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Rêve de pêcheur et pêcheur de rêves.

Publié le par gibirando

Rêve de pêcheur et pêcheur de réves.

Avec le loup de 6,9 kg pêché à la pointe du Cap Béar avec mon ami Emile Lara en avril 1991.

(Les photos peuvent être agrandies en cliquant dessus. 2 fois pour un plein écran)


 

Je ne sais pas vous, mais moi quand je rêve et que je me souviens de celui-ci, c’est le plus souvent imaginaire et rarement ce qui s’est passé dans la vraie vie. C’est d’autant mieux que je cauchemarde assez souvent. Pourtant, voilà quelques jours, j’ai rêvé d’un vieux « rêve vécu ». Par vieux « rêve vécu », il faut entendre un instant mémorable qui est réellement survenu il y a bien longtemps de cela. Voilà cette histoire et donc ce rêve qui a resurgi de mes souvenirs les plus enfouis.

Nous sommes en avril 1991. J’ai 42 ans. Avec mon regretté ami Emile Lara, nous avons décidé d’aller pêcher à la pointe du Cap Béar, côté nord. Plus tout jeune, car il a une belle différence d’âge de plus de 20 ans avec moi, c’est la toute première fois qu’il m’accompagne là-bas. S’il aime bien la pêche, lui est plutôt habitué à une activité moins « sportive » et préfère les bords de plage de Saint-Cyprien ou d’Argelès où les daurades royales ont sa faveur. Ils les pêchent essentiellement aux vers américains, appât déjà bien onéreux à cette époque. Crapahuter du phare du Cap Béar jusqu’à sa pointe puis ensuite descendre sur des rochers escarpés très peu pour lui. Mais aujourd’hui, il semble décidé et il ne peste pas. Il semble même joyeux. Après de violents coups d’est, la mer est en train de se mettre à l’étale. C’est-à-dire qu’elle bouge encore un peu, juste ce qu’il faut car avec une houle très modérée, mais finalement je dirais qu’elle est idéale car pas claire et une peu écumeuse pour la pêche que je pratique. Après nous être rapidement installés, je mets en place 2 cannes, une que je cale à fond avec une demi-sardine comme appât et l’autre que je tiens le plus souvent à la main, avec comme appât ce que l’on appelle une « pelote ». La pelote est une technique de pêche consistant en un mélange de sardines broyés, de farine, de chapelure et de sable fin tamisé. Le tout devient une pâte, compacte de préférence.  Ma pelote à moi étant loin d’être parfaite car trop rapidement réalisée, je rajoute sur l’hameçon un bout de sardine ; le plus souvent pris à un bout de la queue car ça tient mieux. Ce bout de sardine, je l’entoure ensuite le plus fermement possible de ma petite boule de pelote. Je tiens cela de mon beau-père car c’est lui qui m’a donné le virus de la pêche du bord. Emile, lui, ne pêche qu'essentiellement au lancer, toujours avec des vers américains comme appâts. Toutefois connaissant bien les fonds marins, car ici je pratique aussi la chasse sous-marine depuis déjà très longtemps, je lui conseille de ne pas lancer trop loin et surtout de préférence à des endroits bien précis que je lui indique. Ceci avant qu’il n’accroche pas des rochers avec ses lignes, ses plombs ou ses hameçons. Voilà déjà plus d’une heure que nous sommes installés et à part du « menu fretin » style bogues, petites oblades et sarans, rien de bien folichon n’a été sorti de l’eau, ni pour lui, ni pour moi. Puis tout à coup, tout démarre d’un seul coup, pour moi presque essentiellement (Emile prendra un sar de 300gr), et en moins d’une heure avec 4 poissons dont on rêve quand on part pêcher. Le rêve éveillé vient de surgir car sur la balance ces 4 poissons parviendront à un poids total incroyable car exceptionnel de 9,9kg avec un loup (ou bar) de 6,9kg et 3 sars de respectivement 1,3kg, 1kg et 700grs. Les connaisseurs apprécieront. Le bar, lui, nous a donné du fil à retordre, et sans doute que sans la présence de mon ami Emile, je ne l’aurais jamais sorti tout seul. En effet, j’ai immédiatement compris que j’avais à faire à une prise très exceptionnelle car le poisson avait une force phénoménale. Alors entre stress et ce désir de tout faire pour ne pas le perdre, j’ai essayé de garder au maximum mon calme, mais aussi de faire de mon mieux pour le fatiguer le plus possible. L’amenant au plus près du bord avec beaucoup de difficulté, car très batailleur, j’ai ensuite essayé de l’amener au mieux dans l’épuisette qu’Emile tenait. Mais rien ne se passait comme je le voulais car le poisson tirant de toutes ses forces, il replongeait constamment. Finalement, il apparut magnifiquement gros et étincelant en surface, comme bien fatigué mais ce n’était pas vraiment le cas. La lutte dura encore un bon quart d’heure de plus avant qu’il n’abandonne définitivement, conservant quand même d’énormes soubresauts de temps à autre. Soubresauts inquiétants à l’instant de le mettre dans l’épuisette. Alors que je pensais qu’il était bien dans l’épuisette, le manche de celle-ci se cassa par trois fois avant que le poisson ne s’y loge définitivement et soit enfin sorti de l’eau par Emile. Après cette période euphorique et le calme halieutique étant revenu, nous sommes rentrés à la maison, aussi heureux que des poissons dans l’eau.

Rêve de pêcheur et pêcheur de réves. 

Une après-midi rêvée pour une pêche exceptionnelle. 4 poissons (3 sars, 1 loup) et 9,9kg.

Alors certes, je n’ai pas rêvé de tout cela dans le détail mais bien de ces instants incroyables où je me voyais manœuvrer le loup qui n’avait de cesse de monter du fond de l’eau puis de redescendre avec une facilité assez déconcertante car sa puissance et son poids lui facilitaient cette épreuve de force entre lui et moi. Finalement bien éreinté, j’ai vu apparaître en totalité sa masse si moirée, si brillante et si imposante et ce fut pour moi le moment le plus inoubliable de ce rêve comme il l’avait déjà été au cours de cette mémorable journée. J’ai revu mon cher ami Emile, avec mon épuisette télescopique à la main, là, si impatient et si stressé, à attendre que je lui amène le poisson dans le filet, dont le diamètre me paraissait insuffisant au regard de la taille du poisson. Une différence quand même, il n’y eut pas de casse du manche de l’épuisette comme dans la réalité. Pas le temps, mon joli rêve s’est terminé juste avant. Finalement, dans ce rêve, le poisson n’a jamais été sorti de l’eau et c’est bien mieux ainsi, car si batailleur qu’il a été, il méritait sans doute que je le remette à l’eau, même si de le manger cuit au four, farci et entre amis a été aussi un moment inoubliable de convivialité. Rêve de pêcheur, pêcheur de rêves, pas de différence. 

Rêve de pêcheur et pêcheur de réves. 

En 1989, lors d'une partie de pétanque faisant suite à une mémorable cargolade. Avec mon ami Emile ici à droite sur la photo. Je suis à gauche à côté de la charmante Marie, épouse d'Emile. Au centre, mon ami Jacky Fabre en train de lancer sa boule. Il m'avait emmener au pic du Canigou avec des ami(e)s à lui cette année-là. C'était la toute première fois que j'y montais. Il y en aura ensuite 3 autres.

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3 jours à l'hosto...., 3 jours de philosophie ?

Publié le par gibirando

3 jours à l'hosto...., 3 jours de philosophie ?


 

En ce 19 février 2021, jour anniversaire de ma 49eme année de mariage, la veille j’étais rentré à l’hôpital pour une coronarographie, mot presque aussi difficile à prononcer qu’à subir sa technicité dans la réalité. Il s’en est suivi la pose de 3 stents sur des artères coronaires. A presque 72 ans, jamais je n’ai autant pensé à la mort pendant ces 3 jours passés à l’hôpital. Je n’y pensais que par intermittence, mais quand j’y pensais c’était pénible mais pas pour autant toujours difficile à vivre. En réalité, mes pensées variaient selon leur teneur, tantôt sereines tantôt angoissantes. Pourquoi avais-je ces pensées ? J’étais bien incapable d’affirmer quoi que ce soit mais les suppositions, elles ne manquaient pas. La première était que prenant de la bouteille et rencontrant un problème de santé inédit et surtout inattendu, l’addition des deux éléments engendrait ces idées parfois noires, grises le plus souvent et quelquefois sans couleur. Pourtant, ce n’était pas, loin s’en faut, ma première hospitalisation. Non, j’en étais déjà à de très nombreux séjours, et d’ailleurs en les listant dans ma tête, j’essayais de me convaincre que ce n’était qu’un passage supplémentaire : longue hospitalisation dans les années 70 pour laquelle les médecins avaient été hésitants entre une hépatite virale et une leptospirose , opération d’une hernie discale dans les années 90, puis s’en étaient suivies l’ablation de la vésicule biliaire, l’ablation d’une tumeur sur une parotide, la pose en 2015 d’une endoprothèse sur l’aorte et les iliaques à cause de 3 gros anévrismes qui grossissaient au fil des ans et enfin les poses à 6 ans d’intervalles (2014/2020) de lentilles multifocales suite à une cataracte aux deux yeux. Ajoutons à tout ça quelques coloscopies et fibroscopies pour des problèmes digestifs récurrents et deux entrées aux urgences pour des coliques néphrétiques et le « panier de soins » comme on dit de nos jours était déjà très plein. Un panier très difficile à trimballer quand on prend de la bouteille et ce d’autant que la médication, toujours trop chimique, va avec. Toutefois, toutes ces hospitalisations auraient du me conforter dans l’idée que ce passage-là n’était qu’un de plus mais à ces pensées étaient venus s’ajouter le décès de quelques amis qui m’avaient été chers à un instant de ma vie. Amis, très souvent de mon âge, voire plus jeunes que moi,  avec lesquels j’avais fait un bout de chemin plus ou moins long.  Je me disais « Pourquoi sont-ils partis si jeunes et pourquoi moi serais-je à l’abri de la mort ? ». Mon frère aussi était parti très jeune à 46 ans et mon père aussi à 64 ans. « Oui, pourquoi pas moi ? » est presque devenu une idée fixe lors de ces 3 jours à l’hôpital. A ces inquiétudes, venaient également s'additionner le Covid et ces infos récurrentes qui depuis quelques semaines faisaient du virus une maladie hautement nosocomiale. Une véritable explosion des contaminations avait lieu au sein même des hôpitaux affirmaient la plupart des médias. Et malheureusement ces mauvaises nouvelles avaient coïncidé avec mon entrée à l’hosto. Oui, un monceau de pensées négatives allaient et venaient dans ma tête auxquelles s’ajoutaient bien d’autres beaucoup moins « terre à terre » du style : « personne ne t’a jamais rien dit de la mort », « pourquoi n’apprend-t-on rien d’elle à l’école ? », « on aurait pu un peu nous en parler ! », « pourquoi est-ce un sujet que l’on évite d’évoquer aux enfants ? », « Ne rien savoir d’elle, n’est-ce pas la raison principale qui nous la fait appréhender ? ». Je me souvenais que mes parents avaient toujours fait en sorte de nous tenir éloignés des morts et notamment lors des enterrements, le premier auquel j’avais assisté étant celui mon père et j’avais déjà 31 ans.  Finalement, quand les pensées revenaient, le plus difficile était d’être seul, sans personne de la famille pour partager mes angoisses voire pour en parler, tenter de les évacuer pour ne plus y penser. Je me disais aussi « Si je dois partir, j’ai envie au préalable de dire je vous aime » à ma femme, à mes enfants, à mes petits-enfants et à bien d’autres personnes qui me sont chères, proches ou pas. Oui, c’était ça le plus difficile à vivre « ne pas avoir le temps de dire  je t’aime » à ses proches, de dire que j’aime la vie, la Nature et que très souvent tous me le rendent bien. Il me paraissait si indispensable de le dire. Finalement,  la coronarographie se passa tant bien que mal et si l’inquiétude ne disparaissait pas totalement, je m’efforçais de la compenser par des pensées plus positives du style « je me sens encore jeune », « je ne suis pas encore mort », « j’ai encore tellement de choses à voir et à faire », « j’ai envie de surmonter ce problème », « je veux encore profiter de la vie », « j’aime la vie », « je vais aller de mieux en mieux ».

Si les sorties de l’hôpital sont toujours très attendues, celle-là plus que les autres à cause de ces pensées, elle eut un goût tout particulier. Je l’attendais avec beaucoup d’impatience mais quand je me suis retrouvé dehors, je ne retrouvais pas cette bouffée d’air si rafraîchissante que j’avais connue lors de mes sorties précédentes. Le masque anti-Covid que j’avais mis dans ma chambre pour ne l’enlever dès lors que je fus hors de l’hôpital, ôta ce plaisir tout simple d’une grande bouffée d’air qui entre dans la gorge, se transforme en une apnée spontanée et semble irriguer votre être tout entier. Par bonheur, il fut remplacé par la centaine de mètres que je fis en marchant sans trop d’effort, sans souffle court, objet de ce séjour, et puis surtout il fut très vite remplacé par le plaisir de retrouver Dany qui était venue me chercher.

Plusieurs jours plus tard, je n’ai pas totalement cessé de penser à la mort mais beaucoup moins souvent que pendant ces 3 jours à l’hosto, et puis surtout avec moins de crainte car je l’oppose constamment à mon envie de vivre. Oui, à bien y réfléchir ces 3 jours à l’hosto ont été 3 jours d’apprentissage. Un apprentissage de la mort en quelque sorte. Une philosophie. Et quand j’y repense, je sais qu’il y a eu aussi des grands instants d’apaisement. Des instants où si elle était survenue, je l’aurais accueillie avec tourments et questionnements certes mais avec philosophie. Si Platon, Cicéron et Montaigne étaient apparemment d’accord pour affirmer que « philosopher, c’est apprendre à mourir », on peut effectivement philosopher sur le sujet et se dire que réfléchir sur sa mort la rend plus acceptable. J’ai quand même le sentiment que c’est un peu ce que j’ai vécu  lors de ces 3 jours. Si je dois partir, j’ose espérer que mes proches liront un jour ce texte car ils verront combien je les aimais, même si je n'ai pas de doute à ce sujet. Toutefois, je pense que c'est important de partir avec le mot "amour" sur les lèvres. Les nôtres de lèvres et celles de nos proches pour partir pleinement rassuré. Or, je sais que si je meurs ça les rendra malheureux. Qu’ils m’en excusent mais qu’ils sachent aussi qu’ils me retrouveront. Je fais miennes ces quelques lignes très poétiques que j’ai trouvées sur le blog d’une amie. Selon ses dires, elles ont été écrites par une certaine Charlotte Flamand. J’ignore qui elle est mais je la remercie très sincèrement de les avoir écrites et de me les consentir pour clore cette chronique :

« A ceux que j'aime... et ceux qui m'aiment »

Quand je ne serai plus là, relâchez-moi,

Laissez-moi partir,

J’ai tellement de choses à faire et à voir.

Ne pleurez pas en pensant à moi.

Soyez reconnaissants pour les belles années.

Je vous ai donné mon amour et mon amitié.

Vous pouvez seulement deviner

Le bonheur que vous m'avez apporté.

Je vous remercie de l'amour que chacun m'avez démontré.

Maintenant, il est temps de voyager seul.

Pour un court moment vous pouvez avoir de la peine.

La confiance vous apportera réconfort et consolation.

Nous serons séparés pour quelques temps.

Laissez les souvenirs apaiser votre douleur,

Je ne suis pas loin, et la vie continue...

Si vous avez besoin, appelez-moi et je viendrai,

Même si vous ne pouvez me voir ou me toucher, je serai là.

Et si vous écoutez votre cœur, vous éprouverez clairement

La douceur de l'amour que j'apporterai.

Et quand il sera temps pour vous de partir,

Je serai là pour vous accueillir.

Absent de mon corps, présent dans l’Univers.

Je ne suis pas là, je ne dors pas, je ne suis pas mort.

Seul mon corps reste pour retourner en poussière

Et rendre grâce à la Terre.

Je suis les milles vents qui soufflent.

Je suis le scintillement des cristaux de neige.

Je suis la lumière qui traverse les champs de blé.

Je suis la douce pluie d'automne.

Je suis l'éveil des oiseaux dans le calme du matin,

Je suis l'étoile qui brille dans la nuit.

N'allez pas sur ma tombe pour pleurer.

Je suis vivant, simplement, de l’autre côté du miroir,

Dans le monde invisible que vous ne pouvez voir,

Transformé, éternellement vivant.

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Michel S ou une vie sur liste rouge.

Publié le par gibirando


Michel S. ou une vie sur liste rouge. Avec Michel (au centre) et un autre copain (à gauche) en juillet 1967 à la calanque de Sormiou (pour agrandir les photos cliquez dessus)

« J’ai appris au sortir de l’enfance (mais en suis-je vraiment sorti ?) que la vie n’est faite que de rencontres et de séparations.  Rencontrés imposées ou choisies, rencontres planifiées ou imprévisibles, fécondées par l’attirance, le désir ou la nécessité, et séparations nécessaires et indispensables, subies ou décidées , qui vont tricoter les mailles de notre existence aux différents âges de notre vie ».

J’aurais pu écrire ce texte. Certainement un peu moins bien, mais j’aurais pu l’écrire. Non, il n’est pas de moi mais du sociologue Jacques Salomé, extrait de son livre « Je viens de toutes mes enfances ».Michel S. ou une vie sur liste rouge.

 

 Avec Michel (à gauche) et deux autres copains (au centre) en juillet 1967 à la calanque de Sormiou lors d'une partie de pétanque acharnée (pour agrandir la photo cliquez dessus)

Avec Michel S. j’ai tricoté quelles mailles de ma vie. Sinon les plus belles, elles ont été les plus insouciantes en tous cas. Celles de mon enfance et de ma jeunesse.

Il s’appelait Michel S. Nous avions la particularité d’être nés à un jour d’intervalle. Lui le 24 avril et moi le 23 de la même année. C’était mon meilleur ami d’enfance et de jeunesse et je viens d’apprendre qu’il est décédé en mai 2017 à l’âge de 68 ans. Je suis effondré.

 

Michel S. ou une vie sur liste rouge.

A l'été 1967, à la plage du Pin de Galle à Hyères lors d'une sortie avec une bande de potes du quartier. Michel est au 1er rang à droite.

Ce billet que j’écris ici, est à la fois l’histoire d’une séparation définitive mais non choisie et un hommage, car on ne perd pas son meilleur ami d’enfance et de jeunesse sans un immense chagrin. C’est mon cas, et ce même, si je me vois contraint aujourd’hui d’essayer de compter les années qui nous ont si longtemps séparés. Toujours séparés. Avec cet essai de comptage, je ne détricote pas les mailles mais j'essaie de reboucher les trous que le temps, telle une mite sordide,  a réussi à grignoter. Oui, voilà probablement 45 ans au moins mais peut-être 46, que nous nous étions vus pour la toute dernière fois. Quand ? Comment ? Où était-ce exactement ? Je ne m’en souviens plus ! Au lycée ? A un match de foot ? Au bistrot de notre quartier ? En tous cas certainement pas à la calanque de Sormiou où nous avions passé quelques jours de vacances avec un groupe de copains à l’été de 1967 ? Lors de la saison 1967/1968, on se retrouve dans la même équipe de foot au lycée Jean-Perrin. C’est les dernières photos que j’ai de lui. En 1969, je quitte le lycée où nous sommes ensemble. Puis le club de foot où nous jouions également ensemble. Du Sporting Club de Bonneveine, je pars jouer au Racing Club de Marseille. Que fait Michel S ? Continues-t-il à jouer au foot lui aussi ? Je ne m’en souviens plus. Après avoir quitté le lycée, je m’attelle à suivre une formation de programmeur informatique au langage COBOL. Je ne le sais pas encore mais ma vie professionnelle a trouvé sa source. Le 14 juillet 1968, ma vie sentimentale, elle, avait déjà trouvé la sienne sous les jolies traits de Dany, ma future épouse. Que fait Michel S au sortir de la terminale ? Là, encore, je ne m’en souviens plus ? Mais il est fort probable que nous continuons à nous revoir, peut-être moins souvent mais je suis certain que l’on se voit encore. En avril 1970, je pars sous les drapeaux à Solenzara mais mes nombreuses permissions me ramènent presque chaque week-end à mon quartier de la Vieille-Chapelle mais surtout auprès de Dany. Je pense que c’est là que les mailles de nos existences avec Michel commencent à s'interrompre. Pourtant, je ne vais quitter le quartier de la Vieille-Chapelle où nous habitons tous les deux qu’en février 1972 après mon mariage. Ma famille étant nombreuse et les finances de nos parents limitées, je n’ai pas invité d’amis. Quand à mon enterrement de garçon, je me souviens d’une simple tournée générale au bar Mistral que je continuais de fréquenter plus rarement et seulement de temps en temps par passion du billard français. Michel S était-il là ? C’est probable mais pas sûr. Je n’ai pas de photos de cette soirée et la mémoire me fait défaut. Quand il est décédé en 2017, nous serions donc restés 45 ans sans plus nous revoir, peut-être 46 !

Michel au premier plan lors d'une soirée festive mémorable à l'été 1967 au restaurant La Cascade près des Goudes. Au quatrième plan, je parais plutôt sage mais les apparences sont parfois trompeuses car il y avait ce jour-là une super ambiance.

Michel S. ou une vie sur liste rouge.

Si je ne précise pas son nom, ce n’est pas pour une quelconque raison inavouable. Non ! C’est essentiellement par respect à sa mémoire car si je ne l’ai plus jamais revu,  c’est en grande partie au fait que je n’ai jamais su ou pu le retrouver. Oui, cet enfant, ce garçon, cet adolescent puis ce jeune homme que j’avais toujours connu réservé, pour ne pas dire timide ou introverti, n’a jamais été visible sur aucun des « radars » que j’ai pu connaître en 45 ans. Oui, devenu adulte, je ne l’ai jamais trouvé sur aucun bottin, annuaire, archive, fichier, registre, Minitel, réseau social. Et bien sûr jamais sur Internet. Il est vrai que les 300 km qui nous ont constamment séparés n’ont rien arrangé à cette séparation qui en fin de compte est devenue définitive. Finalement, il a fallu qu’il décède et que je le retrouve là où pendant très longtemps je l’avais cherché en vain ces dernières années, c’est-à-dire sur le Net. Mais dans la rubrique nécrologique. Affreux dénouement que jamais je n’avais imaginé possible.

Dans cette quête de le revoir, la seule solution que j’avais trouvée avait été de retourner de temps à autre chez lui quand je partais en vacances à Marseille . Mais là aussi, mes quelques tentatives avaient constamment échoué. Il y avait bien son nom de famille sur la boîte aux lettres où il habitait jadis avec sa mère mais jamais personne ne répondait quand je sonnais à la porte. Sans doute travaillait-il et ne venais-je pas aux bons horaires ?  Voilà ce que je me disais à chaque fois. En septembre 2012 et sans doute parce que je savais déjà que je reviendrais à Marseille bien moins souvent qu’auparavant, j’avais tenté une fois encore de le retrouver et lui avait laissé un petit message de souvenirs et d’amitié dans sa boîte aux lettres. Une nouvelle fois en vain. Ne l’avait-il pas trouvé car il n’habitait plus là ? N’avait-il pas envie de me revoir ?  Constamment, je me suis interrogé à ce propos. Après 2014 et le décès de ma mère, j'ai arrêté d'aller en vacances à Marseille. Les années s’étaient écoulées, continuaient de le faire et j’avais perdu carrément espoir de le revoir un jour. Puis il y a quelques jours, en cherchant de vieux papiers, quelques photos ont refait surface.

Michel S ou une vie sur liste rouge.

Avec l'orchestre de l'école maternelle de la Vieille- Chapelle sans doute lors de l'année 1955/56. Michel est à l'extrême droite et je tape sur le gros tambour.

Michel S. y était en bonne place sur plusieurs d’entre elles. J’ai donc retapé son nom dans « Google recherche » sur mon ordinateur et là ce fut l’anéantissement. Anéantissement d'apprendre son décès et anéantissement de tous mes espoirs de retrouvailles. C’est donc avec 3 ans de retard que je viens d’apprendre cette triste nouvelle. Oui, désormais ma tristesse sera toujours grande quand je penserais à lui. Si pendant toutes ces années, je m’étais très souvent posé d’innombrables questions, elles resurgissaient toutes en même temps. Mais à toutes ces questions, il y en avait une nouvelle, celle de savoir comment il avait bien pu disparaître à 68 ans ? De nos jours, on ne meurt pas de vieillesse à cet âge-là ! Cette nouvelle inconnue rajoutait à mon affliction. Oui, très souvent je m’étais demandé qu’avait-il fait de sa vie ? S’était-il marié ?  Quel genre d’épouse avait-il eu ? Avait-il eu des enfants voire des petits-enfants ? Quel travail avait-il fait, lui qui au lycée avait choisi une orientation à priori bien plus technique que la mienne ? Oui, aujourd’hui, j’ai la pressentiment que je n’aurais jamais plus aucune réponse à toutes ces questions et seuls vont me rester les vieux et beaux souvenirs d’enfance et de jeunesse et quelques photos jaunies où nous étions heureux d’être ensemble :

Michel S. ou une vie sur liste rouge.

 

Au Sporting Club de Bonneveine et dans la même équipe de foot en juniors sans doute lors de la saison 1965/1966.

Nos tout premiers signes d’amitié, nous les avons connus à l’école maternelle de la Vieille-Chapelle puis à celle primaire du Lapin Blanc. Là, nous avons commencé à partager les mêmes pupitres, les mêmes bancs de bois, les mêmes encriers avec cette jolie encre violette dont on remplissait nos cahiers quadrillés. Nous avons partagé les mêmes difficultés à rédiger nos dictées, à retenir nos tables de multiplication ou à trouver les résultats exacts de nos fractions. Finalement, nous étions souvent d’accord, et si fractions ou frictions il y avait entre nous, elles étaient toujours cordiales et finalement notre amitié trouvait les solutions. C’était le cas lors des récrés où l’on se chamaillait vaillamment mais sans méchanceté aucune la grosseur et le contenu nos sacs de billes respectifs, les petites figurines de cow-boys et d’indiens, les « Majorettes » et les bandes dessinées comme Kiwi ou Blek le Roc. Oui entre nous, c’était les échanges qui primaient.  Puis nous avons grandi.  Si nos collèges ou lycées respectifs nous avaient quelque peu éloignés au niveau des études secondaires, le cinéma de la rue des Goumiers, les juke-box et les parties de flippers et de billards au bar Mistral et le foot au Sporting Club de Bonneveine avaient fini par conforter cette très longue amitié indéfectible. C’est donc tout naturellement que nous nous sommes retrouvés avec beaucoup de  plaisir au lycée Jean Perrin, lui en filière T1 et moi en G2. Malgré des classes différentes, c’est encore le foot qui continuait de nous rapprocher. On s’entendait super bien à tous points de vue même s’il faut reconnaître qu’il était bien plus sérieux que moi dans les études. Pourtant, chaque récréation ou la moindre pause étaient l’occasion de matches acharnés en petit groupe de copains sur les terrains de hand. J’aimais bien joué avec lui, car de petit gabarit ,  il était bon technicien et excellent dribbleur.

Avec l'équipe du lycée Jean Perrin lors de l'année 1967/1968, championne des Bouches du Rhône Universitaire et finaliste de l'Académie Aix-Marseille.

Michel S. ou une vie sur liste rouge.

C’est ainsi que l’on s’est retrouvé tout naturellement dans la même équipe championne Universitaire de l’Académie Aix-Marseille en 1968. Je me souviens qu’avec son aspect plutôt frêle, et craignant un peu trop les contacts et les coups,  il acceptait mal le fait d’être sur le banc comme remplaçant. Il ne s’en confiait qu’à moi ne laissant rien paraître auprès des autres partenaires, joueurs ou entraîneur. Oui, je me souviens de lui comme quelqu’un qui était constamment dans la retenue, pas vraiment timide, ni avec personne, ni avec les potes, ni avec les filles, mais discret et mesuré dans tout ce qu’il entreprenait ou disait. Je ne me souviens pas avoir eu la moindre anicroche avec lui car il était toujours d’humeur égale. Enfin, il était comme ça avec moi. Oui, même sans jamais plus l’avoir revu, j’ai toujours imaginé que sa vie était à cette image-là que j’avais eu de lui étant jeune, d’une grande discrétion et d’une gentillesse à toute épreuve. Son incroyable absence dans tous les supports de communications et ma constante difficulté à le retrouver avant son décès ont fini pas prouver que j’avais eu sans doute raison de penser à lui ainsi. Oui, il avait fait de sa vie une liste rouge, et si je ne l’ai jamais revu, c’est peut-être parce qu’il avait voulu tirer un trait sur son enfance et sa jeunesse ? Je ne sais pas. Je me souviens très bien de sa mère et de sa sœur, mais de son père il n’en parlait jamais. Je n’ai jamais rien su à ce sujet, mais c’est vrai que ma discrétion naturelle a peut-être contribué à cette part d’ombre chez lui. Comme l’a écrit Jacques Prévert « il y a des adultes qui jamais n’ont été des enfants ». Michel S, quel enfant et quel homme a-t-il été au juste ? Je n’aurais jamais la réponse à cette question pas plus qu’aux autres sans doute ? Une certitude demeure dans ma tête et dans coeur : « il restera à jamais mon meilleur ami d’enfance et de jeunesse ! ».

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Jean-Claude et la cruelle injustice.

Publié le par gibirando

(Cette photo est un montage sorti tout droit de mon imagination)

Il y a quelques jours, mais tout à fait par hasard, je suis tombé sur le site Internet d’un jeu vidéo s’intitulant « l’Injustice ou les Dieux sont parmi nous ».  Un jeu qui consiste à faire entretuer de colossaux héros du style Batman, Superman, Wonder Woman, Flash, pour ne citer que les plus connus. J’ai trouvé ce titre plutôt étrange car même si je ne crois pas en Dieu ou en un dieu, il me paraît assez aberrant qu’il puisse y avoir une divinité au dessus de nous et des injustices en même temp. Sinon ce dieu ou ces dieux que l’on dit parfois tout puissants à quoi servent-ils ? Que font-ils ? Pourquoi ne font-ils rien pour empêcher ces injustices ? Ce jeu, je ne le connais pas, mais un titre comme « L’Injustice ou les dieux ne sont pas parmi nous » ou bien encore « l’Injustice ou les diables sont parmi nous » m’auraient mieux convenus. Ici, bien sûr, je ne parle pas de l’injustice des hommes, le plus souvent incontrôlable et motivée par de vils instincts ou de basses motivations.   Non, je parle de celle qu’on appelle plus communément la malchance, le malheur, la malédiction ou la fatalité. Or, cette fatalité, elle vient encore de frapper un de mes meilleurs amis et ce jour-là, malheureusement aucun dieu n’était avec lui.

Jean-Claude, je l’ai connu il y a deux années environ au petit village d’Urbanya. Avec son épouse Nicole, Jean-Claude arrivait tout droit de Nancy et s’était, tout comme moi, aussitôt amouraché pour ce minuscule village du Haut-Conflent. Jean-Claude venait d’avoir 60 ans. Il avait tout abandonné dans le nord pour venir vivre dans le sud une retraite paisible dans ce bourg perdu qu’est Urbanya. Jean-Claude avait acheté une jolie demeure de village, mais comme toutes les maisons de ce coin-là, elle nécessitait une ample restauration. Jean-Claude s’était attelé à cette tâche avec une volonté farouche et un courage exemplaire et cette année, il était quasiment arrivé aux bouts de ses peines. Son petit coin de paradis était complètement rénové et très confortable. Enfin, Jean-Claude avait fait tout ce qu’il fallait pour vivre ici à Urbanya, toute l’année et jusqu’à la fin de ses jours. L’hiver, il était désormais certain qu’il y ferait chaud et l’été, la maison avec ses murs très épais serait naturellement plus fraîche.  Parallèlement à la maison, Jean-Claude avait acheté dans le bas du village, un grand terrain en friches en bordure de la rivière. Immédiatement et avec l’aide de Nicole, il s’était mis à cultiver un immense potager. Le champ était si vaste que finalement, il s’était équipé d’un petit tracteur et avait investi dans un grand « pick-up », beaucoup plus pratique à conduire sur les routes et les pistes de montagnes. Dans son champ, Jean-Claude cultivait des pommes de terres et toutes sortes de légumes ainsi que des arbres fruitiers déjà présents sur le terrain. Comme ils l’avaient fait avec nous, Jean-Claude et Nicole s’étaient très vite liés d’amitié avec la quasi-totalité de ses voisins et des habitants du village qu’ils soient résidents permanents ou secondaires comme nous le sommes nous-mêmes. Sans vouloir être péjoratif, Jean-Claude et Nicole sont ce qu’on appelle de vrais braves gens. Des gens simples et chaleureux. Plus familièrement, je dirais qu’ils ont la main sur le cœur et des gens généreux comme eux, j’avoue en avoir très peu connu au cours de ma vie. Toujours prêts à rendre service, à donner un coup de mains aux uns et aux autres, à distribuer allègrement les légumes et les fruits qu’ils ramassaient laborieusement dans leur grand potager. Jean-Claude avait même proposé de cultiver un autre grand champ, se trouvant à côté du sien, qu’un propriétaire avait laissé en jachère depuis de longues années. Il avait proposé de s’en occuper à charge de partager le fruit de son labeur. Evidemment, le propriétaire avait accepté cette offre plus que correcte et qui ne lui coûtait rien, pas même les semis ni l’eau que Jean-Claude pompait dans la rivière. D’ailleurs, quand je rencontrais Jean-Claude, je le trouvais plus souvent occupé à prodiguer un service à quelqu’un qu’à ses propres travaux. Jean-Claude ne savait pas dire non et quand moi-même, j’avais évoqué l’idée de poser une gouttière dans ma maison, il m’avait spontanément proposé son aide avant même que je le lui demande. Jean-Claude était ainsi, un gentil garçon d’une serviabilité exemplaire. Moi, je m’étais lié d’amitié avec lui car outre les qualités que je viens de citer, Jean-Claude n’était pas un chasseur et nous avions quelques « atomes crochus » sur ce plan-là. Jean-Claude aimait les animaux et la nature en général et de ce fait, nous ne pouvions que nous entendre. A la mort de son lapin qui s’était fait piquer à la gorge par une guêpe, plusieurs personnes l’avaient vu pleurer. Voilà, Jean-Claude était ainsi, tendre, affectif, affable, attachant et d’une gentillesse absolue. Un vrai chic type.

Jean-Claude n’est pas mort et si je parle de lui au passé c’est parce qu’il ne pourra plus jamais être le même homme que j’ai connu auparavant. Là, je parle de sa vaillance, de son ardeur, de sa générosité, et de cette qualité magnifique qu’il avait de dire « oui » à tout le monde. Le 11 juillet, Jean-Claude a fait un terrible accident vasculaire cérébral. Un A.V.C comme on dit plus couramment. Un grand trou noir qui l’a d’abord plongé dans un coma d’où il est ressorti presque par miracle. Le deuxième. Le premier miracle s’est qu’il s’en soit sorti grâce à l’hélicoptère qui était venu le chercher de toute urgence à Urbanya. Sans ce moyen de secours ultra rapide, Jean-Claude ne serait sans doute plus de ce monde. Quand l’occasion m’a été offerte d’aller voir Jean-Claude, il était déjà sorti de l’hôpital et était au Barcarès en rééducation dans une clinique. Entre-temps, il avait déjà fait quelques allers-retours entre les deux car il avait failli mourir d’une pneumopathie. Quand je l’ai vu, physiquement il n’était plus le même homme que j’avais connu auparavant. Paralysé sur tout le côté droit, c’était ce que l’on appelle avec inhumanité un « légume », une personne très handicapée. Allongé dans son lit, il était immobile, il ne bougeait plus aucun membre ou si peu. Son menton reposait sur son cou et sa tête tombait de ses épaules comme un fruit trop mur prêt à choir. Son œil droit était fermé et le gauche était tout en bas de l’orbite. Ses lèvres tombaient et sa bouche n’était qu’un vilain rictus. Il parlait avec beaucoup de difficultés et avait « décollé » de nombreux kilos sans doute à cause d’une alimentation exclusivement ingurgitée par perfusion au travers d’une poche gastrique. Parmi ses paroles la plupart inintelligibles, nous avions néanmoins compris que Jean-Claude se souvenait de tout et de nous. Les larmes aux yeux, il évoquait son état de fatigue et le trou noir dans lequel il était tombé en ce 11 juillet. Ce trou noir, il s’en souvenait parfaitement mais l’on sentait bien que pour lui tout ce qui s’était passé ce jour-là restait incompréhensible. Avec le grand cœur qui était le sien et qui avait résisté à cette terrible détresse, il n’imaginait pas que l’accumulation de fatigue avait pu jouer un mauvais tour à son cerveau. En nous regardant, il disait Gilbert et Dany pour démontrer qu’il se souvenait de nous et se prouvait à lui-même qu’il n’avait pas perdu la raison. A mon tour, j’ai eu les larmes au yeux car si une personne ne méritait pas de se retrouver dans cet état c’était bien le gentil Jean-Claude. C’était très injuste et je dirais même inadmissible. De cette image de Jean-Claude, j’en ai fait des cauchemars car je n’arrivais pas à me faire à cette idée. Je n’acceptais pas cette cruelle injustice. Pour moi, le sort de Jean-Claude était inacceptable. Intolérable.

Il y a quelques jours, j’ai revu Jean-Claude pour la deuxième fois et il était beaucoup mieux. Trois semaines s’étaient écoulées. Sa tête et son buste étaient droits. Il bougeait légèrement ses jambes. Il bougeait également ses bras y compris le droit ainsi que ses mains. Les paroles étaient toujours aussi difficilement intelligibles mais il semblait parler avec beaucoup plus d’aisance et en tous cas, les mots sortaient plus facilement de sa bouche. Si j’éprouvais des difficultés à déchiffrer tout ce qu’il me disait, sa femme et ses filles semblaient parfaitement le comprendre. Il a même téléphoné à l’une d’elle avec le portable. Il ouvrait son œil droit mais le gauche était toujours dans la même position. Il paraissait souffrir de la violence des rayons du soleil et n’ouvrait qu’un œil ou l’autre alternativement. Pour l’alimentation, il avait toujours la poche gastrique. Il réclamait à boire en riant et dans la foulée, il se mettait à pleurer en entendant la voix de sa fille au téléphone. Malgré tout ça et en trois semaines, Jean-Claude avait à coup sûr fait d’énormes progrès. Nous l’avons assis dans un fauteuil roulant et nous sommes tous partis le promener. J’étais très content de balader Jean-Claude même si cette action m’aurait semblé impensable et complètement saugrenue trois mois auparavant. Il avait l’air heureux. Enfin, quand je dis heureux c’est autant qu’on peut l’être quand on est conscient d’une telle situation. En tous cas, il semblait être heureux d’être avec sa femme et sa fille et aussi avec nous peut-être. J’ai la faiblesse de le penser.

Dans cette phase de rééducation qui va sans doute être très longue, Jean-Claude fera encore de nombreux progrès. Jean-Claude renaîtra à la vie. A une vie certes différente de celle qu’il a connue jusqu’à présent mais à une vie nouvelle quand même. En tous cas et même si je ne crois pas qu’il y ait un dieu tout puissant sur cette terre, je vais prier pour ça. Jean-Claude le mérite car c’est un chic type et quelque soit l’homme qu’il sera dans le futur et quoi qu’il arrive, je sais qu’il le restera.

 

Quand je le regarde, je me dis que la vie est belle mais fragile et qu’il faut profiter des instants présents.

 

Voilà, à travers ce billet, je voulais rendre hommage à mon ami Jean-Claude que la malédiction vient de frapper si injustement et si cruellement.

 

Oui, je crois que j’ai raison, la vraie injustice c’est bien qu’il n’y ait aucun dieu parmi nous.

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