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caillau

Le Chemin des Orrys de Ria à Llugols et le Pi del Rei.

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 4 grands succès du groupe anglo-autralien The Bee Gees. Ils ont pour titre : "Too Much Heaven", "Heartbreaker", "How Deep Is Your Love" et "Alone (version incomplète)"

Le Chemin des Orrys de Ria à Llugols et le Pi del Rei.

Le Chemin des Orrys de Ria à Llugols et le Pi del Rei.

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Si je devais m’amuser à recenser tous les villages des Pyrénées-Orientales et le nombre de fois que je les ai traversés lors de mes randonnées pédestres, je suis certain que le minuscule hameau de Llugols ferait partie des tout premiers. Je ne compte plus le nombre de fois où j’y suis passé (*), et de ce fait, je garde de lui de très nombreux souvenirs bien agréables. Pourtant, assez paradoxalement, le sentier au départ de Ria que nous avons emprunté pour cette randonnée et qui apparemment s’intitule « Le Chemin des Orrys », je ne le connaissais pas. En tous cas, c’était la toute première fois que je le cheminais dans son intégralité car j’en avais seulement accompli un tout petit bout lors d’une autre balade que j’avais intitulée « Le Sentier du Pi del Rei depuis Ria et autres découvertes ». Avant de faire cette nouvelle balade vers Llugols (***) et parce que je voulais savoir si ce chemin avait un nom, j’ai tenté de savoir un maximum de choses à son sujet. De fil en aiguille, j’ai donc lu pas mal de textes anciens ou contemporains sur le Net. Finalement, si j’ai appris son nom  de « Chemin des Orrys » et qu’il a été reconnu d’intérêt communautaire ; comme bien d’autres sentiers de randonnées du Conflent ; ce n’est pas les informations les plus significatives que j’ai retenues.  Certes, il s’agit d’un ancien chemin muletier ancestral, certes il est reconnu d’intérêt communautaire, c’est à dire qu’il est désormais géré, aménagé et entretenu par la Communauté de Communes Conflent Canigó, mais ces quelques données ne me disent pas grand-chose de son Histoire passée. C’est donc ce que j’ai lu des événements, des usages et des traditions populaires qui m’a permis de bien mieux comprendre l’origine et l’usage qui était fait jadis de ce sentier.  C’est ainsi que j’ai appris qu’il avait été régulièrement emprunté au fil des siècles pour se rendre en pèlerinage à la vieille chapelle romane Saint-Christophe de Llugols. Dans la bouche des pèlerins catalans qui se réunissent pour l’Aplec de Llugols, il a toujours été le plus souvent « le Cami de Sant Cristofol » et ce, depuis très longtemps. La chapelle datant du 11eme siècle selon les historiens, il est important de savoir que pendant une très longue période, le Conflent ; et toute l’Europe plus globalement ; a subi toute une série de pandémies de pestes. Si l’origine et les causes de ces épidémies à répétition sont longtemps restaient des mystères, il faut savoir qu’elles ont commencé en 1348 puis se sont poursuivies en 1381, 1397, 1410 et 1429. Il y aura une autre peste également très meurtrière en 1652Llugols ; comme de très nombreux hameaux, villages et villes de Catalogne ; n’échappe pas à ces nombreuses périodes calamiteuses. A cette époque, les habitants des villages isolés vivent le plus souvent en  totale autarcie et c’est donc dans ces moments-là que les sentiers comme celui-ci justifient pleinement leurs existences car les routes et les pistes pour les joindre n’existent pas encore. Llugols n’échappe pas à ces règles. Llugols, comme les autres hameaux, est déserté car abandonné par ses quelques habitants. Les villageois redescendent dans la vallée de la Têt ; vers Prades, RiaVillefranche-de-Conflent ou d’autres cités ; par ce sentier qui demeure le plus court chemin quand ils veulent quitter Llugols et ses alentours.  Dès lors que les épidémies disparaissent, le sentier retrouve un autre intérêt, celui des ouailles de la chapelle romane Saint-Christophe qui viennent la visiter lors des pèlerinages. Bien évidemment , il a servi aussi à tous les métiers agro-pastoraux, manuels, sédentaires et ambulants ; et Dieu sait si jadis ces petits métiers étaient nombreux. Voilà pour la « grande Histoire » de ce petit sentier qui aurait peut-être mérité le nom de « Chemin de Saint-Christophe » plutôt que celui « des Orrys », sans doute décerné par des contemporains. Car certes il y a quelques orrys (ou orris (**)) disséminés dans ce secteur mais on n’en découvre pas vraiment au bord du sentier comme on le verra plus loin. A moins, que le terme « orry » ne soit pas seulement la cabane par encorbellement de pierres sèches comme on l’entend le plus souvent de nos jours mais plutôt la jasse pyrénéenne dans sa globalité avec terrains, constructions et clôtures, c’est-à-dire le lieu où se passe l’essentiel de l’estive. Là, le nom se justifie un peu plus car la pierre sèche est partout très présente au bord du sentier.   Il est 8h45, quand nous démarrons du parking de Ria proche de l’église Saint-Vincent. Quelques fleurs au bord de la route, un cactus cierge géant et de nombreux moineaux attirés par des boules de graisse font les frais de premiers clichés. Nous remontons la route D.26 dite de Conat jusqu’à un panonceau précisant  « Llugols 2,6 km et 1h25 et El Pi del Rei 1,5 km et 45 mn ». En ce 23 juin et à cette heure plutôt matinale , ce qui me surprend c’est le bruit que font déjà les cigales. On se croirait en plein mois d’août dans une pinède provençale.  Est-ce une des causes du réchauffement climatique, de la chaleur et de la sécheresse inhabituelles régnant depuis des semaines ? On est en droit de le craindre ! Nous traversons le pont dit de Saint-Sébastien où la rivière Callau et les oiseaux qui la fréquentent m’arrêtent pendant quelques minutes. Je n’y décèle qu’une bergeronnette des ruisseaux occupée à chercher pitance et que je réussis à photographier. Il y a également un Merle noir mais il disparaît à l’abri des regards. Paradoxalement, ce sentier « des Orrys » en direction de Saint-Christophe de Llugols démarre avec un oratoire en hommage à un autre saint. Il s’agit de Saint-Sébastien, martyr qui selon la légende aurait évité que la peste noire se propage à Ria alors qu’elle sévissait partout ailleurs au milieu du 14eme siècle. Notons tout de même qu’au sein de cet oratoire, Saint-Christophe est également en bonne place avec une petite statuette le représentant portant l’enfant Jésus. Alors que le sentier s’élève régulièrement, je suis déjà aux aguets « photographiques » de la flore et de la faune. Mais sur ce sentier, la sécheresse étant déjà passée avant moi, j’ai le sentiment de perdre mon temps. En effet, en ce début de parcours, or mis des cigales très bruyantes mais le plus souvent invisibles, la faune paraît absente. Quant à la flore, elle se résume à de rares Psoralées encore fleuries et à quelques buissons de clématites peu fournis en fleurs pour l’instant. Si je reste aux aguets, de crainte de passer à côté d’une Nature qu’il y aurait à découvrir et à photographier, les paysages et les panoramas qui se dévoilent compensent un peu toutes ces carences. Finalement, le sentier, tout en balcon sur le vallon du Callau est loin d’être désagréable et quand Llugols se présente, si très étonnamment je n’ai pas découvert d’orrys mais seulement les « feixes » d’anciennes cultures et quelques murs ruinés d’anciens petits habitats, le résultat de mes photos naturalistes est somme toute plutôt satisfaisant. En effet, un moineau, la bergeronnette du pont, une libellule et un rapace et plusieurs papillons sont venus s’enregistrer dans la mémoire de mon appareil-photo. Si les cigales et leur bruyante cymbalisation continuent d’emplir l’espace et nos oreilles de leurs frénétiques décibels, elles restent invisibles.  La chance d’en voir une et de la photographier viendra peu après. Dans l’immédiat, Llugols est là et nous pouvons nous consacrer à sa visite car si Dany est déjà venue, elle est loin de tout connaître du hameau.   Après un courte visite dont je lui fais remarquer les maisons en pierres de schistes du cru mais que les géologues appellent « schiste d’Urbanya », je l’emmène d’abord vers l’ancien Couvent des Monges, plus connu dans les textes comme étant la chapelle ruinée de Saint-Sernin d’Eroles. Puis nous revenons sur nos pas pour piqueniquer à la chapelle Saint-Christophe. Au passage, nous observons la Font du Castanyer. Elle doit son nom à la présence d’un gros châtaignier qui lui fait face mais que j’ai toujours vu mort. Par bonheur, des amoureux de la Nature ont eu la belle idée d’en planter un autre. Puis la chapelle Saint-Christophe est là et avec elle l’heure du déjeuner a sonné. Nous y mangeons d’un bon appétit avant de grimper vers le roc qui la domine où se trouvent plusieurs jolies croix gravées qui dateraient du néolithique au même titre que toutes celles très nombreuses qui se trouvent dans ce secteur du Pla de Vallenso. Après presque une heure, nous repartons un peu déçus d’avoir trouvé une fois de plus la chapelle Saint-Christophe fermée. Que faut-il faire pour y entrer ? Venir le jour du fameux pèlerinage du nom d’Aplec qui se tient en général au début du mois de juillet ? Sans doute ! Enfin chaque fois que je suis venu ici, je me suis toujours dit la même chose « quel dommage de la trouver fermer et d’être dans l’impossibilité de voir son beau retable ! » Il est désormais mangé par les termites et a nécessité un traitement insecticide spécial ai-je appris très récemment ! Il faudra que je me décide à venir le jour où se tient l’Aplec ! Après tout Urbanya n’est pas très loin. Parce que Dany commence à avoir mal aux hanches, plutôt que de poursuivre le sentier qui monte vers Montsec et le Pla de Vallenso, je fais le choix de revenir vers le village et d’emprunter la bonne piste qui permet de retrouver un peu plus loin le sentier qui descend vers le Pi del Rei. Ce n’est pas plus long mais c’est bien meilleur en terme de qualité de terrain à cheminer. Si je passe par là, c’est parce que Dany ne connaît pas le Pi del Rei, ce fameux Pin du Roi qui aurait été planté sur les recommandations du ministre des eaux et Forêts de Louis XIV (source Bulletin municipal de Ria-Sirach N°18). Toutefois, dès lors que l’on atteint le panonceau indiquant l’arbre remarquable, les 500 m aller et retour que l’on doit encore cheminé pour aller le voir et les 20 minutes que l’on est censé mettre sont pour elle totalement démoralisateurs. C’est dire si elle souffre à cet instant précis. Il me faut donc la convaincre que ces chiffres sont totalement faux et que c’est bien plus court pour l’atteindre pour qu’elle accepte de venir le voir. En plus c’est vrai ! Elle accepte et je l’accompagne. Quelques photos-souvenirs au pied de l’arbre et je n’insiste pas plus car je vois bien qu’elle languit d’en finir. Bien que je sache que 3 beaux orris à encorbellement sont dans ce secteur et peu éloignés, je ne l’oblige pas à venir les voir. Priorité à la souffrance de Dany me dis-je. Comme toujours en pareil cas, elle terminera cette balade bien avant moi, occupé que je suis à prendre constamment des photos. Pendant qu’elle part vers la voiture, ma dernière découverte et mes dernières photos seront consacrées au puits à glace de Ria, sans doute un des plus beaux du département car remarquablement conservé. Dommage que son accès au milieu des ronces et des orties soit plutôt difficile, qu’il soit bien trop envahi par une dense végétation et que l’on manque de recul pour que l’on s’en fasse une complète idée. Tous ces inconvénients empêchent de le photographier correctement. Enfin, il n’y a pas de glaces à aucun parfum et pour le gourmand que je suis c’est sans doute son pire défaut ! Ah ! Ah ! Ah ! Ainsi se termine cette belle balade. Elle a été de longue de 7,5km telle que décrite ici. Le dénivelé est de 358m entre le point le plus bas à 385m au départ de Ria et le plus haut à 743m à la chapelle Saint-Sernin d’Eroles. Les montées cumulées ont été de 625m. Carte IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul-de Fenouillet Top 25.         

(*) Autres randonnées passant à Llugols ou s'en approchant :             

 

(**) Orry ou orri ? : Selon les toponymistes, ce mot aurait pour origine le mot latin « Horreum » désignant à l’époque romaine un entrepôt de marchandises au sens large mais le plus souvent un simple grenier à grains. Un bel exemplaire d’Horreum de cette époque dite « antique » est encore visible au centre de Narbonne, ville portuaire et donc ô combien commerciale à cette période. Pourquoi voit-on ce mot « orry » ou « orri » écrit de deux manières différentes ? La question reste entière tout comme l’exacte signification des mots selon les régions pyrénéennes. Lieu aménagé pour un pâturage dans la montagne ou cabane en pierres sèches ? Les deux semblent valables et avoir leurs propres vérités.  Notons toutefois qu’avec le « Y » à la fin, en faisant abstraction du nom de famille et de la commune française d’Orry-la-Ville, on le trouve presque essentiellement dans le département des Pyrénées-Orientales avec 2 pics de l’Orry. Un à 2.561m d’altitude dominant Prats-Balaguer et son refuge de l’Orry dans la vallée de La Ribérole parfois appelée Vallée de l'Orry et l’autre à 2.040 m d’altitude avec sa fontaine, son « planell » (replat) dominant Mantet. Quant aux diverses cabanes en pierres sèches portant ce nom il va sans dire qu’on ne les compte plus. Notons aussi que sur les cartes IGN les plus récentes le nom « Orry » a le plus souvent laissé la place à « orri ». Normal ? Oui, semble-t-il ! C’est ainsi que le géographe Roger Brunet dans son livre « Trésor du terroir. Les noms de lieux de la France » écrit ceci : « L'orri (inutilement enjolivé en orry) a la même fonction, surtout dans le reste des Pyrénées. Un orri comprend terrain, clôtures et constructions ; il peut avoir des formes complexes, avec abris spécialisés pour la traite, les fromages, voire les poules ou le cochon quand chacun montait tous ses biens à l'estive. Le terme orri et son diminutif orriet abondent dans les lieux-dits. » Le nom sans le « Y » mais avec un « I » est finalement confirmé par les plus grands spécialistes de la pierre sèche qui l’écrivent toujours ainsi comme Christian Lassure (Les noms de cabanes en pierres sèches) ou Jean Tosti (Cabanes en pierres sèches dans les Pyrénées-Orientales) pour ne citer que les études les plus accessibles sur Internet. Gardons toutefois le « Y » dans le cas très précis de cette randonnée puisque c’est clairement le nom qui a été donné à ce chemin par la commune de Ria.

(***) Ria et Llugols : J'aurais bien voulu développer quelques connaissances que j'ai à propos de Ria-Sirach et Llugols mais à quoi bon car un vrai spécialiste de la commune l'a fait avant moi, bien mieux que je n'aurais pu le faire et plus complètement aussi. Il s'agit de Roger Figols dont vous trouverez le remarquable site Internet en cliquant sur ce lien. Tout y est et tout ou presque est dit. Concernant Llugols, un autre lien est très intéressant, c'est celui dédié au hameau dans le site consacrée aux Pyrénées-Orientales. Je vous donne le lien. Enfin et comme complément d'informations, voici ce que j'ai lu dans un article de «L'Indépendant» publié le 9 décembre 2011 sous la signature de Valérie Pons qui rappelle certaines revendications des habitants de Llugols : 

 « Le hameau de Llugols -(mentionné en 979, une chapelle romane y fut construite au XIe siècle et comptait 18 feux en 1222)- se situe sur la commune de Ria; l'accès se fait par une piste muletière praticable seulement à pieds depuis la sortie de Ria sur la route de Conat. Le départ de ce chemin est marqué par une petite chapelle qui, dit-on, signale l'endroit où la peste qui détruisit la population du hameau en 1652 s'arrêtât. Une piste de 4 kms praticable en voiture part depuis le carrefour entre le lycée et l'hôpital sur la route de Catllar. Depuis le fléau de 1652 le hameau était abandonné et les maisons tombèrent en ruine. La chapelle fut rachetée en 1677 par la paroisse de Ria, un ermite était signalé dans ce lieu en 1688 et les premiers aplecs commencèrent en 1841 se célébrant jusqu'à nos jours le 1er samedi de juillet. Le hameau de LLugols a pour protecteur St Christophe et la chapelle lui est dédiée;   à l'intérieur se trouve un superbe retable baroque avec la représentation du saint patron de la chapelle.  Trois statues de la chapelle se trouvent sous bonne protection au Trésor de l'église de Prades (1er étage en vitrine)  et font l'admiration des historiens d'art avec : une vierge romane XIII ième siècle, une vierge gothique XIVe et St Christophe baroque XVIIIe (Jeanne Camps). De 1930 à 1968, le berger André Monells y réside au lieu-dit « la caseta » durant la bonne saison avec son troupeau. Fin des années 1970 de nouveaux arrivants commencent à y vivre et à restaurer les maisons. Actuellement 6 familles occupent le hameau de Llugols (élevage, miel, gîte d'étape,...) soit une vingtaine de personnes. C'est la piste praticable en voiture qui aujourd’hui est l'objet des revendications des habitants. D'une longueur de 3km700, cette piste DFCI (Défense contre l'incendie) traverse les communes de Prades, Catllar et Ria sur sa plus grande partie. Difficilement carrossable elle est entretenue par la Communauté de communes à hauteur de 1000€ par an et la mise aux normes sur une largeur de 6 mètres exige un coût prohibitif que ne peut assumer la mairie de Ria.»

Il semblerait que depuis la piste a été effectivement agrandie sans doute au bonheur des habitants de LLugols mais au déplaisir de nombreux protecteurs de l'environnement qui se plaignent d'une destruction des paysages. Décidément, c'est bien difficile de satisfaire tout le monde dans notre beau pays ! Si nous pouvions faire en sorte qu'il reste beau tout en rendant tout le monde satisfait ça serait l'idéal ! 

  

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Le Refuge de Callau (1.537 m) depuis Urbanya (856 m)

Publié le par gibirando


Ce diaporama est agrémenté de 4 musiques du groupe Secret Garden qui ont pour titres et sont successivement interprétées par "The Song From The Secret Garden" par Stjepan Hauser (violoncelle) et Filip Sljivac (piano), "Sometimes When It Rains", "Illumination" et "Home" par Secret Garden et " The Song From The Secret Garden" par Tuấn Huy
REFUGE-DE-CALLAU
REFUGECALLAUIGN
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Urbanya. Lundi 13 avril 2015. 7h30. La première image que j’ai à mon réveil c’est celle d’un ciel bleu azur sans nuage alors que je fais face à un Canigou superbement enneigé. Voilà deux jours que je bosse comme un malade pour remettre en forme mes modestes jardins potagers que des travaux de réfection de ma façade ont laissé complètement pitoyables.  C’est la seule manière que j’ai trouvée pour tenter de rattraper l’arrivée du printemps. Travaux de terrassements, terrasses en espaliers avec murets en pierres sèches, bêchage, épierrement et désherbage, préparation des sillons, etc….tout est presque fin prêt pour recevoir les plants et les graines déjà choisies. Aujourd’hui, j’ai décidé de faire un break et de partir randonner. Une grande et belle balade comme je les aime, en pleine nature, au cours de laquelle je vais côtoyer de superbes forêts, des prairies verdoyantes, des petits ruisseaux aux eaux limpides avec cet espoir intense d’approcher la faune sans trop la déranger. Une balade en solitaire et donc dans le calme, la sérénité, sans stress et avec mon flegme habituel, qui par habitude, guide mes pas. En raison de douleurs persistantes aux hanches et de la distance que j’ai décidé de parcourir, pas question pour Dany de m’accompagner alors qu’il lui faudrait accomplir plus de 28 kilomètres pour réaliser cette boucle que j’ai programmée jusqu’au Refuge de Callau en passant par le col de Tour, Canrec et les flancs de la Rouquette. Bien sûr, rejoindre le Refuge de Callau à partir d’Urbanya, ce n’est ni la plus simple ni la plus courte des manières mais je sais ce qui m’attend. En réalité, je suis venu de multiples fois à Callau (**) mais le plus souvent à partir du col de Jau et la dernière fois, c’était ce « fameux » 29 septembre 2012 lors de la « Marche pour la libération du Madres » dont le propriétaire Groupama voulait interdire l’accès. Depuis, et or mis le fait que Groupama ait fait marche arrière puis ait accepté de laisser libre l’accès à son immense domaine montagnard de 2.000 hectares, j’avoue que je n’ai plus vraiment de nouvelles ni du collectif qui s’est crée autour de ce mouvement et encore moins du refuge dont je sais qu’il est fermé depuis quelques années. D’après un article lu dans le Journal de Mosset, il n’est, paraît-il, plus aux normes européennes. Ah l’Europe ! Ah les normes ! Voilà deux sujets sur lesquels il y aurait tant à dire et à débattre ! Moi, la seule fois où j’ai logé et mangé au Refuge de Callau, c’était lors de « Mon Tour du Coronat » de l’été 2007 et le moins que je puisse en dire, c’est que j’en garde un souvenir « fabuleusement » impérissable. Alors, les normes, j’avoue que je m’en fous un peu et en randonnée, loin s’en faut, il m’est arrivé de dormir dans des lieux bien plus exécrables que celui-là. C’est assez marrant mais quand je repense au Refuge de Callau aujourd’hui, deux anecdotes cocasses me reviennent en mémoire : les délicieuses lasagnes d’Armelle, la gardienne du refuge et les chevaux de la Jasse. Alors attention, je précise que ces anecdotes n’ont absolument rien à voir avec la « fameuse » fraude  à la viande de cheval de 2013 dans laquelle des lasagnes étaient concernées. Non, dans mes anecdotes, les pâtes et les équidés sont bien dissociés les uns des autres. Concernant, les lasagnes, ce 16 août 2007, j’avais soupé avec un groupe de randonneurs de l’organisateur pyrénéen « Natura » et je me souviens que tout le monde les avait tellement trouvées bonnes que nous étions tous là à réclamer du « rabiot » avec une farouche exaltation.  Les deux grands plats que la fille d’Armelle nous avait apportés s’étaient avérés insuffisants pour nos ventres affamés mais surtout à priori très gourmands. Ces lasagnes avaient un petit « je ne sais quoi » de plus que je n’avais jamais connu auparavant même quand je les comparais à celles que ma mère préparait et qui était pourtant un vrai et grand cordon bleu quant il s’agissait de concocter des « farcis ». La plupart des autres convives avaient dit la même chose. Concernant l’anecdote des chevaux, quand depuis Nohèdes, j’étais arrivé à la Jasse de Callau dans l’après-midi, j’avais cru bon de prendre un raccourci à travers prés et là, par je ne sais quel mystère, j’étais entré dans un grand enclos et m’étais retrouvé au beau milieu de chevaux et de bovins. Alors que je traversais tranquillement cet enclos,  j’avais été coursé d’abord par une vache puis pas deux chevaux qui n’avaient pas l’air d’apprécier ma présence sur leur territoire et ce n’est que de manière in extremis que j’avais pu enjamber la dernière clôture me séparant d’eux. Avec mon volumineux et lourd sac à dos, je crois que jamais je n’avais couru aussi vite et quand le lendemain matin, j’avais raconté mes tribulations à un sympathique maquignon avec lequel j’avais pris le petit déjeuner, il m’avait gentiment reproché mon intrusion dans l’enclos mais n’était pas certain que les chevaux en voulaient à mon intégrité physique. Selon lui, j’avais eu la frousse tout simplement.  Mais revenons à ma balade car comme l’écrivait si bien Pierre Plas dans « Les Cavaliers des Madres * » à propos du « Refuge de Callau » « la radieuse matinée… dissipe les nostalgies qui m’ont assailli…hier soir. L’air est si pur et limpide que je pourrais dénombrer les arbres à l’orée de telle lointaine clairière ou les plus fines aiguilles de roc sur tel sommet qui me domine. Les prairies sont étoilées de fleurs aux couleurs éclatantes ». Pour toutes ces jolies raisons et bien d’autres encore, il est temps que je me mette en route. Je quitte Urbanya, direction le col de Tour par la piste habituelle, celle qui monte par le Cami de las Planes depuis le village. C’est bien plus court pour moi pour rejoindre l’ancien tracé du Tour du Coronat même si je sais que je me dois de respecter la ferme qui se trouve un peu plus haut et surtout les bovins qui l’occupent en général. D’ailleurs, Philippe le vacher est là, déjà au labeur, et après avoir « taillé la bavette », il me met en garde contre les vaches qui allaitent encore leurs tout jeunes veaux et que je risque de rencontrer un peu plus haut sur la piste. Les cerisiers chargés de fleurs colorent le chemin. Ces fleurs blanches et celles flamboyantes des genêts attirent les abeilles et une nuée de papillons multicolores. Je voudrais bien les photographier tous mais plusieurs échappent à ma sagacité et à l’objectif de mon numérique. Plus haut, en coupant le Correc de Saint-Estève, effectivement et comme l’avait prédit Philipe, je tombe nez à nez avec trois jeunes veaux qui pataugent dans la gadoue mais heureusement leurs mères ne sont pas là. Je passe donc sans encombre et je prends même le temps de photographier quelques bruants fous peu craintifs qui picorent le sol en quête de quelques graines. Des papillons, des oiseaux et des fleurs printanières, je vais encore en avoir mon lot visuel et photographique aujourd’hui et quand j’atteins le panneau « Domaine de Cobazet », j’ai mis presque deux heures pour parvenir jusqu’ici.  Malgré mes arrêts photographiques quasi incessants, je suis plutôt satisfait d’être déjà là. Après la piste terreuse et sèche, qu’elle n’est pas ma surprise de constater qu’ici, au col de Tour, subsistent quelques « bonnes » plaques de neige. Mais tant pis, pour rejoindre Callau, je décide néanmoins d’emprunter la piste dite de « Canrec » plutôt que celle que l’on appelle  « piste du chemin de fer minier » qui reliait en son temps, la carrière de talc de Callau au Domaine de Cobazet puis à la gare d’Estardé. Je connais bien ces deux pistes DFCI, mais je sais que celle de Canrec permet des vues bien plus grandioses et lointaines alors que l’autre circule essentiellement en sous-bois. Alors autant en profiter car à l’instant même où je m’octroie une brève pause et un frugal en-cas, je constate que quelques petits cumulus passent au dessus de ma tête. Ce sont les premiers depuis ce matin et bien qu’ils n’aient aucun aspect inquiétant, poussés qu’ils sont pas une « gentille » tramontane, je constate qu’ils vont grossissants et se font plus nombreux au fil du temps. Je décide de me remettre en route. Effectivement, la neige se fait plus présente au fur et à mesure que je monte vers Canrec et la Rouquette et parfois, sur les portions les plus ombragées, la piste est complètement obstruée par de larges névés. Parfois, poussés par le vent, ces névés se sont transformés en épaisses congères et se frayer un chemin devient plus compliqué sur ces hautes plaques glacées. A chaque fois je réussis à passer, même si très souvent mon bâton de marche est une aide précieuse pour ne pas tomber sur ce terrain glissant et incertain. Sans crampons ou raquettes, il est même parfois très périlleux, d’autant qu’ici je suis seul  au monde et donc conscient de cette situation critique qui peut rapidement tourné à l’aventure voire au désastre si un accident vient à  se produire. Mais à chaque fenêtre qui s’entrouvre, le spectacle reste fabuleux car somptueux où que je regarde. Ce spectacle m’incite à poursuivre malgré les plaques de neige de plus en plus larges et épaisses. J’embrasse superbement la majestueuse et immense forêt où les bruns et les verts se partagent clairement les espaces. Les bruns se sont les feuillus encore dépourvus de leurs feuilles en cette saison et les verts se sont les résineux plus majoritaires au fur et à mesure que l’altitude s’élève. Ces couleurs contrastent avec les roux  des collines environnantes dominant la vallée de la Castellane. Parfois, j’ajuste mes jumelles pour tenter de voir bien plus loin encore mais l’horizon reste flou car opaque, bouché qu’il est par une écharpe brumeuse blafarde. Je devine néanmoins quelques sommets piémontais comme la Serre de Sournia ou Força Réal. Derrière, c’est la Méditerranée. Plus près, je reconnais quelques objectifs de balades comme le pic del Rossello et encore plus près le Dourmidou, lequel tacheté de quelques blancs névés, prend des airs de gros panda ventru. Après ces vues sur la Vallée de la Castellane, la piste, toujours magnifiquement bordée de sapins,  file en direction de la Rouquette. Pour moi, pas de doute, je suis au Canada. Alors que je tente de photographier un oiseau au sommet d’un sapin, j’aperçois à l’instant même et en contrebas, une biche qui traverse une clairière. Jolie vision mais bien trop fugitive à mon goût. La piste bifurque à 90° en atteignant le Correc de Canrec, ruisseau ô combien ardu à enjamber en cette saison à cause de la neige et de son débit plutôt rapide. Plutôt que de chercher à éviter l’eau avec un équilibre instable et risqué, je prends la décision de me mouiller un peu les pieds. Quelle n’est pas ma surprise de constater des milliers d’œufs de grenouilles dans les fossés adjacents remplis d’eau glacée et parfois même de neige. Avec ces œufs noirs amalgamés en grappe ressemblant à du caviar, pas de confusion possible avec ceux des crapauds car ces derniers sont, paraît-il, toujours pondus en chapelets. Mais ici, pas de grenouille et je poursuis vers la Rouquette et vers Callau. Plus loin, un cairn au bord de la piste forestière me rappelle à mes vieux souvenirs du Tour du Coronat. Je suis sur le point de quitter la piste au profit d’un petit sentier qui descend dans un bois quand je m’aperçois qu’il y a deux isards couchés dans la neige à une trentaine de mètres de l’autre côté. Alors que je m’apprête à entrer dans le sous-bois, je me baisse pour éviter d’être vu mais un des deux isards m’a déjà repairé et il s’est soulevé. Le temps d’ajuster mon appareil-photo et je les vois disparaître derrière un bosquet. Je traverse la piste en courant mais il est déjà trop tard. Ils ont disparu. C’est marrant parce qu’en 2007, c’est déjà en voulant suivre un isard que ce dernier m’avait entraîné dans un autre raccourci non loin d’ici. Un peu déçu, j’emprunte le raccourci mais en rejoignant la piste tout près de la carrière de talc, je suis de nouveau stupéfait par une multitude de minuscules grenouilles qui émergent de l’eau ô combien glacée et neigeuse des fossés. En surface, ce sont les plus petites qui pointent leurs grands yeux écarquillés, leur bouche rieuse et leur dos brun verdâtre. Leurs nez semblent même glacés. Avec cette image, je me souviens que ma mère disait que quand la grenouille monte à l’échelle du bocal pour mettre le nez hors de l’eau c’est que le temps va être sec. Aujourd’hui, sec et très froid sans doute ? Mais, je ne sais pas si cette théorie est vérifiable car au fond, à travers l’eau très limpide, j’en aperçois des plus grosses mais avec cette fois la peau plus claire, grise ou rousse et certaines tachetées et avec des pattes palmées bleutées. Je surprends tout ce joli petit monde amphibien qui semble vivre très paisiblement dans cette eau hyper gelée. Mais comment font-elles pour résister à ce froid que les températures nocturnes doivent encore fortement accentuer ? Quand avec le bout de mon bâton,  je pique la surface de l’eau, toute cette faune batracienne détale, certaines grenouilles s’enfouissent sous les feuilles et dans la vase du fond et d’autres plus étonnamment, partent se réfugier sous la couche neigeuse recouvrant le fossé. Au moment où je m’apprête à quitter mes « bestioles », un grand bruit me fait sursauter car une lourde congère accrochée à un pin vient de choir dans le fossé à l’endroit même où je venais d’apercevoir les grenouilles. Auront-elles survécu à cette avalanche de neige glacée? Quelques minutes plus tard, me voilà en surplomb de la Jasse de Callau. Aujourd’hui pas de vaches ni de chevaux, tout est éperdument dépeuplé. Seule une buse solitaire plane sur la désertique prairie. Quand aux lasagnes d’Armelle, je ne me fais aucune illusion et je ne suis pas près d’en manger de nouvelles ! Le refuge est là, presque intact et similaire à mes dernières et lointaines venues. Les tôles ondulées de la toiture sont-elles un peu plus rouillées ? Je ne le pense pas. Je regarde avec effarement, le tronc desséché d’un immense sapin dont la cîme est tombée à quelques mètres à peine de la porte d’entrée. A côté de cette porte, toujours les mêmes jolis panonceaux de bois : « Refuge de Callau – Alt.1.537 m- Buvette – Nuit- Pt.déj » et un numéro de téléphone désormais bien inutile. Je me marre en pensant qu’on aurait pu rajouter « excellentes lasagnes ! ». Que serait-il advenu si ce sapin était tombé sur la toiture ? Je pars vers la cabane servant d’étable aux animaux et à nouveau les souvenirs de mon Tour du Coronat ressurgissent. En 2007, je me souviens y avoir photographié un gentil petit ânon qui adorait les caresses mais il y en avait un deuxième mais celui là était plutôt ombrageux et quand je m’approchais de lui pour le photographier, il semblait agacé et il tournait systématiquement la tête. De ce fait, je n’ai de souvenirs photographiques que du premier. En approchant de la Castellane, je m’aperçois qu’une chose a néanmoins changé, le petit pont de bois enjambant la rivière n’est plus là. Sans doute emporté par les flots, il ne reste plus que les profilés métalliques. Quand je regarde ces longues traverses, je me demande même si ce ne sont pas les vieux rails de l’ancienne voie ferrée qui apportait le talc de la carrière vers Cobazet. Tout part à l’eau donc ? Plus je regarde ce refuge et plus je suis triste et j’ai du mal à comprendre que l’on ne trouve pas les quelques centaines de  milliers d’euros pour le rénover, le remettre aux normes et lui rendre une nouvelle vie. A y réfléchir, il en a tant connu des vies antérieures parfois heureuses et d’autres bien plus ténébreuses : lieu de résidence des ouvriers avec cantine et couchages lors d l’exploitation du bois et du talc, haut-lieu de la résistance maquisarde pendant la guerre, repaire de courageux rebelles souhaitant échapper au Service du Travail Obligatoire (S.T.O), aventures des bergers et des éleveurs partant en transhumances vers le Madres mais aussi rendez-vous des maquignons, des cavaliers, des randonneurs et des amoureux de la nature en général. Ne venez pas me dire que Groupama et le Conseil Général n’ont pas les moyens financiers de restaurer ce « monument historique » mais le problème c’est qu’aujourd’hui, on ne veut plus mettre de l’argent dans un projet sans la certitude d’un retour profitable et rapide sur investissement.  Aujourd’hui, il faut impérativement gagner beaucoup d’argent et moins ça prend de temps et mieux c’est. Mais ici, il n’y a pas grand-chose, il ne  passe aucun chemin de grande randonnée et quand dans les années 70 on a échafaudé un téléski et un parcours de ski de fond, tout le monde s’est immédiatement vanté que la station de Jau-Mosset était la plus petite du monde.  Alors comment peut-on espérer réussir lorsque dès l’origine on pose un regard négatif à propos d’un projet ? On a même tenté de créer un centre touristique de montagne ici au refuge avec alimentation et organisation de balades mais rien n’a réussi à s’inscrire dans la durée. Enfin, il y a quelques années, on a crée un agréable sentier d’interprétation dit « Sentier des 5 sens » et là, très bizarrement, on a évité de le faire passer par le refuge pourtant tout proche. Alors volonté délibérée ou vues divergentes entre les principaux acteurs économiques ? Il est clair que ce refuge n’intéresse que peu de gens ou peut-être uniquement des vieux nostalgiques ou amoureux de la nature comme moi diront certains. Je quitte le refuge, direction la petite cabane de berger de la Jasse où je vais finir mon casse-croûte. Les vues y sont plus amples et donc plus belles qu’au refuge. Je tombe sur une stèle que je ne connaissais pas en hommage et avec la photo d’un certain Thierry dit Galinette. Avec son béret et entouré d’animaux, je suppose que Thierry était un pastoureau, habitué de Callau et tout particulièrement un amoureux de ces lieux et des animaux dont il devait s’occuper avec gentillesse et passion. Une buse plane dans le ciel et assure les spectacle. Dès le pique-nique terminé, je reprends la piste, cette fois, c’est bien celle dite du « chemin de fer ». Elle file vers le col de Tour au milieu d’une belle et grande hêtraie. Dès le départ et alors que je surplombe encore la prairie, je surprend un joli chevreuil en contrebas. Pendant que je le photographie, il m’observe fixement avec ses grands yeux de biche et je me demande qui est le plus surpris de nous deux : lui ou moi ? Au bout de plusieurs longues minutes qui m’ont permis de le photographier au mieux, il se retourne tranquillement et continue de paître en m’ignorant. Comme toujours, je me dis « quelle chance il a  » que je ne sois qu’un chasseur d’images ! En aura-t-il autant la prochaine fois qu’il rencontrera un autre être humain ? Après le chevreuil, c’est de nouveau les grenouilles qui remplissent mon retour vers Urbanya. A chaque ruisseau traversé, aussi bien dans celui de Canrec que dans celui de Rocamaura,  je vais en voir et en photographier une belle quantité. Ici, les grenouilles détalent un peu dans tous les sens et les grappes d’œufs sont phénoménales. Je me dis qu’il est dommage que ces œufs ne soient pas aussi comestibles et aussi réputés que le caviar car avec tout l’argent récolté, on aurait pu aisément se payer la rénovation du refuge. Mais non, je rêve car j’ai entendu dire que la gélatine entourant les œufs de grenouilles était toxique. Dommage ! Le col de Tour est déjà là et plutôt que de redescendre par la piste prise ce matin, j’emprunte celle qui file vers le col de Les Bigues. Dans le ciel, plusieurs vautours tournoient en de amples circonvolutions. Ils n’ont rien d’effrayant or mis le fait qu’ils semblent descendre à chaque tour nouveau. Disparu depuis ce matin, le Canigou réapparaît dans sa blanche splendeur même si quelques gros nuages le couronnent dans sa partie la plus haute. J’adore cette piste avec ses vues imprenables et plongeantes sur le Vallon d’Urbanya et le village et avec ses panoramas immenses et circulaires vers le Coronat, le Madres, le pic de Tour et le Canigou. Au col de Les Bigues, j’emprunte la piste DFCI CO57. Elle est encadrée d’une clôture mais en atteignant une autre clôture perpendiculaire à la première, je décide de suivre le sentier qui descend et la longe. D’un côté, le ravin du Correc del Menter plutôt boisé et de l’autre, les Escocells, ample « serrat » essentiellement recouvert de cistes, de genêts et de buissons épineux.  C’est le retour le plus direct que je connaisse pour rejoindre Urbanya même si cette longue descente réclame vigilance et prudence car le sentier est terreux, parfois très caillouteux et souvent traversé de quelques ronces rampantes et donc traîtres car on a vite fait de s’y emmêler les pieds . Depuis le col de Les Bigues, je vais mettre exactement une heure pour rejoindre la rivière Urbanya non loin de la cascade. Il faut dire que quelques jolis passereaux jouant à cache-cache dans les futaies et avec l’objectif de mon numérique n’ont cessé de me ralentir. Le bord de la rivière me réserve de nouvelles surprises fauniques et  floristiques mais le village et ma maison sont déjà là. Sur ma terrasse, mon GPS affiche plus de 28 kilomètres pour l’itinéraire que je viens d’accomplir. 28,680 km pour être exact. Les montées et les descentes cumulées sur mon logiciel s’affichent pour 2.200 mètres et le dénivelé a été de 872 mètres, le point le plus bas étant bien sûr Urbanya à 860 mètres d’altitude et le plus haut se situant à 1.732 mètres à Canrec juste après le croisement de la piste et du Correc dans leur partie la plus haute. Ma longue balade vers Callau est terminée. Y retournerais-je un jour ? Je ne sais pas mais comme j’adore ce secteur du Haut-Conflent, il y a de fortes probabilités que j’y revienne même si le refuge reste à jamais fermé. Je ne l’espère pas bien sûr et s’il venait à rouvrir, il serait pour moi, une belle et agréable étape vers des horizons un peu plus lointains pour des balades à faire sur 2 à 3 jours. Je suis un cow-boy sans cheval et donc pédestre, mais je me reconnais néanmoins dans le texte suivant que j’ai à nouveau chipé dans  « Les cavaliers des Madres* ». Celui-ci est extrait de la nouvelle « Le rêveur d’Amérique » : « Le rideau frémit. Il se lèvera bientôt sur une scène immense, celle du Far West, ou j’irai, entre prairies et montagnes, entre déserts et rivières, faire moisson de mes rêves anciens. Je tiendrais alors mon journal de voyage. Mais je suis déjà dans le théâtre, tel un spectateur en avance. » Très exceptionnellement 3 cartes IGN top 25 peuvent s’avérer utiles sur le parcours décrit ici. Les voilà ci-après : Carte IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul de Fenouillet – Carte IGN 2248 ET Axat – Quérigut – Gorges de l’Aude – Carte IGN 2249 ET Font-Romeu - Capcir Top 25.
 
(*) « Les cavaliers des Madres, Cowboys des Pyrénées-Orientales et autres récits » de Pierre Plas aux Editions Mon Petit Editeur 2012.
 
 
Nota : Il faut noter que le nom du refuge « Callau » ayant sans doute pour signification « caillou » ou « caillasse » s’écrit parfois « Caillau », « Calhau » voire « Caillaou » qui est la meilleure façon de le prononcer paraît-il. En tous cas, c’est de cette manière qu’il est prononcé du côté de Mosset. Moi, je m’en suis tenu à l’orthographe aperçue sur le lieu même du refuge et que je retrouve également sur la carte IGN. Pas loin de Mosset, mais du côté de Conat cette fois, on trouve également une rivière du nom de Callau ou Caillan, affluent du fleuve La Têt. Plus globalement, ce nom de « Callau » signifie « sol pierreux » (Jean Llaury).

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