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memoire

Quand un rêve et un voeu deviennent réalité.

Publié le par gibirando

 Quand un rêve et un voeu deviennent réalité.

Qu’y a-t-il de plus beau que de réaliser un rêve pour fêter son propre anniversaire ?

Qu’y a-t-il de plus enviable que de voir un vœu se concrétiser ce jour-là ?

 

En ce samedi 8 juin 2019, c’est pourtant ce que j’ai vécu.

 

Pour moi, l’incrédule, difficile à admettre mais ce jour était sans doute béni par quelques dieux.  Il est vrai que le lieu choisi pour fêter mon 70eme anniversaire (*) s’y prêtait pleinement :  Notre-Dame de Coral (**) dans le Vallespir. En effet, voilà qu’un rêve effectué il y a 10 ans déjà, rêve ensuite formulé sous la forme d’un vœu, était entrain de devenir réalité. J’étais aux combles du bonheur même s’il faut admettre que je venais de faire en sorte qu’il en soit largement ainsi.

 

Voilà l’histoire de ce rêve et de ce 8 juin 2019 où il s’est enfin réalisé. Les deux resteront à jamais gravé dans ma mémoire :

 

L’histoire de ce rêve et de ce vœu :

Quand un rêve et un voeu deviennent réalité.

 

Il y a 10 ans, le 17 août 2009 pour être plus précis, je me lance dans le tour pédestre d’une région catalane qui s’appelle le Vallespir. En avril de l’année précédente, j’ai pris ma retraite et ce tour fait partie des projets et challenges qui me tiennent à cœur. Ma retraite a coïncidé avec le goût de l’écriture, l’amplification du plaisir de la découverte et de l’apprentissage de la Nature allié à celui de la photographie que j’ai toujours aimée. Pour être franc, j’ai tellement idéalisé ma retraite, que des projets tels que celui-ci j’en ai plein la tête. Mes enfants et Dany mon épouse me le reprochent d’ailleurs et me trouvent bien trop égoïste dans mes entreprises. Trop souvent devant mon ordinateur où je passe le plus clair de mon temps à développer deux sites Internet consacrés notamment aux randonnées pédestres, randonnées qui pour moi sont quasiment devenues un « principe de vie ». Le reproche que j’entends le plus souvent, sans doute à juste titre, est « tu passes tout ton temps devant l’ordinateur » !  Ce reproche est-il justifié après avoir bossé très dur et notamment sans jamais compter les heures pendant de très longues années ? Voilà le type de questions qui me tourmente.  Il y en a bien d’autres, parfois du même acabit, mais d’autres plus existentielles. La question de la « célérité » et de la « futilité » de la vie fait partie de ces dernières. Il est vrai que j’ai perdu quelques êtres chers, décédés très jeunes, qui eux n’ont pas eu la chance d’atteindre la retraite et donc d’en profiter. J’ai acquis la certitude que le temps défile bien plus vite depuis que je suis retraité. Je trouve les journées constamment trop courtes pour faire tout ce j’ai envie de faire et ce tour du Vallespir que je vais accomplir représente pour moi un ralentissement indispensable dans cette fuite en avant. Bien sûr, j’aurais amplement préféré que Dany mon épouse l’accomplisse avec moi, mais des douleurs articulaires dues à sa polyarthrite chronique lui laissent peu de répit, surtout ces derniers temps. Partir avec elle avec les difficultés que j’appréhende déjà pour avoir longuement analyser ce périple équivaudrait à prendre des risques déraisonnables. Voilà ce que je pense. Est-ce un vision égoïste ? En effet, ce tour est à réaliser en 6 jours et donc en 6 étapes dont j’ai décrété que le départ serait la jolie commune d’Amélie-les-Bains. Beaux chemins la plupart du temps mais très rudes le plus souvent, paysages sublimes et panoramas à couper le souffle, sur ce périple, les portions planes sont quasiment inexistantes. Quand aujourd’hui, je refais ce tour dans ma tête, et autant que je m’en souvienne, je n’en vois pratiquement pas sinon sur quelques mètres seulement. Harnaché d’un sac à dos de 19 à 20kg en moyenne ; 21 au départ ; la distance totale de 125 km et les 10.600 mètres de montées cumulées  (et autant en descentes) ont été « âpres » mais jamais amères dans mon coeur. J’ai pris énormément de plaisir à arpenter ces montagnes mais j’y ai connu aussi de grosses galères et des coups de blues inimaginables. Lors de la 3eme étape, une des moindres en dénivelé gravi, mais la plus difficile en terme de problèmes à résoudre, j’ai finalement trouvé un titre au futur récit de ce tour pédestre que j’imagine d’écrire une fois de retour : « Sur les hauteurs d’une vallée âpre ». En réalité, et à l’instant où je marche sur d’énormes pierriers comme on marche sur des œufs sans vouloir en casser aucun, c’est un autre intitulé qui a surgi de ma tête comme un diablotin de sa boîte : « Sur les hauteurs âpres d’une vallée », mais le nom « Vallespir » la fameuse « Vallis asperi » des Romains signifiant « vallée âpre », la première formule est vite devenue une évidence. C’est bien toute la vallée qui est âpre, ses hauts flancs inclus.

Quand un rêve et un voeu deviennent réalité.

 

Si la première étape « Amélie-Batère », se déroule sans trop de problèmes malgré un petit égarement au départ, une grosse canicule en cours de route et un peu de pluie à l’arrivée, la deuxième étape « Batère-St Guillem de Combret » me rappelle très vite qu’en janvier de la même année une tempête d’une incroyable violence a sévi sur tout le département, dans le Vallespir en particulier, mais plus globalement dans une immense partie de la France et de l’Europe. Quand un rêve et un voeu deviennent réalité.Elle avait pour nom « Klaus » et avait fait des dizaines de victimes. Des victimes humaines bien sûr mais des forêts dévastées un peu partout et ici en particulier. En arrivant à Saint-Guillem, j’éprouve les pires difficultés à rejoindre la chapelle puis le refuge à cause d’un incommensurable fatras d’arbres fracassés. Finalement tout se termine bien et je passe une nuit admirablement douce et réparatrice dans le refuge non gardé. Au départ de cette 3eme étape « St-Guillem-Prats-de-Mollo », je suis donc frais et dispo à affronter le point culminant de ce tour, le col de Serre-Vernet à 1.807 m d’altitude. Bien que je ne connaisse rien de l’itinéraire mais selon l’analyse que j’en ai faite, ce sommet et plus globalement l’étape n’ont rien d’effrayant de prime abord. Une fois encore, si je démarre par un petit égarement à cause d’un panonceau « vicieusement » mal placé car détourné par une personne peu intelligente mais méchamment perverse, l’arrivée au col et la suite sur le fameux pierrier s’effectue sans problème. Je redouble d’attention pour ne rien me casser. La mauvaise descente du puig dels Sarraïs et du pic de Granarols se déroule donc sans problème jusqu’au Puig des Lloses. Ici commencent l’itinéraire du GRP Tour du Vallespir filant vers le col du Miracle (***) et mes plus gros soucis. Arbres arrachés ou carrément brisés sur de très larges bandes par la tempête Klaus, je me fourvoie pendant des heures pour trouver un passage vers le col du Miracle mais toujours en vain. Le Miracle et sa belle légende ne veulent pas de moi ? Quand un rêve et un voeu deviennent réalité.A force d’enjamber des arbres, je finis par tomber de haut dans un bosquet de ronces et de grandes orties et j’en sors tout boursouflé et bien égratigné des pieds jusqu’au cou. J’ai même une belle plaie sanguinolente au genou droit. Seule ma tête a réchappé à cet enfer forestier. Pendant un instant, j’imagine même appeler les secours avec mon téléphone portable mais une vue de Prats-de-Mollo puis celle d’une piste se trouvant en contrebas finissent de me convaincre de me débrouiller tout seul. Quand un rêve et un voeu deviennent réalité.Quand finalement, je sors de cet effarant fouillis d’arbres desséchés et que je retrouve le panonceau « Puig des Lloses » prêt à adopter un autre itinéraire vers le Fort Lagarde, je m’aperçois que j’ai perdu mon appareil-photo. Impensable de continuer sans faire des photos ! Alors retour vers un passé antérieur pas si simple mais qu’au contraire je sais complètement imparfait. Par bonheur, le miracle qui s’est refusé à moi jusqu’à présent a pitié de moi et il me faut moins d’une heure pour retrouver mon appareil-photo. Une petite aiguille dans une immense meule de foin, voilà à quoi j’ai toujours comparé cette retrouvaille ! Je ne verrais jamais le col du Miracle et son bel oratoire mais pour moi le miracle a eu lieu et c’est bien là l’essentiel. Quand à 20h du soir, Prats-de-Mollo et l’hôtel Ausseil se présentent, j’ai erré plus de 5h dans cette forêt infernale. Je ne suis pas beau à voir mais je suis debout sur mes deux jambes et donc prêt à terminer ce Tour du Vallespir. La nuit portant conseil, je fais le choix du parcours le plus simple et le moins long pour rejoindre Notre-Dame de Coral, terme de la 4eme étape. La tour de Mir, que je connais déjà n’aura pas le plaisir de me mirer ce jour-là. Malgré les épreuves de la veille, mes plaies et mes rougeurs corporelles, j’arrive en début d’après-midi à l’ermitage si cher à la vierge Marie et à ses ouailles. J’y suis magnifiquement accueilli et une « bonne » sieste me permet de récupérer un peu de mes tribulations de la veille. Notre-Dame de Coral, que je connais un peu mais finalement très mal, m’enchante à tous points de vue. Sa chapelle si belle et si sobre, son histoire dont je prends connaissance bien trop rapidement dans un petit livre de l’abbé Joseph Gibrat que je feuillette, son cadre magnifique et bucolique, la douceur du lieu, les animaux de compagnie à la fois si charmants et si déplaisants parfois, le couple charmant qui me reçoit, m’héberge et me cuisine un super souper et un p’tit déj incroyablement revigorant. Ici, j’ai le sentiment d’être arrivé dans un endroit qui n’attendait que moi, l’éclopé que je suis devenu par la puissance des éléments naturels.

Quand un rêve et un voeu deviennent réalité.

Avec ce tour du Vallespir, je vis de moments intenses. L’âpreté et la solitude m’ont entraîné par la force des choses à réfléchir à énormément de choses. Je suis prêt. Certains diront que je suis mûr pour de fourmillantes réflexions. Ici tout m’incite à des pensées que je n’avais jamais connues auparavant. Un travail sur soi-même comme diraient certains. Pas vraiment un travail selon moi mais de nouveaux moments intenses qui sont la suite logique des premiers connus sur les chemins. Moments de réflexions sur ma vie, ce que j’en ai fait et en fais encore, les êtres qui me sont chers et qui comptent bougrement, ceux qui ne sont plus là mais auxquels je pense parfois si ardemment. Surtout quand je marche seul. Oui, c’est bien ici à Notre-Dame de Coral que je fais ce rêve de vouloir près de moi les êtres que j’aime le plus au monde. Le lendemain, en reprenant ce joli chemin qui descend en serpentant vers Lamanère, ce rêve s’est transformé en un vœu. Je me suis arrêté pour photographier un vieil oratoire Quand un rêve et un voeu deviennent réalité.et ce vœu m’est venu sous la forme d’une prière.  C’était celui d’y amener un jour les personnes qui sont toute ma vie : ma femme, mes enfants et mes petits-enfants. Un jour peut-être ils seront là tous avec moi ? Comme tous les vœux, on les lance en l’air sans trop y croire car on sait tous que la vie est compliquée et qu’elle a une forte tendance à séparer puis à éloigner les êtres qui s’aiment. Il en est ainsi et il est parfois très difficile d’aller à contre-courant. Voilà à quoi je pense en descendant vers Lamanère mais une fois encore les beautés, les difficultés du parcours et les imprévus finissent par prendre le dessus sur mes troublantes et interrogatives pensées. Les beautés, les imprévus et les difficultés se confondent parfois et  ici c’est le cas. Les difficultés et les imprévus sont l’obligation de grimper vers les hautes Tours de Cabrens non prévue sur mon itinéraire puis un autre imprévu mais très beau celui-ci, c’est cet incroyable visage de profil sculpté dans la falaise par Dame Nature. Quand aux autres beautés, elles sont devant mes yeux à chaque instant avec des panoramas à 360 degrés qui se dévoilent depuis les tours.Quand un rêve et un voeu deviennent réalité. La suite vers Saint-Laurent de Cerdans, terme de cette 5eme étape,  est quelque peu fastidieuse, mais à l’arrivée,  l’accueil si charmant de mes hôtes, Isabelle et Mario, me fait vite oublier la pénibilité de ce circuit qui se termine déjà demain. Je démarre cette dernière et sixième étape « St-Laurent de Cerdans – Amélie-les-Bains » avec des pensées indécises et même conflictuelles. Entre l’envie de poursuivre cette longue randonnée que j’ai tant aimée et le désir encore plus fort de retrouver Dany. Un peu déprimé ? Peut-être. Tout en marchant, mon esprit vagabonde tant qu’il finit par chavirer. Alors que j’arrive au lieu-dit La Bouadelle, je me vois contraint de grimper une sente très raide et très caillouteuse qui s’élève vers la Serra de la Garsa. Qu’a-t-elle de plus que les autres cette élévation ? Plus raide ? Plus caillouteuse ? Fait-il plus chaud que les autres jours ? Suis-je plus fatigué par l’accumulation des efforts ? Ai-je un peu trop chargé mon sac à dos en prévision d’une journée caniculaire ? Sans doute un peu tout ça ! Toujours est-il que cette marche devient funèbre et que je me mets à pleurer comme jamais auparavant, pensant à tous les êtres qui m’étaient chers et qui ont disparu. En réalité, ça commence avec mon frère parti si tôt à l’âge de 46 ans. J’aimerais tant qu’il soit à côté de moi à cet instant. Il m’aiderait sans doute. Puis c’est ma mère, encore vivante, mais dont l’état n’a fait que se dégrader à cause de la maladie d’Alzheimer et depuis qu’elle est entrée dans le service spécialisé d’une maison de retraite. Elle ne reconnaît plus personne de la famille mais surtout elle ne marche plus et a perdu 30 kg en moins de 6 mois. Quand un rêve et un voeu deviennent réalité.Tout en gravissant cette méchante sente, je pense à tout ça et je vis cette déchéance corporelle de ma mère comme la plus terrible des injustices. Quand ce n’est plus ma mère, c’est mon père parti trop tôt lui aussi à l’âge de 64 ans et sans avoir pu goûter aux joies de la retraite. Quelle injustice là aussi ! Puis c’est Adèle, ma grand-mère paternelle chez laquelle j’ai passé trois années scolaires singulièrement bénéfiques dans cette transition primordiale entre jeunesse et vie d’adulte. Je n’avais pas pleuré en apprenant son décès mais en me remémorant certains aspects de nos relations si souvent désopilantes, je pleure sur ce passé que j’avais fini par oublier, enfouis qu’ils étaient au fond de ma mémoire. Puis ce sont les reproches de mes enfants qui reviennent violemment dans ma tête dans ces instants déjà si pénibles. Quand finalement, toujours en pleurs, j’arrive au sommet de cette haute butte, je m’effondre les bras en croix, complètement vidé par ce que je viens de vivre. Moments inimaginables à l’instant où je les ai vécus mais si humainement bienfaisants quand j’y repense aujourd’hui.  Je reste là allongé pendant de très longues minutes avant de me relever et de retrouver un peu mes esprits et une respiration presque normale. Les panoramas sont sublimes mais mon appareil photo qui a sans doute beaucoup trop « bourlingué » ne réagit plus comme il faudrait. Il a vécu un épisode bien trop humide et les photos sont pâles, ternes et sans aucun relief blanchies qu’elles sont par de la buéQuand un rêve et un voeu deviennent réalité.e qui ne disparaît jamais. Là aussi mon moral en a pris un coup quand hier je me suis aperçu de ces dysfonctionnements. Une fois passé ce violent épisode dépressif, la suite et la fin sont nettement meilleures même si le manque d’eau se fait sentir dès la montée de la Serre de Montner et ce jusqu’à l’arrivée.

 

 

 

Une grande bière bien fraîche prise dans un bar d’Amélie a pour effet de remettre tout en place et quand j’arrive à la maison, j’ai le sentiment d’être le même homme que celui qui était parti. Enfin, j’essaie de donner cette impression mais en réalité, ce Tour du Vallespir est là, gravé dans ma tête pour très longtemps encore. Peut-être toujours. Il m’a changé. Il m’a conforté dans l’idée qu’à la retraite le temps presse et qu’il faut en profiter sans pour autant négliger ceux que l’on aime. Vaste et difficile programme. Contrairement à ce que chantait Charles Trenet, mes jeunes années ne couriront plus dans la montagne……même si les randonnées resteront parmi mes passe-temps préférés.

 

Parmi tous ces instant, parfois magiques et bénéfiques, parfois « âpres » et très difficiles, il reste ce rêve réalisé à Notre-Dame de Coral : celui d’y amener un jour toute ma famille…..

 

L’histoire de sa réalisation :

 

J’ai longuement préparé la réalisation de mon rêve. En mars 2017, Dany et moi sommes venus à Notre-Dame de Coral lors d’une randonnée pédestre à partir du col d’Arès. Quand un rêve et un voeu deviennent réalité.Nous y avons rencontré Franck, le nouvel aubergiste que je ne connaissais pas. J’ai posé quelques jalons sur ce qu’il était capable de faire en terme d’accueil, de couchages et de repas. Mais ce jour-là, comme nous étions partis sans trop savoir si le gîte serait ouvert, nous avons déjeuné du pique-nique que nous avions emporté. J’ai tout de même noté que Franck était très accueillant même si sa compagne qui est aux fourneaux est restée invisible. Alors, j’ai commencé à repenser à ce rêve que j’avais fait en 2009 lors de mon périple sur le Tour du Vallespir. Quand un rêve et un voeu deviennent réalité.Pourquoi ne pas imaginer quelque chose pour mes 70 ans ? Cette question trouva un gros début de réponse quand en janvier 2019, nous somme revenus pour déjeuner et trouver les dernières solutions aux interrogations qui subsistaient. Le repas a été super et a fini de nous convaincre Dany et moi. Franck nous a donné toutes les assurances que nous attendions. Comment héberger plus d’une dizaine de personnes ? Quel repas d’anniversaire Franck et Isabelle étaient à même de nous proposer ? Que faire autour de cet anniversaire pour que la découverte de Notre-Dame de Coral ne se résume pas à un voyage en voiture et à un ennuyeux pèlerinage pour incroyants non-pratiquants dans un coin perdu de la montagne vallespirienne ? Toujours avec l’aide de Franck, 80% de nos desideratas se mirent en place le jour même. Puis nous avons affiné nos besoins par téléphone et mails et Isabelle et Franck ont toujours très gentiment répondu à nos attentes et toujours pour des tarifs plus que convenables. Nous serions 11 personnes, enfants, petits-enfants, conjoints et ami(es) très proches. Nous occuperions les deux chambres et un des dortoirs. Une zarzuela serait concoctée par nos hôtes et serait complétée d’un copieux apéritif et d’une entrée « salade catalane ». Le dessert c'est-à-dire le gâteau d’anniversaire serait un énorme et délicieux framboisier maison. En réalité, tout allait être « maison », Franck me l’avait promis et même juré.  Pour l’ensemble des boissons, Franck m’avait mis à l’aise et sans droit de bouchon, il avait accepté que je porte tout moi-même. Les prix en demi-pension étaient arrêtés ainsi que les suppléments pour l’apéro et le gâteau et ils me convenaient complètement car j’avais déjà confiance dans la qualité qui nous serait offerte. Mon rêve allait se réaliser et avec Dany nous languissions ce samedi 8 juin et dimanche 9 juin. C’était bien 2 jours que nous allions passer en famille et j’avais tout imaginé pour que  l’ennui ne soit pas de mise. Petite randonnée de 7 km autour de l’ermitage pour tous ceux qui en auraient envie, repas d'anniversaire en soirée, puis le dimanche serait consacré au domaine « Monto z’arbres » de Prats-de-Mollo. Sauf qu’une semaine avant le jour fatidique, en téléphonant, j’ai appris que cet accrobranche avait définitivement fermé ses portes. Par bonheur, la cité espagnole de Mollo disposait d’un autre accrobranche et d’un parc animalier où il n’était pas indispensable de réserver. Tout était donc en place pour que ça se passe au mieux et je crois que finalement tout s’est formidablement bien passé.

Quand un rêve et un voeu deviennent réalité.

Mon rêve et mon vœu se sont magnifiquement réalisés et je ne remercierais jamais assez Dany,  mes enfants Jérôme et Carole, leurs conjoints Isabelle et Jean-Christophe, mes petits-enfants Robin, Eulalie et Valentine et son ami Stéphane ainsi qu’Emma, la fille d’Isabelle. Ils ont tous joué le jeu de la randonnée programmée et ils ont tous grandement participé à la réussite de ces 2 jours en ne rechignant jamais à participer à tout ce que j'avais imaginé. Quand un rêve et un voeu deviennent réalité.En sus, j’ai eu de très beaux cadeaux et une immense carte souvenir où chacun y est allé de beaucoup d'amour et de gentillesse. Un truc à vous faire chialer ! Je remercie très sincèrement Franck pour son accueil si simple et si spontané mais toujours tellement chaleureux. Comment ne pas remercier sa compagne Isabelle pour le superbe repas qu’elle nous a concocté. Ne l’ayant jamais vu, sans doute très discrète et trop occupée derrière ses fourneaux, on regrettera simplement de ne pas avoir pu la féliciter de vive voix. Mais respecter la vie privée de quelqu’un qui veut rester discret et ne veut peut être pas avoir la lumière sur soi, n’est-ce pas un principe de vie le plus respectable qui soit ?

Après tout n’avais-je pas caché ce rêve et ce vœu à tous mes proches depuis presque 10 ans ?

Quand un rêve et un voeu deviennent réalité.

 

Quand un rêve et un voeu deviennent réalité.

(*) J'ai fêté mon 70eme anniversaire le 23 avril 2019 exactement mais pour des raisons de disponibilités de toutes les personnes présentes, j'ai été contraint d'arrêter les dates du 8 et 9 juin. 

(**) Notre-Dame de Coral : Voici quelques sites Internet qui vous permettront d'en savoir un peu plus sur cet édifice religieux. Ils existent également deux vieux livres parus à son propos.  

https://www.les-pyrenees-orientales.com/Patrimoine/ErmitageNotreDameDuCoral.php

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ermitage_Notre-Dame-du-Coral

https://www.sudcanigo.com/item/notre-dame-du-coral/

http://www.lamanere.fr/fr/information/53473/notre-dame-coral

https://www.facebook.com/AubergeNotreDameDuCoral/

(***) Col du Miracle : En 2009, suite aux problèmes que j'avais rencontrés , je n'avais jamais pu rejoindre ce col. J'ai comblé cette lacune en y retournant lors d'une randonnée réalisée le 22 novembre 2017.

 

 

 

 

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Hommage à Adèle ma grand-mère paternelle....1893 - 1980.

Publié le par gibirando

 

Ce diaporama est agrémenté des chansons suivantes, chansons qu'Adèle aimait bien pour la plupart : - "Voulez-vous dansez grand-mère" ? paroles de Jean Lenoir, musique de Raymond Baltel et Alex Padou, chantée par Jean Lumière. - "Un petit cabanon" paroles de René Sarvil, musique de Vincent Scotto chantée Maria de Rossi. - "Plus bleu que tes yeux" composée par Charles Aznavour, chanté par Edith Piaf et Charles Aznavour. - "La vie en rose", musique de Louiguy et paroles d'Edith Piaf, joué et chanté par Louis Armstrong. -"Nous nous reverrons un jour ou l'autre" paroles de Jacques Plante, musique de Charles Aznavour, chantée par Thierry Le Luron.


 

Avec ce récit, j’ai voulu rendre hommage à ma grand-mère paternelle. C’est donc une nouvelle tranche de ma vie que j’ai eue envie d’évoquer. Une période de surcroît très heureuse car elle a été le véritable lien entre mon enfance et ma jeunesse. Une tranche avec Adèle. Une tranche de mortadelle, si je veux rester dans la plaisanterie de mauvais goût qui m’animait à cette époque. Adèle, c’était son prénom et bien évidemment, quand je pense à elle,  ce jeu de mots un peu balourd revient à ma mémoire. Avec mon frère Daniel, nous le répétions à l’envie dès lors que ce prénom était cité dans une conversation : « Elle morte Adèle » et plus grands, nous avions fini par rajouter « tuée par un sale ami ». Ce mauvais jeu de mot avait le don de mettre en rogne mon père mais ma grand-mère, elle, le prenait toujours avec le sourire disant : « Laisse Louis, ce sont des enfants ! ».

 

Pourtant dieu sait si nous l’aimions notre grand-mère et loin de nous l’idée qu’un jour elle puisse mourir. En tous cas, enfants et même, jeunes garçons, nous n’y pensions jamais. Non, c’était juste une plaisanterie de gamins.

 

Aujourd’hui quand je pense à elle, quelques souvenirs joyeux bien précis remontent à la surface de ma mémoire. Le plus important de ses souvenirs, ce sont ces trois années scolaires que j’ai passées chez elle alors que j’étais en 3eme au collège de la Grande-Bastide à Mazargues puis en 2eme et 1ere au lycée Jean Perrin de Marseille. Ces trois années, je les compte parmi les plus belles années de ma jeunesse et pourquoi ne pas le dire de ma vie d’enfant tout court. Vie d’adolescent certes mais tranche de vie où j’ai pris conscience bien plus tard qu’elle avait forgée une grande partie de ma vie future, vie d’adulte celle-là. J’étais sorti de l’enfance chez Adèle. D’abord, parce que je profitais à fond de plus d’indépendance, de plus d’autonomie dans mes décisions, en un mot de plus de liberté. C’était le temps des flirts avec les copines, des sorties avec les copains, des booms, du rock’n roll qui commençait à déferler et surtout du foot qui accaparait une partie très importante de mon temps libre et parfois même du temps que j’aurais du consacrer aux études. Je l’ai regretté ensuite mais sans jamais renier toutes les joies que le foot m’avait offertes.  La vie chez ma grand-mère était bien plus drôle qu’à la maison. J’étais à la campagne. J’y avais ma chambre à moi, petit nid intime, tranquille et douillet sous les toits, indispensable quand on a 16, 17 ou 18 ans. Pour être franc, je ne me souviens plus très bien comment j’ai atterri chez ma grand-mère. J’étais très turbulent et mes parents ont-ils trouvé cette solution pour que la maison retrouve un peu de sérénité ? Il faut dire qu’à la maison, mon frère et moi, nous n’avions pas de chambre personnelle et nous partagions la salle à manger avec deux lits pliants que l’on dépliait le soir et repliait le matin. C’était un peu galère, surtout pour mon frère qui avait 3 ans de plus que moi et qui aspirait probablement à une plus grande tranquillité dans ses études et à une plus grande indépendance et émancipation dans sa vie d’adulte qui commençait. Le collège de la Grande-Bastide à Mazargues était également bien plus proche de chez ma grand-mère que de chez mes parents et les économies n’étaient sans doute pas négligeables, notamment celles réalisées sur l’essence de mon VéloSolex. Mes parents ne roulaient pas sur l’or et l’argent était souvent un sujet de querelles entre eux. Mon père était comptable et ma mère faisait des ménages. L’essence du Solex était censée ne servir qu’à aller au collège mais ma mère était lucide et elle savait que pour moi il était le meilleur moyen pour que je m’évade un peu plus loin que le bout du quartier. Mes parents avaient-ils pris conscience qu’un peu plus d’autonomie me ferait le plus grand bien ? En m’envoyant loger chez sa mère qui avait déjà plus de 70 ans et qui était seule depuis quelques années, mon père voulait-il me montrer la confiance qu’il mettait en moi ? Et de ce fait, être plus tranquille car ma grand-mère était un peu diabétique ? Je ne peux répondre à aucune de ces questions car à l’époque, à vrai dire, j’étais bien trop insouciant pour me les poser. Enfin je me suis retrouvé là et j’étais heureux de cette situation. Être chez ma grand-mère m’apportait de nombreux avantages mais ne m’empêchait nullement d’aller voir mes parents à la Vieille-Chapelle le soir ou le week-end. Le quartier était à un quart d’heure en Solex. Ce que j’aimais chez ma grand-mère, c’était, sous son air faussement strict et sans doute un peu timide, son côté boute-en-train. Ma grand-mère était une vraie pince-sans-rire et je n’ai jamais connue une personne âgée aussi marrante qu’elle. Elle connaissait quantité de blagues grivoises et parfois même un peu cochonnes que je m’efforçais de retenir tant elles me faisaient tordre de rire. Pendant très longtemps, grâce aux blagues d’Adèle et à quelques autres plus personnelles, j’ai eu cette étiquette de « blagueur de service » lors des repas familiaux. Au fil du temps, j’ai perdu le souvenir de la plupart d’entres-elles même si parfois certaines reviennent à ma mémoire avec beaucoup d’allégresse car elles me rappellent les très bons moments passés chez elle. Outre, ce côté « rigolo » que j’adorais, ma grand-mère avait une autre qualité essentielle à mes yeux : elle était excellente cuisinière. Elle me mijotait presque tous les soirs de bons petits plats dont elle seule, et ma mère qu’elle avait initiée avaient le secret et surtout le tour de main : ragoûts, sautés divers et variés, daubes, légumes farcis, alouettes sans tête, pâtes en sauce, raviolis et cannellonis maison c’était mon lot quotidien et surtout quel régal en comparaison du midi et de la cantine du collège ou du lycée. C’est bien simple, quand j’y pense encore aujourd’hui, je revoie cette grosse cuisinière à charbon sur laquelle mijotaient tous ces bons mets qu’elle me préparait rien que pour moi. Je revois ma grand-mère sortir du four tous ces gratinés croustillants et fumants et il me revient dans les narines, ce fumé d’où s’exhalent des odeurs de sauces, de tomates grillées, de thym et d’herbes de Provence. Quelques années auparavant, en 1962, mon grand-père Gabriel nous avait quitté et je suis convaincu que ma présence la rendait heureuse car ça lui permettait de ne pas être trop seule, même si je partais le matin et ne rentrais que le soir après l’école et parfois bien plus tard quand les entraînements du foot m’accaparaient. Les petits plats qu’elle me concoctait, lui rappelaient sans doute une petite fraction du bon temps passé avec mon grand-père paternel. Outre ces évocations-là, quand je me remémore ces trois années scolaires passées chez elle, d’autres aspects bien précis me traversent l’esprit. Il y avait bien sûr Kiki, le chien tout fou de la maison que j’adorais à cause de ses fantaisies toujours imprévisibles. Il avait succédé à un autre chien encore plus dingue que lui et qui s’appelait Mickey. Mickey était le frère de Bambi, ce chien dont mes parents s‘étaient séparés et que j’ai eu l’occasion d’évoquer dans le récit intitulé « le petit chien de porcelaine ». Chez les Jullien, il y a toujours eu des chiens et des oiseaux en cage aussi. Ma grand-mère avait une cage où s’égayait un beau chardonneret au milieu de quelques flamboyants canaris. Ce chardonneret avait une belle particularité. Il suffisait que l’on soulève légèrement la porte de la cage et il passait dessous et sortait. Il ne s’enfuyait pas et quand il estimait que le moment était venu de réintégrer son gîte, il le faisait tout seul. Le reste du temps, il voletait gentiment au milieu de nous, venant se poser sur nos épaules pour quémander une offrande. Le soir, quand je rentrais du collège et que je ne trouvais pas ma grand-mère chez elle, c’est parce qu’elle était partie chez Madame Michel, sa voisine. Moi, cette gentille et vieille dame, je l’appelais la « mère Michel », car bien évidemment elle avait un chat, mais surtout elle avait un perroquet qui était presque capable de vous tenir une conversation. Dieu sait si j’en ai eu des fous rires grâce à ce perroquet de Madame Michel ! Chez ma grand-mère, je retrouvais aussi les frères Errico qui étaient des voisins italiens à peine plus âgés que moi. On s’entendait super bien. Ils étaient excellents bricoleurs mais également très sportifs. Mon vélo et mon Solex profitaient de leur compétence en mécanique et moi, de leur esprit de compétition. Eux étaient coureurs cyclistes et moi c’était surtout le foot. Entre-nous, c’était constamment des échanges de bons procédés. On se lançait en permanence des défis soit à vélo où l’impasse servait de piste de sprint soit au foot où la placette terminale faisait office de terrain. Je les battais au foot mais ils me gagnaient toujours à plate couture sur un vélo. Malgré ça, j’ai toujours aimé les vélos. Le vélo me rappelait mon enfance quand avec mon frère Daniel nous jouions au Tour de France avec des petites figurines. Le plus âgé des frères Errico était un sprinter hors pair gagnant de nombreuses courses amateurs grâce à la puissance de ses cuisses, quand au plus jeune, lui gagnait aussi mais son point fort c’était surtout l’endurance et les longues échappées en solitaire. Pour eux, la campagne marseillaise était essentiellement synonyme de chasse et souvent, je les retrouvais le soir à faire le guet, dans un poste qu’ils avaient construit avec des planches, lesquelles étaient camouflées de branchages. C’est au cours d’une de ces parties de chasse où ils avaient tiré un héron cendré ; allez savoir pourquoi ? ; que l’oiseau blessé, dont on voulait mesurer l’envergure, me planta un grand coup de son bec puissant entre les deux yeux. De cette ânerie et de cette absurdité d’adolescents, j’en garde encore la cicatrice même si j’ai toujours eu conscience de l’immense chance que j’avais eu ce jour-là. A quelques centimètres près, j’aurais pu devenir borgne pour le restant de mes jours. Le héron, dont la blessure n’était que superficielle, je l’ai relâché moi-même quelques jours plus tard. Je l’ai vu partir vers d’autres horizons bien plus cléments que la campagne mazarguaise (de Mazargues, quartier sud de Marseille) où il avait eu le malheur de passer. J'étais heureux qu’il s’en soit sorti et moi avec lui. Quand je pense à ma grand-mère, je pense également à sa maison et à quelques objets que j’ai toujours vus. Un petit crucifix qu’elle avait accroché au dessus de son lit, lit qu’enfant j’ai toujours eu des difficultés à gravir tant il me paraissait haut. Etait-il vraiment haut ? Etais-ce moi qui étais trop petit ou bien était-ce cet énorme édredon qu’il y avait en permanence qui me donnait cette étrange impression de hauteur ? Quand j’ai commencé à loger chez elle, je prenais tant de plaisir à plonger sur cet épais édredon que finalement elle m’en avait confectionné un avec du vrai duvet d’Eider, pour moi tout seul et pour mon propre lit qui n’avait qu’une place. Le logement et ma chambre en particulier n’étaient sans doute pas très bien isolés et je me souviens encore des hivers très rigoureux où je glissais ce gros duvet carrément sous les draps. Entre mes jambes et sous mes pieds, il y avait des briques que ma grand-mère avait pris soin de faire chauffer sur la cuisinière à charbon. Pour ne pas que je me brûle, elle les enroulais dans une serviette ou dans une grosse chaussette en laine ayant sans doute appartenu à mon grand-père. Je me revois encore me blottir dans ce lit douillet et quand le mistral soufflait très fort dehors, j’avais ce sentiment très agréable de m’endormir dans une étuve.  Concernant le crucifix, j’ai compris bien plus tard pourquoi il était là car Adèle ne m’a jamais parlé de religion. Le Christ était là, elle n’en faisait pas un plat et ça devait suffire à son bonheur de catholique non pratiquante. Chez mes parents et grands-parents, les religions n’ont jamais été un sujet à l’ordre du jour. Ce n'était pas tabou car on savait que des religions étaient là et nous étions chrétiens nous-mêmes mais ça n’allait jamais plus loin. Plus tard, dans les papiers de ma mère, j’ai retrouvé un vieux certificat de 1ere communion d’Adèle. Il mentionnait qu’elle avait été baptisée le 7 octobre 1893 et je me suis souvenu du crucifix au dessus de son lit. Je me souviens aussi de cette grosse cloche en verre qui trônait sur sa commode. Je n’ai jamais osé la toucher car elle me donnait l’impression d’une extrême fragilité même si j’ai toujours été curieux de son contenu. A l’intérieur, il y avait des statuettes dorées. Accrochés aux statuettes, il y avait une fourragère et des médailles militaires. Au pied des statuettes, quelques insignes que mon grand-père avait ramenées de la guerre de 14-18, guerre au cours de laquelle, il était revenu blessé et sans doute autant meurtri intérieurement par ce qu’il avait vu que physiquement par ses blessures. Autant que je me souvienne, mon grand-père et ma grand-mère n’ont jamais évoqué les guerres, en tous cas devant nous leurs petits-enfants. Une seule fois, j’ai posé des questions à ma grand-mère à ce propos, car la guerre de 14/18 était au programme du lycée, et elle m’a répondu sans trop s’appesantir avec des mots très simples où  « plus jamais ça, horreur, souffrance, drame, tragédie et chance » revenaient comme des rengaines. Oui, dans sa bouche, j’ai compris ce jour-là, la véritable signification du mot « chance ». Il n’y a jamais eu de seconde fois. Quand une guerre implique 60 millions de soldats et que plus de 10 millions de personnes y perdent la vie, on peut effectivement s’estimer chanceux d’en avoir réchappé. Mon grand-père faisait partie de ceux-là. Par deux fois, il était revenu blessé, meurtri dans sa chair mais vivant et enfin, ma grand-mère et lui avaient pu s’aimer normalement.  Les médailles de mon grand-père, je suis fier de les avoir chez moi aujourd’hui mais pour une seule raison : je sais le prix qu’elles ont coûté et suis conscient que nombreux sont ceux qui n’ont pas eu la chance de les gagner de leur vivant voire du tout. Enfin, le dernier objet dont je me souviens avec le plus de mélancolie, c’est cette petite bibliothèque en bois qui était accrochée dans ma mansarde. C’est mon frère Daniel qui l’avait faite de ses propres mains lors d’un cours de menuiserie au lycée technique de Marseilleveyre. Il me l’avait offerte de bon cœur puis elle est restée longtemps chez ma mère jusqu’à ce que je la récupère pour la mettre dans ma petite maison d’Urbanya. Elle est là-bas maintenant. D’aspect plutôt moderne, je ne m’en séparerais pour rien au monde, car avec le « petit chien de porcelaine », elle reste un des rares objets qui me reste de mon enfance. Au même titre que les photos, ces objets sont des fils d’Ariane qui me relient à mon frère, à mes parents et à mes grands-parents bien sûr. Ils font partie de ma vie.

 

Quand m’est venue cette idée de rendre hommage à Adèle, j’ai voulu, comme pour mon grand-père (Mon grand-père Gabriel Jullien ce héros...), réaliser un petit diaporama des photos que j’avais d’elle. Et là, petit tourment, car j’ai constaté que sur les photos que je détenais d’elle, rares étaient celles où elle souriait. Quelques photos avec un semblant de rictus et une ou deux seulement où on la voit vraiment rire ou s’esclaffer. Sur toutes les autres, pas le moindre début d’une risette. Non Adèle est toujours restée hermétique à toutes les photos que l’on avait pu prendre d’elle, loin de l’image toujours plaisante que j’avais eue. Alors, je me suis dit tant pis, c’était ma grand-mère et un jour où il y aura un diaporama retraçant sa vie. Adèle était ainsi : « rigolote » dans la vie mais fermée à toute image que l’on voulait avoir d’elle. « Être oui, paraître  non », tel devait être son dicton. Heureusement qu’elle ne vit plus aujourd’hui, car sans doute aurait-elle eu horreur de toutes ces photos numériques et autres « selfies » que l’on prend pour un oui ou pour un non ? Je n’ai jamais su pourquoi elle avait eu cette espèce d’appréhension du cliché, mais j’imagine que l’avènement et le début de la démocratisation de la photographie au début des années 1900 a coïncidé avec le départ de mon grand-père d’abord sous les drapeaux puis à la guerre de 14/18. Elle devait être triste de le voir seulement en photos. La photo était donc synonyme d’absence, d’angoisse, de mauvaises nouvelles, d’abominables souvenirs et c’est ce qui transpire un peu de chacune de ses photos les plus anciennes : beaucoup de mélancolie. Rajoutons à tout ça, le fait qu’elle avait des origines alsaciennes, et donc germaniques, qu’elle tenait de sa mère et il est évident que la guerre contre les Allemands l’avait très certainement bouleversée.

 

 

Adèle a définitivement quitté ce monde le 10 mai 1980. Etant née le 26 avril 1893, elle avait 87 ans. Alors que j'habitais déjà les Pyrénées-Orientales, mes parents ne m’ont jamais averti de son départ plutôt soudain alors qu’elle venait d’être admise depuis une année dans une maison de retraite. J’avais pourtant 31 ans et sur l’instant, je leur en ai voulu. Sans doute, ont-ils voulu me protéger de sa mort ? A bien y réfléchir mes parents nous ont toujours protégés de la mort de proches.  La mort d’Adèle ? Je ne l’ai su que plusieurs jours après son enterrement. Je n’ai pas pleuré sur l’instant, malgré la peine que j’avais, et j’ignore pourquoi ? Je n’ai pleuré que bien plus tard. Je m’étais souvenu d’une blague qu’elle m’avait racontée et alors je m’étais mis à rire à cause de la blague, j’ai terminé en pleurs, revoyant tous les bons moments que j’avais passés avec elle quand j’étais plus jeune. Un autre jour, jour de grande solitude et jour de grand cafard comme nous en avons tous, j’ai également pensé à elle en pleurant. C’était en randonnée lors d’un Tour du Vallespir en 2009, et comme souvent quand je marche avec le cafard, je pense à tous les êtres qui me sont chers aujourd’hui disparus. Souvent, j’aurais bien envie qu’ils soient là à côté de moi. Ce jour-là,  c'était la dernière des 6 étapes et j'avais sans doute emmagasiné pas mal de fatigue, mon frère disparu en 1992 à l’âge de 46  ans et ma mère malade d’Alzheimer, ont été les épicentres de ma tristesse et de mes angoisses mais à tour de rôle, Adèle et quelques autres défunts ont fait partie de ce lot d’êtres chers. Ma marche pédestre est devenue pendant une paire d’heures une marche funèbre. J’avais pris conscience qu’elle était morte Adèle…. et il n’y avait pas sujet à plaisanter avec ça….Mon père, qui n’aimait pas cette plaisanterie mais chérissait sa mère, l’a suivi quelques mois plus tard, en novembre 1980 exactement. Il avait 64 ans. Elle était morte Adèle et il ne l’avait pas supporté….et c’est le premier enterrement de ma vie auquel j’ai assisté…..

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