex pour fuir mais un sac de 18 kilos qui ruine toute éventualité d'escapade. Heureusement une fois encore, je vais m'en sortir, car du haut d'une terrasse, une femme se met à hurler et les chiens s'immobilisent à deux mètres de moi. Ils continuent de grogner, mais comme j'ai de la mémoire, je raccourcis aussitôt mon bâton télescopique et leur tends une main amicale dont je ne sais pas, s'ils vont la dévorer ou la lécher. Entre temps et alors que les " cerbères " se sont calmés, un homme est également sorti sur la terrasse et m'interpelle en criant :

- Que voulez-vous ?

- Je veux aller au Pla de Castell !

- Non, ce n'est plus possible par là, le chemin est fermé depuis quatre ans !

- Mais comment est-il fermé ?

- Vous êtes sur une propriété privée et le chemin n'a plus été défriché !

- Mais par où puis-je y aller ?

- Il faut que vous montiez aux Tours !

Je suis si surpris que je lui pose cette question vraiment idiote :

- Quelles tours ? Celles de Cabrens ?

Et il me répond brutalement :

- Vous en connaissez d'autres ici ?

Et il ajoute :

-Il y a un chemin qui passe juste en dessous des tours !

Je crois qu'à cette idée d'avoir à escalader les Tours de Cabrens, je suis encore plus terrifié que j'ai pu l'être devant les Dobermans. Je les connais trop bien ces tours à signaux de Cabrens pour y être monté à quelques reprises mais jamais avec un sac à doc de 18 kilos ! Un gros dénivelé sur une distance très courte et jamais un replat pour souffler. Comme si cette étape n'était pas suffisamment longue ! Je ne bouge plus. Je suis groggy et je regarde bouche bée cet homme qui vient de me donner un véritable coup de gourdin sur la tête. Et tout en le regardant, je ne sais pas pourquoi, j'ai un mal fou à le croire. Pourquoi, ce chemin n'aurait-il pas été débroussaillé ? D'accord, il est chez lui, mais ne préfère-t-il pas empêcher tout passage de randonneurs sur son domaine ? Je continue à le regarder et je me dis que je me suis bien trompé sur son compte : " Il vous reçoit avec des anges mais en réalité, lui c'est un vrai démon ! ". Lui m'observe aussi et semble s'interroger sur la conduite que je vais adopter. Mais il a le beau rôle avec ses deux chiens de garde qui maintenant se sont couchés à mes pieds. Alors ai-je le choix ? Même si je ne lui montre pas, je repars furieux tout en marmonnant : " Voilà ça m'apprendra à avoir trop confiance dans les hommes ! "

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Après avoir terriblement souffert dans la montée vers le Tours de Cabrens, j'arrive à la première. Elle date du XIVeme siècle. D'ici, malgré quelques nuages, j'ai des vues splendides sur une grande partie du chemin parcouru. Je décide de déjeuner mais des énergumènes exagérément bruyants vont me faire fuir. Au bord la falaise, j'aperçois un autre démon ! Il est très beau !

Et c'est vrai, peut-être je crois trop en l'homme et pas suffisamment dans les Dobermans. Après tout, ils sont très gentils ces chiens-là quand ils sont bien dressés ! Sur la piste, je retrouve un autre panneau " Torrés de Cabrenç " et un petit sentier que je poursuis mais il s'agit d'un simple raccourci qui m'emmène sur une autre piste un peu plus haut. Il est 11 heures, l'heure a tourné et aujourd'hui, j'ai le sentiment de ne pas avoir beaucoup avancé. Mais bon, d'un autre côté, je ne suis pas en super forme et je me dis qu'il n'est pas utile que je me " brûle " en me dépêchant inutilement. Aussi, je continue de monter à mon rythme qui, je l'avoue, n'est pas bien rapide aujourd'hui. Je coupe un maigre ruisseau, la piste se termine et devient sentier à l'entrée d'un sous-bois. La déclivité s'intensifie mais une tour se rapproche. Je raccourcis mon bâton que je plante plus fermement pour me hisser sans avoir à faire trop d'efforts avec mes jambes. Mais c'est peine perdue, car le poids du sac qui m'entraîne en arrière contrebalance cette vaine manœuvre. Heureusement, j'ai dans ma poche et à portée de main, mon petit tube de " dope ". Habituellement, et cela depuis mon départ, un sachet de gel énergétique me fait amplement la journée mais aujourd'hui j'en ai quelque peu abusé et c'est sûr, cette fois il ne terminera pas cette étape. A la fin du sous-bois, une nouvelle piste apparaît. Je regarde mon GPS plus par curiosité que par nécessité, car ici je n'ai plus de tracé. Entre mon entrée et ma sortie de ce petit sous-bois, j'ai fait quoi ? 200 mètres, 250 mètres, mais l'altitude, elle a progressé de 63 mètres. Je comprends mieux mon essoufflement. Une vingtaine de mètres plus loin, dans la courbe d'un virage, un balisage me renvoie dans les bois par une pente escarpée. Je regarde ma carte IGN et constate qu'il s'agit d'un raide raccourci qui monte à la première tour. Je l'ignore et poursuit par la piste encore une fois plus " roulante " comme disent les cyclistes. Un homme est entrain de redescendre, lui en direction de Serralongue. Nous bavardons un peu, de tout et de rien mais surtout de mon Tour du Vallespir dont il semble dire que c'est pure folie que je le fasse seul. En disant cela, il fait certainement allusion à mon âge et sans doute a-t-il en partie raison. Aussi, je ne le contrarie pas mais je fais mien ce proverbe : " Un fou qui marche va plus loin qu'un sage qui reste assis ". Mais la bible ne dit-elle pas aussi : " La voie qu'emprunte le fou est droite à ses yeux, mais il est sage d'écouter les conseils ". Alors un partout et la balle au centre. Je continue la piste et je finis par arriver devant la première des tours. Ancienne tour à signaux qui date vraisemblablement du XIVeme siècle, elle servait à communiquer avec d'autres tours ou bien avec des châteaux ou des forteresses du Vallespir et du Roussillon. Elle a magnifiquement été restaurée. Il est midi et je m'installe à une table de l'aire de pique-nique aménagée devant la tour. D'autres randonneurs sont déjà là, installés et calmes mais d'autres arrivent et tournent autour de moi comme de bruyants frelons en quête d'un emplacement idéal, qu'apparemment ils n'arrivent pas à trouver. Gesticulant, criant et braillant même, ils semblent se moquer éperdument de tout ce qui les entoure. J'arrête là mon pique-nique pour m'éloigner de ces énergumènes excités mais surtout irrespectueux vis-à-vis des autres et de la quiétude qu'en général on vient chercher dans un tel lieu. Je pars d'abord derrière la tour puis longe le bord de la haute falaise en direction de la deuxième. Sur ma gauche, un panorama superbe me laisse entrevoir une toute petite portion du chemin parcouru aujourd'hui, mais droit devant moi, j'ai une ample et admirable vision des hauteurs que j'ai gambadées depuis Formentere. Avec les jumelles, j'essaie de retrouver plus précisément les endroits et les crêtes où j'ai pu marcher les jours précédents. Mais dans cet horizon lointain et légèrement voilé par quelques nuages blancs, retrouver ces contrées n'est pas si évident. Mais, j'aperçois néanmoins le refuge blanc de Batère, le dôme aplati et reconnaissable du pic de la Souque et je devine les vertes prairies des cols de l'Estagnol et de Serre-Vernet. Après ce bref intermède, je continue à longer la falaise et suis maintenant en surplomb de la maison du " démon " : Les Estanouses sont là à mes pieds, vaste et magnifique domaine avec piscine. J'observe la piste que j'avais commencé à emprunter, elle semble se poursuivre bien après les habitations puis elle s'enfonce dans la forêt où je perds sa trace. J'imagine que je ne saurais jamais comment se termine cette piste. Après tout, le démon n'en est peut-être pas un et mon ressentiment m'a fait perdre la raison ? Mais s'il n'est pas démon, qu'est-il alors ? Un homme serviable qui m'a simplement indiqué un chemin ? Alors archange ou démon ? Mais pour travestir un proverbe bien connu : " chassez le surnaturel, il revient au galop ". Car au moment où je tourne la tête, un nouvel être surnaturel chasse l'autre. Mais celui là est de pierre et je ne vois plus que lui dans la falaise. Une tête parfaite vue de profil et taillée dans cette paroi rocheuse par cette talentueuse " Dame Nature " ou par ce sculpteur fou qu'on appelle l'Univers. Je reste d'abord subjugué par ce visage étrange que j'aperçois à Cabrens pour la première fois alors que j'y suis monté à diverses reprises.

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Je reste complètement subjugué par ce profil presque parfait taillé dans la paroi rocheuse par "Dame Nature " ou par ce sculpteur fou qu'on appelle l'Univers.

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Dans l'ordre d'apparition : la 1ere tour du 14eme siècle puis la 2eme tour du 13eme siècle en surplomb de la falaise et des Estanouses que j'aperçois tout en bas, puis enfin, les ruines du château du 11eme siècle où je vais pouvoir enfin déjeuner en paix avec une vision parfaite sur le Pla de Castell et l'itinéraire parcouru ce matin.

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Au pied des Tours, je trouve un panonceau " Tour du Vallespir " près d'une vieille ferme envahie par les lierres. Le Pla de Castell est peuplé de papillons. Après avoir souffert toute la matinée, je peux enfin souffler et me fier aux nombreux panneaux pour suivre sagement le chemin. Il arrive dans un Colorado miniature !

Alors vision due à la fatigue, imagination débordante ou effets de la lumière selon le temps, l'ensoleillement à une heure du jour bien particulière ? Je m'empresse de prendre une photo, puis une deuxième en rapproché. Mais au moment où je vérifie les photos sur le petit écran de mon numérique, ce dernier a l'air de foirer au niveau de la pixellisation et comme je l'ai depuis peu de temps, je n'en connais pas tous les réglages à mettre en œuvre pour réparer ce mauvais fonctionnement. Mais au fait, pourquoi se met-il soudain à " déconner " ici, devant cette sculpture étonnante ? Me jetterait-il un sort ce mauvais génie ?

Je m'empresse de regarder les photos antérieures. Non, plusieurs photos présentent les mêmes symptômes depuis hier apparemment et peu après mon départ de Prats-de-Mollo. Alors mon numérique a-t-il souffert de mes péripéties dans la forêt du Miracle ou bien l'ai-je mouillé sans m'en apercevoir ? Je suis un peu dégoûté, je l'avoue, mais je vais faire avec, car les mauvaises photos ne sont pas systématiques non plus et je me dis que je pourrais peut-être les corriger avec un logiciel de retouche. Comme je suis un peu perturbé par cet incident qui m'agace, et peut-être aussi par cette fabuleuse figure surnaturelle que je viens de voir, du coup, je finis par en oublier cette deuxième tour que l'on appelle la médiane. Au lieu d'y monter, je passe dessous et j'ai juste le temps de la prendre en photo, et cette photo-là, semble bonne. Je me dis que ce petit écart d'itinéraire n'est pas bien grave. En effet, je connais déjà cette tour, avec ses murs de 5 mètres de large, elle a, paraît-il, servie de prison et est plus ancienne d'un siècle (XIIIeme) que la précédente. Mais surtout, je suis sur une sente, difficile certes, mais bien balisée en jaune. Dans un court dédale de rochers et de petits chênes, la sente finit par remonter vers la troisième tour construite à l'extrême limite de la crête rocheuse. On l'appelle tour, mais en réalité, il s'agit des ruines d'un vieux château du XIeme, dont il ne reste qu'une infime partie de la voûte de l'antique donjon et quelques murailles qui dominent le Pla de Castell et son écrin de verdure. Tranquille cette fois, je m'arrête là pour finir mon déjeuner que quelques nigauds avaient interrompus. Il est 13 heures et après avoir remonté le temps en longeant cette crête, il me faut maintenant la redescendre de l'autre côté et c'est loin d'être une sinécure. Abrupte et glissante plus qu'il ne faudrait, je descends le plus souvent en m'accrochant aux arbres quand ce n'est pas sur le cul. Ici, comme je l'ai déjà fait dans les gros pierriers de Serre-Vernet, je redouble d'attention pour éviter une chute qui pourrait avoir des conséquences dramatiques. Je mets 25 minutes pour atteindre le plat et un petit panonceau où je retrouve le GRP Tour du Vallespir. Je suis surpris de trouver ici ce panonceau mais en consultant les copies du topo-guide, je constate soudain que Véron inscrivait les Tours de Cabrens comme une alternative aux autres chemins. Panonceau ô combien encourageant, car il est inscrit : " Falgos " et c'est bien par là-bas que je dois aller. Je longe les ruines d'une vieille ferme encombrée par les lierres et envahie d'une foisonnante végétation. Ici aussi, les papillons sont nombreux et fantaisistes dans leurs circonvolutions et quand j'arrive au joli carrefour du Pla de Castell, je constate avec bonheur que mon GPS a retrouvé le tracé enregistré. Ce bonheur s'ajoute à celui d'apercevoir le panneau : " Pla de la Muga ". Je file à main gauche par la large piste que je quitte immédiatement, toujours à gauche, à un nouveau panneau : " Tour du Vallespir-Coustouges ". Je ne me rends pas à Coustouges car à ma connaissance il n'existe plus aucune possibilité ni de couchage ni de ravitaillement, mais le véritable Tour du Vallespir passe par ce village frontalier dont les Romains avaient déjà fait de ce lieu, un passage obligé vers ce qu'ils appelaient Hispania, c'est-à-dire l'Espagne. Cette voie, c'était la Via Vallespirani, ancêtre très proche du chemin que j'emprunte aujourd'hui et qui allait au Col d'Ares.

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Après le Pla de Castell, j'arrive au Pla de la Muga dans cet étrange " Colorado miniature " où les couleurs des roches et des sables vont du rouge ocre au rouge bordeaux. Mais c'est quoi au juste ces roches ?

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Pas toujours évident à suivre, le chemin circule au milieu de ces roches rouges et atterrit en Espagne devant cette stèle où il est écrit : " Ici née la Muga ". La Muga est une rivière qui se jette dans le golfe de Roses. Pourtant ici tout est sec et rien de laisse à penser qu'il y a la source d'un fleuve de 65 kilomètres de long !

L'étroite sente se faufile dans un petit bois de pins et débouche sur d'étranges et magnifiques dunes de sables rouges. Ici on voit parfaitement ce travail d'érosion que le vent et surtout l'eau ont façonné sur cette terre qui va de l'ocre rouge au rouge bordeaux. Dunes et vagues de sable que l'on croirait mouvantes mais aussi petites pierres dures et gros rochers érodés ressemblant à des scories ou à d'étranges bombes volcaniques. Alors c'est quoi, ces bizarres formations géologiques rouges que l'on trouve par ici ? Les dépôts des éruptions des proches volcans de la Garrotxa ? Grâce à de petits cairns, je déambule et grimpe dans ce Colorado miniature. Mais entre le chemin à prendre et l'ornière centrale et principale, l'écart est très étroit pour monter au Pla de la Muga. Je finis par m'éloigner du tracé du GPS et me retrouve devant une stèle où il est marqué en catalan : " Ici né la Muga 1216,49 m - Fête de l'Albera Viva 9-6-1996 " et où s'ajoutent les noms d'une douzaine de villages français et espagnols des alentours. Mais je suis surpris car ici tout est sec aujourd'hui et aucune source ne jaillit. Pourtant je crois savoir que la Muga est longue puisqu'elle s'écoule le long de la frontière, puis dans l'Emporda pour finir sa course dans le golfe de Roses du côté d'Empuriabrava. (Renseignements pris sur Internet à mon retour, la rivière Muga est longue de 65 kilomètres et pour un fleuve dont la source semble asséchée en été, je trouve que c'est plutôt pas mal !) J'observe ma carte IGN pour regarder où je suis exactement et retrouver le sentier. Je n'ai jamais été aussi prêt de la frontière, puisque si j'en crois la carte, je l'ai même franchie devant cette stèle. Mais si la Muga se jette dans le golfe de Roses, moi, il me faut partir sans traîner vers un autre golf, celui à 18 trous du domaine de Falgos.

Je retrouve le sentier dans les pins tout proches. Il se poursuit rectiligne vers le nord sur un chemin de sable blanc au milieu d'une lumineuse hêtraie et de quelques châtaigniers. Puis, soudain ce sentier se transforme en une large piste ensoleillée et colorée qui fait un angle droit, part plein sud et serpente au milieu des petits feuillus et des bruyères roses. J'apprécie ces chemins sableux et souples où je peux rattraper les atermoiements de mes flâneries et de mes divagations. Animés de papillons multicolores et de sauterelles aux ailes bleutées, ornés et parfumés de milles fleurs, colorés par les mauves véroniques, les bruyères roses et les baies rouges des sorbiers des oiseaux qui me font une haie, ce chemin qui ne fait que descendre est une vraie " autoroute du soleil " pour mes jambes fatiguées. Alors est-ce la fatigue, la précipitation ou bien mon insouciance, mais une fois encore, je me trompe pour filer droit vers le pic de la Massanes (1.114 m). Et quand je regarde mon GPS puis ma carte, une fois encore j'ai parcouru quelques centaines de mètres pour rien. Je suis allé tout droit au lieu de poursuivre la piste à gauche qui descend vers Falgos. Heureusement, je n'ai fait que trois cent ou quatre cent mètres et faire demi-tour n'est pas bien grave.

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Après cette brève incursion en Espagne, j'ai retrouvé le Tour du Vallespir et un agréable sentier qui doit m'amener à Saint-Laurent-de-Cerdans

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Ce chemin coloré de mauves véroniques, de bruyères roses et par les baies rouges des sorbiers des oiseaux est animé de papillons multicolores. Pour mes jambes fatiguées, c'est une vraie " autoroute du soleil ". Parfois, je marche aussi en sous-bois et je finis par arriver au golf de Falgos.

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La lassitude plus une déprimante route goudronnée, une fois encore tout devient une excuse à des arrêts photos, de jolis papillons, les " écailles chinées " surtout. Après 7 kms, j'enjambe le ruisseau de Coustouges et entre dans Saint-Laurent. Mais je n'en ai pas fini, il reste encore plus d'1,5 km à parcourir pour arriver à la Maison Noëll !

Mais je me dis aussi qu'il faut que je redouble d'attention car l'étape est suffisamment longue sans que j'en rajoute inutilement. Il est 15 heures passé, et comme j'ai un petit creux à l'estomac, je profite de cette étourderie, de la tranquillité du lieu et de l'herbe tendre du chemin pour finir mon panier repas très copieux aujourd'hui. Après cet en-cas, je repars toujours au même rythme ma descente vers Falgos au travers d'une hêtraie, des pinèdes et de hautes haies de genêts. Mais quand j'aboutis sur la route qui monte au Domaine de Falgos et descend vers Saint-Laurent de Cerdans, il n'est pas encore 16 heures et mes pensées sont prises en tenaille entre deux sentiments : d'un côté, je suis heureux d'être arrivé là, à quelques kilomètres de l'arrivée car je sais que j'en ai fini avec les hauteurs pour aujourd'hui, et de l'autre, je suis sous le coup d'une grosse désillusion car je pensai trouver un joli sentier fleuri pour rejoindre Saint-Laurent et je ne trouve qu'une route goudronnée qui serpente au milieu des schistes. Et quand je regarde ma carte IGN, cette route qui doit m'amener dans le centre historique de Saint-Laurent de Cerdans, je l'estime à environ 7 à 8 kilomètres. Ma déception est d'autant plus grande que c'est par obligation que je dois rejoindre cette ville, car à l'origine le vrai Tour du Vallespir passait par Coustouges. Mais depuis quelques années, il n'y a plus de possibilité de couchage et quand j'ai organisé mon parcours, je n'ai rien trouvé à Coustouges, ni refuge, ni gîte, ni chambres d'hôtes, ni hôtel. C'est donc par résignation que je me suis rabattu sur Saint-Laurent-de-Cerdans car le Tour du Vallespir y passe à quelques kilomètres au pied du Mont Capell (1.194 m).

Alors, avec encore tous ces kilomètres à parcourir, autant dire que ma journée est loin d'être finie !

Comme je le fais souvent en pareil cas, je prends un train de sénateur et tout devient une excuse à faire des photos. Mais ici, il n'y a pas grand-chose à photographier, pas de vastes panoramas, ni de beaux paysages, ni d'amples forêts ou de vertes prairies, mais qu'une triste et tortueuse route de bitume gris encastrée dans la roche. Alors, une fois encore je me rabats sur ces " malheureux " papillons. Mais ici, il y a une chose très étrange : les papillons sont magnifiques mais il y en a pratiquement qu'une seule variété et ce sont les reconnaissables " Ecailles chinées ou Callimorphe ". On peut les confondre avec les " Ecailles martres " qui sont ressemblantes bien que leurs zébrures noires et blanches ne soient pas tout à fait identiques. Je prends bien quelques exemplaires de ces étonnants papillons en photo avec leur ailes contrastées pour moitié oranges et pour moitié zébrées lorsqu'elles sont ouvertes, mais comme il y en a des milliers au bord de la route sur les épilobes, les chardons, les véroniques en épi, les fleurs d'origan et même les fleurs d'orties, j'en ai vite fait le tour. Mais si ces papillons ont la particularité de marauder aussi bien le jour que la nuit, il ne faut pas que je fasse pareil, car si je continue à vadrouiller de la sorte c'est bien à la nuit tombante que je vais arriver.

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Avec cette hilarante station météo du Wendland, les Laurentins prouvent qu'ils ont de l'humour !

17 h, j'arrive sur un pont où coule une rivière, à l'intersection de plusieurs routes. Il y en a une qui va à Coustouges, une autre à Vilaroja et celle que je dois emprunter vers Saint-Laurent. Dix minutes plus tard, j'entre dans le joli bourg où je m'arrête quelques instants sur un banc pour manger et me désaltérer un peu car j'avoue en avoir marre de cette route goudronnée. A quelques mètres du banc, il y a un trépied où est accrochée une chaîne, et au bout de la chaîne, un gros pavé est suspendu.

Intrigué, je m'approche et je prends en photo cette hilarante station météo du Wendland. Aussi, en traversant la Quera et entrant dans la ville, je me dis : " C'est bien, au moins ici les habitants ont de l'humour ! ". Et c'est vrai que les gens m'ont l'air bien sympathiques. Ici, tout le monde me salue, les passants, les retraités qui jardinent, les badauds, les hommes, les femmes, les jeunes, les vieux. Et quand, je demande mon chemin pour trouver la rue de la Sort, on se met en quatre pour m'expliquer. Du coup, hormis l'effort d'y grimper car la pente est rude, je n'ai aucun problème pour trouver la Rue de la Poste et l'église paroissiale que l'on m'a gentiment indiquées comme repères. Je suis même surpris par tant de prévenance car cherchant encore mon chemin et la Rue de la Sort, un jeune homme brun très sympathique s'approche et me demande :

-Vous avez l'air perdu, je peux vous aider ?

-Oui, je cherche à me rendre au numéro 4 de la rue de la Sort, chez Monsieur Mario Lopes.

-Je suis Monsieur Lopes, suivez-moi, je vais vous y accompagner.

-Je suis Gilbert Jullien. Enchanté Monsieur Lopes, mais vous alliez dans l'autre sens !

-Oui, j'allais chercher mon enfant à la garderie.

-Alors, ne vous dérangez pas, je vais vous attendre ici.

-Non, écoutez ma femme est à la maison et c'est simple pour y aller. Prenez tout droit, puis tournez à gauche dans la première petite ruelle. C'est la rue de la Sort. Mais au lieu de sonner au numéro 4, allez au numéro 6.

-Merci, c'est compris, j'y vais de ce pas.

-A tout à l'heure.

-A tout à l'heure.

Le jeune homme repart et une minute après, je suis dans une étroite venelle, devant la petite porte d'une haute maison de village. Une jeune femme très gaie m'ouvre. Je me présente. Isabelle, me dit-elle, avant de me faire très spontanément la bise. Nous montons quelques escaliers qui débouchent sur une grande salle à manger. La demeure me paraît immense, mais elle est surtout magnifique et je ne me prive pas de le lui dire. Avec la volubilité qui semble la caractériser et son agréable accent portugais chantant, Isabelle se met à m'expliquer en détail les origines de cette splendide maison de maître : Elle s'appelle Damia Noëll et fût construite en 1606 et habitée pendant plusieurs siècles par une richissime famille de bourgeois qui s'appelait Noëll. Le premier occupant s'appelait Damia d'où le nom de la maison d'hôtes désormais. (Pour la petite histoire, j'appris sur Internet que ce Damia avait combattu aux côtés de Josep de la Trinxeria et est resté dans l'Histoire de la Catalogne comme un farouche opposant au Traité des Pyrénées et à l'instauration de la gabelle en Vallespir.) Il y a quelques années, les héritiers de la famille Noëll ont décidé de vendre la maison après le décès d'une de leurs grand-mères qui avait vécue dans cette grande bâtisse pendant de longues années et qui ne l'avait plus réellement entretenue. Isabelle et Mario la rachetèrent pour en faire une table et des chambres d'hôtes car ils avaient, depuis longtemps, l'ardent désir de se lancer dans cette activité. Et, quand Isabelle m'amène sur la terrasse extérieure construite en grosses pierres de taille, je reste complètement émerveillé par ce côté-là de la maison. Autant la façade côté ruelle est modeste et ne paye pas de mine, autant ce côté-là est remarquable, avec cette terrasse qui domine une partie du village, la rivière Saint-Laurent, de grands jardins en espaliers et qui est face aux collines et au Mont Capell.

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Quelques photos de Saint-Laurent-de-Cerdans au moment où j'arrive dans le village. J'enjambe la rivière Quera, et j'entre dans un village qui respire la fête.

Mais avec mon sac à dos sur les épaules et mon bâton et mon bob encore à la main, je crois qu'Isabelle a dû se rendre compte que j'étais impatient de rejoindre ma chambre. Oh non, Isabelle ne m'ennuyait pas avec ces vieilles histoires de la famille Noëll, bien au contraire, mais la lassitude devait se lire sur mon visage tiré ! Elle semble confuse mais je l'en excuse car j'ai parfaitement vu qu'elle vivait avec passion cette antique maison et le fait de contribuer à l'embellir et à vouloir la faire revivre. Mais, elle a compris aussi que j'étais fatigué et c'est tout à son honneur. Par d'immenses escaliers en bois vernis, elle m'accompagne à l'étage supérieur où se trouve ma chambre. Une chambre magnifique avec un vrai grand lit, avec des draps tout blancs, recouvert d'un admirable couvre-lit brodé et de vrais oreillers. En y entrant, je ne peux m'empêcher de me dire que cette chambre me change de tout ce que j'ai pu connaître sur ce Tour du Vallespir. En 3 jours, je suis passé de la simple paillasse de Saint-Guillem avec lézard, souris et poussière à volonté à une chambre " princière ". Mais dans une longue randonnée comme celle-là, c'est bien toutes ces petites choses diverses et variées qui créent l'aventure et tout naturellement, je prends plaisir à ces diversités.

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Une vue aérienne du village puis la ruelle avant d'arriver à la Maison Noëll. Un instant de détente dans la merveilleuse chambre que l'on m'a allouée. De superbes panoramas sur le Mont Capell et les " serrats " que j'aperçois depuis la magnifique terrasse ou depuis ma fenêtre.

Après une bienfaisante douche dans une vraie cabine avec des robinets mitigeurs comme à la maison, j'ai aspiré à un petit peu de repos que j'ai une fois encore rempli avec " Dalva ". Mais, je sais que l'on m'attend pour un apéritif de bienvenu à 19 heures tapantes. Je connais le principe de la chambre d'hôtes où tous les convives se retrouvent pour des repas en commun et à une table unique, parfois en présence des propriétaires. Dans le canapé du salon, Mario me présente d'abord sa petite famille. Avec beaucoup de simplicité, tout le monde me fait la bise. Avec la même passion qu'Isabelle, Mario m'explique comment il en est venu à acheter cette maison de maître et la conversation va bon train sur l'histoire des Noëll. Il me parle surtout d'Abdon, le seigneur de Vilaro, âme de la Résistance du Vallespir au temps de la Révolution Française qui fût le plus connu de tous. Nous en sommes là, quand un autre client nous rejoint, venu de Bretagne et passionné de VTT. Alors nous partons nous installer sur la belle terrasse, nous buvons une bière, puis les bavardages s'animent. Mario nous offre un excellent muscat et d'autres convives nous rejoignent. Il s'agit de tchèques. Un couple plutôt timide qui passe leurs vacances dans la région. Ils arrivent tout droit de Bruxelles où ils travaillent au Parlement Européen. Ils parlent très bien le français, en tout cas beaucoup mieux qu'ils ont l'air de le penser et surtout bien mieux que nous pouvons parler le tchèque tous autant que nous sommes ! L'heure du souper arrive et nous partons tous nous installer à la grande table de la salle à manger. Trop occupés en cuisine à préparer les excellents plats que nous devons manger, Isabelle et Mario ne soupent pas avec nous. Mais si nous regrettons leur absence à table, nous n'avons pas à regretter leur présence derrière les fourneaux car ce repas est en tous points remarquable : une craquante salade de chèvre chaud, un gros " galet " grillé, poisson de Méditerranée et un savoureux et copieux " pijama espagnol ", dessert fait d'un flan à l'œuf, d'une boule de glace à la vanille accompagnée d'une demi pèche et d'une demi poire au sirop, le tout agrémenté d'une sauce au chocolat. Entre deux plats, la sympathique Isabelle nous rejoint et viens s'enquérir de l'intérêt que nous portons à ses plats, Mario, lui, est le plus souvent près de nous a harmoniser les débats, et de ce fait, leurs absences au repas n'ont aucune conséquence sur la qualité de nos conversations qui sont agréables et chaleureuses. Chacun se met à raconter à tour de rôle, comment il vit sa passion. Le jeune breton, c'est le VTT qu'il chevauche à sillonner le Vallespir depuis quelques jours. Les tchèques plus passionnées par les visites des musées et le patrimoine roussillonnais parlent avec ferveur du Musée d'Art Moderne de Céret. Et moi, je parle bien sûr des randonnées et de ce Tour du Vallespir que je suis entrain d'accomplir. Cette soirée est une des plus agréables que j'ai passé depuis fort longtemps et quand, nous partons nous coucher, nous avons tous l'air heureux. Nous nous séparons un peu à regrets, et surtout par respect vis-à-vis d'Isabelle et Mario. Nous quittons tous Saint-Laurent-de-Cerdans dès demain matin, mais pour nos hôtes, de nouveaux clients arrivent et comme beaucoup de choses sont à prévoir, ils vont devoir se lever tôt. Une fois encore malgré une évidente lassitude, je ne peux pas m'endormir immédiatement. Cette amicale veillée entre copains d'un jour dans un cadre reposant à souhait m'a fait prendre conscience des difficiles conditions dans lesquelles j'ai vécues depuis cinq jours. Si la solitude de ces derniers jours ne m'a pas véritablement pesée, rencontrer d'autres gens, dialoguer avec eux, partager leur passion et la mienne ont été des instants de vrai bonheur. Je suis assez lucide pour savoir que ce séjour passé ici restera comme un des moments forts de mon aventure. A la veille de terminer mon périple, je m'aperçois que l'âpreté de ces hauteurs, elles ont été merveilleusement matérielles et physiques, par les montagnes, les crêtes et les collines que j'ai escaladé assez souvent en peinant, mais que j'ai, comme toujours, découvert avec ravissement une fois les sommets atteints. Mais en y regardant de plus près, ces hauteurs ont été âpres psychiquement par la solitude que j'ai vécue, les souffrances que j'ai endurées et les réflexions qu'elles ont suscitées en moi. Mais est-ce fini ? Non, il reste encore l'étape de demain ! Mais en partant faire cette randonnée, n'étais-je pas prévenu que ce Tour du Vallespir m'amènerait vers des sommets de bonheurs insoupçonnés mais parfois aussi " sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

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L'église de Saint-Laurent-de-Cerdans

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A la nuit tombante, vue sur le Mont Capell depuis la fenêtre de ma chambre.

 

De Notre-Dame de Coral à la Maison Noëll

 

J'avais quitté la belle, j'avais quitté la Vierge,

Par un souple chemin que longeait le Coral.

Je tenais mon bâton comme l'on tient un cierge,

Notre-Dame s'enfuyait sous un ciel idéal.

 

Un cadre de verdure entourait le hameau,

La Baga Bordellat, on ne peut plus oblongue

Où la claire rivière coulait sous les ormeaux,

Et les Tours de Cabrens veillaient la Serre longue.

 

Quand le village fut loin qu'on appelle Lamanère,

Un portail au milieu barrait tout le chemin,

Un horrible démon me fit perdre mes nerfs

M'obligeant à m'enfuir sans lui tendre la main.

 

Des archanges sur un mur m'indiquèrent la route

Qui montait rudement en direction des tours,

Âprement est le mot sur lequel j'arc-boute,

Loin de moi cette idée de faire demi-tour.

 

Un visage était là sculpté dans la falaise,

Grand seigneur de Cabrens comme était le tyran,

Les deux avaient le don de mettre mal à l'aise,

Les anges, les démons et un vieux vétéran.

 

Mais que l'on soit démon, beau génie ou bien ange,

Et que la peur se tient au creux de l'estomac,

Sur le sort, l'essentiel est d'avoir sa revanche,

Ma première est de voir d'amples panoramas.

 

Rouge était le sentier et ocre était la terre,

A la source asséchée où je perds mon latin,

Saint-Laurent qui attend la fin de mon calvaire,

A la Maison Noëll, près d'un petit fortin.

 

Isabelle, Mario accueillerent la troupe,

Avec leurs cœurs en or et leur sourire en coin,

L'amitié, la chaleur envahit tout le groupe,

Avant que le matin envoie tout ça au loin.

 

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Cliquez sur l'archange et le démon pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms5eme étape : Vendredi 21 août 2009.

Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms

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Soudain, la route bifurque. On prend à gauche. On monte en lacets. Et puis, le long des précipices béants, on file sur Saint-Laurent-de-Cerdans, vers la frontière espagnole. Les bois croulent de tous côtés. La cassure du schiste les arrête net au bord de la route. On n'aperçoit plus rien que ce filet de route grise au milieu d'une mer de verdure ensoleillée. Extrait du recueil " Visages de mon pays". Ludovic Massé (1900-1982) Ecrivain et poète français.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms ARCHANGES ET DEMON :

 

Hier soir, après avoir quitté la fenêtre, je me suis couché et je me suis mis à lire " Dalva ". Mais il me fut très difficile de me concentrer sur la lecture, car en permanence, revenaient, devant mes yeux, les affres de ce petit mulot ballotté par les trois matous. Avant de m'endormir, j'ai pris soin de badigeonner d' " Urticium " mes jambes et mes bras et la lecture finit par me donner ce petit " coup de massue " que les brûlures encore présentes et les pensées aussi sombres que les trois chats empêchaient jusqu'à présent. Dans la nuit, à deux autres reprises, j'ai été obligé de renouveler les applications de crème que j'ai confortées avec les petits granules car de très désagréables picotements m'ont réveillé. 

Il est 7 heures et autant dire que ce n'est pas la grande forme ce matin. Et pourtant, il va bien falloir que je les parcoure ces 26 kilomètres inscrits au programme du jour. Une fois encore, dans ce secteur extrêmement boisé, j'espère que mon " complice " Klaus m'aura laissé un étroit passage. En tous cas, grâce au gérant, je sais que le chemin est praticable au moins jusqu'à Lamanère. Je pars me jeter sous une douche froide. Et comme je n'y pense pas avant, une nouvelle fois l'eau glacée mets le feu à toutes ces petites rougeurs qui pullulent sur ma peau. La plaie au genou suppure de plus en plus et je renouvelle le pansement d'éosine. Malgré le bien que ça pourrait certainement lui faire, j'hésite à laisser la blessure au grand air car j'ai la crainte de me griffer ou de me cogner au cours de l'étape. Il est 7h30, et une fois encore, je me retrouve tout seul dans la Bergerie avec cet insupportable rongeur empaillé qui me dévisage. 7h30, c'est l'heure décidée, hier soir, d'un commun accord avec le jeune gérant. Hormis le café au lait, tout est prêt sur la table : pain, croissant, beurre, confitures, et comme je ne veux pas partir trop tard pour cette longue étape, j'apprécie d'autant plus cette ponctualité. On m'apporte un broc de lait chaud et un autre de café dans lequel j'arrive à me confectionner deux gros bols de café au lait que je prends néanmoins le temps d'apprécier.

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J'ai quitté Notre-Dame, direction Lamanère, devant moi le boisé Puig de Las Coubines dévoile son aspect pyramidal. Mon appareil-photo commence à dysfonctionner mais je vais le constater que bien plus tard.

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Sur le chemin, un joli oratoire dédié à la Vierge Marie et une date : 1500 !

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J'arrive à Lamanère près de la station d'épuration, par bonheur inodore, et à l'aire de pique-nique. Le temps d'un petit en-cas et je repars dans les ruelles en quête de la bonne direction.

8h15, je viens de récupérer mon panier-repas et harnaché de mon sac, je suis sur le parvis de la jolie chapelle. Sur l'herbe du parc, les matous sont déjà pied d'œuvre, en quête d'un oiseau, d'un campagnol ou d'un autre mulot. Je laisse ces redoutables chasseurs à leur petit déjeuner et repars par le chemin par lequel je suis arrivé hier après-midi. J'arrive à l'intersection qui descend vers Lamanère, et je poursuis la descente. Dix minutes plus tard, par une petite passerelle en bois, je traverse la Bernadeille, mince torrent au modique débit. Ici, surplombant le ruisseau, il y a un très joli oratoire restauré, dédié à la Vierge Marie et une étonnante date inscrite : 1500 ! L'essentiel de ma marche s'effectue dans de sombres sous-bois qui dominent sur ma gauche le ravin du Coral. Mais, de temps en temps, une fenêtre s'ouvre sur le mont à la fois rocailleux et boisé du Puig de Las Coubines (1.253 m). Toujours presque en descente, le sentier se rapproche peu à peu de la ravine, puis à l'approche de Lamanère, il fait un angle droit et je chemine en balcon au dessus du torrent de la Lamanère. Le petit village le plus méridional de l'hexagone est là, de l'autre côté du torrent, avec pour magnifique toile de fond, la verdoyante et oblongue montagne de la Baga de Bordellat. Le sentier débouche sur une piste qui descend vers la rivière et vers ce que je crois être un petit étang mais qui s'avère être en réalité un bassin de décantation de la station d'épuration du village.

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J'ai trouvé la Carrer de la Font de Dalt, (en français, la rue de la Fontaine d'en Haut), cette étroite ruelle cimentée qui s'élève me remet dans le droit chemin.

Il est 9h30, à côté du bassin de décantation, il y a une agréable aire de pique-nique bien propre et surtout aucune odeur nauséabonde alors je m'installe pour manger quelques fruits secs avant de repartir vers le village. Dans les petites ruelles, je ne trouve pas immédiatement le chemin qui monte vers les " Tours de Cabrens " où plutôt vers les Estanouses, petit lieu-dit qui selon ma carte IGN se situe sur le Tour du Vallespir. Pourtant, combien de fois y suis-je monter à ces immanquables tours ? Je sors mon GPS car les quelques personnes, qui me regardent passer, repasser, puis passer à nouveau, et qui discutent au beau milieu de la rue, n'ont pas l'air disposés à me venir en aide. La voilà, elle est enfin là, la petite venelle, cette " carrer ", comme ils disent ici. Comment ai-je pu la louper, cette Carrer de la Font de Dalt (fontaine du haut) montant vers les tours, avec ce balisage bien présent et les nombreux panneaux indicatifs accrochés à ce mur ? Sans doute étais-je distrait par le lumineux hameau dans son cadre d'émeraude et sa jolie rivière qui y coule au milieu ! Il est 10 heures quand je m'éloigne de Lamanère par une allée cimentée qui grimpe hardiment. Premier dénivelé, premières souffrances et premières grandes gorgées d'eau. Je m'arrête à la fois pour reprendre mon souffle et pour admirer les jolies maisons avec leurs vertes pelouses et leurs jardins fleuris. Je m'amuse d'un joli cadre peint dans lequel il est écrit : " attention au chat ". Je souris car je suppose que ce cadre aurais mieux trouvé sa place dans le parc de Notre-Dame du Coral, ainsi, les petits mulots auraient pu le lire !

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Je laisse Lamanère, son décor verdoyant, ses jolies maisons aux jardins fleuris par une sente bien balisée où virevoltent des papillons multicolores. Les Tours de Cabrens apparaissent très hautes au détour du chemin mais qu'importe puisque je vais au hameau des Estanouses qui lui est situé dessous beaucoup plus bas !

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En montant, j'aperçois les Estanouses, ce minuscule hameau par lequel le Tour du Vallespir devrait normalement passer si j'en crois ma carte IGN, mais désormais c'est un domaine privé gardait par des archanges et deux dobermans. Mais il y a aussi "un démon" qui va me faire monter par les Tours de Cabrens, ces tours minuscules que j'aperçois tout là-haut !

Je rentre dans un petit bois de chênes, coupe une première piste. Le balisage jaune et rouge du Tour du Vallespir est bien présent et une petite pancarte en ardoise me conforte sur la direction à suivre : " Tours de Cabrens-Pla Castell-Estanouses ". La pente s'accentue, j'entre dans un deuxième bois. A sa sortie, je traverse aussitôt une autre piste. Bien qu'encore très éloignées, deux des trois Tours de Cabrens sont parfaitement visibles au sommet de la haute colline. Mais je ne m'en inquiète pas car de toute manière, je sais que je n'aurais pas y monter. Un autre panneau est là maintenant, au bord d'un sentier terreux : " Les Torres Cabrenç ". J'ai retrouvé une foulée et une respiration régulière, malgré la pente qui s'est amplifiée très sérieusement. Le sentier terreux se termine d'abord par un bois de petits feuillus puis dans des prés de hautes fougères. Ici, les bas-côtés très fleuris du chemin sont des terrains propices à bons nombres d'insectes mais surtout aux abeilles et aux papillons. Des papillons, je n'en ai jamais vu autant depuis mon départ, même sur la piste du Col de Formentere où pourtant il y en avait déjà beaucoup qui tournaient autour de moi. Au fil de mes randonnées et en les photographiant, j'ai appris à les reconnaître : Piérides, Argus, Vulcains, Tabacs d'Espagne, Petites Tortues, Nacrés, Théclas, Ecailles martrées, Apollons, Citrons, à chacun de mes pas c'est un cortège de papillons multicolores qui s'élèvent. Il y en a tellement dans les prés, dans les haies et sur le chemin que parfois quant ils s'envolent, autour de moi ça ressemble à ces milliers de confettis colorés ou à ces petits papiers brillants que l'on jette lors de grandes manifestations. Je rejoins une autre piste plane qui, selon mon GPS doit me faire passer devant le lieu-dit les " Estanouses ". Je m'avance, pas de problème le GPS me situe sur le tracé. Je fait quelques dizaines de mètres et là, je me retrouve devant une clôture où trônent de jolies statuettes d'archanges et de colombes aux ailes déployées et un grand portail ouvert : " Domaine des Estanouses ". Collé sur un pilier, il y a bien un petit cadre avec un chien dessiné, style Doberman mais rien qui annonce une éventuelle méchanceté ni la raison d'être craintif. Et quand je m'approche, bien au contraire, il y a sur la gauche, une caméra avec ces quelques mots amusants : " Souriez, vous êtes filmés ! ". Je reste planté là, indécis quant à la conduite que je dois tenir. D'un côté, j'ai une peur bleue des Dobermans avec un affreux souvenir d'enfance d'une folle course poursuite entre un énorme molosse de cette race et moi perché sur un Solex. De cette " chevauchée fantastique ", j'avais réussi à en sortir sain et sauf, grâce au propriétaire qui, sur un puissant et simple sifflement, avait réussi à stopper net son chien, au moment même où ce dernier était sur le point de me rattraper pour me croquer un mollet. D'un autre côté, je me dis que les propriétaires doivent certainement avoir, à la fois de l'humour avec ce " Souriez, vous êtes filmés ", et une grande amabilité pour exposer ainsi sur leur mur ces chérubins et ces colombes, symboles de douceur et de paix. Je me décide et j'entre, j'ai confiance dans les hommes, un peu moins dans les Dobermans mais après tout, et selon mes cartes, je suis bien sur le GRP Tour du Vallespir et je n'ai pas d'autres solutions que celle-là. Je fais une trentaine de mètres, arrive devant de belles maisons où tout est calme et silencieux. Je m'arrête, troublé par ce silence et m'apprête à poursuivre la piste avec mon GPS à la main, quand tout à coup, en provenance des villas, deux dobermans descendent vers moi en vociférant.

Je reste pétrifié. Voilà que ma triste expérience se renouvelle, mais cette fois ils sont deux, et je n'ai aucune chance car je n'ai pas de Solex pour fuir mais un sac de 18 kilos qui ruine toute éventualité d'escapade. Heureusement une fois encore, je vais m'en sortir, car du haut d'une terrasse, une femme se met à hurler et les chiens s'immobilisent à deux mètres de moi. Ils continuent de grogner, mais comme j'ai de la mémoire, je raccourcis aussitôt mon bâton télescopique et leur tends une main amicale dont je ne sais pas, s'ils vont la dévorer ou la lécher. Entre temps et alors que les " cerbères " se sont calmés, un homme est également sorti sur la terrasse et m'interpelle en criant :

- Que voulez-vous ?

- Je veux aller au Pla de Castell !

- Non, ce n'est plus possible par là, le chemin est fermé depuis quatre ans !

- Mais comment est-il fermé ?

- Vous êtes sur une propriété privée et le chemin n'a plus été défriché !

- Mais par où puis-je y aller ?

- Il faut que vous montiez aux Tours !

Je suis si surpris que je lui pose cette question vraiment idiote :

- Quelles tours ? Celles de Cabrens ?

Et il me répond brutalement :

- Vous en connaissez d'autres ici ?

Et il ajoute :

-Il y a un chemin qui passe juste en dessous des tours !

Je crois qu'à cette idée d'avoir à escalader les Tours de Cabrens, je suis encore plus terrifié que j'ai pu l'être devant les Dobermans. Je les connais trop bien ces tours à signaux de Cabrens pour y être monté à quelques reprises mais jamais avec un sac à doc de 18 kilos ! Un gros dénivelé sur une distance très courte et jamais un replat pour souffler. Comme si cette étape n'était pas suffisamment longue ! Je ne bouge plus. Je suis groggy et je regarde bouche bée cet homme qui vient de me donner un véritable coup de gourdin sur la tête. Et tout en le regardant, je ne sais pas pourquoi, j'ai un mal fou à le croire. Pourquoi, ce chemin n'aurait-il pas été débroussaillé ? D'accord, il est chez lui, mais ne préfère-t-il pas empêcher tout passage de randonneurs sur son domaine ? Je continue à le regarder et je me dis que je me suis bien trompé sur son compte : " Il vous reçoit avec des anges mais en réalité, lui c'est un vrai démon ! ". Lui m'observe aussi et semble s'interroger sur la conduite que je vais adopter. Mais il a le beau rôle avec ses deux chiens de garde qui maintenant se sont couchés à mes pieds. Alors ai-je le choix ? Même si je ne lui montre pas, je repars furieux tout en marmonnant : " Voilà ça m'apprendra à avoir trop confiance dans les hommes ! "

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Après avoir terriblement souffert dans la montée vers le Tours de Cabrens, j'arrive à la première. Elle date du XIVeme siècle. D'ici, malgré quelques nuages, j'ai des vues splendides sur une grande partie du chemin parcouru. Je décide de déjeuner mais des énergumènes exagérément bruyants vont me faire fuir. Au bord la falaise, j'aperçois un autre démon ! Il est très beau !

Et c'est vrai, peut-être je crois trop en l'homme et pas suffisamment dans les Dobermans. Après tout, ils sont très gentils ces chiens-là quand ils sont bien dressés ! Sur la piste, je retrouve un autre panneau " Torrés de Cabrenç " et un petit sentier que je poursuis mais il s'agit d'un simple raccourci qui m'emmène sur une autre piste un peu plus haut. Il est 11 heures, l'heure a tourné et aujourd'hui, j'ai le sentiment de ne pas avoir beaucoup avancé. Mais bon, d'un autre côté, je ne suis pas en super forme et je me dis qu'il n'est pas utile que je me " brûle " en me dépêchant inutilement. Aussi, je continue de monter à mon rythme qui, je l'avoue, n'est pas bien rapide aujourd'hui. Je coupe un maigre ruisseau, la piste se termine et devient sentier à l'entrée d'un sous-bois. La déclivité s'intensifie mais une tour se rapproche. Je raccourcis mon bâton que je plante plus fermement pour me hisser sans avoir à faire trop d'efforts avec mes jambes. Mais c'est peine perdue, car le poids du sac qui m'entraîne en arrière contrebalance cette vaine manœuvre. Heureusement, j'ai dans ma poche et à portée de main, mon petit tube de " dope ". Habituellement, et cela depuis mon départ, un sachet de gel énergétique me fait amplement la journée mais aujourd'hui j'en ai quelque peu abusé et c'est sûr, cette fois il ne terminera pas cette étape. A la fin du sous-bois, une nouvelle piste apparaît. Je regarde mon GPS plus par curiosité que par nécessité, car ici je n'ai plus de tracé. Entre mon entrée et ma sortie de ce petit sous-bois, j'ai fait quoi ? 200 mètres, 250 mètres, mais l'altitude, elle a progressé de 63 mètres. Je comprends mieux mon essoufflement. Une vingtaine de mètres plus loin, dans la courbe d'un virage, un balisage me renvoie dans les bois par une pente escarpée. Je regarde ma carte IGN et constate qu'il s'agit d'un raide raccourci qui monte à la première tour. Je l'ignore et poursuit par la piste encore une fois plus " roulante " comme disent les cyclistes. Un homme est entrain de redescendre, lui en direction de Serralongue. Nous bavardons un peu, de tout et de rien mais surtout de mon Tour du Vallespir dont il semble dire que c'est pure folie que je le fasse seul. En disant cela, il fait certainement allusion à mon âge et sans doute a-t-il en partie raison. Aussi, je ne le contrarie pas mais je fais mien ce proverbe : " Un fou qui marche va plus loin qu'un sage qui reste assis ". Mais la bible ne dit-elle pas aussi : " La voie qu'emprunte le fou est droite à ses yeux, mais il est sage d'écouter les conseils ". Alors un partout et la balle au centre. Je continue la piste et je finis par arriver devant la première des tours. Ancienne tour à signaux qui date vraisemblablement du XIVeme siècle, elle servait à communiquer avec d'autres tours ou bien avec des châteaux ou des forteresses du Vallespir et du Roussillon. Elle a magnifiquement été restaurée. Il est midi et je m'installe à une table de l'aire de pique-nique aménagée devant la tour. D'autres randonneurs sont déjà là, installés et calmes mais d'autres arrivent et tournent autour de moi comme de bruyants frelons en quête d'un emplacement idéal, qu'apparemment ils n'arrivent pas à trouver. Gesticulant, criant et braillant même, ils semblent se moquer éperdument de tout ce qui les entoure. J'arrête là mon pique-nique pour m'éloigner de ces énergumènes excités mais surtout irrespectueux vis-à-vis des autres et de la quiétude qu'en général on vient chercher dans un tel lieu. Je pars d'abord derrière la tour puis longe le bord de la haute falaise en direction de la deuxième. Sur ma gauche, un panorama superbe me laisse entrevoir une toute petite portion du chemin parcouru aujourd'hui, mais droit devant moi, j'ai une ample et admirable vision des hauteurs que j'ai gambadées depuis Formentere. Avec les jumelles, j'essaie de retrouver plus précisément les endroits et les crêtes où j'ai pu marcher les jours précédents. Mais dans cet horizon lointain et légèrement voilé par quelques nuages blancs, retrouver ces contrées n'est pas si évident. Mais, j'aperçois néanmoins le refuge blanc de Batère, le dôme aplati et reconnaissable du pic de la Souque et je devine les vertes prairies des cols de l'Estagnol et de Serre-Vernet. Après ce bref intermède, je continue à longer la falaise et suis maintenant en surplomb de la maison du " démon " : Les Estanouses sont là à mes pieds, vaste et magnifique domaine avec piscine. J'observe la piste que j'avais commencé à emprunter, elle semble se poursuivre bien après les habitations puis elle s'enfonce dans la forêt où je perds sa trace. J'imagine que je ne saurais jamais comment se termine cette piste. Après tout, le démon n'en est peut-être pas un et mon ressentiment m'a fait perdre la raison ? Mais s'il n'est pas démon, qu'est-il alors ? Un homme serviable qui m'a simplement indiqué un chemin ? Alors archange ou démon ? Mais pour travestir un proverbe bien connu : " chassez le surnaturel, il revient au galop ". Car au moment où je tourne la tête, un nouvel être surnaturel chasse l'autre. Mais celui là est de pierre et je ne vois plus que lui dans la falaise. Une tête parfaite vue de profil et taillée dans cette paroi rocheuse par cette talentueuse " Dame Nature " ou par ce sculpteur fou qu'on appelle l'Univers. Je reste d'abord subjugué par ce visage étrange que j'aperçois à Cabrens pour la première fois alors que j'y suis monté à diverses reprises.

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Je reste complètement subjugué par ce profil presque parfait taillé dans la paroi rocheuse par "Dame Nature " ou par ce sculpteur fou qu'on appelle l'Univers.

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Dans l'ordre d'apparition : la 1ere tour du 14eme siècle puis la 2eme tour du 13eme siècle en surplomb de la falaise et des Estanouses que j'aperçois tout en bas, puis enfin, les ruines du château du 11eme siècle où je vais pouvoir enfin déjeuner en paix avec une vision parfaite sur le Pla de Castell et l'itinéraire parcouru ce matin.

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Au pied des Tours, je trouve un panonceau " Tour du Vallespir " près d'une vieille ferme envahie par les lierres. Le Pla de Castell est peuplé de papillons. Après avoir souffert toute la matinée, je peux enfin souffler et me fier aux nombreux panneaux pour suivre sagement le chemin. Il arrive dans un Colorado miniature !

Alors vision due à la fatigue, imagination débordante ou effets de la lumière selon le temps, l'ensoleillement à une heure du jour bien particulière ? Je m'empresse de prendre une photo, puis une deuxième en rapproché. Mais au moment où je vérifie les photos sur le petit écran de mon numérique, ce dernier a l'air de foirer au niveau de la pixellisation et comme je l'ai depuis peu de temps, je n'en connais pas tous les réglages à mettre en œuvre pour réparer ce mauvais fonctionnement. Mais au fait, pourquoi se met-il soudain à " déconner " ici, devant cette sculpture étonnante ? Me jetterait-il un sort ce mauvais génie ?

Je m'empresse de regarder les photos antérieures. Non, plusieurs photos présentent les mêmes symptômes depuis hier apparemment et peu après mon départ de Prats-de-Mollo. Alors mon numérique a-t-il souffert de mes péripéties dans la forêt du Miracle ou bien l'ai-je mouillé sans m'en apercevoir ? Je suis un peu dégoûté, je l'avoue, mais je vais faire avec, car les mauvaises photos ne sont pas systématiques non plus et je me dis que je pourrais peut-être les corriger avec un logiciel de retouche. Comme je suis un peu perturbé par cet incident qui m'agace, et peut-être aussi par cette fabuleuse figure surnaturelle que je viens de voir, du coup, je finis par en oublier cette deuxième tour que l'on appelle la médiane. Au lieu d'y monter, je passe dessous et j'ai juste le temps de la prendre en photo, et cette photo-là, semble bonne. Je me dis que ce petit écart d'itinéraire n'est pas bien grave. En effet, je connais déjà cette tour, avec ses murs de 5 mètres de large, elle a, paraît-il, servie de prison et est plus ancienne d'un siècle (XIIIeme) que la précédente. Mais surtout, je suis sur une sente, difficile certes, mais bien balisée en jaune. Dans un court dédale de rochers et de petits chênes, la sente finit par remonter vers la troisième tour construite à l'extrême limite de la crête rocheuse. On l'appelle tour, mais en réalité, il s'agit des ruines d'un vieux château du XIeme, dont il ne reste qu'une infime partie de la voûte de l'antique donjon et quelques murailles qui dominent le Pla de Castell et son écrin de verdure. Tranquille cette fois, je m'arrête là pour finir mon déjeuner que quelques nigauds avaient interrompus. Il est 13 heures et après avoir remonté le temps en longeant cette crête, il me faut maintenant la redescendre de l'autre côté et c'est loin d'être une sinécure. Abrupte et glissante plus qu'il ne faudrait, je descends le plus souvent en m'accrochant aux arbres quand ce n'est pas sur le cul. Ici, comme je l'ai déjà fait dans les gros pierriers de Serre-Vernet, je redouble d'attention pour éviter une chute qui pourrait avoir des conséquences dramatiques. Je mets 25 minutes pour atteindre le plat et un petit panonceau où je retrouve le GRP Tour du Vallespir. Je suis surpris de trouver ici ce panonceau mais en consultant les copies du topo-guide, je constate soudain que Véron inscrivait les Tours de Cabrens comme une alternative aux autres chemins. Panonceau ô combien encourageant, car il est inscrit : " Falgos " et c'est bien par là-bas que je dois aller. Je longe les ruines d'une vieille ferme encombrée par les lierres et envahie d'une foisonnante végétation. Ici aussi, les papillons sont nombreux et fantaisistes dans leurs circonvolutions et quand j'arrive au joli carrefour du Pla de Castell, je constate avec bonheur que mon GPS a retrouvé le tracé enregistré. Ce bonheur s'ajoute à celui d'apercevoir le panneau : " Pla de la Muga ". Je file à main gauche par la large piste que je quitte immédiatement, toujours à gauche, à un nouveau panneau : " Tour du Vallespir-Coustouges ". Je ne me rends pas à Coustouges car à ma connaissance il n'existe plus aucune possibilité ni de couchage ni de ravitaillement, mais le véritable Tour du Vallespir passe par ce village frontalier dont les Romains avaient déjà fait de ce lieu, un passage obligé vers ce qu'ils appelaient Hispania, c'est-à-dire l'Espagne. Cette voie, c'était la Via Vallespirani, ancêtre très proche du chemin que j'emprunte aujourd'hui et qui allait au Col d'Ares.

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Après le Pla de Castell, j'arrive au Pla de la Muga dans cet étrange " Colorado miniature " où les couleurs des roches et des sables vont du rouge ocre au rouge bordeaux. Mais c'est quoi au juste ces roches ?

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Pas toujours évident à suivre, le chemin circule au milieu de ces roches rouges et atterrit en Espagne devant cette stèle où il est écrit : " Ici née la Muga ". La Muga est une rivière qui se jette dans le golfe de Roses. Pourtant ici tout est sec et rien de laisse à penser qu'il y a la source d'un fleuve de 65 kilomètres de long !

L'étroite sente se faufile dans un petit bois de pins et débouche sur d'étranges et magnifiques dunes de sables rouges. Ici on voit parfaitement ce travail d'érosion que le vent et surtout l'eau ont façonné sur cette terre qui va de l'ocre rouge au rouge bordeaux. Dunes et vagues de sable que l'on croirait mouvantes mais aussi petites pierres dures et gros rochers érodés ressemblant à des scories ou à d'étranges bombes volcaniques. Alors c'est quoi, ces bizarres formations géologiques rouges que l'on trouve par ici ? Les dépôts des éruptions des proches volcans de la Garrotxa ? Grâce à de petits cairns, je déambule et grimpe dans ce Colorado miniature. Mais entre le chemin à prendre et l'ornière centrale et principale, l'écart est très étroit pour monter au Pla de la Muga. Je finis par m'éloigner du tracé du GPS et me retrouve devant une stèle où il est marqué en catalan : " Ici né la Muga 1216,49 m - Fête de l'Albera Viva 9-6-1996 " et où s'ajoutent les noms d'une douzaine de villages français et espagnols des alentours. Mais je suis surpris car ici tout est sec aujourd'hui et aucune source ne jaillit. Pourtant je crois savoir que la Muga est longue puisqu'elle s'écoule le long de la frontière, puis dans l'Emporda pour finir sa course dans le golfe de Roses du côté d'Empuriabrava. (Renseignements pris sur Internet à mon retour, la rivière Muga est longue de 65 kilomètres et pour un fleuve dont la source semble asséchée en été, je trouve que c'est plutôt pas mal !) J'observe ma carte IGN pour regarder où je suis exactement et retrouver le sentier. Je n'ai jamais été aussi prêt de la frontière, puisque si j'en crois la carte, je l'ai même franchie devant cette stèle. Mais si la Muga se jette dans le golfe de Roses, moi, il me faut partir sans traîner vers un autre golf, celui à 18 trous du domaine de Falgos.

Je retrouve le sentier dans les pins tout proches. Il se poursuit rectiligne vers le nord sur un chemin de sable blanc au milieu d'une lumineuse hêtraie et de quelques châtaigniers. Puis, soudain ce sentier se transforme en une large piste ensoleillée et colorée qui fait un angle droit, part plein sud et serpente au milieu des petits feuillus et des bruyères roses. J'apprécie ces chemins sableux et souples où je peux rattraper les atermoiements de mes flâneries et de mes divagations. Animés de papillons multicolores et de sauterelles aux ailes bleutées, ornés et parfumés de milles fleurs, colorés par les mauves véroniques, les bruyères roses et les baies rouges des sorbiers des oiseaux qui me font une haie, ce chemin qui ne fait que descendre est une vraie " autoroute du soleil " pour mes jambes fatiguées. Alors est-ce la fatigue, la précipitation ou bien mon insouciance, mais une fois encore, je me trompe pour filer droit vers le pic de la Massanes (1.114 m). Et quand je regarde mon GPS puis ma carte, une fois encore j'ai parcouru quelques centaines de mètres pour rien. Je suis allé tout droit au lieu de poursuivre la piste à gauche qui descend vers Falgos. Heureusement, je n'ai fait que trois cent ou quatre cent mètres et faire demi-tour n'est pas bien grave.

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Après cette brève incursion en Espagne, j'ai retrouvé le Tour du Vallespir et un agréable sentier qui doit m'amener à Saint-Laurent-de-Cerdans

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Ce chemin coloré de mauves véroniques, de bruyères roses et par les baies rouges des sorbiers des oiseaux est animé de papillons multicolores. Pour mes jambes fatiguées, c'est une vraie " autoroute du soleil ". Parfois, je marche aussi en sous-bois et je finis par arriver au golf de Falgos.

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La lassitude plus une déprimante route goudronnée, une fois encore tout devient une excuse à des arrêts photos, de jolis papillons, les " écailles chinées " surtout. Après 7 kms, j'enjambe le ruisseau de Coustouges et entre dans Saint-Laurent. Mais je n'en ai pas fini, il reste encore plus d'1,5 km à parcourir pour arriver à la Maison Noëll !

Mais je me dis aussi qu'il faut que je redouble d'attention car l'étape est suffisamment longue sans que j'en rajoute inutilement. Il est 15 heures passé, et comme j'ai un petit creux à l'estomac, je profite de cette étourderie, de la tranquillité du lieu et de l'herbe tendre du chemin pour finir mon panier repas très copieux aujourd'hui. Après cet en-cas, je repars toujours au même rythme ma descente vers Falgos au travers d'une hêtraie, des pinèdes et de hautes haies de genêts. Mais quand j'aboutis sur la route qui monte au Domaine de Falgos et descend vers Saint-Laurent de Cerdans, il n'est pas encore 16 heures et mes pensées sont prises en tenaille entre deux sentiments : d'un côté, je suis heureux d'être arrivé là, à quelques kilomètres de l'arrivée car je sais que j'en ai fini avec les hauteurs pour aujourd'hui, et de l'autre, je suis sous le coup d'une grosse désillusion car je pensai trouver un joli sentier fleuri pour rejoindre Saint-Laurent et je ne trouve qu'une route goudronnée qui serpente au milieu des schistes. Et quand je regarde ma carte IGN, cette route qui doit m'amener dans le centre historique de Saint-Laurent de Cerdans, je l'estime à environ 7 à 8 kilomètres. Ma déception est d'autant plus grande que c'est par obligation que je dois rejoindre cette ville, car à l'origine le vrai Tour du Vallespir passait par Coustouges. Mais depuis quelques années, il n'y a plus de possibilité de couchage et quand j'ai organisé mon parcours, je n'ai rien trouvé à Coustouges, ni refuge, ni gîte, ni chambres d'hôtes, ni hôtel. C'est donc par résignation que je me suis rabattu sur Saint-Laurent-de-Cerdans car le Tour du Vallespir y passe à quelques kilomètres au pied du Mont Capell (1.194 m).

Alors, avec encore tous ces kilomètres à parcourir, autant dire que ma journée est loin d'être finie !

Comme je le fais souvent en pareil cas, je prends un train de sénateur et tout devient une excuse à faire des photos. Mais ici, il n'y a pas grand-chose à photographier, pas de vastes panoramas, ni de beaux paysages, ni d'amples forêts ou de vertes prairies, mais qu'une triste et tortueuse route de bitume gris encastrée dans la roche. Alors, une fois encore je me rabats sur ces " malheureux " papillons. Mais ici, il y a une chose très étrange : les papillons sont magnifiques mais il y en a pratiquement qu'une seule variété et ce sont les reconnaissables " Ecailles chinées ou Callimorphe ". On peut les confondre avec les " Ecailles martres " qui sont ressemblantes bien que leurs zébrures noires et blanches ne soient pas tout à fait identiques. Je prends bien quelques exemplaires de ces étonnants papillons en photo avec leur ailes contrastées pour moitié oranges et pour moitié zébrées lorsqu'elles sont ouvertes, mais comme il y en a des milliers au bord de la route sur les épilobes, les chardons, les véroniques en épi, les fleurs d'origan et même les fleurs d'orties, j'en ai vite fait le tour. Mais si ces papillons ont la particularité de marauder aussi bien le jour que la nuit, il ne faut pas que je fasse pareil, car si je continue à vadrouiller de la sorte c'est bien à la nuit tombante que je vais arriver.

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Avec cette hilarante station météo du Wendland, les Laurentins prouvent qu'ils ont de l'humour !

17 h, j'arrive sur un pont où coule une rivière, à l'intersection de plusieurs routes. Il y en a une qui va à Coustouges, une autre à Vilaroja et celle que je dois emprunter vers Saint-Laurent. Dix minutes plus tard, j'entre dans le joli bourg où je m'arrête quelques instants sur un banc pour manger et me désaltérer un peu car j'avoue en avoir marre de cette route goudronnée. A quelques mètres du banc, il y a un trépied où est accrochée une chaîne, et au bout de la chaîne, un gros pavé est suspendu.

Intrigué, je m'approche et je prends en photo cette hilarante station météo du Wendland. Aussi, en traversant la Quera et entrant dans la ville, je me dis : " C'est bien, au moins ici les habitants ont de l'humour ! ". Et c'est vrai que les gens m'ont l'air bien sympathiques. Ici, tout le monde me salue, les passants, les retraités qui jardinent, les badauds, les hommes, les femmes, les jeunes, les vieux. Et quand, je demande mon chemin pour trouver la rue de la Sort, on se met en quatre pour m'expliquer. Du coup, hormis l'effort d'y grimper car la pente est rude, je n'ai aucun problème pour trouver la Rue de la Poste et l'église paroissiale que l'on m'a gentiment indiquées comme repères. Je suis même surpris par tant de prévenance car cherchant encore mon chemin et la Rue de la Sort, un jeune homme brun très sympathique s'approche et me demande :

-Vous avez l'air perdu, je peux vous aider ?

-Oui, je cherche à me rendre au numéro 4 de la rue de la Sort, chez Monsieur Mario Lopes.

-Je suis Monsieur Lopes, suivez-moi, je vais vous y accompagner.

-Je suis Gilbert Jullien. Enchanté Monsieur Lopes, mais vous alliez dans l'autre sens !

-Oui, j'allais chercher mon enfant à la garderie.

-Alors, ne vous dérangez pas, je vais vous attendre ici.

-Non, écoutez ma femme est à la maison et c'est simple pour y aller. Prenez tout droit, puis tournez à gauche dans la première petite ruelle. C'est la rue de la Sort. Mais au lieu de sonner au numéro 4, allez au numéro 6.

-Merci, c'est compris, j'y vais de ce pas.

-A tout à l'heure.

-A tout à l'heure.

Le jeune homme repart et une minute après, je suis dans une étroite venelle, devant la petite porte d'une haute maison de village. Une jeune femme très gaie m'ouvre. Je me présente. Isabelle, me dit-elle, avant de me faire très spontanément la bise. Nous montons quelques escaliers qui débouchent sur une grande salle à manger. La demeure me paraît immense, mais elle est surtout magnifique et je ne me prive pas de le lui dire. Avec la volubilité qui semble la caractériser et son agréable accent portugais chantant, Isabelle se met à m'expliquer en détail les origines de cette splendide maison de maître : Elle s'appelle Damia Noëll et fût construite en 1606 et habitée pendant plusieurs siècles par une richissime famille de bourgeois qui s'appelait Noëll. Le premier occupant s'appelait Damia d'où le nom de la maison d'hôtes désormais. (Pour la petite histoire, j'appris sur Internet que ce Damia avait combattu aux côtés de Josep de la Trinxeria et est resté dans l'Histoire de la Catalogne comme un farouche opposant au Traité des Pyrénées et à l'instauration de la gabelle en Vallespir.) Il y a quelques années, les héritiers de la famille Noëll ont décidé de vendre la maison après le décès d'une de leurs grand-mères qui avait vécue dans cette grande bâtisse pendant de longues années et qui ne l'avait plus réellement entretenue. Isabelle et Mario la rachetèrent pour en faire une table et des chambres d'hôtes car ils avaient, depuis longtemps, l'ardent désir de se lancer dans cette activité. Et, quand Isabelle m'amène sur la terrasse extérieure construite en grosses pierres de taille, je reste complètement émerveillé par ce côté-là de la maison. Autant la façade côté ruelle est modeste et ne paye pas de mine, autant ce côté-là est remarquable, avec cette terrasse qui domine une partie du village, la rivière Saint-Laurent, de grands jardins en espaliers et qui est face aux collines et au Mont Capell.

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Quelques photos de Saint-Laurent-de-Cerdans au moment où j'arrive dans le village. J'enjambe la rivière Quera, et j'entre dans un village qui respire la fête.

Mais avec mon sac à dos sur les épaules et mon bâton et mon bob encore à la main, je crois qu'Isabelle a dû se rendre compte que j'étais impatient de rejoindre ma chambre. Oh non, Isabelle ne m'ennuyait pas avec ces vieilles histoires de la famille Noëll, bien au contraire, mais la lassitude devait se lire sur mon visage tiré ! Elle semble confuse mais je l'en excuse car j'ai parfaitement vu qu'elle vivait avec passion cette antique maison et le fait de contribuer à l'embellir et à vouloir la faire revivre. Mais, elle a compris aussi que j'étais fatigué et c'est tout à son honneur. Par d'immenses escaliers en bois vernis, elle m'accompagne à l'étage supérieur où se trouve ma chambre. Une chambre magnifique avec un vrai grand lit, avec des draps tout blancs, recouvert d'un admirable couvre-lit brodé et de vrais oreillers. En y entrant, je ne peux m'empêcher de me dire que cette chambre me change de tout ce que j'ai pu connaître sur ce Tour du Vallespir. En 3 jours, je suis passé de la simple paillasse de Saint-Guillem avec lézard, souris et poussière à volonté à une chambre " princière ". Mais dans une longue randonnée comme celle-là, c'est bien toutes ces petites choses diverses et variées qui créent l'aventure et tout naturellement, je prends plaisir à ces diversités.

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Une vue aérienne du village puis la ruelle avant d'arriver à la Maison Noëll. Un instant de détente dans la merveilleuse chambre que l'on m'a allouée. De superbes panoramas sur le Mont Capell et les " serrats " que j'aperçois depuis la magnifique terrasse ou depuis ma fenêtre.

Après une bienfaisante douche dans une vraie cabine avec des robinets mitigeurs comme à la maison, j'ai aspiré à un petit peu de repos que j'ai une fois encore rempli avec " Dalva ". Mais, je sais que l'on m'attend pour un apéritif de bienvenu à 19 heures tapantes. Je connais le principe de la chambre d'hôtes où tous les convives se retrouvent pour des repas en commun et à une table unique, parfois en présence des propriétaires. Dans le canapé du salon, Mario me présente d'abord sa petite famille. Avec beaucoup de simplicité, tout le monde me fait la bise. Avec la même passion qu'Isabelle, Mario m'explique comment il en est venu à acheter cette maison de maître et la conversation va bon train sur l'histoire des Noëll. Il me parle surtout d'Abdon, le seigneur de Vilaro, âme de la Résistance du Vallespir au temps de la Révolution Française qui fût le plus connu de tous. Nous en sommes là, quand un autre client nous rejoint, venu de Bretagne et passionné de VTT. Alors nous partons nous installer sur la belle terrasse, nous buvons une bière, puis les bavardages s'animent. Mario nous offre un excellent muscat et d'autres convives nous rejoignent. Il s'agit de tchèques. Un couple plutôt timide qui passe leurs vacances dans la région. Ils arrivent tout droit de Bruxelles où ils travaillent au Parlement Européen. Ils parlent très bien le français, en tout cas beaucoup mieux qu'ils ont l'air de le penser et surtout bien mieux que nous pouvons parler le tchèque tous autant que nous sommes ! L'heure du souper arrive et nous partons tous nous installer à la grande table de la salle à manger. Trop occupés en cuisine à préparer les excellents plats que nous devons manger, Isabelle et Mario ne soupent pas avec nous. Mais si nous regrettons leur absence à table, nous n'avons pas à regretter leur présence derrière les fourneaux car ce repas est en tous points remarquable : une craquante salade de chèvre chaud, un gros " galet " grillé, poisson de Méditerranée et un savoureux et copieux " pijama espagnol ", dessert fait d'un flan à l'œuf, d'une boule de glace à la vanille accompagnée d'une demi pèche et d'une demi poire au sirop, le tout agrémenté d'une sauce au chocolat. Entre deux plats, la sympathique Isabelle nous rejoint et viens s'enquérir de l'intérêt que nous portons à ses plats, Mario, lui, est le plus souvent près de nous a harmoniser les débats, et de ce fait, leurs absences au repas n'ont aucune conséquence sur la qualité de nos conversations qui sont agréables et chaleureuses. Chacun se met à raconter à tour de rôle, comment il vit sa passion. Le jeune breton, c'est le VTT qu'il chevauche à sillonner le Vallespir depuis quelques jours. Les tchèques plus passionnées par les visites des musées et le patrimoine roussillonnais parlent avec ferveur du Musée d'Art Moderne de Céret. Et moi, je parle bien sûr des randonnées et de ce Tour du Vallespir que je suis entrain d'accomplir. Cette soirée est une des plus agréables que j'ai passé depuis fort longtemps et quand, nous partons nous coucher, nous avons tous l'air heureux. Nous nous séparons un peu à regrets, et surtout par respect vis-à-vis d'Isabelle et Mario. Nous quittons tous Saint-Laurent-de-Cerdans dès demain matin, mais pour nos hôtes, de nouveaux clients arrivent et comme beaucoup de choses sont à prévoir, ils vont devoir se lever tôt. Une fois encore malgré une évidente lassitude, je ne peux pas m'endormir immédiatement. Cette amicale veillée entre copains d'un jour dans un cadre reposant à souhait m'a fait prendre conscience des difficiles conditions dans lesquelles j'ai vécues depuis cinq jours. Si la solitude de ces derniers jours ne m'a pas véritablement pesée, rencontrer d'autres gens, dialoguer avec eux, partager leur passion et la mienne ont été des instants de vrai bonheur. Je suis assez lucide pour savoir que ce séjour passé ici restera comme un des moments forts de mon aventure. A la veille de terminer mon périple, je m'aperçois que l'âpreté de ces hauteurs, elles ont été merveilleusement matérielles et physiques, par les montagnes, les crêtes et les collines que j'ai escaladé assez souvent en peinant, mais que j'ai, comme toujours, découvert avec ravissement une fois les sommets atteints. Mais en y regardant de plus près, ces hauteurs ont été âpres psychiquement par la solitude que j'ai vécue, les souffrances que j'ai endurées et les réflexions qu'elles ont suscitées en moi. Mais est-ce fini ? Non, il reste encore l'étape de demain ! Mais en partant faire cette randonnée, n'étais-je pas prévenu que ce Tour du Vallespir m'amènerait vers des sommets de bonheurs insoupçonnés mais parfois aussi " sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

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L'église de Saint-Laurent-de-Cerdans

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A la nuit tombante, vue sur le Mont Capell depuis la fenêtre de ma chambre.

 

De Notre-Dame de Coral à la Maison Noëll

 

J'avais quitté la belle, j'avais quitté la Vierge,

Par un souple chemin que longeait le Coral.

Je tenais mon bâton comme l'on tient un cierge,

Notre-Dame s'enfuyait sous un ciel idéal.

 

Un cadre de verdure entourait le hameau,

La Baga Bordellat, on ne peut plus oblongue

Où la claire rivière coulait sous les ormeaux,

Et les Tours de Cabrens veillaient la Serre longue.

 

Quand le village fut loin qu'on appelle Lamanère,

Un portail au milieu barrait tout le chemin,

Un horrible démon me fit perdre mes nerfs

M'obligeant à m'enfuir sans lui tendre la main.

 

Des archanges sur un mur m'indiquèrent la route

Qui montait rudement en direction des tours,

Âprement est le mot sur lequel j'arc-boute,

Loin de moi cette idée de faire demi-tour.

 

Un visage était là sculpté dans la falaise,

Grand seigneur de Cabrens comme était le tyran,

Les deux avaient le don de mettre mal à l'aise,

Les anges, les démons et un vieux vétéran.

 

Mais que l'on soit démon, beau génie ou bien ange,

Et que la peur se tient au creux de l'estomac,

Sur le sort, l'essentiel est d'avoir sa revanche,

Ma première est de voir d'amples panoramas.

 

Rouge était le sentier et ocre était la terre,

A la source asséchée où je perds mon latin,

Saint-Laurent qui attend la fin de mon calvaire,

A la Maison Noëll, près d'un petit fortin.

 

Isabelle, Mario accueillerent la troupe,

Avec leurs cœurs en or et leur sourire en coin,

L'amitié, la chaleur envahit tout le groupe,

Avant que le matin envoie tout ça au loin.

 

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Cliquez sur l'archange et le démon pour passer à l'étape suivante

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Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral - Saint-Laurent-de-Cerdans - 27 kms

Publié le par gibirando

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms5eme étape : Vendredi 21 août 2009.

Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms

(La plupart des photos de ce Tour du Vallespir peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois, la photo occupe parfois le plein écran).

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms

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Soudain, la route bifurque. On prend à gauche. On monte en lacets. Et puis, le long des précipices béants, on file sur Saint-Laurent-de-Cerdans, vers la frontière espagnole. Les bois croulent de tous côtés. La cassure du schiste les arrête net au bord de la route. On n'aperçoit plus rien que ce filet de route grise au milieu d'une mer de verdure ensoleillée. Extrait du recueil " Visages de mon pays". Ludovic Massé (1900-1982) Ecrivain et poète français.

Sur les hauteurs d'une vallée âpre - Le Tour du Vallespir - Etape 5 : Notre-Dame de Coral (1.091m) - Saint-Laurent-de-Cerdans (724 m) 27 kms ARCHANGES ET DEMON :

 

Hier soir, après avoir quitté la fenêtre, je me suis couché et je me suis mis à lire " Dalva ". Mais il me fut très difficile de me concentrer sur la lecture, car en permanence, revenaient, devant mes yeux, les affres de ce petit mulot ballotté par les trois matous. Avant de m'endormir, j'ai pris soin de badigeonner d' " Urticium " mes jambes et mes bras et la lecture finit par me donner ce petit " coup de massue " que les brûlures encore présentes et les pensées aussi sombres que les trois chats empêchaient jusqu'à présent. Dans la nuit, à deux autres reprises, j'ai été obligé de renouveler les applications de crème que j'ai confortées avec les petits granules car de très désagréables picotements m'ont réveillé. 

Il est 7 heures et autant dire que ce n'est pas la grande forme ce matin. Et pourtant, il va bien falloir que je les parcoure ces 26 kilomètres inscrits au programme du jour. Une fois encore, dans ce secteur extrêmement boisé, j'espère que mon " complice " Klaus m'aura laissé un étroit passage. En tous cas, grâce au gérant, je sais que le chemin est praticable au moins jusqu'à Lamanère. Je pars me jeter sous une douche froide. Et comme je n'y pense pas avant, une nouvelle fois l'eau glacée mets le feu à toutes ces petites rougeurs qui pullulent sur ma peau. La plaie au genou suppure de plus en plus et je renouvelle le pansement d'éosine. Malgré le bien que ça pourrait certainement lui faire, j'hésite à laisser la blessure au grand air car j'ai la crainte de me griffer ou de me cogner au cours de l'étape. Il est 7h30, et une fois encore, je me retrouve tout seul dans la Bergerie avec cet insupportable rongeur empaillé qui me dévisage. 7h30, c'est l'heure décidée, hier soir, d'un commun accord avec le jeune gérant. Hormis le café au lait, tout est prêt sur la table : pain, croissant, beurre, confitures, et comme je ne veux pas partir trop tard pour cette longue étape, j'apprécie d'autant plus cette ponctualité. On m'apporte un broc de lait chaud et un autre de café dans lequel j'arrive à me confectionner deux gros bols de café au lait que je prends néanmoins le temps d'apprécier.

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J'ai quitté Notre-Dame, direction Lamanère, devant moi le boisé Puig de Las Coubines dévoile son aspect pyramidal. Mon appareil-photo commence à dysfonctionner mais je vais le constater que bien plus tard.

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Sur le chemin, un joli oratoire dédié à la Vierge Marie et une date : 1500 !

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J'arrive à Lamanère près de la station d'épuration, par bonheur inodore, et à l'aire de pique-nique. Le temps d'un petit en-cas et je repars dans les ruelles en quête de la bonne direction.

8h15, je viens de récupérer mon panier-repas et harnaché de mon sac, je suis sur le parvis de la jolie chapelle. Sur l'herbe du parc, les matous sont déjà pied d'œuvre, en quête d'un oiseau, d'un campagnol ou d'un autre mulot. Je laisse ces redoutables chasseurs à leur petit déjeuner et repars par le chemin par lequel je suis arrivé hier après-midi. J'arrive à l'intersection qui descend vers Lamanère, et je poursuis la descente. Dix minutes plus tard, par une petite passerelle en bois, je traverse la Bernadeille, mince torrent au modique débit. Ici, surplombant le ruisseau, il y a un très joli oratoire restauré, dédié à la Vierge Marie et une étonnante date inscrite : 1500 ! L'essentiel de ma marche s'effectue dans de sombres sous-bois qui dominent sur ma gauche le ravin du Coral. Mais, de temps en temps, une fenêtre s'ouvre sur le mont à la fois rocailleux et boisé du Puig de Las Coubines (1.253 m). Toujours presque en descente, le sentier se rapproche peu à peu de la ravine, puis à l'approche de Lamanère, il fait un angle droit et je chemine en balcon au dessus du torrent de la Lamanère. Le petit village le plus méridional de l'hexagone est là, de l'autre côté du torrent, avec pour magnifique toile de fond, la verdoyante et oblongue montagne de la Baga de Bordellat. Le sentier débouche sur une piste qui descend vers la rivière et vers ce que je crois être un petit étang mais qui s'avère être en réalité un bassin de décantation de la station d'épuration du village.

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J'ai trouvé la Carrer de la Font de Dalt, (en français, la rue de la Fontaine d'en Haut), cette étroite ruelle cimentée qui s'élève me remet dans le droit chemin.

Il est 9h30, à côté du bassin de décantation, il y a une agréable aire de pique-nique bien propre et surtout aucune odeur nauséabonde alors je m'installe pour manger quelques fruits secs avant de repartir vers le village. Dans les petites ruelles, je ne trouve pas immédiatement le chemin qui monte vers les " Tours de Cabrens " où plutôt vers les Estanouses, petit lieu-dit qui selon ma carte IGN se situe sur le Tour du Vallespir. Pourtant, combien de fois y suis-je monter à ces immanquables tours ? Je sors mon GPS car les quelques personnes, qui me regardent passer, repasser, puis passer à nouveau, et qui discutent au beau milieu de la rue, n'ont pas l'air disposés à me venir en aide. La voilà, elle est enfin là, la petite venelle, cette " carrer ", comme ils disent ici. Comment ai-je pu la louper, cette Carrer de la Font de Dalt (fontaine du haut) montant vers les tours, avec ce balisage bien présent et les nombreux panneaux indicatifs accrochés à ce mur ? Sans doute étais-je distrait par le lumineux hameau dans son cadre d'émeraude et sa jolie rivière qui y coule au milieu ! Il est 10 heures quand je m'éloigne de Lamanère par une allée cimentée qui grimpe hardiment. Premier dénivelé, premières souffrances et premières grandes gorgées d'eau. Je m'arrête à la fois pour reprendre mon souffle et pour admirer les jolies maisons avec leurs vertes pelouses et leurs jardins fleuris. Je m'amuse d'un joli cadre peint dans lequel il est écrit : " attention au chat ". Je souris car je suppose que ce cadre aurais mieux trouvé sa place dans le parc de Notre-Dame du Coral, ainsi, les petits mulots auraient pu le lire !

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Je laisse Lamanère, son décor verdoyant, ses jolies maisons aux jardins fleuris par une sente bien balisée où virevoltent des papillons multicolores. Les Tours de Cabrens apparaissent très hautes au détour du chemin mais qu'importe puisque je vais au hameau des Estanouses qui lui est situé dessous beaucoup plus bas !

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En montant, j'aperçois les Estanouses, ce minuscule hameau par lequel le Tour du Vallespir devrait normalement passer si j'en crois ma carte IGN, mais désormais c'est un domaine privé gardait par des archanges et deux dobermans. Mais il y a aussi "un démon" qui va me faire monter par les Tours de Cabrens, ces tours minuscules que j'aperçois tout là-haut !

Je rentre dans un petit bois de chênes, coupe une première piste. Le balisage jaune et rouge du Tour du Vallespir est bien présent et une petite pancarte en ardoise me conforte sur la direction à suivre : " Tours de Cabrens-Pla Castell-Estanouses ". La pente s'accentue, j'entre dans un deuxième bois. A sa sortie, je traverse aussitôt une autre piste. Bien qu'encore très éloignées, deux des trois Tours de Cabrens sont parfaitement visibles au sommet de la haute colline. Mais je ne m'en inquiète pas car de toute manière, je sais que je n'aurais pas y monter. Un autre panneau est là maintenant, au bord d'un sentier terreux : " Les Torres Cabrenç ". J'ai retrouvé une foulée et une respiration régulière, malgré la pente qui s'est amplifiée très sérieusement. Le sentier terreux se termine d'abord par un bois de petits feuillus puis dans des prés de hautes fougères. Ici, les bas-côtés très fleuris du chemin sont des terrains propices à bons nombres d'insectes mais surtout aux abeilles et aux papillons. Des papillons, je n'en ai jamais vu autant depuis mon départ, même sur la piste du Col de Formentere où pourtant il y en avait déjà beaucoup qui tournaient autour de moi. Au fil de mes randonnées et en les photographiant, j'ai appris à les reconnaître : Piérides, Argus, Vulcains, Tabacs d'Espagne, Petites Tortues, Nacrés, Théclas, Ecailles martrées, Apollons, Citrons, à chacun de mes pas c'est un cortège de papillons multicolores qui s'élèvent. Il y en a tellement dans les prés, dans les haies et sur le chemin que parfois quant ils s'envolent, autour de moi ça ressemble à ces milliers de confettis colorés ou à ces petits papiers brillants que l'on jette lors de grandes manifestations. Je rejoins une autre piste plane qui, selon mon GPS doit me faire passer devant le lieu-dit les " Estanouses ". Je m'avance, pas de problème le GPS me situe sur le tracé. Je fait quelques dizaines de mètres et là, je me retrouve devant une clôture où trônent de jolies statuettes d'archanges et de colombes aux ailes déployées et un grand portail ouvert : " Domaine des Estanouses ". Collé sur un pilier, il y a bien un petit cadre avec un chien dessiné, style Doberman mais rien qui annonce une éventuelle méchanceté ni la raison d'être craintif. Et quand je m'approche, bien au contraire, il y a sur la gauche, une caméra avec ces quelques mots amusants : " Souriez, vous êtes filmés ! ". Je reste planté là, indécis quant à la conduite que je dois tenir. D'un côté, j'ai une peur bleue des Dobermans avec un affreux souvenir d'enfance d'une folle course poursuite entre un énorme molosse de cette race et moi perché sur un Solex. De cette " chevauchée fantastique ", j'avais réussi à en sortir sain et sauf, grâce au propriétaire qui, sur un puissant et simple sifflement, avait réussi à stopper net son chien, au moment même où ce dernier était sur le point de me rattraper pour me croquer un mollet. D'un autre côté, je me dis que les propriétaires doivent certainement avoir, à la fois de l'humour avec ce " Souriez, vous êtes filmés ", et une grande amabilité pour exposer ainsi sur leur mur ces chérubins et ces colombes, symboles de douceur et de paix. Je me décide et j'entre, j'ai confiance dans les hommes, un peu moins dans les Dobermans mais après tout, et selon mes cartes, je suis bien sur le GRP Tour du Vallespir et je n'ai pas d'autres solutions que celle-là. Je fais une trentaine de mètres, arrive devant de belles maisons où tout est calme et silencieux. Je m'arrête, troublé par ce silence et m'apprête à poursuivre la piste avec mon GPS à la main, quand tout à coup, en provenance des villas, deux dobermans descendent vers moi en vociférant.

Je reste pétrifié. Voilà que ma triste expérience se renouvelle, mais cette fois ils sont deux, et je n'ai aucune chance car je n'ai pas de Solex pour fuir mais un sac de 18 kilos qui ruine toute éventualité d'escapade. Heureusement une fois encore, je vais m'en sortir, car du haut d'une terrasse, une femme se met à hurler et les chiens s'immobilisent à deux mètres de moi. Ils continuent de grogner, mais comme j'ai de la mémoire, je raccourcis aussitôt mon bâton télescopique et leur tends une main amicale dont je ne sais pas, s'ils vont la dévorer ou la lécher. Entre temps et alors que les " cerbères " se sont calmés, un homme est également sorti sur la terrasse et m'interpelle en criant :

- Que voulez-vous ?

- Je veux aller au Pla de Castell !

- Non, ce n'est plus possible par là, le chemin est fermé depuis quatre ans !

- Mais comment est-il fermé ?

- Vous êtes sur une propriété privée et le chemin n'a plus été défriché !

- Mais par où puis-je y aller ?

- Il faut que vous montiez aux Tours !

Je suis si surpris que je lui pose cette question vraiment idiote :

- Quelles tours ? Celles de Cabrens ?

Et il me répond brutalement :

- Vous en connaissez d'autres ici ?

Et il ajoute :

-Il y a un chemin qui passe juste en dessous des tours !

Je crois qu'à cette idée d'avoir à escalader les Tours de Cabrens, je suis encore plus terrifié que j'ai pu l'être devant les Dobermans. Je les connais trop bien ces tours à signaux de Cabrens pour y être monté à quelques reprises mais jamais avec un sac à doc de 18 kilos ! Un gros dénivelé sur une distance très courte et jamais un replat pour souffler. Comme si cette étape n'était pas suffisamment longue ! Je ne bouge plus. Je suis groggy et je regarde bouche bée cet homme qui vient de me donner un véritable coup de gourdin sur la tête. Et tout en le regardant, je ne sais pas pourquoi, j'ai un mal fou à le croire. Pourquoi, ce chemin n'aurait-il pas été débroussaillé ? D'accord, il est chez lui, mais ne préfère-t-il pas empêcher tout passage de randonneurs sur son domaine ? Je continue à le regarder et je me dis que je me suis bien trompé sur son compte : " Il vous reçoit avec des anges mais en réalité, lui c'est un vrai démon ! ". Lui m'observe aussi et semble s'interroger sur la conduite que je vais adopter. Mais il a le beau rôle avec ses deux chiens de garde qui maintenant se sont couchés à mes pieds. Alors ai-je le choix ? Même si je ne lui montre pas, je repars furieux tout en marmonnant : " Voilà ça m'apprendra à avoir trop confiance dans les hommes ! "

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Après avoir terriblement souffert dans la montée vers le Tours de Cabrens, j'arrive à la première. Elle date du XIVeme siècle. D'ici, malgré quelques nuages, j'ai des vues splendides sur une grande partie du chemin parcouru. Je décide de déjeuner mais des énergumènes exagérément bruyants vont me faire fuir. Au bord la falaise, j'aperçois un autre démon ! Il est très beau !

Et c'est vrai, peut-être je crois trop en l'homme et pas suffisamment dans les Dobermans. Après tout, ils sont très gentils ces chiens-là quand ils sont bien dressés ! Sur la piste, je retrouve un autre panneau " Torrés de Cabrenç " et un petit sentier que je poursuis mais il s'agit d'un simple raccourci qui m'emmène sur une autre piste un peu plus haut. Il est 11 heures, l'heure a tourné et aujourd'hui, j'ai le sentiment de ne pas avoir beaucoup avancé. Mais bon, d'un autre côté, je ne suis pas en super forme et je me dis qu'il n'est pas utile que je me " brûle " en me dépêchant inutilement. Aussi, je continue de monter à mon rythme qui, je l'avoue, n'est pas bien rapide aujourd'hui. Je coupe un maigre ruisseau, la piste se termine et devient sentier à l'entrée d'un sous-bois. La déclivité s'intensifie mais une tour se rapproche. Je raccourcis mon bâton que je plante plus fermement pour me hisser sans avoir à faire trop d'efforts avec mes jambes. Mais c'est peine perdue, car le poids du sac qui m'entraîne en arrière contrebalance cette vaine manœuvre. Heureusement, j'ai dans ma poche et à portée de main, mon petit tube de " dope ". Habituellement, et cela depuis mon départ, un sachet de gel énergétique me fait amplement la journée mais aujourd'hui j'en ai quelque peu abusé et c'est sûr, cette fois il ne terminera pas cette étape. A la fin du sous-bois, une nouvelle piste apparaît. Je regarde mon GPS plus par curiosité que par nécessité, car ici je n'ai plus de tracé. Entre mon entrée et ma sortie de ce petit sous-bois, j'ai fait quoi ? 200 mètres, 250 mètres, mais l'altitude, elle a progressé de 63 mètres. Je comprends mieux mon essoufflement. Une vingtaine de mètres plus loin, dans la courbe d'un virage, un balisage me renvoie dans les bois par une pente escarpée. Je regarde ma carte IGN et constate qu'il s'agit d'un raide raccourci qui monte à la première tour. Je l'ignore et poursuit par la piste encore une fois plus " roulante " comme disent les cyclistes. Un homme est entrain de redescendre, lui en direction de Serralongue. Nous bavardons un peu, de tout et de rien mais surtout de mon Tour du Vallespir dont il semble dire que c'est pure folie que je le fasse seul. En disant cela, il fait certainement allusion à mon âge et sans doute a-t-il en partie raison. Aussi, je ne le contrarie pas mais je fais mien ce proverbe : " Un fou qui marche va plus loin qu'un sage qui reste assis ". Mais la bible ne dit-elle pas aussi : " La voie qu'emprunte le fou est droite à ses yeux, mais il est sage d'écouter les conseils ". Alors un partout et la balle au centre. Je continue la piste et je finis par arriver devant la première des tours. Ancienne tour à signaux qui date vraisemblablement du XIVeme siècle, elle servait à communiquer avec d'autres tours ou bien avec des châteaux ou des forteresses du Vallespir et du Roussillon. Elle a magnifiquement été restaurée. Il est midi et je m'installe à une table de l'aire de pique-nique aménagée devant la tour. D'autres randonneurs sont déjà là, installés et calmes mais d'autres arrivent et tournent autour de moi comme de bruyants frelons en quête d'un emplacement idéal, qu'apparemment ils n'arrivent pas à trouver. Gesticulant, criant et braillant même, ils semblent se moquer éperdument de tout ce qui les entoure. J'arrête là mon pique-nique pour m'éloigner de ces énergumènes excités mais surtout irrespectueux vis-à-vis des autres et de la quiétude qu'en général on vient chercher dans un tel lieu. Je pars d'abord derrière la tour puis longe le bord de la haute falaise en direction de la deuxième. Sur ma gauche, un panorama superbe me laisse entrevoir une toute petite portion du chemin parcouru aujourd'hui, mais droit devant moi, j'ai une ample et admirable vision des hauteurs que j'ai gambadées depuis Formentere. Avec les jumelles, j'essaie de retrouver plus précisément les endroits et les crêtes où j'ai pu marcher les jours précédents. Mais dans cet horizon lointain et légèrement voilé par quelques nuages blancs, retrouver ces contrées n'est pas si évident. Mais, j'aperçois néanmoins le refuge blanc de Batère, le dôme aplati et reconnaissable du pic de la Souque et je devine les vertes prairies des cols de l'Estagnol et de Serre-Vernet. Après ce bref intermède, je continue à longer la falaise et suis maintenant en surplomb de la maison du " démon " : Les Estanouses sont là à mes pieds, vaste et magnifique domaine avec piscine. J'observe la piste que j'avais commencé à emprunter, elle semble se poursuivre bien après les habitations puis elle s'enfonce dans la forêt où je perds sa trace. J'imagine que je ne saurais jamais comment se termine cette piste. Après tout, le démon n'en est peut-être pas un et mon ressentiment m'a fait perdre la raison ? Mais s'il n'est pas démon, qu'est-il alors ? Un homme serviable qui m'a simplement indiqué un chemin ? Alors archange ou démon ? Mais pour travestir un proverbe bien connu : " chassez le surnaturel, il revient au galop ". Car au moment où je tourne la tête, un nouvel être surnaturel chasse l'autre. Mais celui là est de pierre et je ne vois plus que lui dans la falaise. Une tête parfaite vue de profil et taillée dans cette paroi rocheuse par cette talentueuse " Dame Nature " ou par ce sculpteur fou qu'on appelle l'Univers. Je reste d'abord subjugué par ce visage étrange que j'aperçois à Cabrens pour la première fois alors que j'y suis monté à diverses reprises.

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Je reste complètement subjugué par ce profil presque parfait taillé dans la paroi rocheuse par "Dame Nature " ou par ce sculpteur fou qu'on appelle l'Univers.

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Dans l'ordre d'apparition : la 1ere tour du 14eme siècle puis la 2eme tour du 13eme siècle en surplomb de la falaise et des Estanouses que j'aperçois tout en bas, puis enfin, les ruines du château du 11eme siècle où je vais pouvoir enfin déjeuner en paix avec une vision parfaite sur le Pla de Castell et l'itinéraire parcouru ce matin.

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Au pied des Tours, je trouve un panonceau " Tour du Vallespir " près d'une vieille ferme envahie par les lierres. Le Pla de Castell est peuplé de papillons. Après avoir souffert toute la matinée, je peux enfin souffler et me fier aux nombreux panneaux pour suivre sagement le chemin. Il arrive dans un Colorado miniature !

Alors vision due à la fatigue, imagination débordante ou effets de la lumière selon le temps, l'ensoleillement à une heure du jour bien particulière ? Je m'empresse de prendre une photo, puis une deuxième en rapproché. Mais au moment où je vérifie les photos sur le petit écran de mon numérique, ce dernier a l'air de foirer au niveau de la pixellisation et comme je l'ai depuis peu de temps, je n'en connais pas tous les réglages à mettre en œuvre pour réparer ce mauvais fonctionnement. Mais au fait, pourquoi se met-il soudain à " déconner " ici, devant cette sculpture étonnante ? Me jetterait-il un sort ce mauvais génie ?

Je m'empresse de regarder les photos antérieures. Non, plusieurs photos présentent les mêmes symptômes depuis hier apparemment et peu après mon départ de Prats-de-Mollo. Alors mon numérique a-t-il souffert de mes péripéties dans la forêt du Miracle ou bien l'ai-je mouillé sans m'en apercevoir ? Je suis un peu dégoûté, je l'avoue, mais je vais faire avec, car les mauvaises photos ne sont pas systématiques non plus et je me dis que je pourrais peut-être les corriger avec un logiciel de retouche. Comme je suis un peu perturbé par cet incident qui m'agace, et peut-être aussi par cette fabuleuse figure surnaturelle que je viens de voir, du coup, je finis par en oublier cette deuxième tour que l'on appelle la médiane. Au lieu d'y monter, je passe dessous et j'ai juste le temps de la prendre en photo, et cette photo-là, semble bonne. Je me dis que ce petit écart d'itinéraire n'est pas bien grave. En effet, je connais déjà cette tour, avec ses murs de 5 mètres de large, elle a, paraît-il, servie de prison et est plus ancienne d'un siècle (XIIIeme) que la précédente. Mais surtout, je suis sur une sente, difficile certes, mais bien balisée en jaune. Dans un court dédale de rochers et de petits chênes, la sente finit par remonter vers la troisième tour construite à l'extrême limite de la crête rocheuse. On l'appelle tour, mais en réalité, il s'agit des ruines d'un vieux château du XIeme, dont il ne reste qu'une infime partie de la voûte de l'antique donjon et quelques murailles qui dominent le Pla de Castell et son écrin de verdure. Tranquille cette fois, je m'arrête là pour finir mon déjeuner que quelques nigauds avaient interrompus. Il est 13 heures et après avoir remonté le temps en longeant cette crête, il me faut maintenant la redescendre de l'autre côté et c'est loin d'être une sinécure. Abrupte et glissante plus qu'il ne faudrait, je descends le plus souvent en m'accrochant aux arbres quand ce n'est pas sur le cul. Ici, comme je l'ai déjà fait dans les gros pierriers de Serre-Vernet, je redouble d'attention pour éviter une chute qui pourrait avoir des conséquences dramatiques. Je mets 25 minutes pour atteindre le plat et un petit panonceau où je retrouve le GRP Tour du Vallespir. Je suis surpris de trouver ici ce panonceau mais en consultant les copies du topo-guide, je constate soudain que Véron inscrivait les Tours de Cabrens comme une alternative aux autres chemins. Panonceau ô combien encourageant, car il est inscrit : " Falgos " et c'est bien par là-bas que je dois aller. Je longe les ruines d'une vieille ferme encombrée par les lierres et envahie d'une foisonnante végétation. Ici aussi, les papillons sont nombreux et fantaisistes dans leurs circonvolutions et quand j'arrive au joli carrefour du Pla de Castell, je constate avec bonheur que mon GPS a retrouvé le tracé enregistré. Ce bonheur s'ajoute à celui d'apercevoir le panneau : " Pla de la Muga ". Je file à main gauche par la large piste que je quitte immédiatement, toujours à gauche, à un nouveau panneau : " Tour du Vallespir-Coustouges ". Je ne me rends pas à Coustouges car à ma connaissance il n'existe plus aucune possibilité ni de couchage ni de ravitaillement, mais le véritable Tour du Vallespir passe par ce village frontalier dont les Romains avaient déjà fait de ce lieu, un passage obligé vers ce qu'ils appelaient Hispania, c'est-à-dire l'Espagne. Cette voie, c'était la Via Vallespirani, ancêtre très proche du chemin que j'emprunte aujourd'hui et qui allait au Col d'Ares.

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Après le Pla de Castell, j'arrive au Pla de la Muga dans cet étrange " Colorado miniature " où les couleurs des roches et des sables vont du rouge ocre au rouge bordeaux. Mais c'est quoi au juste ces roches ?

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Pas toujours évident à suivre, le chemin circule au milieu de ces roches rouges et atterrit en Espagne devant cette stèle où il est écrit : " Ici née la Muga ". La Muga est une rivière qui se jette dans le golfe de Roses. Pourtant ici tout est sec et rien de laisse à penser qu'il y a la source d'un fleuve de 65 kilomètres de long !

L'étroite sente se faufile dans un petit bois de pins et débouche sur d'étranges et magnifiques dunes de sables rouges. Ici on voit parfaitement ce travail d'érosion que le vent et surtout l'eau ont façonné sur cette terre qui va de l'ocre rouge au rouge bordeaux. Dunes et vagues de sable que l'on croirait mouvantes mais aussi petites pierres dures et gros rochers érodés ressemblant à des scories ou à d'étranges bombes volcaniques. Alors c'est quoi, ces bizarres formations géologiques rouges que l'on trouve par ici ? Les dépôts des éruptions des proches volcans de la Garrotxa ? Grâce à de petits cairns, je déambule et grimpe dans ce Colorado miniature. Mais entre le chemin à prendre et l'ornière centrale et principale, l'écart est très étroit pour monter au Pla de la Muga. Je finis par m'éloigner du tracé du GPS et me retrouve devant une stèle où il est marqué en catalan : " Ici né la Muga 1216,49 m - Fête de l'Albera Viva 9-6-1996 " et où s'ajoutent les noms d'une douzaine de villages français et espagnols des alentours. Mais je suis surpris car ici tout est sec aujourd'hui et aucune source ne jaillit. Pourtant je crois savoir que la Muga est longue puisqu'elle s'écoule le long de la frontière, puis dans l'Emporda pour finir sa course dans le golfe de Roses du côté d'Empuriabrava. (Renseignements pris sur Internet à mon retour, la rivière Muga est longue de 65 kilomètres et pour un fleuve dont la source semble asséchée en été, je trouve que c'est plutôt pas mal !) J'observe ma carte IGN pour regarder où je suis exactement et retrouver le sentier. Je n'ai jamais été aussi prêt de la frontière, puisque si j'en crois la carte, je l'ai même franchie devant cette stèle. Mais si la Muga se jette dans le golfe de Roses, moi, il me faut partir sans traîner vers un autre golf, celui à 18 trous du domaine de Falgos.

Je retrouve le sentier dans les pins tout proches. Il se poursuit rectiligne vers le nord sur un chemin de sable blanc au milieu d'une lumineuse hêtraie et de quelques châtaigniers. Puis, soudain ce sentier se transforme en une large piste ensoleillée et colorée qui fait un angle droit, part plein sud et serpente au milieu des petits feuillus et des bruyères roses. J'apprécie ces chemins sableux et souples où je peux rattraper les atermoiements de mes flâneries et de mes divagations. Animés de papillons multicolores et de sauterelles aux ailes bleutées, ornés et parfumés de milles fleurs, colorés par les mauves véroniques, les bruyères roses et les baies rouges des sorbiers des oiseaux qui me font une haie, ce chemin qui ne fait que descendre est une vraie " autoroute du soleil " pour mes jambes fatiguées. Alors est-ce la fatigue, la précipitation ou bien mon insouciance, mais une fois encore, je me trompe pour filer droit vers le pic de la Massanes (1.114 m). Et quand je regarde mon GPS puis ma carte, une fois encore j'ai parcouru quelques centaines de mètres pour rien. Je suis allé tout droit au lieu de poursuivre la piste à gauche qui descend vers Falgos. Heureusement, je n'ai fait que trois cent ou quatre cent mètres et faire demi-tour n'est pas bien grave.

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Après cette brève incursion en Espagne, j'ai retrouvé le Tour du Vallespir et un agréable sentier qui doit m'amener à Saint-Laurent-de-Cerdans

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Ce chemin coloré de mauves véroniques, de bruyères roses et par les baies rouges des sorbiers des oiseaux est animé de papillons multicolores. Pour mes jambes fatiguées, c'est une vraie " autoroute du soleil ". Parfois, je marche aussi en sous-bois et je finis par arriver au golf de Falgos.

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La lassitude plus une déprimante route goudronnée, une fois encore tout devient une excuse à des arrêts photos, de jolis papillons, les " écailles chinées " surtout. Après 7 kms, j'enjambe le ruisseau de Coustouges et entre dans Saint-Laurent. Mais je n'en ai pas fini, il reste encore plus d'1,5 km à parcourir pour arriver à la Maison Noëll !

Mais je me dis aussi qu'il faut que je redouble d'attention car l'étape est suffisamment longue sans que j'en rajoute inutilement. Il est 15 heures passé, et comme j'ai un petit creux à l'estomac, je profite de cette étourderie, de la tranquillité du lieu et de l'herbe tendre du chemin pour finir mon panier repas très copieux aujourd'hui. Après cet en-cas, je repars toujours au même rythme ma descente vers Falgos au travers d'une hêtraie, des pinèdes et de hautes haies de genêts. Mais quand j'aboutis sur la route qui monte au Domaine de Falgos et descend vers Saint-Laurent de Cerdans, il n'est pas encore 16 heures et mes pensées sont prises en tenaille entre deux sentiments : d'un côté, je suis heureux d'être arrivé là, à quelques kilomètres de l'arrivée car je sais que j'en ai fini avec les hauteurs pour aujourd'hui, et de l'autre, je suis sous le coup d'une grosse désillusion car je pensai trouver un joli sentier fleuri pour rejoindre Saint-Laurent et je ne trouve qu'une route goudronnée qui serpente au milieu des schistes. Et quand je regarde ma carte IGN, cette route qui doit m'amener dans le centre historique de Saint-Laurent de Cerdans, je l'estime à environ 7 à 8 kilomètres. Ma déception est d'autant plus grande que c'est par obligation que je dois rejoindre cette ville, car à l'origine le vrai Tour du Vallespir passait par Coustouges. Mais depuis quelques années, il n'y a plus de possibilité de couchage et quand j'ai organisé mon parcours, je n'ai rien trouvé à Coustouges, ni refuge, ni gîte, ni chambres d'hôtes, ni hôtel. C'est donc par résignation que je me suis rabattu sur Saint-Laurent-de-Cerdans car le Tour du Vallespir y passe à quelques kilomètres au pied du Mont Capell (1.194 m).

Alors, avec encore tous ces kilomètres à parcourir, autant dire que ma journée est loin d'être finie !

Comme je le fais souvent en pareil cas, je prends un train de sénateur et tout devient une excuse à faire des photos. Mais ici, il n'y a pas grand-chose à photographier, pas de vastes panoramas, ni de beaux paysages, ni d'amples forêts ou de vertes prairies, mais qu'une triste et tortueuse route de bitume gris encastrée dans la roche. Alors, une fois encore je me rabats sur ces " malheureux " papillons. Mais ici, il y a une chose très étrange : les papillons sont magnifiques mais il y en a pratiquement qu'une seule variété et ce sont les reconnaissables " Ecailles chinées ou Callimorphe ". On peut les confondre avec les " Ecailles martres " qui sont ressemblantes bien que leurs zébrures noires et blanches ne soient pas tout à fait identiques. Je prends bien quelques exemplaires de ces étonnants papillons en photo avec leur ailes contrastées pour moitié oranges et pour moitié zébrées lorsqu'elles sont ouvertes, mais comme il y en a des milliers au bord de la route sur les épilobes, les chardons, les véroniques en épi, les fleurs d'origan et même les fleurs d'orties, j'en ai vite fait le tour. Mais si ces papillons ont la particularité de marauder aussi bien le jour que la nuit, il ne faut pas que je fasse pareil, car si je continue à vadrouiller de la sorte c'est bien à la nuit tombante que je vais arriver.

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Avec cette hilarante station météo du Wendland, les Laurentins prouvent qu'ils ont de l'humour !

17 h, j'arrive sur un pont où coule une rivière, à l'intersection de plusieurs routes. Il y en a une qui va à Coustouges, une autre à Vilaroja et celle que je dois emprunter vers Saint-Laurent. Dix minutes plus tard, j'entre dans le joli bourg où je m'arrête quelques instants sur un banc pour manger et me désaltérer un peu car j'avoue en avoir marre de cette route goudronnée. A quelques mètres du banc, il y a un trépied où est accrochée une chaîne, et au bout de la chaîne, un gros pavé est suspendu.

Intrigué, je m'approche et je prends en photo cette hilarante station météo du Wendland. Aussi, en traversant la Quera et entrant dans la ville, je me dis : " C'est bien, au moins ici les habitants ont de l'humour ! ". Et c'est vrai que les gens m'ont l'air bien sympathiques. Ici, tout le monde me salue, les passants, les retraités qui jardinent, les badauds, les hommes, les femmes, les jeunes, les vieux. Et quand, je demande mon chemin pour trouver la rue de la Sort, on se met en quatre pour m'expliquer. Du coup, hormis l'effort d'y grimper car la pente est rude, je n'ai aucun problème pour trouver la Rue de la Poste et l'église paroissiale que l'on m'a gentiment indiquées comme repères. Je suis même surpris par tant de prévenance car cherchant encore mon chemin et la Rue de la Sort, un jeune homme brun très sympathique s'approche et me demande :

-Vous avez l'air perdu, je peux vous aider ?

-Oui, je cherche à me rendre au numéro 4 de la rue de la Sort, chez Monsieur Mario Lopes.

-Je suis Monsieur Lopes, suivez-moi, je vais vous y accompagner.

-Je suis Gilbert Jullien. Enchanté Monsieur Lopes, mais vous alliez dans l'autre sens !

-Oui, j'allais chercher mon enfant à la garderie.

-Alors, ne vous dérangez pas, je vais vous attendre ici.

-Non, écoutez ma femme est à la maison et c'est simple pour y aller. Prenez tout droit, puis tournez à gauche dans la première petite ruelle. C'est la rue de la Sort. Mais au lieu de sonner au numéro 4, allez au numéro 6.

-Merci, c'est compris, j'y vais de ce pas.

-A tout à l'heure.

-A tout à l'heure.

Le jeune homme repart et une minute après, je suis dans une étroite venelle, devant la petite porte d'une haute maison de village. Une jeune femme très gaie m'ouvre. Je me présente. Isabelle, me dit-elle, avant de me faire très spontanément la bise. Nous montons quelques escaliers qui débouchent sur une grande salle à manger. La demeure me paraît immense, mais elle est surtout magnifique et je ne me prive pas de le lui dire. Avec la volubilité qui semble la caractériser et son agréable accent portugais chantant, Isabelle se met à m'expliquer en détail les origines de cette splendide maison de maître : Elle s'appelle Damia Noëll et fût construite en 1606 et habitée pendant plusieurs siècles par une richissime famille de bourgeois qui s'appelait Noëll. Le premier occupant s'appelait Damia d'où le nom de la maison d'hôtes désormais. (Pour la petite histoire, j'appris sur Internet que ce Damia avait combattu aux côtés de Josep de la Trinxeria et est resté dans l'Histoire de la Catalogne comme un farouche opposant au Traité des Pyrénées et à l'instauration de la gabelle en Vallespir.) Il y a quelques années, les héritiers de la famille Noëll ont décidé de vendre la maison après le décès d'une de leurs grand-mères qui avait vécue dans cette grande bâtisse pendant de longues années et qui ne l'avait plus réellement entretenue. Isabelle et Mario la rachetèrent pour en faire une table et des chambres d'hôtes car ils avaient, depuis longtemps, l'ardent désir de se lancer dans cette activité. Et, quand Isabelle m'amène sur la terrasse extérieure construite en grosses pierres de taille, je reste complètement émerveillé par ce côté-là de la maison. Autant la façade côté ruelle est modeste et ne paye pas de mine, autant ce côté-là est remarquable, avec cette terrasse qui domine une partie du village, la rivière Saint-Laurent, de grands jardins en espaliers et qui est face aux collines et au Mont Capell.

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Quelques photos de Saint-Laurent-de-Cerdans au moment où j'arrive dans le village. J'enjambe la rivière Quera, et j'entre dans un village qui respire la fête.

Mais avec mon sac à dos sur les épaules et mon bâton et mon bob encore à la main, je crois qu'Isabelle a dû se rendre compte que j'étais impatient de rejoindre ma chambre. Oh non, Isabelle ne m'ennuyait pas avec ces vieilles histoires de la famille Noëll, bien au contraire, mais la lassitude devait se lire sur mon visage tiré ! Elle semble confuse mais je l'en excuse car j'ai parfaitement vu qu'elle vivait avec passion cette antique maison et le fait de contribuer à l'embellir et à vouloir la faire revivre. Mais, elle a compris aussi que j'étais fatigué et c'est tout à son honneur. Par d'immenses escaliers en bois vernis, elle m'accompagne à l'étage supérieur où se trouve ma chambre. Une chambre magnifique avec un vrai grand lit, avec des draps tout blancs, recouvert d'un admirable couvre-lit brodé et de vrais oreillers. En y entrant, je ne peux m'empêcher de me dire que cette chambre me change de tout ce que j'ai pu connaître sur ce Tour du Vallespir. En 3 jours, je suis passé de la simple paillasse de Saint-Guillem avec lézard, souris et poussière à volonté à une chambre " princière ". Mais dans une longue randonnée comme celle-là, c'est bien toutes ces petites choses diverses et variées qui créent l'aventure et tout naturellement, je prends plaisir à ces diversités.

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Une vue aérienne du village puis la ruelle avant d'arriver à la Maison Noëll. Un instant de détente dans la merveilleuse chambre que l'on m'a allouée. De superbes panoramas sur le Mont Capell et les " serrats " que j'aperçois depuis la magnifique terrasse ou depuis ma fenêtre.

Après une bienfaisante douche dans une vraie cabine avec des robinets mitigeurs comme à la maison, j'ai aspiré à un petit peu de repos que j'ai une fois encore rempli avec " Dalva ". Mais, je sais que l'on m'attend pour un apéritif de bienvenu à 19 heures tapantes. Je connais le principe de la chambre d'hôtes où tous les convives se retrouvent pour des repas en commun et à une table unique, parfois en présence des propriétaires. Dans le canapé du salon, Mario me présente d'abord sa petite famille. Avec beaucoup de simplicité, tout le monde me fait la bise. Avec la même passion qu'Isabelle, Mario m'explique comment il en est venu à acheter cette maison de maître et la conversation va bon train sur l'histoire des Noëll. Il me parle surtout d'Abdon, le seigneur de Vilaro, âme de la Résistance du Vallespir au temps de la Révolution Française qui fût le plus connu de tous. Nous en sommes là, quand un autre client nous rejoint, venu de Bretagne et passionné de VTT. Alors nous partons nous installer sur la belle terrasse, nous buvons une bière, puis les bavardages s'animent. Mario nous offre un excellent muscat et d'autres convives nous rejoignent. Il s'agit de tchèques. Un couple plutôt timide qui passe leurs vacances dans la région. Ils arrivent tout droit de Bruxelles où ils travaillent au Parlement Européen. Ils parlent très bien le français, en tout cas beaucoup mieux qu'ils ont l'air de le penser et surtout bien mieux que nous pouvons parler le tchèque tous autant que nous sommes ! L'heure du souper arrive et nous partons tous nous installer à la grande table de la salle à manger. Trop occupés en cuisine à préparer les excellents plats que nous devons manger, Isabelle et Mario ne soupent pas avec nous. Mais si nous regrettons leur absence à table, nous n'avons pas à regretter leur présence derrière les fourneaux car ce repas est en tous points remarquable : une craquante salade de chèvre chaud, un gros " galet " grillé, poisson de Méditerranée et un savoureux et copieux " pijama espagnol ", dessert fait d'un flan à l'œuf, d'une boule de glace à la vanille accompagnée d'une demi pèche et d'une demi poire au sirop, le tout agrémenté d'une sauce au chocolat. Entre deux plats, la sympathique Isabelle nous rejoint et viens s'enquérir de l'intérêt que nous portons à ses plats, Mario, lui, est le plus souvent près de nous a harmoniser les débats, et de ce fait, leurs absences au repas n'ont aucune conséquence sur la qualité de nos conversations qui sont agréables et chaleureuses. Chacun se met à raconter à tour de rôle, comment il vit sa passion. Le jeune breton, c'est le VTT qu'il chevauche à sillonner le Vallespir depuis quelques jours. Les tchèques plus passionnées par les visites des musées et le patrimoine roussillonnais parlent avec ferveur du Musée d'Art Moderne de Céret. Et moi, je parle bien sûr des randonnées et de ce Tour du Vallespir que je suis entrain d'accomplir. Cette soirée est une des plus agréables que j'ai passé depuis fort longtemps et quand, nous partons nous coucher, nous avons tous l'air heureux. Nous nous séparons un peu à regrets, et surtout par respect vis-à-vis d'Isabelle et Mario. Nous quittons tous Saint-Laurent-de-Cerdans dès demain matin, mais pour nos hôtes, de nouveaux clients arrivent et comme beaucoup de choses sont à prévoir, ils vont devoir se lever tôt. Une fois encore malgré une évidente lassitude, je ne peux pas m'endormir immédiatement. Cette amicale veillée entre copains d'un jour dans un cadre reposant à souhait m'a fait prendre conscience des difficiles conditions dans lesquelles j'ai vécues depuis cinq jours. Si la solitude de ces derniers jours ne m'a pas véritablement pesée, rencontrer d'autres gens, dialoguer avec eux, partager leur passion et la mienne ont été des instants de vrai bonheur. Je suis assez lucide pour savoir que ce séjour passé ici restera comme un des moments forts de mon aventure. A la veille de terminer mon périple, je m'aperçois que l'âpreté de ces hauteurs, elles ont été merveilleusement matérielles et physiques, par les montagnes, les crêtes et les collines que j'ai escaladé assez souvent en peinant, mais que j'ai, comme toujours, découvert avec ravissement une fois les sommets atteints. Mais en y regardant de plus près, ces hauteurs ont été âpres psychiquement par la solitude que j'ai vécue, les souffrances que j'ai endurées et les réflexions qu'elles ont suscitées en moi. Mais est-ce fini ? Non, il reste encore l'étape de demain ! Mais en partant faire cette randonnée, n'étais-je pas prévenu que ce Tour du Vallespir m'amènerait vers des sommets de bonheurs insoupçonnés mais parfois aussi " sur les hauteurs d'une vallée âpre ".

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L'église de Saint-Laurent-de-Cerdans

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A la nuit tombante, vue sur le Mont Capell depuis la fenêtre de ma chambre.

 

De Notre-Dame de Coral à la Maison Noëll

 

J'avais quitté la belle, j'avais quitté la Vierge,

Par un souple chemin que longeait le Coral.

Je tenais mon bâton comme l'on tient un cierge,

Notre-Dame s'enfuyait sous un ciel idéal.

 

Un cadre de verdure entourait le hameau,

La Baga Bordellat, on ne peut plus oblongue

Où la claire rivière coulait sous les ormeaux,

Et les Tours de Cabrens veillaient la Serre longue.

 

Quand le village fut loin qu'on appelle Lamanère,

Un portail au milieu barrait tout le chemin,

Un horrible démon me fit perdre mes nerfs

M'obligeant à m'enfuir sans lui tendre la main.

 

Des archanges sur un mur m'indiquèrent la route

Qui montait rudement en direction des tours,

Âprement est le mot sur lequel j'arc-boute,

Loin de moi cette idée de faire demi-tour.

 

Un visage était là sculpté dans la falaise,

Grand seigneur de Cabrens comme était le tyran,

Les deux avaient le don de mettre mal à l'aise,

Les anges, les démons et un vieux vétéran.

 

Mais que l'on soit démon, beau génie ou bien ange,

Et que la peur se tient au creux de l'estomac,

Sur le sort, l'essentiel est d'avoir sa revanche,

Ma première est de voir d'amples panoramas.

 

Rouge était le sentier et ocre était la terre,

A la source asséchée où je perds mon latin,

Saint-Laurent qui attend la fin de mon calvaire,

A la Maison Noëll, près d'un petit fortin.

 

Isabelle, Mario accueillerent la troupe,

Avec leurs cœurs en or et leur sourire en coin,

L'amitié, la chaleur envahit tout le groupe,

Avant que le matin envoie tout ça au loin.

 

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Cliquez sur l'archange et le démon pour passer à l'étape suivante

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Les Tours de Cabrens (1.336 m) depuis Lamanère (777 m)

Publié le par gibirando

  
Ce diaporama est agrémenté de 4 sublimes morceaux de boogie-woogie, dont le célèbre "Boogie-Woogie Queen", interprétés ici par les pianistes Ladyva et Brendan Kavanagh plus connu sous le nom de Dr.K. 

LES-TOURS-DE-CABRENS

TOURSCABRENSIGN
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Les Tours de Cabrens font partie des randonnées incontournables de notre beau département. Toutefois, si on s’amuse à comparer celles-ci à certaines ascensions de nos hauts sommets des Pyrénées-Orientales, une randonnée aux Tours de Cabrens reste somme toute très confidentielle. Par exemple, je me suis amusé à taper sur Google les mots Canigou, Carlit, Costabonne et Cabrens précédés du mot « randonnée » et voilà les résultats qui donnent tout de même une idée de l’attrait que présente le lieu en question : Canigou 107.000 résultats, Carlit 31.600, Costabonne 2.740 et Cabrens 1.230.  Bon, j’avoue qu’il ne faut pas trop prendre à la lettre ces statistiques car si vous tapez dans Google le mot « randonnée » suivi des mots « Pic de Garces » qui est, comme chacun sait, un ridicule sommet à 675 mètres d’altitude au dessus de Céret, vous obtenez le résultat très étonnant de plus de 8 millions de résultats. Alors soit il y a un problème dans Google car je doute que les sentiers du Pic de Garces soient 80 fois plus empruntés que ceux du Canigou soit toutes les garces du monde aiment la randonnée pédestre ! Un peu d’humour ne peut pas faire de mal alors je tiens à préciser que je plaisante bien sûr car sinon plus aucune randonneuse ne viendra visiter mon blog. Bon, vous l’avez compris, cet article est consacré à une randonnée aux Tours de Cabrens qu’une fois encore j’ai effectué en solitaire et au cours de laquelle, je n’y ai rencontré âme qui vive. Parfois, c’est bien ainsi car la fois précédente lors de mon Tour du Vallespir de 2009, j’avais rencontré à Cabrens quelques randonneurs très désagréables, bruyants et sans aucun savoir-vivre. Non, cette fois-ci tout c’est bien passé et je suis parti bien tranquillement du village de Lamanère, lui aussi complètement désert. J’ai emprunté la « Carrer de Dalt » où un panonceau indique dès le départ les « Torres de Cabrenç » puis un peu plus haut, c’est le « Cami de la Font de Dalt » dont la ruelle pentue et cimentée s’élève entre les vieilles maisons en pierres. Les premières vues sur le village apparaissent. Encore plus haut, on finit par sortir du village avec des fenêtres qui s’entrouvrent entre les arbres, en bas vers le vallon du ruisseau du Saladou et en haut vers le long massif de la Baga de Bordellat. Ce massif, je le regarde d’un œil amusé me souvenant d’une mésaventure que Dany et moi avions vécu, il y a de nombreuses années de cela, lors d’une autre randonnée pédestre. Je ne peux m’empêcher de vous la raconter : « C’était presque au début où nous pratiquions la randonnée pédestre et en tous cas, la toute première fois que nous partions marcher deux jours. Notre choix s’était porté sur les crêtes de la Bagat de Bordellat que j’avais découvert dans le célèbre « 100 randos dans les P.O » de Georges Véron. Nous étions partis avec tente et bardas. Le soir au moment de s’installer dans un pré, voilà que Dany s’aperçoit qu’elle a perdu son duvet qui était censé être accroché à son sac à dos. Avant que je n’aie le temps de la retenir, la voilà qui part en courant et qui dévale la pente. Je sors mes jumelles mais elle est partie à une telle vitesse que quand je finis par l’apercevoir, elle n’est déjà qu’un tout petit point à l’horizon. Au bout d’une heure, je ne la vois toujours pas revenir et je commence sérieusement à m’inquiéter car le soir tombe. Je pars à sa rencontre et enfin, je la vois revenir vers moi mais bredouille. Entre-temps et heureusement j’ai dressé la tente et nous avons juste le temps de souper avant que la nuit fonde sur nous. Les insectes eux n’ont pas attendu et ils ont déjà fondu sur nos épidermes !  Dans notre tunnel de toile, nous partageons le seul sac de couchage qu’il nous reste en le transformant en une couverture peu pratique et comme la nuit va s’avérer très fraîche, nous revêtons en supplément de notre accoutrement du parfait randonneur tout ce nous avons de chaud et notamment un gros pull en laine que nous avions emmener en prévision.  La nuit s’avérera d’autant plus fraîche qu’ayant voulu transformer mon « Camelback » en oreiller, celui-ci se videra presque entièrement de son contenu et nous passerons l’essentiel de notre nuitée à baigner dans l’eau que nos pulls en laine ont copieusement pompée. Le lendemain, bien évidemment nous manquerons d’eau et en plus, nous marcherons une heure trente avant de retrouver le « fameux » sac de couchage. Une heure trente aller et une heure trente retour soit trois heures de plus que prévu à notre déjà très longue balade. Autant vous dire que pour une première expérience, celle-ci est restée très longtemps gravée dans nos têtes et de ce fait, la Bagat de Bordellat que j’aperçois aujourd’hui aussi ! ». Voilà pour l’anecdote. Le petit sentier balisé en jaune et rouge (GRP) atteint très vite une première piste. Quelques cairns précisent la direction à suivre. Pour deux raisons, il faut prêter attention aux cairns et au balisage et éviter de les perdre. Primo, parce qu’ils ne sont pas spécialement présents partout et suffisamment réguliers pour être évidents à suivre et secundo, il ne faut plus se fier aux itinéraires figurant sur les cartes IGN dont la plupart sont trop anciennes. Certains sentiers sont devenus obsolètes et c’est ainsi qu’il ne faut plus poursuivre cette première piste mais grimper presque immédiatement en face au sein du bois pour en atteindre une deuxième où un gros cairn a été élevé pour les promeneurs arrivant en sens inverse. Là, par contre, il faut poursuivre cette deuxième piste vers la droite même si le balisage est peu évident voire absent jusqu’à rencontrer une vieille pancarte jaune attachée à un poteau avec un bout de ficelle, pancarte sur laquelle on lit difficilement « les Torres de Cabrenç ». On quitte la piste pour s’élever dans une belle forêt de feuillus. Entre temps et depuis la piste, on aura amplement aperçu les « fameuses » Tours de Cabrens et on aura eu largement le temps d’apprécier les difficultés qui nous attendent. Au sein du bois, on continue de grimper sur le sentier le plus évident où d’autres pancartes diverses et variées vont se présenter rassurant le randonneur quand à la pertinence de l’itinéraire. La plupart de ces panonceaux indiquent « les Estanouses » ou, « les Tours » voire parfois les deux sur le même panneau. On finit par sortir du bois et apercevoir sur la droite, un superbe mas entouré d’un merveilleux domaine où gambadent un joli cheval blanc et un « Shetland », poney brun avec une belle crinière blanche. Ce sont les Estanouses, chères à mes amis Diane et Jean. On atteint une nouvelle piste qui débouche non loin de l’entrée du domaine où anciennement passait le GRP Tour du Vallespir. Afin de rencontrer mes amis et en souvenir de mon Tour du Vallespir de 2009, je me dirige vers le mas et ce portail que j’adore avec ses nombreuses statuettes de jolis chérubins puis désormais ce magnifique aurochs en résine plus vrai que nature qui semble surveillé l’entrée du domaine. Malheureusement mes amis sont absents et je poursuis la piste qui s’élève au dessus de la propriété. Au loin, la crête frontière avec l’Espagne étire son échine amplement bosselée et boisée. Le large chemin longe désormais une belle sapinière. Au dessus, deux des tours de Cabrens défient les randonneurs. Plus on monte et plus la pente s’accentue. Le chemin finit par s’engouffrer dans des sous-bois toujours plus denses et donc toujours plus obscurs. Quand la lumière réapparaît, on atteint une autre piste et le col Balladou où l’on peut enfin reprendre son souffle. Pourtant les montées ne sont pas terminées et la dernière va nous entraîner vers la crête de Cabrens, point culminant de cette belle balade où se trouve les Tours. En réalité, cette longue arête rocheuse s’appelle la crête de Serralongue comme le nom du village qui se trouve en contrebas vers le nord. Ecrit ainsi, il s’agit là d’une étymologie pléonastique puisque le mot « Serra » signifie déjà « crête ». Montant vers cette crête, il y a bien un sentier, espèce de raccourci qui rejoint la première tour mais je l’avoue, bien que plus longue, j’ai toujours préféré emprunter la piste bien plus praticable. Le plus souvent, sans doute par paresse car le raccourci est plus pentu mais également parce qu’en 2009, mon sac à dos pesait pas moins de 18 kilos. Même si aujourd’hui mon sac est plus léger, cette fois encore je reprends la piste. Devant moi, la première tour apparaît parfois au bout de la piste puis elle se volatilise au fil des virages. Derrière moi, le massif du Canigou déploie ses merveilleux sommets enneigés puis sur la gauche et dans la continuité, ce sont les longilignes Esquerdes de Rotja jusqu’à la pyramide blanche du Costabonne qui forment l’horizon. Vingt minutes plus tard, j’arrive au pied de la première tour. Il faut dire que j’ai lambiné comme jamais tentant très fréquemment mais le plus souvent en vain de photographier les innombrables passereaux qui volètent en tous sens : mésanges, fauvettes, roitelets, pouillots, bouvreuils et je pourrais ainsi en citer bien d’autres. Tous ces oiseaux ne tiennent pas en place et j’ai un mal fou à agrandir ma collection ornithologique photographique. Avec la première tour arrive l’heure du pique-nique mais avant de déjeuner, je préfère aller voir cet étonnant visage sculpté dans la falaise. J’ai beau l’avoir déjà vu et photographié « x » fois, je reste toujours subjugué par ce profil parfait que Dame Nature a su créer. Après cet émerveillement sans cesse renouvelé, je pars enfin déjeuner au pied de la deuxième tour. Adossé contre la muraille, je ne me lasse pas de scruter et de photographier tous ces merveilleux panoramas qui défilent devant moi. Il y a aussi quelques minuscules lieux que j’aperçois tels de petits îlots perdus dans un océan de forêts, d’herbages et de montagnes. Je constate que depuis mon Tour pédestre du Vallespir et si j’ajoute quelques balades isolées, je connais la plupart de ces endroits et de ces panoramas. Décrire la beauté de ces paysages est bien trop complexe et en élaborer une liste bien trop fastidieux alors je vous laisserais le soin de regarder les photos de mon diaporama où vous pourrez peut être reconnaître quelques objectifs de balades déjà décrites dans ce blog. Après le déjeuner, il ne me reste plus qu’à découvrir le troisième tour qui est en réalité un ancien château dont il ne reste que des fortifications et quelques murs ruinés. Je ne vais pas ici vous raconter l’histoire de ce château et des deux autres tours et cela d’autant qu’à proximité de la Tour Nord, la première rencontrée, des textes très bien rédigés résument parfaitement, plans à l’appui, en français et en catalan, la longue et très intéressante histoire de Serra Longua et de Cabrens. A proximité du château, une jolie table d’orientation avec une magnifique rose des vents donne aux visiteurs les principaux noms de lieux alentours que l’on peut observer depuis ce point culminant. Après cette dernière découverte, il est temps de retourner à Lamanère. Deux options restent possibles. La plus simple est de rebrousser chemin et de refaire le parcours en sens inverse et la plus compliqué est de redescendre la face sud de l’arête par un étroit sentier qui démarre au pied des fortifications et de l’entrée sud du château. Désormais, le GRP Tour du Vallespir passe ici et même si l’itinéraire reste plus difficile, comme en 2009, c’est de nouveau l’option que je vais choisir pour rejoindre le Pla de Castell. Le sentier descend assez abruptement dès le départ et il faut être très vigilant pour éviter une mauvaise chute, d’autant que les tapis de feuilles mortes peuvent s’avérer glissants et cacher parfois des cailloux plus traîtres encore. Deuxième conseil, ne pas perdre de vue le balisage jaune et rouge pas toujours évident à apercevoir et n’avancer que lorsque les prochains traits de peinture sont aperçus. En 2009, déjà handicapé par le poids de mon sac à dos, j’avais failli me perdre pour ne pas avoir respecté cette consigne presque essentielle quand on marche tout seul. C’’est un peu par hasard et beaucoup par chance que j’étais resté sur ce sentier que de temps à autre je quittais presque sans m’en rendre compte. Aujourd’hui l’expérience m’a servi et en plus je dispose d’un tracé enregistré dans mon GPS, chose que je n’avais pas en 2009 et pour cause, pensant pouvoir passer par l’ancien itinéraire des Estanouses. Malgré tout ça, je descends avec une grande prudence tout en essayant de ne rien louper des panoramas comme par exemple ces vues superbes sur le Mont Nègre et beaucoup plus loin sur la Serre de Montner, chevauchée il y a peu. Plus bas, le sentier devient relativement meilleur. Un panonceau confirme qu’on est bien sur le GRP Tour du Vallespir en direction de Coustouges et de Falgos. Immédiatement après, on atteint quelques ruines envahies par les lierres et une végétation foisonnante. Quelques minutes plus tard, la zone déboisée du Pla de Castell s’entrouvre. Dans la quiétude et dans la douceur de cette chaude journée d’hiver, j’y finis mon casse-croûte, allongé au soleil et sous un concert de chants d’oiseaux qu’une fois encore je m’évertue à photographier sans trop de succès. Puis, je repars en me fiant à une planche sur laquelle il est écrit «Lamanère » agrémentée d’un balisage jaune et d’un autre orange. Je vais suivre les marques jaunes sur cette large piste qui descend en pente douce sous l’ombre jumelée et bienfaisante de grands pins sylvestres et des crêtes de Cabrens. Peu après le premier virage, le balisage m’indique de quitter la piste pour un sentier encombré de branchages qui descend dans la forêt. Droit devant et de temps à autre, le superbe domaine des Estanouses apparaît à travers les arbres. Une autre piste se présente que j’emprunte vers la droite. Je ne vais plus la quitter car elle me ramène sans problème sur la piste prise à l’aller où je retrouve le gros cairn indiquant le petit sentier qui descend à Lamanère. La suite est un jeu d’enfants car il suffit de reprendre le parcours qui débouche à la Font de Dalt et de descendre la petite venelle cimentée qui file vers le centre du village. Dans cette descente, je rencontre un couple d’habitants occupés dans leur potager. On se met à bavarder et avec étonnement, je réalise que ce sont les seuls êtres humains rencontrés depuis que j’ai quitté mon domicile ce matin très tôt. Je vous l’ai dit, une randonnée aux Tours de Cabrens est plutôt confidentielle surtout à cette saison. A cette idée, certains pourraient angoissés mais pour moi c’est plutôt un bonheur d’avoir pu une fois encore m’évader dans cette nature dont je ne me lasse jamais. Cette boucle, telle que décrite ici, n’est pas spécialement longue, 12 a 13 kilomètres environ, toutefois depuis le départ de Lamanère (777 mètres) jusqu’à la dernière tour c'est-à-dire le château (1.336 m), la déclivité est quasi constante et plutôt sévère à l’approche des Tours. Avec ce dénivelé de 559 mètres et la descente scabreuse vers le Pla de Castell, les Tours de Cabrens restent une randonnée moyennement difficile où de bonnes chaussures de marche sont fortement recommandées. Carte IGN 2349 ET Massif du Canigou Top 25. 

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