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Etape 4 - Caudiès-de-Fenouillèdes - Saint-Paul-de Fenouillet - 26 km

Publié le par gibirando

 TOUR-DES-FENOUILLEDES-ET.4

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4eme étape: Caudiès-de-Fenouillèdes - St-Paul-de-Fenouillet  

26 km- Dénivelé 650 m – Montées cumulées 1.229 m 

Point culminant 900 m au Roc Paradet.

 

-« Vadrouille avec les Chemtrouils ».

 

Ce quatrième matin, avant de quitter le gîte, nous sommes partis faire quelques emplettes au « Vival » du village. En effet, l’épicerie étant à l’opposé de l’itinéraire que nous devions prendre, nous n’avons pas trouvé nécessaire de nous charger inutilement de nos sacs à dos pour aller acheter un peu de pain, quelques fruits, des flans et un morceau de fromage. Ces quelques courses faites, il est 8h30 quand nous déposons les clés du gîte à la mairie et nous prenons aussitôt le balisage bien indiqué au centre du village. Une fois encore, notre itinéraire est commun avec le G.R.36 et dans l’immédiat, il prend la direction du Col Saint-Louis. Pendant que nous sortons de Caudiès, une chose m’étonne bougrement : ce sont toutes ces lignes blanches qu’il y a dans le ciel et que je n’avais pas spécialement remarqué en allant à l’épicerie. Un peu comme si d’innombrables avions avaient volés tous en même temps et dans tous les sens laissant derrière eux de longs panaches d’une fumée blanchâtre. Si ces lignes n’avaient rien d’inquiétantes à première vue, plusieurs choses m’intriguaient quand même et tout d’abord, il n’y avait aucun avion visible dans le ciel puis ensuite c’était le fait qu’il y en avait dans toutes les directions, elles se croisaient, partaient en tous sens et anarchiquement, elles ne disparaissaient pas et bien au contraire, elles semblaient s’élargir au fur et à mesure que nous sortions du village. Plus nous avancions vers la Soula de la Roque, cette haute barre rocheuse que nous devions escalader et plus ces lignes s’élargissaient, ne disparaissaient jamais et j’avais même le sentiment qu’elles se rapprochaient du sol. Or, il y a quelques mois, alors que je cherchais des renseignements sur Internet, j’étais tombé tout à fait par hasard sur un site s’appelant Conspiracy Watch évoquant les attentats du 11 septembre 2001 mais également ces phénomènes parmi bien d’autres. Ce site, souvent très intéressant au demeurant, se présentait comme étant un « Observatoire du conspirationnisme et des théories du complot ». En développant mes recherches au sujet de ces phénomènes aériens, j’avais surfé de sites en sites et j’avais clairement compris que deux théories s’affrontaient. L’explication officielle était que ces traînées blanches étaient émises suite à la condensation de l’eau contenue dans l’air par les turbines d’avions volant à très haute altitude, les Américains appelant ce phénomène des « contrails » contraction de l’anglais « condensation trails » ou « traînées de condensation » en français et la deuxième théorie était celle que l’on appelle des « chemtrails », contraction anglaise de « chemical trails » ou « traînées chimiques » et qui ne seraient ni plus ni moins que des épandages chimiques volontairement effectués par des avions pour un tas de raisons peu louables selon leurs accusateurs. Cette deuxième théorie était, selon les supporters de la première, tenue par ce qu’on appelle plus communément des  conspirationnistes. En tous cas, après la lecture de ces différentes doctrines complètement opposées, il y avait néanmoins deux points d’accord quand à la création de ces fameux panaches blancs dans nos cieux : Primo, c’est qu’elles étaient laissées par des passages d’avions et secundo dans les deux cas, elles étaient la conséquence de processus chimiques particuliers bien que très différents. En effet, tout le monde a pu constater que quand un avion produit derrière lui ces traînées de condensation, ces dernières ne sont jamais très longues à disparaître, or dans le cas présent, elles ont perduré une grande partie de la journée se transformant même en nuages et en un ciel laiteux dans la soirée.  Or, si dans la première des théories, la condensation était la principale raison de la création de ces phénomènes, il semblerait que leur durée très exceptionnelle comme c’était le cas aujourd’hui serait due à une mélange de cette condensation avec des particules émises par les réacteurs des avions dans des circonstances météorologiques très spéciales. En tous cas, moi qui à l’école n’avait jamais été très doué pour la chimie, matière qui ne m’avait jamais trop intéressé, il faut bien le dire, j’étais très soupçonneux et inquiet quant aux conséquences de ces phénomènes sur la santé des humains. Les conspirationnistes étaient partagés en deux clans, ceux qui prétendaient que les épandages chimiques étaient volontairement effectués pour tuer des humains et d’autres qui disaient qu’ils étaient réalisés pour contrecarrer les effets du réchauffement climatique. En tous cas, sur le plan sanitaire, personne ne semblait trop rien savoir à ce sujet et au moment même où Jérôme et moi vadrouillions dans le fenouil, avec ce sentiment de bon air, de bien-être et de proximité avec la nature, je me posais un tas de questions car nous avions au dessus de nos têtes, ces gigantesques empreintes blanchâtres comme si d’invisibles extraterrestres avaient jeté des fumigants pour mettre fin à toute vie sur Terre. Ici, « contrails » ou « chemtrails », ça me filait la trouille et peu m’importait comment les Américains appelaient ces phénomènes. A vrai dire, moi, je les aurais plutôt appelés « controuils » ou « chemtrouils » tant j’étais dans l’incertitude et tant il y en avait sur ce petit périmètre. Grâce à un panonceau indiquant parfaitement l’itinéraire vers Malabrac et Campeau, nous avons quitté la route du Col Saint-Louis mais pas vraiment l’asphalte. En effet, une petite route bitumée a tourné à droite en direction des collines entre vignes et champs fauchés. Ici, j’apercevais enfin les premières balles de foin du pays « Fenolietensis ». Le bitume a laissé la place à un sentier qui est entré dans la garrigue puis ce dernier s’est engouffré dans un petit et sombre bois de chênes verts. Quand nous en sommes sortis, nous avons attaqué presque immédiatement un rude et caillouteux dénivelé. Au dessus de nos têtes, les « contrails » se faisaient de plus en plus large et me laissaient toujours aussi perplexe car je ne voyais toujours aucun avion passer dans le ciel. Pourtant quand je me retournais, je voyais clairement de nouvelles lignes beaucoup plus minces mais jamais aucun avion. J’essayais de me convaincre en me disant que je ne les voyais pas car ils volaient bien trop haut pour cela ou bien qu’ils avaient survolés la région cette nuit ou au petit matin. Connaissant un peu le coin, je me mis soudain à penser au Pech de Bugarach qui se trouvait juste derrière la colline qui nous faisait face et à cette idée saugrenue selon laquelle aucun avion ne devait passer au dessus de lui au risque de voir tous ses instruments électroniques de bord complètement déréglés.  Je ne croyais pas à ces sornettes que l’on trouvait sur le Net ou dans des bouquins car personne n’était apte à donner une explication rationnelle et de plus, j’avais déjà vu à plusieurs reprises des avions survoler le pech alors que je randonnais dans le coin. Comme beaucoup d’autres spéculations concernant le soi-disant « mystique » Bugarach, il s’agissait d’une ineptie et j’en avais encore la preuve aujourd’hui. Enfin la preuve pas vraiment cette fois-ci car je ne voyais aucun avion ! Mais tous ces panaches blancs s’ils n’avaient pas été créés par des avions, qui les avaient dessinés dans le ciel ? Des soucoupes volantes ? Toutes ces pensées faisaient que je montais ce rude dénivelé sans trop réfléchir aux difficultés et seul, mon cœur qui tambourinait dans ma poitrine me rappelait à l’ordre et de temps à autre me réclamait une pause. Alors que je m’étais arrêté  dans cette difficile montée, un chien de chasse me dépassa sans coup férir puis quelques secondes plus tard, un chasseur est arrivé à ma hauteur. Nous avons continué à monter tout en bavardant et nous avons rejoint Jérôme qui s’était arrêté et m’avait attendu. L’homme affirmait avoir vu un isard avec ses jumelles depuis le bas de la vallée et il était parti dans l’idée de le traquer. J’étais assez étonné de cette affirmation car je ne pensais pas qu’il y avait des isards dans les Corbières mais l’homme me confirma cette présence. Contrairement à l’idée bien souvent inexacte mais préétablie du style « viandard » que je me faisais des chasseurs, celui-ci me semblait très censé, soucieux d’une bonne gestion de la faune et cette très intéressante conversation s’était prolongée assez facilement. Il nous expliquait comment et pourquoi, il y avait une raréfaction du sanglier dans les Fenouillèdes et plus particulièrement dans ce secteur de Caudiès où les tableaux de chasse se faisaient de plus en plus concis d’années en années. Cette rencontre avait mis fin à mes mauvaises pensées concernant les « contrails » et quand l’homme nous a quitté, je ne pensais plus qu’à profiter de cette belle balade. Il faut dire que nous étions arrivés quasiment au sommet de cette rocailleuse difficulté et que de magnifiques vues aériennes se faisaient jour sur Caudiès, sur le verdoyant vallon de la Boulzane, sur les nombreux pechs opposés et sur la longiligne et obscure forêt de Boucheville que nous avions arpentée hier. D’ici, on se rendait mieux compte de la distance que nous avions réellement parcourue hier mais si désormais nous étions sur l’autre versant, nous imaginions aussi et très facilement ce qui nous attendait pour atteindre Saint-Paul-de-Fenouillet : faire quasiment le même chemin mais en sens inverse cette fois-ci. J’étais très satisfait d’avoir atteint le sommet car avec un départ à froid et avec mon sac à dos presque toujours aussi lourd que les premiers jours, cette escalade avait été plutôt rude. Je soufflais comme un bœuf, mon cœur battait la chamade comme jamais et j’avais besoin d’une sérieuse pause pour lui faire retrouver un rythme à peu près normal. Après les cailloux, les pierres et les rochers que nous venions d’arpenter et de grimper, j’étais également heureux de retrouver un agréable sentier souple et herbeux. Nous avons laissé sur la gauche les ruines de Malabrac, hameau que j’avais découvert en février dernier lors d’un beau circuit au Château des Maures et au viaduc de Saint-Louis et nous avons poursuivi l’itinéraire qui a traversé une pré et quelques petits bois de feuillus. L’étroit sentier a rejoint une piste où les hauts feuillus ont peu à peu laissé la place à des bosquets essentiellement composés de grands buis et de petits chênes verts. Au moment où ces bosquets devenaient de hautes haies séparant des petits champs ou des prairies plus vastes, le Pech du Bugarach a fait son apparition, comme sorti de nulle part, Là, sous la haute silhouette blanche du mythique et mystique sommet, l’itinéraire est devenu encore plus plaisant car nous nous sommes mis à traverser de jolis herbages verdoyants encadrés de petites collines boisées. Je suppose qu’avec Jérôme nous avons eu une transmission de pensée et le même plaisir à être là dans ce cadre vert et reposant car comme un seul homme et au même instant, nous avons décidé de stopper pour prendre un petit en-cas. Pendant cette courte pause, deux randonneurs sont passés devant nous et depuis le premier jour où nous avions croisé un groupe au Col Saint-Jean et les deux espagnols criards d’Eus, nous n’en avions pas rencontré d’autres. Ils nous ont salué puis finalement ils se sont arrêtés et chacun y est allé de la description de son propre périple. Les deux hommes avaient démarré de Port-la-Nouvelle, ils marchaient depuis plusieurs jours et effectuaient le Sentier Cathare avec la ferme intention d’atteindre Foix d’ici quelques jours. Ils étaient très étonnés d’apprendre que nous effectuions le Tour des Fenouillèdes car s’ils avaient rencontré des panonceaux mentionnant ce tour, il ne le pensait pas réalisable, n’ayant jamais vu d’informations ni sur Internet ni sur aucun topo-guide. Je leur confirmais qu’ils avaient parfaitement raison mais que je m’étais chargé moi-même de tout organiser. Une fois encore, ils étaient assez surpris car pour leur « Sentier Cathare en liberté », ils disaient être « inévitablement » passés par un tour-opérateur. Je n’ai pas voulu les décevoir en leur disant qu’un tour-opérateur n’était peut-être pas nécessairement obligatoire pour randonner en France et nous en sommes restés là. Bien que depuis Malabrac la déclivité avait été évidente, elle avait été plutôt douce et voilà qu’à l’approche de la Bergerie de la Couillade, elle se faisait légèrement plus sévère mais pour quelqu’un qui sait lire une carte IGN et qui s’intéresse un peu à la toponymie, il n’y avait rien de plus normal à cela. En effet, quand on sait qu’une « couillade » est dans la toponymie pyrénéenne un col large et herbeux, mot que l’on peut rapprocher de la « collada » catalane, quoi de plus normal que l’on y grimpe.  Une fois ce col atteint, nous sommes arrivés devant les ruines d’une grande habitation et de quelques autres plus réduites, c’était la Bergerie. Ici, un petit sentier a basculé dans une vaste pelouse herbeuse où quelques vaches disséminées paissaient deci delà. Je connaissais bien ce secteur pour y être déjà venu à différentes reprises soit avec comme objectif, le Bugarach ou bien encore le Roc Paradet. Je connaissais donc très bien ce collet de la Couillade et quelques autres cols ainsi que tous ces sentiers qui circulent dans ce secteur. Sauf un je l’avoue, celui intitulé le « Chemin du Facteur » que je voyais sur des panonceaux et que je me promettais de faire un jour. Je n’étais donc pas dépaysé quand nous sommes arrivés au hameau oublié et ruiné de Campeau. Il était exactement 11h45 et nous y avons fait une longue halte presque impromptue, à la fois par curiosité mais surtout invités par nos appareils photos à mitrailler tout ce joli coin que Jérôme ne connaissais pas. Nous ne souhaitions pas vraiment y stopper plus longuement mais la beauté du lieu nous avait arrêtés avec une éclatante logique. J’ai donc proposé à Jérôme de déjeuner ici mais il n’avait pas vraiment faim et préférait clairement poursuivre le parcours. Après discussion et un coup d’œil sur la carte, nous avons décrété que le Roc Paradet qui n’était plus très loin maintenant serait notre point de chute pour le pique-nique d’aujourd’hui. Mais pour l’atteindre, nous avons mis encore trois quarts d’heures car il faut bien le dire ce tronçon commun au GR.36, au Tour des Fenouillèdes et au Sentier Cathare avec quelques variantes possibles est une véritable invitation à la flânerie. D’abord le parcours n’incite pas à une course effrénée car il est loin d’être plat et facile avec quelques pentes et bosses qui se succèdent jusqu’à la déclivité plus raide montant au Roc. Ensuite, car dans cette montée, le regard embrasse les premiers vrais panoramas très lointains de la journée et les arrêts deviennent inévitables. Il était exactement 13h30 quand nous avons atteint le sommet du Roc Paradet (900 m).  Ce dernier offrant de grandes et belles vues sur une immense partie du pays Fenouillèdes et des Corbières et bien plus loin encore de la Méditerranée jusqu’aux Pyrénées Audoises et Ariégeoises, nous y sommes restés pendant plus d’une heure à la fois pour y déjeuner mais pour nous y reposer aussi car les organismes en éprouvaient le besoin. Depuis le Paradet, nous apercevions Saint-Paul-de-Fenouillet tout en bas dans la vallée et ainsi, nous prenions conscience que la ligne d’arrivée était encore très loin. Elle était d’autant plus loin que le Relais des Corbières où j’avais réservé se trouvait complètement à l’est de Saint-Paul, sur la D.117 qui se dirigeait vers Maury. Il était donc important de recharger nos accus si l’on voulait terminer convenablement cette étape. Nous avons quitté le Roc Paradet par une piste caillouteuse qui, rectiligne,  est descendu quelques temps puis l’itinéraire a tourné à gauche en direction du Pla de Lagal. Là, une fois les ruines des bergeries éponymes atteintes, l’itinéraire est reparti immédiatement à droite montant dans une végétation de type garrigues mais où l’essentiel des arbres étaient d’abord des arbousiers et surtout des chênes verts ou kermès. Blotti sous l’un d’entre-eux et au bord du sentier, nous avons été très étonnés de trouver un mémorial sous la forme d’une petite stèle surmontée d’un croix. Celle-ci rendait hommage à un certain Moulins, instituteur à Camps (Camps-sur-l’Agly) qui était mort ici en janvier 1881. J’ai lu sur un forum Internet que cet homme serait mort de froid au cours d’une tempête de neige pour être allé chercher du secours à Saint-Paul de Fenouillet pour un enfant malade de Camps mais je ne peux pas vous garantir l’authenticité de cette histoire. Un héros en quelque sorte et qui mérite amplement cette stèle si l'histoire est vraie. Le sentier est arrivé au sommet d’un collet et il a basculé, commençant à descendre en pente douce en suivant un large plateau offrant de très belles vues sur la Serre de la Quille, sur les vallées de la Boulzane et de Maury et sur le long Synclinal de Saint-Paul. Les « contrails » ou « chemtrails » de ce matin que j’avais carrément oubliés depuis, s’étaient transformés au fil du temps en de grandes bandes laiteuses qui s’étaient plus ou moins rejointes et mélangées. Ce ciel crayeux semblait s’ajouter à la chaleur ardente et ça me donnait l’impression d’une atmosphère lourde difficilement respirable. Cette difficulté à respirer était-elle réelle ou subjective au regard de tout ce que j’avais pu lire au sujet de ces étranges « contrails » ? Je n’aurais su le dire mais en tous cas, il faisait désormais très chaud et de surcroît, j’avais, depuis le Roc Paradet, terminé mes trois litres d’eau que j’avais pourtant emportés pensant qu’il me ferait assez aisément la journée. Je commençais donc à souffrir très sérieusement d’un manque évident de liquide car de temps en temps, mes mollets se tétanisaient sous la forme de petites crampes douloureuses mais par bonheur furtives.  Heureusement, Jérôme buvait comme un chameau dans un désert et il m’offrit gentiment de son eau ce qui, ajouté à quelques raisins et quelques arbouses bien mûres mais pas vraiment juteuses, me permit de terminer convenablement cette étape.  Au passage, j’ai noté quelques panonceaux indiquant des randonnées au départ de Prugnanes. Des randonnées au nom parfois joli comme le Rêve de Sylvain ou le sentier des Grottes mais à faire impérativement avec de bonnes chaussures de randonnées avec des tiges bien hautes et des semelles bien crantées tant les sentiers sont par ici très caillouteux pour ne pas dire « tord-chevilles » à l’extrême. A cause de très nombreux éboulis, ce « tord-chevilles » n’a fait que s’accentuer mais avec la prudence qui était de mise sur de tels sentiers, nous avons fini néanmoins par arriver au Col de Lenti (382 m) sans aucune entorse. Là, Jérôme et moi, nous avons poursuivi tout droit vers Saint-Paul alors qu’en réalité le vrai itinéraire du Tour des Fenouillèdes continue sa route en direction des magnifiques gorges de Galamus et de son joli ermitage dédié à Saint-Antoine. Bien que nous connaissions ces fameuses Gorges de Galamus par cœur pour les avoir sillonner à pied, en vélo et en voiture maintes et maintes fois, nous aurions sans doute accepté ce petit détour mais le problème était que, tout comme le G.R.36 et le Sentier Cathare, l’itinéraire du Tour des Fenouillèdes monte encore vers le Pech d’Auroux situé à 940 m d’altitude et selon deux variantes possibles que j’ai eu l'occasion de décrire sur mon blog « Mes Belles Randonnées Expliquées ». Alors que le G.R.36 et le Sentier Cathare poursuivent leur route vers Peyrepertuse et sa célèbre forteresse, les deux variantes du Tour des Fenouillèdes se rejoignent au Pla de Brézou avant de redescendre sur Saint-Paul-de-Fenouillet. Or, ces collines et le Pech d’Auroux en particulier, nous les connaissions également par cœur et je ne voyais donc aucun intérêt à faire cette longue et difficile boucle qui aurait nécessité une journée supplémentaire de marche et aurait engendré des frais additionnels. Voilà les raisons pour lesquelles, j’avais fait l’impasse sur les Gorges de Galamus et ce tronçon du Tour des Fenouillèdes et pourquoi nous prenions directement ce tronçon qui va du Col de Lenti à Saint-Paul-de-Fenouillet. Nous avons vu arriver les premiers vignobles de Saint-Paul avec la satisfaction du devoir accompli mais pourtant nous n’étions pas au bout de nos peines car plusieurs kilomètres restaient encore à parcourir et cette fin d’étape était plutôt longue pour mes vieilles jambes endolories et ankylosées par le manque d’eau. Heureusement, quelques grapillonnages sont venus palier ce manque de liquide. L’arrivée a été d’autant plus difficile que le secteur est très bosselé.  Heureusement, une fois encore, j’ai été suffisamment distrait par les paysages et quelques éléments extérieurs pour ne pas trop penser à mes douleurs. Un gentil petit chien roux était sorti de son chenil et s’était mis en tête de suivre Jérôme pour lui faire des fêtes. La scène dura ainsi quelques temps avant que nous comprenions qu’il en avait surtout après un sachet de déchets alimentaires qui pendait au sac à dos. Puis, peu de temps après, en arrivant près d’un passage à niveau, ce fut le Train du Pays Cathare et des Fenouillèdes qui nous a coupé la route. Nous sommes restés plantés là quelques minutes à regarder le joli petit train rouge et échangeant quelques  « coucous » avec plusieurs passagers. Mais Saint-Paul était déjà là avec sa très jolie collégiale qu’ici tout le monde appelle Chapitre et son église du 14eme siècle dédiée à Saint-Pierre et à Saint-Paul bien évidemment. Mais une fois encore, la fatigue aidant et le parcours ne passant pas à proximité de ces monuments, nous en avons fait l’impasse. Nous avons poursuivi la D.117 échappant ainsi aux vieilles ruelles dont j’aurais préféré la découverte et nous sommes arrivés au Relais des Corbières où nous avons été chaleureusement accueillis d’abord par la patronne puis un peu plus tard par le patron qui s’afférait déjà en cuisine. Il était bientôt 18 heures et aujourd’hui, nous étions restés neuf heures trente sur les chemins du Tour des Fenouillèdes. Une fois encore, nous avons profité de la soirée pour nous reposer un peu même si l’envie me démangeait de partir visiter Saint-Paul. Mais il était déjà tard, la ville plutôt éloignée, les monuments sans doute fermés et ce que ma tête désirait mes jambes le refusaient presque catégoriquement. Je suis néanmoins sorti devant l’hôtel mais la D.117 très passagère passait à quelques mètres seulement et ça n’avait rien d’agréable et je ne m’y suis pas trop attardé. Je me suis donc contenté de regarder le ciel quelques minutes et j’étais plutôt content car il était très bleu et très dégagé au dessus de Saint-Paul. Au loin, du côté de Caudiès, les « contrails » aperçus ce matin s’étaient agglutinés les uns aux autres et formaient une nappe dense et blafarde. A l’opposé, du côté de Maury, quelques pâles traînées blanchâtres de condensation subsistaient coupant la vallée transversalement et je ne pouvais m’empêcher de penser : « Est-elle vraiment terminée cette vadrouille avec les chemtrouils ? ».

 

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Etape 5 - Saint-Paul-de Fenouillet - Trilla - 27 km

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de diverses musiques d'Ennio Morricone extraites de la bande originale du film "Mosca Addio" (Adieu Moscou de Mauro Bolognini). Dans l'ordre d'apparition, elles ont pout titre : "Mosca Addio", "Nel Manicomio", "Distacco", "Ricordo Di Mosca", "La Casa" et "In Un Interno". 

 

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TOUR-DES-FENOUILLEDES-ET.5

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5eme étape : St-Paul-de-Fenouillet -Trilla

27 km- Dénivelé 296 m – Montées cumulées 1.866 m 

Point culminant 480 m au col de Lesquerde

 

-Une « Vadrouille sans embrouille ».

 

J’avais appréhendé la proximité de la D.117, mais notre chambre ne donnant pas sur la route,  la nuit avait été douce et reposante. Hier soir, le repas au restaurant de l’hôtel, intitulé « la Garrigue », avait été succulent à tous points de vue et nous nous étions régalés avec une excellente salade catalane, de merveilleuses saucisses également catalanes et une très bonne glace spécialement concoctée par la patronne, sans doute catalane elle aussi, le tout accompagné d’un excellent rosé de pays, catalan bien sûr. Comme quoi, on peut être dans la capitale des Fenouillèdes, d’origine et de langue occitane et aimer la cuisine catalane et pour notre bonheur, c’était l’exemple parfait d’une union  « régionaliste » que nous trouvions entièrement réussie. Après cet excellent souper, nous n’avions pas traîné à table et une fois encore j’avais passé une bonne partie de la soirée à analyser l’étape du lendemain. Je l’avoue, je la redoutais beaucoup à la fois par sa distance avec encore 27 kilomètres selon mon tracé, mais aussi car je la considérais comme l’étape la plus difficile de toutes. En effet, ce n’était pas la peine d’être un sherpa,  ni d’avoir traversé l’Himalaya, pour être conscient de cela et il suffisait de regarder le profil du tracé pour en être convaincu. Cette étape avait un dénivelé plutôt modeste de 296 mètres, le point le plus bas étant l’aqueduc d’Ansignan à 184 mètres et le plus haut, le Col de Lesquerde à 480 mètres. Par contre, cette étape était la deuxième en terme de montées cumulées avec plus de 1.860 mètres après celle qui nous avait mené de Caudiès à Sournia, qui elle nous avait contraint à enchaîner plus de 1.950 mètres de déclivités. Ici le dénivelé ne signifiait rien et de véritables montagnes russes nous attendaient, des petites montagnes certes mais qui n’avaient de surcroît rien à voir avec les sentiers bosselés mais agréables et herbeux des cols de Benta Fride ou de l’Espinas ou avec les pistes forestières très « roulantes » de l’ancienne forêt royale de Boucheville. Non, ici, nous allions être essentiellement confrontés aux « caillasses » calcaires et aux lauzes schisteuses des serres du Bas-Fenouillèdes. Or, c’était aussi la dernière étape et nous allions quand même l’accomplir avec des organismes un peu éreintés par les longueurs successives des étapes précédentes. Un seul point positif tout de même dans cette longue liste d’inconvénients à laquelle il fallait ajouter la prévision d’une journée très chaude, nous n’étions pas tenu à un horaire et à un impératif d’arrivée. Notre voiture nous attendait à Trilla et nous avions toute la journée voire tout le temps qu’il faudrait pour l’atteindre. Le petit déjeuner pris sur la terrasse de la Garrigue avait été dans la continuité du repas d’hier soir, copieux, excellent et tonique. Nous avons réglé la note somme toute très correcte de 100 euros tout compris pour nos deux demi-pensions et avons pris la direction de Saint-Paul de Fenouillet sous un ciel d’une pureté extraordinaire et sous un soleil déjà bien chaud. Il était 9 heures. Ce matin, nous avions bien tentés de nous alléger au maximum en nous débarrassant de tout ce qui nous paraissait superflu du style emballages inutiles, sachets vides, morceaux de cartes IGN ne présentant plus d’intérêt, etc…, mais nos sacs à dos ne s’étaient pourtant guère allégés. Il faut dire que nous avions encore largement à manger pour la journée et même au-delà, et nous avions décidés de n’acheter que quelques fruits et un peu de pain pour confectionner des sandwichs. A Saint-Paul, la première boulangerie a été la bonne et en plus du pain, nous avons acheté pour nos proches, quelques sachets des fameux croquants de Saint-Paul. Nous avons profité de ce retour à Saint-Paul pour arpenter quelques jolies ruelles et faire le tour de l’église paroissiale. En ce qui concerne le Chapitre, nous avons fait l’impasse de sa visite car il était beaucoup trop éloigné à notre goût et surtout pas dans la direction de l’itinéraire que nous devions prendre. En effet, nous avions aperçu le balisage ce matin et nous devions reprendre la D.117 à nouveau en sens inverse et direction Maury puis la rue dite de Lesquerde à la sortie du bourg. C’est ce que nous avons fait vers 9h20 en quittant Saint-Paul puis en empruntant l’asphalte jusqu’à la déchetterie. Là, la rue est devenue piste sur quelques mètres puis un étroit sentier a pris le relais en montant immédiatement dans un maquis dominé par la longue Serre calcaire de l’Artigue del Baurien. Ici, les paysages sur la Vallée du Maury étaient très verdoyants mais c’étaient surtout les vignobles qui prédominaient formant un patchwork de formes dissemblables. De l’autre côté, de la vallée, la longue Serre de Maury étalait ses falaises bigarrées de blanc et de vert et faisait le pendant avec celle que nous étions entrain de chevaucher. Le sentier, s’est mis à grimper dans une végétation plutôt disparate où s’imposaient toujours les chênes verts. Il a commencé par grimper doucement puis ensuite plus abruptement au fur et à mesure que nous approchions du Col de Lesquerde (480 m). A 10h10, nous avons atteint ce col avec de superbes panoramas sur les deux versants de la Serre et par là même, sur une immense partie du pays Fenouillèdes. Ici, du côté de Lesquerde, les coteaux viticoles étaient moins nombreux et le vert clair des vignobles laissait la place aux verts plus sombres des forêts. Il faut dire que nous étions désormais dans le Bas-Fenouillèdes avec une succession de collines verdâtres entrecoupées parfois de minuscules vallons où se blottissaient quelques petits villages aux toitures rouges. Au loin, coiffant toutes ces petites croupes, le seigneur Canigou régnait en maître. Le hameau de Lesquerde était déjà à nos pieds, tout proche semblait-il, avec son étonnant rocher noir comme surgit des entrailles de la terre. Le rocher dominait le centre du village tel un véritable donjon naturel. Dans le lointain, on devinait Trilla dans une cassure que formait la rivière Agly mais en raison de la distance qui nous en séparait, on préférait ne pas trop y penser. Une demi-heure plus tard, nous sommes entrés dans le village de Lesquerde que nous avons trouvé très joli et propret avec sa jolie église orange et ses belles façades colorées. Ici, le Rocher vu d’en dessous, paraissait moins imposant mais plus noir et plus ferreux, mais quoi de plus normal puisqu’il s’agissait ni plus ni moins que d’un gros bloc d’hématite brune, minerai composé d’oxyde de fer. Par la rue principale, Lesquerde fut très vite traversé et nous étions déjà de l’autre côté du village en surplomb d’un petit bassin planté de quelques vignes mais où l’espace était surtout occupé par le maquis et des carrières. Nous avons poursuivi la D.19 sur quelques mètres puis le balisage jaune et rouge nous a indiqué de la quitter pour descendre en empruntant un étroit sentier qui côtoyait une carrière de gypse. Ici, le commun des mortels aurait normalement du trembler au sens figuré bien sûr car au sens propre, nous aurions vraiment tremblé pour de bon, si nous avions été là le 18 février 1996 à 1h45 GMT. En effet, peu de gens le savent mais c’est ici sous cette carrière de gypse que l’on a localisé l’épicentre du plus violent séisme que la France n’ait jamais connu. Ce jour-là, à 7 kilomètres de profondeur, battant des records, la terre avait tremblé avec une magnitude 5,6 selon le RENASS, Réseau National de Surveillance Sismologique  Etait-ce la raison pour laquelle Jérôme semblait vouloir quitter ces lieux si rapidement et s’était trompé de sentier partant à gauche en direction d’un cimetière. Non, pas vraiment car à l’époque et pas plus que moi, Jérôme n’avait connaissance de cet événement et c’est seulement la distraction ou la négligence qui le fit partir dans cette direction alors que son GPS dormait au fond de sa poche. Heureusement je veillais au grain et j’avais vu que le balisage traversait la piste pour partir à l’opposé toujours en descente. Le sentier s’est mis à filer dans le maquis, est descendu au fond d’une minuscule ravine puis soudain, il s’est mis à remonter de manière abrupte dans une zone rocailleuse et rocheuse dominant la vallée de l’Agly. Ici, une haute barrière minérale, le Serre de Cors se dressait sur notre route mais pourtant le sentier semblait vouloir y monter et s’y diriger sans dévier. Nous montions toujours vers elle sur une déclivité qui se faisait toujours plus coriace.  Une fois encore, Jérôme avait pris pas mal d’avance et quand enfin, j’ai atteint cette haute falaise, je l’ai aperçu au sommet d’un piton rocheux. Ce piton rocheux s’avançait sur la vallée et dominait l’ensemble des décors. A ce collet, nous avons fait une brève pause avec quelques fruits secs et une barre de céréales et nous sommes repartis sur une étroite sente dont les marques jaune et rouge du balisage devenait de plus en plus difficile à repérer. Ce qui devait arriver arriva. Nous avons perdu définitivement le balisage dans un dédale d’éboulis et de pierriers et de minuscules camis que formaient les petits buissons de la garrigue. Il n’y avait plus aucun itinéraire principal et toutes les sentes que nous prenions se ressemblaient. Même avec le GPS et la carte, nous n’arrivions pas à retrouver l’itinéraire du Tour des Fenouillèdes et Jérôme a finalement décrété qu’il valait mieux continuer à monter vers le sommet de la serre. Autant le dire, depuis notre départ, cette situation ne s’était jamais produite et nous étions entrain de galérer comme jamais. En tous cas, dans ces éboulis très pentus et caillouteux, moi, je ressentais le poids de mon sac à dos comme jamais depuis le début. Pendant que j’essayais de m’élever, mon sac à dos, lui, semblait vouloir redescendre et me tirait systématiquement en arrière. Cet effet s’accentuait avec les petits graviers qui roulaient sous mes godillots.  Pour trois pas en avant, j’avais le sentiment d’en faire deux autres en arrière. Sous l’effort produit, je transpirais toute l’eau de mon corps. Tout en montant, nous avons fini par retrouver quelques marques jaunes d’un très vieux balisage et ce sentier quasiment invisible finit par déboucher à un nouveau collet où une large piste démarrait. La partie la plus « méchante » semblait finie et pendant que je poussais des « oufs » de soulagement et tentais de reprendre mon souffle, Jérôme n’arrêtait pas de consulter son GPS. Il avait beau regarder et me dire que le tracé du tour n’était pas très éloigné, j’étais convaincu que nous avions loupé quelque chose. N’ayant plus d’autres choix, nous avons emprunté ce large chemin, qui par bonheur, se dirigeait vers Saint-Arnac et une route bitumée que nous apercevions en contrebas. Nous avons rapidement atterri sur cette route mais pour être honnêtes, nous ne savions plus où nous étions. Depuis le départ, c’était la première fois que l’on s’égarait.  Pourtant, quand nous avons rallumé nos GPS respectifs, ces derniers nous indiquaient très clairement que nous étions sur le tracé du Tour des Fenouillèdes mais fallait-il descendre ou remonter cette route D.77 ? Nous avons commencé à la redescendre mais nous ne trouvions toujours aucun balisage. Une fois encore, la carte IGN est venue à notre secours et un simple coup d’œil sur celle-ci et nous avons compris qu’il fallait la remonter. Très clairement, en regardant cette carte, nous avons constaté que nous avions perdu le balisage du côté de la Serre de Cors, sans trop savoir pourquoi d’ailleurs, mais heureusement ça avait été un moindre mal car cette sente que nous avions empruntée dans les éboulis, elle aussi figurait sur la carte sous la forme de petits pointillés. Il était midi passé et je l’avoue, d’avoir ramé ainsi, ça m’avait littéralement « coupé les jambes ». Il était donc temps de s’arrêter et nous avons décidé d’un commun accord de déjeuner ici, au bord même de la route car il y avait une large esplanade pour le faire. Nous y sommes restés un peu moins d’une heure puis avons remonté la D.77 où nous avons enfin retrouvé le balisage jaune et rouge du Tour du Fenouillèdes au col de Lacroux. Là, une nouvelle piste terreuse a démarré avec de très jolis vues sur Saint-Arnac et la Serre de Vergès vers laquelle l’itinéraire semblait se diriger. Sur notre gauche, par-dessus les vignes, les pales d’une éolienne étaient entrain de tourner. Dès la première bifurcation, l’asphalte a remplacé la terre de la piste et bien que ne doutions pas de la direction à suivre grâce aux tracés enregistrés dans nos GPS,  nous rencontrions enfin, un implicite panonceau indicatif de randonnée. C’était le vrai premier panonceau depuis notre départ ce matin et il nous rassurait définitivement : « Balcon du Fenouillèdes – Ansignan - 4 km - 1h10 ». Depuis ce chemin qui montait tout en douceur, les vues étaient plutôt jolies. Une fois encore, en voyant au loin sur notre gauche, la longue forêt de Boucheville, droit devant le Pech de Fraissinet avec à ses pieds le col de Tulla et sur la droite celui de Bugarach, nous pouvions très facilement appréhender les distances et surtout l’incroyable chemin parcouru depuis ces derniers jours. L’itinéraire a zigzagué  un peu, nous avons laissé sur la droite le monumental Roc de Vergès puis le chemin a entamé une descente où dans la ligne de mire apparaissait au loin la Tour de Lansac. Nous avons longé des carrières mais des carrières, nous en avions aussi en surplomb et plus loin sur notre gauche, du côté de Lansac. Ici, les paysages les plus proches étaient constitués de petits ravins et de hautes terrasses blanchâtres en forme de cicatrices inaltérables malgré une végétation qui tentait parfois de reprendre ses droits. Heureusement ces plaies faites à la nature ont disparu très vite et ont laissé la place au magnifique vallon de l’Agly. Ici, l’intitulé « Balcon du Fenouillèdes » prenait son véritable sens et nous avions une très belle vue sur le large vallon et sur son lac, dont nous ne distinguions malheureusement que quelques petites parties bleutées et encore que très rarement. Au dessus de lui, sur un vaste plateau, notre ligne d’arrivée bien qu’encore très lointaine se faisait déjà plus précise et nous distinguions désormais les habitations de Trilla. Puis au moment de quitter la piste, ce fut au tour du très beau village d’Ansignan d’apparaître dans le vallon. Peu après, le début du lac est apparu à son tour, tel un grand fleuve calme et majestueux. La descente dans cette Garrigue de Roque Rouge était bien trop longue à notre goût. Mais quand les hurlements et les vociférations de chiens enfermés dans un grand chenil se sont mis à retentir rompant le silence dans lequel nous nous dandinions depuis Saint-Arnac, nous avons pris conscience que nous en étions arrivés au bout. Nous avons traversé quelques vignes, longé des vergers et quelques champs en jachère pour parvenir à l’extraordinaire aqueduc d’Ansignan. Bien que le connaissant déjà, j’ai une fois encore été fasciné par cet édifice. Je lui trouvais quelque chose de magique et de mystérieux, de fuselé, de gracieux, de délicat mais en même temps, il dégageait une incroyable force et une robustesse évidente, tout dépendait sous quel angle on le regardait. De ce fait, je n’étais pas mécontent de voir que Jérôme avait envie de s’ y attarder plus longuement que je ne l’avais imaginé. Il n’hésita pas une seule seconde à se déchausser et à tremper ses pieds échauffés dans le courant de l’aqueduc, là où il y avait des grilles de sécurité. J’ai fait de même mais dans le petit canal faisait le lien entre l’Agly et l’aqueduc, ce qui me permettait de casser la croûte avec les pieds dans l’eau, tout en étant assis. Mon sandwich terminé, j’ai fini par le rejoindre dans le chenal de l’aqueduc. Le courant de cette eau glacée et cristalline qui coulait sur mes pieds endoloris par les kilomètres avait un effet revigorant et peut être même thérapeutique car mes orteils et mes chevilles semblaient vouloir se dégonfler. Nous sommes restés plus de trois-quarts d’heures à nous rafraîchir, à nous reposer et à nous restaurer profitant de ces instants de bonheur pour prendre de nombreuses photos. Si ce long arrêt avait un effet très bénéfique sur nos pieds et nos mollets, la thérapie s’arrêtait à la hauteur de nos genoux et le reste de nos organismes commençait sérieusement à s’épuiser, en tous cas, c’était indéniablement mon cas. Selon nos estimations, il restait au bas mot plus de 8 ou 9 kilomètres à parcourir et l’analyse que j’en avais faite hier soir m’avait convaincu que ce ne serait pas les kilomètres les plus faciles. La suite me prouva que j’avais largement raison. Dès le départ de l’aqueduc, l’itinéraire s’est mis d’abord à grimper vers le village que nous avons traversé très rapidement car la rue principale était déserte et rien à nos yeux ne présentait un intérêt suffisant pour que l’on s’y attarde or mis bien sûr ce gigantesque et impressionnant platane, Arbre de la Liberté qui avait été planté là en 1848, au bord même de la rue principale. Ah la liberté ! Lors de randonnées sur une journée, il m’était assez souvent arrivé de m’arrêter devant un monument aux morts ou bien encore de visiter de vieux cimetières et d’y retrouver de vieilles pierres tombales de jeunes soldats morts en 14/18 ou en 39/45. Dans ces lieux, on retrouvait assez souvent la phrase « morts pour la France » mais j’ai toujours pensé que l’on aurait du y rajouter systématiquement « morts pour la France et mort pour la liberté ».  A cet instant et en regardant ce grand platane, mes pensées allèrent vers ces gens-là car j’avais conscience de leur être redevable de cette liberté dont je jouissais pleinement aujourd’hui. La liberté, pour Jérôme et moi, c’était d’avoir pu faire ce que nous avions eu envie de faire, d’avoir pu le faire quand nous le voulions et à l’instant même de le faire comme nous le faisions ! Là, quand on pense à ce genre de choses, comment ne pas être reconnaissants à tous nos aïeux qui sont morts pour que nous soyons libres. Sans doute à cause de l’effort qu’il restait à faire pour parvenir à Trilla, en tournant le dos à cet arbre, mes pensées s’envolèrent, aussi fugitivement qu’elles étaient venues. L’itinéraire très bien balisé est passé devant la cave coopérative vinicole et nous a très vite entraîné hors du village pour entrer de plein pied d’abord dans une pinède puis grâce à une bonne piste dans une forêt de chênes où, sous un cagnard torride, le moindre ombrage était forcément le bienvenu. Malheureusement, la piste ombragée a très rapidement laissé la place à un petit sentier qui est entré dans une garrigue bien plus brûlante encore. Le sentier a traversé des vignes qui l’étaient tout autant et a fini par atterrir sur une nouvelle piste que nous avons quittée encore plus vite que la première. Depuis le départ de l’aqueduc, les vues et les panoramas étaient superbes sur Ansignan et sur les collines environnantes et pour cause, car l’itinéraire ne cessait jamais de grimper et nous nous étions élevés pratiquement sans arrêt. Là, à partir de cette nouvelle intersection, un sentier tout en balcon s’est mis à redescendre en direction des Albas, minuscule hameau composé de quelques habitations que nous apercevions tout en bas, au fond du vallon de la confluence des rivières Désix et Matassa. Lors de l’organisation de ce Tour des Fenouillèdes, j’avais trouvé sur Internet le téléphone d’un gîte ayant existé dans ce hameau mais malheureusement la propriétaire m’avait confirmé qu’elle avait arrêté son activité depuis plusieurs années. Pour l’existence même de ce Tour des Fenouillèdes, j’avais trouvé cela très dommageable car sur le parcours, ce gîte avait été quasiment le seul entre Saint-Paul de Fenouillet et Sournia, les autres possibilités d’hébergements étant soit trop onéreuses pour de simples randonneurs tel que nous, soit trop éloignées du tracé. Enfin, c’était désormais ainsi et personnellement, je n’avais pu organiser ce Tour, avec un certain équilibre dans la longueur des étapes, qu’en fixant un départ depuis Trilla et en décidant de camper à Eus comme nous l’avions fait le premier jour. Le sentier tout en descente s’est terminé sur la D.619, à l’entrée même des Albas. Nous sommes passés devant des habitations dont l’une d’entre-elles avait une bien étrange clôture faite de cercles métalliques sur lesquels avaient été soudés une multitude d’outillages divers et variés ainsi que de nombreux ustensiles. Cet ensemble était très artistique et je lui trouvais même un petit côté tout fou, presque « dalinien » ou du style Marcel Duchamp. En tout cas, c’était du « réutilisme » dans toute sa splendeur et les photos s’enchaînèrent elles aussi. Nous avons poursuivi la D.619 mais nous avons perdu une fois de plus le balisage du Tour du Fenouillèdes et avons été contraints d’allumer nos GPS. L’itinéraire n’était pas très loin mais malgré ça, nous ne retrouvions pas le tracé et le balisage. Heureusement et une nouvelle fois, la carte IGN était là pour prouver sa nécessité. La carte nous indiquait clairement que le sentier partait à gauche vers la rivière peu après les habitations et un virage en épingle à cheveux que formait la route mais nous avions un mal fou à penser que ça pouvait être ici tant le coin était boisé et surtout embroussaillé. Il y avait du bois et des branches un peu partout comme si la rivière avait été en crue récemment. Il y avait bien un semblant de chemin parallèle à la départementale mais nous n’arrivions pas à trouver de marques de peinture. Jérôme s’est quand même dirigé vers la rivière en s’engouffrant dans le bois et il m’a demandé de l’attendre là au bord de la route. Au bout de quelques minutes, je l’ai entendu crier et me dire qu’il avait retrouvé le balisage un peu plus haut en amont de la Désix. Car ici, c’était bien la rivière Désix que nous allions franchir, celle-là même que nous avions traversée à Sournia devant le joli petit lac de la résidence de vacances du Moulin. Il y avait peu d’eau et le passage à gué sur quelques pierres était si facile qu’une fois encore nous n’avons pas pu résister à l’appel de cette eau si claire et si fraîche qui coulait sous nos pieds. Une nouvelle fois, c’était un plaisir de déposer nos sacs, de délacer nos chaussures et de tremper nos pieds échauffés dans le courant car après tout, deux heures s’étaient déjà écoulées depuis que nous avions fait de même à l’aqueduc d’Ansignan. Les bananes achetées ce matin et les derniers fruits secs tirés de mon sac à dos ont fait les frais de ce nouvel arrêt puis nous avons repris le sentier dont le tracé et le balisage étaient peu évidents à trouver dans ce bois touffu du nom de Camounxio. De toute évidence, aucun randonneur n’était passé par là depuis très longtemps et ce sentier méritait un sérieux débroussaillage. Ce court tronçon me confirmait ce dont je me doutais un peu, à savoir que ce Tour des Fenouillèdes était peu fréquenté voire quasiment délaissé dans les coins les plus reculés comme c’était le cas ici aux Albas ou bien près de la Serre de Cors où nous nous étions égarés ce matin. A nouveau, le sentier s’est mis à grimper et en quittant ce bois de feuillus, il est devenu à nouveau plus distinct. Sur ce sentier très étroit et dans cette végétation plus rase constituée de petits chênes, de buis et de bruyères arborescentes, nous avions l’impression de marcher dans un labyrinthe tel qu’on peut en voir dans certains jardins d’agrément. Tout en bas, nous apercevions le vallon de la Désix, la D.119, les Albas où s’élevaient les  ruines de ce qui semblait être le donjon d’un vieux château en partie ruiné. Les marques de peinture jaunes et rouges se firent plus visibles et tout en montant ce bon dénivelé vers le Roc de Terre Blanco, nous étions désormais convaincus d’être dans la bonne direction. Mais nos certitudes n’ont pas fait long feu car après cette redoutable montée, nous sommes arrivés sur un plateau planté de vieilles vignes rabougries et délaissées où de nouveau, nous avons perdu le balisage. Nous avons décidé de nous séparer en deux car le vieux vignoble était entouré d’anciens murets de pierres sèches et j’ai pensé que s’il y avait des marques de peinture, elles seraient sans doute peintes sur un de ces murets. Jérôme est parti à gauche et moi à droite du champ que nous avons longé jusqu’au bout mais sans rien retrouver. Une fois encore, nous pensions avoir perdu le tracé du Tour du Fenouillèdes mais cette traversée du vieux vignoble de Terre Blanco a finalement débouché sur un large chemin qui s’est transformé en une piste carrossable. Nous avons de nouveau retrouvé le tracé et en plus, depuis ce plateau, nous embrassions de bien belles vues à 360 degrés. Sur notre gauche, nous apercevions Ansignan, la Serre de Saint-Arnac, les carrières de Lansac et au loin les Corbières. Sur notre droite, c’était les sombres « sarrats » que nous avions gravis le premier jour du côté du Col Saint-Jean. Mais parmi, tous ces paysages, il y en avait un qui nous plaisait par-dessus tout et il était droit devant nous, c’était le village de Trilla que nous apercevions, tout proche, mais malheureusement de l’autre côté d’un large ravin. Sur la carte, que j’avais eu maintes et maintes fois l’occasion de regarder, ce ravin, c’était celui dit « de l’Homme Mort ». Pour atteindre Trilla, il fallait d’abord y descendre, le longer puis le remonter sur l’autre versant. Je ne sais pas pourquoi mais je me suis mis à avoir d’étranges pensées du style : « Comment cet homme était-il mort ? » « De mort violente ? » « Au cours d’une partie de chasse ? « En ayant marché plusieurs jours comme nous le faisions nous-mêmes ? » « En arpentant et en terminant le Tour des Fenouillèdes ? » A cette dernière question, je finis par me dire que la réponse devait être clairement « NON ». Jérôme et moi étions seulement fatigués et guère plus que les jours précédents mais en tous cas l’idée que je pourrais peut-être m’affaler sur ce chemin ne m’était jamais venue à l’esprit !  Une fois encore, nous avons quitté la piste au profit d’un petit sentier qui s’enfonçait dans la garrigue. Au bout de quelques minutes, ce sentier est arrivé à une intersection de chemins que j’ai aussitôt reconnu. Je me souvenais être passer par là avec Dany quelques mois plus tôt lors de cette jolie randonnée à la Fount del Loup et ce sentier sur notre droite arrivait directement du village de Pézilla-de-Conflent. Cette intersection m’a mis du baume au cœur car je savais désormais ce qu’il me restait à parcourir pour parvenir à Trilla. Notre ligne d’arrivée n’était plus très loin et en tous cas à moins d’une demi-heure de marche. Moi qui par habitude fait toujours de grands pas, je me mis soudain à en faire de tout petits comme si je me refusais à terminer ce périple. Cette dernière montée dans le maquis menant vers Trilla, je voulais la prendre « cool » et ainsi goûter aux derniers instants de ce bonheur que mon fils m’avait offert en acceptant de venir marcher avec moi. Nous sommes arrivés à 18h12 devant la belle église de Trilla, une photo de l’horloge que j’ai prise atteste de cette heure si précise. Nous étions sur le point de rejoindre la voiture quand soudain je me suis mis à penser que nous n’avions pris que très peu de photos où nous étions ensemble, peut-être deux, voire trois ou quatre seulement, je ne savais plus. Du coup, j’ai dit à Jérôme que j’aimerais bien que nous en prenions une toute dernière, assis sur ce banc qui se trouvait devant l’église. Il n’y avait personne pour prendre la photo alors Jérôme a enclenché le retardateur de son numérique et nous avons pris cette dernière photo, assis sagement sur ce banc devant l’église comme deux petits vieillards. Deux petits vieux qui avaient tout de même parcouru en cinq jours plus de 125 kilomètres et gravi plus de 7.700 mètres de montées cumulées, le tout et par chance, sans aucun problème physique. Ce Tour des Fenouillèdes avait été pour moi, un vrai Tour du Bonheur et je savais déjà qu’il resterait pour toujours gravé ainsi dans ma mémoire.

Il s’était déroulé si magnifiquement que j’aurais pu l’appeler une « Vadrouille sans embrouille » mais non, tout compte fait, mon idée initiale était bien plus jolie et bien plus poétique et dans ma tête, c’était déjà décidé, le récit de ce magnifique tour, je l’intitulerais « Vadrouille dans le fenouil ! » 

 

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