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Quand notre fils nous accueille à Fréjus et qu’il ne travaille pas, il est bien rare que l’on passe son temps assis autour d’une table. Il ne tient pas en place et même si le VTT a sans doute sa préférence, il ne rechigne jamais à nous proposer une sortie en voiture, une découverte ou carrément une petite randonnée pédestre. Il sait de qui tenir ! C’est ainsi qu’en ce 29 septembre 2022, nous proposant une balade au "Sémaphore du Cap Dramont", il aurait été inconvenant de lui dire « non » ! Au regard de ce qu’il nous en dit, le lieu mérite d’être découvert au cours d’une courte randonnée. La météo étant clémente et même si la veille, « le Chemin des Douaniers à Saint-Aygulf » est encore un peu dans mes jambes, je suis bien évidemment partant. Dany l’est aussi et c’est une raison supplémentaire pour ne pas refuser. Il est 13h10 quand Jérôme range la voiture sur le parking du port de plaisance du Poussaï, véritable petit écrin côtier sur la commune de Saint-Raphaël. Si le port du Poussaï est assez méconnu, le petit îlot surmonté d’une tour crénelée qui le côtoie à quelques encablures est lui archiconnu. En effet, qui n’a pas vu une fois dans sa vie ; à la TV, dans un magazine ou sur une carte postale ; cette minuscule « Île d’Or » que domine une incroyable tour sarrasine, l’ensemble ayant cette même couleur rougeâtre propre au Massif de l’Esterel et à la rhyolithe qui le compose. D’ailleurs, à quelques mètres du parking, un stèle formée d’un gros bloc de rhyolite rend hommage à Auguste Lutaud, acquéreur de l’île, créateur de la tour et qui s’était d’ailleurs proclamé roi de l’Île d’Or au temps où sur ce petit "atoll" il recevait la « jet set ». Les premiers décors de cette balade étant plantés, il suffit de partir à gauche du port et d’emprunter un étroit sentier longeant le bord de mer. Dès la première petite crique atteinte, quelques escaliers rejoignent un sentier qui circule en s’élevant dans la forêt jusqu’à atteindre une large piste rougeâtre. Cette piste, c’est le fameux P.R permettant de rejoindre le Sémaphore du Cap Dramont. Si le sémaphore n’apparaît pas de suite, les falaises rougeâtres qui le supportent sont déjà là. Au milieu de tout ce rouge, il est assez aisé de repérer quelques fans de la varappe agrippés à leurs cordes d’escalade mais aussi quelques taches vertes d’une végétation clairsemée dominés par les figuiers de Barbarie. Pendant que Dany et Jérôme papotent devant moi, je flâne derrière eux en quête d’une Nature présente mais malheureusement trop épisodique à mon goût. Quelques fleurs, un chardonneret, de rares papillons, des goélands qui planent ou passent sans s’arrêter et le sémaphore est déjà là pour nous réunir. Le lieu étant fermé par un portail et de surcroît en cours de réhabilitation, on ne le distingue que très mal et de trop loin pour s’en faire une belle idée. On se contente alors de quelques panoramas lointains ou très proches vers Dramont et ses alentours. Parmi les lieux lointains, les visions du Mont Vinaigre et du Cap Roux me remémorent d'autres sympathiques balades faites il y a quelques années. Comme très souvent sur toute la Côte d’Azur, ici se mêlent les bleus du ciel et de la mer, le blanc et le rouge de l’urbanisation, le rouge de l’Estérel et des Maures et par bonheur le vert d’une végétation encore bien présente. A elles seules, les couleurs justifient cette balade. Alors que je continue à photographier fleurs et papillons, je suis définitivement largué et cela ne fait que s’accentuer dès lors que je pars visiter ce qui ressemble à un vieux dépôt à munitions voire à un ancien abri souterrain. Il est vrai qu’ici l’Histoire nous rappelle qu’en 42-44 les Allemands étaient bien présents mais ont été repoussés lors du débarquement dit de Provence du 14 et 15 août 1944, la plage du Dramont n’étant pas en reste dans les drames survenus sur toute cette côte. La carte IGN mentionne encore la présence d’une ancienne batterie à proximité. Après cette découverte, je continue de musarder mais retrouve Jérôme et Dany juste avant l’arrivée. Ainsi se termine cette courte et jolie randonnée accessible au plus grand nombre. Le parcours réalisé a été long de 3,7km. Carte IGN 3544ET Fréjus – Saint-Raphaël – Corniche de l’Esterel Top 25.
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Le lendemain de cette journée à l’Anse de Paulilles et donc de ce très joli petit circuit effectuée le 2 février dernier, voilà ce que j’écrivais sur ma page Facebook avec quelques belles photos à l’appui :
« Hier, et après la tempête Gloria, c'était une journée estivale à la gloire du soleil et de la chaleur. A l'Anse de Paulilles où nous étions partis pique-niquer puis balader, il y avait un monde fou. Un monde fou qui profitait bien de la plage, des petites criques tranquilles aux eaux limpides, des bains de soleils et parfois même, et pour les plus courageux, des bains tout courts. Parti la fleur au fusil, sans maillot ni serviette, j'ai longuement regretté de ne pas faire partie de ces derniers. Peut-être ce monde fou et un peu fou profitait-il comme nous du dérèglement climatique ? Avec plus de 30° au thermomètre, on est en droit de penser que pour un 2 février ce n'est pas très normal ! Dans les petits raidillons, les randonneurs suaient sang et eau, les oiseaux marins ou non marins semblaient apathiques, en pleine garrigue des massifs de fleurs et de flamboyants ajoncs et mimosas me faisaient regretter d'avoir cru un jour que j'avais pu avoir la main verte. Sur le chemin du retour, un demi-pression port-vendrais arriva à point nommé pour mettre fin à cette pépie qui avait eue raison de nos gourdes remplies seulement d’un litre d'eau fraîche. Oui, quelle belle journée nous avons passée !!!! »
Depuis, des événements tragiques et mondiaux se sont précipités à cause de ce fameux fléau viral auquel les scientifiques ont donné le nom de « Covid-19 », acronyme anglais de COronaVirus Infectious Disease 2019,(Source Wikipédia). En français, “Maladie infectieuse au Coronavirus 19”. Sorti de la ville chinoise de Wuhan, à ce jour encore, on ignore comment ce virus a pu si soudainement apparaître et se propager jetant toute la planète dans le pire des cauchemars. Afin de nous protéger, une période de confinement a été mise en place par nos gouvernants, période de confinement encore en cours à l’instant où j’écris ces quelques lignes. Alors bien sûr, à l’instant où j’ai réfléchi à cet article et quand je regarde derrière moi, je me dis que nous avions bien fait de profiter de cette magnifique journée d’hiver. Oui, en disant que nous vivions dans un monde de fous, je ne croyais pas si bien dire. Si sur le plan climatique, le monde est effectivement devenu de plus en plus fou, qui aurait pu imaginer qu’une pandémie virale telle que celle que nous vivons vienne s’y ajouter ? Non personne, n’aurait imaginé un « cataclysme » d’une telle ampleur, si rapide dans sa contagiosité et si désastreux dans ces effets sur l’humanité toute entière, tant sur le plan sanitaire qu’économique ou sociétal. Oui, profiter de l’instant présent, des bons moments, des superbes journées ensoleillées, voilà que nous en rêvons aujourd’hui car force est d’avouer que ce virus ne nous laisse que peu de répit. Pas de répit dans nos têtes, ni dans nos cœurs et encore moins en terme d’horizon quel qu’il soit ! Du matin au soir, nos pensées sont devenues « virales » et si un espoir demeure, c’est avant tout de voir le disparaître à jamais afin de retrouver notre vie antérieure ! C’est d’abord cet espoir que m’incite à écrire cet article, car cette petite boucle pédestre est si merveilleuse que je n’ose même pas imaginer que plus personne ne l’accomplira jamais. Alors, je la propose pour ça.
A Paulilles, site classé depuis l'aménagement de l'ancienne usine d'explosifs Nobel, le départ s’effectue de l’extrémité de la plage de Bernardi. Là, un panonceau précise qu’il s’agit du « Sentier du littoral » filant vers la plage de Balanti en 15 mn, vers le phare de Béar en 50 mn et vers Port-Vendres en 1h45. De ces 3 destinations, aucune ne servira vraiment de jalons à notre propre circuit, même si la première et la deuxième seront des centres d’intérêts amplement visuels. Le sentier, s’il est bien balisé et donc assez simple car il est longuement parallèle à la côte rocheuse, il n’en demeure pas moins que certains secteurs nécessitent du souffle, de l’attention et parfois même une grande prudence. Si la beauté des lieux oblige à de nombreux arrêts, la stèle d’un jeune pompier mort en service commandé et les hommages qui lui sont rendus nous rappellent que la Nature que l’on aime est fragile et que les hommes qui se battent pour la préserver, parfois au péril de leur propre vie, méritent le plus profond respect. Dès lors que le cap, le phare et le sémaphore de Béar sont en vue, il faut descendre puis remonter comme si nous allions nous y rendre. Là, et dès lors qu’un pinacle est atteint, espèce de plateforme terreuse et rocheuse, il faut retourner d’où on vient en empruntant une étroite sente qui part à gauche, laquelle cette fois reste très éloignée de la côte. Garrigue méditerranéenne, chênes verts et lièges, petites pinèdes, vignobles en pente, terrasses en pierres sèches, ce sentier finit par parvenir jusqu’à une piste beaucoup plus large. Entre vignes et mimosas, petits cabanons planqués dans des pinèdes, la piste assez longiligne se poursuit jusqu’à un casot tout en ciment. Une plaque en hommage à un certain Jean-Claude Le Parco y est apposée et on peut bien évidemment supposer qu’il fut l’heureux utilisateur de ce coin à la fois si sauvage et si magnifiquement merveilleux dans ses décors. Là, entre une vigne et un très mauvais muret composé d’amas de pierres sèches, on emprunte une piste qui descend droit vers l’anse de Paulilles, Tout au bout, le chemin tourne à droite et longe une haie de cyprès. Ces cyprès sont amplement occupés par quelques passereaux et notamment par des étourneaux qui de très loin sont les moins craintifs. S'ils quittent les cyprès à notre approche, c'est pour mieux nous observer depuis des câbles électriques. Les autres s'envolent et partent dans les vignes ou la garrigue. Je passe de longues minutes à tenter de photographier tous ces oiseaux. Entre échecs et réussites, ces tentatives se soldent avec 4 ou 5 photos plus ou moins réussies. La suite et la fin vers la plage de Bernardi devient d’une grande évidence. Ainsi se termine cette courte mais ô combien magnifique balade. Moi, qui suis venu tant et tant de fois à Paulilles, quelles que soient les saisons, pour y pratiquer la chasse sous-marine ou bien pour venir y pêcher à la canne à soutenir ou au lancer, jamais je n’avais pris autant de plaisir à y venir pour marcher. Pourtant dieu sait, si je marchais aussi, avec mon attirail de pêche à la ligne ou sous-marine, cette dernière toujours rehaussé d’une ceinture de plomb de 9 kg, indispensable à ma flottaison aquatique car habillé de néoprène. Je suppose que l’âge aidant, et par la force des choses, les passions changent avec le temps. Il fut une époque où je prenais plaisir à extraire de leur milieu aquatique si merveilleux, de jolis (et bons) petits poissons, et des moins petits aussi. Mais aujourd’hui cette passion a quasiment disparu au profit de la seule marche à pied. De surcroît, je rechigne désormais à faire mal à la moindre « petite bête », alors à un poisson, je ne sais pas si je pourrais de nouveau ? Cette petite balade a été longue de 3,7 km pour des montées cumulées de 212 m. Le dénivelé très modeste est de 85 m, cette altitude sur la carte IGN étant matérialisée à l’endroit même où se situe le casot cité ci-dessus. En été, et malgré la distance plutôt modeste, il est impératif d’emporter de quoi bien s’hydrater. N'oubliez jamais que ce n’est pas la distance à parcourir qui fait la beauté d’une randonnée mais les beautés que l’on y perçoit et les plaisirs que l’on en retire. Carte IGN 2549 OT Banuyls-sur-Mer - Côte Vermeille – Col du Perthus Top 25.
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En 2009, j’avais proposé dans mon blog, une courte promenade consistant à cheminer la « Falaise de Leucate » selon une boucle de ma composition. Depuis, la commune de Leucate a fait des efforts en traçant et en balisant plusieurs sentiers de randonnées. C’est ainsi que l’on trouve un « Sentier du Vigneron », un « Sentier du Berger », un « Sentier du Pêcheur » et enfin un « Sentier du Guetteur » que je vous propose ici, avec il est vrai, de nombreuses libertés que j'ai prises par rapport au tracé originel. Bien que ce dernier sentier soit celui qui ressemble le plus à ma « promenade », puisqu’il chemine le bord de la falaise, je l’ai néanmoins choisi en priorité. Pourquoi me direz-vous ? D’abord parce que j’ai trouvé une version en boucle plus longue qui m’a bien plu et qui démarre depuis l’Office de tourisme se trouvant au village. Mais ce n’est pas là le seul motif. En effet, le mot « guetteur » a soulevé en moi de vraies interrogations et je me suis demandé pourquoi on avait attribué ce nom-là à cet itinéraire ? Alors, j’ai compulsais tous les sites Internet évoquant cette balade, j’ai cherché et trouvé le dépliant parlant de ce sentier, et là ô surprise, pas le début d’une moindre explication ! Enfin si peu ! De ce fait, ça n’a fait qu’amplifier ma curiosité légendaire et je me suis dit « il faut que tu saches avant d’y aller » ! En effet, on sait tous ce qu’est un vigneron, un berger ou un pêcheur, on connaît ces métiers-là et leurs activités, même sans jamais les avoir pratiquées, mais force est de reconnaître que la fonction de « guetteur » soulève un tas de questions. D’abord parce que le mot « guetteur » a inévitablement plusieurs synonymes que sont les mots « soldat », « gardien », « garde », « vigile », « sentinelle », « factionnaire », « veilleur », « surveillant », « planton », « douanier » « observateur » et j’en oublie sans doute beaucoup d'autres. Alors, ici à Leucate et sur la falaise qu’y est-il ce guetteur ? Que guette-il ? Où se trouve-il ? « Quels sont les besoins, les dangers ou les menaces qui nécessitent une telle présence ? » Et si je mets volontairement toutes ces questions au présent, le passé pourrait tout aussi bien être employé. Enfin, voilà les quelques questions auxquelles j’avais envie de répondre avant de partir marcher et d’y aller voir. Le 21 septembre, j'ai lu le bouquin de Jacques Hiron« Il était une fois Leucate » (*) et je l’ai complété par la lecture de nombreux sites Internet et finalement je crois comprendre pourquoi le sentier s’appelle ainsi. La météo s'annonce exceptionnelle et je me dis qu'il ne faut pas louper cette occasion. Je pars et arrive à Leucate où je gare ma voiture à l’entrée du village, mais côté sud, côté direction Leucate Plage et Port-Leucate, car je sais que ma boucle se terminera par là. Mais ce n’est pas la seule raison. J’ai envie de découvrir le village que je ne connais pas et je me dis pourquoi ne pas le faire avant d’entamer ce Sentier du Guetteur dont le vrai départ est à l’entrée nord, devant l’Office du Tourisme comme déjà indiqué. J’emprunte la rue principale, la plus directe remontant vers le nord du village, mais parfois je me laisse entraîner dans de charmantes petites ruelles. Finalement, j’arrive au centre, là même où se trouve la jolie mairie, la belle église la statue de Françoise de Cézelly (**), le monument aux morts, de jolies fontaines et divers commerces. Ces deux places mitoyennes me paraissent suffisamment sympathiques pour que j’y déambule, tourne tout autour puis finalement je m’installe à la terrasse d’un bistrot pour prendre un « café ». Je fais le choix d’un « expresso » bien que ce terme n’ait aucun rapport avec le rythme de marche que j’ai l’intention de m’imposer. Non franchement, je ne suis pas pressé. Je connais bien le secteur de la falaise, les chemins qui y mènent et leurs longueurs et je sais déjà que la journée sera amplement suffisante pour accomplir la boucle programmée. En effet, pendant très longtemps, ce plateau et cette falaise de Leucate ont été des lieux où mes passions se sont exercées et puis nous y venions très souvent avec les enfants car pour eux tout était prétexte à trouver aisément des terrains de jeux. Les murets servaient de cache et de labyrinthes, les cabanons vides de cabanes et puis nous avions le sentiment de les former à aimer la Nature. Ici, pour des yeux d’enfants tout est vite démesuré et pour leurs petits cœurs guillerets trouver des attractions était plutôt facile. Enfin, il y avait la mer. Voilà aujourd’hui ce que je connais du plateau de Leucate, c'est-à-dire des évocations personnelles lointaines mais en réalité peu de choses sur le plan patrimonial et naturaliste. Or c’est bien ça que j’ai envie de découvrir aujourd’hui. Je quitte le bistrot, direction le château dont un panonceau vient de m’indiquer la direction. Autant l’avouer, il y a quelques semaines et jusqu’à l’instant de lire son Histoire, j’ignorais encore qu’il y avait eu un château et une héroïne à Leucate mais aujourd’hui avec cet acquit, j’ai le sentiment d’être mon propre guide. Une fois de plus ma curiosité m’entraîne sur des chemins non programmés initialement. Quand j’arrive à proximité du château, ou tout du moins de ce qu’il en reste, c'est-à-dire un monceau de ruines, je constate que le « Sentier du Pêcheur » y passe juste à côté, alors ayant bien l’intention de l’accomplir un jour, je me dis « à quoi bon perdre du temps aujourd’hui à des découvertes que je ferais un jour prochain ! ». Ce n’est jamais de gaieté de cœur que je quitte des édifices à découvrir, mais là je n’hésite pas une seule seconde car j’imagine déjà que d’autres découvertes seront au programme. Elles n’attendent que moi et je m’en persuade. J’arrive devant l’Office de Tourisme. Enfin c’est juste un point d’information. Il est fermé. A côté se trouvent un vaste parking et la Maison du vignoble. Je fais une courte visite à cette maison puis je retourne lire le panonceau indicatif approprié : « Sentier du Guetteur – vers la Franqui 5,8 km – vers le phare 5,5 km ». J’ai bien l’intention de voir les deux. Je redescends la rue principale en essayant de suivre un balisage de couleur jaune. C’est la rue Francis Vals. Un socialiste lui aussi mais qui n’a rien à voir avec le Manuel aux deux « L ». A hauteur d’une première rue qui file à gauche, une pancarte mentionne de manière amusante « sentier de randonnées pour les nuls ». Aujourd’hui, j’accepte volontiers cette dénomination et m’engage dans cette direction. Il semble que ce soit la rue du Cercle devenant peu après le chemin du Moulin. Ces voies m’entraînent très vite hors du village. L’ancien moulin à vent est là. Il a perdu ses ailes. C’est le moulin du chemin Neuf où jadis les habitants apportaient leurs grains de céréales qu’ils avaient récoltés pour les faire moudre puis ils revenaient chercher leur farine pour faire leur pain. Il y avait trois moulins au village. Je pousse un petit portail pour le découvrir de plus près. Force est de reconnaître qu’on ne peut pas y entrer comme dans un moulin car les portes sont barricadées d’épaisses grilles. Deux pierres meulières trouées comme du gruyère jonchent le sol. Il y en a une rafistolée et l’autre carrément brisée en plusieurs morceaux. Quand on connaît un peu la géologie du plateau de Leucate, constitué d’une dalle lacustre calcaire, on n’a aucun mal à comprendre qu’elles proviennent du secteur, voire de la falaise où se superposent plusieurs couches plus ou moins dures, résultats de différents dépôts sédimentaires. D’ailleurs, il suffit de regarder les murets qui encadrent le parcours et l’on y voit les mêmes pierres trouées. Ici la pierre c’est le matériau de base depuis que l’homme sait les utiliser pour bâtir. Je continue et au lieu-dit Codecas, de nouveaux panonceaux m’envoient dans la bonne direction. Le sentier se rétrécit et descend dans ce qui ressemble à un petit vallon. Il n’y a pas d’eau mais un puits y trône en plein milieu. Au premier coup d’œil, il ressemble à un cachot avec lui aussi de solides grilles. Il y a une aire de pique-nique et un cabanon planqué sous des bougainvilliers magnifiquement fleuris. C’est le lieu-dit la Fontaine de Loin, ainsi appelée car elle était loin du village et pendant très longtemps ce fut le seul point d’eau douce des Leucatois. Je poursuis et atterrit rapidement sur l’asphalte d’une route. Je connais bien cette route ou plutôt ces routes au pluriel car comme déjà indiqué, je les empruntais pour venir pêcher ou bien quand nous venions en famille soit pour nous baigner soit pour nous promener au grand air. Selon les saisons, c’était parfois l’occasion de ramasser des asperges sauvages ou bien de cueillir des amandes. A force, nous avions fini par connaître les bons arbres, ceux là mêmes où les fruits ne sont pas amers. Aujourd’hui les amandes sont encore très nombreuses sur les arbres mais j’ai tout oublié de cet agréable passé. Je m’essaie à en manger deci delà mais elles ont toutes cette saveur amère et finalement j’abandonne cette idée. Après tout, je ne suis pas venu ici pour garder un goût amer de cette balade ! Les intersections et les chemins étant nombreux, j’allume mon G.P.S où j’ai pris soin d’enregistrer le tracé choisi. Il m’indique la bonne direction mais une fois encore, absorbé par ma passion de la photo ornithologique, je m’égare. Il faut dire qu’il y a des oiseaux à profusion et dont certains en rassemblements très importants : chardonnerets, serins, verdiers, pinsons, grives, alouettes, bruants, moineaux, pies-grièches, rouges-queues, rouges-gorges, fauvettes sans compter les hirondelles qui volètent en grande quantité. Le divertissement de ces dernières consiste à prendre les routes enchâssées de hauts murets pour des couloirs aériens. Elles y descendent en piquée, se frôlant souvent et donnant parfois l’impression qu’un télescopage paraît inévitable. Quand elles arrivent à quatre ou cinq vers moi, c’est assez impressionnant, car j’ai le sentiment qu’elles attendent le tout dernier instant pour m’éviter. Mais non, elles ont un don pour s’éviter entre elles, éviter les obstacles de toutes sortes et reprendre de la hauteur. A force de courir derrière des oiseaux, il est temps que je prenne moi aussi un peu de hauteur et revienne aux « fondamentaux », c'est-à-dire au Sentier du Guetteur. Je sors mon GPS de la poche et constate que je ne suis plus nulle part. Le « waypoint » me signale comme étant hors tracé enregistré. Je fais demi-tour car après tout, les chemins sont tous identiques et j’imagine que des oiseaux il y en a un peu partout. C’est le cas. Murets, cabanons, amandiers, haies, vignes, cyprès et quelques pinèdes composent ce beau paysage à la fois rude mais plein de douceur. Les fleurs sauvages sont plutôt rares et se résument à quelques pissenlits et aux sempiternelles brassicacées que l’on rencontre dans les vignobles et les haies. Finalement, j’atteins la falaise et bien que je connaisse l’endroit par cœur, je ne peux m’empêcher de rester en extase devant cette incroyable vue plongeante sur la plage de la Franqui. La plage des Coussoules. Je décide de me reposer un peu. A l’instant même où je me défais de mon sac à dos pour le poser sur un muret qu’elle n’est pas ma surprise de constater que je vais le déposer sur une couleuvre de Montpellier. Elle est là, juste à la hauteur de ma taille, immobile au soleil, verte, jaune et luisante. Elle m’observe sans bouger de ses grands yeux noirs fixes et presque hypnotiques. Stupéfait sur l’instant, je ne bouge plus moi non plus et dans une deuxième temps j’ai beau être réactif à vouloir la photographier, elle échappe en partie à mon objectif. Elle file. Alors, je grimpe sur le muret et me lance à sa poursuite. Par bonheur, après avoir traversé des buissons plutôt touffus, elle file sur l’herbe et des ramilles de pins et finit par s’immobiliser derrière une branche où elle a sans doute le sentiment d’être en sécurité. Je suis à quatre ou cinq mètres d’elle et en zoomant, je réussis à la photographier convenablement. « Plus grand serpent d’Europe pouvant atteindre 2 mètres et même les dépasser parfois ? » avais-je lu à son propos ? Mais celle-ci est plutôt petite et frêle. Elle n’atteint pas un mètre et est plutôt filiforme. Je ne la vois pas dévorer un lapin comme j’ai pu le lire. Après quelques photos, je la laisse à sa frayeur de m’avoir rencontré et je pars en contemplation en bordure de la falaise où je m’assieds face à ce panorama tricolore. Il est bleu, vert et blanc cassé. Les bleus bien différents du ciel, de la mer et de l’étang, le vert des pins qui descendent en cascade jusqu’à la mer et le blanc cassé de la plage formant une courbe quasi parfaite jusqu’à l’horizon. Il n’y a rien d’autres mais c’est très beau. Une barre de céréales, trois gorgées d’eau et je continue en direction de la Franqui en empruntant un large escalier. A cet endroit même, mes lectures m’ont appris qu’il y avait eu un fort, celui de la Basse-Franqui dont Henry de Monfreid dans son livre « le Cap des Trois Frères (***) indique qu’il aurait été construit sous Napoléon. Militairement, ce petit fortin n’eut que peu d’importance. Par contre, de ce coin si paisible aujourd’hui, il écrit que « ce lieu de la Basse-Franqui fut le théâtre de sanglants combats entre Français et Espagnols lorsque Schomberg gouvernait le Languedoc ». C’était en 1637 et ce fait militaire est resté dans l’Histoire sous le nom de « Bataille de Leucate », car bien évidemment le château du village était en première ligne et pour nos ennemis, c’était l’objectif premier dont il fallait s’emparer. Les Espagnols disposaient de la forteresse de Salses et de 12.000 fantassins et les Français du château de Leucate et d’une centaine d’hommes seulement. L’équilibre des forces semblait précaire pour les Français et pourtant ils tinrent le choc plusieurs jours, puis s’organisèrent peu à peu en recevant de multiples renforts. La commune fut complètement anéantie par les troupes espagnoles mais finalement les Français l’emportèrent. En 1659, c’est le Traité des Pyrénées et le château perdant toute utilité, il est démoli sur ordre du roi Louis XIV en 1665. On peut le regretter car or mis la crainte qu’il retombe un jour entre les mains de nos ennemis, on ne voit pas trop où se trouve l’intérêt d’une telle démolition pour ne pas dire un tel saccage. Pourtant le véritable fait d’armes du château date de 1589 et on le doit à Françoise de Cézelly (**). Il faut avoir lu son Histoire pour comprendre pourquoi elle continue à être une héroïne pour les Leucatois. C’est leur Jeanne d’Arc ! Il ne reste plus rien de ce petit fort de la Basse-Franqui qui fut transformé plus tard en une redoute occupée par des douaniers. Aujourd’hui cette anse qui a servi depuis toujours de lieu de mouillage et de débarquement est plutôt calme. Seuls deux fous de windsurf glissent comme des malades poussés qu’ils sont par une bonne brise venant du large. Je descends l’escalier, tout en essayant de voir si j’aperçois un quelconque vestige. Je ne vois rien. Ma principale intention est d’aller voir si il y a des oiseaux à l’étang. Ensuite, j’ai prévu de me baigner puis de pique-niquer avant de poursuivre sur la falaise. Je n’ai pas prévu la visite de la station balnéaire mais une fois encore ma curiosité m’entraîne dans des méandres improvisés. Petite chapelle Notre Dame de la Mer, Villa Amélie où naquit Henri de Monfreid, nombreuses villas en espaliers au pied de la falaise avec toujours des architectures surprenantes de toutes apparences, allant de la maison du pêcheur au chalet en passant par les maisons de maître, d’imposants hôtels ou de très belles résidences comme le Belvédère par exemple. Ici les styles architecturaux se mélangent et « la Belle Epoque » côtoie « l’Art Déco » et bien d'autres styles parfois rococos. Toutes ces belles maisons sont entourées de charmants jardins avec souvent de grands pins parasol, des palmiers et des plantations exotiques. Finalement, après cette longue errance, j’arrive sur le ponton longeant la superbe plage des Coussoules. Elle est aussi belle vu d’en bas qu’elle ne l’était depuis la falaise. Une fois encore, mes lectures Internet m’ont appris qu’elle avait été classée 4eme plus belle plage de France par le label Pavillon Bleu sur des critères bien évidemment de propreté et de commodités qui vont avec. Bien que la saison estivale soit terminée, ça semble mérité. Toutes ces découvertes de la Franqui étaient plutôt imprévues même si j’avais lu pas mal de choses avant de venir ici. Dans l’immédiat, direction l’étang et le grau faisant sa jonction avec la mer. Aujourd’hui, le grau est fermé et seul un étroit chenal parallèle à la mer tente en vain de faire le lien. Les oiseaux sont peu nombreux mais il y a néanmoins des goélands, des mouettes rieuses et une aigrette entrain de pêcher. Il faut quand même pas mal marcher pour les photographier, mais je suis venu pour ça. Parmi les goélands, dont la plupart sont des « leucophées » et ont comme toujours un bec jaune, large et un peu recourbé, il y a étrangement mais séparé des autres, un couple au bec orangé bien plus pointu. Je dis étrange car c’est bien la première fois que j’en photographie de la sorte. J’apprendrais plus tard qu’il s’agit de goélands railleurs dont l’espèce a tendance à disparaître car il n’y aurait plus que 2000 couples dans toute l’Europe. Des petits poissons, probablement des mulets, sont pris au piège des basses eaux et la surface de l’étang scintille constamment de ces bancs frétillants. Il y a également de nombreux crabes verdâtres, des cranquets comme on les appelle ici. Dès que j’approche, ils ouvrent leurs pinces. Quelque peu rassurés, ils cherchent à s’éloigner ou à s’enterrer dans le sable. L’aigrette garzette, avec son bec long et puissant, a peu d’effort à faire pour se régaler de toute cette « parillade ». Les goélands semblent préférer les bivalves, petites coques ou tellines aux coquilles très fragiles. Si je pouvais, je resterais des heures à observer et à photographier tous ces animaux où l’on constate que la survie est la destinée de tous les instants. Manger sans se faire manger, voilà le leitmotiv. La chaîne alimentaire s’étire sous mes yeux. Pour moi aussi, il est temps d’aller manger et comme j’ai prévu un petit bain avant le pique-nique, je file vers la digue brises-lames en longeant le bord de la plage. La baignade se résume à une courte trempette car l’eau est beaucoup plus fraîche que je ne l’avais supposée. Le pique-nique englouti, je poursuis le sentier au pied de la falaise car je sais qu’il existe une possibilité pour rejoindre sa corniche. Mon énergie vagabonde dont Sylvain Tesson fait l'éloge et mes errements continuels ne me font pas perdre de vue que je suis venu accomplir le Sentier du Guetteur. Je le rejoins juste avant le Fort de la Haute-Franqui qui est de loin le plus beau monument de ce parcours. Ancien fanal et ancien fortin, il a été restauré à l’identique sur les vestiges d’un ancien fort qui aurait construit sous Louis XIV en 1711. Il faut dire qu’il est le seul survivant des trois principaux forts qui étaient là pour surveiller cette côte leucatoise. Henry de Monfreid, dans son livre « le Cap des Trois Frères » (***) l’appelle le Fort Rouge et l’historien Jacques Hiron dans son remarquable livre « Il était une fois Leucate (*) » explique que cette appellation serait en rapport avec l’argile ferrugineuse rouge faisant tache sur le reste de la falaise blanche à cet endroit-là, juste en dessous du monument. Il nous dit aussi qu’il était parfois dénommé « Redoute », mot que l’on retrouve dans Wikipédia ou sur les cartes IGN de Géoportail. Certains l’ont appelé « Temple » à cause de l’originalité de son architecture de style « grec antique » ou bien encore « Fort Cerbellon » du nom d’un commandant espagnol pendant le siège de 1637. Encore que ce dernier fort, certains historiens le situent plutôt du côté des étangs. Bien que son origine soulève certaines interrogations, car grecs, romains, espagnols et napoléoniens ont été parfois supposés comme les éventuels architectes, voilà déjà de belles explications à la dénomination « guetteur » que je cherchais à comprendre. Ce n’est pas la seule comme on le verra plus loin mais de tout temps, la falaise de Leucate a été un lieu stratégique pour surveiller la mer. En tous cas, ce fortin a depuis très longtemps, et avec certitude depuis 1779, était là pour assurer une surveillance maritime. Je le photographie sous toutes les coutures tant il est beau puis je continue, pas toujours sur le chemin mais le plus souvent au plus près de la falaise. Je retrouve les sentiers que j’empruntais jadis pour aller pêcher au Cap des Frères (***) ou dans l’Anse du Paradis. Pêches du bord ou parties de chasse sous-marine ont très souvent empli mon temps libre et la Falaise de Leucate était un de mes coins préférés. Ici les sentiers ne sont jamais faciles mais je me souviens en avoir emprunter des carrément très risqués. Ici au cap et dans l’Anse du Paradis, il y en avait trois pour rejoindre la rive dont deux étaient vraiment très périlleux. Tel un cabri, je descendais à flanc de falaises sur d’étroits balcons abrupts avec tout mon attirail parfois très lourd, ceinture de plomb de 9 kilos et tout le reste quand la chasse en apnée était au programme. Aujourd’hui avec 25 ou 30 ans de recul, je prends soudain conscience de la témérité mais surtout de l’inconscience guidant mes pas pour assouvir mes passions et pêcher quelques poissons. Un faux-pas et s'en était terminé ! De nos jours, sur les parties les plus dangereuses, des ganivelles ont été installées et c’est très bien ainsi. Le Cap Leucate est là avec son sémaphore, bâtiment moderne de 1990 mais dont l’Histoire nous apprend qu’il a été construit comme les 55 autres méditerranéens au 19eme siècle à l’initiative de Napoléon et sur la base de l’invention de Claude Chappe, qui est le vrai précurseur des sémaphores modernes. Aujourd’hui, il est reste 19 sur tout le pourtour méditerranéen, Corse incluse où il y en a 7, tous gérés par la Marine Nationale en liaison avec le FOSIT (Formation Opérationnelle de Surveillance et d'Information Territoriale). Un site Internet dédié m’a appris que les surveillants sont tout bonnement appelés « guetteurs ». Guetteurs sémaphoriques pour être plus précis et les distinguer des guetteurs se trouvant à bord de bateaux. Dans une chambre dite de « veille » et munis de puissantes jumelles, ils scrutent la mer et son horizon en permanence. Ils peuvent voir jusqu’à 24 km de distance. Ils sont une dizaine à se relayer, 24 h sur 24 et 7 jours sur 7 avec un tas de missions dont voici la liste non exhaustive : surveillance des espaces maritimes mais également terrestre et aérien dans leur périmètre de veille, surveillance et contrôle de la navigation, prévention des pollutions, surveillance des pêches, détection des incendies, surveillance des sites archéologiques et des épaves, observations météorologiques, tout cela en liaison avec les spécialistes concernés comme le Cross, Snsm, Météo France, les pompiers et bien d’autres organismes publics ou privés et autres instances militaires. Le sémaphore se visite lors des Journées du Patrimoine. Voilà une fois de plus ce que j’ai lu avant cette balade et je tiens définitivement mon explication. Le Sentier des Guetteurs au pluriel aurait peut être été plus approprié mais enfin c’est tout de même très bien de rendre hommage à une profession dont la mission est de surveiller la France et de nous protéger. Il ne me reste plus qu’à boucler ma boucle. J’arrive au dessus de la Plagette où je garde là aussi de nombreux bons souvenirs. Plage aux eaux turquoises encore très tranquille il y a 20 ou 30 ans, nous y venions régulièrement avec les enfants. Il faut dire qu’à l’époque, cette plage était pour eux un magnifique terrain de jeu car outre les bains de mer, il y avait cette dune très pentue qui leur servait de toboggan naturel. Ils passaient autant de temps à dévaler la dune avec des roulés-boulés qu’à se baigner. Les géologues les appellent « dune suspendue », curiosité géologique plutôt rare surtout en Languedoc-Roussillon où elle est la seule. D’ailleurs, il en est de même pour la falaise, la seule de la région avec un accès direct sur la mer. De nos jours, la dune a pratiquement disparu et il se dit que parmi les facteurs de cette disparition que sont le ravinement de la falaise, l’érosion éolienne et le déclin de certaines plantes retenant le sable, le piétinement humain aurait sa part non négligeable. Mes enfants ont donc une petite part de culpabilité. Il est vrai que depuis leurs venues, cette Plagette a acquis une grande notoriété et dès les premiers beaux jours, elle est souvent bondée malgré la pénibilité qu’il y a à y descendre. Il est vrai qu’elle constitue aussi un petit « spot » pour les férus du parapente et pour tous ceux qui ont envie de voir « le bas d’en haut » en passant leur baptême dans cette discipline. Enfin d’encore plus haut que les 52 mètres que constitue la hauteur de la falaise. Moi, contrairement à Dutronc, je n’ai jamais rêvé d’être « une hôtesse de l’air », alors je descends vers cette Plagette où la mer n’a jamais réussi à effacer mes souvenirs. Et comme la géologie m’intéresse un peu, je vais surtout passer mon temps à photographier des fossiles dans ce travertin qui s’écroule peu à peu de la corniche et laisse apparaître une mine incroyable de ces reliques des temps anciens. Faluns ou lumachelles en grande quantité, ici je ne sais pas trop quel est le bon terme ? J’ai le sentiment qu’il y a les deux. Je reste un amateur intéressé par la géologie, mais peu éclairé scientifiquement. En effet, voilà un domaine où les noms scientifiques ou latins sont légions et les connaître tous est carrément mission impossible. Les retenir, pensez donc ! Ici, il y a des fossiles marins un peu partout. En tous cas, il y en a de nombreux qui ressemblent à ce que j’ai pu voir sous l’eau au temps où je plongeais : madrépores, bivalves, algues, coraux, bryozoaires, vers marins et éponges par exemple mais j’avoue que je ne connais pas les noms latins ou scientifiques de toute cette Nature engluée dans le calcaire. Pourtant, je sais qu'ils ont tous des noms qui les différencient. Après ces découvertes, qui en réalité n’en sont pas vraiment ; tant de fois je suis venu ici ; je remonte, passe devant le restaurant, le phare, pars visiter des blockhaus et l’ancien emplacement d’un radar allemand car après tout, tous ces monuments, vestiges et matériels avaient tous des missions identiques : guetter, surveiller et prévenir. Seul l’ancien Fort des Mattes datant de 1742, le fameux troisième fort de cette falaise ne livre aucun secret. Il a été rasé et je ne retrouve rien de son emplacement. Malgré tout, force est de reconnaître que ce Sentier du Guetteur mérite bien son nom. Sur cette falaise, l’action de « guetter » a été quasiment exclusive et si par hasard, il y en a eu d’autres, elles ont toutes étaient supplantées. La voiture est encore loin alors je finis le reste de mon casse-croûte avec vue sur Leucate Plage et les autres plages dont je devine la terminaison dans la déclinaison des Albères et la pointe du Cap de Creus. Pour quelques instants encore, je continue d’être un guetteur de beaux panoramas. Quelle superbe balade ! J’emprunte le chemin du Phare, longeant le hameau de Malagaïto, mais avant de rejoindre le village, je termine du côté des étangs, à la fois à cause des oiseaux qui y sont nombreux mais aussi pour me faire une petite idée de ce que sera le Sentier du Pêcheur que j’envisage d’accomplir un jour prochain. Parmi les oiseaux aperçus, il y a d’étranges étourneaux à tête blanche encore jamais vus, en tous cas d’une si éclatante blancheur. J’apprendrais qu’il s’agit d’adolescents, individus encore juvéniles dont le passage à l’âge adulte est imminent. Décidément, c’est un vrai bonheur que d’en apprendre tous les jours et parfois je me dis qu’on ne devrait jamais passer à l’âge adulte, ni vieillir tant il y a encore de merveilleuses choses à découvrir ! Adolescent j’ai été, adolescent je reste avec mon regard. Un « Certain Regard », c’est le joli nom d’une enseigne aperçue dans le centre de Leucate. Une dénomination que je fais mienne. Selon mon G.P.S et telle qu’expliquée ici, errements compris, j’ai parcouru une distance de 13,8 km, mais attention, si j’en crois les différents panonceaux, le seul « Sentier du Guetteur » est bien plus court et puis les versions sont assez nombreuses, alors à vous de voir comme je l’ai fait moi-même. En tous cas, quel que soit l’itinéraire, cette balade est formidablement belle et si en sus vous avez le bonheur d’une belle journée ensoleillée, je vous le promets, « vous serez comblé ! » Attention néanmoins à éviter un jour de forte tramontane, elle souffle parfois très très fort au sommet de la falaise ! Alors prudence si c’est le cas. Chaussures à tiges hautes recommandées et boissons suffisantes en cas de grosse canicule. Carte I.G.N 2547 OT Durban – Corbières – Leucate- Plages du Roussillon Top 25.
(*) « Il était une fois Leucate » est un livre de Jacques Hiron, romancier, journaliste, historien, auteur de bandes dessinées et scénariste comme il aime à se présenter lui-même sur son site Internet. Si vous voulez tout connaître de Leucate, son livre est vraiment incontournable. Enfin, moi qui voulais en connaître un maximum sur Leucate avant de me lancer dans cette balade, je n’ai pas pu le contourner et je n’ai eu qu’à me féliciter de ce choix tant ce bouquin est une véritable mine d’informations. La première version du livre est parue en 1998 à l’Edition du Cap Leucate mais il semble que d’autres éditions avec des mises à jour sont parues depuis. Celle que j’ai pu me procurer date de 2005. La plupart des mentions historiques ou patrimoniales citées dans mon article ont été extraites de ce livre.
(**) Françoise de Cézelly: Il est impossible d’évoquer l’Histoire de Leucate sans parler de Françoise de Cézelly, l’héroïne du village dont le destin fut pris en tenailles entre préserver la vie de son époux fait prisonnier par les Espagnols ou défendre coûte que coûte le fort de Leucate et sauver ainsi de très nombreux Leucatois. Elle n’hésita pas une seconde à faire le second choix. C’était en 1589 et nous sommes en pleine guerre des religions entre catholiques et protestants. Les Ligueurs catholiques n’ayant pas voulu reconnaître le protestant Henri IV comme roi de France sont alliés aux Espagnols. Leurs armées conjointes attaquent le château pour tenter de s’en emparer car ils le considèrent comme stratégique dans la défense de la frontière et dans leur désir de s’étendre vers le nord. Pour plus de détails sur cette Histoire et sur Françoise de Cézelly, il existe de nombreux sites Internet qui la relatent. Le site de la mairie de Leucate en donne un bon résumé. Une phrase extraite d’une lettre qu’elle écrivit aux consuls de Narbonne le 21 août 1589 résume bien son désarroi au regard de la guerre à laquelle elle est confrontée bien malgré elle : « C’est le temps désespéré que pour bien faire, il faut perdre la vie ». Après être tombée dans l’oubli, Leucate décide de lui rendre hommage. Au fil du temps, plusieurs statues seront été érigées et la première d’entre-elles est sujette à une histoire de clés de la ville. La voici. Le 16 août 1899, les autorités leucatoises inaugurent une statue en bronze de l’héroïne, œuvre du sculpteur Paul Ducuing. Statue identique à celle que l’on peut voir de nos jours sur la place du village. On y voit la jeune femme en situation de combattante brandir haut les clés de la cité, ces clés étant bien évidemment représentatives de sa vaillance à défendre coûte que coûte les Leucatois en 1589. Jusqu’à un jour maudit de 1942, cette statue de bronze est la fierté de tous les Leucatois. A cette époque Leucate dépend directement du régime de Vichy car la commune se situe en zone libre. Le bronze est un matériau très recherché car une fois fondu, il est utilisé à la fabrication d’armements en faveur des Allemands. De ce fait, la plupart des statues de bronze tombent de leur piédestal afin d’être fondues. Celle de Françoise de Cézelly n’échappe pas à la règle. C’est une entreprise de Perpignan qui se charge de sa dépose le 28 avril 1942. Suite à une mauvaise manoeuvre, la main gauche tenant les clefs de la ville se brise, se sépare du reste de la statue et tombe par terre. Un villageois ramasse la main et la remet au secrétaire de mairie de l’époque, Léo Teisseire. Grâce à ce réflexe providentiel, les clés évitent de partir à la fonderie. Une fois encore, Françoise de Cézelly n’a pas remis les clefs de la ville à l’ennemi. Tout un symbole qui ne fait que renforcer sa fabuleuse destinée. Depuis, cette main de Françoise de Cézelly tenant les clés de la ville est fièrement exposée à la mairie de la ville. Françoise de Cézelly repose à l’église Saint-Paul de Narbonne à côté de son époux Jean de Boursiez de Barri. On notera que le nom « Cézelly » figurant sur les statues de Leucate est parfois écrit de manières différentes sur des textes et sur Internet : « Cezelli » « Cézelli » voire « Cézely » ou encore « Céselly ». J’ai donc procédé à de rapides recherches sur plusieurs sites généalogiques et il apparaît assez clairement que « Cézelly » serait le plus souvent usité et notamment dans la région de Montpellier dont l’héroïne était originaire. A cause de transcriptions manuscrites sur les actes anciens, ce type d’erreurs était coutumier, ceci expliquant sans doute les diverses versions que l’on retrouve encore de nos jours.
(***) Le Cap des Trois Frères est le nom d’un cap situé sur la falaise entre la Franqui et Leucate Plage. De par sa situation, il permet à l’anse de la Basse-Franqui d’être quelque peu abritée du vent d’est et des violents coups de mer venant de cette direction. De ce fait, cette baie a été de tout temps, depuis les Phéniciens en passant par les Grecs et les Romains jusqu’au 20eme siècle, le seul endroit de tout le Languedoc-Roussillon où les bateaux pouvaient venir jeter l’ancre pour s’y mettre en sécurité. Par voie de conséquence, les naufrages y ont été nombreux et la falaise était par évidence un observatoire rêvé sur la circulation maritime. De nos jours, cette baie est idéale pour les fans de glisse sur l’eau et depuis de longues années, la commune de Leucate/la Franqui accueille le «Mondial du vent », manifestation qui est devenue un événement majeur dans les disciplines que sont le windsurf et le kitesurf. Les avis divergent sur son nom « des Trois Frères ». Certains disent qu’il viendrait des trois petits îlots qui composaient son extrémité. La mer les aurait quelque peu émiettés depuis. D’autres affirment que c’est le nom d’un bateau qui aurait fait naufrage à cet endroit-là, d’autres qu’il y aurait eu un naufrage dans lequel trois frères auraient réchappé par miracle à la mort. Enfin, il y a une version plus légendaire liée à une sorcière, raison pour laquelle ce cap est également appelé le Rocher de la Sorcière. Ce rocher n’est pas imaginaire comme on peut le voir sur mon diaporama, mais vu de la mer, cette sorcière est encore plus ressemblante et impressionnante. Cette légende est lisible en cliquant sur le lien suivant : l’Enjambée leucatoise. Le Cap des Trois Frères, c’est aussi le titre d’un livre de 1959 d’Henry de Monfreid dans lequel l’auteur raconte sa petite enfance à la Franqui. Pour moi, ce cap est synonyme de pêches. Pêches du bord, de jour ou de nuit, mais également parties de chasses sous-marines. Comme toujours quand on évoque des parties de pêches, on ne garde en mémoire que les plus belles, les plus fabuleuses, celles qui très souvent ont engendrées des photos ou des tableaux comme on dit dans le jargon du pêcheur. Pourtant, il y a eu aussi des bredouilles et là c’était vraiment rageant car venir jusqu’au cap pour rien n’était jamais une sinécure. D’ailleurs, remonter la falaise avec plusieurs kilos de loups, mulets, sars, oblades, rougets, limandes ou seiches ne l’était pas moins mais la satisfaction d’une belle pêche me faisait oublier les difficultés. Vous pouvez retrouver quelques unes de ces belles pêches sur un diaporama que j’ai créé et que j’ai intitulé « Souvenirs halieutiques ».