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benta fride

Le Fajàs d'en Baillette depuis Le Vivier

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de musiques d'Ernesto Cortázar Jr., extraites de son album  "You Are My Destiny"

avec successivement "Mother", "Heart to Heart", "You Are My Destiny", "Mariana" et "Love Spell".

Le Fajàs d'en Baillette depuis Le Vivier

Le Fajàs d'en Baillette depuis Le Vivier


En pays Fenouillèdes, le « Fajàs d’En Baillette » est un arbre remarquable (*) bien connu des randonneurs roussillonnais.  Jugez plutôt : 500 ans, 30 m de hauteur et 5,75 m de circonférence, voilà ce qu’indique une pancarte se trouvant à son pied et rédigée en 2007 à son propos. En latin, les botanistes lui ont donné le nom de « Fagus Sylvatica », en occitan c’est « Fajàs » et en français, il s’agit d’un Hêtre commun, même si le mot commun n’est pas ici le mieux adapté. Pour le définir et en raisons de ses mensurations exceptionnelles, « hors du commun » est plus approprié. En France, ce n'est pas le seul hêtre remarquable (**) mais il fait partie des tout premiers.  Je suppose ; mais ce n’est qu’une supposition personnelle ; que « d’En Baillette » est le nom du cortal se trouvant juste à côté dont tout le monde ou presque se désintéresse, primo parce qu’il s’agit d’une ruine dont il ne reste que peu de choses, et secundo car l’arbre attire vers lui toutes les attentions. Il y a très longtemps, et pour avoir été dans ce cas de figure, je pense que nombreux sont ceux, qui comme moi, n’ont jamais remarqué qu’il y avait un cortal juste à côté de l’arbre. En général, la dénomination attribuée à une habitation est le nom de famille de celui qui l’habitait ou qui la possédait, et on peut imaginer que c’est le cas ici, sauf que ce nom « Baillette » n’a rien de bien occitan, ni de catalan d’ailleurs et que de ce fait on comprend mal pourquoi un nom aussi francisé aurait été accolé au mot occitan « Fajàs » ? Enfin, c’est ainsi et à la limite pourquoi pas ?  Pourtant, « Baillette » est un nom de famille plutôt présent dans les Pyrénées-Orientales et dans ce secteur en particulier, puisque c’est Sournia qui en détient le plus grand nombre (Sources Filae).  Enfin, et pour en terminer avec cette toponymie, il est fort possible que le nom « Baillette » soit ici un terme plus général définissant une contrée ou un lieu puisqu’on sait que jadis ce mot signifiait soit un acte de donation soit une terre donnée par un seigneur à son serf pour le libérer de son joug. Il existe une dernière possibilité mais qui est peu probable ici, c’est que « baillette » soit un étymon désignant une « petite vallée » (source Robert Aymard). Certes, l’arbre est situé tout près d’une source, ce qui d’ailleurs peut expliquer sa vigueur et sa longévité, mais en aucun cas on ne peut parler de vallée comme définissant ce lieu. A pied, il existe plusieurs façons d’aller le découvrir et cela sera fonction des kilomètres et de la difficulté que l’on sera prêt à lui destiner. Des départs sont possibles de Sournia, de Prats-de-Sournia, de Rabouillet, de Vira et enfin depuis Le Vivier. Tous ces villages sont situés dans un périmètre raisonnable autour de l’arbre, et ce dernier est accessible grâce à des sentiers pédestres et à des pistes forestières.  Ayant déjà vagabondé sur tous ces chemins, en ce 22 avril, j’ai décidé de faire un retour aux sources en démarrant depuis Le Vivier. Retour aux sources car l’arbre est situé dans la forêt communale du Vivier et surtout, c’est ainsi que je l’avais découvert la toute première fois. C’était il y a plus de 20 ans ; 23 ans exactement ; et si je m’en souviens, c’est parce que chose rarissime, ma fille était venue marcher avec nous. Ainsi accompagné de ma femme et ma fille, j’en gardais le souvenir d’une belle promenade en sous-bois, assez facile car sur des chemins plutôt rectilignes et avec un dénivelé modéré. Un rapide examen de la carte I.G.N me confirme ce sentiment et effectivement, aussi bien l’aller par le Ravin du Bois, que le retour par celui de la Couloubrière atteste de cette rectitude observée jadis. Rajoutons que ce circuit est désormais très présent dans les topo-guides et est devenu au fil du temps une randonnée quasi incontournable pour tous les clubs du département. 8h30, me voilà devant la mairie où je viens de garer ma voiture. Météo France m’avait annoncé un grand ciel bleu et un soleil resplendissant mais aujourd’hui, force est de reconnaître qu’ils se sont bien foutus dedans car il n’y a rien de tout cela. J’harnache mon sac à dos et démarre cette balade sous un plafond céleste plus que laiteux. Le ciel est carrément blafard ne laissant rien passer ni transparaître, ni le moindre coin de ciel bleu, ni le moindre rayon de soleil, ni le plus minuscule des nuages. Non, dès que je lève les yeux, il n’y a rien d’autre que du terne ou du lactescent et autant dire que la luminosité étant totalement absente ça ne me réjouis pas pour les photos que j’escompte prendre de ce parcours. Il va en être ainsi toute la journée ou presque. Ressemblant à un château fantôme, la vieille tour des seigneurs du Vivier domine tristement le village, un village complètement désert de surcroît, ce qui ne fait qu’ajouter à cette mélancolie ambiante. Enfin peu importe et il m’en faut plus pour me démoraliser. Je connais bien la ligne de départ pour l’avoir remarquée lors d’une balade que j’avais intitulée « Le Cami d’El Viver ». Elle est située « rue de l’église ». Je m’y dirige en ne m’arrêtant que pour photographier l’église Sainte Eulalie, quelques moineaux et un magnifique cerisier du Japon. Avec sa floraison si dense et ses fleurs roses superbement serrées, l’arbre a des petits airs de barbe à papa. Un panonceau est là et s’il n’indique pas clairement le « Fajàs d’En Baillette », la mention « Coll de Benta Fride - GR.36 – 1h55 » m’assure de la bonne direction à prendre, au moins pour le départ. Voilà un col que je connais par cœur pour y être passé des dizaines de fois et notamment avec mon fils lors d’un mémorable Tour du Fenouillèdes effectué en 2011. Ce col est situé sur une ligne de crêtes séparant les jolies vallées de la Désix et de la Matassa. Amplement occupées par des forêts, qu’elles soient domaniales ou communales, comme celle du Vivier, ces crêtes, on les appelle les « Terres Noires », à cause des strates de schistes noirs qui en composent sa principale minéralogie. Plus loin, dans la continuité, avec ses 1.310m d’altitude, le « Sarrat Naout » dresse son débonnaire et très boisé mamelon. Il constitue le plus haut sommet de la forêt domaniale de Boucheville, forêt dont l’épaisse et très diversifiée couverture végétale recouvre l’ensemble du secteur grâce à sa position géographique où tous les climats ; méditerranéen, montagnard et atlantique ; s’immiscent et y circulent avantageusement.  J’ai toujours adoré ce secteur, d’abord pour les panoramas qu’il peut offrir mais surtout car j’y ai presque toujours découvert une faune assez présente : cervidés, écureuils, renards, oiseaux et papillons. Quand à sa flore, elle est assez exceptionnelle avec de très nombreuses espèces, mais avec notamment des sous-bois truffés de narcisses jaunes et de jacinthes bleues et des prés où fleurissent plusieurs espèces d’orchidées. Pour toutes ces raisons, et outre le « Fajas d’En Baillette » , j’ai décidé que ces crêtes seraient l’autre objectif à cheminer. Ces crêtes doivent me permettre de remplir convenablement ma journée et j’ai bon espoir d’y faire quelques découvertes fauniques et floristiques. Me voilà donc sur le bon chemin mais déjà arrêté à discourir avec un aimable monsieur. Il vient d’ouvrir son garage et sort des pommes et du pain pour les donner à son cheval qui se trouve dans un pré en contrebas. Un cheval avec une belle robe noire, sans doute âgé, mais super câlin de surcroît. Je me laisse amadouer et lui donne une des deux poires que j’ai emportées en guise de dessert. Nous discutons un bon quart d’heures puis l’homme achève la discussion en m’indiquant qu’il y a peu de temps, le col de l’Espinas était encore enneigé. Je lui dis que je n’irais probablement pas jusque là mais le remercie néanmoins de cette information. Je laisse le brave homme, son cheval qui est bien à son image, et poursuis l’itinéraire. J’évite d’emprunter le G.R.36 qui me servira au retour et prend soin de suivre le balisage jaune bien présent en quittant la voie principale au profit d’une autre piste qui file à main gauche. C'est la voie la plus directe pour aller vers l'arbre. Je m’attendais à trouver un étroit sentier mais la piste cendreuse que j’emprunte est large et un peu monotone. Comme souvent, je tente de compenser cette monotonie en observant, selon moi,  tout ce qui mérite de l’être. Paysages alentours et flore printanière sont ainsi photographiés. Malgré ma quête permanente à tenter de les surprendre, les oiseaux nécessitent beaucoup plus de patience et de tentatives pour obtenir quelques bons clichés.  Si les petits passereaux sont de toute évidence les plus nombreux à proximité du village ; les mésanges et les fauvettes notamment ; l’éloignement de ce dernier et le temps passé à faire des photos permet bien d’autres observations. C’est ainsi que les merles noirs puis les geais prennent à tour de rôle le relais, leurs chants bien différents rompent le silence et emplissent la forêt au fur et à mesure que j’avance. Dans cette flânerie volontaire, je progresse bien malgré tout, car entre deux observations, la piste est suffisamment bonne pour que la marche s’effectue d’un pas très alerte. Parmi toutes ces considérations, la vision furtive d’un chevreuil à la lisière d’un bois sera le clou de la journée. Photos uniques au nombre de trois mais ô combien réjouissantes quand on a l’ambition de vouloir faire de la photo animalière en amateur. La piste finit par présenter un virage mais ma connaissance du tracé rectiligne plus un panneau gisant à terre m’incite à faire le choix de poursuivre un sentier qui entre dans l’épaisse forêt. Rien n’est écrit sur le panneau, ou tout du moins l’inscription qu’il y avait a été effacée par le temps. Il reste une balise jaune et cela suffit à me convaincre. De plus, dans cette haute et dense forêt, mon G.P.S ne capte pas les satellites et je ne peux que me fier à ma carte I.G.N et à mon impression. C’est la bonne ! Un chemin rouge, car amplement enseveli sous les feuilles mortes, vient remplacer la piste noirâtre. D’une forêt variée de divers feuillus, je passe très rapidement à une hêtraie ancestrale. Seuls de hauts buis et quelques buissons de fragons semblent être admis par ces hêtres de toutes sortes. Mes lectures m’ont appris qu’il y avait de nombreuses sous-espèces d’hêtres et donc de diverses formes mais toutes ou presque sont un seul et même arbre : le « Fagus sylvatica ».  Il y en a des petits, des gros, des carrément énormes car très vieux, de très droits au tronc unique, des tordus et d’autres carrément tortueux aux ramures sinueuses. Je marche enfin sans m’ennuyer car les chants puissants d’oiseaux se font entendre puis ces derniers se laissent voir et photographier. Il s’agit de pinsons peu craintifs ou alors très affamés. Ils descendent de la canopée renaissante et viennent se poser à même le sol, sans doute à la recherche d’une pitance faite de graines, d’insectes, de chenilles ou de larves que le printemps ressuscite. Quelques rouges-gorges et des troglodytes mignons les accompagnent mais sont plus craintifs et donc plus difficiles à photographier. A force d’être aux aguets, je finis par avoir le sentiment d’être observé moi-même. Mais non, ce n’est qu’une sensation, mais une sensation bien réelle car je m’aperçois que les hêtres ont parfois des yeux, des cils, des sourcils, une bouche, des oreilles ou un nez. Orchestrés par les nœuds et les fissures de l’écorce de certains arbres, je finis par y discerner des faciès, des visages, des regards. Dans certains troncs, sans doute séculaires eux aussi, les premières gravures, elles, sont bien réelles. Les scientifiques leur donnent le nom barbare de "dendroglyphes", du préfixe "dendro" signifiant "bois" et du mot grec "glyphe" signifiant "signe gravé". C’est ainsi que j’y découvre « Delph Arno 1999 » et un joli cœur gravé. Plus loin  « JF 98 » et dessous un hameau magnifique sculpté où l’on aperçoit clairement une petite chapelle. Quel talent !  Je lui décerne le titre de Champion du monde 98 de la gravure sur écorce ! Peu après, c’est un « JP » qui tente de nous faire comprendre qu’il est passé ici le « 15 XI 99 ». Finalement, le « Fajàs d’En Baillette » est là. Majestueux, somptueux, on le voit de loin, trônant un peu à droite de la clairière au sein de laquelle il a réussi à se développer jusqu’à atteindre des mensurations colossales. Quand on l’observe de très près comme j’ai enfin pu le faire et le photographier, on comprend qu’il est vraiment plus qu’un arbre. C’est devenu un ouvrage collectif ! Un manuscrit, un abécédaire, un grimoire, un livre d’amour, une amicale correspondance, un rébus, un répertoire, un agenda, un cryptogramme, un tableau d’algorithmes indéchiffrables, une cacographie, un cahier de dessins, un logogriphe,  une attestation de gravures et d'escalade. Oui cet arbre, c’est tout ça à la fois et bien plus encore !. Amplement gravé par des hommes au fil de son élévation ; on trouve désormais des gravures à plus de 4, 5, 6 mètres de hauteur ; il mérite amplement son épithète et son label de « remarquable ». Avec son système racinaire puissamment ancré au sol, on se sent bien petit à côté de lui. On comprend immédiatement qu’il survivra encore à bien des générations futures si aucun cataclysme ou bouleversement ne vient perturber ou rompre son existence si séculaire. Voilà plusieurs fois que je viens le voir mais c’est la toute première fois que je viens seul et l’envie d’y laisser une petite gravure me démange. Pas facile ? Sur son tronc, il y a de moins en moins de place ! Tout en prenant un en-cas, je m’essaye à y graver de petites initiales avec un minuscule Laguiole. « JG » me semble amplement suffisant et ce d’autant que dès que je gratte son écorce grise et blanche, une sève rougeâtre apparaît me donnant le sentiment d’une blessure. J’arrête là tout en repensant aux autres arbres que j’ai pu graver dans ma vie. Rares, ils sont au nombre de trois, celui-ci inclus. En 1968, quand j’ai connu Dany, nous avions gravé notre amour naissant sur un platane du boulevard Michelet à Marseille. Quelques années plus tard, nous n’avions pas retrouvé notre cœur et les initiales que ce dernier contenait. L’arbre ayant été tronçonné, tout avait disparu, sauf notre amour heureusement, qui lui a perduré. Le 18 août 2009, lors du Tour du Vallespir et au lieu-dit « la Cabane de la Devèse de Vallbonne », j’avais gravé (fort mal) mes initiales et la date, dans un hêtre (déjà !) lors d’une étape entre Batère et Saint-Guillem de Combret. En 2014, j’y suis retourné et la gravure, bien qu’encore parfaitement visible » s’était nettement cicatrisée. J’avais été ravi de ce constat car la blessure avait guérie. Voilà quelles sont mes pensées à l’instant même où il me faut quitter ce monumental « Fajàs d’En Baillette ». Je le quitte non sans un détour par les ruines du vieux cortal. Envahies par les lierres, je n’y décèle rien de bien intéressant sauf deux Tircis, papillons des bois que pour le coup je photographie puis déloge et qui partent se réfugier dans les hauteurs du « fajàs ». Après quelques photos de l’arbre séculaire et une photo souvenir, il est temps d’aller rejoindre la crête. Je fais le choix du petit sentier qui part vers l’est et passe au pied du Roc Courbe. A l’altitude de 916 m, et après le passage d’un portail, je tombe sur le panonceau du « Tour des Cabanes », balade que j’avais réalisée en mars 2013 depuis Prats-de-Sournia. De ce fait, je sais parfaitement où je me trouve, sauf que j’ai bien envie d’improviser en évitant les pistes que je connais trop bien. Le chemin partant à gauche rejoint le GRP Tour du Fenouillèdes et même s’il me remémore de bien agréables souvenirs, j’en connais tous les aspects. A droite, c’est le GR.36 descendant vers Sournia et là aussi, je connais tout ça par cœur. Ici, les deux chemins de grande randonnée sont communs. Un coup d’œil sur ma carte I.G.N et je fais le choix de traverser un pré, direction le Sarrat de la Carrette. Sur sa droite, un peu plus bas, il y a des pistes que je ne connais pas et j’ai bien envie d’aller les découvrir. En parcourant le pré, je ne doute plus avoir fait le bon choix, car outre deux corneilles qui semblent y trouver sinon leur bonheur au moins leur nourriture, ce dernier est jonché de magnifiques orchidées et les quelques arbres sont littéralement envahis par une colonie de Traquets. Traquets motteux ou oreillards ? En les photographiant, il est très difficile de les identifier car les deux espèces ont de nombreuses caractéristiques communes et notamment leurs couleurs où le blanc et le noir prédominent. Le Traquet motteux vit plutôt en montagne alors le Traquet oreillard a un habitat plus près de la mer et a une nette préférence pour le fond des vallées et les plaines. Mais ici à 900 ou 1.000 m d’altitude, suis-je en montagne ou est-ce encore la plaine ? Avec leurs queues assez courtes, j’aurais tendance à dire qu’il s’agit de Traquets motteux. Le pré descend en déroulant son tapis verdoyant vers des panoramas amples et grandioses et habituellement très beaux, sauf qu’aujourd’hui ce ciel si blême écrase tout. Je peste contre Météo France et leurs prévisions si « merdiques » parfois. Vers l’est et en contrebas, j’aperçois néanmoins Prats-de-Sournia mais derrière le village je ne vois qu’une succession de collines arrondies englouties sous une draperie de brume. Vers le sud, la Serre de Sournia est chapeautée par le Massif du Canigou encore très enneigé mais force de reconnaître qu’aujourd’hui, la montagne sacrée des Catalans n’a pas sa fascination habituelle. Je finis par atteindre la piste escomptée que je ne connais pas. Elle m’entraîne dans un bois où feuillus et pins à crochets se partagent l’espace. J’y découvre de bien jolis narcisses jaunes et des tapis de potentilles. Il est midi et je m’installe sur l’herbe pour déjeuner. Tout près de moi, un monceau de bois morts, résultat d’un important élagage, capte quelques oiseaux. Tout en mangeant, je m’essaye à souffler dans mes appeaux et presque aussitôt les sifflements attirent des pinsons et des mésanges. Plus surprenants, et après maintes hésitations en des vols circulaires, quelques becs croisés viennent se poster au faite de sapins. Plus ahurissant encore ; mais je pense que mes appeaux n’y sont pour rien ; un coucou gris vient chanter juste au dessus de ma tête. Je l’entends égosiller son chant lancinant fait de « cucouuuu» répétitifs mais je ne le vois pas. Lui non plus ne me voit pas d’ailleurs, car dès lors que je me déplace et qu’il me voit, il s’envole 50 mètres plus loin. Je plie bagages, adosse mon sac et me lance à sa poursuite. Poursuite essentiellement photographique bien évidemment. Je l’aperçois au sommet d’un grand arbre aux branches dénudées. Je m’approche et il s’envole un peu plus loin, et ainsi de suite sans que je puisse le photographier correctement, car une fois encore l’absence de luminosité est une mauvaise alliée. Par bonheur, son vol suit à peu de chose près le tracé de la piste forestière que j’avais envie de découvrir et quand il se pose, il a toujours une nette préférence pour les arbres effeuillés. Ainsi, aussi loin soit-il, je le vois. Le suivre ainsi devient un jeu, un jeu de piste qui parfois m’éloigne de la crête que j’avais envie de cheminer et qui désormais se trouve au moins 100 à 200 mètres au dessus de moi. Quand je sors de la piste, je me retrouve au milieu d’une végétation pas toujours affable pour ma peau. Hauts genêts, ronciers, cistes à feuilles de lauriers et rosiers sauvages sont des arbustes auxquels il vaut mieux éviter de se frotter. Le coucou s’habitue-t-il à me voir ? Est-ce les hauts genêts dans lesquels j’ai réussi à me planquer pour mieux l’approcher ? Toujours est-il que le voilà désormais à une bonne distance de mon objectif et de son zoom qui me permet de le fixer correctement. Il ne bouge pas et le voilà enfin immortaliser dans mon numérique. Je suis ravi mais je m’aperçois aussi que j’ai pas mal marché et que j’ignore où je me trouve. Au loin, le pic du Canigou donne le sentiment de vouloir disparaître sous un ciel bleu opalin. Un coup d’œil sur mon G.P.S pour connaître mes coordonnées puis sur la carte I.G.N et me voilà fixé sur ma position géographique. Je suis au lieu-dit « La Pépinière », presque en dessous du col de l’Espinas. Je rejoins la crête et trouve la clôture que je réussis à longer tant bien que mal. Elle m’amène à une piste se terminant devant un passage canadien et une barrière métallique. Je connais bien cet endroit et je pourrais même redescendre vers Le Vivier, mais il est tôt et je choisis de prendre le chemin qui file et monte vers le col de Benta Fride. Les chenilles processionnaires, en grand nombre, semblent vouloir m’accompagner. J’ai d’autant plus envie de marcher que les journées s’allongent, qu’il y a de jolies fleurs à photographier, que quelques papillons sont présents, que des mésanges charbonnières jouent dans les pins à crochets, que deux vautours fauves sillonnent le ciel presque à me faire peur. Un petit monde bien vivant pour lequel je suis venu. Le col de Benta Fride est atteint. Ici, à 992 m d’altitude, un panonceau m’annonce le Vivier à 1h50. Me connaissant, rajoutons-y une heure. Je ne crois pas si bien dire. Ici, je n’ai plus guère d’autres choix que de redescendre. Là, je fais le choix de longer la clôture, histoire de profiter encore un peu des derniers panoramas, fussent-ils affligeants aujourd’hui. En tous cas, me voilà sur le chemin du retour. Un peu plus bas, je retrouve la large piste forestière commune au G.R.36 et G.R.P Tour du Fenouillèdes. Agrémenté des fameuses traces blanches et rouges, un panneau de bois  mentionne « Le Vivier ». C’est le bon chemin, sauf qu’ici et d’emblée, de profondes cicatrices ont mutilé la forêt et fait disparaître le G.R.36 sous un fatras de bois et sous de profondes ornières où les marques de gros pneus ne laissent planer aucun doute quand à l’utilisation de puissants bulldozers et débusqueurs. Apparemment, une nouvelle piste est en cours de création sinon pourquoi cet affreux layon défigurant cette si belle forêt ? Cette nouvelle piste épargnera-t-elle les hêtres séculaires ? Je l’espère mais rien n’est moins sûr. Non, sans mal, je finis par retrouver le bon itinéraire dans tout ce désordre forestier. Balisage jaune, blanc et rouge, blanc et bleu, une borne peinte me rassurent très vite quand au bon itinéraire. Les ruines de vieilles cabanes confortent cette idée. Alors que je descends d’un bon pas dans cette forêt qui semble vide de toute vie, mon chemin croise avec surprise celui d’un jeune couple qui le remonte. Surpris je le suis, car si l’homme est à peu près convenablement habillé d’un jeans, d’une chaude chemise canadienne et chaussé plutôt correctement avec des souliers hauts et en cuir, la jeune femme, elle, est plutôt vêtue pour une sortie en boite de nuit que pour une balade en forêt. Un minuscule short moulant et très sexy, un tee-shirt qui ne l’est pas moins sur une poitrine généreuse et agréablement décolletée, des tennis légères et d’un jaune flashy, elle n’a rien de la randonneuse qui part à la découverte du « Fajàs d’En Baillette », car c’est bien là leur objectif. J’ai beau leur dire qu’ils se sont trompés de chemin mais l’homme n’a pas l’air de me croire. Je suis contraint de sortir ma carte I.G.N pour leur montrer où l’on se trouve, mais là encore il semble douter de mes paroles. Au fond de moi, je me dis qu’ils sont mal barrés. Il est déjà 16h et je doute fort qu’ils trouvent l’arbre remarquable et ce d’autant qu’aucun panonceau ne l’indique plus haut dans ce secteur, qu’ils n’ont aucune carte et encore moins de G.P.S. Etant décidés à poursuivre, je tente de les dissuader une dernière fois en leur indiquant qu’ils vont inévitablement tombés sur la large plaie tailladée par les bulldozers. Rien n’y fait. Ils semblent sûrs d’eux et je ne peux m’empêcher d’imaginer la jeune femme avec son short si ajusté entrain d’enjamber les chablis et autres arbres coupés. Je continue. Le silence revient car la forêt continue d’être vide et ce, malgré la présence du ruisseau de la Couloubrière qui commence à creuser son ravin. Or mis quelques violettes des bois, il n’y a rien de concret à mettre dans mon appareil-photo. Aux lieux-dits « Les Moles » et « Palmade », des vestiges en pierres sèches attirent mon regard et l’objectif de mon numérique. Dans ce dernier lieu, près d’un long mur en pierres sèches, des vestiges moins réjouissants car plus modernes sont les preuves évidentes de la sottise humaine. Tables et chaises en plastique renversées, panneaux stratifiés, cagettes, tous ces objets ont été laissés là, à l’abandon, dans ce bois où ils n’ont rien à y faire. C’est assez lamentable. En tous cas, si déjeuner dans les bois il y a eu, l’intelligence des pique-niqueurs, elle, était absente. Un peu plus bas, une affiche clouée à un arbre me rappelle à des souvenirs à la fois bons et mauvais, ceux de la tempête Klaus de 2009, de mon Tour du Vallespir et d’une étape mémorable qui devait m’amener au bien nommé Col du Miracle puis à Prats-de-Mollo. A cause des arbres couchés, cette affiche réclame la prudence et je ne peux m’empêcher de penser au couple que je viens de croiser. Un peu plus bas encore, le chant du ruisseau se fait désormais entendre. Il est parallèle au chemin mais traverse quelques prés où poussent d’énormes merisiers en fleurs. L’eau qui s’écoule, des fleurs dans les prés, quelques papillons voltigeurs et des oiseaux chanteurs semblent vouloir remettre en branle une apparence de vie. Peu après, cette vie se concrétise par la photo d’un magnifique Loriot. Du côté d’Urbanya, j’ai déjà aperçu cet oiseau rare par deux fois mais sans jamais pouvoir le figer. Sous un ciel un peu moins blafard que ce matin, l’approche puis l’arrivée au Vivier se résument à des photographies florales et à de nombreuses et laborieuses tentatives pour photographier des mésanges et des fauvettes qui s’ébattent dans les cerisiers fleuris. Un peu plus loin, un rapace noir se lance dans un vol statique avant de se raviser en me voyant. Au bout du chemin, le village est là avec son château ruinée et son église dédiée à ma petite-fille, Eulalie la bien nommée. Je retrouve le cheval noir du brave homme. Me reconnaît-il ? Toujours est-il qu’il vient quémander un peu de nourriture. Je fouille sans conviction et en vain dans mon sac à dos car à l’évidence aujourd’hui j’ai tout mangé. Il se plante devant moi ne comprenant pas pourquoi je ne lui donne rien. Je lui tend un peu d’herbe dont il n’a apparemment que faire. Il a raison car faut-il être bête pour donner de l’herbe à un animal qui n’a que ça sous ses sabots ? Donne-t-on du pain à manger à un boulanger qui a envie de manger autre chose ? Ma balade au « Fajàs d’En Baillette » se termine-t-elle sur cet échec ? Non pas vraiment car dans le canal du village ; continuité des deux ruisseaux que j’ai suivis ; une bergeronnette grise et un rouge-queue noir en ont décidé autrement. Ils m'offrent leurs couleurs et se laissent très gentiment photographier, le rouge-queue noir, peu craintif, venant même me braver sur la balustrade du pont où je me trouve. Cette randonnée, telle qu’expliquée ici, a été longue de 19 kms avec des montés cumulées de 1.500 m, égarements volontaires sur les crêtes inclus. Rien bien évidemment ne vous obligera à accomplir ce circuit tel que je l’ai réalisé moi-même et après la découverte de l’arbre, vous pourrez vous cantonner au G.R.P Tour du Fenouillèdes et à son col de Benta Fride, raison pour laquelle vous trouverez sur ma carte explicative les deux tracés : celui réalisé et celui conseillé qui est long d’environ 13 km, pour des montées cumulées de 980 m et un dénivelé de 566 m entre le point le plus bas au Vivier (426 m) et le plus haut au col de Benta Fride (992 m). Carte I.G.N 2348 ET Prades – Saint-Paul de Fenouillet Top 25.

 

(*) Label attribué en mars 2014 par l’association A.R.B.R.E.S.

(**) Comme la plupart des arbres, l'hêtre a sa propre étymologie, ses propres histoires ou légendes. Voici celles qui nous ont été laissées par Jacques Brosse, naturaliste, philosophe et historien (1922-2008) dans son livre " Les Arbres de France - Histoire et légendes" paru chez Plon en 1987.

Le Fajàs d'en Baillette depuis Le Vivier

Le Fajàs d'en Baillette depuis Le Vivier

Le Fajàs d'en Baillette depuis Le Vivier

 

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Etape 3 - Sournia - Caudiès-de-Fenouillèdes - 27 km

Publié le par gibirando

Etape 3 - Sournia - Caudiès-de-Fenouillèdes - 27 km
Etape 3 - Sournia - Caudiès-de-Fenouillèdes - 27 kmEtape 3 - Sournia - Caudiès-de-Fenouillèdes - 27 kmEtape 3 - Sournia - Caudiès-de-Fenouillèdes - 27 km

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. Puis possibilité de les regarder en diaporama.

-Une « vadrouille sans la trouille ».

Ce matin-là, la première chose que j’ai fait en ouvrant les yeux, c’est de tirer la tenture de la fenêtre de ma chambre pour regarder dehors. Une fois encore, j’étais déçu car à travers les grands arbres du camping, je ne voyais qu’un ciel laiteux mais comme je ne voulais pas rester dans cette incertitude, j’ai pris sur moi de me lever aussitôt et d’aller voir dehors comment se présentait la météo. Depuis la terrasse, le ciel paraissait d’un bleu d’une pureté intense vers le nord mais vers le sud, le ciel semblait blanc et voilé. Mais comme ce voile continuait à m’intriguer et que de grands sapins bouchaient l’essentiel de ma vue, je suis parti en caleçon faire le tour du camping pour trouver une ouverture et vérifier tout ça plus précisément. Quand je suis revenu au mobil-home, j’étais ravi de ce ciel sans aucun nuage que je venais de voir. La journée s’annonçait sous les meilleurs auspices et j’étais heureux. En regardant la météo à la télé, j’étais d’autant plus content car selon les prévisions, ce beau temps allait s’installer pour plusieurs jours et en tous cas pour les trois derniers jours qui restaient à parcourir. Ma trouille d’une mauvaise météo était terminée, le beau temps que j’attendais depuis le départ semblait enfin là et comment ne pas être joyeux alors que se présentait à nous la plus longue étape de ce Tour des Fenouillèdes qui devait nous emmener à Caudiès. Avec Jérôme, nous étions d’accord sur ce point même si nous ne l’étions pas sur la distance exacte à parcourir. J’avais tracé à de multiples reprises le parcours sur mon logiciel CartoExploreur et j’étais arrivé à la conclusion que cette étape était longue d’au moins 27 kilomètres voire plus. Lui, avec sa méthode, trouvait comme toujours un peu moins que moi. A vrai dire, cela n’était pas d’une importance capitale mais il y avait quand même un impératif, c’était d’arriver à la Mairie de Caudiès avant 18 heures. En tous cas, c’était l’heure maximale qui m’avait été fixée par la secrétaire de la mairie pour récupérer les clés du gîte communal que j’avais réservé. Aussi, après avoir déjeuner très vite, fait notre toilette, ranger nos lits et nos sacs à dos, il n’était que 8h15 quand nous avons quitté le camping, direction l’ouest de Sournia en passant par la monumentale église paroissiale. A vrai dire, je n’étais pas vraiment inquiet de cet horaire fixé car de toutes les étapes du Tour des Fenouillèdes, c’était de très loin celle que je connaissais le mieux et je savais que cet impératif était parfaitement réalisable, à une condition expresse : ne pas traîner en route et surtout n’avoir aucun incident de parcours. Je savais que ce parcours serait très « roulant » grâce aux nombreuses pistes forestières que nous allions emprunter. Nous nous sommes arrêtés brièvement à l’épicerie de Sournia afin de compléter notre pique-nique pour midi et nous avons pris très vite la direction du G.R.36 qui démarre devant la gendarmerie. Cet itinéraire du G.R.36 qui est commun avec celui du Tour du Fenouillèdes sur quelques kilomètres, je l’avais déjà parcouru quelques dizaines de fois, soit pour me rendre à Rabouillet par la belle forêt domaniale soit pour partir à la découverte de cet hêtre remarquable de la forêt du Vivier qu’ici on appelle le « Fajas d’en Baillette ». Grâce à la multitude de pistes qui jalonnent ces forêts du Vivier, de Sournia, de Rabouillet et de Boucheville, il m’était même arrivé d’inventer quelques agréables circuits car au printemps, j’ai toujours bien aimé venir ici pour découvrir la renaissance de cette magnifique nature que nous allions côtoyer aujourd’hui. Jérôme se souvenait y être passé en VTT. C’est donc sans souci, que nous avons emprunté ce petit sentier longeant très souvent d’anciennes terrasses dans ce joli lieu dénommé les « Causses ». Le sentier filait en grimpant vers Prats-de-Sournia, les prés bien nommés et ce n’est qu’à partir d’ici que le mot romain « Fenolietensis » signifiant « foin » pourrait éventuellement prendre enfin tout son sens. Ici, il y a effectivement beaucoup de prés mais si les prés sont toujours agréables à découvrir ou à cheminer, l’essentiel des décors était plutôt derrière nous, aussi n’était-il pas inutile de se retourner très souvent pour profiter des vastes panoramas qui s’offraient enfin à nos regards. Au premier plan, on apercevait le village de Campoussy. Au loin, on découvrait l’aride Serre de Sournia où l’on devinait les chemins parcourus hier. Sur les sommets, on retrouvait le Pic de Bau et son pylône TV et bien sûr, comme presque toujours, le seigneur Canigou pointait le bout de son pic étonnamment dépourvu de neige aujourd’hui. Comme souvent depuis le début, Jérôme avait pris un peu d’avance sur ce bon dénivelé et c’était un peu dommage car il était passé sans voir un joli chevreuil qui broutait tranquillement au beau milieu d’un vaste pré. J’ai eu beau courir pour le rattraper et tenter de le prévenir mais dans cette bruyante cavale, le chevreuil m’avait déjà entendu et il avait pris « la poudre d’escampette ». Heureusement, j’avais eu le temps de le photographier avant qu’il ne détale et en outre ce n’était que partie remise car dans le champ suivant séparé du premier par une simple haie, un deuxième chevreuil était également entrain de brouter. Avec Jérôme, nous nous sommes arrêtés tous les deux pour le contempler et le photographier mais le chevreuil avait déjà levé la tête et avait deviné notre présence. Il nous avait flairé et dès qu’il a constaté qu’on l’observait, il a détalé à tout berzingue faisant d’étranges bonds par dessus les buissons comme le font les gazelles d’Afrique. Puis, en arrivant à la lisière d’un bois, il s’est arrêté net et s’est mis à nous observer. Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis dit qu’il était peut être surpris de ne pas avoir encore entendu la détonation d’un fusil. Par bonheur pour lui, nous n’étions que des chasseurs d’images. La vision de ces jolis chevreuils dans la quiétude de cette aube si agréable a été pour moi un véritable enchantement et restera longtemps gravée comme un de mes meilleurs souvenirs de ce Tour des Fenouillèdes. Après une ferme que nous avons laissé sur la gauche, nous avons atteint un petit chemin vicinal bitumé qui va de Prats-de-Sournia vers la forêt communale du Vivier. Bien que l’asphalte ne soit jamais l’idéal pour le véritable randonneur, ici nous n’y avons pas trop pensé, d’abord car de beaux panoramas s’entrouvraient de tous côtés mais surtout parce que nous revoyons une grande partie du chemin déjà parcouru. Au loin, on distinguait vers l’est, notre ligne de départ avec le minuscule hameau de Trilla que l’on devinait à peine. Dans la même direction, les sarrats olivâtres gravis le premier jour se détachaient dans un ciel azur. Au sud, la Serre de Sournia chevauchée hier apparaissait désormais dans son intégralité. Alors que j’étais plongé dans mes pensées et mes contemplations, Jérôme avait surpris, au milieu d’un pré en jachères, un renard roux sans doute occupé à chasser. Nous avons juste eu le temps de nous cacher derrière un rideau de ronces pour l’observer mais le « goupil » avait déjà flairé notre présence et le voilà dès lors qu’il dressait droit ses oreilles, reniflant l‘air ambiant et scrutant les alentours en quête d’un indice qu’il n’arrivait pas à maîtriser. Rassuré, il a replongé le museau dans les hautes herbes sans doute pour déloger un petit rongeur de son terrier. Mais son sens olfactif l’a très rapidement rappelé à l’ordre. Son sens visuel a pris le relais et il a commencé à tout scruter en notre direction jusqu’à deviner où nous étions, pourtant cachés derrière un muret lui-même surmonté d’un épais treillis de ronces. Dès qu’il nous a aperçu, il s’est mis à détaler et a disparu dans un bosquet. Jérôme avait néanmoins réussi à le photographier convenablement mais moi, je n’avais qu’une photo trouble remplie d’herbes folles avec deux oreilles et un arrière-train qui décampaient. En atteignant la superbe forêt, le bitume a enfin laissé la place à une vraie piste forestière que l’on a ensuite très rapidement quitté au profit d’un bref mais rude raidillon qui s’est mis à grimper vers le col de Benta Fride (965 m). Là, un sentier plus ou moins large file en contrebas d’une clôture plantée sur la ligne de crêtes. J’ai demandé à Jérôme de me suivre et de grimper avec moi de quelques mètres vers cette clôture et ainsi en cheminant cette crête, nous avons profité des panoramas s’entrouvrant magnifiquement vers le Sud et parfois même vers le Nord à l’occasion de quelques trouées dans cette luxuriante forêt. Nous en avons profité un long moment avant de retrouver le véritable sentier car je  connaissais parfaitement ce secteur et je savais que la suite serait moins attrayante car trop souvent en sous-bois. J’adorais ce tronçon du G.R.36 car j’avais toujours pris plaisir à arpenter ce sentier herbeux et verdoyant  encadré de hautes fougères, de genêts et de pins même si je savais que le mois de  septembre n’était pas la meilleure des saisons pour le faire. Ici, il ne faut pas hésiter à quitter de quelques mètres le vrai chemin pour  monter sur la crête et l’on embrasse des panoramas grandioses sur une immense partie du pays Fenouillèdes. Je l’ai fait à quelques reprises découvrant en cette occasion d’énormes champignons, sans doute des bolets. Jérôme avait pris pas mal d’avance et avait surprit un cervidé qui dormait dans les fougères mais ce dernier avait détalé si vite que Jérôme n’avait pas été capable de me dire s’il s’agissait d’un chevreuil ou bien d’un cerf. En tous cas, ce fut le dernier mammifère sauvage que nous avons vu sur ce Tour. Peu après, nous avons délaissé le G.R.36 qui partait par la droite vers les jolis hameaux du Vivier, de Saint-Martin et de Fosse et désormais, il nous suffisait de suivre le GRP Tour des Fenouillèdes de nouveau balisé en jaune et rouge. Peu avant le col de l’Espinas (1.020 m), le chemin a commencé à se transformer en petites montagnes russes mais à l’occasion de vastes lopins de terre qui avaient été défrichés, on avait de très jolies vues vers le Canigou et les longs massifs que formaient le Coronat, le Madres et le Dourmidou. Au loin, au dessus de ces massifs du piémont, les Pyrénées commençaient à étirer leur longue chaîne montagneuses faite de très hauts pics encore un peu blanchis des neiges de l’avant-veille. Après le col de l’Espinas, le chemin est devenu plus large et la déclivité plus raide. Ici, je me souvenais parfaitement de ce coin car à la fin de l’hiver, les sous-bois étaient toujours magnifiquement recouverts de superbes jonquilles jaunes. Après cette dernière montagne russe, nous avons atteint le col Bas (1.035 m) où une aire de pique-nique tombait à point nommé. Nous y avons pris un peu de repos le temps d’une brève pause consacrée à manger quelques fruits secs, une compote et une barre de céréales. Ici, se terminait la forêt communale du Vivier et un panonceau de l’ONF nous en annonçait clairement une nouvelle : la Forêt communale de Rabouillet. Autant être honnêtes, nous ne faisions aucune différence et une seule chose changeait vraiment, c’était la nature du chemin que nous allions emprunter jusqu’au col de Tulla. Ici, nous avons repris une piste forestière DFCI un peu plus monotone que l’itinéraire suivi jusqu’à présent. Aussi, sur ce chemin au doux dénivelé qui nous amenait vers la Font de Coulom et la Maison forestière de Gatespa, il nous semblait important de profiter de chaque fenêtre que la haute forêt nous offrait pour regarder vers les Corbières et le Pech du Bugarach. A 12h20, nous étions à Gatespa où une jolie aire de pique-nique semblait n’attendre que nous. Le lieu était si charmant et si reposant que l’on s’y attardât bien après le repas.  Une fois le pique-nique terminé, Jérôme est parti avec son GPS en quête de la suite du parcours car ici, la piste forestière s’arrêtait en un cul-de-sac et en outre le balisage jaune et rouge semblait avoir disparu. Il y avait bien une autre piste qui descendait mais elle semblait partir à contresens et de toute manière sur notre morceau de carte IGN, il n’y avait clairement aucune piste à prendre à cet endroit. Pendant ce temps, je suis parti à la découverte des alentours et attiré par de magnifiques petits fruits ressemblant à s’y méprendre à des groseilles, j’ai bien failli me laisser prendre au piège de la tentation et de la gourmandise. Je ne connaissais pas cette plante mais une chose était sûre, les feuilles ne ressemblaient en rien à celles d’un groseillier et c’est ça qui m’a permis de résister à l’attrait de ces fruits bien trop tentants. J’ai supposé qu’il s’agissait peut-être des fruits d’un chèvrefeuille des bois ou bien ceux d’une morelle douce-amère mais je n’en avais aucune certitude car des plantes présentant des drupes rouges, je savais qu’il y en avait beaucoup. Du coup, j’ai ravalé ma salive et une photographie de cette plante m’a paru amplement suffisante et intéressante à faire. Au bout d’un moment, Jérôme est revenu en disant qu’il avait enfin retrouvé le balisage et un petit sentier peu évident qui filait en sous-bois. Nous avons aussitôt plié bagages.  A quelques mètres de l’aire de pique-nique, le départ du sentier était difficile à deviner et vraiment incertain, caché qu’il était par divers branchages dissimulant eux-mêmes les premiers coups de peinture du balisage. Quand nous avons commencé à suivre ce sentier, le balisage continua à être peu clair et peu évident à trouver dans ce sous-bois et nous en avons conclu que le sentier était sans doute peu pratiqué. Il l’en a été ainsi encore quelques temps alors Jérôme a conservé son GPS allumé. En prêtant beaucoup d’attention, ce minuscule sentier en sous-bois a néanmoins fini par atteindre un layon dont on voyait clairement que son défrichage était plutôt récent. Le layon montait sous de grands sapins dans un terrain tourbeux et a fini par déboucher à un collet à l’intersection de plusieurs pistes. Sans nous en douter, nous venions d’atteindre la plus haute élévation de cette journée à 1.158 mètres d’altitude mais surtout le point culminant de ce Tour du Fenouillèdes. Du bord du chemin et dans l’espace très étroit que formaient deux grands arbres, j’ai aperçu un bout de vallée et quelques habitations et j’ai essayé mais en vain de deviner quelle était cette commune. J’ai pensé à Fosse ou bien à Fenouillet mais il a fallu que je sorte la carte IGN pour comprendre que c’était plus simplement Caudiès-de-Fenouillèdes que je distinguais que très partiellement. Bien que je n’en ai pas fait part à Jérôme, ce constat de voir la ligne d’arrivée encore aussi éloignée a eu pour effet de me couper un peu les jambes mais tout en marchant, j’essayais de me raisonner. Après tout ce n’était pas la première fois que j’accomplissais une si longue distance et j’en avais même parcouru de bien plus longues. Quelques minutes plus tard, nous sommes arrivés au refuge de Gai Sourire mais nous n’y sommes pas restés très longtemps. Le temps de quelques photos-souvenirs et d’une visite du refuge non gardé que nous faisions presque machinalement mais surtout par curiosité et nous avons repris notre chemin. Il est vrai que depuis notre départ, or mis quelques orris, casots ou mas délabrés, c’était la toute première fois que nous trouvions enfin un bâtiment à visiter, ouvert à tous. Peu après, nous sommes restés scotchés un bon moment au bord du chemin devant les vues époustouflantes qui tout à coup se sont entrouvertes. Plus aucun arbre ne gênait la vision et nous étions assez sidérés car on apercevait au loin la Méditerranée mais nous avions aussi de superbes vues aériennes sur la forêt de Boucheville, sur le Ravin de Tulla et beaucoup plus loin sur la Vallée de la Boulzane encadrée par les blanches Corbières et la longue serre du Synclinal de Saint-Paul. Vers 14h30, nous avons atteint le col de Tulla et ses prés verdoyants ont été si tentants que nous n’avons pas pu résister à l’envie de nous y vautrer en faisant une halte. Après tout, le ciel était bleu, le soleil rayonnant comme jamais et il ne nous restait au gros maximum qu’une dizaine de kilomètres à accomplir et qui plus est toujours en descente. Nous avions encore quatre heures trente pour les parcourir. De plus, je connaissais parfaitement ces lieux et ce chemin, j’aurais presque pu le sillonner les yeux fermés tant j’y étais venu très souvent user mes godillots du côté des Gorges de Saint-Jaume, du Pech de Fraissinet ou dans le Vallon d’Aigues-Bonnes. Sauf accident ou incident toujours possible, je n’avais aucun doute quand à notre arrivée avant 18 heures à Caudiès-de-Fenouillèdes. Nous avons donc pris notre temps et en avons profité pour manger quelques friandises, ôtant nos chaussures pour faire dégonfler nos pieds et nous reposant pendant une bonne demi-heure. Puis nous avons repris la route avec cette fois-ci, la ferme intention de ne plus nous arrêter. Mais c’est bien connu et les hommes politiques le savent mieux que quiconque, les promesses n’engagent que ceux qui les disent et dès le magnifique gîte de Tulla atteint, un gentil cabri en liberté a retenu toute notre attention et celui de nos numériques. Il en a été de même en arrivant à Fenouillet où les petits hameaux des Bordes puis des Nautes et enfin les pittoresques châteaux médiévaux qui se font face ont freiné nos ardeurs pour quelques photos supplémentaires. Un peu plus bas encore, les rafraîchissantes Gorges de Saint-Jaume, que Jérôme ne connaissait pas, nous ont arrêtés une fois de plus pour quelques photos souvenirs. Nous avons flâner dans ces gorges le temps de la découverte puis il en a été de même en arrivant à la belle chapelle de Notre-Dame de Laval. Plutôt que de poursuivre le G.R.36, nous sommes ressortis de ce magnifique lieu par l’ancien chemin des processions et sa superbe porte dite Notre-Dame de Douna Pa. Pour y être déjà venu, je me souvenais avoir lu que depuis l’oratoire situé au bord de la D.9 jusqu’à la porte, la procession des fidèles s’effectuait sur les genoux et je me disais que même en descente, j’aurais eu du mal à faire de même. Malgré nos jambes qui commençaient à se faire lourdes, c’était un peu comme si nos têtes se refusaient à terminer cette étape tant il y avait de choses à découvrir. Un œil sur la montre et quand c’était nécessaire, les deux sur ce qu’il y avait à observer, tel était notre adage. En approchant de Caudiès, deux petits ânons très dociles ont fait les frais de cette flânerie très exagérée et ont clôturé notre album photos de cette merveilleuse journée. Puis, plus rien ne retenant notre attention, le village est arrivé très vite et nous avons prêté attention à une épicerie et à un petit bistrot qui faisait également snack, brasserie et restaurant. Il était exactement 17h15 quand nous nous sommes présentés à la jolie mairie pour récupérer les clés du gîte communal. Après avoir établi un modeste chèque de 20 euros représentant une nuitée pour nous deux, la souriante secrétaire nous a accompagné jusqu’à la petite maison de village qui faisait office de gîte. Les pièces étaient très spacieuses avec une grande cuisine parfaitement équipée et aménagée et elle disposait en plus d’une belle table de salle à manger. La chambre plus spartiate était séparée de la cuisine par un petit escalier mais ce qui était important à nos yeux c’était qu’il y avait deux lits de 90 très confortables et surtout assez loin l’un de l’autre, à cause des éventuels ronflements. Il y avait également une salle de bain avec une douche, un lavabo et un WC et une fois encore, tout cela suffisait très amplement à nos modestes exigences et à notre « humble » confort. Le rapport qualité prix était plus que parfait et pour être honnête ; nous n’en espérions pas tant. Jérôme s’est empressé de prendre une douche et j’en ai profité pour faire le tour de la partie la plus ancienne du village où se trouvait le gîte. Quand je suis revenu, j’ai pris la douche à mon tour et nous avons passé les heures restantes à nous reposer et à bouquiner avant de partir à la recherche d’un restaurant. En réalité, la recherche a été de très courte durée et pour tout dire le premier restaurant a été le bon dans tous les sens du terme. C’était le Café Rivière, celui là même que nous avions aperçu en arrivant et qu’une pancarte à l’entrée de Caudiès nous avait décrit comme faisant snack et également restaurant. Ici, la patronne semblait tout faire elle-même et en plus, elle le faisait bien. Elle se démenait du bar, à la cuisine et au service, prenant même le temps de discuter gentiment avec ses clients et franchement pour la somme modique de 16,50 euros par personne, pichet de vin et service compris, elle a gagné très allégrement les cinq étoiles de notre reconnaissance. Le souper a été parfait et une fois terminé, nous sommes immédiatement rentrés au gîte où Jérôme a terminé la soirée à bouquiner pendant que j’ai analysé pour la énième fois l’étape du lendemain. Hors mis, mon genou droit qui de temps en temps se bloquait un peu, j’était plutôt en forme et je commençais à prendre goût à cette longue balade. De ce fait, j’avais du mal à me faire à l’idée que demain était déjà l’avant dernière étape et cette idée me rendait triste car je trouvais que ce Tour des Fenouillèdes était passé bien trop vite. Deux à trois jours de balades supplémentaires auraient été l’idéal, à condition bien sûr qu’ils se déroulent avec une météo aussi clémente que celle d’aujourd’hui. En tous cas, les prévisions pour demain étaient annoncées ainsi et j’étais très heureux de cette nouvelle « Vadrouille sans la trouille ».

 

Lien vers Etape 2 

Lien vers étape 4 

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Le Circuit de Terres noires à Sournia et le Fajàs d'en Baillette.

Publié le par gibirando


 Ce diaporama est enjolivé avec 2 grands succès de Gilbert O'Sullivan que sont les chansons "Clair" et "Alone Again (Naturally)"

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Voilà une jolie boucle, toute simple mais à faire avec la carte IGN appropriée. Je l'ai raccourcie délibérément car elle est connue dans une version plus longue sous le titre de « Circuit de Sournia » dans le célèbre « 100 randonnées dans les P.O » de Georges Véron. Ici, ce secteur des crêtes que l'on va cheminer, on l'appelle les "Terres Noires" à cause de certaines portions du terrain très sombres faites de marnes schisteuses noirâtres que l'itinéraire emprunte. Dès que vous entrez dans Sournia (alt.500 m) en venant de Perpignan ou plutôt d'Ille-sur-Têt, le départ s'effectue 40 mètres à droite après la gendarmerie. Vous montez une petite sente balisée en rouge et blanc car vous êtes sur le GR.36. Elle s'élève rapidement dans la garrigue, longe quelques « feixes » moussues, ces vieilles terrasses de pierres sèches, entre dans un bois et finit par déboucher près d'une ferme et dans une zone d'estive. Par précaution, prenez garde à fermer les barrières et à ne pas trop déranger le troupeau. Vous arrivez sur une petite route asphaltée et des paysages disparates se dévoilent de tous côtés : les Corbières, les magnifiques forêts des Fenouillèdes, la Vallée de l'Agly, les toits rouges de Prats de Sournia et de Sournia, son vallon de la Désix, les collines du Bas-Conflent, avec derrière elles l'inévitable dôme enneigé du Canigou. Prenez cette route par la gauche et poursuivez sur le GR.36. La route se transforme en un chemin carrossable toujours goudronné. Sur votre droite, un bel orri, sur votre gauche l'éclatant Canigou et le début de la chaîne pyrénéenne. Au col boisé de Benta Fride (960 m) vous enjambez une barrière et quittez le bitume pour emprunter une piste forestière. Vous êtes dans la très belle forêt communale du Vivier, connue pour son hêtre remarquable le Fajàs d'en Baillette : plus de 500 ans, plus de 5 mètres de diamètre et plus de 30 mètres de hauteur. Il n'est pas très loin, n'hésitez pas à faire l'aller-retour pour aller le découvrir ! A la côte 992, il vous faut par la gauche quitter la piste et grimper un court dénivelé vers la crête. Vous arrivez à un gros cairn et il vous faut désormais longer une rudimentaire clôture faite de fils barbelés et de gros piquets. Sur votre gauche et devant vous, les panoramas s'entrouvrent toujours plus beaux. La crête devient montagnes russes mais à la côte 963, le GR.36 tourne à droite et vous, vous ouvrez une barrière et tournez à gauche dans une nouvelle zone d'estive sauf si vous souhaitez voir l'hêtre remarquable ce en quoi il vous faut descendre et prendre une autre piste qui part d'abord nord-est, tourne à gauche pour filer plein nord. En la suivant, vous arriverez sans problème a cet arbre exceptionnel et le retour à la côte 963 ce fait par le même chemin. Pour le circuit de Véron, à la côte 963 il faut continuer tout droit vers le Col de l'Espinas (1.005m) mais c'est une autre rando ! Une petite sente coupe des près puis entre dans un bois dit de la Pépinière (photo). Au début du printemps, les sous-bois sont tapissés de très jolies violettes et de jonquilles sauvages. La sente devient piste et descend jusqu'à la D.2. Sournia est sur votre gauche à un peu moins de 4 kilomètres. Grâce à de multiples raccourcis balisés en jaune, vous éviterez une marche forcée sur l'asphalte et vous rejoindrez ainsi plus rapidement le village. Pour clore cette agréable boucle qui vous aura occupé au moins 4 heures, prenez le temps d'une visite de Sournia. Sa belle chapelle St Michel du Xeme siècle, sa pittoresque fontaine du Pou, son église et ses jolies ruelles le méritent bien ! Carte IGN 2348 ET Prades-Saint Paul de Fenouillet Top 25.

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