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sormiou

Hommage à Adèle ma grand-mère paternelle....1893 - 1980.

Publié le par gibirando

 

Ce diaporama est agrémenté des chansons suivantes, chansons qu'Adèle aimait bien pour la plupart : - "Voulez-vous dansez grand-mère" ? paroles de Jean Lenoir, musique de Raymond Baltel et Alex Padou, chantée par Jean Lumière. - "Un petit cabanon" paroles de René Sarvil, musique de Vincent Scotto chantée Maria de Rossi. - "Plus bleu que tes yeux" composée par Charles Aznavour, chanté par Edith Piaf et Charles Aznavour. - "La vie en rose", musique de Louiguy et paroles d'Edith Piaf, joué et chanté par Louis Armstrong. -"Nous nous reverrons un jour ou l'autre" paroles de Jacques Plante, musique de Charles Aznavour, chantée par Thierry Le Luron.


 

Avec ce récit, j’ai voulu rendre hommage à ma grand-mère paternelle. C’est donc une nouvelle tranche de ma vie que j’ai eue envie d’évoquer. Une période de surcroît très heureuse car elle a été le véritable lien entre mon enfance et ma jeunesse. Une tranche avec Adèle. Une tranche de mortadelle, si je veux rester dans la plaisanterie de mauvais goût qui m’animait à cette époque. Adèle, c’était son prénom et bien évidemment, quand je pense à elle,  ce jeu de mots un peu balourd revient à ma mémoire. Avec mon frère Daniel, nous le répétions à l’envie dès lors que ce prénom était cité dans une conversation : « Elle morte Adèle » et plus grands, nous avions fini par rajouter « tuée par un sale ami ». Ce mauvais jeu de mot avait le don de mettre en rogne mon père mais ma grand-mère, elle, le prenait toujours avec le sourire disant : « Laisse Louis, ce sont des enfants ! ».

 

Pourtant dieu sait si nous l’aimions notre grand-mère et loin de nous l’idée qu’un jour elle puisse mourir. En tous cas, enfants et même, jeunes garçons, nous n’y pensions jamais. Non, c’était juste une plaisanterie de gamins.

 

Aujourd’hui quand je pense à elle, quelques souvenirs joyeux bien précis remontent à la surface de ma mémoire. Le plus important de ses souvenirs, ce sont ces trois années scolaires que j’ai passées chez elle alors que j’étais en 3eme au collège de la Grande-Bastide à Mazargues puis en 2eme et 1ere au lycée Jean Perrin de Marseille. Ces trois années, je les compte parmi les plus belles années de ma jeunesse et pourquoi ne pas le dire de ma vie d’enfant tout court. Vie d’adolescent certes mais tranche de vie où j’ai pris conscience bien plus tard qu’elle avait forgée une grande partie de ma vie future, vie d’adulte celle-là. J’étais sorti de l’enfance chez Adèle. D’abord, parce que je profitais à fond de plus d’indépendance, de plus d’autonomie dans mes décisions, en un mot de plus de liberté. C’était le temps des flirts avec les copines, des sorties avec les copains, des booms, du rock’n roll qui commençait à déferler et surtout du foot qui accaparait une partie très importante de mon temps libre et parfois même du temps que j’aurais du consacrer aux études. Je l’ai regretté ensuite mais sans jamais renier toutes les joies que le foot m’avait offertes.  La vie chez ma grand-mère était bien plus drôle qu’à la maison. J’étais à la campagne. J’y avais ma chambre à moi, petit nid intime, tranquille et douillet sous les toits, indispensable quand on a 16, 17 ou 18 ans. Pour être franc, je ne me souviens plus très bien comment j’ai atterri chez ma grand-mère. J’étais très turbulent et mes parents ont-ils trouvé cette solution pour que la maison retrouve un peu de sérénité ? Il faut dire qu’à la maison, mon frère et moi, nous n’avions pas de chambre personnelle et nous partagions la salle à manger avec deux lits pliants que l’on dépliait le soir et repliait le matin. C’était un peu galère, surtout pour mon frère qui avait 3 ans de plus que moi et qui aspirait probablement à une plus grande tranquillité dans ses études et à une plus grande indépendance et émancipation dans sa vie d’adulte qui commençait. Le collège de la Grande-Bastide à Mazargues était également bien plus proche de chez ma grand-mère que de chez mes parents et les économies n’étaient sans doute pas négligeables, notamment celles réalisées sur l’essence de mon VéloSolex. Mes parents ne roulaient pas sur l’or et l’argent était souvent un sujet de querelles entre eux. Mon père était comptable et ma mère faisait des ménages. L’essence du Solex était censée ne servir qu’à aller au collège mais ma mère était lucide et elle savait que pour moi il était le meilleur moyen pour que je m’évade un peu plus loin que le bout du quartier. Mes parents avaient-ils pris conscience qu’un peu plus d’autonomie me ferait le plus grand bien ? En m’envoyant loger chez sa mère qui avait déjà plus de 70 ans et qui était seule depuis quelques années, mon père voulait-il me montrer la confiance qu’il mettait en moi ? Et de ce fait, être plus tranquille car ma grand-mère était un peu diabétique ? Je ne peux répondre à aucune de ces questions car à l’époque, à vrai dire, j’étais bien trop insouciant pour me les poser. Enfin je me suis retrouvé là et j’étais heureux de cette situation. Être chez ma grand-mère m’apportait de nombreux avantages mais ne m’empêchait nullement d’aller voir mes parents à la Vieille-Chapelle le soir ou le week-end. Le quartier était à un quart d’heure en Solex. Ce que j’aimais chez ma grand-mère, c’était, sous son air faussement strict et sans doute un peu timide, son côté boute-en-train. Ma grand-mère était une vraie pince-sans-rire et je n’ai jamais connue une personne âgée aussi marrante qu’elle. Elle connaissait quantité de blagues grivoises et parfois même un peu cochonnes que je m’efforçais de retenir tant elles me faisaient tordre de rire. Pendant très longtemps, grâce aux blagues d’Adèle et à quelques autres plus personnelles, j’ai eu cette étiquette de « blagueur de service » lors des repas familiaux. Au fil du temps, j’ai perdu le souvenir de la plupart d’entres-elles même si parfois certaines reviennent à ma mémoire avec beaucoup d’allégresse car elles me rappellent les très bons moments passés chez elle. Outre, ce côté « rigolo » que j’adorais, ma grand-mère avait une autre qualité essentielle à mes yeux : elle était excellente cuisinière. Elle me mijotait presque tous les soirs de bons petits plats dont elle seule, et ma mère qu’elle avait initiée avaient le secret et surtout le tour de main : ragoûts, sautés divers et variés, daubes, légumes farcis, alouettes sans tête, pâtes en sauce, raviolis et cannellonis maison c’était mon lot quotidien et surtout quel régal en comparaison du midi et de la cantine du collège ou du lycée. C’est bien simple, quand j’y pense encore aujourd’hui, je revoie cette grosse cuisinière à charbon sur laquelle mijotaient tous ces bons mets qu’elle me préparait rien que pour moi. Je revois ma grand-mère sortir du four tous ces gratinés croustillants et fumants et il me revient dans les narines, ce fumé d’où s’exhalent des odeurs de sauces, de tomates grillées, de thym et d’herbes de Provence. Quelques années auparavant, en 1962, mon grand-père Gabriel nous avait quitté et je suis convaincu que ma présence la rendait heureuse car ça lui permettait de ne pas être trop seule, même si je partais le matin et ne rentrais que le soir après l’école et parfois bien plus tard quand les entraînements du foot m’accaparaient. Les petits plats qu’elle me concoctait, lui rappelaient sans doute une petite fraction du bon temps passé avec mon grand-père paternel. Outre ces évocations-là, quand je me remémore ces trois années scolaires passées chez elle, d’autres aspects bien précis me traversent l’esprit. Il y avait bien sûr Kiki, le chien tout fou de la maison que j’adorais à cause de ses fantaisies toujours imprévisibles. Il avait succédé à un autre chien encore plus dingue que lui et qui s’appelait Mickey. Mickey était le frère de Bambi, ce chien dont mes parents s‘étaient séparés et que j’ai eu l’occasion d’évoquer dans le récit intitulé « le petit chien de porcelaine ». Chez les Jullien, il y a toujours eu des chiens et des oiseaux en cage aussi. Ma grand-mère avait une cage où s’égayait un beau chardonneret au milieu de quelques flamboyants canaris. Ce chardonneret avait une belle particularité. Il suffisait que l’on soulève légèrement la porte de la cage et il passait dessous et sortait. Il ne s’enfuyait pas et quand il estimait que le moment était venu de réintégrer son gîte, il le faisait tout seul. Le reste du temps, il voletait gentiment au milieu de nous, venant se poser sur nos épaules pour quémander une offrande. Le soir, quand je rentrais du collège et que je ne trouvais pas ma grand-mère chez elle, c’est parce qu’elle était partie chez Madame Michel, sa voisine. Moi, cette gentille et vieille dame, je l’appelais la « mère Michel », car bien évidemment elle avait un chat, mais surtout elle avait un perroquet qui était presque capable de vous tenir une conversation. Dieu sait si j’en ai eu des fous rires grâce à ce perroquet de Madame Michel ! Chez ma grand-mère, je retrouvais aussi les frères Errico qui étaient des voisins italiens à peine plus âgés que moi. On s’entendait super bien. Ils étaient excellents bricoleurs mais également très sportifs. Mon vélo et mon Solex profitaient de leur compétence en mécanique et moi, de leur esprit de compétition. Eux étaient coureurs cyclistes et moi c’était surtout le foot. Entre-nous, c’était constamment des échanges de bons procédés. On se lançait en permanence des défis soit à vélo où l’impasse servait de piste de sprint soit au foot où la placette terminale faisait office de terrain. Je les battais au foot mais ils me gagnaient toujours à plate couture sur un vélo. Malgré ça, j’ai toujours aimé les vélos. Le vélo me rappelait mon enfance quand avec mon frère Daniel nous jouions au Tour de France avec des petites figurines. Le plus âgé des frères Errico était un sprinter hors pair gagnant de nombreuses courses amateurs grâce à la puissance de ses cuisses, quand au plus jeune, lui gagnait aussi mais son point fort c’était surtout l’endurance et les longues échappées en solitaire. Pour eux, la campagne marseillaise était essentiellement synonyme de chasse et souvent, je les retrouvais le soir à faire le guet, dans un poste qu’ils avaient construit avec des planches, lesquelles étaient camouflées de branchages. C’est au cours d’une de ces parties de chasse où ils avaient tiré un héron cendré ; allez savoir pourquoi ? ; que l’oiseau blessé, dont on voulait mesurer l’envergure, me planta un grand coup de son bec puissant entre les deux yeux. De cette ânerie et de cette absurdité d’adolescents, j’en garde encore la cicatrice même si j’ai toujours eu conscience de l’immense chance que j’avais eu ce jour-là. A quelques centimètres près, j’aurais pu devenir borgne pour le restant de mes jours. Le héron, dont la blessure n’était que superficielle, je l’ai relâché moi-même quelques jours plus tard. Je l’ai vu partir vers d’autres horizons bien plus cléments que la campagne mazarguaise (de Mazargues, quartier sud de Marseille) où il avait eu le malheur de passer. J'étais heureux qu’il s’en soit sorti et moi avec lui. Quand je pense à ma grand-mère, je pense également à sa maison et à quelques objets que j’ai toujours vus. Un petit crucifix qu’elle avait accroché au dessus de son lit, lit qu’enfant j’ai toujours eu des difficultés à gravir tant il me paraissait haut. Etait-il vraiment haut ? Etais-ce moi qui étais trop petit ou bien était-ce cet énorme édredon qu’il y avait en permanence qui me donnait cette étrange impression de hauteur ? Quand j’ai commencé à loger chez elle, je prenais tant de plaisir à plonger sur cet épais édredon que finalement elle m’en avait confectionné un avec du vrai duvet d’Eider, pour moi tout seul et pour mon propre lit qui n’avait qu’une place. Le logement et ma chambre en particulier n’étaient sans doute pas très bien isolés et je me souviens encore des hivers très rigoureux où je glissais ce gros duvet carrément sous les draps. Entre mes jambes et sous mes pieds, il y avait des briques que ma grand-mère avait pris soin de faire chauffer sur la cuisinière à charbon. Pour ne pas que je me brûle, elle les enroulais dans une serviette ou dans une grosse chaussette en laine ayant sans doute appartenu à mon grand-père. Je me revois encore me blottir dans ce lit douillet et quand le mistral soufflait très fort dehors, j’avais ce sentiment très agréable de m’endormir dans une étuve.  Concernant le crucifix, j’ai compris bien plus tard pourquoi il était là car Adèle ne m’a jamais parlé de religion. Le Christ était là, elle n’en faisait pas un plat et ça devait suffire à son bonheur de catholique non pratiquante. Chez mes parents et grands-parents, les religions n’ont jamais été un sujet à l’ordre du jour. Ce n'était pas tabou car on savait que des religions étaient là et nous étions chrétiens nous-mêmes mais ça n’allait jamais plus loin. Plus tard, dans les papiers de ma mère, j’ai retrouvé un vieux certificat de 1ere communion d’Adèle. Il mentionnait qu’elle avait été baptisée le 7 octobre 1893 et je me suis souvenu du crucifix au dessus de son lit. Je me souviens aussi de cette grosse cloche en verre qui trônait sur sa commode. Je n’ai jamais osé la toucher car elle me donnait l’impression d’une extrême fragilité même si j’ai toujours été curieux de son contenu. A l’intérieur, il y avait des statuettes dorées. Accrochés aux statuettes, il y avait une fourragère et des médailles militaires. Au pied des statuettes, quelques insignes que mon grand-père avait ramenées de la guerre de 14-18, guerre au cours de laquelle, il était revenu blessé et sans doute autant meurtri intérieurement par ce qu’il avait vu que physiquement par ses blessures. Autant que je me souvienne, mon grand-père et ma grand-mère n’ont jamais évoqué les guerres, en tous cas devant nous leurs petits-enfants. Une seule fois, j’ai posé des questions à ma grand-mère à ce propos, car la guerre de 14/18 était au programme du lycée, et elle m’a répondu sans trop s’appesantir avec des mots très simples où  « plus jamais ça, horreur, souffrance, drame, tragédie et chance » revenaient comme des rengaines. Oui, dans sa bouche, j’ai compris ce jour-là, la véritable signification du mot « chance ». Il n’y a jamais eu de seconde fois. Quand une guerre implique 60 millions de soldats et que plus de 10 millions de personnes y perdent la vie, on peut effectivement s’estimer chanceux d’en avoir réchappé. Mon grand-père faisait partie de ceux-là. Par deux fois, il était revenu blessé, meurtri dans sa chair mais vivant et enfin, ma grand-mère et lui avaient pu s’aimer normalement.  Les médailles de mon grand-père, je suis fier de les avoir chez moi aujourd’hui mais pour une seule raison : je sais le prix qu’elles ont coûté et suis conscient que nombreux sont ceux qui n’ont pas eu la chance de les gagner de leur vivant voire du tout. Enfin, le dernier objet dont je me souviens avec le plus de mélancolie, c’est cette petite bibliothèque en bois qui était accrochée dans ma mansarde. C’est mon frère Daniel qui l’avait faite de ses propres mains lors d’un cours de menuiserie au lycée technique de Marseilleveyre. Il me l’avait offerte de bon cœur puis elle est restée longtemps chez ma mère jusqu’à ce que je la récupère pour la mettre dans ma petite maison d’Urbanya. Elle est là-bas maintenant. D’aspect plutôt moderne, je ne m’en séparerais pour rien au monde, car avec le « petit chien de porcelaine », elle reste un des rares objets qui me reste de mon enfance. Au même titre que les photos, ces objets sont des fils d’Ariane qui me relient à mon frère, à mes parents et à mes grands-parents bien sûr. Ils font partie de ma vie.

 

Quand m’est venue cette idée de rendre hommage à Adèle, j’ai voulu, comme pour mon grand-père (Mon grand-père Gabriel Jullien ce héros...), réaliser un petit diaporama des photos que j’avais d’elle. Et là, petit tourment, car j’ai constaté que sur les photos que je détenais d’elle, rares étaient celles où elle souriait. Quelques photos avec un semblant de rictus et une ou deux seulement où on la voit vraiment rire ou s’esclaffer. Sur toutes les autres, pas le moindre début d’une risette. Non Adèle est toujours restée hermétique à toutes les photos que l’on avait pu prendre d’elle, loin de l’image toujours plaisante que j’avais eue. Alors, je me suis dit tant pis, c’était ma grand-mère et un jour où il y aura un diaporama retraçant sa vie. Adèle était ainsi : « rigolote » dans la vie mais fermée à toute image que l’on voulait avoir d’elle. « Être oui, paraître  non », tel devait être son dicton. Heureusement qu’elle ne vit plus aujourd’hui, car sans doute aurait-elle eu horreur de toutes ces photos numériques et autres « selfies » que l’on prend pour un oui ou pour un non ? Je n’ai jamais su pourquoi elle avait eu cette espèce d’appréhension du cliché, mais j’imagine que l’avènement et le début de la démocratisation de la photographie au début des années 1900 a coïncidé avec le départ de mon grand-père d’abord sous les drapeaux puis à la guerre de 14/18. Elle devait être triste de le voir seulement en photos. La photo était donc synonyme d’absence, d’angoisse, de mauvaises nouvelles, d’abominables souvenirs et c’est ce qui transpire un peu de chacune de ses photos les plus anciennes : beaucoup de mélancolie. Rajoutons à tout ça, le fait qu’elle avait des origines alsaciennes, et donc germaniques, qu’elle tenait de sa mère et il est évident que la guerre contre les Allemands l’avait très certainement bouleversée.

 

 

Adèle a définitivement quitté ce monde le 10 mai 1980. Etant née le 26 avril 1893, elle avait 87 ans. Alors que j'habitais déjà les Pyrénées-Orientales, mes parents ne m’ont jamais averti de son départ plutôt soudain alors qu’elle venait d’être admise depuis une année dans une maison de retraite. J’avais pourtant 31 ans et sur l’instant, je leur en ai voulu. Sans doute, ont-ils voulu me protéger de sa mort ? A bien y réfléchir mes parents nous ont toujours protégés de la mort de proches.  La mort d’Adèle ? Je ne l’ai su que plusieurs jours après son enterrement. Je n’ai pas pleuré sur l’instant, malgré la peine que j’avais, et j’ignore pourquoi ? Je n’ai pleuré que bien plus tard. Je m’étais souvenu d’une blague qu’elle m’avait racontée et alors je m’étais mis à rire à cause de la blague, j’ai terminé en pleurs, revoyant tous les bons moments que j’avais passés avec elle quand j’étais plus jeune. Un autre jour, jour de grande solitude et jour de grand cafard comme nous en avons tous, j’ai également pensé à elle en pleurant. C’était en randonnée lors d’un Tour du Vallespir en 2009, et comme souvent quand je marche avec le cafard, je pense à tous les êtres qui me sont chers aujourd’hui disparus. Souvent, j’aurais bien envie qu’ils soient là à côté de moi. Ce jour-là,  c'était la dernière des 6 étapes et j'avais sans doute emmagasiné pas mal de fatigue, mon frère disparu en 1992 à l’âge de 46  ans et ma mère malade d’Alzheimer, ont été les épicentres de ma tristesse et de mes angoisses mais à tour de rôle, Adèle et quelques autres défunts ont fait partie de ce lot d’êtres chers. Ma marche pédestre est devenue pendant une paire d’heures une marche funèbre. J’avais pris conscience qu’elle était morte Adèle…. et il n’y avait pas sujet à plaisanter avec ça….Mon père, qui n’aimait pas cette plaisanterie mais chérissait sa mère, l’a suivi quelques mois plus tard, en novembre 1980 exactement. Il avait 64 ans. Elle était morte Adèle et il ne l’avait pas supporté….et c’est le premier enterrement de ma vie auquel j’ai assisté…..

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Le blues de Sormiou....ou le blues de la calanque bleue....

Publié le par gibirando

 
Grâce au miracle du montage photos, 50 années séparent ces 2 clichés tous deux pris au sommet de Tarzan dans la calanque de Sormiou

Dans mon Journal Mensuel et mes randonnées expliquées, j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer la calanque de Sormiou et certains souvenirs d’enfance et de jeunesse que je gardais au plus profond de ma mémoire. Des souvenirs le plus souvent très heureux car la plupart du temps, c’était le temps des vacances et de l’insouciance. Qualité ou défaut, allez savoir ? Insouciance qui chez moi était assez immense pour ne pas dire démesurée. En novembre 2014 puis en mars 2015, j’ai également évoqué la mort de ma mère dans Mon Journal Mensuel. Avec son départ, une immense page de ma vie s’est tournée. Aujourd’hui, une autre page est entrain de se tourner car ma mère était locataire d’un petit cabanon dans la merveilleuse calanque de Sormiou près de Marseille. Un privilège me diront la plupart d’entre-vous en lisant cet article. Sans doute. Mais à titre personnel, j’ai pris la décision irréversible de me désister de cette location tout en espérant que les autres héritiers de ma famille conserveront ce bien encore très longtemps et surtout que les plus jeunes d’entre-eux auront le désir et le goût de l’aménager et de l’améliorer pour le rendre moins contraignant. Ce cabanon, il faut que je vous en raconte l’histoire. Mes grands-parents paternels et mon père occupaient déjà un cabanon au dessus du petit port. Ce cabanon, je l’ai un peu connu mais en ne gardant que de lointains et fugaces souvenirs car je n’avais que 3 ans quand on l’a quitté. Ce cabanon qui n’était constitué que d’une seule pièce et d’une terrasse était occupé par plusieurs familles et il en était sans doute ainsi depuis le début du 20eme siècle. Mes parents m’ont toujours dit qu’il était très inconfortable car il n’y avait pas de lit mais de simples couchettes et sous la tête, ils mettaient des jambins (**) ou des gireliers (*) en guise d’oreillers. Le 26 juin  1952, le cabanon devenant sans doute trop petit pour toutes ces familles qui s’agrandissaient au fil des ans, Madame Bonnegrâce de Cannolles, la propriétaire, plus connue à Marseille et dans le monde des arts sous le nom de Marie de Sormiou autorisa mon père Louis a construire un cabanon sur un terrain qui lui avait été alloué, juste à côté du plus vieux cabanon construit en dur, le Castelsarran, élevé en 1850. Avec ce terrain, nous avions beaucoup de chance car il était situé au beau milieu du chemin entre le port et la plage avec une vue très ample et très belle sur la calanque.  Ce cabanon fut construit entre 1952 et 1953 par mon père mais surtout sous les directives et avec l’aide et l’expérience de mon grand-père Benoît - Gabriel dont c’était le métier car il était maçon. Pendant 15 ans, c'est-à-dire jusqu’en 1967 toute ma famille occupa ce cabanon gracieusement puis à partir de la 16eme année, mon père devint véritablement locataire. C’était le deal qui avait signé entre la comtesse Marie de Sormiou et mon père. Le deuxième deal, bien qu’écrit nulle part, est que le cabanon revienne à l’héritier survivant et quand mon père est décédé en 1980, tout naturellement ma mère devint la locataire naturelle et légitime. Aujourd’hui, c’est notre tour et nous sommes trois à hériter de ce cabanon familial : ma sœur Nicole, mon neveu Pascal et moi. Moi, si j’ai décidé de jeter l’éponge, c’est pour un tas de raisons. Ces raisons sont-elles bonnes ou mauvaises, je ne sais pas ? En tous cas, ce sont les miennes. En lisant le début de cet article, vous avez bien compris qu’à Sormiou, j’y suis pratiquement né, en tous cas, j’ai commencé à y venir dans un couffin porté par mon père et ma mère qui venaient à pied depuis Mazargues par le Vallon des Escourtines. Plus tard et pendant de longues années, nous y sommes venus à pied depuis le quartier de la Vieille-Chapelle, en passant par le Roy d’Espagne et la Cayolle et avant même que la route soit plus large et bitumée.  Alors Sormiou, j’ y ai passé toute mon enfance et toute ma jeunesse. J’y ai connu mes vrais premiers copains et mes toutes premières copines, mes premiers flirts puis j’ai fait connaître la calanque à ma fiancée Dany, qui est devenue ma femme en 1972.  Nous y avons connu nos premières vraies galipettes que bien évidemment nous faisions en cachette de nos parents respectifs et bien avant le mariage. J’y ai passé la quasi-totalité de mes vacances et cela depuis 65 ans. Je ne me souviens pas ne pas y avoir passé au moins une semaine par an. Enfant, j’y ai connu les bonheurs des fêtes très animées des 14 juillet et des 15 août, les parties de belote, de pétanque, de volley-ball ou de tennis de table acharnées, les balades pédestres quand nous partions sur les crêtes ou vers le cap ou la calanque de Morgiou avec une bande de copains et de copines.  Les parties familiales coriaces au jeu du « bouchon », au cours desquelles oncles et tantes étaient chargées de désigner les perdants c’est à dire les cousins et les cousines que seraient de corvée pour aller jeter la « tinette » à la mer. Les joies de la pêche en bateau avec mon père, mon frère, mes cousins et avec des amis. Les pêches très traditionnelles comme celles des gireliers, de la traîne aux maquereaux ou bien encore celle des rusclets (***) ou celles au fanal où nous attrapions oursins et esquinades, plus communément appelées araignées de mer. Les nuits d’été, nous partions avec mon père pour poser les jambins et nous en profitions pour saisir dans les trous quelques gros fioupélans, gros crabes verruqueux aux pinces impressionnantes. Dès que j’ai commencé à savoir nager, j’ai eu un fusil harpon dans les mains, petit et peu puissant au début, mais c’est ainsi que j’ai acquis la passion de la chasse sous-marine.  De cette manière, j’ai passé maintes et maintes années à ramener des poissons au cabanon. Je passais le plus clair de mon temps avec palmes, masque et tuba, restant parfois jusqu’à 7 heures la tête dans l’eau et très souvent quel que soit l’état de la mer. Quand il y avait trop de poissons, j’en donnais à la famille ou à des amis. Quand ce n’était pas le bateau, c’était la plage avec Dany et les enfants. Plus tard, je les emmenais moi aussi sur les crêtes. Ma vie est passée ainsi et habitant loin de Marseille, Sormiou a toujours été là, dans mon cœur et dans mes pensées. Avant ma retraite, j’avais même idéalisé une existence presque à plein temps à Sormiou mais j’ai eu rapidement conscience que ce ne pouvait pas être une vie tant le manque de confort y était flagrant.  Dany a toujours accepté d’aller y passer les vacances même si je sais que très souvent elle aurait préféré partir un peu ailleurs. De ce fait, à Sormiou, mes enfants ont quasiment eu le même parcours que le mien même si au fil des années, les choses ont beaucoup évoluées pour ne pas dire changées. Changées en mal, c’est en tous cas le regard que j’en ai personnellement aujourd’hui, même si l’évolution que je considère négative a été lente.  La petite calanque quasi privée et d’un calme olympien, lieu de villégiature de quelques « privilégiés » est devenue un lieu de visite bruyant et saturé par une population locale pas toujours « clean » et non locale de plus en plus envahissante. En effet, alors que pendant très longtemps, l’accès de la calanque a été limité en raison des risques d’incendie très importants, depuis quelques années des milliers de touristes affluent de tous horizons en quête de merveilles. Quoi de plus normal me direz-vous ? Oui, effectivement mais les risques d’incendie sont toujours là et la moindre étincelle en plein été se transformera sans doute en un véritable cauchemar infernal pour des milliers de gens. Voilà, cette ruée incontrôlée est un des points qui me fait regretter le passé et qui fait désormais de ce petit coin de paradis un lieu assez démoniaque en été. Certains disent que c’était inéluctable et je le pense aussi, tout en le regrettant quand même. En effet, depuis quelques années, le soir et assez souvent la nuit, la calanque est devenue le lieu de rassemblement de bruyants énergumènes et malheureusement il n’y a personne sur place pour faire la police. Bon, tout ça, Dany et moi nous serions encore prêts à l’accepter mais bien d’autres contraintes nous sont devenues insupportables car bien trop lourdes. A Sormiou, il n’y a pas d’électricité et pas d’eau courante. L’eau de pluie doit être pompée dans une citerne. Voilà d’autres contraintes dont on a perdu l’habitude et dont on souffre aussi en prenant de la bouteille. Le cabinet de toilette est très spartiate et est planté depuis toujours au beau milieu de la cave et ça malgré diverses requêtes auprès du gestionnaire de la location pour en changer l’emplacement. Pour changer tout ça, il faudrait investir, faire des travaux et j’avoue que je n’en ai plus la force ni l’envie. Tous les deux jours, on doit monter à Marseille pour faire des courses et quand on revient à la calanque, le parking est très souvent archibondé par des voitures de toutes provenances. Difficile à imaginer et à croire quand on sait qu’il faut un laissez-passer pour accéder à la calanque et un autocollant pour se garer gratuitement sur le parking. Comment font-ils tous ces visiteurs ? Mystère mais surtout magouille et laxisme ! Une fois sur deux, le petit chemin menant au port et que l’on doit emprunter pour se rendre au cabanon est fermé. Ce n’est pas la bonne heure, nous dit-on en passant devant le garde ! Là, quand on a le bonheur de trouver une place de parking pas trop éloignée, on est obligé de se trimballer les courses et c’est donc plusieurs allées et venues avec de gros sacs, des packs d’eau quand ce n’est pas avec la bouteille de gaz du frigo, de la cuisinière ou du barbecue que l’on est obligé de changer régulièrement et parfois chaque semaine. Alors c’est vrai, le manque de confort nous en souffrons en prenant de l’âge. L’été nous avons trop chaud et nous dormons mal. Les lits ne sont pas suffisamment confortables et il faudrait changer tous les matelas. Le soir, les moustiques nous dévorent et il est très difficile de rester dans un transat pour bouquiner ou bien de faire une simple partie de cartes. Le débroussaillage obligatoire chaque printemps, la réfection et l’entretien du cabanon que l’on doit assumer, tout ça c’est devenu trop pesant pour moi et pour Dany et aujourd’hui, l’on aspire à un peu plus de tranquillité, de quiétude et de plaisir quand on envisage de prendre des vacances. A tout ça, sont venus se greffer ces dernières années, de nombreux tracas et pannes avec les deux derniers bateaux que nous avons détenu en commun avec mon neveu Pascal et mon fils Jérôme. Des bateaux bien trop gros avec de lourds moteurs, que personnellement je trouvais inadaptés à la calanque où il n’y a pas de réparateur sur place.   Or, à Sormiou quand je n’ai pas de bateau je m’ennuie. Là-bas, ma vie estivale tourne autour de ça et quand ce n’est pas la pêche, j’aime m’adonner à la randonnée pédestre. Or désormais, toutes ces activités sont réglementées, parfois très limitées voire interdites depuis que la calanque a été inscrite dans le Parc National des Calanques crée en avril 2012. De ce parc, il y aurait également beaucoup à dire mais en tous cas, il est pour moi synonyme d’entraves supplémentaires. Ce parc,  qui à l’origine est sensé faire la part belle à la protection de l’environnement, de la nature et donc du patrimoine est en réalité orchestré pour attirer de plus en plus de touristes. Que dire des centaines de bateaux qui viennent mouiller à quelques mètres du rivage détruisant ainsi et à tout jamais et à longueur de temps, les herbiers de posidonies ? Parmi ces centaines de bateaux, de très nombreux jettent par-dessus bord, leurs excréments et leurs ordures ménagères. Je l’ai vu de mes propres yeux.  Que dire également des eaux usées qui se déversent à longueur d’années par les égouts de Cortiou ? Que dire des boues rouges, résidus toxiques de bauxite, que les industriels d’Altéo, ex-Péchiney, rejettent depuis 1966 dans le canyon sous-marin de Cassidaigne ? Que dire des « promène-couillons » pour lesquels on élabore de larges chenaux pour qu’ils puissent venir et manoeuvrer au plus près du rivage pour satisfaire des touristes de plus en plus nombreux, des professionnels de la promenade en mer de plus en plus prolifiques et donc des intérêts économiques de plus en plus élevés ? C’est ça que l’on appelle le développement durable ? Si l’on ne peut être que favorable à la protection de la nature, voilà quelques points noirs que le parc national devra un jour résoudre s’il veut véritablement défendre et surtout préserver faune et flore terrestre et marine comme il le prétend. Enfin, il faut l’espérer mais personnellement je doute que ça change un jour. Pendant ce temps et comme c’est beaucoup plus facile, on a ôté aux cabanoniers des pans entiers de leurs ancestrales traditions : limitation dans la façon de pêcher, interdiction de certaines pêches traditionnelles et de certains lieux, de chasser dans les collines, de sortir des sentiers balisés, de nager hors des espaces prévus à cet effet, d’allumer un barbecue même homologué, de mouiller en bateau à certains endroits, j’en passe et des meilleurs, etc….. Voilà d’autres contraintes et entraves à mon bien-être et à celui de nombreux cabanoniers. Quand je parlais d’évolution et de changements, il faut reconnaître que ce n’est pas toujours les « bonnes » évolutions et les « bons » changements que l’on a privilégiés à travers ce parc des calanques. Ajoutons à tout ça que les loyers flambent et flamberont de plus et plus et je vais fermer cet article avec l’espoir que toutes ces contraintes ne freineront pas les ardeurs des autres héritiers à conserver le plus longtemps possible ce cabanon familial. Moi, aujourd’hui je suis triste, triste d’arrêter la location de ce cabanon à cause de toutes ces contraintes bien trop lourdes pour moi et j’espère que de là-haut mon père et mon grand-père ne m’en voudront pas trop, eux qui ont durement trimé pour le construire. Ils fabriquaient leurs propres briques avec le sable de la sablière se trouvant juste devant le Château. Triste de cette évolution écœurante où l’on voit bien que le fric est devenu le seul nerf de la guerre au détriment d’une prétendue écologie. Triste de savoir que je ne verrais plus ou en tous cas beaucoup moins ce petit paradis bleu, blanc et vert que « les Treize amis, très amis » (****) avaient choisi comme lieu de leurs détentes hebdomadaires et où personnellement, j’ai passé les plus belles vacances de ma vie. Triste de ne plus voir mes enfants et mes petits-enfants se baigner dans cette mer turquoise et patauger sur le sable fin de la plage. Enfin plus globalement très triste de tourner une autre page essentielle de mon existence. Un seul bon point à toutes ces tristesses et ce n’est pas le moindre, je verrais beaucoup moins le quai où mon frère Daniel est tombé pour l’éternité en cet horrible 18 juillet 1992. Il revenait tout simplement d’une partie de pêche nocturne et il venait d’avoir 46 ans.

 

Il semble que je ne sois pas le seul à avoir le blues de Sormiou…..et même le Journal Le Monde s’en était déjà fait l’écho en 2009…..

(*) girelier : petite nasse en osier avec une entrée en forme d'entonnoir pour pêcher des girelles, petits poissons parfois très colorés. 

(**) jambins : grande nasse de fabrication identique à celle du girelier permettant de capturer des poulpes, des congres, des murènes et certains crustacés.

(***) rusclet ou rusquet : Encore appelé "bouchon marseillais", le rusquet est un bouchan de liège armé d'hameçons que le pêcheur laisse dériver à la surface dans l'attente qu'un poisson accepte de venir manger le leurre en général du pain rassis. Les poissons les plus friands sont la saupe, le muge ou mulet, l'oblade et la bogue.

(****) Treize amis, très amis : En 1904, un groupe de 13 amis du quartier de Mazargues à Marseille décide de se retrouver à Sormiou chaque fin de semaine pour passer de bons moments ensemble. C'est ainsi dit-on que démarre l'esprit des cabanoniers des différentes calanques, esprit des lieux qui perdure encore de nos jours. 

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Albert Falco, mes bleus souvenirs...

Publié le par gibirando


Mes enfants m’ont offert pour Noël, un très beau livre intitulé « Sormiou, le berceau bleu de mes souvenirs ». Or, aujourd’hui, même si j’en recommande vivement la lecture car j’ai pris beaucoup de plaisir à le lire, c’est plus de son principal auteur que j’ai envie de vous parler que du livre lui-même.

Cet auteur, auquel aujourd’hui je veux rendre hommage au travers de cette très humble chronique, c’est le célèbre Albert Falco qui malheureusement nous a quitté en avril 2012, quelques mois après l’impression et la parution de ce livre dans lequel il nous raconte son remarquable parcours d’homme, de plongeur et de marin. Moi, je vais l’appeler Bébert car à Sormiou, tout les calanquais l’appelaient comme ça et je suis persuadé qu’il aurait voulu qu’il en soit ainsi. Je dis de lui qu’il est « célèbre » mais en réalité, j’avoue que je n’en sais trop rien mais il y a une chose dont je suis certain, c’est qu’il est forcément connu des gens de ma génération et à fortiori de la précédente mais à coup sûr de toutes les personnes qui, un jour ou l’autre, se sont intéressés de près ou de loin aux « choses de la mer ». Sur le plan mondial, ça fait tout de même beaucoup de monde !

En effet, qui de la génération des années 1930 à 1960 ne connaît pas « le Monde du Silence » de Louis Malle et de l’illustre commandant Cousteau, film primé en 1956 par une Palme d’Or au Festival de Cannes et un Oscar à Hollywood en 1957 ? Qui, de ces générations-là n’a pas un jour ou l’autre, vu à la télé ou même possédé tout ou partie de la collection des aventures cinématographiques de la légendaire Calypso, intitulée « l’Odyssée sous-marine de l’équipe Cousteau » ? Alors forcément, même si Albert Falco est un peu moins connu des générations qui ont suivi et des jeunes d’aujourd’hui, il restera à jamais l’apprivoiseur de Jojo le mérou et l’irremplaçable chef plongeur et capitaine de la Calypso. A la fin de son livre, il suffit de lire sa « Chronologie » pour prendre conscience de la richesse de son incroyable parcours.  

Moi, je l’avoue, j’ai un regard un peu faussé de Bébert. Mais comment pourrait-il en être autrement, car toutes proportions gardées, si Sormiou a été le berceau bleu de ses souvenirs, la calanque a été et est encore aujourd’hui largement le mien ? Sormiou, j’y suis quasiment né, enfin pas très loin, dans ce quartier de Marseille qui s’appelle Mazargues et qui est tout proche de la calanque. Mes grands-parents et mes parents ont toujours été détenteurs d’un cabanon au sein de la calanque et tout enfant, j’y venais, comme Bébert, par le sentier des Escourtines ou bien celui des Treize Contours avant que la route bitumée ne voit le jour. Comme son propre père, le mien y a toujours eu un bateau qu’il construisait d’ailleurs lui-même et qu’ici on appelle « bette », « barquette », « pointu » ou encore « youyous » quand ils sont plus petits. Mais bon, Sormiou, j’aurais sans doute l’occasion de vous en reparler un jour ou l’autre dans le « Journal mensuel » de mon blog, car si cette merveilleuse calanque a été le « berceau bleu » de Bébert et aussi le mien, je n’en garde pas que des bons souvenirs car elle a été aussi le « cercueil noir » de mon frère Daniel, qui en 1992 y a perdu la vie par un beau matin de juillet sur un quai de son petit port. Il venait tout juste d’avoir 46 ans.

Mais revenons à Bébert car rien que d’écrire ces quelques lignes au sujet de mon frère, il m’en vient les larmes aux yeux….mais c’est sûr, je vous reparlerais un jour ou l’autre de Sormiou, ce berceau bleu de mes souvenirs à moi aussi.

D’Albert Falco, je ne peux pas avoir un regard vraiment objectif car voilà un homme qui m’a fait rêvé la mer comme personne et notamment à travers ses films mais pas seulement. Personnellement, plutôt que de lire « sa vie », j’aurais nettement préféré qu’il me la raconte. Oui, cela aurait été sans doute génial et surtout possible car nous avons assez souvent vécu non loin l’un de l’autre à la calanque de Sormiou. En 1971, quand son cabanon a brûlé, il est venu s’installer pendant quelques années non loin du mien à celui qui s’appelle le « Conteur d’Ô » mais que nous, nous avions toujours appelé « le cabanon des Gomme » car une famille portant ce nom-là y avait vécu quelques années auparavant. Mais les circonstances n’ont jamais été réunies pour qu’il me raconte sa vie. Moi, parce qu’il m’intimidait et lui, car il avait sans doute d’autres passions à assouvir et d’autres missions lointaines à accomplir que de s’occuper de moi. A vrai dire, nous ne sommes pas souvent croisés. Parfois, depuis mon cabanon, je le voyais accoudé à la balustrade du sien, regardant la mer qui sans doute, l’appelait sans cesse même quand il était en vacances.

Pourtant, les occasions de lui parler sont parfois arrivées mais je lui disais simplement bonjour et j’ai toujours pensé que le fait qu’il me réponde, suffisait à mon bonheur. Je me trompais et je m’aperçois aujourd’hui que j’aurais peut-être dû aller vers lui quand les occasions se présentèrent et pourtant par deux fois, je m’y suis essayé.  Ces deux anecdotes, elles sont profondément ancrées dans ma tête et je vais tenté de vous les raconter comme je m’en souviens aujourd’hui. Mais avant tout, précisons que Bébert était plus âgé que moi d’une vingtaine d’années. 22 ans pour être exact. Voilà ces anecdotes :

 

-          Je devais avoir treize ou quatorze ans, peut-être un peu moins et déjà j’étais un vrai passionné de chasse sous-marine depuis 2 ou 3 ans. Passionné mais pas vraiment doué car sans doute un peu trop nerveux au moment fatidique où il fallait approcher les poissons et appuyer sur la gâchette de mon minuscule harpon équipé d’un trident. Mais heureusement quelques années plus tard, je vais finalement me calmer et là, ça changera du tout au tout et je vais « tirer mon épingle du jeu ». Mais revenons à Sormiou et à ce jour-là. Alors que j’étais sur le chemin qui va de la plage au port, je vois Bébert arriver en tenue de chasseur sous-marin avec sa combinaison néoprène et dans les mains, son masque, son tuba, ses palmes et son fusil. Pour moi, à l’époque, avec mes yeux d’enfant, il était déjà « l’immense Bébert », le plongeur de la Calypso, l’amadoueur des gros poissons et des requins notamment et surtout l’acteur de cinéma que j’avais déjà vu dans quelques films : le Grand Conclu, un film sur les holothuries qu’ici à Marseille on appelle « boudins de mer » et bien sûr, le Monde du Silence. Evidemment, je lui emboîte le pas et le voilà qu’il se met à l’eau juste devant mon cabanon à l’endroit même où j’avais l’habitude de me baigner et de « pêcher » mes pataclets et mes gobies. Il ne prête pas attention à moi, mais moi, je ne le quitte pas des yeux. Je le vois traverser les Cabesailles et disparaître très rapidement derrière la Pointe de la Busque que les calanquais appellent plus communément « Blanc » et désormais plus connue comme étant la pointe où se trouve le cabanon de Fabio Montale, la célèbre série télé avec Alain Delon. Que croyez-vous que j’ai fait ? Je l’ai attendu là, sur les rochers, au bord de l’eau, à me faire bronzer pendant plus de deux heures en espérant bien sûr qu’il ne sorte pas de l’eau ailleurs. Puis, au bout de deux heures, je l’ai vu revenir et quant il est ressorti de l’eau, autant le dire, j’étais plutôt déçu. Avec mon regard de jeune adolescent et l’admiration que je lui portais, je m’attendais à le voir sortir avec d’énormes poissons à la ceinture comme j’en avais vu nagé très souvent dans ses films et au lieu de ça,  il n’avait que quelques beaux sars, deux ou trois loups et muges plutôt moyens et surtout un très beau poisson aux multiples couleurs chatoyantes que je voyais pour la toute première fois. C’est ce poisson-là dont la maille faisait au moins 30 centimètres qui ce jour-là m’impressionna le plus, non pas à cause de sa taille mais de ses belles couleurs bigarrées. Quelques années plus tard, j’appris qu’il s’agissait d’un Labre paon ou plus exactement d’un Crénilabre paon (Symphodus Tinca)  mais qu’ici à Marseille, on appele plus couramment des « vieilles » ou des « roucaous ». Bébert a ôté son masque, son tuba et ses palmes et moi, je le regardais sans rien dire. J’avais pourtant une envie folle de lui adresser la parole mais je ne savais pas quoi lui dire et en tous cas, les mots n’arrivaient pas à sortir de ma bouche. Puis finalement, le voyant un peu embarrassé avec son matériel et sa douzaine de beaux poissons, je lui ai dit « belle pêche, je peux vous aider Monsieur » mais très gentiment il m’a répondu « non merci, ça va aller ! » puis il a rajouté « ça te ferait plaisir si je t’offrais un poisson ou deux » et là, je ne sais pas ce qui s’est passé dans ma tête mais j’ai bêtement répondu avec un mensonge « non, merci, moi aussi je fais de la pêche sous-marine et j’en attrape aussi des poissons comme ceux-là ! ». Il a simplement eu un petit sourire et a dit « Ah bon !  Très bien ! ». Puis il est parti. Je l’ai suivi jusqu’au chemin et se dirigeant vers la plage, il a très rapidement disparu et je suis resté très longtemps sans plus le revoir. Dans la seconde qui a suivi cette première rencontre, je regrettais déjà mes paroles, je m’en voulais d’avoir menti et fanfaronné à « Monsieur Albert Falco » mais ce jour-là, je me suis fait une promesse : « attraper à la chasse sous-marine autant de poissons que Bébert venait d’en sortir ce jour-là et surtout attraper ce magnifique poisson multicolore que j’avais aperçu accroché à sa ceinture». Voilà la petite histoire de ma vraie première rencontre avec Bébert. Cette courte rencontre a accouché d’un mensonge mais surtout d’une promesse d’enfant, promesse qui finalement a du m’être utile puisque elle s’est exaucée plus tard des dizaines voire quelques centaines de fois. Mais ce n’est pas tout. A partir de ce jour-là, mon parcours de chasse sous-marine préféré a été de me mettre à l’eau devant mon cabanon, de traverser les Cabesailles puis de partir derrière la Pointe de Blanc en direction de la crique de la Palée ou de Cancéou en passant par le récif de la Loude (renommée depuis peu Réserve Albert Falco) quand ce n’était pas jusqu’au Cap de Morgiou. Plus je grandissais ou vieillissais, plus je prenais de l’assurance et plus j’allais loin. Très souvent, quand j’estimais avoir le poisson suffisant à ma consommation personnelle, je me baladais uniquement pour le plaisir des yeux. Oui, je peux vraiment le dire, ce jour-là,  Bébert m’avait montré un chemin, un chemin magnifique qu’il m’arrive encore de parcourir aujourd’hui, même si je ne vais plus aussi loin qu’avant. Je ne me suis jamais lassé d’y découvrir de merveilleux fonds sous-marins.

 

-          La deuxième rencontre avec Bébert est plus récente, beaucoup plus cocasse mais malheureusement pour moi, elle aussi s’est terminée en « eau de boudin ». C’était il y a une dizaine d’années, peut-être moins, je ne sais plus exactement et ce soir-là, à Sormiou c’était la fête. Les organisateurs avaient programmé une « belle » sardinade à laquelle tous les calanquais et amis étaient conviés moyennant une modeste obole. Tout à fait par hasard, à un moment de la soirée qui était déjà bien avancée, Bébert et moi nous nous sommes retrouvés en tête à tête devant une table, à quémander sans doute du rabiot ou un verre d’apéro supplémentaire au jeune garçon qui faisait office de serveur. Ce soir-là, très spontanémment, nous nous sommes serrés la main et c’est lui qui a engagé la conversation en me demandant si j’étais un « calanquais ». Sur le moment,  j’ai été très surpris de sa question et Bébert, c’est rendu compte de mon air étonné mais il fut sans doute encore plus surpris de ma réponse quand je lui dis que je venais tous les ans passer mes vacances à Sormiou depuis ma plus tendre enfance. Il me demanda mon nom qu’il semblait connaître ou du moins avoir déjà entendu puis il me demanda où se trouvait mon cabanon. Je lui décrivis l’endroit en insistant sur le fait que mon cabanon était non loin de celui s’appelant le « Conteur d’Ô » qu’il avait loué quelques années. En se dirigeant vers la plage, un petit cabanon juste après le virage ai-je rajouté. Ainsi, nous engageâmes une vraie conversation dont j’étais ravi car Bébert s’intéressait enfin  à moi. En tous cas, il s’intéressait à ma famille et semblait très surpris de ne pas mieux nous connaître au regard des premières réponses que je lui avais fournies. Bien sûr, j’ai insisté sur le fait que notre cabanon était un peu isolé des autres mais aussi que nous avions toujours été une famille discrète voire timide et parfois même un peu introvertie chez certains de nos membres. Je lui ai dit également que j’habitais la région perpignanaise et que depuis très longtemps je ne venais que quelques jours par an et le plus souvent pour les vacances d’été. Mais ensuite,  quelques-unes de mes réponses le troublèrent et semblèrent même un peu le contrarier quand je lui dit qu’étant plus jeune, j’avais toujours ressenti et même vécu une certaine rivalité entre les enfants de la plage et ceux du port, allant même jusqu’à lui dire que j’avais eu le sentiment qu’il y avait eu deux bandes distinctes, les riches côté plage et les pauvres côté port dont j’avais fait partie. Je ne sais pas si Bébert s’est senti visé car plus jeune il avait toujours vécu à Sormiou côté plage mais il semblait en total désaccord avec ma manière de voir les choses insistant notamment sur le fait que lui, il avait toujours eu beaucoup d’amis des deux côtés. Je lui ai dit que cette période des clans n’avait peut-être pas toujours existé et qu’en tous cas elle n’avait pas perduré dans le temps notamment pour mes propres enfants. La conversation allait bon train quand tout à coup, j’entendis un grand bruit et n’ayant pas le temps de me reculer quelques assiettes de sardines et plusieurs bouteilles d’apéritifs vinrent me tomber sur le bas du ventre et les jambes. Le serveur venait de renverser malencontreusement la planche servant de table qui se trouvait sur deux tréteaux. Ce petit désastre aurait pu s’arrêter là car bien que quelques bouteilles s’étaient cassées en percutant le sol, personne n’était blessé mais malheureusement une bouteille de pastis mal bouchée était tombée sur mes cuisses et désormais, j’empestais l’anis tel un vrai poivrot. Quelques sardines avaient même fini sur mon bermuda. Cet incident mit fin à notre conversation qui s’arrêta là brutalement, Bébert me disant sur le ton de la plaisanterie « vous devriez quand même aller vous changer ! ». J’étais à la fois déconcerté et en colère contre le serveur, même si je ne voulais pas le lui montrer,  mais j’étais surtout furax d’être contraint de mettre un terme à cette conversation avec le « grand Albert Falco ». J’aurais eu envie d’argumenter mon point de vue sur ce « mur virtuel » qu’il y avait eu entre les « riches » de la plage et « les pauvres » du port au temps de mon enfance et de ma jeunesse. J’aurais eu envie de lui dire que ce mur, il ne l’avait sans doute pas ressenti ou connu à la fois car nous n’étions pas de la même génération mais aussi parce que très jeune, il avait eu l’occasion de côtoyer des gens très intéressants qui l’avaient sorti d’une certaine oisiveté en l’initiant très jeune à la chasse et à la plongée sous-marine. J’aurais eu envie de lui dire que cette oisiveté, nous enfants du port de Sormiou, nous l’avions inévitablement connu car nos passe-temps favoris étaient très souvent les mêmes avec essentiellement des bains de mer et des balades sur les crêtes avec les copains, les seuls vrais entractes à ces divertissements étant les 14 juillet et les 15 août, jours de fêtes, les parties de pêche avec mon père le week-end ou bien quand nos parents nous autorisaient à aller « caler » les gireliers ou les jambins. J’aurais eu envie de lui parler de notre première rencontre au bord de l’eau, juste histoire de voir s’il avait gardé un quelconque souvenir de mon « affreux » mensonge. Non, à mon grand regret, je n’ai jamais pu finir cette conversation car ce soir-là, j’ai salué Bébert, j’ai quitté la sardinade avec mon bermuda trempé  et tâché et je suis parti me coucher avec l’odeur du pastis plein les narines. Jamais plus l’occasion de se parler n’est vraiment revenue. Lors d’un concours de pêche où notre bateau avait fini trois ou quatrième, Bébert remettant les prix aux vainqueurs, nous nous serrâmes la main une fois encore mais ce fut la dernière car je ne le revis ensuite que très rarement.

Voilà ce que j’avais envie de dire d’Albert FALCO, deux rencontres complètement ratées comme des bleus sur la peau, des bleus inaltérables et un homme que je n’ai jamais vraiment connu et que j’ai pourtant toujours profondément admiré….car autant le dire, si Bébert a eu la vie qu’il avait toujours rêvé d’avoir, moi depuis que j’ai quitté mon berceau bleu, j’ai souvent rêvé d’avoir la même que la sienne. Une vie face à face avec le bleu de la mer…

Gilbert JULLIEN

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Morgiou, son cap et sa calanque depuis Sormiou

Publié le par gibirando

  
Ce diaporama est agrémenté de 4 chansons interprétées par Gilbert Bécaud et qui ont pour titre "Les marchés de Provence", "Le bain de minuit", "Un peu d'amour et d'amitié" et "Je reviens te chercher".

LE-CAP-DE-MORGIOU

CAPMORGIOUIGN

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Cette balade au Cap de Morgiou depuis la calanque de Sormiou que je vous conte aujourd’hui, c’est sans aucun doute celle que j’ai réalisée le plus grand nombre de fois au cours de ma vie. Il faut dire qu’étant enfant, c’est à Sormiou que j’ai passé l’essentiel de mes vacances scolaires. Je ne sais plus exactement mais je devais avoir 7 ou 8 ans quand j’ai accompli cette balade pour la première fois puis plus tard, il m’est arrivé d’enchaîner cette excursion plusieurs jours de suite dès lors qu’un nouveau copain arrivait dans la calanque pour passer ses vacances.  Bien sûr, à l’époque, je ne partais jamais seul et nous étions toute une bande de potes qui la faisions ensemble. J’ignore donc combien de fois j’ai effectué cet aller-retour Sormiou-Cap de Morgiou-Sormiou mais je pense que ça se chiffre en plusieurs dizaines de fois. J’en garde donc des monceaux de souvenirs. A l’époque, ce n’était pas le goût de marcher, ni l’aspect sportif, ni la découverte du patrimoine historique qui nous faisait aller là-bas et nos desseins étaient beaucoup plus élémentaires : « cette balade était tout simplement très belle et nous voulions le prouver à nos nouveaux copains ». Aujourd’hui, c’est bien évidemment la même motivation qui m’a incité à décrire cette jolie balade dans mon blog mais il y en a aussi désormais quelques autres. En effet, 50 ans et des poussières plus tard, je n’ai pas eu envie, comme on dit, de marcher « idiot » et si quand je le peux, ce désir de marcher « intelligemment » est presque devenu « normal »  pour moi, il l’était tout particulièrement pour cette randonnée-là. Je me suis donc lancé dans des recherches sur le Net avant de partir.  Connaissant bien le Cap de Morgiou et ses nombreux vestiges, je me doutais bien que cet endroit devait posséder une histoire relativement riche et je dois l’avouer mes recherches sur le sujet m’apportèrent des réponses bien au-delà de toutes mes espérances même si parfois l’Histoire et le folklore marseillais finissent par se confondre.  Grâce à quelques sites Internet et au plus remarquable d’entre eux, celui de Madame Michèle Weismann consacré aux calanques que son père le Docteur Albert avait tant aimées, j’appris par exemple que le sentier que j’avais cheminé tant de fois avait été emprunté le 30 Mars 1813 par 200 à 300 soldats de l’armée anglaise. Ils avaient débarqué à Sormiou dans la nuit et passant par ces mêmes crêtes que j’allais emprunter, ils étaient venus dès l’aube prendre à revers les 40 hommes de la garnison napoléonienne en faction au Cap de Morgiou. En lisant ce récit, je revoyais dans ma tête, ces fortifications qui de loin se fondent dans le décor et que l’on aperçoit seulement en arrivant au cap. Eh bien, il semble qu’on rencontre de nombreuses difficultés pour en établir la date exacte de leur édification. On parle d’abord de la construction d’une place forte pour faire face aux Barbaresques mais comme ces razzias en provenance de divers horizons musulmans ont perduré très longtemps dans toute la Méditerranée et bien plus loin encore, on mentionne la date de 1614, sortie, il faut le dire, de je ne sais où. Puis, selon l’histoire locale, peu après la Révolution Française et les guerres qui en découlèrent, les Anglais aidés par les monarchistes se seraient installés à Morgiou en 1793 où ils auraient édifiés ces remparts. Une version de l’Histoire raconte qu’en venant par la mer faire le siège de Toulon pour aider le Général Dugommier, le jeune capitaine Napoléon Bonaparte aurait, en passant devant le cap de Morgiou, essuyé des tirs d’artillerie d’Anglais commandés par un certain Hudson Lowe. Le futur empereur n’aurait pas répliqué et mal lui en a pris car ce même Hudson Lowe fut à Sainte-Hélène son plus affreux geôlier. Mais Bonaparte s’est-il néanmoins souvenu de ces tirs ? On peut le penser car l’Histoire officielle retient un décret impérial du 17 novembre 1810 signé de Napoléon lui-même dans lequel il ordonne la construction ou la reconstruction d’une ensemble de défenses maritimes sensé lutter contre la flotte anglaise qui n’avait de cesse de pirater les bateaux de commerce.  Ainsi et malgré quelques lacunes historiques, une foultitude de choses s’éclaircissait pour moi. Tous ces vestiges découverts depuis ma plus tendre enfance, auxquels mes yeux d’enfant n’avaient jamais prêté beaucoup d’intérêts, prenaient enfin pleinement leurs sens. Le fortin, les remparts, les batteries, la vigie, ces amoncellements de pierres et bien d’autres ruines  se transformaient soudain en de fabuleuses histoires avec un grand « H ».  Ces Histoires, je ne vais pas vous les raconter toutes dans le détail, ce serait bien trop long et d’autres l’ont déjà fait bien mieux que je ne pourrais le faire moi-même. D’ailleurs ce n’est pas le but de mon blog qui est plutôt de donner envie de marcher et donc d’aller voir par soi-même. Par contre, vous trouverez dans cet article, quelques liens qui vous permettront d’en apprendre autant que moi. C’est donc la tête emplie de tous ces récits d’aventures authentiques que ce 12 septembre, j’ai démarré cette balade vers le Cap de Morgiou. En réalité, ce qui devait être une simple randonnée se transforma presque en une quête en arrivant au cap. Toutes ces ruines, tous ces vestiges que j’avais ignorés pendant tant d’années se présentaient soudain à mes yeux revêtus d’une incroyable importance et la randonnée se transforma bien évidemment en une extraordinaire flânerie d’investigation. J’ai démarré cette flânerie en empruntant le G.R qui s’élève au dessus du petit port de Sormiou. Un étroit sentier balisé en rouge grimpe immédiatement dans le maquis puis longe une barre rocheuse qu’il faut finir par escalader sur un ou deux mètres en s’aidant inévitablement des mains. Une fois cette petite difficulté franchie, le sentier bien que caillouteux s’aplanit et devient bien meilleur. Il longe désormais une longue falaise de calcaire blanc et ici, je ne peux m’empêcher de repenser à la cabane à Bob que tous les calanquais de Sormiou dignes de ce nom ont inévitablement connue. (déjà expliquée dans ce blog dans l’article consacré au Baou Rond). Le sentier contourne cette blanche falaise et arrive au lieu-dit « le Carrefour » où là, il faut suivre un balisage bleu en prenant à droite de l’immense cairn qui a été élevé à cette intersection. Entre-temps, vous aurez déjà eu l’occasion de découvrir les superbes vues plongeantes sur Sormiou et les panoramas plus lointains qui se dévoilent vers l’Archipel de Riou et le Massif de Marseilleveyre. Ces mêmes panoramas dont je vous disais qu’étant enfants, ils étaient nos seules motivations à venir jusqu’ici plusieurs jours de suite. En réalité, ce n’est pas tout à fait juste  car ces collines étaient notre exutoire, nos terrains de jeux, nos terres d’aventures et grimper jusqu’à leurs crêtes, ce n’était jamais une corvée tant nous étions un groupe de copains et de copines uni comme le « Club des 5 » ou le « Clan des 7 » mais à une différence non négligeable c’est que nous, nous étions le plus souvent 10, 15 voire 20.  Rarement, j’ai entendu des amis se plaindre de la difficulté du parcours sauf peut-être quand certains avaient la mauvaise idée de venir marcher avec des chaussures inappropriées du style « sandale de plage » ou bien  « espadrilles en cordes ». Là, dans les éboulis et les sentiers caillouteux à souhait, la partie de plaisir se transformait très rapidement en un calvaire que Jésus lui-même aurait mal supporté. Ceux-là, s’excluaient d’eux-mêmes du groupe et ils  sont très rarement parvenus jusqu’à destination. Car bien sûr, il y avait une destination finale à cette marche de plusieurs heures, le plus souvent effectuée sous une phénoménale canicule. Cet objectif suprême s’appelait : « Saint-Pierre  », ça ne s’invente pas ! Pour arriver devant Saint-Pierre, il fallait d’abord chevaucher la longue crête de Morgiou, descendre l’immense mamelon de la Porte de  Rome dans un sentier difficile car très pentu et gravilllonneux pour atteindre le col de Renard. Là, il fallait poursuivre et franchir les fortifications puis redescendre tout le Cap de Morgiou jusqu'à son ultime extrémité. Ici, à la pointe du cap et non loin de l’emplacement des anciennes batteries, se trouvait « Saint-Pierre », seul endroit où nous pouvions accéder à la mer pour nous baigner et surtout remonter sur la terre ferme une fois les baignades terminées. C’était toujours un vrai bonheur de se baigner là. A la fois parce que nous avions eu très chaud par parvenir jusqu’ici mais surtout parce que la haute falaise était presque toujours un prétexte à se mesurer pour savoir lequel d’entre-nous effectuerait le plongeon le plus haut voire le plus audacieux. Les filles, elles, regardaient nos exploits et nous jouions déjà les frimeurs et les séducteurs dans l’espoir d’un flirt tant désiré. Les plus téméraires avions toujours l’impression de braver des interdits car outre les plongeons, au cap, les courants marins y étaient souvent puissants et redoutables. Pour les moins courageux, il y avait toujours cette petite cuvette pleine d’algues vertes au fond bien lisse où ils pouvaient tremper leurs fesses. Moi, les jours que je préférais, c’était les jours de gros vent d’est quand la mer frappait violemment la falaise.  Pour se baigner, nous n’avions pas besoin de plonger ni de descendre jusqu’au bord de l’eau, il suffisait de s’accrocher fermement à  un rocher et la mer faisait le reste. Nous étions très inconscients mais je retiens surtout de cette période, les nombreuses parties de rigolades et les bains de soleil que nous avons pu prendre sur les roches blanches, planes et chaudes de Saint-Pierre. Jamais, avant de  lire l’Histoire du cap de Morgiou, je n’avais imaginé que cet endroit où nous faisions les fous et avions pris beaucoup de « bon temps », avait pu servir de débarcadère aux Anglais pour attaquer une nouvelle fois les Français le 2 mai 1813. Ici, de nombreux jeunes soldats français de tout juste 20 ans avaient peut-être trouvé la mort et ce qui avait été un terrain de jeux pour les jeunes insouciants que nous étions , avait été pour eux un champ de bataille et finalement un champ d’honneur. Pour Albert Falco, enfant prodige de Sormiou puis chef plongeur et enfin capitaine de la célèbre Calypso du commandant Cousteau, le cap de Morgiou était un terrain de jeux sous-marins. C’est lui et ses copains qui ont sorti quelques canons napoléoniens de cette guerre contre les Anglais visibles au Club de la Mer de Sormiou. Outre ces histoires guerrières, le Cap de Morgiou est devenu mondialement célèbre depuis la découverte par 37 mètres de fond au lieu-dit la Calanque de la Triperie d’une magnifique grotte rupestre déclarée par Henri Cosquer en 1991. Si vous pensez vous y rendre uniquement pour ça, vous serez très déçu car rien n’est visible ni sur la terre ferme ni par la mer, la grotte ayant été obstruée depuis longtemps par mesure de sécurité et après divers accidents dont certains dramatiques. Une visite virtuelle est visible sur le Net dans l’attente des financements pour la mise en œuvre d’une réplique programmée depuis plusieurs années. Après cette belle découverte du Cap de Morgiou et de ses nombreux vestiges militaires mais également pastoraux, il faut retourner vers le col du Renard et là,  soit on reprend l’itinéraire bleu vers Sormiou, ce que nous faisions étant enfants, soit on file vers Morgiou en suivant un balisage noir qui descend vers la calanque du Renard. Le sentier évite cette petite calanque et part vers la gauche directement vers Morgiou dont on découvre d’abord le port. Ne quittez pas la calanque de Morgiou sans aller voir l’escalier Louis XIII. Non ce n’est pas un bel escalier de style mais quelques marches taillées dans la roche tout spécialement pour la venue du roi dans la petite calanque le 9 novembre 1622. Débarqué en chaise à porteurs, le roi aurait descendu ces escaliers pour venir harponner quelques thons que les pêcheurs de Morgiou avaient enfermés dans leur madrague. Horrible vous ne trouvez pas ?  Pour revenir à Sormiou, on traverse l’allée bitumée au milieu des cabanons et on peut soit poursuivre la Route du Feu et quelques raccourcis jusqu’au col de Morgiou soit emprunter le petit sentier du Vallon des Tinettes dont il n’est pas utile que je rappelle aux marseillais la signification et l’origine de ce toponyme. Le premier itinéraire passe d’abord au col des Escourtines puis derrière le Baou Rond d’où on rejoint le lieu-dit le « Carrefour ». Le second arrive directement à ce même « Carrefour ». Ayant pris, un sentier intermédiaire, souvenir de mon enfance, un peu plus court mais un peu plus embroussaillé, je ne vais pas vous le décrire ici. La magnifique descente vers Sormiou est une formalité et s’effectue par le même sentier pris à l’aller. En retrouvant Sormiou, j’y ai croisé deux couples de touristes anglais et je n’ai pas pu m’empêcher de repenser à leurs compatriotes soldats qui, pour défendre leur royauté et le régime monarchique français, étaient venus jusqu’ici, dans notre calme et belle calanque, combattre les révolutionnaires français….C’était, il y a exactement 199 ans. La boucle que j’ai réalisée ce 12 septembre fut longue de 12 à 13 kilomètres environ. Carte IGN 3145 ET Marseille- Les Calanques Top 25.

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Le Baou Rond (281 m) depuis la calanque de Sormiou

Publié le par gibirando


Ce diaporama est agrémenté de 2 chansons du chanteur/compositeur américain Tony Joe White. Elles ont pour titre "Steamy Windows" et "Love M.D"

 


Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran

De mon enfance et de ma jeunesse à la calanque de Sormiou, je garde de nombreux et heureux souvenirs mais quand je monte vers le Baou Rond, deux d’entre eux me reviennent à l’esprit systématiquement. Le premier est assez cocasse : Avec mon cousin Paul, quand nous avions 13,14 ou 15 ans, nous aimions bien cette courte balade et à l’époque, il ne nous fallait guère plus d’une heure pour monter au Baou Rond, redescendre par le Vallon des Escourtines pour revenir à la calanque par l’allée des Acacias. Quand nous quittions le cabanon, ma tante nous criait : « n’oubliez pas le pécu ! » mais si ce conseil avait été utile la première fois où nous étions montés au Baou Rond, ensuite il ne l’était plus vraiment et de nombreuses feuilles de papier toilettes étaient déjà au fond de nos poches respectives quand nous démarrions. Bien sûr, ces feuilles avaient leur utilité première au cas où, comme l’on disait, nous avions envie de déposer « une sentinelle » ; mais dans nos têtes, nous ne les prenions pas vraiment pour ça. Non, ces feuilles servaient à un drôle de concours qui consistait, depuis le pinacle du Baou Rond, à les laisser s’envoler au gré du mistral et d’observer celles qui allaient se déposer le plus loin. Alors ces feuilles de pécu que nous sortions une à une et avec précaution de la poche de nos shorts et qui disparaissaient au dessus de la merveilleuse calanque se transformaient en points, puis au final, en parties gagnées ou perdues. Ce qu’il y a de risible dans cette histoire, c’est quand nous repartions les poches vides et qu’ils nous prenaient l’envie de « caguer » ; alors nous redescendions les sentiers et les éboulis en courant et c’est plus d’une fois que nous sommes revenus au cabanon soit avec des « traces de pneus » dans nos slips Kangourou ou bien avec les genoux complètement écorchés à cause des chutes, tellement l’envie était pressante. Le deuxième souvenir concerne ce que nous appelions « la cabane à Bob ». Quand, enfants, nous prenions le sentier qui mène vers la calanque de Morgiou ; c’est le même qui va au Baou Rond ; il y avait, tout en haut d’une  paroi et un peu à l’écart du chemin, une cabane. Les plus grands l’appelaient la « cabane à Bob ». C’était une cahute adossée à la blanche falaise et dissimulée derrière une haie de sumacs des correyeurs et d'un figuier. Elle était faite de quelques planches et de grosses pierres des éboulis calcaires qu’il y a un peu partout par ici.  Il y avait toujours des bouteilles vides, des journaux et surtout des casseroles et des boites de conserves noircies par un feu de camp que nous trouvions soit éteint soit encore fumant en arrivant. A écouter les plus grands, parfois, j’avais le sentiment que ce « fameux » Bob nous avait entendu arriver et qu’il se planquait pour éviter de nous rencontrer. Mais, moi ce qui m’impressionnait le plus, c’était ces quelques poulpes que nous trouvions très souvent  pendus entrain de sécher au soleil. A l’époque, j’avais une peur bleue et une sainte horreur des poulpes que mon père pêchait dans des nasses qu’on appelait « jambins » ; mais de voir, ces animaux secs et raides, eux qui sont habituellement flasques et très vivaces, pendus devant la porte de cette cabane avait un aspect sordide et pour moi, presque démoniaque. Mes copains plus âgés prétendaient avoir rencontré « Bob » mais personnellement je ne l’ai jamais vu et c’est marrant comme j’en garde encore aujourd’hui une étrange vision dans mon imagination. Je le vois comme un homme des cavernes ou des bois, sauvage et sale, vêtu de peaux de bêtes, avec une grande barbe hirsute et un visage dur et patibulaire, une espèce d’homme de Cro-Magnon qui se nourrissait essentiellement de poulpes desséchés.  Aujourd’hui, tout a disparu, la végétation a tout envahi et au pied de la paroi, il ne reste plus rien de la « cabane à Bob ». Mais trêve de souvenirs car il est temps que je vous explique comment on grimpe au Baou Rond. Le sentier démarre de la calanque de Sormiou et plus particulièrement de son petit port au dessus duquel on chemine en direction de « Blanc ». Pour les calanquais, « Blanc » c’est un petit cap où se trouve le cabanon plus connu désormais comme étant celui de Fabio Montale, rôle d’un inspecteur de police marseillais tenu par Alain Delon pour une série télévisée. Vingt mètres avant d’arriver à ce cabanon, on prête attention à une sente balisée en rouge qui monte à gauche du chemin. Ce petit sentier balisé en rouge et qui grimpe sans cesse en direction des crêtes, on ne va plus le quitter jusqu’à rencontrer un énorme cairn à la jonction de multiples itinéraires qui s’appelle tout simplement le Carrefour sur les cartes. Sur la droite, le chemin file vers le Cap de Morgiou et nous, on part à gauche à l’opposé en suivant un balisage bleu. Le sentier qui emprunte les crêtes et laisse entrevoir de magnifiques vues de tous côtés devient plus rocailleux et donc plus difficile à arpenter. Au moment où il se hisse sur un dénivelé un peu plus pentu vers un petit défilé, on quitte le balisage pour une étroite sente faite d’un étroit pierrier qui part vers la gauche en direction du bord de la crête. Ici, commence l’ascension du Baou Rond. En provençal, "Baou" signifie "rocher" ou "escarpement rocheux" et Rond est vraiment la meilleure formule pour désigner ce dôme arrondi que l’on rejoint en quelques minutes après avoir quitté le chemin principal. Du haut de cet énorme mamelon, les vues sur la calanque de Sormiou et sur Marseille sont tout simplement époustouflantes. On aperçoit aussi le phare de Planier, les îles de Riou, PlaneJarre et le Bec de l’Aigle tout au bout d’une enfilade de falaises marines qui sont, on le dit à Marseille, les plus hautes d’Europe. Derrière nous, on aperçoit les collines marseillaises avec de grandes pinèdes mais malheureusement aussi, vers Carpiagne, de grands espaces rases, ravagés il y a peu de temps par un grand incendie. Après avoir jeté quelques feuilles de « pécu » au gré du vent et en souvenir du temps passé, on redescend vers le sentier balisé que l’on poursuit dans la direction délaissée juste avant d’être monté au Baou Rond. Soudain, le sentier s’élargit en une spacieuse piste caillouteuse balisée désormais en jaune et bleu qui file en descente et droit en direction de Marseille. On atteint quelques petits pins et une nouvelle intersection. On délaisse la large piste et on emprunte à gauche un sentier plus étroit qui est peint de marques jaunes et bleues mais aussi en rouge et blanc. On est sur le G.R.51 long de 290 kilomètres qui file jusqu’à Menton. A l’instant même où le sentier coupe un étroit vallon, sur la gauche, on domine à nouveau Sormiou et son petit port au fond d’un large défilé. Comme on doit descendre dans ce vallon, on délaisse le sentier des crêtes au profit d’un autre qui descend à main gauche, même s’il est marqué d’une croix d’interdiction. Cet itinéraire, c’est le rocailleux et tortueux sentier des Escourtines, qui en provençal vient du verbe « escourter » qui veut dire « écourter, raccourcir ». Ce raccourci  va nous ramener directement  et très rapidement jusqu’à la calanque. On débouche dans l’allée des Acacias et on retrouve le petit port et la sublime calanque. Sur la gauche et depuis le port, on jette un dernier regard  sur l’impressionnant Baou Rond que l’on vient d’escalader. Enfant, j’étais toujours étonné de l’avoir gravi et pour moi, d’en revenir c’était un véritable exploit, un peu comme si j’avais vaincu l’Everest. Comptez deux heures pour ce circuit où il faudra être équipé de bonnes chaussures de marche. Avant de partir, informez-vous sur les périodes où les randonnées sont autorisées dans ce secteur du  massif des calanques. Carte IGN 3145 ET Marseille-Les calanques Top 25.

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La Calanque de Sormiou

Publié le par gibirando

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Ce diaporama est agrémenté de la chanson "Mais quelle est bleue" du groupe marseillais Massilia Sound System suivi de la musique "Sormiou (incomplète)" d'Alex Altain jouée par le groupe marseillais d'electro jazz Lakasha


Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.

Sormiou !!! Dans ma tête, ce nom revient comme un écho. Un écho sans fin, que se renverraient les hautes falaises blanches de cette magnifique calanque. Un écho sans fin fait de quelques mots qui ont bercés toute ma vie : vacances en famille, cousins et cousine, amour, enfance et jeunesse, mer, port, plage, parties de pêche, souvenirs, plaisirs, insouciance, copines et copains, cigales, ânes et ânesses, flirts, bon temps, pains de glace, tinette, belote, parties de bouchon, pétanque, sieste, volley-ball, ping-pong, chasse sous-marine, balades, crêtes et éboulis, farniente, girelles, paniers de chuscles et gros sarans, gobies, pataclets et roucaous, sars, youyous, bettes, pointus, le Château, Chez Sylvie, Cousteau, Falco, Beuchat,  j’en passe et des meilleurs, etc.… D'autres personnes très célèbres comme Jean-Pierre Soisson, ex-ministre à plusieurs reprises, Jean-Pierre Foucault, célèbre animateur sans oublier bien sûr Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille pendant plus de 25 ans y ont parfois passé leurs vacances ! Et comme je vais, à coup sûr, oublier des noms et des mots qui ne me viennent pas à l’esprit au moment où j’écris cet article, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’ils ne sont pas importants pour une tranche de ma vie, j’arrête là cet inventaire à la Prévert. La Calanque de Sormiou, j’y suis pratiquement né et pour moi, ça reste l’endroit le plus beau du monde ! J'ai même toujours soupçonné mes parents de m'avoir conçu dans la cabanon que notre famille occupait au dessus du port. En lisant cet article, certains se diront, il n’est pas marseillais pour rien, il est chauvin et il exagère. Il y a certainement un peu de vérité dans vos réflexions, mais depuis ma plus tendre enfance, je viens dans ce petit paradis. Au départ, j’étais embusqué au fond de mon couffin et c’était mon père ou parfois ma mère qui me trimballait par le Col de Sormiou ou celui des Escourtines en passant par des sentiers qu’à l’origine seuls les muletiers avaient osé emprunter. Ce sentier, on l’appelait les « treize contours », tout un programme. D’ailleurs, enfant, avant de commencer à jouer à la pétanque, j’avais entendu l’expression « treize reste raide » et j’ai longtemps cru que le dicton venait de ce sentier tant il était raide !  Puis quand j’ai été en âge de marcher, toujours par ces mêmes cols et ces mêmes chemins et avant même qu’il y ait la route goudronnée, j’ai crapahuté depuis Mazargues et la Vieille-Chapelle pour y venir. Vous comprenez maintenant d’où me vient ce goût immodéré pour la marche à pied. Puis la route a été construite et nous avons continué à y venir à pied par la Cayolle, chargés comme des ânes que certains possédaient mais pas nous. Puis j’y suis venu en moto avec mon père et je serrai les fesses dans la descente et les virages car j’avais une « trouille bleue »,  aussi bleue que l’eau de la calanque. Puis j’y suis venu en vélo puis en Solex mais monter le très « costaud » col de Sormiou à grands coups de pédales ou avec une « pétrolette » ce n’était pas une sinécure et comme on dit : « il fallait en avoir dans les gambettes ! » Heureusement, arriva l’âge où je pus me payer une 4 L et alors quel bonheur ce fût de venir à Sormiou sans avoir à se coltiner de gros baluchons sur des kilomètres ! Alors, après toutes ces galères, vous comprenez mieux pourquoi, je l’aime cette calanque. Fallait-il l’aimer pour y venir dans ces conditions difficiles et accepter en arrivant qu’il n’y ait pas d’eau (on se transformait en Shadoks et on pompait, on pompait et on pompe encore aujourd’hui !) et pas d’électricité (encore aujourd’hui !) Et si après tout ça, vous n’êtes pas convaincus que ce ne peut-être que beau alors regardez le diaporama que je vous ai préparé : il s’agit de deux petites balades toutes simples qui partent de mon cabanon situé sur le chemin entre le plage et le port, direction le port pour la première et la plage pour la deuxième. La première balade passe au dessus du port, emprunte le balisage blanc et rouge du GR.98-51. Il continue au dessus de la petite plage de galets, dite plage Jourdan, direction la crique de la Palée qui est la dernière anse accessible à pied en longeant le bord de mer. Après le cabanon de Blanc, celui là même qu’habitait Alain Delon dans la série télévisée Fabio Montale et qui a permis (je dirais presque malheureusement !) à toute l’Europe de découvrir notre merveilleuse calanque, on quitte le balisage du G.R. pour une balisage noir qui va nous mener à la Palée par un sentier rocailleux et d’éboulis. Les belles anses aux eaux le plus souvent transparentes ou d’un bleu profond se succèdent : Cabesailles, la Payolle, Blanc, la Baume (grotte) d’ou Lumé, le Calanquais, Calanque Longue et enfin la Palée. Le retour se fait par le même chemin. La deuxième balade passe par le parking ou la plage de sable fin, monte à droite du restaurant le Lunch, passe au dessus de la bâtisse du Docteur. Vous poursuivez le sentier qui s’élève au dessus de l’anse du Petit Soldat à travers les pistachiers lentisques et les chèvrefeuilles. Attention quelques passages sont un peu difficiles ou parfois embroussaillés ! La sente balisée de marques de peinture noire grimpe vers les crêtes dites de Sormiou et on finit par atteindre le Col de Luï d’Aï. Ici la vue porte sur les magnifiques îles de l’archipel de Riou, sur le cap de Morgiou, devenu célèbre avec sa grotte Cosquer et la calanque bien sûr. Moi, désormais je m’arrête au col mais les plus téméraires et les non sujets au vertige pourront poursuivre vers le Bec de Sormiou ou redescendre vers l’anse des Capelans. Quand j’étais plus jeune, je connaissais par cœur ces chemins mais avec le pied moins sûr, il faut être prudent car certaines portions ne sont pas simples. Le retour se fait aussi par le même chemin, mais si vous avez très chaud, vous éprouverez un mal fou pour ne pas être attiré par  les criques limpides aux eaux turquoises qui sont des invitations à un bain le plus souvent très rafraîchissant. Ces deux balades ne vous prendront que quelques heures et après en avoir terminé, vous vous direz ! « C’est vrai, Sormiou, c’est le plus beau coin du monde ! » Dommage que les fortes pressions, contraintes et le tourisme à outrance consécutif à la création du parc national des calanques l'aient tué m'obligeant en m'en éloigner à partir de 2015. Mais la calanque reste là à jamais dans mon coeur !  Carte IGN 3145 ET Marseille-Les Calanques Top 25.

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