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Le Sentier d'Arletes et autres hameaux perdus depuis Conat

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de la musique de John Barry tirée du film "Proposition Indécente" réalisé par Adrian Lyne,

 musique jouée ici par The City Of Prague Philharmonic Orchestra

Le Sentier d'Arletes et autres hameaux perdus depuis Conat

Le Sentier d'Arletes et autres hameaux perdus depuis Conat 

Pour agrandir les photos, cliquez dessus. Deux fois pour un plein écran


 

Quand j’ai envisagé ce « Sentier d’Arletes » au départ de Conat, j’avais imaginé un tracé bien plus court que celui que vous trouverez ici. Initialement, j’avais prévu de monter vers l’ancien hameau d’Arletes (*) en passant par Le Ribéral, la Carrerada, La Falguerosa, Arletes, puis mon idée était de poursuivre par Catllorenç, le Roc de les Creus puis redescente vers Conat par le Roc de l’Home Mort, la chapelle ruinée de Sainte Marguerite de Nabilles et Millares, l’objectif d’une telle balade étant que je ne connaissais pas la première partie, c'est-à-dire cette montée qui s’effectue jusqu’à Roc de les Creus par ce chemin que le cadastre intitule du Ribéral. Puis, après maintes réflexions et connaissant très bien l’autre partie, c'est-à-dire la descente, d’autres envies sont venues à moi comme des évidences. Parmi ces évidences, il y avait cet énorme désir de retourner à Llugols, d’essayer de voir Mr et Mme Naulin, hôteliers hors pairs qui m’avaient accueilli dans leur gîte si merveilleusement lors de Mon Tour du Coronat de 2007. Il y avait cette envie de rencontrer celle que j’ai toujours appelée Nina de Llugols (*) pour lui laisser cette « fameuse » photo qui avait scellée notre amitié, amitié certes essentiellement virtuelle jusqu’à présent mais donc je gardais espoir qu’elle se concrétise enfin par un contact cordial bien réel. Voilà déjà des années que cette photo que j’avais dédicacée à son attention sommeillait sur une étagère de mon bureau à Urbanya et elle n’attendait qu’une chose : que je retourne à Llugols ! Il était peut être temps qu’elle rejoigne sa destinataire ? Voilà quels sont mes objectifs quand en ce 9 juillet, je me lance dans cette longue balade pleine d’espoirs et d’incertitudes. Incertitudes car voilà presque 3 mois que je ne randonne plus à cause de trois pincements aux vertèbres, probables séquelles lointaines mais bien ressuscitées d’une terrible chute sur « les Chemins d’Adrienne » en octobre 2016. Nombreuses séances de kiné et anti-inflammatoires ont finalement tordu le cou à ces misères qui m’empêchaient de marcher et me voilà plutôt en forme. A tous ces desseins, un autre objectif est venu se greffer, celui involontaire mais contraint d’examiner si l’immense raréfaction des oiseaux que je constate à Urbanya se vérifie ici à Conat et dans ses amples alentours où je pars marcher. J’estime à 90% cette diminution des passereaux les plus communs par rapport aux années précédentes, années précédentes au cours desquelles j’avais déjà constaté une réduction évidente des effectifs et des espèces coutumières. Cette année, à titre expérimental, une boule de graisse qui était mangée en moins de 2 jours est encore presque entière au bout de 15. Le matin, nous étions réveillés aux chants des oiseaux mais cette année c’est un silence angoissant qui prédomine quand je prends mon café sur la terrasse. Voilà mon constat. A l’instant même où je démarre, ce bilan semble faux pour Conat, car d’emblée j’aperçois dans le village des rouges-queues noirs, une sittelle torchepot, quelques moineaux et deux hirondelles posées sur une fenêtre. Plus haut dans les ruelles, un merle chante à tue-tête en jouant les équilibristes au sommet d’un poteau mais il s’envole avant que je ne puisse le photographier. Si les chants de ces oiseaux m’enchantent, une fois sur le sentier, je déchante bien vite car les oiseaux disparaissent carrément. Seul un accenteur mouchet, voltigeur à souhait mais peu craintif, me fait courir en direction des ponts à dos d’âne.  A partir d'ici, la seule vraie musique que j’entends est celle d’un étonnant duo formé par la rivière d’Orbanya (Urbanya) et d’innombrables cigales. Ce duo inattendu va m’accompagner un bon bout de temps car la rivière reste longtemps parallèle au sentier qui désormais s’élève peu à peu en balcon. Le sentier du Ribéral, c'est-à-dire de la rivière, porte bien son nom. Après cet égarement volontaire vers les ponts romans, je reviens sur mes pas pour prendre le bon chemin. Il s’élève au dessus de jardins potagers en direction d’un casot ruiné. Les cigales, elles, sont moins nombreuses au fil de l’élévation, mais elles restent néanmoins présentes une grande partie de la journée et ce, jusqu’à ce que le ciel se couvre de gros nuages gris. Par les paysages et les panoramas qu’elle propose, toujours plus aériens, cette montée en balcon est une vraie merveille et de surcroît, elle m’offre une bien inattendue rencontre du 3eme type dans les falaises du bien nommé lieu-dit « Malbaus ». En occitan « Malbaus » signifie les « mauvais rochers escarpés » et là, j’avoue que je crois comprendre pourquoi ! Une photo en rapproché d’une roche plus blanche que les autres me fait tomber sur le cul. Oui, sur une roche escarpée, j’ai bien vu un « gremlins » tel que j’en ai vu dans le film du même nom ou quelque chose de très ressemblant en tous cas ! Vérification faite, c’est bien un « gremlins » que j’ai au bout de mon objectif ! « Gremlins » très laid mais par bonheur exclusivement minéral et donc inoffensif ! Après cette petite frayeur que je finis très vite par relativiser, la montée s’effectue sans problème jusqu’à atteindre la crête sommitale car le sentier est remarquablement débroussaillé. Cette crête continue de m’offrir des panoramas magnifiques sur les deux profondes ravines ; Orbanya d’un côté et El Riberot de l’autre ; sur Conat, sur le Pla de Balençou (ou Vallenso), sur les Massifs du Canigou et du Coronat et droit devant moi sur le Roc de Jornac. Les oiseaux, complètement absents lors de la montée, montrent enfin le bout de leurs becs dès lors que j’aborde le plateau de La Falguerosa. Ils se résument à quelques rares fauvettes et tariers pâtres essentiellement. Par bonheur, cette rareté des oiseaux est largement compensée par une multitude de papillons mais surtout par la présence d’un chevreuil et de deux sangliers que j’aperçois plus tard dans le pré d’Arletes.   Dès lors que les ruines de La Falguerosa sont en vue, l’itinéraire devient vraiment galère, et par moment le sentier disparaît carrément sous la dense végétation, végétation de surcroît très cuisante. Je suis tout heureux d’avoir enregistré un tracé dans mon G.P.S. Mon seul regret avoir un bâton de marche à la place d’un coupe-coupe ou d’une faucille car les ronciers touffus succèdent aux prunelliers qui eux-mêmes font la pige à d’autres buissons aussi agressifs les uns que les autres. Il va en être ainsi jusqu’à Catllorenç (Catllaurens) où là tout redeviendra praticable à l’instant même où je rejoindrais une bonne piste. Dans l’immédiat et dans ce guêpier végétal, mon seul bonheur est d’y trouver une incroyable variété de papillons que je peux photographier à loisirs. Les pluies très soutenues de ces derniers temps ont sans doute contribué à amplifier cette végétation de maquis où les fleurs sont légions. Envahie par les ronciers, la ruine du cortal de la Falguerosa est difficilement accessible. Je n’insiste pas pour la découvrir. D’ailleurs, et malgré un balisage jaune, le sentier est parfois très difficile à trouver dans cette confusion végétale où les graminées et les broussailles se livrent une lutte sans merci pour gagner leur place au soleil. Par chance, quelques cairns élevés par des visiteurs précédents restent encore visibles et quand ce n’est pas le cas mon G.P.S suppléait cette absence. Finalement, j’arrive à deviner puis à trouver ce « Sentier d’Arletes », dont la ruine apparaît bien loin de l’autre côté du ravin d’El Riberot. C’est de cet endroit bien trop éloigné que je distingue le chevreuil et les deux sangliers. Je tente bien de les photographier mais l’éloignement est bien trop important pour obtenir des photos correctes. Je poursuis le sentier qui file en balcon puis le hameau perdu d’Arletes est finalement atteint. Enfin dans l’immédiat, je stoppe au bord d'un ruisseau. Je dépose mon sac à dos sur l’herbe puis face au Canigou je déjeune là sous le regard intrigué de quelques mésanges qui occupent les feuillus. Les mésanges disparaissent et me voilà captivé par une Nature qui n’est pas moins intéressante. Tout en mangeant, mon attention est attirée par un manège dès plus curieux, celui d’innombrables papillons et diptères, c'est-à-dire des mouches, des syrphes et autres espèces d’insectes volants ressemblant plus à des abeilles ou à des guêpes, venant butiner les fleurs d’une menthe sauvage qui pousse les pieds dans l’eau. De cette observation, je note une quantité incroyable d’espèces différentes qui cohabitent sans jamais montrer la moindre agressivité les unes envers les autres. A tour de rôle, elles viennent butiner les mêmes fleurs, laissant la place au nouvel arrivant. Je me dis « quel bel exemple de partages et du vivre ensemble ! ». Ravi de cette Nature si merveilleuse et captivante, je ne peux m’empêcher d’en immortaliser quelques belles photos macros. Je quitte le bord du ruisseau et pars manger mon dessert sous le grand cèdre qui domine les ruines. Là, assis sous cet arbre, je ne peux m’empêcher d’imaginer ce qu’a été la vie de cet hameau oublié où les vérités, les légendes et les histoires au coin du feu viennent se mélanger pour expliquer son déclin puis sa disparition définitive. La trop grande sécheresse pour certains, la peste pour d’autres (*), l’exode rural, voilà toutes les raisons que l’on invoque pour éclairer cet amas de pierres que je visite aujourd’hui. Pourtant, dans ce lieu si isolé et si sauvage de nos jours, il est assez facile de concevoir un habitat bien occupé,  avec tout autour des bois mais également de grands espaces bien défrichés. Deux ou trois bâtisses hautes et bien imposantes, avec autour quelques cabanes en pierres sèches, avec des terrasses où poussent des vergers, des céréales et des vignes. Des enclos rudimentaires où l’on aperçoit des chèvres, quelques moutons et des vaches bien utiles à une existence si autarcique. Un grand potager situait au plus près du ruisseau. Une petite basse-cour où s’égayent quelques poules, des canards et l’indispensable nourrain que l’on sacrifiait pour le « jour du cochon », moment si convivial et si festif qui en engendrait bien d’autres dès lors que les préparations confectionnées étaient mises sur les tables. On peut aisément imaginer des clapiers et une étable au rez-de-chaussée et ce lieu à vivre qui se situait toujours à l’étage car par ce biais, on bénéficiait gratuitement d’un chauffage au sol avant même l’invention de l’électricité. Une grande cheminée et un four à pain venaient compléter ce système de chauffage si archaïque. Oui, je peux très facilement imaginer tout cela ! Un cairn dominant le hameau m’incite à y monter mais or mis les panoramas encore plus beaux vers le Canigou et sur le hameau, je n’y décèle rien de concret. A l’instant même où je m’apprête à redescendre, un autre randonneur, venant de Catllorenç, traverse le hameau sans s’arrêter. Marchant d’un très bon pas, je le vois disparaître dans cette végétation si compacte que je viens moi-même de franchir. C’est un peu idiot, mais dans un coin aussi reculé, je me satisfais toujours de voir que je ne suis pas seul, même si la marche solitaire ne me pèse pas. Après quelques photos souvenirs, l’instant est venu de me remettre en route. Toujours aussi galère, le summum des difficultés arrive juste avant Catllorenç, avec à la place du sentier, un étroit corridor encadré de très hauts genêts. Malgré mes difficultés à avancer, je me dis que l’homme que je viens d’apercevoir est nécessairement passé par là. Je mets mon sac à dos et mon bâton devant ma poitrine et fonce tête baissée dans ce « tas » végétal, essayant de passer ma tête et mes épaules avant tout le reste dans la petite ouverture qui s’offre à moi. J’en ressors 50 mètres plus loin sous une haie de cerisiers mais avec la vision libératrice d’une barrière qui s’ouvre sur une large et bonne piste. Sur ma droite, et toujours enfouie dans la cerisaie, j’y découvre un mas en partie bien restauré mais fermé, avec sur sa porte et ses fenêtres, des mentions « pièges à feu » qui n’incitent pas à la curiosité. La mienne se résumant à tenter de photographier quelques oiseaux attirés par les cerises, je n’y campe pas. La piste, désormais boisée de quelques pins à crochets, m’amène assez facilement jusqu’au Roc de les Creus où je retrouve avec plaisir cette roche si exceptionnellement gravée en forme d’éventail ou de cadran solaire. Ici se termine la déclivité et voilà désormais la partie que je connais si bien, et pour cause, car cette piste était le fil conducteur d’une étape lors de la 5eme étape de Mon Tour du Coronat. Depuis le refuge de Caillau, elle m’avait amené à Llugols et au gîte de Mr et Mme Naulin. C’était en 2007. Si je suis revenu ici à de multiples reprises, c'est-à-dire sur ces chemins, ce retour à Llugols est plutôt inédit car voilà déjà 8 ans que je n’y suis plus retourné. C’était lors d’une balade que j’avais intitulé « les Chapelles du Pla de Balençou ». C’est dire si je connais bien cette piste qui descend vers Llugols et les raccourcis qui permettent d’en éviter les quelques sinuosités. Or mis quelques papillons nouveaux, rien ne m’arrête dans cette descente peu fréquentée par les oiseaux. Pourtant dieu sait si j’y ai toujours découvert une avifaune très exubérante, avec parfois même de grands rassemblements, mais aujourd’hui c’est un vide presque sidéral qui semble prédominer. Ignorant les pistes DFCI, j’emprunte des raccourcis longeant le plus souvent des clôtures. Ces clôtures m’entraînent non loin du Roc de l’Home Mort puis de la Font de l’Aram. Ici, dans ce secteur, je retrouve le début d’une nouvelle piste près de cette étonnante cabane que j’avais déjà découverte lors de ma balade aux « Pierres gravées et dressées de Conat ». Elle ressemble à un blockhaus rudimentaire, espèce de tertre aménagé de planches, de tôles et d’argile amalgamée. Cabane de berger ?  Poste de chasse ? Abri anti-atomique édifié par un fou ? Je ne sais pas ! Aujourd’hui il n’y a personne et seulement un beau lézard vert qui profite des derniers rayons du soleil. Le temps se gâte, de gros nuages gris arrivent de toutes parts. Canigou, Coronat et Madres sont déjà bien ennuagés. Si la météo était magnifique ce matin, désormais le plafond est déjà bien bas et bien gris, et une humidité ambiante se fait sentir. La piste encadrée de hauts résineux et descendant vers le Pla de Vallenso arrive à point nommé. Alors que j’accélère le pas, ayant dans ma tête déjà fait une croix sur d’éventuels oiseaux, quelle n’est pas ma surprise d’y observer un petit rassemblement de pipits. Ils s’envolent dans les résineux mais parmi eux, il y en a un qui se laisse gentiment photographier. Les pipits, quelques merles, un rouge-queue noir, une buse dans un ciel devenu bien gris et de nombreux papillons, la descente vers Llugols me réconcilie quelque peu avec cette Nature pour laquelle j’aime marcher. Llugols est là et si deux itinéraires se présentent, je n’ai aucune hésitation à prendre très machinalement celui qui descend direct au gîte Naulin. Une table et des chaises de bistrot de couleur rouge face au Pic du Canigou, pas de doute me voilà arrivé. Comme en 2007, je m’assieds pour une photo souvenir identique à celle de 2007 puis je tape à la porte. Aussitôt Mr. Naulin m’ouvre. « Vous me reconnaissez ? » lui dis-je. « Bien sûr ! » me répond-il  puis il rajoute aussitôt « je ne me souviens pas de votre nom mais sauf erreur de ma part, il s’agissait d’un prénom ? » puis d’un air interrogateur, il rajoute encore « vous avez deux prénoms, c’est bien ça ? ». « Gilbert Jullien ! » lui dis-je et sous forme d’exclamation, je rajoute « Quelle belle mémoire, vous avez Mr. Naulin ! ». Il me propose une bière en m’indiquant gentiment que c’est offert par la maison car il rajoute ne plus faire gîte depuis quelques années, me précisant qu’il ne reçoit plus que des amis de passage ; cavaliers en transhumance la plupart du temps ou bien des randonneurs égarés. « Je ne suis pas égaré ! ». « Je suis venu exprès pour vous voir ! ».  « En souvenir des instants merveilleux que j’ai passé ici ! » lui dis-je. Sans aucun chichi, on s’installe dans le salon comme deux amis qui se retrouvent bien des années plus tard. L’intérieur n’a pas changé et c’est toujours cet adorable capharnaüm que j’avais tant aimé voilà 11 ans. J’y avais décelé le goût des voyages, des périples, des aspirations d’ailleurs très lointains mais parfois très proches aussi, des choses simples avec un penchant certain pour les couleurs chatoyantes et plus globalement pour tout ce qui peut être considéré comme de l’Art. Oui, j’avais beaucoup aimé et j’aime encore ! Nous restons plus d’une heure à discuter d’innombrables sujets : du passé et de Mon Tour du Coronat si mémorable, de son épouse que je ne vois pas et qui bosse pour mon infortune, de son chien Bonnie si facétieux qui m’avait accompagné jusqu’à la montagne de Belloc mais dont j’apprends avec une grande tristesse qu’il est mort depuis,  de ma rando d’aujourd’hui et de ma motivation à revenir ici où j’avais passé de si belles heures en leur compagnie, de ma petite maison secondaire à Urbanya depuis 2010, de nos potagers respectifs, des pluies actuelles si soutenues et du beau temps, beaucoup moins beau cette année,  de la raréfaction des oiseaux qu’il trouve effroyable lui aussi, rajoutant qu’il ne voit plus de petits passereaux et seulement des oiseaux de taille supérieure comme des merles, geais et autres pigeons ramiers. Lui non plus ne comprend pas cette disparition très inquiétante car si soudaine. Notre conservation se termine par la photo de Nina que j’ai amenée et que je lui montre en lui racontant son histoire. Nina ? Il me dit la voir quelquefois mais il a la certitude qu’elle n’est pas là en ce moment. Il accepte que je lui donne la photo et m’assure qu’il la lui remettra à la première occasion. J’en suis ravi car j’ai toute confiance en lui. A l’instant même où je m’apprête à partir, Dany m’appelle en m’indiquant qu’il tombe des trombes d’eau à Urbanya. Je la rassure en lui disant que je suis à Llugols et qu’ici il ne pleut pas. Enfin pour l’instant ! Je salue Mr. Naulin, le remercie pour son accueil si bienveillant et si gentil, sa bière et cet échange amical si spontané. Je quitte le hameau, direction Conat. La direction de Conat étant la même que celle de la chapelle Saint-Christophe, comment ne pas m’y rendre alors que j’y ai tant de bons souvenirs ? Chapelle, rocher qui la domine avec sa croix néolithique,  la pluie se met à tomber à l’instant même où j’effectue un retour vers ce passé si merveilleux. N’est-ce pas ainsi que j’avais intitulé Mon Tour du Coronat en 6 jours, « Des merveilles au Pays d’Alysse » ? Par bonheur, un petit casot est là à point nommé pour m’accueillir et m’abriter. Je m’y réfugie quelques minutes car la pluie cesse presque aussitôt. Un petit tour par la Font del Castanyer et je pars finir mon casse-croûte sur le parvis de la chapelle. La pluie tombe de nouveau et je m'abrite sous le porche. Elle s'arrête. Sous un ciel de plus en plus menaçant, je file au pas de course sur ce sentier de Conat tout en descente. Nouvelle pluie et nouvelle planque dans un orri très opportun. Alors que je suis entrain de me dire que je n’arriverais jamais à Conat, la pluie cesse au bout de 10 minutes. Je repars toujours au pas de course, pas de course pas vraiment effréné car les difficultés du terrain ne le permettent pas, mais je ne flâne plus. Seule la végétation bien embroussaillée au fond du Correc de Sainte Marguerite me freine quelque peu. La pluie ne revient plus et Conat est là bien plus vite que jamais auparavant. Je retrouve la rivière et l’enjambe sur un petit pont. Ici ce n’est plus la rivière d’Orbanya mais celle de Callau car la confluence des deux rivières est toute proche à l’intérieur du village. Mais qu’importe le nom car quel bonheur d’y trouver un couple de bergeronnettes qui en occupent son lit. A Urbanya, je n'en ai pas vu au bord de la rivière depuis l'an dernier ! Ma balade se termine avec cette jolie vision. J’ai réalisé la plupart de mes objectifs : les hameaux d’Arletes, de la Falguerosa et de Catllorenç (Catllaurens) que je ne connaissais pas, mes souvenirs du Tour du Coronat, Llugols, Monsieur Naulin, la photo de Nina dont je sais qu’elle arrivera un jour à sa destinataire (**). Si je suis très satisfait de mes quelques photos d’oiseaux, les quantités et les variétés habituellement observées manquent à l’appel. Je me suis rattrapé avec une variété incroyable de papillons et encore, j’en ai loupé pas mal. Une fois encore, je n’ai pas eu la chance de revoir Nina, j’ai perdu avec tristesse ce chien si attachant qui s’appelait Bonnie mais alors chose très surprenante, j’ai revu ce jeune chat gris qui en 2007 venait systématiquement se frotter dans ma jambes dès lors que je me reposais sur la terrasse du gîte Naulin. Il a onze de plus et a pris un petit coup de vieux, tout comme moi d’ailleurs, mais cette fois il n’a pas accepté mes caresses. Oui, j’ai beaucoup aimé ce « Sentier d’Arletes » même si un bon débroussaillage mériterait d’être accompli sur la partie la plus élevée du parcours. Cette randonnée telle qu’expliquée ici a été longue de 13,3 km. Selon mon G.P.S, les montées cumulées ont été de 1.278 m. Le dénivelé entre le point le plus bas (513 m rivière Orbanya à Conat) et le plus haut (1.096 m  au Roc de les Creus) est de 583 m. Carte I.G.N 2348 ET Prades - Saint-Paul de FenouilletTop 25.

(*) Le hameau d’Arletes (en français Arlettes) : Que sait-on exactement du hameau d’Arletes ? Concernant sa toponymie, on peut supposer qu’elle est identique à celle d’Arles, c'est-à-dire qu’elle aurait pour origine le mot gaulois « Arelate » dont le radical  « are » signifie « près de » et du terme « late » ; du mot celtique « latis » ; désignant un lieu humide (marais, marécage, fleuve, ruisseau). En tous cas, le lieu avec son petit ruisseau correspond bien à cette description et la terminaison « ete » ou « ette » à cet aspect « petit » si évident. Concernant son Histoire, assez peu de choses sont arrivées jusqu’à nous. Toutefois, la version catalane de Wikipédia nous informe que la première mention documentée d’Arletes date de 1312. Ce document nous apprend qu’à cette époque, le hameau dépendait de la commune de Bettlans (Vallans), elle-même sous la dépendance du royaume de Majorque gouverné par Sanche 1er dit le Pacifique, comte du Roussillon et de Cerdagne. Pour le compte du roi, un certain chevalier Guillaume d’En est chargé de récupérer les dîmes, les cens d’Arletes et des autres fermes d’Urbanya. La dîme étant un impôt sur les récoltes et le cens un droit seigneurial foncier, on peut imaginer à juste titre qu’Arletes était déjà habité par des paysans qui vivaient là du fruit de leurs travaux agricoles et de l’élevage de leurs troupeaux. Au 14eme siècle, le hameau appartient à la juridiction royale apprend-on également. Sachant que la guerre fait rage entre le royaume de Majorque et celui d’Aragon, on est en droit de se demander laquelle ? Il faut donc s’intéresser plus largement à l’Histoire de Conat (La Baronnie De La Vall De Conat (Les Seigneurs) d'Eugene Schmidt -Revue Le Conflent), à celle du Conflent et des deux royaumes pour trouver quelques réponses à cette question. On note qu’en 1424, il y a 4 feux à Arletes, c'est-à-dire quatre familles et peut-être entre une quinzaine et une trentaine d’habitants. Un feu représentait une moyenne de 4 à 5 personnes. A cette époque, le hameau est subordonné à la baronnie de Conat. Ensuite, dans l’Histoire du prieuré de Marcevol, on apprend par des chartes de 1265 et 1267 qu’Arletes, au même titre que 21 paroisses du Conflent, est la propriété des chanoines du prieuré de Marcevol. Dans un cartulaire des fiefs des rois Jacques 1er et Jacques II de Majorque (1263-1294), on peut lire qu’un certain Bertran Gil commissaire des fiefs confirme la possession féodale de 4 feux (comprendre foyers au sens de logements, ici des fermes) par un certain Pere Lauret. On peut donc supposer que ce Pere Lauret est un chanoine appartenant à la congrégation de Marcevol. Le hameau disparaît des « radars » historiques pour réapparaître dans le cadastre napoléonien en 1811. Ensuite, c’est le flou le plus complet car les légendes et les histoires semblent vouloir prendre le pas sur la réalité historique absente. On peut toutefois imaginer assez aisément que les pandémies de peste qui se sont succédé en Europe, mais plus particulièrement dans la Catalogne et le Roussillon (1347, 1381, 1397, 1410, 1429, 1631, 1649, 1720 et notamment celle qui a décimé tous les habitants de Llugols en 1652 ont eu une influence sur la vie du hameau d’Arletes. Ajoutons à cela les guerres, les terribles périodes de sécheresse qui n’ont pas manqué, les difficultés dans les moyens de communication et de transports, tous les autres fléaux et calamités qui ont sévi au fil des siècles et enfin l’inévitable exode rural du 19eme siècle pour comprendre pourquoi Arletes a finalement disparu et est devenu un hameau oublié de tous. Il suffit d’aller là-bas, dans ce décor sauvage de profondes ravines, pour comprendre que la vie n’a jamais été facile, même au temps où la vie autarcique et le travail des champs étaient « choses courantes ». Dans ce secteur du Pla de Vallenso, on trouve néanmoins une grande quantité de chapelles très isolées, ce qui prouve bien qu’une vie communautaire fédérée par la religion catholique a longtemps existé. Notons enfin, qu’en 1911, l’écrivain Juli Cornovol a évoqué le hameau d’Arletes dans un conte légendaire intitulé « El refilayre de Carençà  », récit dans lequel il attribue la disparition du hameau à l’épidémie de peste noire du 14eme siècle.  Légende ou réalité historique ? Ce chapitre de Wikipédia se termine en expliquant que ce lieu devenu maléfique est peuplé uniquement de bêtes sauvages et ce, jusqu’au jour où une ferme y a été construite. Alors, je le confirme, oui, j’ai bien vu des animaux et une ferme en ruines à Arletes. Les animaux, je ne sais pas s’ils étaient sauvages car ils broutaient paisiblement mais c’est un fait, Arletes est désormais la propriété d’une faune que des hommes s’évertuent à vouloir chasser car j’y ai vu aussi et malheureusement un poste de chasse. Et si un jour et après des siècles d'occupations humaines, la Nature reprenait pleinement ses droits à Arletes ?

(**) Nina de Llugols ou l’histoire d’une photo : Lors de l’été 2007, j’effectue en 6 jours le Tour du Coronat. Le Coronat est un massif montagneux des Pyrénées-Orientales situé dans le Conflent, dont le point culminant s’élève à 2.172 mètres d’altitude. Le 17 août, et alors que je viens de terminer la 5eme étape entre le refuge de Callau et Llugols, je photographie 3 enfants dans ce dernier hameau. Juchés sur de petites motos, ils descendent à tout berzingue, et dans de grands éclats de rires, la piste terreuse menant au village. Ces 3 enfants, une fille et deux garçons, je ne les connais pas mais ils me rappellent étrangement mon enfance et un temps désormais si lointain où avec mon « pauvre » frère ; « pauvre » car trop tôt disparu ; et des amis nous descendions sur des planches montées sur des roulements à billes les rues de notre quartier à Marseille. A cet instant, je suis très nostalgique. Nostalgique d’un temps révolu et qui est passé bien trop vite, nostalgique de mon frère et nostalgique car dès le lendemain mon Tour du Coronat se termine. A Llugols, je loge dans le gîte de Monsieur et Madame Naulin. Mon tour du Coronat terminé, quelques semaines plus tard, cette photo, je l’insère dans le récit de ce périple sur mon site Internet. Le temps passe. En 2013, soit 6 ans plus tard, je reçois le message suivant :

« Bonjour Jullien, j’ai trouvée votre adresse sur votre site de vos histoires de randonnée. J'habite en ce moment en Russie. Et par un moment de nostalgie je vais sur Google, et tape "Llugols", regarde des photos et au bout d'un moment tombe sur votre site. Je lis l'histoire de votre randonnée du 17 août 2007, regarde les photos.... et BAM je tombe sur une photo de moi et de mes frères, ou nous sommes sur des petites motos. Je n’ai pas pu agrandir la photo, si jamais vous avez des photos de ce jour-là, peut-être pourriez vous me les envoyer ? En espérant une réponse, Nina Neveroff. »

Ma première réflexion est de me dire que ce message très surprenant car si inattendu est incroyable aussi car bourré de grands écarts. Ecart dans les années et écart dans la distance séparant LLugols de la Russie ! Je suis bien sûr agréablement étonné de ce message provenant de Russie et bien évidemment je réponds à Nina immédiatement. Je n’ai pas d’autres photos mais je lui fais parvenir en pièce jointe la photo en question la plus grande possible. Nous échangeons par courriels, nous devenons amis sur Facebook et nous nous faisons la promesse d’essayer de nous rencontrer pour concrétiser cette amitié naissante et échanger à propos de cette photo, dont je sens bien qu’elle est autant chargée de nostalgie et d’émotions pour elle que pour moi. Une fois encore, le temps passe mais je ne désespère pas d’une éventuelle rencontre. Depuis pas mal de temps déjà, de cette photo numérique, j’en ai tiré une photo papier. Je l’ai dédicacée, j’ai rajouté un message sympa à l’attention de Nina et l’ai mise dans un cadre. Le cadre dort sur une étagère de ma maison d’Urbanya. Cette photo, je la regarde souvent, trop souvent à mon goût car elle me rappelle ce périple si merveilleux et je me dis qu’il serait bien qu’elle rejoigne un jour sa vraie destinataire. Ce jour-là arrive avec ce « Sentier d’Arletes » à partir de Conat. « Pourquoi ne pas pousser jusqu’à Llugols » me dis-je à l’instant où je planifie cette randonnée. Je me dis aussi que Llugols c’est tout petit et qu’une fois là-bas, j’improviserais une éventuelle rencontre, soit avec Nina, si elle est là, soit avec les Naulin, mes sympathiques hôteliers de 2007. 11 ans se sont écoulés, vais-je les retrouver les uns ou les autres ? Le 9 juillet, la randonnée s’effectue comme prévue. J’arrive à Llugols et au gîte Naulin vers 16h. Monsieur Naulin m’ouvre son gîte, me reconnaît et m’invite à boire une bière. Nous discutons de tout et bien sûr de Mon tour du Coronat de 2007. Bien évidemment, je lui parle de Nina et lui raconte l’histoire incroyable de cette photo. Il me dit que Nina est venue à Llugols très récemment mais qu’elle n’est pas là en ce moment. Je lui remets le cadre contenant la photo et il me promet de le lui remettre à la première occasion. Le 30 juillet 2018, Nina m’envoie un message sur Facebook me remerciant pour la photo et cette attention à son égard. Je sens un peu de retenue dans son message. Normal, Nina a grandi et s’est mariée. Ce n’est plus l’enfant que j’avais pris en photo avec ses frères en 2007…….Je crois que c’est surtout moi qui suis resté enfant !

 

 

 

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Les Pierres gravées et dressées de Conat

Publié le par gibirando


Ce diaporama est agrémenté de 3 chansons du chanteur et guitariste britannique David Gilmour (ex-Pink Floyd). Extraites de son album "On an Island", elles ont pour titre : "Castellorizon""On An Island" et "Smile".
ROCHE-GRAVEE-DE-CONAT
ROCHESGRAVEESCONATIGN
Pour agrandir les photos, cliquez dessus. 2 fois pour un plein écran.

Ce joli circuit au départ et au Nord de Conat, je l’ai volontairement intitulé « les pierres gravées et dressées de Conat » car mon objectif principal était justement de partir à la découverte de ces sites que l’on appelle « dolméniques » ou « néolithiques » et que l’archéologue attribue à une civilisation dite « mégalithique ». Dans les manuels scolaires, cette époque, on l’appelle souvent et plus globalement « préhistoire ». En réalité la « préhistoire »  est une très longue période qui va de l’apparition de l’Homme aux premières écritures mais ici on se contentera de partir à la rencontre d’un intervalle bien plus court, estimé entre -15.000 ans et -2.000 ans avant Jésus-Christ. Si pour moi, cette balade était une sorte de chasse aux trésors exceptionnelle couplée à une épreuve de « géocaching » avec GPS, que les randonneurs non passionnés de vieilles pierres ne s’inquiètent pas trop car il n’y a pas que ça à découvrir sur cet itinéraire. En effet, les panoramas eux aussi y sont assez exceptionnels : Massif du Canigou, Vallée  de la Têt de Ria-Sirach et Prades jusqu’au lac du barrage de Vinça et bien plus loin encore, Massif du Coronat jusqu’aux contreforts du Madres mais jolies vues aussi sur la basse et moyenne Vallée de la Castellane et ses belles collines environnantes, paysages arides et tourmentés des serrats et des profonds ravins tout proches. Enfin avec cette randonnée, vous irez à la découverte de la chapelle Sainte-Marguerite de Nabilles et de nombreux vestiges de l’agropastoralisme d’antan. Bien sûr, avec cette randonnée, je n’ai pas la prétention de vous faire découvrir la totalité des roches gravées et dressées de cette crête que l’on appelle plus généralement le Pla de Vall d’en So. Non, pour cela, il faudrait sans doute bien plus qu’une seule journée de marche tant les sites y sont nombreux, variés et disséminés. Certaines de ces roches sont connues sous les noms des hameaux ou lieux-dits où elles se trouvent : Fornols, Llugols, Roc de les Creus, Montsec, Roc de Jornac, Miralles, etc...Toutes sont situées entre les vallées de la Castellane et celles d’Urbanya et Conat, cette zone montagneuse du Haut-Conflent doit son nom à la famille de So auquel ce territoire a appartenu. Au Moyen-Âge, les « So » étaient vicomtes d’Evol mais également seigneurs de bien d’autres fiefs roussillonnais comme Corsavy, Millas ou la Bastide. Selon l’historienne Anny de Pous, les So détenaient également un château à Conat du nom de « Salto », introuvable aujourd’hui.  Quelques années plus tard, Joan de So reçoit du roi de Majorque Jacques II la juridiction militaire sur tous les châteaux du Haut-Conflent, cette présence des « So » sur ce territoire expliquerait sans doute l’intitulé de ce « pla » de Vall d’en So.  Sur les cartes, on le trouve parfois écrit « Vallenso » ou « Balençou » et pour la petite histoire, ce nom occitan de « So » a pour origine un fortin construit en Ariège au 7eme siècle par les Francs. Ce fort, qui fut un des premiers à appartenir à la famille, on lui donna le nom de « Castell de So » ou « Fort de Son », du nom de la petite rivière qui coulait aux pieds de ses murailles. Aujourd’hui, ce castel est plus connu sous le nom de « Château d’Usson » et la petite rivière ne s’appelle plus « Son » mais la « Bruyante », comme quoi les gens du cru « sans faire trop de bruit » ont tout de même de la suite « musicale » dans les idées. Voilà pour l’Histoire du lieu où l’essentiel de la balade se situe. Le départ de Conat est le même que celui que j’avais décrit  dans la randonnée que j’avais intitulée « les Chapelles du Pla de Balençou ». C'est-à-dire que l’on laisse son véhicule sur le parking de la mairie et l’on emprunte la rue du Moulin qui se trouve à droite de la D.26 quand on arrive de Ria. Un panneau de bois indique « Llugols » et l’itinéraire file puis traverse la rivière de Caillau par un petit pont métallique. Un sentier pierreux se met à grimper dans la Soulane. Ici, les pierres de schiste on les foule aux pieds mais on les observe aussi car nos aïeux les ont taillées pour en faire des murets, des abris de bergers ou pour étayer le sentier sur des hauteurs parfois impressionnantes. L’étroite sente est unique et de ce fait, on ne prête pas vraiment attention à la couleur du balisage. A vrai dire, il est assez multicolore car divers « baliseurs » sont passés par là et chacun a voulu laisser le sien. Les baliseurs officiels de comités pédestres, les clubs de rando, divers groupes de randonneurs, des vététistes ou bien encore des associations de chasseurs, tous sont venus avec leur pot ou leur bombe de peintures et on trouve des traits jaunes,  d’autres bleus, des oranges, des jaunes et rouges datant du temps où le Tour du Coronat avait été imaginé, des points verts, des flèches jaunes fluo alors le mieux c’est d’avoir un tracé préenregistré dans un GPS car ce sentier qui va vers Llugols, il faut le délaisser au profit de celui qui file vers la chapelle Sainte-Marguerite de Nabilles. Il fut un temps, où à cette intersection, la chapelle était mentionnée sur une lauze mais cette fois-ci, je ne l’ai pas vu et j’ai suivi des flèches jaunes fluo. Là, les vues deviennent grandioses sur le Canigou et la Vallée de la Têt mais sur la forêt du Coronat aussi, toute proche et ressemblant à une épaisse toison olivâtre. Lézards gris ou verts, papillons multicolores, insectes en tous genres, passereaux, rapaces c’est une nature incroyablement luxuriante qui m’accompagne sur ce sentier. J’ai même surpris une compagnie de perdrix grises puis un étrange serpent dont la dextérité était si monstrueuse qu’il m’a filé entre les pieds sans que je puisse le discerner le moins du monde. Plus loin et plus tard dans la journée, flemmardant au milieu du chemin et en plein soleil, je vais avoir  l’occasion de tirer un autre serpent de ses rêves légers. Enfin, à l’approche de la chapelle ruinée, c’est avec beaucoup d’étonnement que je constate une vingtaine de guêpiers d’Europe planant au dessus de ma tête. Malheureusement, ce superbe spectacle aérien ne va durer que quelques minutes et un seul volatile se posera mais bien trop loin pour que ma photo soit excellente. Ici, autour de la chapelle et aux siècles précédents, le pastoralisme a connu ses heures de gloire et pour peu que l’on s’en donne la peine, on découvre divers orris effondrés et cortals ruinés. Mais comme ce n’est pas seulement pour ces pierres-là que je suis venu aujourd’hui, je me contente de quelques photos et je poursuis la piste qui passe à gauche de la chapelle et monte en direction du Camp de la Coume ou Camp de la Coma en catalan. Là, juste avant d’atteindre le clôture, sur la gauche de la piste et près d’un corral se trouve la grande pierre gravée que je suis venu chercher. Ces pierres, les archéologues les appellent des affleurements, affleurements de schistes primaires pour être plus précis et cette pierre-là, ils lui ont même donné assez improprement le nom de « Roc de les Creux I ». Si je dis « improprement » c’est parce que le seul et véritable « Roc de les Creus » figurant sur la carte IGN se trouve un peu plus haut et que là aussi une incroyable pierre gravée y a été découverte et fera l’objet d’une autre balade au départ d’Urbanya que je vous dévoilerai prochainement. En ce qui concerne celle du Camp de la Coume, elle est gravée de nombreuse cupules, de quelques rigoles et d’une multitude de croix dont les détails ne peuvent être observés et examinés que par l’œil averti d’un archéologue comme Jean Abelanet par exemple dont le livre « Signes sans paroles » fait la part belle à toutes ces gravures rupestres que l’on trouve dans notre beau département. Ces signes rupestres, ces symboles et parfois même ces représentations dites anthropomorphiques, les archéologues les ont globalement désignés comme étant de « l’art dolménique ». Ce terme de « dolménique » signifie que ces gravures sont sensiblement de la même époque que les dolmens et étroitement liées à ces monuments mégalithiques constitués de piliers et de dalles de pierres dont la fonction comme sépulture ou monument funéraire ne fait plus aucun doute. Alors bien sûr, après la découverte de cette magnifique pierre, il ne me restait plus qu’à tenter de vérifier cette assertion. : trouver des dolmens dans les proches alentours. Après quelques recherches sur le Net, j’avais appris que deux dolmens effondrés se trouvaient dans le secteur. Un au lieu-dit le « Roc de l’Homme Mort » et l’autre à la « Font de l’Aram » dont la traduction française pourrait être la « Source du Vallon » ou la « Source du Rameau ».  J’ai donc poursuivi la piste derrière le corral et j’ai abouti près d’un vilain abri pastoral fait de terre, de planches, de poutres et flanqué d’une bâche. Là, j’ai continué sur un étroit sentier en direction du Roc de l’Homme Mort. Le sentier est descendu dans le petit Ravin de Nabilles puis est remonté vers le roc qui était clairement à droite du sentier car je l’apercevais déjà adossé à la forêt de pins. Mon GPS n’étant pas suffisamment précis dès lors que j’étais en mouvement, j’ai un peu galéré pour trouver le dolmen effondré mais finalement j’y suis parvenu, un peu à droite du roc et de l’autre côté de la clôture qui délimite la frontière des deux communes que sont Conat et Ria. Après quelques photos, il ne me restait plus qu’à partir à la recherche de celui de la Font de l’Aram qui, selon les coordonnées que je possédais, était de l’autre côté de la forêt qui me faisait face. J’ai donc repris le sentier initial que j’avais quitté et j’ai poursuivi en direction  du lieu-dit Les Serrianes. Après une première clôture, j’ai traversé sans problème la pinède et j’ai atteint une nouvelle clôture qui entourait une immense prairie herbeuse en jachère. J’ai enjambé la clôture puis j’ai traversé et descendu la longue prairie vers l’est jusqu’à atteindre une piste. J’étais à la Font de l’Aram et il ne me restait plus qu’à trouver l’autre dolmen effondré. En réalité, et pour avoir interrogé le site Wikipédia au préalable, c’était trois dolmens que je devais trouver dont un était ruiné, l’autre détruit quant au troisième, l’article n’en disait rien. Etait-il encore debout ? A vrai dire, j’ai éprouvé un mal de chien a en trouvé un, bien ruiné il faut l’avouer car j’y suis passé deux fois à côté sans vraiment voir qu’il s’agissait d’un vieux dolmen. Ce n’est que lors de mon troisième passage et encore grâce à mon « waypoint » GPS que j’ai vu deux « orthostates », c'est-à-dire deux pierres dressées de chant qui étaient là, plantées dans la terre mais amplement envahies par les herbes et les genêts. Pour le reste, ce n’était qu’un amas difforme de pierres sans réelle logique et sans vraiment d’intérêt car je n’ai pas constaté de gravures et encore moins de cupules contrairement à celui du Roc de l’Homme Mort. Le tumulus avait sans doute lui aussi était chamboulé. Une question me turlupinait, c’était de savoir qui avait pu détruire ces dolmens et là, mes recherches sur le Net m’ont laissées un peu sur ma faim car les avis des archéologues et des historiens semblaient partagés et divergents. Certains comme l’archéologue Jean Abelanet affirme qu’ils auraient été « violés » par des bergers (Lieux et légendes du Roussillon et de Pyrénées Catalanes –Editions Trabucaire),  d’autres disaient que ces destructions étaient l’œuvre de fouilleurs peu scrupuleux, d’autres les attribuaient à des paysans malveillants, d’autres prétendaient que c’était l’Eglise Chrétienne qui avait ordonné ces pillages ne voyant dans ses caveaux d’un autre âge que la représentation d’un culte païen. Il ne me restait plus qu’à rebrousser chemin vers Conat car tous le objectifs que je m’étais fixés avaient été découverts. Au préalable, j’ai néanmoins poursuivi sur quelques mètres la piste vers le nord, histoire d’avoir un court regard sur la Vallée de la Castellane et là, avec pas mal d’émotion et de souvenirs, j’ai atteint la piste que j’avais prise en 2007 lors de l’avant dernière étape de mon Tour du Coronat qui m’avait amené du Refuge de Callau à Llugols. Lors du retour vers Conat, j’ai trouvé près de la clôture entre le Camp de la Coume et  la Font de l’Aram, une autre roche gravée de diverses cupules et d’une croix dont le centre était également creusé d’une cupule. Etait-ce le deuxième dolmen ruiné qui manquait à l’appel ? Possible au regard de la pierre que j’ai vu ! J’ai repris la piste, direction la chapelle Sainte-Marguerite de Nabilles et peu après, au lieu de reprendre la sente par laquelle j’étais arrivé, j’ai tourné à droite en direction d’un cortal ruiné. Là, sur diverses ardoises de schiste, la mention « Conat » m’indiquait clairement le chemin du retour. J’étais ravi car je ne connaissais pas ce parcours tout en descente coupant d’abord divers petits correcs puis rejoignant un vieux sentier muletier menant à « la Carrerada ». Il finit par atteindre deux jolis petits ponts en dos d’âne coupant respectivement le Correc de Nabilles puis la rivière d’Urbanya. Conat a vite été là et j’ai retrouvé ma voiture mais si vous ne connaissez pas la commune, une visite s’impose, d’abord sur les hauteurs pour découvrir la chapelle Sainte-Magdeleine et le château ruiné ayant appartenu aux différents seigneurs puis ensuite dans les venelles du bas et sur les rives  fleuries de la confluence des deux rivières venant de Nohèdes et d’Urbanya et formant la rivière Callau, affluent du Têt. Certains historiens comme Jean Tosti voit dans cette confluence l’origine du nom Conat car la première mention du village était « Conad » et ils imaginent quelle pourrait provenir du mot celtique « condate » signifiant « confluent ». Cette balade telle qu’expliquée ici a été longue de 10 à 11 kilomètres environ incluant tous mes errements. Le dénivelé accompli a été de 457 mètres et les montées cumulées ont été enregistrées sur une distance de 810 mètres. Carte IGN 2348 ET Prades –Saint-Paul-de-Fenouillet Top 25.

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