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Le Circuit des 3 Veïnats de Fuilla

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 3 morceaux interprétés par le "Joscho Stephan Trio". Ils ont pour titres : "Smile" accompagné de Gunther Stephan (guitare) et Max Schaaf (contrebasse) puis "Transatlantic Bolero" accompagné de Sven Jungbeck (guitare) et Volker Kamp (contrebasse) puis "Misty" accompagné de Matthias Strucken (vibraphone), de Sven Jungbeck (guitare) et Volker Kamp (contrebasse).

Le Circuit des 3 Veïnats de Fuilla

Le Circuit des 3 Veïnats de Fuilla

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.


 

Cette balade pédestre que je vous présente ici et que j’ai intitulée « Le Circuit des 3 Veïnats de Fuilla » n’aurait jamais dû exister telle quelle. Pourtant, je vous la recommande. En effet, en ce matin du 10 avril 2022, si tout c’était déroulé comme prévu, c’est une randonnée (*) beaucoup plus longue que j’avais imaginée. Mais en descendant de la voiture, Dany ayant ressenti de fortes douleurs aux hanches, une question se pose : « Que faisons-nous ? ». « Marche ? » « Pas marche ? » Pour Dany, l’envie de randonner est là, mais pas pour accomplir les 15 kilomètres et le dénivelé initialement prévus. Si je suis plutôt enclin à faire autre chose que marcher, Dany imagine ma déception et ce d’autant qu’elle sait pertinemment que je n’ai rien prévu d’autre. « On ne peut pas faire autre chose de moins long ? » me dit-elle, afin de couper court à tout autre éventualité. Après un coup d’œil sur la carte IGN et parce que j’en avais réalisé une courte partie lors d’un mémorable « Circuit des Minerais » au départ de Villefranche-de-Conflent, voilà comment est née cette petite boucle. 6 à 7 km, c’est moitié moins qu’initialement prévu et Dany se sent prête à les faire malgré ses douleurs. Connaissant sa volonté et son abnégation à résister à la douleur, je la sais capable et n’insiste pas. La marche est d’ailleurs préconisée par tous les docteurs qu’elles consultent et ils sont nombreux. Comme prévu, mais pas dans le même sens, à Fuilla nous démarrons du Veïnat del Mig où nous venons de laisser notre voiture sur un parking ad hoc. Dès le départ, nous sommes vite partagés entre deux sentiments : l’immense quiétude des lieux et malgré ça une vie que l’on imagine sous-jacente. Cette vie, je l’aperçois très vite sous les traits de nombreuses hirondelles venant se blottir dans l’avant-toit d’une maison où se trouvent leurs fragiles nids d’argile. De nombreux moineaux les imitent. Peu après, elle se manifeste bruyamment avec un chien qui vocifère à notre passage. Le silence est totalement rompu car les aboiements de ce chien en entraînent quelques autres. Par bonheur nous avançons et  le calme revient très vite.  Nous empruntons la direction du Veïnat de Baix également dénommé Fuilla d’Avall. Evidemment et pour tous ceux qui ne connaissent rien aux toponymes catalans, ces noms nécessitent quelques explications : Le « Veïnat », en français c’est un « quartier » au sens administratif, voire un « voisinage » au sens le plus commun. « Del Mig » signifie « du milieu », « Baix » c’est le « bas », « Avall » c’est « l’aval » en évoquant un vallon et « d’Amunt » d’en « haut ». Il faut aussi savoir que Fuilla, avec ses 10 km2, est une commune rurale très bizarrement étendue car outre ses 3 quartiers bien distincts déjà cité, il y en a un quatrième avec Sainte-Eulalie que nous ignorons lors de cette balade mais qui peut facilement faire l’objet d’une courte entorse. Une jolie église parfaitement restaurée mais dont l’origine est ancienne y est visible. Peu de gens le savent, mais la gare de Villefranche-de-Conflent, célèbre départ du Petit Train Jaune vers la Cerdagne est en réalité la gare de Fuilla-Sainte-Eulalie car située sur cette commune et au plus près de ce quartier pourtant bien éloigné. Quant à la Serra de Cobartorat que nous allons cheminer située à l’est de Fuilla, cette colline constitue la frontière communale avec Corneilla-de-Conflent. Voilà pour les explications linguistiques, administratives et géographiques. Pourtant, le décor n’est planté qu’à moitié car Fuilla, à cette époque de l’année, a bien d’autres attraits. Au cœur du vallon de la Rotjà que nous allons quelque peu longer, le regard se pose sur des prés verdoyants, sur des vergers fleuris et sur les montagnes environnantes : le Massif du Canigou au sud-est, le Massif des Tres Estelles au sud-ouest, le Massif du Coronat au nord et quelques collines de moindres élévations à gauche avec le Serrat des Garbères et à droite avec la Serra de Cobartorat déjà citée. Le Canigou reste le seigneur des lieux, malgré un soleil  aveuglant au-dessus de lui tentant de lui faire la guerre dans cette lutte de qui sera le plus éblouissant.  Outre ces magnifiques décors qui nous entourent dont les plus hauts sont merveilleusement enneigés, quelques volatiles que je tente de photographier viennent s’ajouter au plaisir de marcher. Moineaux, hirondelles, rougequeues, fauvettes, merles, mésanges, bergeronnettes, geais et j’en oublie, tous les oiseaux vus ne sont pas facilement photographiables mais le nombre et mon obstination finiront par me satisfaire au-delà de mes espérances. Sur ce chemin dit de Villefranche seule la flore manque quelque peu à l’appel de mes passions. Il y a bien des arbres fruitiers fleuris mais souvent difficiles à déterminer car sans feuille. D’autres fleurs plus sauvages arriveront un peu plus tard. Après la sortie de Fuilla d’Avall, nous laissons Sainte-Eulalie et son église sur la gauche pourtant peu éloignées. Il faut dire que Dany a pris pas mal d’avance à cause de mon acharnement à vouloir immortaliser des passereaux. En la circonstance, je ne me vois pas lui demander de faire demi-tour. L’itinéraire nous entraîne sur la D.6 et un petit bout de route bitumée et ce, jusqu’au pont sur la Rotjà où tout devient plus simple peu après. Ici, il faut tourner à droite et prendre l’impasse du Pont, direction le lieu-dit le Pont, petit pâté de 2 ou 3 habitations où un pont a dû jadis marquer les esprits. A-t-il été emporté par une crue de la Rotjà ? L’Histoire ne le dit pas, mais c’est fort probable, la Rotjà, torrent de montagne ayant dû connaître, comme bien d’autres affluents de la Têtl’Aïguat de 1940 et bien d’autres déchaînements diluviens. Une fois passé les maisons, l’impasse se poursuit et devient sentier forestier et ce jusqu’à atteindre une clairière où trône le dolmen de Coberturat ou Cobartorat. Quelques genêts fleuris que j’ai un mal fou à différencier et des papillons qu’on appelle Azurés viennent me distraire dans cette montée parfois très caillouteuse. Dany claudique mais finalement elle arrive avant moi, occupé que je suis à mes photographies. Avec 4 grosses pierres dont la plupart sont de formes arrondies, le dolmen est assez imposant par sa table malgré cette conception plutôt simple. Il dispose d’une seule grosse cupule peu visible, sauf à y monter dessus, ce que je vous déconseille vivement. Le chemin se poursuit à droite, en réalité c’est une large piste forestière le plus souvent argilo-sableuse. L’itinéraire devient  toujours plus simple, car bien balisé direction Vernet-les-Bains et la chapelle ruinée de Saint-Clément de la Serra. Du déjà vu pour moi lors du Circuit des Minerais mais une nouvelle découverte pour Dany, découverte d’autant plus merveilleuse qu’un majestueux Canigou se présente revêtu d’un beau manteau blanc.  Seul un ciel laiteux enlève un contraste rêvé à ce panorama époustouflant mais par bonheur ça ne durera pas. D’ici, de jolies vues s’entrouvrent aussi bien vers la verdoyante vallée de la Rotjà et la commune si étendue de Fuilla que vers la vallée du Cady et Corneilla-de-Conflent, dont la commune est parfois visible au travers des pins. Un peu plus tard, c’est Vernet-les-Bains que nous devinerons. Si la chapelle Saint-Clément est ruinée, elle continue d’être honorée par des fidèles qui n’hésitent pas à la décorer de quelques pieuses reliques. Ici, beaucoup de papillons butinent les fleurs de cistes pendant que d’autres somnolent sur les roches les plus chaudes. Deux ou trois lézards les imitent dans l’attente d’un insecte à croquer plus en adéquation avec leur modeste taille. Oui, le chaud soleil qui tape sur le seuil de la chapelle est pour nous aussi une invitation à se prélasser comme un lézard et à pique-niquer ici. C’est l’heure bienvenue du déjeuner que je mets à profit pour photographier la Nature.  Une pause un peu plus longue que nécessaire, car achevée en somnolence, et le temps de poursuivre arrive par la force des choses. Il est vrai que 2 corbeaux planant au-dessus de nous en croassant continuellement ont tendance à nous sortir de notre léthargie. Le chemin se poursuit toujours aussi rectiligne jusqu’à une intersection de plusieurs directions. En l’absence de tracé dans mon GPS, l’application Iphigénie vient à ma rescousse. Nous ignorons les chemins partant à droite soit vers Corneilla-de-Conflent soit vers Vernet-les-Bains et choisissons de continuer tout droit en direction du col de Vernet. Peu après, nous empruntons la première bifurcation descendant vers Fuilla d’Amont, et ce malgré une barrière grossière constituée de fils barbelés et de branchages, le tout agrémenté d’une pancarte mal écrite interdisant le passage. Nous passons outre l’interdiction et enjambons avec prudence la barrière. Nous n’avons pas d’autres recours pour redescendre vers Fuilla et surtout pas d’autres recours pour amenuiser comme prévu la distance à parcourir. Au bas de la descente, seule une galerie claquemurée  et interdite de passage semble expliquer l’interdiction vue plus haut. Sans doute est-elle le vestige d’une ancienne mine de fer, nombreuses dans tout ce secteur du Conflent. Nous la regardons de loin, voulant respecter ce qui semble être une propriété privée. Finalement tout se passe bien et aucune autre entrave ne vient gâcher cette arrivée au Veïnat d’Amunt. Bien au contraire, l’itinéraire est agréable car très verdoyant, rafraîchissant car traversé par une Rotjà aux eaux limpides où il fait bon s’asperger un peu. Il est agrémenté par quelques surprises patrimoniales comme le domaine de Cercet, beau gîte de charme confidentiel car bien caché hors des grands axes routiers. Pourtant la bâtisse est parée d’échauguettes comme un vrai château et à coup sûr, il doit faire bon passer quelques jours et dans le pire des cas un seul week-end en amoureux dans ce lieu si paisible. Oui, ce lieu est paisible et les habitants bien sympathiques comme nous le constatons en engageant la conversation avec deux gentilles dames. La première aime les couleurs vives comme le prouve son balcon amplement agrémenté  d’une multitude d’objets chatoyants. Elle aime son balcon et apprécie qu’on l’aime aussi au point d'accepter que je l'immortalise. Une vraie « mère à Titi » comme l’aurait chanté Renaud. La seconde, au balcon nettement plus dépouillé, n’est pas moins faconde et pas moins sympathique, elle nous parle de son village avec plein d’amour dans les yeux et dans les mots. Des mots qui à coup sûr font du bien aux maux de Dany. Puis le parking est là. Ainsi se termine cette courte balade imprévue mais dont les centres d’intérêts sont multiples malgré les impasses que nous avons faites volontairement sur certains d’entre eux, la visite des églises et chapelles notamment. Le clocher de l'école communale que nous avons approché était fermé. On peut donc supposer que les autres édifices religieux l’étaient aussi. Pourtant au regard de ce que j’ai pu lire, les églises méritent qu’on s’intéresse à elles. Telle qu’expliquée ici, cette balade a été longue de 6,8 km, pour des montées cumulées de 264 m et un dénivelé de 174 m. Le point le plus bas est à 500 m d’altitude près du pont sur la Rotjà (lieu-dit le Pont) et le plus haut à 674 m juste avant d’amorcer la redescente vers Fuilla d’Amont sur le chemin menant au col de Vernet.  Carte IGN 2349 ET Massif du Canigou Top 25.

(*) Normalement, nous aurions dû réaliser une randonnée que l'on trouve sur le remarquable site "A pied dans le 66" intitulée "Le Canal et le site minier de Falguerosa" dont voici le lien ci-après : http://apieddansle66.eklablog.com/fuilla-le-canal-et-le-site-minier-de-falguerosa-a212236763

 

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Michel S ou une vie sur liste rouge.

Publié le par gibirando


Michel S. ou une vie sur liste rouge. Avec Michel (au centre) et un autre copain (à gauche) en juillet 1967 à la calanque de Sormiou (pour agrandir les photos cliquez dessus)

« J’ai appris au sortir de l’enfance (mais en suis-je vraiment sorti ?) que la vie n’est faite que de rencontres et de séparations.  Rencontrés imposées ou choisies, rencontres planifiées ou imprévisibles, fécondées par l’attirance, le désir ou la nécessité, et séparations nécessaires et indispensables, subies ou décidées , qui vont tricoter les mailles de notre existence aux différents âges de notre vie ».

J’aurais pu écrire ce texte. Certainement un peu moins bien, mais j’aurais pu l’écrire. Non, il n’est pas de moi mais du sociologue Jacques Salomé, extrait de son livre « Je viens de toutes mes enfances ».Michel S. ou une vie sur liste rouge.

 

 Avec Michel (à gauche) et deux autres copains (au centre) en juillet 1967 à la calanque de Sormiou lors d'une partie de pétanque acharnée (pour agrandir la photo cliquez dessus)

Avec Michel S. j’ai tricoté quelles mailles de ma vie. Sinon les plus belles, elles ont été les plus insouciantes en tous cas. Celles de mon enfance et de ma jeunesse.

Il s’appelait Michel S. Nous avions la particularité d’être nés à un jour d’intervalle. Lui le 24 avril et moi le 23 de la même année. C’était mon meilleur ami d’enfance et de jeunesse et je viens d’apprendre qu’il est décédé en mai 2017 à l’âge de 68 ans. Je suis effondré.

 

Michel S. ou une vie sur liste rouge.

A l'été 1967, à la plage du Pin de Galle à Hyères lors d'une sortie avec une bande de potes du quartier. Michel est au 1er rang à droite.

Ce billet que j’écris ici, est à la fois l’histoire d’une séparation définitive mais non choisie et un hommage, car on ne perd pas son meilleur ami d’enfance et de jeunesse sans un immense chagrin. C’est mon cas, et ce même, si je me vois contraint aujourd’hui d’essayer de compter les années qui nous ont si longtemps séparés. Toujours séparés. Avec cet essai de comptage, je ne détricote pas les mailles mais j'essaie de reboucher les trous que le temps, telle une mite sordide,  a réussi à grignoter. Oui, voilà probablement 45 ans au moins mais peut-être 46, que nous nous étions vus pour la toute dernière fois. Quand ? Comment ? Où était-ce exactement ? Je ne m’en souviens plus ! Au lycée ? A un match de foot ? Au bistrot de notre quartier ? En tous cas certainement pas à la calanque de Sormiou où nous avions passé quelques jours de vacances avec un groupe de copains à l’été de 1967 ? Lors de la saison 1967/1968, on se retrouve dans la même équipe de foot au lycée Jean-Perrin. C’est les dernières photos que j’ai de lui. En 1969, je quitte le lycée où nous sommes ensemble. Puis le club de foot où nous jouions également ensemble. Du Sporting Club de Bonneveine, je pars jouer au Racing Club de Marseille. Que fait Michel S ? Continues-t-il à jouer au foot lui aussi ? Je ne m’en souviens plus. Après avoir quitté le lycée, je m’attelle à suivre une formation de programmeur informatique au langage COBOL. Je ne le sais pas encore mais ma vie professionnelle a trouvé sa source. Le 14 juillet 1968, ma vie sentimentale, elle, avait déjà trouvé la sienne sous les jolies traits de Dany, ma future épouse. Que fait Michel S au sortir de la terminale ? Là, encore, je ne m’en souviens plus ? Mais il est fort probable que nous continuons à nous revoir, peut-être moins souvent mais je suis certain que l’on se voit encore. En avril 1970, je pars sous les drapeaux à Solenzara mais mes nombreuses permissions me ramènent presque chaque week-end à mon quartier de la Vieille-Chapelle mais surtout auprès de Dany. Je pense que c’est là que les mailles de nos existences avec Michel commencent à s'interrompre. Pourtant, je ne vais quitter le quartier de la Vieille-Chapelle où nous habitons tous les deux qu’en février 1972 après mon mariage. Ma famille étant nombreuse et les finances de nos parents limitées, je n’ai pas invité d’amis. Quand à mon enterrement de garçon, je me souviens d’une simple tournée générale au bar Mistral que je continuais de fréquenter plus rarement et seulement de temps en temps par passion du billard français. Michel S était-il là ? C’est probable mais pas sûr. Je n’ai pas de photos de cette soirée et la mémoire me fait défaut. Quand il est décédé en 2017, nous serions donc restés 45 ans sans plus nous revoir, peut-être 46 !

Michel au premier plan lors d'une soirée festive mémorable à l'été 1967 au restaurant La Cascade près des Goudes. Au quatrième plan, je parais plutôt sage mais les apparences sont parfois trompeuses car il y avait ce jour-là une super ambiance.

Michel S. ou une vie sur liste rouge.

Si je ne précise pas son nom, ce n’est pas pour une quelconque raison inavouable. Non ! C’est essentiellement par respect à sa mémoire car si je ne l’ai plus jamais revu,  c’est en grande partie au fait que je n’ai jamais su ou pu le retrouver. Oui, cet enfant, ce garçon, cet adolescent puis ce jeune homme que j’avais toujours connu réservé, pour ne pas dire timide ou introverti, n’a jamais été visible sur aucun des « radars » que j’ai pu connaître en 45 ans. Oui, devenu adulte, je ne l’ai jamais trouvé sur aucun bottin, annuaire, archive, fichier, registre, Minitel, réseau social. Et bien sûr jamais sur Internet. Il est vrai que les 300 km qui nous ont constamment séparés n’ont rien arrangé à cette séparation qui en fin de compte est devenue définitive. Finalement, il a fallu qu’il décède et que je le retrouve là où pendant très longtemps je l’avais cherché en vain ces dernières années, c’est-à-dire sur le Net. Mais dans la rubrique nécrologique. Affreux dénouement que jamais je n’avais imaginé possible.

Dans cette quête de le revoir, la seule solution que j’avais trouvée avait été de retourner de temps à autre chez lui quand je partais en vacances à Marseille . Mais là aussi, mes quelques tentatives avaient constamment échoué. Il y avait bien son nom de famille sur la boîte aux lettres où il habitait jadis avec sa mère mais jamais personne ne répondait quand je sonnais à la porte. Sans doute travaillait-il et ne venais-je pas aux bons horaires ?  Voilà ce que je me disais à chaque fois. En septembre 2012 et sans doute parce que je savais déjà que je reviendrais à Marseille bien moins souvent qu’auparavant, j’avais tenté une fois encore de le retrouver et lui avait laissé un petit message de souvenirs et d’amitié dans sa boîte aux lettres. Une nouvelle fois en vain. Ne l’avait-il pas trouvé car il n’habitait plus là ? N’avait-il pas envie de me revoir ?  Constamment, je me suis interrogé à ce propos. Après 2014 et le décès de ma mère, j'ai arrêté d'aller en vacances à Marseille. Les années s’étaient écoulées, continuaient de le faire et j’avais perdu carrément espoir de le revoir un jour. Puis il y a quelques jours, en cherchant de vieux papiers, quelques photos ont refait surface.

Michel S ou une vie sur liste rouge.

Avec l'orchestre de l'école maternelle de la Vieille- Chapelle sans doute lors de l'année 1955/56. Michel est à l'extrême droite et je tape sur le gros tambour.

Michel S. y était en bonne place sur plusieurs d’entre elles. J’ai donc retapé son nom dans « Google recherche » sur mon ordinateur et là ce fut l’anéantissement. Anéantissement d'apprendre son décès et anéantissement de tous mes espoirs de retrouvailles. C’est donc avec 3 ans de retard que je viens d’apprendre cette triste nouvelle. Oui, désormais ma tristesse sera toujours grande quand je penserais à lui. Si pendant toutes ces années, je m’étais très souvent posé d’innombrables questions, elles resurgissaient toutes en même temps. Mais à toutes ces questions, il y en avait une nouvelle, celle de savoir comment il avait bien pu disparaître à 68 ans ? De nos jours, on ne meurt pas de vieillesse à cet âge-là ! Cette nouvelle inconnue rajoutait à mon affliction. Oui, très souvent je m’étais demandé qu’avait-il fait de sa vie ? S’était-il marié ?  Quel genre d’épouse avait-il eu ? Avait-il eu des enfants voire des petits-enfants ? Quel travail avait-il fait, lui qui au lycée avait choisi une orientation à priori bien plus technique que la mienne ? Oui, aujourd’hui, j’ai la pressentiment que je n’aurais jamais plus aucune réponse à toutes ces questions et seuls vont me rester les vieux et beaux souvenirs d’enfance et de jeunesse et quelques photos jaunies où nous étions heureux d’être ensemble :

Michel S. ou une vie sur liste rouge.

 

Au Sporting Club de Bonneveine et dans la même équipe de foot en juniors sans doute lors de la saison 1965/1966.

Nos tout premiers signes d’amitié, nous les avons connus à l’école maternelle de la Vieille-Chapelle puis à celle primaire du Lapin Blanc. Là, nous avons commencé à partager les mêmes pupitres, les mêmes bancs de bois, les mêmes encriers avec cette jolie encre violette dont on remplissait nos cahiers quadrillés. Nous avons partagé les mêmes difficultés à rédiger nos dictées, à retenir nos tables de multiplication ou à trouver les résultats exacts de nos fractions. Finalement, nous étions souvent d’accord, et si fractions ou frictions il y avait entre nous, elles étaient toujours cordiales et finalement notre amitié trouvait les solutions. C’était le cas lors des récrés où l’on se chamaillait vaillamment mais sans méchanceté aucune la grosseur et le contenu nos sacs de billes respectifs, les petites figurines de cow-boys et d’indiens, les « Majorettes » et les bandes dessinées comme Kiwi ou Blek le Roc. Oui entre nous, c’était les échanges qui primaient.  Puis nous avons grandi.  Si nos collèges ou lycées respectifs nous avaient quelque peu éloignés au niveau des études secondaires, le cinéma de la rue des Goumiers, les juke-box et les parties de flippers et de billards au bar Mistral et le foot au Sporting Club de Bonneveine avaient fini par conforter cette très longue amitié indéfectible. C’est donc tout naturellement que nous nous sommes retrouvés avec beaucoup de  plaisir au lycée Jean Perrin, lui en filière T1 et moi en G2. Malgré des classes différentes, c’est encore le foot qui continuait de nous rapprocher. On s’entendait super bien à tous points de vue même s’il faut reconnaître qu’il était bien plus sérieux que moi dans les études. Pourtant, chaque récréation ou la moindre pause étaient l’occasion de matches acharnés en petit groupe de copains sur les terrains de hand. J’aimais bien joué avec lui, car de petit gabarit ,  il était bon technicien et excellent dribbleur.

Avec l'équipe du lycée Jean Perrin lors de l'année 1967/1968, championne des Bouches du Rhône Universitaire et finaliste de l'Académie Aix-Marseille.

Michel S. ou une vie sur liste rouge.

C’est ainsi que l’on s’est retrouvé tout naturellement dans la même équipe championne Universitaire de l’Académie Aix-Marseille en 1968. Je me souviens qu’avec son aspect plutôt frêle, et craignant un peu trop les contacts et les coups,  il acceptait mal le fait d’être sur le banc comme remplaçant. Il ne s’en confiait qu’à moi ne laissant rien paraître auprès des autres partenaires, joueurs ou entraîneur. Oui, je me souviens de lui comme quelqu’un qui était constamment dans la retenue, pas vraiment timide, ni avec personne, ni avec les potes, ni avec les filles, mais discret et mesuré dans tout ce qu’il entreprenait ou disait. Je ne me souviens pas avoir eu la moindre anicroche avec lui car il était toujours d’humeur égale. Enfin, il était comme ça avec moi. Oui, même sans jamais plus l’avoir revu, j’ai toujours imaginé que sa vie était à cette image-là que j’avais eu de lui étant jeune, d’une grande discrétion et d’une gentillesse à toute épreuve. Son incroyable absence dans tous les supports de communications et ma constante difficulté à le retrouver avant son décès ont fini pas prouver que j’avais eu sans doute raison de penser à lui ainsi. Oui, il avait fait de sa vie une liste rouge, et si je ne l’ai jamais revu, c’est peut-être parce qu’il avait voulu tirer un trait sur son enfance et sa jeunesse ? Je ne sais pas. Je me souviens très bien de sa mère et de sa sœur, mais de son père il n’en parlait jamais. Je n’ai jamais rien su à ce sujet, mais c’est vrai que ma discrétion naturelle a peut-être contribué à cette part d’ombre chez lui. Comme l’a écrit Jacques Prévert « il y a des adultes qui jamais n’ont été des enfants ». Michel S, quel enfant et quel homme a-t-il été au juste ? Je n’aurais jamais la réponse à cette question pas plus qu’aux autres sans doute ? Une certitude demeure dans ma tête et dans coeur : « il restera à jamais mon meilleur ami d’enfance et de jeunesse ! ».

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