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En ce 19 septembre, et toujours en villégiature à Urbanya, nous avons prévu d’aller randonner au-dessus des Angles, du côté du petit étang de Vallserra (que l’on écrit aussi Balcère), quand la radio nous annonce de la pluie sur le Capcir pour une bonne partie de la journée. Etonnant quand même , alors qu’ici nous n’avons qu’un ciel incroyablement bleu. Que faire alors que nous nous apprêtons à démarrer ? Sur mon smartphone, cette mauvaise météo capciroise m’est confirmée avec un risque prévisionnel d’averses à 75%. Sur cette même application, aucune pluie n’est annoncée sur le Haut-Conflent. Rien d’étonnant à cela quand on sait qu’il arrive assez souvent que les pluies restent bloquées sur les Garrotxes et le Massif du Madrès. Alors oui que faire ? Changer mon fusil d’épaule ? Oui je ne vois que ça ! C’est ainsi que cette balade à Vallserra se transforme à une jolie boucle vers « la Chapelle Sainte-Marguerite de Nabilles (*) depuis Conat ». Un petit détour par Prades afin de récupérer notre pique-nique qui prend les traits de 2 gros pans-bagnats ( ce sont les seuls sandwichs qui nous tentent !) et à 9h15 nous voilà fin prêts sur la parking de la mairie de Conat pour cette balade. Le ciel est toujours merveilleusement bleu et il ne variera pratiquement pas de la journée. Je connais bien le tracé et je sais déjà que le GPS que j’emporte quand même ne devrait m’être d’aucune utilité voire si peu. Si Dany connaît déjà la chapelle, que nous avions découvert lors d’une autre balade intitulée « les Chapelles du Pla de Balençou », elle ne la connaît pas selon cette boucle qui j’espère devrait pleinement la satisfaire. Nous traversons le vieux mais pittoresque village et nous dirigeons vers la rue des Ponts Romans. C’est cette rue qu’il faut emprunter pour ressortir du village et trouver l’étroit sentier qui doit nous amener vers la chapelle située sur le plateau dominant la vallée. Dans l’immédiat, mon appareil-photo et moi sommes absorbés par de nombreux passereaux mais plus globalement par une Nature bien présente qui d’emblée freine ma marche. Quelques poèmes bien sympas rajoutent à cette flânerie imprévue. Par bonheur, les passereaux se laissent gentiment immortaliser et les poèmes sont courts. Tout cela suffit à notre bonheur. Nous reprenons notre marche. La jolie arche en pierres du premier pont « roman » est là ainsi qu’un ludique pupitre nous expliquant que ces deux ponts n’ont de « romans » que le nom. Les deux enjambent la rivière Urbanya mais le second se trouve un peu plus haut à la confluence d’un autre ruisseau descendant du hameau perdu et oublié d’Arletes : Le Riberot. Paradoxalement, c’est ce ruisseau que nous allons suivre en le dominant. Sur le pupitre et en lisant toutes ces histoires passées, l’importance de l’eau et l’intérêt qu’il y avait à la capter et à la canaliser du mieux possible, je ne m’empêchais de me souvenir de cette balade faite en juillet 2018 et que j’avais intitulée « Le Sentier d’Arletes et autres hameaux perdus ». Je me souviens avoir pleinement profité de l’ombrage qu’il y avait au pied des ruines d’Arletes et plus précisément au bord de ce fameux Riberot pour me reposer un peu et prendre un en-cas. Je me souviens des nombreuses mésanges qui piaillaient mais aussi de ces plants de menthe sauvage qui attiraient une incroyable variété d’insectes et de papillons. Oui, je me souviens très bien de toutes ces vies « butineuses » si fraternelles entre-elles que j’avais photographiées avec une immense délectation. Nous repartons plus que jamais sûrs de notre itinéraire, qu’un panneau directionnel vient de nous confirmer : « Ste Marguerite ¾ d’heure ». Le sentier commence à s’élever et je précise à Dany qu’elle peut marcher sans crainte et à son rythme car je ne veux surtout pas la ralentir avec mes prises de vues quasi permanentes. Quelques fleurs, quelques papillons, quelques beaux panoramas, de rares lézards et de rarissimes oiseaux sont néanmoins suffisants à créer entre elle et moi une certaine distanciation, mot ô combien devenu malheureusement à la mode par ces temps de Covid. Par bonheur, un simple arrêt de quelques minutes de sa part et le rapprochement s’effectue de nouveau. Les panoramas vers les massifs du Canigou et du Coronat sont superbes et on ne s’en lasse pa.s Dès que l’on approche des flancs du plateau, les décors changent. On quitte le sentier encadré d’une végétation méditerranéenne cheminant en balcon au-dessus du Riberot pour une garrigue plus ouverte et plantée de graminées, de petits buissons et d’arbustes plus épars. Il va en être ainsi jusqu’à la chapelle. Dans l’immédiat, je demande à Dany de m’attendre car en dessous du sentier j’ai aperçu une grange et ce qui ressemble à une ancienne carrière. La carte IGN me confirmant ces informations à cet endroit non loin du Correc de l’Espinas, je veux voir de quoi il retourne. Finalement, il s’agit d’une ancienne ardoisière sans grand intérêt même si certaines lauzes sont de toute beauté et m’auraient bien rendu service pour agencer mes terrasses potagères de ma maison d’Urbanya. Dans ce fatras de lauzes, seul un beau lézard que l’on appelle Psammodrome présente un bel intérêt. Mais comme il se cache derrière la souche d’un vieux chêne vert, j’éprouve beaucoup de mal à le photographier correctement sans l’effrayer. Quant à la grange, elle semble totalement constituée de ces lauzes-là mais elle est inaccessible car au pied d’un haut mur et de surcroît envahie par les ronciers. Il est probable que la grange, définie ainsi sur la carte IGN, était plutôt une cabane servant d’habitat temporaire pour les ouvriers travaillant à l’ardoisière. J’abandonne les lieux et retrouve Dany qui m’a patiemment attendu près d’un grand cairn lui aussi élevé avec les lauzes du coin. Elle ne ronchonne pas de m’avoir attendu, mais il est vrai qu’elle est bien occupée à observer un vautour fauve planant très haut dans le ciel. Il descend en de larges circonvolutions se laissant planer, sans doute emporté qu’il est par des courants d’airs chauds. Après ce joli spectacle, la déclivité se fait moindre et après la ruine d’un vieux mas que nous laissons sur la droite, la chapelle est enfin visible. Alors que je suis parti visiter la ruine du vieux mas, quelle n’est pas ma surprise d’apercevoir un blaireau occupé sans doute à déjeuner. Le museau enfoncé dans l’herbe, il est difficile à photographier mais c’est déjà trop tard car il m’a vu. Il détale vers la ruine et s’enfonce dans un buisson d’épineux très dense. J’ai beau m’évertuer à faire le tour du buisson, il a disparu corps et biens ! Il n’est pas encore midi, nous sommes devant la chapelle. Dany décide de s’assoir sous le clocher sur une pierre qui fait office de banc et moi je pars faire un rapide état des lieux. Depuis ma dernière venue en septembre 2014 lors d’une balade que j’avais intitulée « Les Pierres gravées et dressées de Conat », rien n’a vraiment changé dans cette église dédiée à Sainte Marguerite d’Antioche, une vierge martyre née à la fin du 4eme siècle et morte décapitée au début du 5eme à l’âge de 16 ans. J’y trouve peut-être un peu moins de purin et de crottin, ce qui tend à prouver qu’aucun bovin ou ovin n’est plus venu ici depuis quelques temps déjà. Pour le reste, je regrette toujours qu’aucun travail de restauration n’ait été entrepris et notamment pour élever son clocher et consolider son toit ce qui lui donnerait un autre visage dans ce paysage abandonné ! Oui, il ne faudrait sans doute pas grand-chose pour quelle retrouve un peu de son lustre d’antan, elle dont les historiens savent peu de choses or mis qu’elle est romane et qu’ un écrit la mentionne pour la toute première fois en l’an 1279. Mais c’est compliqué, l’endroit est un peu perdu même si une piste arrive jusqu’ici soit de Prades soit depuis Campôme. Ma seule observation nouvelle est d’y découvrir sur la corniche du chevet, une pierre gravée d’un serpent ondoyant. Mais comme j’ai eu cette information sur le site Internet des « Balades romanes » juste avant de venir, je ne suis pas vraiment surpris de cette trouvaille. Serpent ou dragon ? Je ne sais pas, mais toujours est-il qu’il y a une légende selon laquelle Marguerite d’Antioche serait sortie indemne du ventre d’un dragon qui l’avait avalée. Les bâtisseurs de la chapelle connaissaient-ils cette légende ? ça paraît probable. Après cette jolie découverte, il est temps d’aller déjeuner, et ce d’autant que je languis de partir vers d’autres trouvailles plus vivantes car j’ai déjà constaté qu’il y avait pas mal de papillons mais aussi quelques fleurs habituellement plutôt discrètes en ces lieux si arides. Si les papillons sont en grand majorité l’espèce que l’on appelle « Satyrinés » ; en latin « Satyrinae » ; il y a aussi des Piéridés et les habituels papillons saisonniers qui apprécient les maquis plutôt secs. Mais alors qu’elle n’est pas ma surprise de rencontrer pour la toute première fois un Petit Monarque. Il est là, les ailes légèrement repliées, à butiner les fleurs d’un Daphné garou et malheureusement, je n’aurais de lui que 4 photos dans cette posture loin d’être idéale. Il s’envole et je ne le reverrais plus malgré mon attention permanente à tenter de le retrouver. Papillon migrateur présent en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie, il est plutôt rare en Europe et bien sûr en France où jusqu’à présent il a surtout été observé dans l’Hérault et un peu dans l’Aude nous dit Wikipédia. C’est donc une magnifique surprise de le trouver ici sur ce Pla de Balençou, envahi il est vrai par le « Séneçon de Mazamet ou du Cap » qu’il semble apprécier. Après plus d’une heure autour de la chapelle, mais sur un tout petit périmètre, à recenser tout ce qui bouge et fleurit, le temps est venu de refermer cette boucle. Dany m’attend. SI nous amorçons la descente ensemble en direction du lieu-dit Millares, très vite ma passion pour la photo naturaliste engendre un nouvel espacement. Quelques oiseaux mais impossibles à photographier, un beau lézard vert et encore de nombreux papillons, cette fois, je ne la vois carrément plus. Dany a disparu ! Craignant qu’elle ait emprunté une caminole qui file tout droit au bord du précipice dominant Conat, je fais moi aussi le choix d’aller tout droit. Finalement je l'aperçois, après cette descente inédite entre Les Esquerdes et la Solana. Elle a fait le choix de s’arrêter mais il est vrai que la sente ne va guère plus loin sauf à prendre des risques assez insensés. Alors certes, il y a d’ici une vue imprenable sur Conat, mais le bon itinéraire y menant est un peu plus haut, moins périlleux et moins direct même si l’aspect tortueux reste quelque peu présent. Après cet égarement, le bon itinéraire descendant par Les Teixonères, je le retrouve sans trop de problèmes. Il coupe le sentier menant à Llugols que je connais par cœur pour l’avoir sillonner à maintes et maintes reprises dans les 2 sens, et notamment en 2007 lors d'une étape sur mon mémorable Tour du Coronat. Ce Tour du Coronat qui était devenu pour moi « Des Merveilles au pays d’Alysse » reste là, encore gravé dans ma mémoire avec une fraîcheur quasi intacte quand je viens marcher dans ce secteur. Il est vrai que dans cette descente vers Conat, il suffit que je lève la tête pour que les merveilles ressurgissent : le Mont Coronat est là, dressé devant moi, si boisé, si sombre et si abrupt qu’il continue à me fasciner comme au premier jour. Il y a aussi cette Vallée du Caillan avec ses petites gorges sinueuses et cet étonnant moutonnement végétal sur son versant adret. Moutonnement grâce à leur forme en boucles arrondies car essentiellement constitué de chênes verts serrés les uns contre les autres comme des soldats romains dans un carré d’infanterie. Pourtant quand on connaît l’endroit, de nombreuses petites sentes y circulent dessous. Les anciennes « feixes » et les vieux orris de bergers y sont encore nombreux et en très bon état comme j’avais pu le constater lors d’une balade que j’avais intitulée « Le Pi del Rei et autres découvertes ». Oui, je continue à trouver tout cela très beau. Comment pourrait-il en être autrement alors que cette agréable balade se termine et que le joli village de Conat se présente orienté vers le soleil comme un beau tournesol ? Pour notre plus grand bonheur, il se présente aussi sous les traits de son ancien maire et de son épouse, dont nous sommes ravis de faire la connaissance. Nous papotons longuement de tout et de rien, de cette charmante balade à la chapelle Sainte-Marguerite mais aussi de la France et de ses tourments. Malgré la quiétude ambiante qui pourrait faire oublier les tracas, il est toujours plaisant de voir que l’on partage avec d’autres personnes les mêmes thèmes alarmants, l’amour de la France et de notre belle région, les mêmes ressentis, les mêmes idées, les mêmes conclusions mais aussi les mêmes débuts de solutions. Oui, on termine cette balade en voulant refaire le monde, pourtant assez paradoxalement celui que nous avons découvert aujourd’hui nous a totalement comblé ! Cette balade a été longue de 6,2 km, découvertes incluses, pour des montées cumulées de 550 m. Le dénivelé est de 352 m entre Conat le point le plus bas à 513 m sur le pont enjambant le Caillan et le plus haut à 865 m à proximité de la chapelle. Carte IGN 2348 ET Prades – Saint-Paul-de-Fenouillet et 2349 ET Massif du Canigou Top 25.
(*) Nabilles : On ne sait que peu de choses du hameau de Nabilles et en tous cas encore beaucoup moins que pour celui d'Arletes que j'avais évoqué lors de ma balade "Le Sentier d'Arletes et autres hameaux perdus depuis Conat". Les vieux écrits sont moins nombreux apparemment. Mais il reste quelques ruines à proximité de la chapelle et notamment entre les correcs de Nabilles et de l'Espinas, ce qui permet de ne pas douter d'une vie antérieure à cet endroit du plateau de Balençou (Vallenso). Il est fort probable que les raisons de la disparition de la vie à Nabilles ont été les mêmes que celles qui étaient survenues à Llugols ou à Arletes, c'est à dire les pandémies de peste, les conflits armés mais surtout les grandes difficultés à vivre dans ces lieux retirés et complétement désolés. En réalité, les seuls écrits que l'on trouve à propos de Nabilles sont des légendes et notamment dans deux livres de l'écrivain Christian Doumergue intitulés "Le chat : Légendes, mythes et pouvoirs magiques" et "La France des chats extrordinaires - 75 histoires de chats" où il reprend une légende déjà contée par l'abbé Jules Cornovol dans un texte du 15 octobre 1911 de la Revue Catalane. Sorcières, chats maléfiques, magie noire, corbeau, épidémie, tout est en place dans cette vieille histoire pour expliquer la disparition de toutes vies humaines. L'auteur indique qu'il s'est même rendu sur les lieux plusieurs fois pour ressentir l'atmosphère de ce passé enfoui à jamais. Tout comme moi, il y a éprouvé des émotions en imaginant cette vie si dure dans "cet écrin de solitude".
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Quand j’ai envisagé ce « Sentier d’Arletes » au départ de Conat, j’avais imaginé un tracé bien plus court que celui que vous trouverez ici. Initialement, j’avais prévu de monter vers l’ancien hameau d’Arletes (*) en passant par Le Ribéral, la Carrerada, La Falguerosa, Arletes, puis mon idée était de poursuivre par Catllorenç, le Roc de les Creus puis redescente vers Conat par le Roc de l’Home Mort, la chapelle ruinée de Sainte Marguerite de Nabilles et Millares, l’objectif d’une telle balade étant que je ne connaissais pas la première partie, c'est-à-dire cette montée qui s’effectue jusqu’à Roc de les Creus par ce chemin que le cadastre intitule du Ribéral. Puis, après maintes réflexions et connaissant très bien l’autre partie, c'est-à-dire la descente, d’autres envies sont venues à moi comme des évidences. Parmi ces évidences, il y avait cet énorme désir de retourner à Llugols, d’essayer de voir Mr et Mme Naulin, hôteliers hors pairs qui m’avaient accueilli dans leur gîte si merveilleusement lors de Mon Tour du Coronat de 2007. Il y avait cette envie de rencontrer celle que j’ai toujours appelée Nina de Llugols (*) pour lui laisser cette « fameuse » photo qui avait scellée notre amitié, amitié certes essentiellement virtuelle jusqu’à présent mais donc je gardais espoir qu’elle se concrétise enfin par un contact cordial bien réel. Voilà déjà des années que cette photo que j’avais dédicacée à son attention sommeillait sur une étagère de mon bureau à Urbanya et elle n’attendait qu’une chose : que je retourne à Llugols ! Il était peut être temps qu’elle rejoigne sa destinataire ? Voilà quels sont mes objectifs quand en ce 9 juillet, je me lance dans cette longue balade pleine d’espoirs et d’incertitudes. Incertitudes car voilà presque 3 mois que je ne randonne plus à cause de trois pincements aux vertèbres, probables séquelles lointaines mais bien ressuscitées d’une terrible chute sur « les Chemins d’Adrienne » en octobre 2016. Nombreuses séances de kiné et anti-inflammatoires ont finalement tordu le cou à ces misères qui m’empêchaient de marcher et me voilà plutôt en forme. A tous ces desseins, un autre objectif est venu se greffer, celui involontaire mais contraint d’examiner si l’immense raréfaction des oiseaux que je constate à Urbanya se vérifie ici à Conat et dans ses amples alentours où je pars marcher. J’estime à 90% cette diminution des passereaux les plus communs par rapport aux années précédentes, années précédentes au cours desquelles j’avais déjà constaté une réduction évidente des effectifs et des espèces coutumières. Cette année, à titre expérimental, une boule de graisse qui était mangée en moins de 2 jours est encore presque entière au bout de 15. Le matin, nous étions réveillés aux chants des oiseaux mais cette année c’est un silence angoissant qui prédomine quand je prends mon café sur la terrasse. Voilà mon constat. A l’instant même où je démarre, ce bilan semble faux pour Conat, car d’emblée j’aperçois dans le village des rouges-queues noirs, une sittelle torchepot, quelques moineaux et deux hirondelles posées sur une fenêtre. Plus haut dans les ruelles, un merle chante à tue-tête en jouant les équilibristes au sommet d’un poteau mais il s’envole avant que je ne puisse le photographier. Si les chants de ces oiseaux m’enchantent, une fois sur le sentier, je déchante bien vite car les oiseaux disparaissent carrément. Seul un accenteur mouchet, voltigeur à souhait mais peu craintif, me fait courir en direction des ponts à dos d’âne. A partir d'ici, la seule vraie musique que j’entends est celle d’un étonnant duo formé par la rivière d’Orbanya (Urbanya) et d’innombrables cigales. Ce duo inattendu va m’accompagner un bon bout de temps car la rivière reste longtemps parallèle au sentier qui désormais s’élève peu à peu en balcon. Le sentier du Ribéral, c'est-à-dire de la rivière, porte bien son nom. Après cet égarement volontaire vers les ponts romans, je reviens sur mes pas pour prendre le bon chemin. Il s’élève au dessus de jardins potagers en direction d’un casot ruiné. Les cigales, elles, sont moins nombreuses au fil de l’élévation, mais elles restent néanmoins présentes une grande partie de la journée et ce, jusqu’à ce que le ciel se couvre de gros nuages gris. Par les paysages et les panoramas qu’elle propose, toujours plus aériens, cette montée en balcon est une vraie merveille et de surcroît, elle m’offre une bien inattendue rencontre du 3eme type dans les falaises du bien nommé lieu-dit « Malbaus ». En occitan « Malbaus » signifie les « mauvais rochers escarpés » et là, j’avoue que je crois comprendre pourquoi ! Une photo en rapproché d’une roche plus blanche que les autres me fait tomber sur le cul. Oui, sur une roche escarpée, j’ai bien vu un « gremlins » tel que j’en ai vu dans le film du même nom ou quelque chose de très ressemblant en tous cas ! Vérification faite, c’est bien un « gremlins » que j’ai au bout de mon objectif ! « Gremlins » très laid mais par bonheur exclusivement minéral et donc inoffensif ! Après cette petite frayeur que je finis très vite par relativiser, la montée s’effectue sans problème jusqu’à atteindre la crête sommitale car le sentier est remarquablement débroussaillé. Cette crête continue de m’offrir des panoramas magnifiques sur les deux profondes ravines ; Orbanya d’un côté et El Riberot de l’autre ; sur Conat, sur le Pla de Balençou (ou Vallenso), sur les Massifs du Canigou et du Coronat et droit devant moi sur le Roc de Jornac. Les oiseaux, complètement absents lors de la montée, montrent enfin le bout de leurs becs dès lors que j’aborde le plateau de La Falguerosa. Ils se résument à quelques rares fauvettes et tariers pâtres essentiellement. Par bonheur, cette rareté des oiseaux est largement compensée par une multitude de papillons mais surtout par la présence d’un chevreuil et de deux sangliers que j’aperçois plus tard dans le pré d’Arletes. Dès lors que les ruines de La Falguerosa sont en vue, l’itinéraire devient vraiment galère, et par moment le sentier disparaît carrément sous la dense végétation, végétation de surcroît très cuisante. Je suis tout heureux d’avoir enregistré un tracé dans mon G.P.S. Mon seul regret avoir un bâton de marche à la place d’un coupe-coupe ou d’une faucille car les ronciers touffus succèdent aux prunelliers qui eux-mêmes font la pige à d’autres buissons aussi agressifs les uns que les autres. Il va en être ainsi jusqu’à Catllorenç (Catllaurens) où là tout redeviendra praticable à l’instant même où je rejoindrais une bonne piste. Dans l’immédiat et dans ce guêpier végétal, mon seul bonheur est d’y trouver une incroyable variété de papillons que je peux photographier à loisirs. Les pluies très soutenues de ces derniers temps ont sans doute contribué à amplifier cette végétation de maquis où les fleurs sont légions. Envahie par les ronciers, la ruine du cortal de la Falguerosa est difficilement accessible. Je n’insiste pas pour la découvrir. D’ailleurs, et malgré un balisage jaune, le sentier est parfois très difficile à trouver dans cette confusion végétale où les graminées et les broussailles se livrent une lutte sans merci pour gagner leur place au soleil. Par chance, quelques cairns élevés par des visiteurs précédents restent encore visibles et quand ce n’est pas le cas mon G.P.S suppléait cette absence. Finalement, j’arrive à deviner puis à trouver ce « Sentier d’Arletes », dont la ruine apparaît bien loin de l’autre côté du ravin d’El Riberot. C’est de cet endroit bien trop éloigné que je distingue le chevreuil et les deux sangliers. Je tente bien de les photographier mais l’éloignement est bien trop important pour obtenir des photos correctes. Je poursuis le sentier qui file en balcon puis le hameau perdu d’Arletes est finalement atteint. Enfin dans l’immédiat, je stoppe au bord d'un ruisseau. Je dépose mon sac à dos sur l’herbe puis face au Canigou je déjeune là sous le regard intrigué de quelques mésanges qui occupent les feuillus. Les mésanges disparaissent et me voilà captivé par une Nature qui n’est pas moins intéressante. Tout en mangeant, mon attention est attirée par un manège dès plus curieux, celui d’innombrables papillons et diptères, c'est-à-dire des mouches, des syrphes et autres espèces d’insectes volants ressemblant plus à des abeilles ou à des guêpes, venant butiner les fleurs d’une menthe sauvage qui pousse les pieds dans l’eau. De cette observation, je note une quantité incroyable d’espèces différentes qui cohabitent sans jamais montrer la moindre agressivité les unes envers les autres. A tour de rôle, elles viennent butiner les mêmes fleurs, laissant la place au nouvel arrivant. Je me dis « quel bel exemple de partages et du vivre ensemble ! ». Ravi de cette Nature si merveilleuse et captivante, je ne peux m’empêcher d’en immortaliser quelques belles photos macros. Je quitte le bord du ruisseau et pars manger mon dessert sous le grand cèdre qui domine les ruines. Là, assis sous cet arbre, je ne peux m’empêcher d’imaginer ce qu’a été la vie de cet hameau oublié où les vérités, les légendes et les histoires au coin du feu viennent se mélanger pour expliquer son déclin puis sa disparition définitive. La trop grande sécheresse pour certains, la peste pour d’autres (*), l’exode rural, voilà toutes les raisons que l’on invoque pour éclairer cet amas de pierres que je visite aujourd’hui. Pourtant, dans ce lieu si isolé et si sauvage de nos jours, il est assez facile de concevoir un habitat bien occupé, avec tout autour des bois mais également de grands espaces bien défrichés. Deux ou trois bâtisses hautes et bien imposantes, avec autour quelques cabanes en pierres sèches, avec des terrasses où poussent des vergers, des céréales et des vignes. Des enclos rudimentaires où l’on aperçoit des chèvres, quelques moutons et des vaches bien utiles à une existence si autarcique. Un grand potager situait au plus près du ruisseau. Une petite basse-cour où s’égayent quelques poules, des canards et l’indispensable nourrain que l’on sacrifiait pour le « jour du cochon », moment si convivial et si festif qui en engendrait bien d’autres dès lors que les préparations confectionnées étaient mises sur les tables. On peut aisément imaginer des clapiers et une étable au rez-de-chaussée et ce lieu à vivre qui se situait toujours à l’étage car par ce biais, on bénéficiait gratuitement d’un chauffage au sol avant même l’invention de l’électricité. Une grande cheminée et un four à pain venaient compléter ce système de chauffage si archaïque. Oui, je peux très facilement imaginer tout cela ! Un cairn dominant le hameau m’incite à y monter mais or mis les panoramas encore plus beaux vers le Canigou et sur le hameau, je n’y décèle rien de concret. A l’instant même où je m’apprête à redescendre, un autre randonneur, venant de Catllorenç, traverse le hameau sans s’arrêter. Marchant d’un très bon pas, je le vois disparaître dans cette végétation si compacte que je viens moi-même de franchir. C’est un peu idiot, mais dans un coin aussi reculé, je me satisfais toujours de voir que je ne suis pas seul, même si la marche solitaire ne me pèse pas. Après quelques photos souvenirs, l’instant est venu de me remettre en route. Toujours aussi galère, le summum des difficultés arrive juste avant Catllorenç, avec à la place du sentier, un étroit corridor encadré de très hauts genêts. Malgré mes difficultés à avancer, je me dis que l’homme que je viens d’apercevoir est nécessairement passé par là. Je mets mon sac à dos et mon bâton devant ma poitrine et fonce tête baissée dans ce « tas » végétal, essayant de passer ma tête et mes épaules avant tout le reste dans la petite ouverture qui s’offre à moi. J’en ressors 50 mètres plus loin sous une haie de cerisiers mais avec la vision libératrice d’une barrière qui s’ouvre sur une large et bonne piste. Sur ma droite, et toujours enfouie dans la cerisaie, j’y découvre un mas en partie bien restauré mais fermé, avec sur sa porte et ses fenêtres, des mentions « pièges à feu » qui n’incitent pas à la curiosité. La mienne se résumant à tenter de photographier quelques oiseaux attirés par les cerises, je n’y campe pas. La piste, désormais boisée de quelques pins à crochets, m’amène assez facilement jusqu’au Roc de les Creus où je retrouve avec plaisir cette roche si exceptionnellement gravée en forme d’éventail ou de cadran solaire. Ici se termine la déclivité et voilà désormais la partie que je connais si bien, et pour cause, car cette piste était le fil conducteur d’une étape lors de la 5eme étape de Mon Tour du Coronat. Depuis le refuge de Caillau, elle m’avait amené à Llugols et au gîte de Mr et Mme Naulin. C’était en 2007. Si je suis revenu ici à de multiples reprises, c'est-à-dire sur ces chemins, ce retour à Llugols est plutôt inédit car voilà déjà 8 ans que je n’y suis plus retourné. C’était lors d’une balade que j’avais intitulé « les Chapelles du Pla de Balençou ». C’est dire si je connais bien cette piste qui descend vers Llugols et les raccourcis qui permettent d’en éviter les quelques sinuosités. Or mis quelques papillons nouveaux, rien ne m’arrête dans cette descente peu fréquentée par les oiseaux. Pourtant dieu sait si j’y ai toujours découvert une avifaune très exubérante, avec parfois même de grands rassemblements, mais aujourd’hui c’est un vide presque sidéral qui semble prédominer. Ignorant les pistes DFCI, j’emprunte des raccourcis longeant le plus souvent des clôtures. Ces clôtures m’entraînent non loin du Roc de l’Home Mort puis de la Font de l’Aram. Ici, dans ce secteur, je retrouve le début d’une nouvelle piste près de cette étonnante cabane que j’avais déjà découverte lors de ma balade aux « Pierres gravées et dressées de Conat ». Elle ressemble à un blockhaus rudimentaire, espèce de tertre aménagé de planches, de tôles et d’argile amalgamée. Cabane de berger ? Poste de chasse ? Abri anti-atomique édifié par un fou ? Je ne sais pas ! Aujourd’hui il n’y a personne et seulement un beau lézard vert qui profite des derniers rayons du soleil. Le temps se gâte, de gros nuages gris arrivent de toutes parts. Canigou, Coronat et Madres sont déjà bien ennuagés. Si la météo était magnifique ce matin, désormais le plafond est déjà bien bas et bien gris, et une humidité ambiante se fait sentir. La piste encadrée de hauts résineux et descendant vers le Pla de Vallenso arrive à point nommé. Alors que j’accélère le pas, ayant dans ma tête déjà fait une croix sur d’éventuels oiseaux, quelle n’est pas ma surprise d’y observer un petit rassemblement de pipits. Ils s’envolent dans les résineux mais parmi eux, il y en a un qui se laisse gentiment photographier. Les pipits, quelques merles, un rouge-queue noir, une buse dans un ciel devenu bien gris et de nombreux papillons, la descente vers Llugols me réconcilie quelque peu avec cette Nature pour laquelle j’aime marcher. Llugols est là et si deux itinéraires se présentent, je n’ai aucune hésitation à prendre très machinalement celui qui descend direct au gîte Naulin. Une table et des chaises de bistrot de couleur rouge face au Pic du Canigou, pas de doute me voilà arrivé. Comme en 2007, je m’assieds pour une photo souvenir identique à celle de 2007 puis je tape à la porte. Aussitôt Mr. Naulin m’ouvre. « Vous me reconnaissez ? » lui dis-je. « Bien sûr ! » me répond-il puis il rajoute aussitôt « je ne me souviens pas de votre nom mais sauf erreur de ma part, il s’agissait d’un prénom ? » puis d’un air interrogateur, il rajoute encore « vous avez deux prénoms, c’est bien ça ? ». « Gilbert Jullien ! » lui dis-je et sous forme d’exclamation, je rajoute « Quelle belle mémoire, vous avez Mr. Naulin ! ». Il me propose une bière en m’indiquant gentiment que c’est offert par la maison car il rajoute ne plus faire gîte depuis quelques années, me précisant qu’il ne reçoit plus que des amis de passage ; cavaliers en transhumance la plupart du temps ou bien des randonneurs égarés. « Je ne suis pas égaré ! ». « Je suis venu exprès pour vous voir ! ». « En souvenir des instants merveilleux que j’ai passé ici ! » lui dis-je. Sans aucun chichi, on s’installe dans le salon comme deux amis qui se retrouvent bien des années plus tard. L’intérieur n’a pas changé et c’est toujours cet adorable capharnaüm que j’avais tant aimé voilà 11 ans. J’y avais décelé le goût des voyages, des périples, des aspirations d’ailleurs très lointains mais parfois très proches aussi, des choses simples avec un penchant certain pour les couleurs chatoyantes et plus globalement pour tout ce qui peut être considéré comme de l’Art. Oui, j’avais beaucoup aimé et j’aime encore ! Nous restons plus d’une heure à discuter d’innombrables sujets : du passé et de Mon Tour du Coronat si mémorable, de son épouse que je ne vois pas et qui bosse pour mon infortune, de son chien Bonnie si facétieux qui m’avait accompagné jusqu’à la montagne de Belloc mais dont j’apprends avec une grande tristesse qu’il est mort depuis, de ma rando d’aujourd’hui et de ma motivation à revenir ici où j’avais passé de si belles heures en leur compagnie, de ma petite maison secondaire à Urbanya depuis 2010, de nos potagers respectifs, des pluies actuelles si soutenues et du beau temps, beaucoup moins beau cette année, de la raréfaction des oiseaux qu’il trouve effroyable lui aussi, rajoutant qu’il ne voit plus de petits passereaux et seulement des oiseaux de taille supérieure comme des merles, geais et autres pigeons ramiers. Lui non plus ne comprend pas cette disparition très inquiétante car si soudaine. Notre conservation se termine par la photo de Nina que j’ai amenée et que je lui montre en lui racontant son histoire. Nina ? Il me dit la voir quelquefois mais il a la certitude qu’elle n’est pas là en ce moment. Il accepte que je lui donne la photo et m’assure qu’il la lui remettra à la première occasion. J’en suis ravi car j’ai toute confiance en lui. A l’instant même où je m’apprête à partir, Dany m’appelle en m’indiquant qu’il tombe des trombes d’eau à Urbanya. Je la rassure en lui disant que je suis à Llugols et qu’ici il ne pleut pas. Enfin pour l’instant ! Je salue Mr. Naulin, le remercie pour son accueil si bienveillant et si gentil, sa bière et cet échange amical si spontané. Je quitte le hameau, direction Conat. La direction de Conat étant la même que celle de la chapelle Saint-Christophe, comment ne pas m’y rendre alors que j’y ai tant de bons souvenirs ? Chapelle, rocher qui la domine avec sa croix néolithique, la pluie se met à tomber à l’instant même où j’effectue un retour vers ce passé si merveilleux. N’est-ce pas ainsi que j’avais intitulé Mon Tour du Coronat en 6 jours, « Des merveilles au Pays d’Alysse » ? Par bonheur, un petit casot est là à point nommé pour m’accueillir et m’abriter. Je m’y réfugie quelques minutes car la pluie cesse presque aussitôt. Un petit tour par la Font del Castanyer et je pars finir mon casse-croûte sur le parvis de la chapelle. La pluie tombe de nouveau et je m'abrite sous le porche. Elle s'arrête. Sous un ciel de plus en plus menaçant, je file au pas de course sur ce sentier de Conat tout en descente. Nouvelle pluie et nouvelle planque dans un orri très opportun. Alors que je suis entrain de me dire que je n’arriverais jamais à Conat, la pluie cesse au bout de 10 minutes. Je repars toujours au pas de course, pas de course pas vraiment effréné car les difficultés du terrain ne le permettent pas, mais je ne flâne plus. Seule la végétation bien embroussaillée au fond du Correc de Sainte Marguerite me freine quelque peu. La pluie ne revient plus et Conat est là bien plus vite que jamais auparavant. Je retrouve la rivière et l’enjambe sur un petit pont. Ici ce n’est plus la rivière d’Orbanya mais celle de Callau car la confluence des deux rivières est toute proche à l’intérieur du village. Mais qu’importe le nom car quel bonheur d’y trouver un couple de bergeronnettes qui en occupent son lit. A Urbanya, je n'en ai pas vu au bord de la rivière depuis l'an dernier ! Ma balade se termine avec cette jolie vision. J’ai réalisé la plupart de mes objectifs : les hameaux d’Arletes, de la Falguerosa et de Catllorenç (Catllaurens) que je ne connaissais pas, mes souvenirs du Tour du Coronat, Llugols, Monsieur Naulin, la photo de Nina dont je sais qu’elle arrivera un jour à sa destinataire (**). Si je suis très satisfait de mes quelques photos d’oiseaux, les quantités et les variétés habituellement observées manquent à l’appel. Je me suis rattrapé avec une variété incroyable de papillons et encore, j’en ai loupé pas mal. Une fois encore, je n’ai pas eu la chance de revoir Nina, j’ai perdu avec tristesse ce chien si attachant qui s’appelait Bonnie mais alors chose très surprenante, j’ai revu ce jeune chat gris qui en 2007 venait systématiquement se frotter dans ma jambes dès lors que je me reposais sur la terrasse du gîte Naulin. Il a onze de plus et a pris un petit coup de vieux, tout comme moi d’ailleurs, mais cette fois il n’a pas accepté mes caresses. Oui, j’ai beaucoup aimé ce « Sentier d’Arletes » même si un bon débroussaillage mériterait d’être accompli sur la partie la plus élevée du parcours. Cette randonnée telle qu’expliquée ici a été longue de 13,3 km. Selon mon G.P.S, les montées cumulées ont été de 1.278 m. Le dénivelé entre le point le plus bas (513 m rivière Orbanya à Conat) et le plus haut (1.096 m au Roc de les Creus) est de 583 m. Carte I.G.N 2348 ET Prades - Saint-Paul de FenouilletTop 25.
(*) Le hameau d’Arletes (en français Arlettes) : Que sait-on exactement du hameau d’Arletes ? Concernant sa toponymie, on peut supposer qu’elle est identique à celle d’Arles, c'est-à-dire qu’elle aurait pour origine le mot gaulois « Arelate » dont le radical « are » signifie « près de » et du terme « late » ; du mot celtique « latis » ; désignant un lieu humide (marais, marécage, fleuve, ruisseau). En tous cas, le lieu avec son petit ruisseau correspond bien à cette description et la terminaison « ete » ou « ette » à cet aspect « petit » si évident. Concernant son Histoire, assez peu de choses sont arrivées jusqu’à nous. Toutefois, la version catalane de Wikipédia nous informe que la première mention documentée d’Arletes date de 1312. Ce document nous apprend qu’à cette époque, le hameau dépendait de la commune de Bettlans (Vallans), elle-même sous la dépendance du royaume de Majorque gouverné par Sanche 1er dit le Pacifique, comte du Roussillon et de Cerdagne. Pour le compte du roi, un certain chevalier Guillaume d’En est chargé de récupérer les dîmes, les cens d’Arletes et des autres fermes d’Urbanya. La dîme étant un impôt sur les récoltes et le cens un droit seigneurial foncier, on peut imaginer à juste titre qu’Arletes était déjà habité par des paysans qui vivaient là du fruit de leurs travaux agricoles et de l’élevage de leurs troupeaux. Au 14eme siècle, le hameau appartient à la juridiction royale apprend-on également. Sachant que la guerre fait rage entre le royaume de Majorque et celui d’Aragon, on est en droit de se demander laquelle ? Il faut donc s’intéresser plus largement à l’Histoire de Conat (La Baronnie De La Vall De Conat (Les Seigneurs) d'Eugene Schmidt -Revue Le Conflent), à celle du Conflent et des deux royaumes pour trouver quelques réponses à cette question. On note qu’en 1424, il y a 4 feux à Arletes, c'est-à-dire quatre familles et peut-être entre une quinzaine et une trentaine d’habitants. Un feu représentait une moyenne de 4 à 5 personnes. A cette époque, le hameau est subordonné à la baronnie de Conat. Ensuite, dans l’Histoire du prieuré de Marcevol, on apprend par des chartes de 1265 et 1267 qu’Arletes, au même titre que 21 paroisses du Conflent, est la propriété des chanoines du prieuré de Marcevol. Dans un cartulaire des fiefs des rois Jacques 1er et Jacques II de Majorque (1263-1294), on peut lire qu’un certain Bertran Gil commissaire des fiefs confirme la possession féodale de 4 feux (comprendre foyers au sens de logements, ici des fermes) par un certain Pere Lauret. On peut donc supposer que ce Pere Lauret est un chanoine appartenant à la congrégation de Marcevol. Le hameau disparaît des « radars » historiques pour réapparaître dans le cadastre napoléonien en 1811. Ensuite, c’est le flou le plus complet car les légendes et les histoires semblent vouloir prendre le pas sur la réalité historique absente. On peut toutefois imaginer assez aisément que les pandémies de peste qui se sont succédé en Europe, mais plus particulièrement dans la Catalogne et le Roussillon (1347, 1381, 1397, 1410, 1429, 1631, 1649, 1720 et notamment celle qui a décimé tous les habitants de Llugols en 1652 ont eu une influence sur la vie du hameau d’Arletes. Ajoutons à cela les guerres, les terribles périodes de sécheresse qui n’ont pas manqué, les difficultés dans les moyens de communication et de transports, tous les autres fléaux et calamités qui ont sévi au fil des siècles et enfin l’inévitable exode rural du 19eme siècle pour comprendre pourquoi Arletes a finalement disparu et est devenu un hameau oublié de tous. Il suffit d’aller là-bas, dans ce décor sauvage de profondes ravines, pour comprendre que la vie n’a jamais été facile, même au temps où la vie autarcique et le travail des champs étaient « choses courantes ». Dans ce secteur du Pla de Vallenso, on trouve néanmoins une grande quantité de chapelles très isolées, ce qui prouve bien qu’une vie communautaire fédérée par la religion catholique a longtemps existé. Notons enfin, qu’en 1911, l’écrivain Juli Cornovol a évoqué le hameau d’Arletes dans un conte légendaire intitulé « El refilayre de Carençà », récit dans lequel il attribue la disparition du hameau à l’épidémie de peste noire du 14eme siècle. Légende ou réalité historique ? Ce chapitre de Wikipédia se termine en expliquant que ce lieu devenu maléfique est peuplé uniquement de bêtes sauvages et ce, jusqu’au jour où une ferme y a été construite. Alors, je le confirme, oui, j’ai bien vu des animaux et une ferme en ruines à Arletes. Les animaux, je ne sais pas s’ils étaient sauvages car ils broutaient paisiblement mais c’est un fait, Arletes est désormais la propriété d’une faune que des hommes s’évertuent à vouloir chasser car j’y ai vu aussi et malheureusement un poste de chasse. Et si un jour et après des siècles d'occupations humaines, la Nature reprenait pleinement ses droits à Arletes ?
(**) Nina de Llugols ou l’histoire d’une photo: Lors de l’été 2007, j’effectue en 6 jours le Tour du Coronat. Le Coronat est un massif montagneux des Pyrénées-Orientales situé dans le Conflent, dont le point culminant s’élève à 2.172 mètres d’altitude. Le 17 août, et alors que je viens de terminer la 5eme étape entre le refuge de Callau et Llugols, je photographie 3 enfants dans ce dernier hameau. Juchés sur de petites motos, ils descendent à tout berzingue, et dans de grands éclats de rires, la piste terreuse menant au village. Ces 3 enfants, une fille et deux garçons, je ne les connais pas mais ils me rappellent étrangement mon enfance et un temps désormais si lointain où avec mon « pauvre » frère ; « pauvre » car trop tôt disparu ; et des amis nous descendions sur des planches montées sur des roulements à billes les rues de notre quartier à Marseille. A cet instant, je suis très nostalgique. Nostalgique d’un temps révolu et qui est passé bien trop vite, nostalgique de mon frère et nostalgique car dès le lendemain mon Tour du Coronat se termine. A Llugols, je loge dans le gîte de Monsieur et Madame Naulin. Mon tour du Coronat terminé, quelques semaines plus tard, cette photo, je l’insère dans le récit de ce périple sur mon site Internet. Le temps passe. En 2013, soit 6 ans plus tard, je reçois le message suivant :
« Bonjour Jullien, j’ai trouvée votre adresse sur votre site de vos histoires de randonnée. J'habite en ce moment en Russie. Et par un moment de nostalgie je vais sur Google, et tape "Llugols", regarde des photos et au bout d'un moment tombe sur votre site. Je lis l'histoire de votre randonnée du 17 août 2007, regarde les photos.... et BAM je tombe sur une photo de moi et de mes frères, ou nous sommes sur des petites motos. Je n’ai pas pu agrandir la photo, si jamais vous avez des photos de ce jour-là, peut-être pourriez vous me les envoyer ? En espérant une réponse, Nina Neveroff. »
Ma première réflexion est de me dire que ce message très surprenant car si inattendu est incroyable aussi car bourré de grands écarts. Ecart dans les années et écart dans la distance séparant LLugols de la Russie ! Je suis bien sûr agréablement étonné de ce message provenant de Russie et bien évidemment je réponds à Nina immédiatement. Je n’ai pas d’autres photos mais je lui fais parvenir en pièce jointe la photo en question la plus grande possible. Nous échangeons par courriels, nous devenons amis sur Facebook et nous nous faisons la promesse d’essayer de nous rencontrer pour concrétiser cette amitié naissante et échanger à propos de cette photo, dont je sens bien qu’elle est autant chargée de nostalgie et d’émotions pour elle que pour moi. Une fois encore, le temps passe mais je ne désespère pas d’une éventuelle rencontre. Depuis pas mal de temps déjà, de cette photo numérique, j’en ai tiré une photo papier. Je l’ai dédicacée, j’ai rajouté un message sympa à l’attention de Nina et l’ai mise dans un cadre. Le cadre dort sur une étagère de ma maison d’Urbanya. Cette photo, je la regarde souvent, trop souvent à mon goût car elle me rappelle ce périple si merveilleux et je me dis qu’il serait bien qu’elle rejoigne un jour sa vraie destinataire. Ce jour-là arrive avec ce « Sentier d’Arletes » à partir de Conat. « Pourquoi ne pas pousser jusqu’à Llugols » me dis-je à l’instant où je planifie cette randonnée. Je me dis aussi que Llugols c’est tout petit et qu’une fois là-bas, j’improviserais une éventuelle rencontre, soit avec Nina, si elle est là, soit avec les Naulin, mes sympathiques hôteliers de 2007. 11 ans se sont écoulés, vais-je les retrouver les uns ou les autres ? Le 9 juillet, la randonnée s’effectue comme prévue. J’arrive à Llugols et au gîte Naulin vers 16h. Monsieur Naulin m’ouvre son gîte, me reconnaît et m’invite à boire une bière. Nous discutons de tout et bien sûr de Mon tour du Coronat de 2007. Bien évidemment, je lui parle de Nina et lui raconte l’histoire incroyable de cette photo. Il me dit que Nina est venue à Llugols très récemment mais qu’elle n’est pas là en ce moment. Je lui remets le cadre contenant la photo et il me promet de le lui remettre à la première occasion. Le 30 juillet 2018, Nina m’envoie un message sur Facebook me remerciant pour la photo et cette attention à son égard. Je sens un peu de retenue dans son message. Normal, Nina a grandi et s’est mariée. Ce n’est plus l’enfant que j’avais pris en photo avec ses frères en 2007…….Je crois que c’est surtout moi qui suis resté enfant !