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aragon

La Vallée "Era Artiga de Lin" et le Goueil de Jouèou (Val d'Aran-Espagne)

Publié le par gibirando


Ce diaporama est agrémenté de diverses musiques de films composées par la compositrice anglaise Rachel Portman. Leurs titres : "We Had Today", "Little Edie On Chair", "Love Is Divine", "Wedding Jewels", "We All Complete", "Main Titles" (avec John Lenehan pianiste et David Snell, compositeur), "Passage of Time", "Vianne Sets Up Shop" et "End Titles" (From "Emma"/Score)"

La Vallée "Era Artiga de Lin" et le Goueil de Jouèou (Val d'Aran-Espagne)

La Vallée "Era Artiga de Lin" et le Goueil de Jouèou (Val d'Aran-Espagne) 

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.


 

C’est fin mai lors d’un séjour d’une semaine dans le Val d’Aran que nous avons découvert l’Era Artiga de Lin (*). Nous avions loué un hôtel sympa à Betrén, petit village adjacent à la jolie ville touristique de Vielha. L’hôtel Ço de Pierra était sympa pour de multiples raisons. Son patron, déjà accueillant de nature, nous a mis tout de suite à l’aise en n’ayant aucune exigence supplémentaire car nous avions déjà tout réglé sur Booking.com. Il se contenta de nous remettre la clé et de nous indiquer les services dont nous pouvions bénéficier. La chambre était plutôt grande et disposait en sus d’une mezzanine et de ce fait il y avait 2 grands lits permettant de se reposer, de bien dormir et de regarder la télé le cas échéant. Ce ne fut pas le cas préférant le plus souvent la lecture et compulser les sites Internet pour les visites du lendemain voire des jours suivants. Le secteur en cette période hors saison étant très calme, le parking privatif, le petit déjeuner se présentant sous la forme d’un grand buffet où tout était à volonté, quoi demander de plus à cet hôtel rustique et paisible ? Seule la météo très maussade et un ciel souvent menaçant nous empêcha de faire les quelques petites balades pédestres que j’avais envisagées. On fut donc le plus souvent contraints de remplacer la marche pédestre par des promenades routières mais finalement il y a tellement de jolies routes, de beaux villages, de belles découvertes champêtres et montagnardes à faire que l’on ne vit jamais le temps passer. Du Val d’Aran au Luchonnais en passant par l’Aragon et le Pallars Sobirà, les kilomètres défilèrent sans jamais aucune lassitude. C’est ainsi qu’on découvrit beaucoup de belles choses mais aussi des lieux de restauration aussi divers que variés, allant de la « table familiale d’une dame âgée mais ô combien excellente cuisinière » à Sort jusqu’à la salle à manger d’une cathédrale à Roda de Isábena, petit joyau aragonais qu’on découvrit au pas de course car malheureusement sous une averse torrentielle..

Parmi toutes ces découvertes, reste l’Era Artiga de Lin que je vous présente ici. Ce fut un vrai coup de foudre car après y être allé une première fois sous un ciel très gris, il nous sembla obligatoire d’y retourner lors de la plus belle journée de notre séjour. Quand je dis « belle journée » entendez simplement « quelques coins de ciel bleu ». Comment vous dire à son propos  ? Il nous semblait que ne pas y retourner c’était un peu comme si on avait voulu visiter Paris sans aller voir la Tour Eiffel, Montmartre ou les Champs-Elysées. Ce fut donc notre seule marche pédestre et quand je dis « notre », je devrais dire « je » car Dany peu en forme ce jour-là me lâcha très vite, et avant même le milieu de la vallée pour retourner vers la voiture. Il est vrai que la balade aller et retour que j’avais programmée était plutôt courte. Depuis le parking, où non loin de là se trouve un imposant et magnifique refuge, elle consistait seulement à remonter la vallée jusqu’au pied des premiers pierriers du cirque glaciaire où deux ou trois petits névés subsistaient. C’est donc pratiquement tout seul que j’ai accompli cet aller-retour puis le trajet jusqu’à la cascade Goueil de Jouèou (voir plus loin), Dany m’ayant rejoint là-bas en voiture. Mais quel parcours sur le plan visuel, photographique et floral ! Grâce à un renard coursant un jeune chevreuil et à quelques oiseaux et papillons, je peux rajouter « faunique ». Cette petite vallée est une pure merveille ! Un vrai spectacle ! Je serais bien tenté de vous décrire cette vallée et ce cirque glaciaire mais il y a tant de sites Internet qui en parlent bien mieux que je ne pourrais le faire que j’ai le sentiment que ma description aussi belle soit-elle serait de trop. Vous n’aurez aucun mal à trouver des liens sur n’importe quel moteur de recherches car si en hiver la route qui y mène est fermée à cause des risques d’avalanches, en période estivale le lieu est excessivement prisé. Et puis je me dis que de cette merveilleuse découverte, il restera toutes les photos de mon diaporama musical ainsi que le récit et le plan de la balade expliquée ici. Toutefois, outre tout cela, deux choses restent gravées dans ma mémoire. La première,  c’est une amusante anecdote. La seconde, c’est « l’eau ». Ici, dans ce secteur des Pyrénées, elle est omniprésente. Quoi de plus normal qu’il y ait de l’eau quand on sait que le nom « Val d’Aran » est un toponyme pléonastique signifiant la « vallée de la vallée ».  Or une vallée est un relief façonné par au moins un cours d’eau. Concernant l’anecdote, il faut savoir que pour rejoindre l’Era Artiga de Lin, il faut emprunter une jolie petite route depuis le village de Es Bordes. Ce village est situé au bord de la Nationale N-230 permettant de rejoindre Vielha depuis la France. Là , il suffit de suivre la « Carrer dera Artiga de Lin ». La route est excellente mais comme il s’agit d’une route de montagne, elle est étroite et surtout très souvent humide. Si étroite est un problème pour celui qui  conduit la voiture ; ici en l’occurrence moi ;  humide fut un problème pour Dany mais aussi pour moi car cette route étant très souvent parsemée de grosses limaces brunes ou noires (leur nom vernaculaire est souvent « Loche » et en latin « Deroceras), j’étais prié de les éviter. De ce fait, ma conduite se transforma en une compétition routière où le but était de rouler très lentement mais surtout d’écraser le moins de limaces possibles. Zigzags, ralentissements, estimations précises pour que les bestioles passent au mieux entre les roues, il me fallait calculer tout cela et en même temps faire attention aux éventuels autres véhicules susceptibles de me croiser ou de me suivre. Par bonheur, nous étions hors saison estivale où paraît-il les touristes affluent en grand nombre et tout se passa pour le mieux car nous fûmes pratiquement les seuls sur cette jolie route. Voilà pour l’anecdote prouvant que Dany et moi n’avons aucune limite dans l’amour pour les animaux. Il est vrai que ces limaces n’ont une durée de vie que d’environ un an et qu’il est donc important de ne pas la raccourcir arbitrairement pour notre seul plaisir. Le second souvenir qui m’a profondément marqué est l’eau coulant dans ce secteur des Pyrénées. Il m’a sans doute marqué car les Pyrénées-Orientales où j’habite sont constamment en forte pénurie. Ici, ce n’était pas le cas et avant même d’arriver dans la vallée, on voit de l’eau couler de partout. Il est vrai que la « Carrer dera Artiga de Lin » est parallèle au torrent Joéu qui est un des tout premiers affluents espagnols de la Garonne. Le Goueil de Jouèou (Uelhs deth Joeu en Aranais signifiant les Yeux du Diable ou de Jupiter), magnifique cascade que l’on découvre aussi lors de cette visite n’est-elle pas toujours considérée  par certains hydrologues comme étant la vraie source de la Garonne ? (https://books.openedition.org/pumi/41621?lang=fr). Oui, ce secteur-là a une chance inouïe d’avoir de l’eau en abondance. Aussi, une flore et une faune exceptionnelles y sont constamment présentes. L’ours brun y vient régulièrement faire quelques prudentes virées. Ses escapades n’empêchent nullement quelques passionnées de haute montagne de venir gravir les 3.404m du  pic d’Aneto, le plus haut sommet pyrénéen  étant accessible pour les plus costauds d’entre eux avec un simple aller-retour d’une journée à partir du même parking que celui où nous avons garé notre voiture. Oui, grâce à tout ce que je viens d’écrire cette vallée de l’Era Artiga de Lin restera gravé dans nos têtes. N’ayant procédé à aucune vraie préparation de cette balade, je ne suis pas à même de donner une distance accomplie. Je l’estime à moins de 10km et de toute manière, telle qu’effectuée et indiquée sur le plan IGN espagnol elle est vraiment facile. De plus, des panonceaux sont là pour vous aiguiller. Prudence toutefois autour du torrent Jouèou et de sa cascade, le bouillonnement monstrueux ne laisse aucun doute quant à la puissance des eaux qui s’écoulent ici. Une chute, et c’est un canyoning exponentiel assuré.

Sinon que dire de plus : il y a aussi sur la route la Fontaine de Grésillun ou Grésilhon ainsi qu'une une chapelle dédiée à la Mère de Dieu (Mair de Diu en aranais) mais elle était fermée. A la bonne saison, une Centre d'interprétation accueille le public et un train touristique fait la navette du village d'Es Bordes jusqu'à la vallée. Dans le secteur, l'arboretum de Jouéou mérite le détour même si une mauvaise météo ne nous a pas permis une visite. Alors bien sûr, au départ du parking du refuge, bien d’autres randonnées bien plus difficiles sont possibles et vous n’aurez aucune difficulté à les trouver sur le Net. Enfin, vous serez sans doute nombreux à penser qu'il y a bien trop de fleurs dans ma vidéo. Mais que voulez-vous, la Nature en général, les fleurs, les papillons et les oiseaux en particulier sont devenus des passions. Je les aime, j'aime les connaître, les observer de très près et pour cela rien de mieux que de les photographier. Il y a tant à apprendre sur eux. Tout celà m'incite à penser que plus nous serons nombreux à les regarder de près, à voir leur diversité, leur beauté et plus nous serons nombreux à vouloir les protéger. Nous qui détruisons beaucoup trop la Nature sur cette planète, son avenir n'est-il pas associé au nôtre finalement ?

(*) Toponyme Era Artiga de Lin : Comme toujours en pareil cas quand un toponyme m’interroge, je tente de comprendre si derrière son nom se cache une explication. Et finalement ici c’est assez simple puisque chaque mot a sa propre explication et qu’il suffit de réunir les 3 pour une bonne compréhension de l’ensemble. C’est ainsi que j’ai trouvé que le mot « era » était une zone de battage. En agriculture, le battage étant je vous le rappelle une technique permettant de séparer les graines d’une plante (épi, tige, fruit, graine, gousse, etc…).Le mot « artiga », je me souviens l’avoir déjà analysé lors d’une autre balade intitulée « La Serre de l’Artigue del Baurien depuis St-Paul-de-Fenouillet ». J’avais trouvé qu’il pouvait signifier soit « un terrain défriché soit labouré » Et bien ici, on peut supposer qu’il ait sensiblement la même explication. Enfin concernant le mot « lin », il s’agit tout simplement de la plante oléagineuse et fibreuse dont on tire la célèbre huile mais qui sert aussi à la fabrication du textile connu depuis la nuit des temps puisque les bandelettes de certaines momies avaient été tissées il y a plus de 8000 ans avec des fibres de lin. Le linceul, petite pièce de lin, tire également son nom de la plante.

L’Era Artiga de Lin, c’était donc une terre qui avait été défrichée et déboisée où l’on cultivait du lin, lequel ensuite était battu. Comme très souvent en pareils cas, cette réunion de noms communs est devenue un nom propre par le fait même du langage oral courant. Les agriculteurs disaient « je vais à l’era artiga de lin », c’est à « la zone de battage du lin ». On peut aisément supposer que cette vallée que nous avons remontée, dont son vieux déboisement semble évident au regard de la forêt subsistante, constituait cette zone de culture et de battage. J’ai d’ailleurs pu photographié un pied de Lin cultivé près du refuge mais force de reconnaître que c’était le seul et que je n’ai pas réussi à en voir d’autres. Un cas isolé. Normal sans doute puisque nous étions fin mai et que sa floraison intervient au mieux à la mi-juin et sans doute encore un peu plus tard à cette altitude qui oscille entre 1.200 et 1.500m où la froidure est un élément souvent déterminant. Peu de fleurs de lin visibles dans cette vallée et à cette époque dont le genre compte environ 200 espèces parmi laquelle on trouve le Lin cultivé (Linum usitatissimum) étroitement apparenté au Lin sauvage ou bisannuel (Linum bienne) avec lequel d’ailleurs il est interfertile. Par contre, j’ai pu photographier une fleur de lin. En Aragon, j’ai pu photographié d’autres Lins, certains bleus comme le Lin de Narbonne (Linum narbonense) ou jaunes comme le Lin de France à trois stigmates (Linum trigynum) sans doute.

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Le Château de Salveterra (400 m) depuis Opoul (côte 207 sur le D.9)

Publié le par gibirando

Diaporama sur une musique de Johan Söderqvist tiré du film "Let The Right One In", en français "Morse"

Le Château de Salveterra (400 m) depuis Opoul (côte 207 sur le D.9)

Le Château de Salveterra (400 m) depuis Opoul (côte 207 sur le D.9)


 

Si vous allez découvrir le château d’Opoul, comme j’ai pu le faire, avec une tramontane à 80 ou 90km/h avec quelquefois des rafales soufflant à plus de 100, voire sans doute supérieures parfois ; j’ai failli tomber à plusieurs reprises ; vous penserez immédiatement que si nos ancêtres l’ont appelé « Salveterra » c’est sans doute à cause de ça. La « Sauveterre », on y monte, terre en général hautement perchée, et le vent est tel qu’immédiatement on se sauve ! Eh bien non ! Vous n’y êtes pas du tout et c’est même presque le contraire ! Non, tous les toponymistes sont d’accord pour traduire « Salveterra » en « terre sauve » c'est-à-dire en « terre d’asile » et en tous cas en « terre jouissant d’un droit d’asile ». C’est ainsi qu’au Moyen-Âge, un « sauvetat » ou « salvetat », en français une « sauveté » était un lieu bien défini, en général près d’une église et délimité très souvent par des bornes, dans laquelle un fuyard ne pouvait pas être ni appréhendé ni même simplement poursuivi. L’Histoire raconte que ce château d’Opoul a été édifié en 1246 par Jacques 1er le Conquérant, roi d’Aragon, sur les bases d’un ancien « podium », le « Castlart d’Oped ». Le but était d’assurer la paix avec le Royaume de France en protégeant la frontière toute proche par une ligne de défense composée de plusieurs forteresses aragonaises dont Salses, TautavelForça Réal et bien sûr Oped. Le royaume de France possédait l’équivalent avec Aguilar, QuéribusPeyrepertuse et quelques autres châteaux longeant la chaîne pyrénéenne piémontaise.  Ici au « Castlart d’Oped », le lieu était si sordide et si venté que les candidats prêts à l’occuper ne se pressaient pas au portillon et du coup, le roi décida d’en faire une « Salva Terra », une terre protectrice. Aussitôt arrivèrent des vagabonds, des fugitifs mais également des paysans qui fuyaient les exactions et les guerres. Ils s’installèrent sur le plateau. Le hameau de « Salveterra » est né ainsi comme d’autres «Sauveterre» dans bien d’autres provinces de France, de Navarre et d’Aragon. La première mention écrite « Salveterra » date du 11eme siècle et tire son origine du latin « Salvam Terram » ou « Salva Terra ». D’autres citations du mot suivirent et figurent en bonne place dans les archives médiévales du « Trésor des Chartes ». Depuis le nom a guère varié même en passant du latin à l’occitan (Sauvaterra), ou de gascon (Salvaterra) au béarnais (Saubeterra) et enfin au français (Sauveterre), mais il a toujours gardé cette même signification de « terre sauve », une terre sur laquelle une communauté pouvait bénéficier d’une « charte de franchise », c'est-à-dire d’un certain nombre de privilèges et d’exemptions de taxes que le seigneur leur accordait pour les inciter à s’installer.  Alors comme la douzaine de communes françaises et les innombrables lieux-dits portant ce nom de « Sauveterre », le château d’Opoul ne fait pas exception à cette règle instaurée ici par Jacques 1er d’Aragon. Voilà pour l’Histoire du lieu et du nom rapidement résumé. Pour mon pique-nique et malgré les ruines, j’y ai d’ailleurs trouvé asile sans trop de problèmes, au fin fond d’une salle voûtée pourtant ouverte à tous les vents mais très curieusement la tramontane, elle, n'y rentrait pas. Dans ce décor plutôt isolé, austère et même un peu lugubre, il faut bien le dire, seul le vent violent a eu envie de me chasser de là et malgré ma terrible envie de découvertes, il a fini par y parvenir bien plus vite que je ne l’aurais voulu. J’en suis donc parti à regret avec le sentiment de ne pas avoir tout vu. Pour cette randonnée, je suis parti de la côte 207 sur la carte IGN, croisement situé sur la D.9 peu après Opoul. Là, j’ai laissé ma voiture près d’une citerne verte D.F.C.I et j’ai immédiatement emprunté un petit sentier caillouteux coupant les deux premiers lacets de la route asphaltée montant vers le château. Un peu plus haut, j’ai retrouvé la route mais peu après, j’ai aussitôt opté pour un autre raccourci. En effet, une large piste caillouteuse part sur la droite et évite à nouveau un long cheminement sur le bitume. Si la déclivité est plutôt modeste, elle est néanmoins suffisante pour dévoiler de multiples et lointains panoramas : Plaine du Roussillon,   massifs des Albères et du Canigou et premiers contreforts des Pyrénées enneigées. Beaucoup plus près, le village d’Opoul en contrebas, la côte Méditerranéenne et l’étang de Salses-Leucate et les premières « serras » des Corbières méridionales. Enfin, ce n’est pas seulement la tramontane qui m’a fait tourner la tête et les paysages y étaient pour beaucoup aussi. Du fait, l’objectif de mon appareil photo a fait de même. Quand au château, s'il est bien visible depuis un bon moment déjà, c'est essentiellement à cause de ses quelques remparts ressemblant à des chicots sur une gencive édentée. Cette gencive blanche, c’est la vaste plate-forme calcaire qui le supporte. Abstraction faite des fortifications, à lui seul ce plateau ressemble à une forteresse minérale. Dans ce plaisant cheminement, la seule chose que je regrette, or mis la tramontane, c’est ce ciel carrément coupé en deux avec de gros nuages gris sur la longue crête des Corbières et un bleu azur presque pur sur le Roussillon. La tramontane a coupé le ciel en deux et envoie valdinguer les nuages vers la mer. De ce fait, le firmament est moucheté de quelques altocumulus lenticulaires très épars. Cette coupure est juste au dessus de ma tête et par instant, j’ai même l’impression d’un désagréable crachin qui, heureusement ne dure que quelques minutes. Le chemin amorce un virage, laisse sur la gauche une aire de pique-nique et une citerne jaune et se termine sur le bitume de la route juste en face le grand parking du château. Ne connaissant pas les lieux, j’emprunte l’itinéraire qui me parait le plus simple et le plus direct pour monter vers le fort. Je traverse le parking tout droit, prend un large chemin puis un sentier plus étroit montant directement à droite vers les ruines des remparts. Là, je me retrouve devant quelques rochers puis un mur qu’il me faut escalader sur quelques mètres pour parvenir à une trouée dans les remparts du château. Si vous n’êtes pas féru de grimpe aussi minime soit-elle, je vous conseille, depuis le parking, d’emprunter un étroit sentier filant immédiatement à droite et se dirigeant vers une petite pinède. C’est plus long pour atteindre le plateau mais moins périlleux et donc plus sûr. Après le pique-nique, j’ai dans l’idée de faire une visite très approfondie de tous les vestiges et du plateau lui-même mais la tramontane a forci et semble décidée à contrarier ce projet. A plusieurs reprises, elle est à deux doigts de me pousser à la faute et de me faire tomber. Grâce à un planté très ferme  de mon bâton de marche, j’évite le pire, c'est-à-dire de choir au fond d’une séculaire « cellera » souterraine que je suis entrain de photographier. Etant tout seul sur cette masse aride et rocheuse, il ne m’en faut pas plus pour prendre mes jambes à mon cou et décamper de ce lieu si hostile. Ce n’est pas vraiment de la peur mais mon éternelle étourderie m’ayant fait oublier mon téléphone portable, je trouve que c’est plus prudent d’en rester là, et ce d’autant que d’autres découvertes sont au programme et que le ciel demeure toujours incertain. Au loin, vers Périllos et son Montolier, le ciel est très gris et la colline gravie l'an dernier plus terne encore.  J’entreprends donc de faire le tour du plateau car sur la carte IGN figure un chemin circulaire et deux grottes que je veux impérativement aller voir : la Cauna Negra et la Cauna Roja. Je suis d’autant plus enthousiasmé que j’ai appris que les flancs du plateau recèlent des marnes fossilifères. Je fais donc le tour du plateau sans aucun problème, un large chemin en forme de vélodrome étant tracé à cet effet. En observant chaque éboulis, chaque talus, je trouve assez facilement quelques fossiles intéressants dont trois sont clairement de vieux mollusques bivalves quand au quatrième, il ressemble plutôt à un ver marin. Enfin, il suffit d’observer certains agglomérats limono-argileux reconnaissables à leur couleur rougeâtre pour qu’aucun doute ne subsiste quand à la présence de la mer ici dans des temps très reculés. On y décèle le dépôt d’infimes algues fossilisées et parfois même de minuscules coquillages. Depuis le chemin, on peut noter aussi la présence quasi permanente de remparts dans chacune des anfractuosités du plateau mais également des tours fortifiées sur son aile nord. Les grottes, elles, ne présentent pas un grand intérêt, il faut dire que je ne suis pas trop téméraire quand il s’agit de progresser seul dans une caverne, qui plus est sans lampe comme c’est le cas. Après ce tour du plateau, je m’arrête à la table d’orientation dominant le village d’Opoul. Je l’ai remarqué grâce à ma carte IGN. Elle se trouve en face du parking du château. On regrettera qu’elle ne soit pas indiquée et qu’en outre n’étant pas visible depuis la route, on peut supposer que de nombreux touristes y passent à côté sans la découvrir. Après cette visite du château et de son plateau calcaire, je reprends la route direction la Ginevrède (la Génevraie). Au premier virage, je poursuis tout droit pour emprunter la route de la Vall Oriola mais juste après un pylône à haute tension se trouvant sur la gauche, j’emprunte un bon chemin descendant dans la Coma de l’Agla (la Combe de l’Aigle). Là, en marchant au pied de la petite falaise, dernier épaulement du vaste Pla de la Llaquera (plateau du Laquet), je suis bien à l’abri du vent et ça me change des rafales que j’ai pris en pleine poire depuis le début de la balade. C’est d’autant plus agréable que la tramontane a chassé tous les nuages et que la balade s’effectue désormais sous un chaud soleil. Est-ce l’absence de vent, la tranquillité du lieu et la présence d’une pinède mais les passereaux y sont plus nombreux que nulle part ailleurs. Je me poste avec mes appeaux et en moins d’une heure, je réussis à photographier un monticole bleu, un rouge-gorge et une jolie fauvette à lunettes. Après cette jolie moisson photographique, je repars. La falaise se termine et avec elle, l’abri du vent aussi. J’ai atteint le fond de la combe. Ici, circule le Correc dels Vivers et la tramontane me rappelle aussitôt à son bon souvenir. Tout comme moi, elle s’engouffre dans la petite gorge du « correc » mais ce n’est pas pour les mêmes raisons. Les miennes sont plutôt localisées car le but de cette marche dans le ruisseau asséché est d’aller découvrir l’étrange grotte de la Nantella. Etrange car l’entrée de cette grotte toute proche est constituée d’un joli fronton en pierres maçonnées comme on le faisait dans le temps avec les matériaux du coin : calcaire blanc et terre argileuse rougeâtre. La toiture a disparu mais la bâtisse devait être très belle avec notamment une grande pièce présentant une très jolie arcade et de nombreuses ouvertures permettant sans doute d’y faire rentrer le soleil. Les pièces donnent ensuite sur l’entrée de la grotte et de ce fait, bien évidemment on pense immédiatement à un ancien habitat troglodyte. Alors était-ce un moulin à cause du ruisseau qui se trouve juste devant ? Etait-ce une bergerie bien que son unique accès par le petit canyon semble peu propice à la venue d’un troupeau ? Etait-ce l’entrée d'une mine aujourd’hui oubliée ? Etait-ce plus simplement l’habitat d’un homme original qui cultivait des lentilles puisqu’il semble que le nom « Nantella » soit une variante du toponyme « Nantilla », lieu où l’on cultivait cette légumineuse ? Le mystère reste entier et je n’ai rien trouvé sur Internet permettant de donner un début d’explication. Aujourd’hui, et malgré son état de délabrement, il semble que la grotte ait été encore très récemment « squattée » car on y trouve un matelas deux places, plusieurs matelas en mousse, un grand canapé en cuir et un tapis et divers petits objets usuels. La grotte est à priori et de très loin la plus spacieuse des trois que j’ai visité au cours de cette balade. L’absence d’une torche m’a encore une fois contraint à écourter la découverte. Il ne me reste plus qu’à rejoindre la voiture, ce que je fais en suivant le lit du « correc » jusqu’au petit pont de la D.9 qui l’enjambe. Là, je poursuis l’asphalte sur moins d’un kilomètre, en longeant la  Coma de Raó jusqu’à la côte 171 puis juste avant le virage, j’emprunte un étroit sentier filant tout droit dans la garrigue et me permettant une nouvelle fois de raccourcir l’itinéraire. Ma voiture est là sur le terre-plein et en observant mon pneu avant gauche, je m’aperçois que je me suis arrêté à quelques millimètres à peine d’un énorme et magnifique « Orchis géant » tout rose. Ecraser en janvier une aussi jolie fleur alors que la flore aperçue ne se résume qu’à quelques romarins, ajoncs ou pissenlits aurait été fort dommage. La randonnée telle qu’expliquée ici a été longue de 10 km environ. Le dénivelé de 255 mètres est peu significatif, le point le plus haut est bien évidement situé sur le plateau à proximité du château à 400 mètres d’altitude. Les montées et descentes cumulées sont de 610 mètres. Bonnes chaussures à tiges hautes sont vivement conseillées dans ce pays de caillasses et bien évidemment emportez de l’eau en quantité suffisante si vous envisagez de faire cette balade à la saison chaude. Carte IGN 2547 OT Durban – Corbières – Leucate – Plages du Roussillon Top 25.

 

 

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