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souvenir

Rêve de pêcheur et pêcheur de rêves.

Publié le par gibirando

Rêve de pêcheur et pêcheur de réves.

Avec le loup de 6,9 kg pêché à la pointe du Cap Béar avec mon ami Emile Lara en avril 1991.

(Les photos peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois pour un plein écran)


 

Je ne sais pas vous, mais moi quand je rêve et que je me souviens de celui-ci, c’est le plus souvent imaginaire et rarement ce qui s’est passé dans la vraie vie. C’est d’autant mieux que je cauchemarde assez souvent. Pourtant, voilà quelques jours, j’ai rêvé d’un vieux « rêve vécu ». Par vieux « rêve vécu », il faut entendre un instant mémorable qui est réellement survenu il y a bien longtemps de cela. Voilà cette histoire et donc ce rêve qui a resurgi de mes souvenirs les plus enfouis.

Nous sommes en avril 1991. J’ai 42 ans. Avec mon regretté ami Emile Lara, nous avons décidé d’aller pêcher à la pointe du Cap Béar, côté nord. Plus tout jeune, car il a une belle différence d’âge de plus de 20 ans avec moi, c’est la toute première fois qu’il m’accompagne là-bas. S’il aime bien la pêche, lui est plutôt habitué à une activité moins « sportive » et préfère les bords de plage de Saint-Cyprien ou d’Argelès où les daurades royales ont sa faveur. Ils les pêchent essentiellement aux vers américains, appât déjà bien onéreux à cette époque. Crapahuter du phare du Cap Béar jusqu’à sa pointe puis ensuite descendre sur des rochers escarpés très peu pour lui. Mais aujourd’hui, il semble décidé et il ne peste pas. Il semble même joyeux. Après de violents coups d’est, la mer est en train de se mettre à l’étale. C’est-à-dire qu’elle bouge encore un peu, juste ce qu’il faut car avec une houle très modérée, mais finalement je dirais qu’elle est idéale car pas claire et une peu écumeuse pour la pêche que je pratique. Après nous être rapidement installés, je mets en place 2 cannes, une que je cale à fond avec une demi-sardine comme appât et l’autre que je tiens le plus souvent à la main, avec comme appât ce que l’on appelle une « pelote ». La pelote est une technique de pêche consistant en un mélange de sardines broyés, de farine, de chapelure et de sable fin tamisé. Le tout devient une pâte, compacte de préférence.  Ma pelote à moi étant loin d’être parfaite car trop rapidement réalisée, je rajoute sur l’hameçon un bout de sardine ; le plus souvent pris à un bout de la queue car ça tient mieux. Ce bout de sardine, je l’entoure ensuite le plus fermement possible de ma petite boule de pelote. Je tiens cela de mon beau-père car c’est lui qui m’a donné le virus de la pêche du bord. Emile, lui, ne pêche qu'essentiellement au lancer, toujours avec des vers américains comme appâts. Toutefois connaissant bien les fonds marins, car ici je pratique aussi la chasse sous-marine depuis déjà très longtemps, je lui conseille de ne pas lancer trop loin et surtout de préférence à des endroits bien précis que je lui indique. Ceci avant qu’il n’accroche pas des rochers avec ses lignes, ses plombs ou ses hameçons. Voilà déjà plus d’une heure que nous sommes installés et à part du « menu fretin » style bogues, petites oblades et sarans, rien de bien folichon n’a été sorti de l’eau, ni pour lui, ni pour moi. Puis tout à coup, tout démarre d’un seul coup, pour moi presque essentiellement (Emile prendra un sar de 300gr), et en moins d’une heure avec 4 poissons dont on rêve quand on part pêcher. Le rêve éveillé vient de surgir car sur la balance ces 4 poissons parviendront à un poids total incroyable car exceptionnel de 9,9kg avec un loup (ou bar) de 6,9kg et 3 sars de respectivement 1,3kg, 1kg et 700grs. Les connaisseurs apprécieront. Le bar, lui, nous a donné du fil à retordre, et sans doute que sans la présence de mon ami Emile, je ne l’aurais jamais sorti tout seul. En effet, j’ai immédiatement compris que j’avais à faire à une prise très exceptionnelle car le poisson avait une force phénoménale. Alors entre stress et ce désir de tout faire pour ne pas le perdre, j’ai essayé de garder au maximum mon calme, mais aussi de faire de mon mieux pour le fatiguer le plus possible. L’amenant au plus près du bord avec beaucoup de difficulté, car très batailleur, j’ai ensuite essayé de l’amener au mieux dans l’épuisette qu’Emile tenait. Mais rien ne se passait comme je le voulais car le poisson tirant de toutes ses forces, il replongeait constamment. Finalement, il apparut magnifiquement gros et étincelant en surface, comme bien fatigué mais ce n’était pas vraiment le cas. La lutte dura encore un bon quart d’heure de plus avant qu’il n’abandonne définitivement, conservant quand même d’énormes soubresauts de temps à autre. Soubresauts inquiétants à l’instant de le mettre dans l’épuisette. Alors que je pensais qu’il était bien dans l’épuisette, le manche de celle-ci se cassa par trois fois avant que le poisson ne s’y loge définitivement et soit enfin sorti de l’eau par Emile. Après cette période euphorique et le calme halieutique étant revenu, nous sommes rentrés à la maison, aussi heureux que des poissons dans l’eau.

Rêve de pêcheur et pêcheur de réves. 

Une après-midi rêvée pour une pêche exceptionnelle. 4 poissons (3 sars, 1 loup) et 9,9kg.

Alors certes, je n’ai pas rêvé de tout cela dans le détail mais bien de ces instants incroyables où je me voyais manœuvrer le loup qui n’avait de cesse de monter du fond de l’eau puis de redescendre avec une facilité assez déconcertante car sa puissance et son poids lui facilitaient cette épreuve de force entre lui et moi. Finalement bien éreinté, j’ai vu apparaître en totalité sa masse si moirée, si brillante et si imposante et ce fut pour moi le moment le plus inoubliable de ce rêve comme il l’avait déjà été au cours de cette mémorable journée. J’ai revu mon cher ami Emile, avec mon épuisette télescopique à la main, là, si impatient et si stressé, à attendre que je lui amène le poisson dans le filet, dont le diamètre me paraissait insuffisant au regard de la taille du poisson. Une différence quand même, il n’y eut pas de casse du manche de l’épuisette comme dans la réalité. Pas le temps, mon joli rêve s’est terminé juste avant. Finalement, dans ce rêve, le poisson n’a jamais été sorti de l’eau et c’est bien mieux ainsi, car si batailleur qu’il a été, il méritait sans doute que je le remette à l’eau, même si de le manger cuit au four, farci et entre amis a été aussi un moment inoubliable de convivialité. Rêve de pêcheur, pêcheur de rêves, pas de différence. 

Rêve de pêcheur et pêcheur de réves. 

En 1989, lors d'une partie de pétanque faisant suite à une mémorable cargolade. Avec mon ami Emile ici à droite sur la photo. Je suis à gauche à côté de la charmante Marie, épouse d'Emile. Au centre, mon ami Jacky Fabre en train de lancer sa boule. Il m'avait emmener au pic du Canigou avec des ami(e)s à lui cette année-là. C'était la toute première fois que j'y montais. Il y en aura ensuite 3 autres.

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Hommage à Adèle ma grand-mère paternelle....1893 - 1980.

Publié le par gibirando

 

Ce diaporama est agrémenté des chansons suivantes, chansons qu'Adèle aimait bien pour la plupart : - "Voulez-vous dansez grand-mère" ? paroles de Jean Lenoir, musique de Raymond Baltel et Alex Padou, chantée par Jean Lumière. - "Un petit cabanon" paroles de René Sarvil, musique de Vincent Scotto chantée Maria de Rossi. - "Plus bleu que tes yeux" composée par Charles Aznavour, chanté par Edith Piaf et Charles Aznavour. - "La vie en rose", musique de Louiguy et paroles d'Edith Piaf, joué et chanté par Louis Armstrong. -"Nous nous reverrons un jour ou l'autre" paroles de Jacques Plante, musique de Charles Aznavour, chantée par Thierry Le Luron.


 

Avec ce récit, j’ai voulu rendre hommage à ma grand-mère paternelle. C’est donc une nouvelle tranche de ma vie que j’ai eue envie d’évoquer. Une période de surcroît très heureuse car elle a été le véritable lien entre mon enfance et ma jeunesse. Une tranche avec Adèle. Une tranche de mortadelle, si je veux rester dans la plaisanterie de mauvais goût qui m’animait à cette époque. Adèle, c’était son prénom et bien évidemment, quand je pense à elle,  ce jeu de mots un peu balourd revient à ma mémoire. Avec mon frère Daniel, nous le répétions à l’envie dès lors que ce prénom était cité dans une conversation : « Elle morte Adèle » et plus grands, nous avions fini par rajouter « tuée par un sale ami ». Ce mauvais jeu de mot avait le don de mettre en rogne mon père mais ma grand-mère, elle, le prenait toujours avec le sourire disant : « Laisse Louis, ce sont des enfants ! ».

 

Pourtant dieu sait si nous l’aimions notre grand-mère et loin de nous l’idée qu’un jour elle puisse mourir. En tous cas, enfants et même, jeunes garçons, nous n’y pensions jamais. Non, c’était juste une plaisanterie de gamins.

 

Aujourd’hui quand je pense à elle, quelques souvenirs joyeux bien précis remontent à la surface de ma mémoire. Le plus important de ses souvenirs, ce sont ces trois années scolaires que j’ai passées chez elle alors que j’étais en 3eme au collège de la Grande-Bastide à Mazargues puis en 2eme et 1ere au lycée Jean Perrin de Marseille. Ces trois années, je les compte parmi les plus belles années de ma jeunesse et pourquoi ne pas le dire de ma vie d’enfant tout court. Vie d’adolescent certes mais tranche de vie où j’ai pris conscience bien plus tard qu’elle avait forgée une grande partie de ma vie future, vie d’adulte celle-là. J’étais sorti de l’enfance chez Adèle. D’abord, parce que je profitais à fond de plus d’indépendance, de plus d’autonomie dans mes décisions, en un mot de plus de liberté. C’était le temps des flirts avec les copines, des sorties avec les copains, des booms, du rock’n roll qui commençait à déferler et surtout du foot qui accaparait une partie très importante de mon temps libre et parfois même du temps que j’aurais du consacrer aux études. Je l’ai regretté ensuite mais sans jamais renier toutes les joies que le foot m’avait offertes.  La vie chez ma grand-mère était bien plus drôle qu’à la maison. J’étais à la campagne. J’y avais ma chambre à moi, petit nid intime, tranquille et douillet sous les toits, indispensable quand on a 16, 17 ou 18 ans. Pour être franc, je ne me souviens plus très bien comment j’ai atterri chez ma grand-mère. J’étais très turbulent et mes parents ont-ils trouvé cette solution pour que la maison retrouve un peu de sérénité ? Il faut dire qu’à la maison, mon frère et moi, nous n’avions pas de chambre personnelle et nous partagions la salle à manger avec deux lits pliants que l’on dépliait le soir et repliait le matin. C’était un peu galère, surtout pour mon frère qui avait 3 ans de plus que moi et qui aspirait probablement à une plus grande tranquillité dans ses études et à une plus grande indépendance et émancipation dans sa vie d’adulte qui commençait. Le collège de la Grande-Bastide à Mazargues était également bien plus proche de chez ma grand-mère que de chez mes parents et les économies n’étaient sans doute pas négligeables, notamment celles réalisées sur l’essence de mon VéloSolex. Mes parents ne roulaient pas sur l’or et l’argent était souvent un sujet de querelles entre eux. Mon père était comptable et ma mère faisait des ménages. L’essence du Solex était censée ne servir qu’à aller au collège mais ma mère était lucide et elle savait que pour moi il était le meilleur moyen pour que je m’évade un peu plus loin que le bout du quartier. Mes parents avaient-ils pris conscience qu’un peu plus d’autonomie me ferait le plus grand bien ? En m’envoyant loger chez sa mère qui avait déjà plus de 70 ans et qui était seule depuis quelques années, mon père voulait-il me montrer la confiance qu’il mettait en moi ? Et de ce fait, être plus tranquille car ma grand-mère était un peu diabétique ? Je ne peux répondre à aucune de ces questions car à l’époque, à vrai dire, j’étais bien trop insouciant pour me les poser. Enfin je me suis retrouvé là et j’étais heureux de cette situation. Être chez ma grand-mère m’apportait de nombreux avantages mais ne m’empêchait nullement d’aller voir mes parents à la Vieille-Chapelle le soir ou le week-end. Le quartier était à un quart d’heure en Solex. Ce que j’aimais chez ma grand-mère, c’était, sous son air faussement strict et sans doute un peu timide, son côté boute-en-train. Ma grand-mère était une vraie pince-sans-rire et je n’ai jamais connue une personne âgée aussi marrante qu’elle. Elle connaissait quantité de blagues grivoises et parfois même un peu cochonnes que je m’efforçais de retenir tant elles me faisaient tordre de rire. Pendant très longtemps, grâce aux blagues d’Adèle et à quelques autres plus personnelles, j’ai eu cette étiquette de « blagueur de service » lors des repas familiaux. Au fil du temps, j’ai perdu le souvenir de la plupart d’entres-elles même si parfois certaines reviennent à ma mémoire avec beaucoup d’allégresse car elles me rappellent les très bons moments passés chez elle. Outre, ce côté « rigolo » que j’adorais, ma grand-mère avait une autre qualité essentielle à mes yeux : elle était excellente cuisinière. Elle me mijotait presque tous les soirs de bons petits plats dont elle seule, et ma mère qu’elle avait initiée avaient le secret et surtout le tour de main : ragoûts, sautés divers et variés, daubes, légumes farcis, alouettes sans tête, pâtes en sauce, raviolis et cannellonis maison c’était mon lot quotidien et surtout quel régal en comparaison du midi et de la cantine du collège ou du lycée. C’est bien simple, quand j’y pense encore aujourd’hui, je revoie cette grosse cuisinière à charbon sur laquelle mijotaient tous ces bons mets qu’elle me préparait rien que pour moi. Je revois ma grand-mère sortir du four tous ces gratinés croustillants et fumants et il me revient dans les narines, ce fumé d’où s’exhalent des odeurs de sauces, de tomates grillées, de thym et d’herbes de Provence. Quelques années auparavant, en 1962, mon grand-père Gabriel nous avait quitté et je suis convaincu que ma présence la rendait heureuse car ça lui permettait de ne pas être trop seule, même si je partais le matin et ne rentrais que le soir après l’école et parfois bien plus tard quand les entraînements du foot m’accaparaient. Les petits plats qu’elle me concoctait, lui rappelaient sans doute une petite fraction du bon temps passé avec mon grand-père paternel. Outre ces évocations-là, quand je me remémore ces trois années scolaires passées chez elle, d’autres aspects bien précis me traversent l’esprit. Il y avait bien sûr Kiki, le chien tout fou de la maison que j’adorais à cause de ses fantaisies toujours imprévisibles. Il avait succédé à un autre chien encore plus dingue que lui et qui s’appelait Mickey. Mickey était le frère de Bambi, ce chien dont mes parents s‘étaient séparés et que j’ai eu l’occasion d’évoquer dans le récit intitulé « le petit chien de porcelaine ». Chez les Jullien, il y a toujours eu des chiens et des oiseaux en cage aussi. Ma grand-mère avait une cage où s’égayait un beau chardonneret au milieu de quelques flamboyants canaris. Ce chardonneret avait une belle particularité. Il suffisait que l’on soulève légèrement la porte de la cage et il passait dessous et sortait. Il ne s’enfuyait pas et quand il estimait que le moment était venu de réintégrer son gîte, il le faisait tout seul. Le reste du temps, il voletait gentiment au milieu de nous, venant se poser sur nos épaules pour quémander une offrande. Le soir, quand je rentrais du collège et que je ne trouvais pas ma grand-mère chez elle, c’est parce qu’elle était partie chez Madame Michel, sa voisine. Moi, cette gentille et vieille dame, je l’appelais la « mère Michel », car bien évidemment elle avait un chat, mais surtout elle avait un perroquet qui était presque capable de vous tenir une conversation. Dieu sait si j’en ai eu des fous rires grâce à ce perroquet de Madame Michel ! Chez ma grand-mère, je retrouvais aussi les frères Errico qui étaient des voisins italiens à peine plus âgés que moi. On s’entendait super bien. Ils étaient excellents bricoleurs mais également très sportifs. Mon vélo et mon Solex profitaient de leur compétence en mécanique et moi, de leur esprit de compétition. Eux étaient coureurs cyclistes et moi c’était surtout le foot. Entre-nous, c’était constamment des échanges de bons procédés. On se lançait en permanence des défis soit à vélo où l’impasse servait de piste de sprint soit au foot où la placette terminale faisait office de terrain. Je les battais au foot mais ils me gagnaient toujours à plate couture sur un vélo. Malgré ça, j’ai toujours aimé les vélos. Le vélo me rappelait mon enfance quand avec mon frère Daniel nous jouions au Tour de France avec des petites figurines. Le plus âgé des frères Errico était un sprinter hors pair gagnant de nombreuses courses amateurs grâce à la puissance de ses cuisses, quand au plus jeune, lui gagnait aussi mais son point fort c’était surtout l’endurance et les longues échappées en solitaire. Pour eux, la campagne marseillaise était essentiellement synonyme de chasse et souvent, je les retrouvais le soir à faire le guet, dans un poste qu’ils avaient construit avec des planches, lesquelles étaient camouflées de branchages. C’est au cours d’une de ces parties de chasse où ils avaient tiré un héron cendré ; allez savoir pourquoi ? ; que l’oiseau blessé, dont on voulait mesurer l’envergure, me planta un grand coup de son bec puissant entre les deux yeux. De cette ânerie et de cette absurdité d’adolescents, j’en garde encore la cicatrice même si j’ai toujours eu conscience de l’immense chance que j’avais eu ce jour-là. A quelques centimètres près, j’aurais pu devenir borgne pour le restant de mes jours. Le héron, dont la blessure n’était que superficielle, je l’ai relâché moi-même quelques jours plus tard. Je l’ai vu partir vers d’autres horizons bien plus cléments que la campagne mazarguaise (de Mazargues, quartier sud de Marseille) où il avait eu le malheur de passer. J'étais heureux qu’il s’en soit sorti et moi avec lui. Quand je pense à ma grand-mère, je pense également à sa maison et à quelques objets que j’ai toujours vus. Un petit crucifix qu’elle avait accroché au dessus de son lit, lit qu’enfant j’ai toujours eu des difficultés à gravir tant il me paraissait haut. Etait-il vraiment haut ? Etais-ce moi qui étais trop petit ou bien était-ce cet énorme édredon qu’il y avait en permanence qui me donnait cette étrange impression de hauteur ? Quand j’ai commencé à loger chez elle, je prenais tant de plaisir à plonger sur cet épais édredon que finalement elle m’en avait confectionné un avec du vrai duvet d’Eider, pour moi tout seul et pour mon propre lit qui n’avait qu’une place. Le logement et ma chambre en particulier n’étaient sans doute pas très bien isolés et je me souviens encore des hivers très rigoureux où je glissais ce gros duvet carrément sous les draps. Entre mes jambes et sous mes pieds, il y avait des briques que ma grand-mère avait pris soin de faire chauffer sur la cuisinière à charbon. Pour ne pas que je me brûle, elle les enroulais dans une serviette ou dans une grosse chaussette en laine ayant sans doute appartenu à mon grand-père. Je me revois encore me blottir dans ce lit douillet et quand le mistral soufflait très fort dehors, j’avais ce sentiment très agréable de m’endormir dans une étuve.  Concernant le crucifix, j’ai compris bien plus tard pourquoi il était là car Adèle ne m’a jamais parlé de religion. Le Christ était là, elle n’en faisait pas un plat et ça devait suffire à son bonheur de catholique non pratiquante. Chez mes parents et grands-parents, les religions n’ont jamais été un sujet à l’ordre du jour. Ce n'était pas tabou car on savait que des religions étaient là et nous étions chrétiens nous-mêmes mais ça n’allait jamais plus loin. Plus tard, dans les papiers de ma mère, j’ai retrouvé un vieux certificat de 1ere communion d’Adèle. Il mentionnait qu’elle avait été baptisée le 7 octobre 1893 et je me suis souvenu du crucifix au dessus de son lit. Je me souviens aussi de cette grosse cloche en verre qui trônait sur sa commode. Je n’ai jamais osé la toucher car elle me donnait l’impression d’une extrême fragilité même si j’ai toujours été curieux de son contenu. A l’intérieur, il y avait des statuettes dorées. Accrochés aux statuettes, il y avait une fourragère et des médailles militaires. Au pied des statuettes, quelques insignes que mon grand-père avait ramenées de la guerre de 14-18, guerre au cours de laquelle, il était revenu blessé et sans doute autant meurtri intérieurement par ce qu’il avait vu que physiquement par ses blessures. Autant que je me souvienne, mon grand-père et ma grand-mère n’ont jamais évoqué les guerres, en tous cas devant nous leurs petits-enfants. Une seule fois, j’ai posé des questions à ma grand-mère à ce propos, car la guerre de 14/18 était au programme du lycée, et elle m’a répondu sans trop s’appesantir avec des mots très simples où  « plus jamais ça, horreur, souffrance, drame, tragédie et chance » revenaient comme des rengaines. Oui, dans sa bouche, j’ai compris ce jour-là, la véritable signification du mot « chance ». Il n’y a jamais eu de seconde fois. Quand une guerre implique 60 millions de soldats et que plus de 10 millions de personnes y perdent la vie, on peut effectivement s’estimer chanceux d’en avoir réchappé. Mon grand-père faisait partie de ceux-là. Par deux fois, il était revenu blessé, meurtri dans sa chair mais vivant et enfin, ma grand-mère et lui avaient pu s’aimer normalement.  Les médailles de mon grand-père, je suis fier de les avoir chez moi aujourd’hui mais pour une seule raison : je sais le prix qu’elles ont coûté et suis conscient que nombreux sont ceux qui n’ont pas eu la chance de les gagner de leur vivant voire du tout. Enfin, le dernier objet dont je me souviens avec le plus de mélancolie, c’est cette petite bibliothèque en bois qui était accrochée dans ma mansarde. C’est mon frère Daniel qui l’avait faite de ses propres mains lors d’un cours de menuiserie au lycée technique de Marseilleveyre. Il me l’avait offerte de bon cœur puis elle est restée longtemps chez ma mère jusqu’à ce que je la récupère pour la mettre dans ma petite maison d’Urbanya. Elle est là-bas maintenant. D’aspect plutôt moderne, je ne m’en séparerais pour rien au monde, car avec le « petit chien de porcelaine », elle reste un des rares objets qui me reste de mon enfance. Au même titre que les photos, ces objets sont des fils d’Ariane qui me relient à mon frère, à mes parents et à mes grands-parents bien sûr. Ils font partie de ma vie.

 

Quand m’est venue cette idée de rendre hommage à Adèle, j’ai voulu, comme pour mon grand-père (Mon grand-père Gabriel Jullien ce héros...), réaliser un petit diaporama des photos que j’avais d’elle. Et là, petit tourment, car j’ai constaté que sur les photos que je détenais d’elle, rares étaient celles où elle souriait. Quelques photos avec un semblant de rictus et une ou deux seulement où on la voit vraiment rire ou s’esclaffer. Sur toutes les autres, pas le moindre début d’une risette. Non Adèle est toujours restée hermétique à toutes les photos que l’on avait pu prendre d’elle, loin de l’image toujours plaisante que j’avais eue. Alors, je me suis dit tant pis, c’était ma grand-mère et un jour où il y aura un diaporama retraçant sa vie. Adèle était ainsi : « rigolote » dans la vie mais fermée à toute image que l’on voulait avoir d’elle. « Être oui, paraître  non », tel devait être son dicton. Heureusement qu’elle ne vit plus aujourd’hui, car sans doute aurait-elle eu horreur de toutes ces photos numériques et autres « selfies » que l’on prend pour un oui ou pour un non ? Je n’ai jamais su pourquoi elle avait eu cette espèce d’appréhension du cliché, mais j’imagine que l’avènement et le début de la démocratisation de la photographie au début des années 1900 a coïncidé avec le départ de mon grand-père d’abord sous les drapeaux puis à la guerre de 14/18. Elle devait être triste de le voir seulement en photos. La photo était donc synonyme d’absence, d’angoisse, de mauvaises nouvelles, d’abominables souvenirs et c’est ce qui transpire un peu de chacune de ses photos les plus anciennes : beaucoup de mélancolie. Rajoutons à tout ça, le fait qu’elle avait des origines alsaciennes, et donc germaniques, qu’elle tenait de sa mère et il est évident que la guerre contre les Allemands l’avait très certainement bouleversée.

 

 

Adèle a définitivement quitté ce monde le 10 mai 1980. Etant née le 26 avril 1893, elle avait 87 ans. Alors que j'habitais déjà les Pyrénées-Orientales, mes parents ne m’ont jamais averti de son départ plutôt soudain alors qu’elle venait d’être admise depuis une année dans une maison de retraite. J’avais pourtant 31 ans et sur l’instant, je leur en ai voulu. Sans doute, ont-ils voulu me protéger de sa mort ? A bien y réfléchir mes parents nous ont toujours protégés de la mort de proches.  La mort d’Adèle ? Je ne l’ai su que plusieurs jours après son enterrement. Je n’ai pas pleuré sur l’instant, malgré la peine que j’avais, et j’ignore pourquoi ? Je n’ai pleuré que bien plus tard. Je m’étais souvenu d’une blague qu’elle m’avait racontée et alors je m’étais mis à rire à cause de la blague, j’ai terminé en pleurs, revoyant tous les bons moments que j’avais passés avec elle quand j’étais plus jeune. Un autre jour, jour de grande solitude et jour de grand cafard comme nous en avons tous, j’ai également pensé à elle en pleurant. C’était en randonnée lors d’un Tour du Vallespir en 2009, et comme souvent quand je marche avec le cafard, je pense à tous les êtres qui me sont chers aujourd’hui disparus. Souvent, j’aurais bien envie qu’ils soient là à côté de moi. Ce jour-là,  c'était la dernière des 6 étapes et j'avais sans doute emmagasiné pas mal de fatigue, mon frère disparu en 1992 à l’âge de 46  ans et ma mère malade d’Alzheimer, ont été les épicentres de ma tristesse et de mes angoisses mais à tour de rôle, Adèle et quelques autres défunts ont fait partie de ce lot d’êtres chers. Ma marche pédestre est devenue pendant une paire d’heures une marche funèbre. J’avais pris conscience qu’elle était morte Adèle…. et il n’y avait pas sujet à plaisanter avec ça….Mon père, qui n’aimait pas cette plaisanterie mais chérissait sa mère, l’a suivi quelques mois plus tard, en novembre 1980 exactement. Il avait 64 ans. Elle était morte Adèle et il ne l’avait pas supporté….et c’est le premier enterrement de ma vie auquel j’ai assisté…..

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1969 - 1986 Mon onde informatique.

Publié le par gibirando

1969 - 1986 Mon onde informatique.

L'ordinateur Gamma 10 de chez Bull et son imprimante tel qu'on pouvait les voir dans n'importe quel atelier d'informatique dans les année 1960/70. A lui tout seul, il nécessitait au moins 20m2 auquel il fallait ajouté la place pour les trieuses, les interclasseuses et les grands bacs servant à entreposer et à classer les cartes perforées, en réalité les fichiers, les données et les programmes (logiciels). Les ateliers que j'ai connus occupaient un espace de 200 à 400 m2. A lui tout seul son poids total, imprimante incluse était de 1.350 kg. L'ensemble était assourdissant mais à l'époque il n'existait pas de réglementations en la matière. Pas plus d'ailleurs pour le poids que nous soulevions à longueur de journée. Un carton contenant 3000 cartes vierges pesait 6,7 kg et un bac métallique plus du doubleJ'y ai bossé dessus pendant 10 ans du 23 avril 1971 jusqu'en mai 1981. 

1969 - 1986 Mon onde informatique :

Il y a quelques jours, j’ai rêvé d’un temps où je bossais sur un ordinateur Gamma 10. Sans doute, ce nom ne vous dira-t-il rien et pour cause ? Vous ne serez pas seul(e) dans ce cas, car le Gamma 10 était un ordinateur à cartes perforées de chez Bull qui avait vu le jour en 1963 et sur lequel j’ai commencé à bosser au retour de mon service militaire en avril 1971. Ensuite, une fois éveillé, et de fil en aiguille, ce rêve se transforma en une pensée qui fit son chemin dans ma tête et ce, pendant quelques jours. Ce cheminement, loin d’être simple, fut une longue quête personnelle au cours de laquelle j’essayais de me souvenir de tout ce qui avait pu se passer depuis, dans ce monde incroyable que l’on définit désormais sous le vocable générique d’ « informatique ». En 1971, autant l’avouer ce mot « informatique » n’avait pas du tout la même résonance que de nos jours. Je l’employais certes mais seulement du bout des lèvres car avant tout je considérais qu’il était l’affaire d’ingénieurs spécialisés dans le traitement automatisé de l’information. Je débutais et je n’avais donc pas cette prétention.

1969 - 1986 Mon onde informatique.1969 - 1986 Mon onde informatique.

Portes ouvertes, le dos du Gamma 10 à droite et à gauche sa partie faciale avec le lecteur de cartes. Le logiciel ou programme était enregistré dans la mémoire de l'ordinateur au moyen d'un jeu de cartes, auquel venait parfois s'ajoutait des plots que l'on enfichait ou pas dans un tableau de connexion qu'on appelait le sélecteur d'indices. 

Alors bien sûr, avec cette envie d’écrire qui prend de plus en plus d’ampleur au fil de mon vieillissement, ce désir de laisser quelques petits pans de ma vie, je me suis dit « il faut que tu couches tout ça sur papier ! ». Enfin quand je dis « papier », il faut entendre « ordinateur », « blog » et plus spécialement « Mon Journal Mensuel », ici présent. En effet, je ne garde aucun mauvais souvenir de cette période, qui commence en 1969 et se termine en 1986, même, et vous le verrez, si j’ai connu des périodes très difficiles au cours de mon parcours professionnel. Ces souvenirs, les voici tels qu’ils se sont enchaînés dans ma mémoire il y a quelques jours :

 

Abstraction faite de tout aspect affectif, si je devais retenir deux ou trois mots du dictionnaire ayant marqué ma vie professionnelle, je choisirais incontestablement les mots « informatique, ordinateur et gestion ». Oui l’informatique dite de gestion et les ordinateurs ont accompagné ma vie et je pourrais presque dire bercé. Ma vie professionnelle bien évidemment, mais par voie de conséquence ma vie personnelle également. Si je devais imager cette pensée, je dirais que l’informatique a été une onde sur laquelle j’ai surfé et continue de le faire encore aujourd’hui. Attention, quand je dis « onde », n’y voyait pas une violente vague déferlante qui finalement m’aurait jeté sur les récifs du désenchantement. Non, cette onde serait plutôt un petit mascaret sur lequel je me suis laissé porté, en bossant beaucoup certes, mais selon les opportunités qui se sont présentées au cours de ma vie professionnelle, vie professionnelle quelque peu mouvementée dans la mesure où j’ai changé 16 fois d’employeurs. Ici, dans ce récit, vous ne trouverez que les 5 ou 6 premiers. Si je trouve le temps ou l'envie, les 11 autres feront l'objet d'un autre article.

 1969 - 1986 Mon onde informatique.

Quand ces mots « informatique et ordinateur » sont-ils  venus à mes oreilles pour la première fois ? Je ne m’en souviens plus exactement mais c’était probablement dans les années 1966 à 1968. Où les aurais-je entendu ? Au lycée, où je commençais à apprendre les techniques quantitatives de gestion, préparatoires au « fameux » bac G2 que je devais passer et échouer piteusement en 1969, après mai 68, année fatale pour de nombreux candidats bacheliers ? Auprès de mon frère qui bossait déjà  sur des tabulatrices ; ancêtres des premiers ordinateurs ; dans un bureau marseillais de mécanographie ?  Auprès de mon père, comptable dans une entreprise d’électricité commençant à s’équiper en matériel informatique et où j’avais fait quelques stages d’été ? Je ne sais plus ! La seule chose dont je me souvienne est de m’être inscrit dans une école spécialisée en informatique juste après mon échec au bac. Elle s’appelait B.I.M pour Bureau d’Information pour la Mécanographie. Comme on le voit, le mot « informatique » était là aussi absent même si B.I.M voulait imiter l’immense Big Blue, c'est-à-dire I.B.M au moins dans son sigle. Là, j’ai commencé à m’initier à l’informatique et à un langage de programmation qui s’appelait COBOL (Common Business Oriented Language), langage applicable sur les premiers ordinateurs de la série IBM 360. Cette courte formation attestée par un diplôme de fin d’études allait être le tout premier étrier de ma future vie professionnelle. Il y en a eu bien d’autres ensuite. Nous sommes en novembre 1969. Encouragé par cette première réussite, dans cette discipline d’avenir, je n’avais qu’une seule  idée en tête, m’y engouffrer et m’y accrocher de toutes mes forces. Après des études plutôt ratées, je devais bien ça à mes parents ! Dans l’attente de mon appel sous les drapeaux, je bosse de nuit dans une usine, non pas en informatique, mais directement devant une presse qui fabrique des jouets. C’est l’entreprise Van Ruymbeke. En avril 1970, service militaire oblige, et alors que je devais être pistonner pour partir bosser dans un centre de mécanographie de l’armée de l’air à Aix-Les Milles, première déception car je me retrouve à Solenzara et dans un bureau à remplir des autorisations de permissions pour tous les bidasses. Dans cette base aérienne corse, ni la mécanographie, ni l’informatique ne sont arrivées jusqu’ici et j’en suis réduit à utiliser un stylo Bic le matin et à « glandouiller » le reste du temps. Heureusement, qui dit Solenzara dit soleil, qui dit soleil dit vacances, qui dit vacances dit permissions. La boucle est bouclée car pour moi m’accorder un maximum de permissions est devenu un jeu. Ce jeu dont j’ai pipé les dés se terminera par un blâme directement octroyé par le colonel de la base, colonel qui ne comprendra jamais comment sur 12 mois de service, j’ai pu cumuler plus de 4 mois de permissions ! Heureusement la quille est là et je rejoins mes pénates marseillais. Au final, cette année de service aura été une année perdue même s’il faut bien admettre que j’ai pris du bon temps et que le vie en société, même avec une discipline militaire, reste une expérience bien utile, ne serait-ce qu’au regard de ce qui va m’attendre après. Bien décidé à rattraper ce temps perdu, le 31 mars 1971, je quitte Solenzara avec néanmoins un certificat de bonne conduite qui satisfait mes parents. Pour eux, ce certificat, ajouté à mes fiançailles avec Dany sont les preuves que j’ai mis du plomb dans ma tête. Ils n’ont pas vraiment tort.  

Ci-dessus, photo du diplôme BIM obtenu en novembre 1969. C'est mon premier vrai contact avec le monde de l'informatique et donc l'instant où tout a commencé pour moi.

1969 - 1986 Mon onde informatique.

 

Moins d’un mois plus tard,  le 23 avril exactement, jour de mon anniversaire, (alors je m’en souviens !), me voilà déjà devant mon premier ordinateur entrain de bosser. Le fameux Gamma 10 dont je viens de rêver 47 ans plus tard ! C’est une société d’import-export marseillaise, la société Jean-Pierre Abitbol qui le possède et qui vient de m’embaucher au salaire « mirifique » de 950 francs par mois. Je suis opérateur, ravi de cette position mais bien décidé à tout apprendre de cet ordinateur en un minimum de temps. Je suis d’autant plus ravi qu’or mis le chef d’atelier, je suis le seul homme au milieu de dizaines de jeunes femmes qui font des trous dans des cartes. Opératrices de saisie, c’est leur nom. Je m’entends super bien avec elles. Entre midi et deux nous allons nous baigner sur la jetée près du Fort Saint-Jean ou bien nous nous retrouvons dans un snack tout proche. La vie est belle et j’ai toujours adoré travaillé avec et au milieu de femmes. Côté boulot, ces fameuses cartes perforées vont rythmer mes premières années d’informatique et quand je dis rythmer ce n’est pas un vain mot. En effet, une carte perforée c’est quoi au juste sinon qu’un bout de papier troué qui se déchire au premier tracas venu. Or les risques de tracas, ce n’est pas ce qu’il manque quand à longueur de journée, on utilise de grosses machines dont la principale caractéristique est d’être très mécanique. Perforatrices de cartes ou de saisie, trieuses, interclasseuses puis ordinateur, le parcours d’une carte perforée est semée d’embûches et quand l’embûche arrive c’est bibi qui doit refaire intégralement les cartes à l’aide d’une petite machine manuelle qui s’appelle la P80, "P" pour poinçonneuse et 80 car la carte perforée dispose de 80 colonnes. Quand un gros bourrage se produit, on passe un temps infini à refaire des cartes et ce temps perdu rallonge d’autant les journées de boulot déjà bien trop longues. Ces cartes perforées, le commun des mortels les retrouve plus régulièrement dans les péages autoroutiers jusqu’en 1982.

Ci-dessus, des cartes perforées 80 colonnes telles qu'on les manipulait à l'époque.

Ci-dessous, la fameuse P80 de chez Bull, permettant de refaire les cartes déchirées suite aux nombreux bourrages qui ne manquaient pas de survenir dans le parcours semé d'embûches d'une carte perforée. Cette machine peut se vanter d'avoir été ma complice de nombreuses heures de travail et la souffre-douleur de petites crises d'emportements.

 

1969 - 1986 Mon onde informatique.

Au bout de quelques mois chez Abitbol, et ayant apparemment donné entière satisfaction à tous ceux qui me connaissent, et notamment aux techniciens de chez Bull, devenu Honeywell-Bull depuis peu, ces responsables de la maintenance du Gamma 10 m'informent qu'une société aixoise recherche un pupitreur ayant mon profil pour le mois de juillet. Je leur dis que je suis disposé à bosser sous condition de travailler au noir car je n'ai pas envie d'avoir des soucis avec Jean-Pierre Abitbol. Ils contactent la société en question qui me propose de bosser un mois à ces conditions-là. Il s'agit d'une société de services en informatique qui s’appelle Delta Informatique. Elle est affiliée à un groupe plus important qui s'appelle CASECS, sis à Bordeaux si je me souviens bien. Nous sommes en juillet 1971, j'accepte le job et l'accomplis à la satisfaction de mon employeur car je m'aperçois que l'enveloppe perçue est une peu plus conséquente que celle prévue initialement. Il m'a été octroyé une prime. Pendant plus d'un an, je reste sans nouvelle de Delta Informatique. Chez Abitbol, le job en lui-même n'évolue guère mais la charge de travail s'est nettement amplifiée depuis mon embauche. Après avoir constaté que le chef d'atelier Martinez se repose de plus en plus sur moi, je finis pas râler et obtiens l'embauche d'un autre opérateur pour m'aider. Jean Poggioli, c'est son nom mais je l'appelle Jeannot. Malheureusement après quelques semaines, il n'est pas confirmé à son poste. Je me retrouve de nouveau seul, bosse énormément sans qu'il n'y ait de véritable carotte au bout. Jean-Pierre Abitbol tient l'ensemble du personnel avec des primes qu'il distribue selon son bon vouloir et ses affinités et selon que l'on a été sympa avec lui ou pas. Sympa avec lui, je n'ai jamais trouvé une seule raison de l'être plus que mon naturel m'y conviait. S'il m'arrivait d'avoir des modestes primes, je les devais uniquement à mon travail mais par contre, celles de certaines filles du service de saisie me laissaient pantois, un peu découragé et beaucoup en colère. Ces primes-là n'étaient pas en rapport avec le travail qu'elles accomplissaient. Depuis mon embauche chez lui, j'avais bouquiné tout ce qu’il était possible de lire à propos du Gamma 10. J'avais donc fait d'immenses progrès sur cet ordinateur et si je n'avais pas la prétention de tout connaître, j'avais un double sentiment : celui d'être le dindon de la farce du service informatique, c'est à dire celui qui se tape tout mais n'en tire pas les marrons du feu et celui de végéter. Par bonheur, je suis toujours dans les bons petits papiers des responsables de chez Bull, et mon expérience aussi rapide soit-elle, et mon implication dans le boulot me portent chance. Bingo si j’ose dire ! Apparemment contents de moi, pour le travail fourni en juillet 71, Thibault le chef d’atelier puis Philippe le patron de Delta Informatique me rappellent pour me proposer un job à plein temps comme opérateur - pupitreur. Ils me proposent d’augmenter mon salaire de 50% par rapport à celui que j’ai chez Abitbol et rajoutent les frais de déplacement Marseille - Vauvenargues. A cet agréable salaire vient s’ajouter un job beaucoup plus intéressant sur le plan de la gestion, un cadre de travail agréable car blotti dans une pinède et une équipe bien plus réduite que chez Abitbol me permettant une plus grande autonomie dans mon travail quotidien et dans les décisions à prendre. J’accepte et pars bosser définitivement chez Delta Informatique toujours sur Gamma 10. Je bosse beaucoup, parfois jusqu’à 16 heures par jour mais j’apprends beaucoup aussi, tant en informatique où je me perfectionne au langage de programmation Autocode du Gamma 10, espèce d'Assembleur, qu’en comptabilité et en gestion. J'en profite pour m'initier plus profondément au langage Assembleur de chez IBM. Ici, je m’épanouis dans mon job et pour rien au monde, je n’échangerais ma place. En juin 1973, une querelle pour cause d’incompatibilité d’humeur entre le patron Philippe et le chef d’atelier Thibault entraîne le départ de ce dernier et me voilà propulser au rôle de chef d’exploitation auquel je n’aurais jamais pensé, en tous cas, jamais aussi vite. Mon salaire est revu à la hausse et à 24 ans, voilà déjà que je cotise aux cadres. La clientèle s’étoffe et avec elle mon équipe. Nouveau pupitreur que je forme moi-même, nouvelles opératrices de saisie, nouveau commercial, nouvelle secrétaire, tout ce petit monde fonctionne très bien et je ne trouve que du bonheur dans ce travail informatique de gestion pour lequel je semble fait. En septembre 74, je déménage avec femme et enfant du centre-ville de Marseille à Aix-en-Provence. Nous n'y perdons pas au change entre un appartement pourri au dernier étage dans un vieil immeuble du centre-ville de Marseille pour un appartement coquet et de grand standing dans un beau quartier tranquille d'Aix-en-Provence. L’activité de Delta Informatique ? Réaliser sur ordinateur des comptabilités, des paies et des statistiques en tout genre à partir des informations que nous fournissent des clients c'est-à-dire des cabinets d’expertise comptable, des entreprises et des collectivités. Les nombreux contacts avec les clients me forgent une nouvelle expérience qui me sera très utile bien plus vite que je ne l’aurais pensé au départ.

1969 - 1986 Mon onde informatique. 

Une opératrice de saisie sur une perforatrice de cartes perforées telle que j'en ai vu des dizaines et des dizaines dans tous les ateliers d'informatique où j'ai bossé. 

Début 1975, patatras ! Tout s’effondre d’un coup quand Philippe venant de perdre son père perçoit un gros héritage. C’est ce qu’il nous annonce. Il décide de vivre de ses rentes, de tout balancer et veut rapidement liquider l’entreprise. Etant le plus ancien des salariés, je discutaille ferme avec lui mes conditions de départ. De ces discussions, émerge le deal suivant : il me promet de chercher un repreneur pour sa clientèle et si repreneur il y a, il s’engage à obtenir mon embauche dans le cadre du contrat de cette cession. Je l’aide dans ses recherches, trouve un repreneur mais comme il est très fort commercialement je le laisse négocier. La plupart des clients sont contents, moi aussi et Philippe s’enlève une grosse épine du pied vis-à-vis du syndic chargé de la liquidation de son entreprise. C’est ainsi que de juillet à septembre 1975, je me retrouve dans une nouvelle société de services en informatique qui s’appelle SETECS. Je ne connaîtrais jamais rien de cette société nîmoise, ni les dirigeants, ni les locaux pas plus que la définition de son sigle. Le deal prend néanmoins effet car je bosse dans une autre société qui s’appelle la « Nationale de Traitements Informatiques ou N.T.I, filiale d’un groupe plus important du nom de Natel ». Grosse coïncidence, et alors que mon domicile est désormais à Aix-en-Provence, je me retrouve à travailler à quelques dizaines de mètres de chez Abitbol, c'est-à-dire Quai du Lazaret à Marseille où se trouvent les deux entreprises. J’y retrouve parfois quelques anciennes copines dans le snack de mes débuts. Je bosse là quelques mois mais ma destinée se trouve déjà ailleurs. En effet, dans le deal que m’a proposé N.T.I, il y a une mutation obligée et là j’ai le choix entre Paris, Lille ou Perpignan. Sans hésiter et pour ne pas me retrouver dans la grisaille nordique, je fais le choix de Perpignan et ce, malgré un salaire qui va être moindre. Je m’en fous car je sais déjà que je vais travailler au sein d’une petite équipe sympa ; équipe à laquelle je suis déjà parti rendre visite ; et pas au sein d’un pôle informatique très important comme cela aurait été le cas à Paris ou à Lille.

1969 - 1986 Mon onde informatique. 

La trieuse de chez Bull. Très bruyante, elle permettait de trier les cartes perforées selon un ordre souhaité. Plusieurs passages des mêmes cartes étaient nécessaires avant d'obtenir le classement voulu. On aperçoit à droite le petit tableau permettant de programmer les ordres à donner à la machine. Le tri était binaire puisqu'il s'effectuait selon la présence ou pas du trou dans la carte, les trous étant disposés à des endroits précis sur des lignes et des colonnes de la carte.

Dès juillet 1975, ma petite famille s’installe dans un appartement à Perpignan et moi je n’y débarque qu’au mois d’octobre. C’est le laps de temps qu’il me faut pour basculer la clientèle de Delta Informatique sur d’autres gestionnaires de chez N.T.I Marseille. Ici, à Perpignan, je continue de bosser sur Gamma 10 mais comme analyste - programmeur et beaucoup moins comme opérateur - pupitreur. Le boulot est encore plus gratifiant que chez Delta Informatique car il m’appartient désormais de trouver des solutions informatiques pour de nombreux clients et leur gestion. Et quels clients ! De très gros parfois comme les Poupées Bella, les chaussettes Punto Blanco, la compagnie aérienne Europe Aéro Service, les anchois Papa Falcone, le Groupement Interproducteurs du Cru de Banyuls et bien d’autres caves coopératives vinicoles pour les apports des coopérateurs, des banques, des mairies pour lesquelles nous établissons les listes électorales, des syndics immobiliers pour leurs décomptes de copropriété, j’en passe et j’en oublie. Ces entreprises aux activités si diversifiées sont pour moi le début d’une nouvelle évolution, évolution toujours dans la gestion mais avec des ouvertures évidentes vers de nouveaux horizons qui m’étaient jusque là inconnus. Désormais, je me complais dans un travail d’analyse et de programmation logicielle qui m’était jusque là inconnu lui aussi.

1969 - 1986 Mon onde informatique.

L'interclasseuse de chez Bull. Aussi bruyante, sinon plus que la trieuse, elle permet d'interclasser des jeux de cartes pour parfaire le classement définitif et en faire des paquets lisibles et donc compréhensibles par le programme et l'unité centrale de l'ordinateur. 

Les années passent mais la clientèle et notamment les grosses entreprises commencent à s’équiper avec leur propre matériel informatique. L’agence de Perpignan végète puis régresse en perdant du chiffre d’affaires au fil des ans. Notre vieux commercial Michel-Ange, pas suffisamment formé, est dépassé par les nouvelles techniques et technologies informatiques. N.T.I a disparu depuis longtemps et le Groupe Natel, filiale de la Banque Nationale de Paris, est devenu seul maître à bord de la petite agence perpignanaise. En 1979, on apprend que le Générale de Service Informatique (G.S.I) a fait main basse sur Natel mais les deux entités subsistent pendant quelques années avant leur fusion puis la disparition de Natel dans le milieu des années 80. Dans l'immédiat, les audits et le ingénieurs marseillais se succèdent pour analyser ce qui ne fonctionne pas ici à Perpignan mais le constat est toujours le même : c’est la partie commerciale qui pose problème et non pas la partie technique. Nous sommes au début des années 80 et l’informatique vit ces premières années de grandes accélérations technologiques. Peu à peu, le Gamma 10, grand concurrent de l’IBM 1401 au départ, puis de l’IBM 360 ensuite, devient obsolète. Travailler directement sur du matériel IBM, il me faudra attendre presque 10 ans de plus et ce, malgré deux ou trois stages chez Big Blue à la Défense. 

1969 - 1986 Mon onde informatique. 

En 1981, après la disparition du Gamma 10, me voilà obligé de m'adapter à un ordinateur de nouvelle génération. Le Northern Télecom NT 585. Contrairement au Gamma 10, j'avoue ne pas en garder des souvenirs impérissables, d'abord parce qu'un rôle de chef d'agence et de commercial m'est dévolu, ensuite parce que le travail sur écran et clavier n'a plus rien à voir avec la manipulation des cartes perforées et enfin et surtout parce que l'évolution de l'informatique est telle que l'on passe d'un ordinateur à un autre sans trop de contraintes car piloter un ordinateur c'est comme piloter une voiture.  Finalité : Quand on en a conduit une, on les a toutes conduites y compris quand il s'agit d'une Formule 1 ! 

En 1981, l’agence de Perpignan est d’abord rattachée à celle de Nîmes et non plus à celle de Marseille puis quelques mois plus tard, l’agence de Nîmes est elle-même cédée par le Groupe Natel à son principal client nîmois la Compagnie d'Aménagement du Bas-Rhône et du Languedoc. En juin 1981, Nîmes et Perpignan deviennent le Groupement Informatique du Languedoc (G.I.L SA). Notre équipe est complètement dissoute et mon bien aimé Gamma 10, mes trieuses, mes interclasseuses et autres perforatrices finissent leur vie complètement démantelées seulement bonnes pour un ferrailleur. Au fond de mon jardin, je garde le souvenir de ce démantèlement grâce au socle d'une des trieuses, gros bloc d'acier très épais, qui m'a servi de support à la confection d'un barbecue. En 1981, fini les cartes perforées et adieu à mes ami(e)s Michèle, Christiane(s), Jeannot, Michel-Ange et consorts, tout le monde est licencié sauf mon alter ego René, opérateur – pupitreur, et moi, qui par la même occasion, endosse deux poids supplémentaires, ceux de chef d’agence puis de commercial un an plus tard.  Nouveau job, déménagement dans un nouveau local plus petit, nouvelle gentille secrétaire Christiane, qui malheureusement décédera quelques mois plus tard d’un cancer foudroyant, nouvel ordinateur plus puissant et d’une autre technologie, celle d’un Northern Telecom 585 mais sur lequel il nous faut nous former le plus rapidement possible. Les stages de formation vont se succéder et ça ne va jamais plus s’arrêter tant l’informatique évolue à la vitesse grand « V ». Les journées sont plutôt de 12 à 14 heures que de 8.

1969 - 1986 Mon onde informatique.

Voilà le premier ordinateur personnel qui est entré dans ma maison en 1983. Le Victor 9000 commercialisé parfois sous le nom de Sirius 1. Il m'aide dans mon travail quotidien, dans mes tâches plus personnelles et me sera d'une grande utilité en 1986 dès lors que que je me retrouve sans emploi et contraint de travailler au noir pour quelques clients qui me sont restés fidèles pas nécessité. D'autres P.C suivront après, mais mes enfants se sont initiés au clavier et à l'écran grâce à ce Victor-là !

En 4 ou 5 ans, tout s’emballe dans l’informatique et par voie de conséquence pour moi et mes collègues. Les nouveaux ordinateurs possèdent des écrans et des claviers et fonctionnent avec des performances qui n'ont plus rien à voir avec celles du bon vieux Gamma 10. Unités centrales avec de nouveaux processeurs, mémoires, systèmes d'exploitation, lecteurs de supports magnétiques, tout va toujours plus vite et avec des puissances et des capacités de mémorisation démultipliées. Peu de temps après suivent les ordinateurs personnels avec écran aussi qu’on appele P.C pour Personal Computer puis suivront les micro-ordinateurs. De nombreux langages de programmation ont vu le jour depuis l’Assembleur et le COBOL que j’ai appris à mes débuts, les premières liaisons Transpac que l’on appelle « commutation ou liaison Caducée » permettent les échanges de données par paquets et ce, malgré les kilomètres d’éloignement entre deux ordinateurs, les premiers grands réseaux internes entre ordinateurs se constituent, les premiers ordinateurs spécialisés dans les traitements de texte et les tableurs arrivent aussi et sont très rapidement à la mode, mode que ma hiérarchie n’a pas vu arriver, tout comme les ordinateurs personnels d’ailleurs. Malgré ce gros retard pris au démarrage, la nouvelle mission qui m’est confié par ma hiérarchie nîmoise est d’arriver à vendre un maximum de ces ordinateurs personnels car le travail à façon décline au fil des mois. Les clients s’équipent et la concurrence est très rude. Le retard pris ne se rattrapera jamais. Vendre, je n’aime pas ça ! D’abord on ne s’improvise pas commercial et puis en informatique ça n’a jamais été mon job ! Mes patrons essaient de se donner bonne conscience en m’envoyant faire un petit stage de ventes au Florian Mantione Institut. Je m'en souviens très bien car à l'époque c'était le sympathique Florian Mantione lui même qui assurait la formation. Malgré cela, force est d’avouer que je ne retrouve plus les tâches techniques et les activités que j’ai tant aimées dans ce milieu « informatique ». Le premier ordinateur personnel, un Victor,  entre dans ma maison en 1983 et au fil des ans quelques modèles vont se succéder. Femme et enfants adorent car les premiers jeux ; ping-pong, mur de briques, Vur et j’en passe ; les initient à l’informatique, à l’écran, au clavier et quelques temps plus tard aux premières imprimantes. Je me charge de les initier à tout le reste. Quand je repense à mon boulot de cette période, quelques noms reviennent dans ma tête agréablement. Mon ami René Ciano bien sûr, le plus fidèle de mes acolytes, parti l’an dernier et bien trop jeune à l’âge de 71 ans. Ma gentille secrétaire Françoise avec laquelle je m’entendais si bien. Et puis des noms de marques d’ordinateurs ou de géants de l’informatique comme IBM, Bull bien sûr, mais également Data 100, Sirius, Northern Télécom, Tandy, Texas Instruments, Victor, Hewlett-Packard, Olivetti, Wang, Nixdorf. Des noms de systèmes d’exploitation ou de langages comme MS/DOSBasic, UnixFortran ou Multilog, ce dernier ayant l'avantage énorme de s'écrire en français, des noms de produits ou de logiciels que j’ai vendu ou utilisé comme Sciram, Codim, Sycomore, Sylve, Magie, P1 pour les paies et C1 pour les comptabilités et parmi tous ces noms, j’en oublie certes encore beaucoup. En 1986, tout s’effondre une nouvelle fois. L’agence de Perpignan ferme sans que René et moi soyons licenciés. Nous apprenons qu’un contrat de rattachement a été conclu entre nos deux derniers employeurs et qu’ils se renvoient la balle dans cette obligation qu’ils auraient de nous licencier immédiatement pour raison économique. Là, débute un imbroglio judiciaire de plus de 2 ans entre Natel, G.I.L et nous et la période la plus noire de ma vie professionnelle. Elle se commence d’abord aux prud’hommes (on gagne !), se poursuit devant la cour d’appel (on perd un peu de ce que nous avions gagné !) et se termine à quelques mois de la cour de Cassation quand Natel baisse les bras devant nos demandes d’indemnités, somme toute et toutes sommes raisonnables. C’était bien Natel notre employeur ! Gros problèmes pour René et moi pendant ces années-là, car sans le prononcé d’un licenciement, nous n’aurons jamais droit de nous inscrire au chômage et donc pas d'indemnités ! Pire, retrouver un autre employeur équivaudrait à une démission selon la législation française ! Les Assedic m’accorde néanmoins 3.000 francs que je dois impérativement utiliser au titre d’une formation. Je fais le choix de cours d’anglais et de comptabilité par correspondance auprès du C.N.E.D. Je vis mal cette période si difficile de mon existence mais ayant une femme qui ne travaille que partiellement et deux enfants à élever et à nourrir, il n’est pas question pour moi de m’apitoyer sur mon sort. Quoi qu’il advienne et quelque que soit les difficultés de la situation, je dois retrousser les manches ! Au début, je vis difficilement de mes quelques économies mais ensuite de beaucoup de « black » en dépannant des clients qui me sont restés fidèles par nécessité. Mais leur nécessité étant également la mienne, je dois leur rendre hommage en les citant : Bardes, Bonin, Estève et Belarbi. Là, après cette période noire, se termine ma vie professionnelle dans des sociétés de services en informatique mais je vais néanmoins resté accroché comme une patelle à mes premières amours, c’est à dire à l’informatique de gestion et à la gestion de l’informatique. Là, commence une autre histoire, une autre vie professionnelle que je vous conterais peut être un jour. Elle est beaucoup plus tournée vers la comptabilité, la finance, le social, le fiscal, en un mot vers la « gestion » des entreprises, c'est-à-dire vers tout ce j’ai appris au fil de ces 17 années qui se sont si vite écoulées de 1969 à 1986. Malgré ce changement, l’informatique y demeure omniprésente et c’est ça qui me plaît. Je vais continuer à vivre ma vie professionnelle avec passion. Je vais continuer à surfer sur mon onde car j'ai une famille à assumer et rien ne peut me faire dévier de réussir ce challenge. Sauf que le petit mascaret va rapidement devenir une houle énorme avec des vagues gigantesques qui emportent tout sur leur passage. A cause de ce changement de rythme, je tomberais plusieurs fois de ma planche mais avec ténacité, je m'y agripperais constamment et j'y remonterais à chaque fois et ce jusqu'à ma retraite fin avril 2008. Peu de personnes arrivent à se soustraire à cette vague, et pour cause ! Elle est entrée dans les usages, dans les habitudes, dans les mœurs de tous… Mais avant de vous raconter un jour cette nouvelle histoire, laissez-moi d’abord la rêver !

 

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