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jeunesse

Michel S ou une vie sur liste rouge.

Publié le par gibirando


Michel S. ou une vie sur liste rouge. Avec Michel (au centre) et un autre copain (à gauche) en juillet 1967 à la calanque de Sormiou (pour agrandir les photos cliquez dessus)

« J’ai appris au sortir de l’enfance (mais en suis-je vraiment sorti ?) que la vie n’est faite que de rencontres et de séparations.  Rencontrés imposées ou choisies, rencontres planifiées ou imprévisibles, fécondées par l’attirance, le désir ou la nécessité, et séparations nécessaires et indispensables, subies ou décidées , qui vont tricoter les mailles de notre existence aux différents âges de notre vie ».

J’aurais pu écrire ce texte. Certainement un peu moins bien, mais j’aurais pu l’écrire. Non, il n’est pas de moi mais du sociologue Jacques Salomé, extrait de son livre « Je viens de toutes mes enfances ».Michel S. ou une vie sur liste rouge.

 

 Avec Michel (à gauche) et deux autres copains (au centre) en juillet 1967 à la calanque de Sormiou lors d'une partie de pétanque acharnée (pour agrandir la photo cliquez dessus)

Avec Michel S. j’ai tricoté quelles mailles de ma vie. Sinon les plus belles, elles ont été les plus insouciantes en tous cas. Celles de mon enfance et de ma jeunesse.

Il s’appelait Michel S. Nous avions la particularité d’être nés à un jour d’intervalle. Lui le 24 avril et moi le 23 de la même année. C’était mon meilleur ami d’enfance et de jeunesse et je viens d’apprendre qu’il est décédé en mai 2017 à l’âge de 68 ans. Je suis effondré.

 

Michel S. ou une vie sur liste rouge.

A l'été 1967, à la plage du Pin de Galle à Hyères lors d'une sortie avec une bande de potes du quartier. Michel est au 1er rang à droite.

Ce billet que j’écris ici, est à la fois l’histoire d’une séparation définitive mais non choisie et un hommage, car on ne perd pas son meilleur ami d’enfance et de jeunesse sans un immense chagrin. C’est mon cas, et ce même, si je me vois contraint aujourd’hui d’essayer de compter les années qui nous ont si longtemps séparés. Toujours séparés. Avec cet essai de comptage, je ne détricote pas les mailles mais j'essaie de reboucher les trous que le temps, telle une mite sordide,  a réussi à grignoter. Oui, voilà probablement 45 ans au moins mais peut-être 46, que nous nous étions vus pour la toute dernière fois. Quand ? Comment ? Où était-ce exactement ? Je ne m’en souviens plus ! Au lycée ? A un match de foot ? Au bistrot de notre quartier ? En tous cas certainement pas à la calanque de Sormiou où nous avions passé quelques jours de vacances avec un groupe de copains à l’été de 1967 ? Lors de la saison 1967/1968, on se retrouve dans la même équipe de foot au lycée Jean-Perrin. C’est les dernières photos que j’ai de lui. En 1969, je quitte le lycée où nous sommes ensemble. Puis le club de foot où nous jouions également ensemble. Du Sporting Club de Bonneveine, je pars jouer au Racing Club de Marseille. Que fait Michel S ? Continues-t-il à jouer au foot lui aussi ? Je ne m’en souviens plus. Après avoir quitté le lycée, je m’attelle à suivre une formation de programmeur informatique au langage COBOL. Je ne le sais pas encore mais ma vie professionnelle a trouvé sa source. Le 14 juillet 1968, ma vie sentimentale, elle, avait déjà trouvé la sienne sous les jolies traits de Dany, ma future épouse. Que fait Michel S au sortir de la terminale ? Là, encore, je ne m’en souviens plus ? Mais il est fort probable que nous continuons à nous revoir, peut-être moins souvent mais je suis certain que l’on se voit encore. En avril 1970, je pars sous les drapeaux à Solenzara mais mes nombreuses permissions me ramènent presque chaque week-end à mon quartier de la Vieille-Chapelle mais surtout auprès de Dany. Je pense que c’est là que les mailles de nos existences avec Michel commencent à s'interrompre. Pourtant, je ne vais quitter le quartier de la Vieille-Chapelle où nous habitons tous les deux qu’en février 1972 après mon mariage. Ma famille étant nombreuse et les finances de nos parents limitées, je n’ai pas invité d’amis. Quand à mon enterrement de garçon, je me souviens d’une simple tournée générale au bar Mistral que je continuais de fréquenter plus rarement et seulement de temps en temps par passion du billard français. Michel S était-il là ? C’est probable mais pas sûr. Je n’ai pas de photos de cette soirée et la mémoire me fait défaut. Quand il est décédé en 2017, nous serions donc restés 45 ans sans plus nous revoir, peut-être 46 !

Michel au premier plan lors d'une soirée festive mémorable à l'été 1967 au restaurant La Cascade près des Goudes. Au quatrième plan, je parais plutôt sage mais les apparences sont parfois trompeuses car il y avait ce jour-là une super ambiance.

Michel S. ou une vie sur liste rouge.

Si je ne précise pas son nom, ce n’est pas pour une quelconque raison inavouable. Non ! C’est essentiellement par respect à sa mémoire car si je ne l’ai plus jamais revu,  c’est en grande partie au fait que je n’ai jamais su ou pu le retrouver. Oui, cet enfant, ce garçon, cet adolescent puis ce jeune homme que j’avais toujours connu réservé, pour ne pas dire timide ou introverti, n’a jamais été visible sur aucun des « radars » que j’ai pu connaître en 45 ans. Oui, devenu adulte, je ne l’ai jamais trouvé sur aucun bottin, annuaire, archive, fichier, registre, Minitel, réseau social. Et bien sûr jamais sur Internet. Il est vrai que les 300 km qui nous ont constamment séparés n’ont rien arrangé à cette séparation qui en fin de compte est devenue définitive. Finalement, il a fallu qu’il décède et que je le retrouve là où pendant très longtemps je l’avais cherché en vain ces dernières années, c’est-à-dire sur le Net. Mais dans la rubrique nécrologique. Affreux dénouement que jamais je n’avais imaginé possible.

Dans cette quête de le revoir, la seule solution que j’avais trouvée avait été de retourner de temps à autre chez lui quand je partais en vacances à Marseille . Mais là aussi, mes quelques tentatives avaient constamment échoué. Il y avait bien son nom de famille sur la boîte aux lettres où il habitait jadis avec sa mère mais jamais personne ne répondait quand je sonnais à la porte. Sans doute travaillait-il et ne venais-je pas aux bons horaires ?  Voilà ce que je me disais à chaque fois. En septembre 2012 et sans doute parce que je savais déjà que je reviendrais à Marseille bien moins souvent qu’auparavant, j’avais tenté une fois encore de le retrouver et lui avait laissé un petit message de souvenirs et d’amitié dans sa boîte aux lettres. Une nouvelle fois en vain. Ne l’avait-il pas trouvé car il n’habitait plus là ? N’avait-il pas envie de me revoir ?  Constamment, je me suis interrogé à ce propos. Après 2014 et le décès de ma mère, j'ai arrêté d'aller en vacances à Marseille. Les années s’étaient écoulées, continuaient de le faire et j’avais perdu carrément espoir de le revoir un jour. Puis il y a quelques jours, en cherchant de vieux papiers, quelques photos ont refait surface.

Michel S ou une vie sur liste rouge.

Avec l'orchestre de l'école maternelle de la Vieille- Chapelle sans doute lors de l'année 1955/56. Michel est à l'extrême droite et je tape sur le gros tambour.

Michel S. y était en bonne place sur plusieurs d’entre elles. J’ai donc retapé son nom dans « Google recherche » sur mon ordinateur et là ce fut l’anéantissement. Anéantissement d'apprendre son décès et anéantissement de tous mes espoirs de retrouvailles. C’est donc avec 3 ans de retard que je viens d’apprendre cette triste nouvelle. Oui, désormais ma tristesse sera toujours grande quand je penserais à lui. Si pendant toutes ces années, je m’étais très souvent posé d’innombrables questions, elles resurgissaient toutes en même temps. Mais à toutes ces questions, il y en avait une nouvelle, celle de savoir comment il avait bien pu disparaître à 68 ans ? De nos jours, on ne meurt pas de vieillesse à cet âge-là ! Cette nouvelle inconnue rajoutait à mon affliction. Oui, très souvent je m’étais demandé qu’avait-il fait de sa vie ? S’était-il marié ?  Quel genre d’épouse avait-il eu ? Avait-il eu des enfants voire des petits-enfants ? Quel travail avait-il fait, lui qui au lycée avait choisi une orientation à priori bien plus technique que la mienne ? Oui, aujourd’hui, j’ai la pressentiment que je n’aurais jamais plus aucune réponse à toutes ces questions et seuls vont me rester les vieux et beaux souvenirs d’enfance et de jeunesse et quelques photos jaunies où nous étions heureux d’être ensemble :

Michel S. ou une vie sur liste rouge.

 

Au Sporting Club de Bonneveine et dans la même équipe de foot en juniors sans doute lors de la saison 1965/1966.

Nos tout premiers signes d’amitié, nous les avons connus à l’école maternelle de la Vieille-Chapelle puis à celle primaire du Lapin Blanc. Là, nous avons commencé à partager les mêmes pupitres, les mêmes bancs de bois, les mêmes encriers avec cette jolie encre violette dont on remplissait nos cahiers quadrillés. Nous avons partagé les mêmes difficultés à rédiger nos dictées, à retenir nos tables de multiplication ou à trouver les résultats exacts de nos fractions. Finalement, nous étions souvent d’accord, et si fractions ou frictions il y avait entre nous, elles étaient toujours cordiales et finalement notre amitié trouvait les solutions. C’était le cas lors des récrés où l’on se chamaillait vaillamment mais sans méchanceté aucune la grosseur et le contenu nos sacs de billes respectifs, les petites figurines de cow-boys et d’indiens, les « Majorettes » et les bandes dessinées comme Kiwi ou Blek le Roc. Oui entre nous, c’était les échanges qui primaient.  Puis nous avons grandi.  Si nos collèges ou lycées respectifs nous avaient quelque peu éloignés au niveau des études secondaires, le cinéma de la rue des Goumiers, les juke-box et les parties de flippers et de billards au bar Mistral et le foot au Sporting Club de Bonneveine avaient fini par conforter cette très longue amitié indéfectible. C’est donc tout naturellement que nous nous sommes retrouvés avec beaucoup de  plaisir au lycée Jean Perrin, lui en filière T1 et moi en G2. Malgré des classes différentes, c’est encore le foot qui continuait de nous rapprocher. On s’entendait super bien à tous points de vue même s’il faut reconnaître qu’il était bien plus sérieux que moi dans les études. Pourtant, chaque récréation ou la moindre pause étaient l’occasion de matches acharnés en petit groupe de copains sur les terrains de hand. J’aimais bien joué avec lui, car de petit gabarit ,  il était bon technicien et excellent dribbleur.

Avec l'équipe du lycée Jean Perrin lors de l'année 1967/1968, championne des Bouches du Rhône Universitaire et finaliste de l'Académie Aix-Marseille.

Michel S. ou une vie sur liste rouge.

C’est ainsi que l’on s’est retrouvé tout naturellement dans la même équipe championne Universitaire de l’Académie Aix-Marseille en 1968. Je me souviens qu’avec son aspect plutôt frêle, et craignant un peu trop les contacts et les coups,  il acceptait mal le fait d’être sur le banc comme remplaçant. Il ne s’en confiait qu’à moi ne laissant rien paraître auprès des autres partenaires, joueurs ou entraîneur. Oui, je me souviens de lui comme quelqu’un qui était constamment dans la retenue, pas vraiment timide, ni avec personne, ni avec les potes, ni avec les filles, mais discret et mesuré dans tout ce qu’il entreprenait ou disait. Je ne me souviens pas avoir eu la moindre anicroche avec lui car il était toujours d’humeur égale. Enfin, il était comme ça avec moi. Oui, même sans jamais plus l’avoir revu, j’ai toujours imaginé que sa vie était à cette image-là que j’avais eu de lui étant jeune, d’une grande discrétion et d’une gentillesse à toute épreuve. Son incroyable absence dans tous les supports de communications et ma constante difficulté à le retrouver avant son décès ont fini pas prouver que j’avais eu sans doute raison de penser à lui ainsi. Oui, il avait fait de sa vie une liste rouge, et si je ne l’ai jamais revu, c’est peut-être parce qu’il avait voulu tirer un trait sur son enfance et sa jeunesse ? Je ne sais pas. Je me souviens très bien de sa mère et de sa sœur, mais de son père il n’en parlait jamais. Je n’ai jamais rien su à ce sujet, mais c’est vrai que ma discrétion naturelle a peut-être contribué à cette part d’ombre chez lui. Comme l’a écrit Jacques Prévert « il y a des adultes qui jamais n’ont été des enfants ». Michel S, quel enfant et quel homme a-t-il été au juste ? Je n’aurais jamais la réponse à cette question pas plus qu’aux autres sans doute ? Une certitude demeure dans ma tête et dans coeur : « il restera à jamais mon meilleur ami d’enfance et de jeunesse ! ».

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Mai 1968....des pavés sous la plage.....

Publié le par gibirando

Si j’ai intitulé cette chronique « Mai 1968….des pavés sous la plage » c’est bien sûr pour être dans la dérision d’un des plus emblématiques slogans de cette période qui était « Sous les pavés, la plage ! ». L’Histoire raconte que lors de l’élévation des premières barricades à l’aide des pavés qu’ils avaient sous leurs pieds, les étudiants de mai 68 avaient constaté que ces derniers étaient posés sur un lit de sable. Ce célèbre slogan dont plusieurs personnes s’attribuent la paternité est rapidement devenu le symbole de cette liberté à laquelle de nombreux jeunes étudiants et lycéens aspiraient. Je n’ai jamais abondé à ces événements, sans doute par un manque certain de maturité sociétale, sauf que pour moi, la plage était bien réelle…..

Mai 1968....des pavés sous la plage.....

Mon bulletin de notes de l'année scolaire 1967/1968. Notez l'absence de toutes annotations pour le 3eme trimestre suite aux événements de mai. Cliquez dessus pour agrandir la photo.

Mai 1968. Je viens d’avoir 19 ans. Je suis en Première G2 au lycée Jean Perrin de Marseille. Lycée technique d’Etat comme indiqué solennellement sur mes relevés de notes peu folichons. En G2, nouveau bac créé l’année même,  on est censé apprendre les « pompeuses » techniques quantitatives de gestion, c'est-à-dire de la comptabilité, de l’économie, du droit et de la mécanographie mais on en est encore à « se taper » du Napoléon Bonaparte à longueur d’Histoire avec un prof corse et de la compo française et de la philo avec une prof si jeune et si superbe que l’on ne peut pas croire une seule seconde qu’elle ait pu s’intéresser à des doctrines aussi soporifiques que la métaphysique ou l’existentialisme. Force est de reconnaître que je ne suis pas en avance dans ma scolarité. En avance sur rien d’ailleurs. J’ai déjà redoublé deux fois et ça n’a pas changé grand-chose à mon indolence quasi totale pour les études. Je suis un doux rêveur qui ne se réveille que dans l’eau lors des parties de chasse sous-marine.  Je suis un insouciant nonchalant qui ne se soucie que des matches de foot auxquels il participe activement. Voilà les seules disciplines qui me conviennent et me plaisent et je pourrais y consacrer des journées entières. C’est d’ailleurs ce que je fais. Chasse sous-marine aléatoirement mais foot aux récréations, foot entre midi et deux, foot le dimanche avec mon nouveau club, le Racing Club de Marseille, où mon équipe n’arrête plus de gravir les échelons et les divisions d’année en années, foot le jeudi au lycée où l’équipe 2 à laquelle j’appartiens brille plus que l’équipe 1. Foot le soir aux entraînements. Au foot, et contrairement aux études, les résultats sont au rendez-vous et ils me remplissent de joies. Champion de Marseille puis vice - champion d’académie universitaire avec le lycée, champion de Provence avec mon club du Racing.  Oui, comme le dit assez souvent mon père « je suis un imbécile heureux » !

Mai 1968....des pavés sous la plage..... 

En 1968, avec l'équipe de foot du lycée Jean Perrin championne universitaire de Marseille. Je suis debout et le second à droite.

Alors en mai 68 quand le « carnaval révolutionnaire (*) » arrive, je n’y comprends rien. Avec les copains et pour faire comme eux, je pars participer à une manifestation dans le centre ville de Marseille mais je comprends très vite que je ne comprends rien à toutes ces revendications gaucho-marxistes. Si je voulais blaguer et encore pas trop, je dirais que le seul « marxisme » que je connaisse est celui des Marx Brothers. Celui-ci me fait tordre de rire et le vrai m’indiffère. Il faut dire que je connais nettement mieux Groucho que Karl.  Je finis par comprendre que la plupart des étudiants sont comme moi mais suivent le mouvement beaucoup moins par conviction que pour suivre une mode. La mode est à la contestation et contester c’est d’abord ériger des barricades avec tout et n’importe quoi puis balancer des pavés sur les flics. La lutte soi-disant des classes c’est d’abord la lutte loin des classes scolaires pour un maximum de lycéens branleurs dont je fais partie.  Mais moi, je déteste toutes formes de violences. Je suis peut-être bête mais pas méchant pour un sou.  Pas question pour moi de lancer le moindre pavé en direction de quelqu’un.  Je n’ai pas reçu cette éducation. Je suis aussi engoncé dans l’armure du manifestant que dans le blazer en flanelle de l’étudiant premier de la classe. Je préfère nettement le short de foot voire le maillot de bain. La politique ne m’a jamais vraiment intéressée quand à une liberté qui m’aurait éventuellement échappée, je cherche encore laquelle. Voilà déjà 3 ans que je loge chez ma grand-mère et j’ai acquis une autonomie qui suffit amplement à mon bonheur. Avec les filles, je suis conscient d’être en retard aussi, même si je flirte assez régulièrement. Les expressions « libération sexuelle » et « amour libre » ne sont pas encore arrivées à mes oreilles. Deux ans auparavant, à Juan-les-Pins, j’ai eu une relation sexuelle avec une anglaise au doux prénom de Rosemary mais l’occasion de renouveler cette expérience « majeure » ne sait jamais réellement présentée mêmes si certains flirts un peu trop chauds se terminent en un « ruissellement » involontaire mais toujours spasmodiquement agréable.  Avec l’éducation plutôt puritaine et rigoriste que j’avais reçue, et même si la religion en était exempte, il ne pouvait pas en être autrement. Loin de moi l’idée d’avoir une relation sexuelle qui aurait débouché sur la naissance d’un mioche. Je ne compte plus le nombre de fois où à ce propos notre mère nous avait mis en garde mon frère Daniel et moi. Elle nous avait mis en garde mais au niveau pédagogie zéro. Nous étions des garçons et il était normal que l’on se débrouille tous seuls sur ce plan-là. Se débrouiller, c’était d’abord faire un blocage. Alors je me débrouillais mais avec les filles ça n’allait jamais plus loin qu’un flirt bouillant.

 

En mai, quand les cours commencent à être supprimés, je suis le plus souvent à la plage de la Pointe-Rouge. Bains de soleil et bains de mer rythment mes journées. Il faut y rajouter les parties acharnées de billards et de flippers au Bar Mistral de la Vieille-Chapelle. Au bar Mistral, je fais la connaissance d’une gentille Evelyne. Elle bosse dans une usine de jouets, la société Van Ruymbeke (**), où j’ai moi-même mes entrées pour y avoir fait un court remplacement à la demande d’un copain. Evelyne est un peu boulotte mais elle me plaît bien. En plus comme tous les copains y courent derrière, je me décide à la draguer aussi et ce d’autant que je la sens plutôt difficile à atteindre. Ce n’est pas pour me déplaire. Il faut dire que je ne l’ai toujours vu qu’habillée dans sa tenue austère de « manutentionnaire (**) » et force est de reconnaître que son charme est tout autre quand elle revêt son bikini. Dans cette minuscule tenue dévoilant tous ses attraits, elle présente un tout autre intérêt pour le jeune homme que je suis. Force est de reconnaître que mes copains sont plus clairvoyants que moi quand il s’agit d'observer une fille habillée. Je comprends assez vite que je ne lui déplais pas, alors un soir, je me décide à aller l’attendre à la sortie de l’usine.  Elle apprécie cette présence et comme il n’est que 17 heures, nous filons aussi sec à la plage. Nous y flirtons puis pour faire le galant je la raccompagne chez elle. Ce scénario se répète plusieurs jours mais quand je la raccompagne, je n’insiste jamais pour entrer chez elle. Il faut dire qu’elle loge chez sa sœur beaucoup plus âgée qu’elle et qui n’a pas l’air très commode. Finalement, j’apprends que sa sœur est censée veiller sur elle. Evelyne a des principes fixés par sa sœur qu’elle suit à la lettre. Boulot obligatoire la journée mais pas de sortie nocturne et seulement des flirts en cachette de sa soeur. Sa liberté s’arrête là et par la force des choses la mienne aussi. Nous flirtons une dizaine de jours sur la plage mais son contrat de travail à l’usine se finit fin mai. Evelyne rentre chez elle dans la région bordelaise et ainsi se termine notre courte mais « ardente » passion.

Mai 1968....des pavés sous la plage..... 

Le Tim-Bird, l'oiseau volant de chez Van Ruymbeke.

Le mois de juin est déjà là. Je loge toujours chez ma grand-mère et je ne passe chez mes parents que pour regarder les Shadoks à la télé. J’adore ces petits oiseaux si déjantés même si j’ai une nette préférence pour les Gibis dont je vais garder longtemps ce patronyme comme surnom de Gilbert. C’est dire si mes passages sont courts car une émission des Shadoks ne dure que quelques minutes. Ma mère n’apprécie guère cette rapidité. D’un autre côté, elle est déjà bien occupée avec ma sœur, qui a 3 ans de moins que moi mais qui n’a pas attendu mai 68 pour être déjà bien éveillée. Dans les rues, les manifestations s’essoufflent un peu, mais les cours du lycée continuent d’être perturbés. Tout le monde considère que l’année scolaire est terminée. Je ne vais qu’au lycée le matin et encore pas tous les jours, plus pour me montrer et jouer au foot avec les copains que pour participer aux rares leçons. D’ailleurs quand le bulletin de notes tombe, le 3eme trimestre est vide de toutes annotations. De ce bulletin, et malgré un « pourrait réussir » de l’avis du conseil de classes dans mes notes générales de compositions, mon père ne retiendra que les aspects négatifs : une nette dégradation dans le travail, la conduite et le classement général. Le tout étant couronné d’un sévère avertissement du dirlo qui aura pour effet de le faire sortir de ses gongs.  Fini le logement chez ma grand-mère, fini le foot à l’école, fini les permissions de minuit et l’obligation d’aller bosser avec lui une partie de l’été. Il me fixe un objectif : obtenir mon bac l’année suivante.

Mai 1968....des pavés sous la plage.....

Bulletin de notes des compositions de 1967/68/69. Il faut noter un encourageant "pourrait réussir" de l'avis du conseil de classe.

Ce printemps 1968, qui aura été celui de la libération pour bon nombre de mes camarades, se termine pour moi bourré d’entraves. Hors de question de contredire mon père et puis rappelons-nous que la majorité est encore à 21 ans.

 

Oui, il y avait bien des pavés sous la plage…..ceux de mon père mais pas pour longtemps…..

 

Le 14 juillet 1968, mes entraves se brisent à jamais…..Elle se prénomme Danièle mais tout le monde l’appelle Dany……et voilà bientôt 50 ans que nous nous aimons !

 

Mai 68 ne m’aura servi à rien, sauf à comprendre, mais bien plus tard, que j’ai reçu une sévère mais bonne éducation parentale. Quand à l’éducation scolaire, elle n’a toujours dépendu que de moi et ce, malgré les efforts incommensurables de ma mère pour qu’ils ne soient pas pires qu’ils n’aient été. L’année scolaire 68/69 ne sera pas celle escomptée par mon père. Il a mis son veto sur le foot au lycée et je loupe la finale du championnat de France universitaire. Dans ma tête, voilà le seul résultat qui me trouble et m’obsède. Je lui en ai longtemps voulu. Passable est le mot qui revient le plus souvent sur mon dernier bulletin de notes. Fiasco complet au bac malgré une moyenne dans toutes les matières mais avec un 4 ½ en compta coefficient  6 qui m’ôte toute chance de bénéficier de l’oral de rattrapage. J’ai pour moi les excuses que l’étude de cas proposée n’avait jamais été mise au programme de l’année et qu’en 1968, les bacs G avaient été distribués comme des petits pains. Je reste convaincu que 1969 était la plus mauvaise année pour passer et réussir son bac. En tous cas, pour le bac G2 c’est l’année de rattrapage des erreurs éducatives de 1968. J’ai 20 ans et trop c’est trop. J’arrête là ma scolarité obligatoire « publique » pour une voie que j’estime plus concrète et plus captivante. D’août à novembre, je m’accroche comme un malade à des cours de programmation Cobol sur ordinateur IBM et j’en obtiens assez facilement le diplôme. Ma voie professionnelle commence ici. Elle est toute tracée et j’ai choisi l’informatique, discipline moderne s’il en est. Ma vie tout court aussi d’ailleurs est toute tracée. Grâce à Dany et à l’amour que l’on se porte, j’ai eu un déclic. Celui de vouloir faire quelque chose d’intéressant de ma vie même sans le bac. Mon bac c’est elle et il m’a aidé à traverser bien des flots impétueux…Oui, la vie n’est pas un long fleuve tranquille et Mai 68 n’a jamais rien changé à cette maxime. Quand je regarde derrière moi, autant l'avouer, je ne regrette pas cette non-participation à ce "Carnaval gaucho révolutionnaire". Qu'en est-il sorti ? Une idéologie faite de laxisme et de pertes de repères, d'absence totale de toute autorité, de culture de l'excuse, de dénigrement de notre passé quel qu'il soit, d'effondrement de nos valeurs les plus fondamentales comme le mariage, le civisme, la culture française et l'éducation, j'en passe et des meilleures. Oui, je crois bien que Mai 68 a été un poison si toxique qu'on en subit encore les conséquences les plus terribles de nos jours avec une société insécuritaire où l'ensauvagement de la société est devenu le quotidien.

Oui de mai 68, je ne veux garder que le bon !

L’année 1968 est à jamais gravée dans ma mémoire pour toutes les raisons que je viens d’invoquer mais le jour le plus important reste ce 14 juillet où j’ai rencontré Dany. Voilà la principale raison qui a fait que j’ai eu envie de m’en souvenir 50 ans après.

Mai 1968....des pavés sous la plage..... 

Dany, peu de temps après notre rencontre.

Si les pavés des barricades de mai 68 ont été ensevelis dans l’indifférence générale, ceux de ma plage ont été emportés par un raz de marée…..Il avait pour nom « Amour » ! Amour pour Dany. Amour de bien faire. Amour de réussir. Amour de la vie. Amour tout simplement……

 

(*) Carnaval révolutionnaire : Cette expression est du sociologue et philosophe Raymond Aron. Elle figure dans son livre de réfléxions "La révolution introuvable" paru en 1968 à propos des événements de mai. J'aime bien cette expression car elle réflète magnifiquement l'impression que j'ai eu lors de la seule manifestation à laquelle j'ai participée, celle d'un carnaval.

(**) La société Van Ruymbeke est une société marseillaise qui fabrique des jouets depuis la fin des années 60. Elle est connue pour avoir inventé et fabriqué le "Tim Bird", un oiseau assez extraordinaire qui vole à l'aide d'un élastique. Il se vend encore de nos jours en des milliers d'exemplaires même si depuis d'autres modèles hautement plus performants ont été inventés par cette même famille.  Moi, j'y ai surtout bossé la nuit au cours de l'année 1970 en qualité de manutentionnaire-presseur. J'étais chargé d'une presse composée d'un moule où les pièces des jouets étaient fabriquées par injection de granulés de plastiques qui fondaient sous une très forte chaleur. Evelyne, elle, était chargée du montage des pièces pour obtenir le produit fini. Outre le "Tim Bird", on y fabriquait un pistolet qui tirait des petites billes rouges. Après recherche, il s'avère que plusieurs modèles de ce pistolet sont encore présents sur le marché du jouet, toujours fabriqués par la société marseillaise.

 

 

 

 

 

 

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Le blues de Sormiou....ou le blues de la calanque bleue....

Publié le par gibirando

 
Grâce au miracle du montage photos, 50 années séparent ces 2 clichés tous deux pris au sommet de Tarzan dans la calanque de Sormiou

Dans mon Journal Mensuel et mes randonnées expliquées, j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer la calanque de Sormiou et certains souvenirs d’enfance et de jeunesse que je gardais au plus profond de ma mémoire. Des souvenirs le plus souvent très heureux car la plupart du temps, c’était le temps des vacances et de l’insouciance. Qualité ou défaut, allez savoir ? Insouciance qui chez moi était assez immense pour ne pas dire démesurée. En novembre 2014 puis en mars 2015, j’ai également évoqué la mort de ma mère dans Mon Journal Mensuel. Avec son départ, une immense page de ma vie s’est tournée. Aujourd’hui, une autre page est entrain de se tourner car ma mère était locataire d’un petit cabanon dans la merveilleuse calanque de Sormiou près de Marseille. Un privilège me diront la plupart d’entre-vous en lisant cet article. Sans doute. Mais à titre personnel, j’ai pris la décision irréversible de me désister de cette location tout en espérant que les autres héritiers de ma famille conserveront ce bien encore très longtemps et surtout que les plus jeunes d’entre-eux auront le désir et le goût de l’aménager et de l’améliorer pour le rendre moins contraignant. Ce cabanon, il faut que je vous en raconte l’histoire. Mes grands-parents paternels et mon père occupaient déjà un cabanon au dessus du petit port. Ce cabanon, je l’ai un peu connu mais en ne gardant que de lointains et fugaces souvenirs car je n’avais que 3 ans quand on l’a quitté. Ce cabanon qui n’était constitué que d’une seule pièce et d’une terrasse était occupé par plusieurs familles et il en était sans doute ainsi depuis le début du 20eme siècle. Mes parents m’ont toujours dit qu’il était très inconfortable car il n’y avait pas de lit mais de simples couchettes et sous la tête, ils mettaient des jambins (**) ou des gireliers (*) en guise d’oreillers. Le 26 juin  1952, le cabanon devenant sans doute trop petit pour toutes ces familles qui s’agrandissaient au fil des ans, Madame Bonnegrâce de Cannolles, la propriétaire, plus connue à Marseille et dans le monde des arts sous le nom de Marie de Sormiou autorisa mon père Louis a construire un cabanon sur un terrain qui lui avait été alloué, juste à côté du plus vieux cabanon construit en dur, le Castelsarran, élevé en 1850. Avec ce terrain, nous avions beaucoup de chance car il était situé au beau milieu du chemin entre le port et la plage avec une vue très ample et très belle sur la calanque.  Ce cabanon fut construit entre 1952 et 1953 par mon père mais surtout sous les directives et avec l’aide et l’expérience de mon grand-père Benoît - Gabriel dont c’était le métier car il était maçon. Pendant 15 ans, c'est-à-dire jusqu’en 1967 toute ma famille occupa ce cabanon gracieusement puis à partir de la 16eme année, mon père devint véritablement locataire. C’était le deal qui avait signé entre la comtesse Marie de Sormiou et mon père. Le deuxième deal, bien qu’écrit nulle part, est que le cabanon revienne à l’héritier survivant et quand mon père est décédé en 1980, tout naturellement ma mère devint la locataire naturelle et légitime. Aujourd’hui, c’est notre tour et nous sommes trois à hériter de ce cabanon familial : ma sœur Nicole, mon neveu Pascal et moi. Moi, si j’ai décidé de jeter l’éponge, c’est pour un tas de raisons. Ces raisons sont-elles bonnes ou mauvaises, je ne sais pas ? En tous cas, ce sont les miennes. En lisant le début de cet article, vous avez bien compris qu’à Sormiou, j’y suis pratiquement né, en tous cas, j’ai commencé à y venir dans un couffin porté par mon père et ma mère qui venaient à pied depuis Mazargues par le Vallon des Escourtines. Plus tard et pendant de longues années, nous y sommes venus à pied depuis le quartier de la Vieille-Chapelle, en passant par le Roy d’Espagne et la Cayolle et avant même que la route soit plus large et bitumée.  Alors Sormiou, j’ y ai passé toute mon enfance et toute ma jeunesse. J’y ai connu mes vrais premiers copains et mes toutes premières copines, mes premiers flirts puis j’ai fait connaître la calanque à ma fiancée Dany, qui est devenue ma femme en 1972.  Nous y avons connu nos premières vraies galipettes que bien évidemment nous faisions en cachette de nos parents respectifs et bien avant le mariage. J’y ai passé la quasi-totalité de mes vacances et cela depuis 65 ans. Je ne me souviens pas ne pas y avoir passé au moins une semaine par an. Enfant, j’y ai connu les bonheurs des fêtes très animées des 14 juillet et des 15 août, les parties de belote, de pétanque, de volley-ball ou de tennis de table acharnées, les balades pédestres quand nous partions sur les crêtes ou vers le cap ou la calanque de Morgiou avec une bande de copains et de copines.  Les parties familiales coriaces au jeu du « bouchon », au cours desquelles oncles et tantes étaient chargées de désigner les perdants c’est à dire les cousins et les cousines que seraient de corvée pour aller jeter la « tinette » à la mer. Les joies de la pêche en bateau avec mon père, mon frère, mes cousins et avec des amis. Les pêches très traditionnelles comme celles des gireliers, de la traîne aux maquereaux ou bien encore celle des rusclets (***) ou celles au fanal où nous attrapions oursins et esquinades, plus communément appelées araignées de mer. Les nuits d’été, nous partions avec mon père pour poser les jambins et nous en profitions pour saisir dans les trous quelques gros fioupélans, gros crabes verruqueux aux pinces impressionnantes. Dès que j’ai commencé à savoir nager, j’ai eu un fusil harpon dans les mains, petit et peu puissant au début, mais c’est ainsi que j’ai acquis la passion de la chasse sous-marine.  De cette manière, j’ai passé maintes et maintes années à ramener des poissons au cabanon. Je passais le plus clair de mon temps avec palmes, masque et tuba, restant parfois jusqu’à 7 heures la tête dans l’eau et très souvent quel que soit l’état de la mer. Quand il y avait trop de poissons, j’en donnais à la famille ou à des amis. Quand ce n’était pas le bateau, c’était la plage avec Dany et les enfants. Plus tard, je les emmenais moi aussi sur les crêtes. Ma vie est passée ainsi et habitant loin de Marseille, Sormiou a toujours été là, dans mon cœur et dans mes pensées. Avant ma retraite, j’avais même idéalisé une existence presque à plein temps à Sormiou mais j’ai eu rapidement conscience que ce ne pouvait pas être une vie tant le manque de confort y était flagrant.  Dany a toujours accepté d’aller y passer les vacances même si je sais que très souvent elle aurait préféré partir un peu ailleurs. De ce fait, à Sormiou, mes enfants ont quasiment eu le même parcours que le mien même si au fil des années, les choses ont beaucoup évoluées pour ne pas dire changées. Changées en mal, c’est en tous cas le regard que j’en ai personnellement aujourd’hui, même si l’évolution que je considère négative a été lente.  La petite calanque quasi privée et d’un calme olympien, lieu de villégiature de quelques « privilégiés » est devenue un lieu de visite bruyant et saturé par une population locale pas toujours « clean » et non locale de plus en plus envahissante. En effet, alors que pendant très longtemps, l’accès de la calanque a été limité en raison des risques d’incendie très importants, depuis quelques années des milliers de touristes affluent de tous horizons en quête de merveilles. Quoi de plus normal me direz-vous ? Oui, effectivement mais les risques d’incendie sont toujours là et la moindre étincelle en plein été se transformera sans doute en un véritable cauchemar infernal pour des milliers de gens. Voilà, cette ruée incontrôlée est un des points qui me fait regretter le passé et qui fait désormais de ce petit coin de paradis un lieu assez démoniaque en été. Certains disent que c’était inéluctable et je le pense aussi, tout en le regrettant quand même. En effet, depuis quelques années, le soir et assez souvent la nuit, la calanque est devenue le lieu de rassemblement de bruyants énergumènes et malheureusement il n’y a personne sur place pour faire la police. Bon, tout ça, Dany et moi nous serions encore prêts à l’accepter mais bien d’autres contraintes nous sont devenues insupportables car bien trop lourdes. A Sormiou, il n’y a pas d’électricité et pas d’eau courante. L’eau de pluie doit être pompée dans une citerne. Voilà d’autres contraintes dont on a perdu l’habitude et dont on souffre aussi en prenant de la bouteille. Le cabinet de toilette est très spartiate et est planté depuis toujours au beau milieu de la cave et ça malgré diverses requêtes auprès du gestionnaire de la location pour en changer l’emplacement. Pour changer tout ça, il faudrait investir, faire des travaux et j’avoue que je n’en ai plus la force ni l’envie. Tous les deux jours, on doit monter à Marseille pour faire des courses et quand on revient à la calanque, le parking est très souvent archibondé par des voitures de toutes provenances. Difficile à imaginer et à croire quand on sait qu’il faut un laissez-passer pour accéder à la calanque et un autocollant pour se garer gratuitement sur le parking. Comment font-ils tous ces visiteurs ? Mystère mais surtout magouille et laxisme ! Une fois sur deux, le petit chemin menant au port et que l’on doit emprunter pour se rendre au cabanon est fermé. Ce n’est pas la bonne heure, nous dit-on en passant devant le garde ! Là, quand on a le bonheur de trouver une place de parking pas trop éloignée, on est obligé de se trimballer les courses et c’est donc plusieurs allées et venues avec de gros sacs, des packs d’eau quand ce n’est pas avec la bouteille de gaz du frigo, de la cuisinière ou du barbecue que l’on est obligé de changer régulièrement et parfois chaque semaine. Alors c’est vrai, le manque de confort nous en souffrons en prenant de l’âge. L’été nous avons trop chaud et nous dormons mal. Les lits ne sont pas suffisamment confortables et il faudrait changer tous les matelas. Le soir, les moustiques nous dévorent et il est très difficile de rester dans un transat pour bouquiner ou bien de faire une simple partie de cartes. Le débroussaillage obligatoire chaque printemps, la réfection et l’entretien du cabanon que l’on doit assumer, tout ça c’est devenu trop pesant pour moi et pour Dany et aujourd’hui, l’on aspire à un peu plus de tranquillité, de quiétude et de plaisir quand on envisage de prendre des vacances. A tout ça, sont venus se greffer ces dernières années, de nombreux tracas et pannes avec les deux derniers bateaux que nous avons détenu en commun avec mon neveu Pascal et mon fils Jérôme. Des bateaux bien trop gros avec de lourds moteurs, que personnellement je trouvais inadaptés à la calanque où il n’y a pas de réparateur sur place.   Or, à Sormiou quand je n’ai pas de bateau je m’ennuie. Là-bas, ma vie estivale tourne autour de ça et quand ce n’est pas la pêche, j’aime m’adonner à la randonnée pédestre. Or désormais, toutes ces activités sont réglementées, parfois très limitées voire interdites depuis que la calanque a été inscrite dans le Parc National des Calanques crée en avril 2012. De ce parc, il y aurait également beaucoup à dire mais en tous cas, il est pour moi synonyme d’entraves supplémentaires. Ce parc,  qui à l’origine est sensé faire la part belle à la protection de l’environnement, de la nature et donc du patrimoine est en réalité orchestré pour attirer de plus en plus de touristes. Que dire des centaines de bateaux qui viennent mouiller à quelques mètres du rivage détruisant ainsi et à tout jamais et à longueur de temps, les herbiers de posidonies ? Parmi ces centaines de bateaux, de très nombreux jettent par-dessus bord, leurs excréments et leurs ordures ménagères. Je l’ai vu de mes propres yeux.  Que dire également des eaux usées qui se déversent à longueur d’années par les égouts de Cortiou ? Que dire des boues rouges, résidus toxiques de bauxite, que les industriels d’Altéo, ex-Péchiney, rejettent depuis 1966 dans le canyon sous-marin de Cassidaigne ? Que dire des « promène-couillons » pour lesquels on élabore de larges chenaux pour qu’ils puissent venir et manoeuvrer au plus près du rivage pour satisfaire des touristes de plus en plus nombreux, des professionnels de la promenade en mer de plus en plus prolifiques et donc des intérêts économiques de plus en plus élevés ? C’est ça que l’on appelle le développement durable ? Si l’on ne peut être que favorable à la protection de la nature, voilà quelques points noirs que le parc national devra un jour résoudre s’il veut véritablement défendre et surtout préserver faune et flore terrestre et marine comme il le prétend. Enfin, il faut l’espérer mais personnellement je doute que ça change un jour. Pendant ce temps et comme c’est beaucoup plus facile, on a ôté aux cabanoniers des pans entiers de leurs ancestrales traditions : limitation dans la façon de pêcher, interdiction de certaines pêches traditionnelles et de certains lieux, de chasser dans les collines, de sortir des sentiers balisés, de nager hors des espaces prévus à cet effet, d’allumer un barbecue même homologué, de mouiller en bateau à certains endroits, j’en passe et des meilleurs, etc….. Voilà d’autres contraintes et entraves à mon bien-être et à celui de nombreux cabanoniers. Quand je parlais d’évolution et de changements, il faut reconnaître que ce n’est pas toujours les « bonnes » évolutions et les « bons » changements que l’on a privilégiés à travers ce parc des calanques. Ajoutons à tout ça que les loyers flambent et flamberont de plus et plus et je vais fermer cet article avec l’espoir que toutes ces contraintes ne freineront pas les ardeurs des autres héritiers à conserver le plus longtemps possible ce cabanon familial. Moi, aujourd’hui je suis triste, triste d’arrêter la location de ce cabanon à cause de toutes ces contraintes bien trop lourdes pour moi et j’espère que de là-haut mon père et mon grand-père ne m’en voudront pas trop, eux qui ont durement trimé pour le construire. Ils fabriquaient leurs propres briques avec le sable de la sablière se trouvant juste devant le Château. Triste de cette évolution écœurante où l’on voit bien que le fric est devenu le seul nerf de la guerre au détriment d’une prétendue écologie. Triste de savoir que je ne verrais plus ou en tous cas beaucoup moins ce petit paradis bleu, blanc et vert que « les Treize amis, très amis » (****) avaient choisi comme lieu de leurs détentes hebdomadaires et où personnellement, j’ai passé les plus belles vacances de ma vie. Triste de ne plus voir mes enfants et mes petits-enfants se baigner dans cette mer turquoise et patauger sur le sable fin de la plage. Enfin plus globalement très triste de tourner une autre page essentielle de mon existence. Un seul bon point à toutes ces tristesses et ce n’est pas le moindre, je verrais beaucoup moins le quai où mon frère Daniel est tombé pour l’éternité en cet horrible 18 juillet 1992. Il revenait tout simplement d’une partie de pêche nocturne et il venait d’avoir 46 ans.

 

Il semble que je ne sois pas le seul à avoir le blues de Sormiou…..et même le Journal Le Monde s’en était déjà fait l’écho en 2009…..

(*) girelier : petite nasse en osier avec une entrée en forme d'entonnoir pour pêcher des girelles, petits poissons parfois très colorés. 

(**) jambins : grande nasse de fabrication identique à celle du girelier permettant de capturer des poulpes, des congres, des murènes et certains crustacés.

(***) rusclet ou rusquet : Encore appelé "bouchon marseillais", le rusquet est un bouchan de liège armé d'hameçons que le pêcheur laisse dériver à la surface dans l'attente qu'un poisson accepte de venir manger le leurre en général du pain rassis. Les poissons les plus friands sont la saupe, le muge ou mulet, l'oblade et la bogue.

(****) Treize amis, très amis : En 1904, un groupe de 13 amis du quartier de Mazargues à Marseille décide de se retrouver à Sormiou chaque fin de semaine pour passer de bons moments ensemble. C'est ainsi dit-on que démarre l'esprit des cabanoniers des différentes calanques, esprit des lieux qui perdure encore de nos jours. 

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Un p'tit bouquet de roses

Publié le par gibirando


Comme je l’ai déjà fait à quelques reprises dans mon Journal Mensuel, avec par exemple un sujet sur ce héros de 14/18 que fut mon grand-père paternel, ou bien encore dans un article de juillet 2012 que j’avais intitulé « le petit chien de porcelaine », je vais une fois encore évoquer une courte tranche de ma vie, en l'occurence ici une "bonne" tranche de ma jeunesse. Ce petit bout de ma jeunesse, je l’ai appelé « un p’tit bouquet de roses » et vous allez comprendre pourquoi.

Il a commencé en septembre 1965 alors que j’avais 16 ans et s’est terminé trois ans plus tard, en juillet 1968 exactement. En 1965, j’entamais à peine ma 3eme au collège de la Grande-Bastide dans le quartier de Mazargues à Marseille et cette année-là a été la première année au cours de laquelle j’ai réellement commencé à flirter et donc à embrasser des filles sur la bouche. Eh bien oui que voulez-vous, je n’étais pas vraiment en avance, ni dans ma scolarité car j’avais redoublé deux classes à l’école primaire ni sur mon temps. En effet, or mis un p’tit bisou sur la bouche à une copine de la maternelle puis quelques autres au cinéma avec une amie du quartier qui n’étaient pas restés inoubliables malgré mon désir de faire comme certains héros de mes westerns préférés, je m’étais presque toujours tenu éloigné des filles sans trop savoir pourquoi. Sans doute à cause de mon goût immodéré pour le sport car l’été, c’était la chasse sous-marine à Sormiou et le reste de l’année, le foot au Sporting Club de Bonneveine mais également au lycée. Mais revenons vers mon « p’tit bouquet de roses » qui d’ailleurs vous le verrez, n’est pas si garni que ça. Au départ, j’ai surtout flirté pour faire comme certains copains et ne pas passer à leurs yeux pour un « loser » et j’ai donc eu mon vrai premier béguin avec une jolie jeune fille du collège d’à côté. Elle était très brune et s’appelait Rosa mais tout le monde l’appelait Rosy. Rosy avec un patronyme à consonance ibérique comme Perez, Martinez ou Sanchez ou peut-être même Garcia, enfin je ne me souviens plus très bien mais elle était vraiment espagnole surtout dans son regard qui était très noir. Voilà, je venais de cueillir ma première rose pour mon p’tit bouquet. Ce premier flirt dura le temps que dure les roses puis il se termina et un second vînt prendre le relais presque dans la foulée de cette première rupture. Aussi étonnant que celui puisse vous paraître ce fut avec une nouvelle Rose ou plus exactement avec une Rosine car elle voulait qu’on l’appelle ainsi. Je n’ai jamais vraiment su si c’était par goût personnel ou si c’était son vrai prénom. Et il est vrai que ce petit nom lui allait très bien car si la première Rosy avait été très brune celle-ci était aussi blonde que les blés. Une très jolie blonde que j’ai cueillie une fois encore dans le collège d’à côté. Il faut dire que cette Rosine était une bonne copine de la première et qu’elle me zieutait depuis pas mal de temps déjà. Il faut dire également qu’à l’époque, les collèges mixtes étaient plutôt rares et le nôtre ne faisait pas exception à la règle. Mais comme les deux collèges filles et garçons étaient mitoyens, ce n’était pas vraiment un problème pour lier connaissance car il était assez facile de s’observer lors des récrés ou mieux quand les cours étaient terminés. Ce second flirt dura un peu plus longtemps que le premier car la blonde Rosine était plus douce et moins volubile que la première Rosy. Mais malgré tout, il ne fit pas long feu non plus et cette deuxième conquête se termina presque naturellement lors d’une « boum » où nous étions allés tous les deux à l’invitation de mon meilleur ami Etienne qui avait organisé ça chez lui. Là, et aussi incroyable que cela puisse paraître, je fis la connaissance d’une nouvelle conquête qui, je vous le donne en mille, s’appelait également Rose. Allez savoir pourquoi, je m’étais mis à l’embrasser, sans doute emporté par sa troublante beauté et par le bercement d’un slow trop suave, ce qui bien évidemment ne plut pas à Rosine qui s’enfuit de la boum très en colère bien évidemment. A bien y réfléchir, ce jour-là, je m’étais conduit comme un vrai goujat ! Mais cette nouvelle Rose se fanât très vite elle aussi et ce nouveau flirt ne dura qu’une petite semaine. Il faut dire qu’elle habitait dans un quartier assez éloigné du mien et comme ma mère ne me donnait que le compte juste pour faire le plein de mélange pour mon  « VéloSolex », il était hors de question que je puisse aller me balader trop loin au risque de marcher à pied le reste de la semaine. D’autant que mon collège était lui aussi dans un autre quartier également éloigné du domicile qui lui se trouvait à la Vieille-Chapelle et de ce fait, le plein d’essence ne durait pas bien longtemps même en y faisant très attention. C’est d’ailleurs pour cette raison qui fit qu'un an plus tard, je suis parti de chez mes parents pour aller loger chez ma grand-mère paternelle Adèle où j’étais beaucoup plus tranquille avec une vraie chambre uniquement pour moi. Ma grand-mère habitait une petite maison à Sainte-Anne beaucoup plus près du collège et cette solution semblait satisfaire tout le monde. Moi en premier bien sûr, mais également mes parents pour qui les dépenses étaient moindres et enfin pour mon grand frère Daniel qui désormais occupé tout seul la salle à manger avec son lit pliant. Enfin, ma grand-mère semblait la plus heureuse. Elle n’était plus seule. Elle avait trouvé quelqu’un pour lui faire la conversation, quelqu’un a qui raconter ses blagues polissonnes et surtout quelqu’un à qui elle pouvait refaire de bons petits plats comme au bon vieux temps de mon grand-père Gabriel. De ce côté-là, je n’ai jamais été à plaindre et les trois années scolaires passées chez ma grand-mère furent parmi les plus belles de ma jeunesse. Cette amourette avec cette nouvelle Rose se termina donc en « eau de boudin » alors que j’aurais nettement préféré qu’elle se termine en « eau de rose ». Mais comme dit le célèbre proverbe « une de perdue dix de retrouvées ! » et  même s’il n’y eut pas encore 7 autres roses supplémentaires aussi ahurissant que celui puisse paraître, le p’tit bouquet était loin d’être terminé. En effet, juste avant la fin de cette année 1965/1966 qui avait été une de mes meilleures années scolaires puisque j’avais fini 5eme sur 29 élèves et réussi mon BEPC, une dernière « boum », justement pour fêter les toutes proches vacances, me donna l’occasion de sortir non pas avec une nouvelle Rose mais avec une Roseline, une variété qui convenait parfaitement à mon p’tit bouquet aussi. L’été arriva, Roseline partit de son côté et moi du mien. Au cours de ce même été 1966, mon cousin Pierre me proposa de partir en stop avec lui au Festival de jazz de Juan-les-Pins. Nous couchions sur la plage. Enfin moi je couchais sur la plage car lui une fois sur deux, j’ignorais vraiment où il découchait. Il faut dire qu’il était bien plus beau garçon que moi. D’abord, il était bien plus grand et bien plus costaud que moi, il paraissait de tout évidence bien plus vieux que son âge et avec sa gouaille de « titi » parigot, tomber les filles n’était pas vraiment un problème pour lui. Là, pendant cette semaine de galère au cours de laquelle je faillis mourir de faim, j’eus une aventure avec un jolie Rosemary qui était bien plus âgée que moi, sans doute avait-elle cinq ou six ans de plus que moi selon mon estimation. En réalité et bien trop fier d’être en mesure de sortir avec une « vieille », je n’ai jamais trop osé lui poser la question sur son âge. Elle passait ses vacances sur la Côte d’Azur avec son père qui y possédait une maison mais qui était divorcé d’avec sa mère. En réalité, ce fut bien plus qu’un simple flirt et il était très clair que cette agréable Rosemary avait de l’expérience à revendre et en tous cas, bien plus que je pouvais en avoir moi-même. Grâce à elle, l’aspirant en amour que j’étais, allait prendre son premier galon. Rosemary était belge et je fis sa connaissance de manière assez surprenante car j’avais retrouvé dans le sable la montre de son père qui était magnifique car toute en or et sans doute sertie de vrais diamants tant elle scintillait. Dans la journée, je m’étais souvenu avoir vu cette montre rutilante et qui flashait sous les rayons du soleil au poignet de cet homme qui approchait la cinquantaine. Le soir, alors que tout le monde avait quitté la plage, j’avais trouvé cette montre enfouie dans le sable. Toute la nuit, j’avais conservé précieusement cette montre de luxe au fond de mon sac à dos avec l’espoir que son propriétaire et surtout sa fille que j’avais nettement remarquée, reviennent sur la plage dès le lendemain. Et quand dans la matinée, je les vis arriver, j’étais vraiment content. J’allais pouvoir restituer cette magnifique montre au papa et surtout c’était peut-être l’occasion rêvée de tenter d’approcher cette jolie jeune fille à laquelle, j’avais beaucoup souri la veille mais sans vrai résultat. Ce manque de résultat était du à la différence d’âge qu’il y avait de manière évidente entre nous et qui m’avait rendu timide. Je n’avais pas osé l’accoster surtout en présence de son paternel. Et effectivement quand il vît la montre, son père fut aussi heureux qu’un gamin devant un sapin de Noël garni de jouets. Il ne savait que faire pour me remercier allant même jusqu’à me donner un gros paquet de billets de banque que bien entendu, je mis un point d’honneur à refuser. Du coup, et pour me faire plaisir, il voulut même m’inviter à déjeuner chez lui dans sa villa. Mais là aussi, je fus contraint de refuser cette aimable invitation, prétextant que je n’avais rien d’autres à me mettre qu’un Jean’s et un tee-shirt plutôt « crades » qui traînaient sur la plage depuis 4 jours. Pourtant, mon ventre commençait sérieusement à crier famine mais ma bonne éducation avait su résister à cet appel. En tout dernier recours, le Monsieur fouilla dans son sac de plage, en tira deux paquets de cigarettes Boule d’Or et me les offrit. Allez savoir pourquoi, je pris les deux paquets de clopes alors que je n’avais jamais touché à une cigarette de ma vie.  Comme je l’avais plus ou moins imaginé, cette confiance entre les deux belges et moi fut l’occasion de brancher la fille qui je l’avoue me plaisait bien. D’ailleurs le père mit à profit cette relation, par ailleurs sincère de ma part mais il est vrai intéressée, pour me laisser seul avec sa fille dès la fin de la matinée. L’après-midi, il ne revint pas et Rosemary rappliqua seule sur la plage. C’était un signe. Je n’en demandais pas autant et Rosemary non plus d’ailleurs et en fin d’après-midi, le flirt était déjà plutôt bien engagé et je dirais même que le courant était déjà bien passé entre nous deux. Rosemary m’ayant promis qu’elle tenterait de revenir dans la soirée, je mis à profit ce temps libre pour dénicher une douche dans une paillote de la plage pour faire un peu de toilette. Je voulais être un peu plus présentable pour aller au festival avec elle et plus si affinités. La suite, vous la connaissez. Ce soir-là, j’avais dit à Rosemary que j’étais affamé et sans le sou et en plus de tout le reste, elle m’offrit très gentiment un hot-dog et une bière dans un bar. Mais le lendemain matin très tôt, je fus encore plus surpris quand je vis son père arriver sur la plage avec quelques pains aux chocolats, deux gros pans-bagnats ainsi que deux melons et un petit régime de bananes. Sans aucune équivoque, Rosemary lui avait parlé et c’était sa façon à lui de me remercier pour la montre. Mon cousin Pierre, qui était revenu sur la plage au beau milieu de la nuit, ne comprenait pas ce qu’il se passait et quand l’homme fut parti et que je me mis à lui expliquer l’histoire de la montre en or et en diamants, le gros paquet de billets refusé, il se mit en colère et nous en vînmes presque aux mains. Il quitta néanmoins la plage avec la moitié du butin récupéré car sans doute avait-il faim lui aussi ? Pour moi, cette querelle fut la goutte de trop et je pris la décision de le laisser seul et de rentrer à la maison. Mais ne voulant pas quitter Juan-les-Pins sans dire au revoir à Rosemary, j’attendis toute la matinée mais en vain car ce matin-là, elle ne vint pas sur la plage. Sur le coup de midi, je me mis en route en faisant du stop et ainsi se termina mon aventure « jazzique » à Juan-les-Pins. J’avais connu ma seule et unique « histoire » belge, j’avais perdu mon innocence en me piquant à une Rosemary, j’étais devenu un vrai fan de jazz et de tous les grands noms qui étaient passés ces soirs-là avec pourtant Duke Ellington et Ella Fitzgerald, un seul avait vraiment retenu mon attention, c’était un saxophoniste du nom de Charles Lloyd. Accompagné d'excellents musiciens, le pianiste Keith Jarrett, le bassiste Cecil McBee et le batteur Jack DeJohnette, Charles LLoyd avait formé un quartet dont la musique avant-gardiste m'était totalement inconnue jusque là. Cette musique si nouvelle pour moi et au moment même où j'apprenais ce qu'était la liberté, le "free jazz" arrivait à mes oreilles sous un titre une fois encore prémonitoire "Forest Flower". Encore des fleurs ! Les fleurs de la Côte d'Azur, Rosemary et cette musique m'avaient tourné la tête mais en rentrant chez moi, je redevins le garçon plutôt tranquille et insouciant que j'avais toujours été. En ce mois d'août 1966, aucune autre aventure ne vint troubler le reste de mes vacances car j’étais beaucoup plus enclin à draguer les fonds marins de la calanque de Sormiou en quête de gros poissons que de draguer les petites « girelles » pour flirter avec elles. Alors finit les roses ? Pas vraiment !

L’année scolaire suivante; en 1966/1967, c'est-à-dire en 2eme, s’en est fini du collège de la Grande-Bastide et j’effectue mon entrée au Lycée Jean Perrin. Là, dans la classe, coup de foudre immédiat pour une belle et grande fleur au doux prénom de Marie-Rose, une variété « rousse » que je n’avais jamais eu l’occasion d’ajouter à mon p’tit bouquet. Mais là aussi, l’aventure se termina presque aussi vite qu’elle avait commencé car cette grande « échalote », très bonne élève au passage, n’appréciait pas trop ma paresse ou ma turbulence en classe. Enfin tout ça était très juste et je ne pouvais pas lui en tenir rigueur et nous restâmes néanmoins bons amis. Avec elle, se termina cette incroyable et « rose » série où mes six premières idylles avaient eu dans leur prénom le mot « rose ».  Il y eut ensuite une Josiane, une Evelyne et une Martine. Au cours de l’été qui suivit, je réussis à allier ma passion grandissante et dévorante pour la chasse sous-marine, activité dans laquelle je commençais à bien me débrouiller, avec quelques flirts très passagers. Il y eut une Eliane, une Marie-Paule, une Monique et même une « folklorique » Leila.

Au cours de l’année scolaire 1967/1968, j’étais passé en 1ere malgré des notes plus que médiocres en 2eme. C’’était l’année préparatoire au baccalauréat, année ô combien importante surtout aux yeux de mes parents. Malgré mon souhait de bien faire, cette année-là fut minée par les événements de mai 68 auquel je l’avoue je n’ai jamais vraiment participé ne me sentant pas à l'aise dans les habits d’un révolutionnaire. D’ailleurs, je ne comprenais pas grand chose à cette révolution, à tout ce qui se passait autour de moi et ça ne m’intéressait pas vraiment. Je préférais nettement la plage aux manifestations et en plus je ne sais pas pourquoi, mais les filles étaient bien plus câlines sur le sable que derrière les pavés des barricades. De plus, j’étais surtout pris dans le tourbillon du foot car au Lycée Jean Perrin, j’étais tombé dans une excellente équipe, équipe 2 du lycée il est vrai, mais avec d’authentiques bons copains mais excellents joueurs de foot de surcroît. Nous battions tous les autres lycées de Marseille et lors de la finale du Championnat Universitaire de Marseille, nous eûmes l’ultime privilège de battre l’équipe une du lycée. La finale d’Académie se profilait à l’horizon et malheureusement nous perdîmes ce match 1 à 0 contre une excellente équipe d’Avignon formée presque essentiellement de stagiaires professionnels. Ainsi se termina pour moi, cette année scolaire 1967/1968. Une fois encore, je n’avais pas beaucoup bossé et après mon année exceptionnelle en 3eme, à nouveau, mon carnet de notes n’était pas bon du tout et surtout il était rempli de « peut mieux faire » qui était loin de satisfaire mon père. Mais cet été de 1968 allait être le plus beau de ma vie.

L’année 1968/1969, année de terminale et donc du bac commença bien évidemment avec quelques points sur les « I » de mon père. Le premier point était qu’il m’avait demandé d’arrêter le foot au lycée car il jugeait que les deux entraînements en semaine et le match au Racing Club de Marseille le dimanche étaient amplement suffisants. Mon père était d’autant plus inquiet quand à ma réussite au bac que je venais au cours de l’été de faire la connaissance de Dany, une très belle jeune fille brune de 16 ans dont il voyait bien à quel point j’y étais accroché et surtout comment j’en étais amouraché. L’année scolaire ne fut pas exceptionnelle mais j’avais tenté de m’accrocher et si les notes étaient plutôt passables, un 11 de moyenne final me laissait encore un petit espoir de réussite. Malheureusement et malgré de bonnes notes dans la plupart des autres matières, un 4,5 sur 20 et un coefficient de 6 en comptabilité sur un sujet qu’on n’avait jamais vu en classe mais soi-disant prévu au programme, vint ruiné tous mes espoirs d’avoir ce Bac G2 que mes parents avaient tant espéré. 4 élèves sur les 18 de ma classe le décrochèrent du premier coup et 4 autres encore l’eurent après le passage à l’oral. Sans vouloir me chercher d’excuses, en 1968 et pour apaiser les tensions du mois de mai, les diplômes au baccalauréat avaient été distribués comme des petits pains ; surtout en Bac G2 dont s’était la première année d’existence ; et pour moi comme pour beaucoup d’autres, il ne faisait aucun doute que l’année 1969 était venue largement compenser ces offrandes de 1968. Pour moi, c’était le fiasco scolaire complet, ni oral ni bac mais j’étais heureux auprès de Dany dont j’étais fol amoureux. Le foot marchait à merveilles car avec le Racing nous gravissions sans cesse les divisions supérieures et j’avais la certitude qu’une nouvelle vie allait enfin s’ouvrir devant moi. Dans ma tête, un déclic était survenu et me mettre à bosser comme ne cessait pas de me le dire mes parents depuis toujours était devenu pour moi une évidence. J’avais envie de bosser et d’apprendre. Je m’étais piqué à quelques jolies roses mais j’avais envie de tirer un trait sur tout ça. Le bonheur était là, à ma portée et j’étais bien décidé à le saisir à bras le corps sans plus jamais me piquer à la première rose venue. J’avais envie de créer quelque chose et le chemin était tout tracé.

Un jour, avec Dany, nous décidâmes de faire les présentations auprès de nos parents respectifs et là, ô surprise, en arrivant chez elle, j’appris que sa mère s’appelait Rosine. Il y avait donc en Dany un peu de « rose » aussi et je l’aurais presque parié ! Avec ce superbe petit bouton qui ne demandait qu'à s'épanouir, mon p’tit bouquet de roses était vraiment terminé !

Forest Flower par le Charles Lloyd Quartet en 1966

 

 

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