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Vadrouille dans le fenouil - Histoire-Géographie-Préambule

Publié le par gibirando

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TOUR-FENOUILLEDES-IGN
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En vadrouille dans le fenouil

ou

le Tour des Fenouillèdes en cinq jours

dans les pas de mon fils

Lien vers étape 1 

Les Fenouillèdes que l’on écrit plus rarement le Fenouillèdes et incorrectement le Fenouillède au singulier mais que vous trouverez parfois écrit dans certains textes ou même sur des panneaux indicatifs en occitan Fenolheda ou Fenolhedés ou bien encore en catalan Fenolleda ou Fenolledès tirerait son nom du mot romain « Fenolietensis » signifiant « foin ».

Alors, si j’en crois les historiens, ce n’est pas en « Vadrouille dans le fenouil » mais en « Vadrouille dans le foin » que j’aurais du intituler le récit de ces cinq jours de randonnée pédestre au cours desquels, avec mon fils Jérôme, nous avons réalisé le tour de ce joli pays. Bon, s’il faut reconnaître que pour la rime c’est sans doute mieux ainsi, sur le terrain, il n’y a pas photo non plus quand à l’importance du fenouil sauvage par rapport aux champs de foin. En effet, en dessous d’une certaine altitude, il y a, en bordure des sentiers et dans la garrigue, du fenouil sauvage un peu partout alors que les balles de foins, elles, sont plutôt discrètes dans cette région presque essentiellement viticole. En effet, des champs de foin, je n’en ai vraiment aperçu qu’au dessus de Sournia, du côté des bien nommés Prats-de-Sournia (prés de Sournia), autour de Caudiès et enfin au pied du Bugarach où certains petits prés voués à l’élevage semblent faire l’objet de fenaisons régulières mais tellement insignifiantes que j’ai du mal à comprendre que l’on y consacre un patronyme à une région toute entière. Alors s’il est vrai que quelques siècles se sont écoulés depuis l’origine de cette dénomination, j’avoue que cette explication historique de désigner les Fenouillèdes en «Pagus Fenolietensis» à savoir le «Pays des Foins»  ne m’inspirait pas vraiment. En effet quel rapport pouvait-il bien y avoir entre le mot « foin » alors que très clairement le nom « Fenouillèdes » contenait le préfixe « fenouil » ? Alors, j’ai cherché à comprendre et en enquêtant sur le sujet, j’ai fini par apprendre que les Romains appelaient le fenouil du mot «foeniculum» dont la traduction me convenait à merveilles puisque elle ne signifiait pas moins que « petit foin ». Les diminutifs latins « fenum » ou « foenum » signifiant plus simplement le « foin ». Alors très clairement le Fenouillèdes devenait de toute évidence le « Pays du Petit Foin » c'est-à-dire le « Pays du Fenouil » !  La boucle était donc bouclée et pour clore d’ailleurs ce qui n’a jamais été une querelle entre « foin » et « fenouil », j’ai fini par apprendre que dans certaines régions, on donne encore au fenouil ce nom de « petit foin ». Enfin qu’elle ne fut pas ma surprise d’apprendre que les Grecs, eux, avaient baptisé le fenouil  du mot « marathon » comme la célèbre cité où s’était déroulée en 490 avant J.C, la glorieuse bataille entre Athéniens et Perses. Alors c’est vrai, j’aurais pu faire un incroyable pléonasme en intitulant mon récit de ce Tour des Fenouillèdes, « Marathon dans le fenouil ». Mais heureusement et même si les étapes ont toutes été très longues ; plus de 20 km tous les jours ; aucune n’a jamais atteint les 42,195 kilomètres qui séparaient Marathon d’Athènes. Et puis, je dois le reconnaître, j’aime bien ce titre de « Vadrouille dans le Fenouil » bien plus poétique avec sa jolie petite rime en « ouille » qui correspond bien mieux à la longue errance que nous avons connu Jérôme et moi au cours de ces cinq jours. Une longue flânerie, qui certains soir, se finissait en « petites souffrances » du style « ouille mes mollets ! », « ouille mes doigts de pieds ! » Gros point positif de mes recherches sur l’origine des Fenouillèdes, elles m’ont permis d’en apprendre encore bien plus sur l’histoire et la géographie de cette bien agréable région :

 

Résumé de l’Histoire du pays Fenouillèdes : 

 

Bien avant que Le « Pagus Fenolietensis » romain devienne le « Pays des Foins », le territoire est occupé dès la préhistoire comme le prouve les nombreuses découvertes archéologiques et notamment celle de la Cauna de Bélesta où une tombe collective d’une trentaine de personnes datant de -4500 avant JC a été mise à jour en 1983. Il y a également de nombreux dolmens ayant sans doute servis de sépultures notamment à Felluns, Ansignan, Trilla, Campoussy et Bélesta.  On pourrait également évoquer le célèbre « Homme de Tautavel » mais bien que très proche, ce bourg n’est pas vraiment considéré comme étant situé dans les limites du pays Fenouillèdes. On saute quelques siècles pour constater de la présence des Romains dès l’an 120 avant JC. Lors de notre dernière étape, cette présence romaine, on a eu l’occasion de l’observer au plus près avec le superbe aqueduc d’Ansignan dont la solidité exceptionnelle et l’état de conservation exemplaire lui permettent de fonctionner encore plusieurs siècles après son édification. Le début de l’ère chrétienne voit la venue et l’installation d’autres peuplades et ethnies (Sordes, Volques, Ceratanis, Ibères, Suèves, etc….) Plus tard, au Veme siècle, les Wisigoths envahissent la région. Il faut dire que leur royaume s’étend jusqu’à la toute proche Septimanie. Puis ce sont les Arabes qui envahissent à leur tour la contrée mais Pépin le Bref se charge de les repousser à la Bataille de Narbonne en 759. Les Francs et Charlemagne occupent le territoire et autorisent la construction d'édifices religieux comme le magnifique Chapitre de Saint-Paul de Fenouillet ou bien militaires comme  la tour de Lansac ou celle de Trémoine dont les origines seraient dit-on également carolingiennes. En 842, sous Charles le Chauve, la Septimanie est divisée en deux pays distincts qui laissent les Fenouillèdes dans une entité intitulée la « Marche d’Espagne ». Au Xeme siècle, le premier vicomte s’installe au château de Fenouillet. Les Cathares, initialement concentrés dans les Comtés de Toulouse, Albi, Béziers et Carcassonne, après la Croisade contre les Albigeois de 1208, trouvent refuge dans les Fenouillèdes, pourchassés qu’ils sont par l’Etat français. Quelques vestiges comme les châteaux de Quéribus ou de Peyrepertuse ont été les témoins de ce passé tumultueux et tourmenté où les « Bons Hommes » avaient trouvé dans les Fenouillèdes et leurs proches alentours une terre d’asile accueillante. Prenant partie pour les cathares, le Vicomte de Fenouillèdes, lui est contraint de quitter Fenouillet pour s’exiler dans le Roussillon voisin. Ses héritiers ne retrouveront plus jamais les terres de leurs ancêtres. Bien que faisant partie intégrante de l’Occitanie, le pays Fenouillèdes, de par sa position géographique frontalière, a une longue histoire étroitement et intimement liée à celle de ses voisins catalans et espagnols. Avec le Traité de Corbeil de 1258 signé entre les rois de France et d’Aragon, les Fenouillèdes sont réintégrés au royaume de France. Du côté de Bélesta, Montalba-le-Château et Latour-de-France, quelques bornes-frontière encore debout sont le témoignage de cette délimitation entre Roussillon aragonais et Fenouillèdes français. Il faudra attendre le Traité des Pyrénées de 1659 signé entre les rois Louis XIV et Philippe IV d’Espagne pour qu’avec l’annexion de nombreux territoires tel le Roussillon, le Conflent, le Vallespir, le Capcir et une petite partie est du comté de Cerdagne, pour ne citer que les plus proches, la frontière recule encore un peu et s’installe dans ses limites actuelles. Mais il faudra attendre encore presque un siècle de plus et le Traité de Bayonne de 1856, pour que la véritable frontière terrestre soit définitivement symbolisée avec l’installation de 602 bornes sur la chaîne pyrénéenne. En 1790, avec la création des départements français, une immense partie du pays Fenouillèdes est intégrée aux Pyrénées-Orientales. Toutefois sa partie historique la plus haute en altitude correspondant grosso modo aux vallées de la Boulzane et d’Escouloubre est attribuée au département de l’Aude. Aujourd’hui, c’est toujours cette configuration-là qui prédomine. Mais pour mieux comprendre, ce découpage, il est sans doute nécessaire de parler un peu de la géographie de cette région très contrastée.

 

Géographie des Fenouillèdes :

 

Comme de nombreuses régions naturelles, les Fenouillèdes sont bornées par des repères plutôt vagues dont on peut néanmoins délimiter quelques contours grossiers : Au nord, la limite est représentée par les Corbières servant de frontière avec l’Aude. A l’est, c’est le Roussillon et le Ribéral. Au sud, c’est la région du Conflent où s’étire la Vallée de la Têt. A l’ouest, c’est le piémont des Pyrénées Audoises jusqu’au Défilé de Pierre-Lys où s’écoule le fleuve Aude qui délimite la région. Mais bien plus que des bornes naturelles, c’est la langue occitane qui délimite le pays Fenouillèdes, ce qui vous l’aurez bien compris n’a pas été sans poser de nombreux problèmes depuis son rattachement au département des Pyrénées-Orientales dont toutes les autres régions sont de langue exclusivement catalane. En effet, divisée grossièrement en trois cantons (Saint-Paul, Sournia et Latour-de-France), la région administrative du Fenouillèdes est encore très fière d’appartenir à l’Occitanie et sur les 33 communes qu’elle comporte, 28 sont de langue occitane et 5 seulement sont de langue catalane (Arboussols, Calce, Estagel, Montner et Tarerach). Avec ses 2000 habitants, Saint-Paul-de-Fenouillet est considéré depuis très longtemps comme la capitale régionale. En Fenouillèdes et au dernier recensement, la population dépassait péniblement les 10.000 habitants et ce chiffre ne représentait que 2,4% de la population totale du département. Cette différence entre Occitanie et Catalogne est encore visible de nos jours et il faut bien le dire, peu considéré, le pays Fenouillèdes reste le « parent pauvre » du département des Pyrénées-Orientales. Mais quand je dis « pauvre », on peut le traduire en désœuvré à cause d’une densité et d’une évolution de la population très faible pour un taux de chômage un peu supérieur aux autres régions du département, mais il ne faut pas l’entendre comme dépourvue de toutes richesses car les Fenouillèdes disposent de vignobles exceptionnels et de quelques industries minières, feldspath, calcaire et gypse notamment. Dans un passé pas très lointain, les mines et carrières étaient plus nombreuses car on y exploitait aussi du fer, du sable et du kaolin et quelques autres minerais un peu plus rares. L’avenir économique est à construire avec peut-être des opportunités dans l’agriculture et les filières du bois. Quand à l’activité touristique, elle est insuffisamment mise en valeur pour l’instant et pourrait être porteuse d’espoirs dans un futur pas si lointain que ça pour peu que les politiques veuillent s’en donner la peine. Il suffit de parcourir le pays à pied pour prendre conscience de toutes les merveilles que cette région recèle. Les Fenouillèdes sont une succession de collines essentiellement calcaires plus ou moins hautes, veinées en tous sens d’une multitude de petites ravines et de quelques vallées plus ou moins larges. Au fond de tous ces ravins, petits et grands, s’écoulent une multitude de rus,  ruisseaux, torrents, rivières, correcs ou recs comme on les appelle ici. Souvent, il faut des pluies torrentielles pour que l’eau s’y écoule et c’est donc au fond des vallées les plus importantes que quelques rivières coulent vraiment en toutes saisons. Ces principales rivières ont pour noms Boulzane, Desix, Matassa, Maury et Verdouble mais toutes ont un confluent commun qui s’appelle l’Agly. Long de 60 kilomètres et seul fleuve régional, l’Agly a indubitablement façonné une grande partie des Fenouillèdes et laisse encore son empreinte bien après ce pays jusqu’au terme de son parcours. Depuis sa source au pied du Pech de Bugarach, l’Agly s’engouffre dans les fabuleuses Gorges de Galamus et retrouve la Boulzane dans la vallée constitué par les Corbières d’un côté et le long synclinal de Saint-Paul-de-Fenouillet de l’autre. Le fleuve fracture cette barre rocheuse longue de 30 kilomètres et poursuit sa route dans les Gorges de la Clue de la Fou où ses eaux plutôt froides se mélangent aux eaux minérales sulfurées calciques de la source d’eau chaude à 27° de la Font Cauda, autrefois exploitée par des établissements thermaux.  Puis plus placidement, elle se dirige vers Ansignan, passe au pied du village sous et sur l’étonnant aqueduc romain grâce à un ancestral et ingénieux système de déviation de son lit, pour se déverser dans la majestueuse retenue formée par le barrage de Caramany. L’Agly franchit encore quelques jolis villages du pays Fenouillèdes tels Latour-de-France et Estagel, atteint le Roussillon à Cases-de-Pène, traverse Espira-de-l’Agly puis Rivesaltes et rejoint enfin la Méditerranée où la rivière se jette entre les plages de Torreilles et du Barcarès. Enfin, pour finir ce chapitre consacré à la géographie, la région est séparée en deux parties distinctes : le Haut-Fenouillèdes à l’ouest, principal domaine des superbes forêts domaniales et communales où l’altitude culmine à 1.310 mètres au Sarrat Naout près de Rabouillet au sein de la grandiose et ancienne forêt royale de Boucheville et le Bas-Fenouillèdes à l’est où prédomine la vigne qui pousse au fond des vallons et sur les coteaux de schistes de quelques petites collines hautes de 800 mètres au maximum. Ici, ces collines, on les appelle « serres » ou « sarrats ».

 

Enfin et pour être complet, le climat du pays Fenouillèdes est de type essentiellement méditerranéen même si par endroits, la proximité des Pyrénées et l’éloignement par rapport à la mer créent des microclimats de type montagnards. Il est donc normal d’y trouver le plus souvent une flore typiquement méditerranéenne constituée pour l’essentiel de maquis et de garrigues où la végétation est plutôt rase et où les arbustes les plus communs sont le chêne vert, le chêne liège et le pin, ou bien des épineux comme les ronciers et les églantiers ou bien encore des ligneux comme les cistes, les buis, les buplèvres ou les bruyères arborescentes. Dans cette garrigue, le Fenouil sauvage pousse assez spontanément mais est néanmoins très présent à certains endroits. Au sein de cette végétation, vit une faune sauvage, elle aussi typique du pourtour méditerranéen avec l’emblématique sanglier dont les populations peuvent être excessivement nombreuses par endroits. Enfin, dans les profondes et sombres forêts d’altitude, on retrouve la plupart des conifères et feuillus européens. Elles sont le domaine de nombreux renards, mustélidés (blaireaux, fouines, furets, etc…) et surtout cervidés, chevreuils ou cerfs essentiellement et parfois même l’isard. Selon certains témoignages, d’autres mammifères y auraient été incidemment aperçus ou repérés comme le chat sauvage, le loup, le lynx et l’ours par exemple mais ces passages ne sont sans doute que sporadiques et jamais définitifs.

 

 

Préambule :

 

Comme pour mon Tour du Coronat de 2007 et mon Tour du Vallespir de 2009, tous deux effectués en solitaire, l’idée d’accomplir ce Tour des Fenouillèdes m’est venue au cours des diverses randonnées d’un jour que j’accomplissais dans le secteur et chaque fois, que je tombais sur un panonceau « Tour des Fenouillèdes », la curiosité de découvrir cette région dans son intégralité me titillait et je me disais « un jour, ce serait bien que tu puisses le faire ».

  

Alors, c’est vrai cette idée trottait souvent dans ma tête et ce tour pédestre était inscrit sur mes tablettes depuis quelques temps déjà mais quand il fallut réellement le concrétiser, il faut le reconnaître, l’organiser ne fut pas chose facile tant ce pays des Fenouillèdes est incontestablement la région oubliée du département des Pyrénées-Orientales. Mais peu importe les difficultés et il était hors de question pour moi que je ne l’accomplisse pas. Cette volonté s’amplifia encore un peu plus quand mon fils Jérôme m’indiqua qu’il envisageait de le faire avec moi. Le Fenouillèdes, terre occitane oubliée ou ignorée des catalans depuis le traité des Pyrénées de 1659, il suffit pour s’en convaincre, de compulser "Pyrénées-Orientales - L’Encyclopédie Illustrée du Pays Catalan" où seulement deux pages sont consacrées à cette belle région sur les 302 pages que comporte ce gros ouvrage. Sans doute que ce désintéressement est également lié à une densité de population moindre que celle des autres régions du département. Pour se convaincre de cette indifférence et de cette ignorance quasi générale, il suffit de vouloir parcourir ce tour, pourtant parfaitement balisé par les comités associatifs pédestres, pour constater qu’aucun topo-guide n’a encore été édité ni par la Fédération Française de Randonnée Pédestre ni par aucun autre éditeur. Quand à l’organisation, si dans les communes les plus importantes que sont Saint-Paul-de-Fenouillet, Caudiès-de-Fenouillèdes et Sournia, on y trouve assez aisément le gîte et le couvert, il y a, en terme d’hébergement quasiment un grand vide dans la partie orientale du tracé sur une immense portion qui va de Saint-Paul à Sournia, c'est-à-dire depuis Lesquerde à Eus (*)  en passant par Ansignan, Trilla, Tarerach, Marcevol et Arboussols. C’est d’ailleurs, je pense, la raison essentielle pour laquelle ce tour n’a pas encore été édité et reste peu fréquenté et que nous-mêmes avons été contraints de camper lors de la première étape qui nous a amenée de Trilla à Eus (1). C’est d’ailleurs la principale raison qui m’a incité à démarrer de Trilla, après avoir retourner le problème dans tous les sens. J’ai d’autant plus du mal à comprendre ce désintéressement pour les Fenouillèdes et cette désaffection pour ce magnifique tour pédestre que cette région regorge de richesses naturelles, architecturales et patrimoniales exceptionnelles. Pour n’évoquer que les sites rencontrés ou aperçus les plus remarquables sur l’itinéraire et sans parler des remarquables vignobles que l’on côtoie au fil du parcours, Rivesaltes et Maury  en tête, pour ne citer que les plus connus qui y sont récoltés, il y a le superbe Prieuré de Marcevol, la localité d’Eus (*), élu plus beau village de France, de nombreux hameaux oubliés dont ceux de Comes, de Malabrac et de Campeau par exemple, ces étonnants amas granitiques naturels de la longue Serre de Sournia, les admirables forêts communales et domaniales du Fenouillèdes, de Boucheville et du Moyen-Agly, les merveilleuses gorges de Saint-Jaume, les belles vallées de la Désix, de la Boulzane et de l’Agly pour ne parler que des principales rivières, les ruines d’innombrables mas pastoraux et de nombreux châteaux dont ceux de Fenouillet, l’admirable église Notre-Dame de Laval à Caudiès, les étonnantes échines géologiques calcaires que sont le synclinal de Saint-Paul s’étirant sur plus de 30 kilomètres et les Corbières avec ses pechs et notamment celui monumental et mystique de Bugarach, le surprenant chapitre de Saint-Paul avec son insolite clocher heptagonal et enfin peut-être le plus merveilleux et emblématique joyau architectural de la région avec le splendide pont-aqueduc romain d’Ansignan dans un état de conservation exceptionnel et encore en état de fonctionnement malgré son grand âge de plus de 17 siècles. Voilà quelques unes des principales merveilles que vous pourrez découvrir ou voir si vous êtes amené un jour à réaliser ce tour pédestre dans son intégralité. Enfin, dès que l’on s’élève un peu, on est frappé par cette mosaïque de paysages et ce patchwork de couleurs et ça où que l’on se trouve, c’est dire si la diversité est une des caractéristiques principales du pays Fenouillèdes. Si dans cette longue liste,  j’ai volontairement omis les superbes Gorges de Galamus et son ermitage Saint-Antoine, c’est parce que nous-mêmes en avons fait l’impasse mais rassurez-vous, elles font bien partie de ce tour et rien ne s’opposera à leur découverte lors d’une étape supplémentaire au départ de Saint-Paul-de-Fenouillet. On peut également regretter dans le tracé actuel de ce tour, cette ignorance la plus totale pour des  villages tels que Maury, Rasiguères, Lansac, Latour-de-France, Bélesta ou bien encore Caramany. Un allongement de deux à trois jours passant par ces villages et effectuant le tour du lac de Caramany par exemple aurait été judicieux et agréable. Mais les Fenouillèdes, ce ne sont pas seulement des gros bourgs, des monuments et des paysages, ce sont aussi des hommes qui ont su façonner un pays très tourmenté fait d’une succession de collines et de multiples ravins, des hommes qui ont réussi à élever de charmants villages et hameaux dans les coins les plus reculés, des hommes qui malgré les occupations et les invasions successives (romains, wisigoths, musulmans, francs, aragonais, espagnols, etc.…) et un passé parfois tumultueux comme les guerres entre cathares et catholiques sont restés accueillants et ont réussi à en faire un pays où il fait bon vivre. Même si en raison d’une mauvaise météo, les deux premiers jours et surtout le premier n’ont pas été très propices à une flânerie pédestre, ce bien-être, nous avons eu l’occasion de le goûter. Alors, je ne sais pas ce que Jérôme en pense mais pour moi, ce périple de plus de 125 kilomètres, restera très longtemps un Tour du Bonheur. Alors, laissez-moi le plaisir de vous conter ce bonheur de partir « vadrouiller dans le fenouil » et dans les pas de mon fils car comme vous le verrez sur mes photos, j’ai très souvent marché derrière lui. Et bien oui, même en randonnée, la jeunesse reste un privilège non négligeable !

(*) Bien que situé dans la région du Conflent, le village d’Eus figure bien sur le tracé du Tour du Fenouillèdes. Il est classé parmi les plus beaux villages de France et est considéré comme celui ayant un taux d’ensoleillement parmi les plus élevés de l’hexagone. 

Lien vers étape 1 

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Etape 1 - Trilla - Eus - 25 km

Publié le par gibirando

Ce diaporama est agrémenté de 2 musiques composées par Ennio Morricone. Elles ont pour titre "Man With A Harmonica" par Ennio Morricone et son orchestre (Il était une fois dans l'ouest) et "My Name Is Nobody" (Mon nom est personne) joué par Gareth Williams (claviers) The Crouch End Festival Chorus et Ennio Morricone.

Lien vers préambule 

Lien vers étape 2 

 TOUR-DES-FENOUILLEDES-ET.1

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1ere étape : Trilla – Eus

25 km - Dénivelé 363 m – Montées cumulées 1.355 m  

Point culminant 742 m au Col Saint-Jean.

 

– Une « Vadrouille dans la grisouille ».

 

8 heures, nous avons quitté Saint-Estève direction Trilla sous un ciel très bas et incertain et même s’il ne pleut pas, j’ai une colère noire contre Météo France. En effet, il y a 5 jours,  quand j’ai choisi ce dimanche 18 septembre 2011 comme jour de notre départ, le site Internet de Météo France annonçait 5 jours de grand beau temps et c’est sur cette prévision météorologique très favorable que j’ai tout organisé et que j’ai réservé les différents hébergements. Aussi, quelque soit le temps qu’il fait ou qu’il va faire dans les jours suivants, nous ne pouvons plus reculer. 9 heures, je gare la voiture sur le parking qui jouxte l’originale église de Trilla. Pourquoi choisir Trilla comme lieu de départ, vous demanderez-vous ? Pour équilibrer les cinq étapes dont les distances vont osciller entre 21 et 27 km mais surtout parce que je n’ai trouvé aucun hébergement à un tarif raisonnable sur cette partie du tracé du Tour des Fenouillèdes. Alors pour ce premier soir, le camping sauvage est au programme et nos épaules vont très rapidement se rendre compte de cet inconvénient d’être obligés de dormir à la belle étoile. Enfin, « belle étoile », c’est un espoir mais pour l’heure, ce n’est pas vraiment l’expression la plus juste au moment où nous nous apprêtons à démarrer. Ici à Trilla, le ciel est également très orageux mais Jérôme et moi préférons l‘ignorer. Réfléchir à cette météo très défavorable ne résout en rien le problème alors nous n’hésitons pas à nous préparer puis à harnacher nos deux gros sacs à dos de 20 kilos chacun. Il faut dire que sur cette longue étape de 25 kilomètres qui va nous mener à Eus, le fait de n’avoir trouvé aucun hébergement, nous oblige à nous trimbaler la tente, un tapis de sol et un sac de couchage en sus de la charge habituelle et nécessaire. Demain matin, Dany viendra à Eus nous alléger de ce fardeau devenu superflu et dont nous n’aurons plus besoin pour les quatre autres étapes. Je connais un peu Trilla, situé à 412 mètres d’altitude au cœur du Bas-Fenouillèdes, pour y être d’abord passé lors d’une randonnée qui s’intitule « Le Balcon de la Pêche » puis j’y suis revenu en juin pour une autre balade qui nous avait amené au magnifique hameau de Pézilla-de-Conflent par la Foun del Loup ou Fontaine du Loup. Aujourd’hui, même si j’ai envie d’aller voir la table d’orientation qui domine Trilla, dernier seul endroit que je ne connais pas du village, nous n’avons pas vraiment le temps de nous y attarder, de plus le temps peu propice n’incite pas à retarder un départ qui est identique à celui qui mène à la Foun del Loup. Alors, une ou deux photos de la jolie église dédiée à la Vierge dont on ne peut ignorer l’étonnante façade marquetée d’infimes fragments de tuiles et il est 9h15 quand on emprunte la ruelle qui va nous amener jusqu’au tracé du Tour des Fenouillèdes.  Le balisage jaune et rouge est là, près de la petite décharge du hameau. Encore quelques photos souvenirs du départ et des paysages alentours et nous voilà partis en direction du Sarrat de l’Albèze et de son Col Saint-Jean qui avec ses 740 mètres d’altitude va être le point culminant de cette étape. Un large chemin caillouteux monte sans cesse d’abord en suivant des vignobles puis dans une végétation de type garrigue méditerranéenne. Cette basse végétation laisse peu à peu la place à quelques arbres d’abord clairsemés puis l’itinéraire rentre carrément dans un bois de chênes verts. Là, on quitte le large chemin pour emprunter une petite sente dont la déclivité s’accentue encore et rejoint plus haut une piste terreuse. Ici, petit cafouillage dans l’itinéraire à suivre mais grâce à son GPS et au tracé qui y est enregistré, Jérôme retrouve rapidement le balisage jaune sur une large piste. Il est 10h20 quand on bascule au col Saint-Jean où en raison d’une couche nuageuse très basse aucun panorama n’est visible. Ici au col, seuls de grands bouquets d’Hysopes (Hyssopus officinalis) aux épis d’un bleu violacé donnent une touche de couleur à cette morne grisaille. Je peste toujours après ce mauvais temps car je supporte difficilement de marcher sans profiter d’aucun panorama. Dans la descente vers le col des Auzines, on croise un groupe de randonneurs. Ils sont tous enveloppés dans leurs ponchos tel si l’hiver était à son comble alors que nous ne sommes qu’à la mi-septembre. Heureusement et de temps à autre, le firmament se fait moins opaque et sur ce petit sentier tout en balcon, enfin quelques vues apparaissent sur un joli vallon planté d’oliviers. Après le lieu-dit la Trufère, la descente se termine et le sentier retrouve une route carrossable bitumée qui débouche sur la départementale 2 au col des Auzines (606 m). Ici, malgré un ciel tourmenté mais d’un gris bleu magnifique, les vues se dévoilent vers Trévillach tout proche mais aussi beaucoup plus loin vers la Plaine du Roussillon, les Albères et la Méditerranée que l’on voit scintiller à l’horizon. Au col, on emprunte la D.13 sur 600 mètres environ que l’on quitte sur la gauche en direction de Trévillach que l’on surplombe joliment sans jamais l’atteindre. Là, je sors mon bout de carte de ma poche contenant mon tracé GPS pour constater qu’effectivement l’itinéraire fait un angle de 90° et tourne en direction de quelques lieux qui ont pour noms la Sarrat de l’Ours, les Moles et les Festarones. Un petit ballon de baudruche jaune accroché à un amandier nous amuse un peu et je fixe ces quelques instants de bonheur dans mon numérique. Puis en approchant du village de Tarerach, ce sont quelques grains de muscat bien mûrs que l’on grappille deci delà au gré des vignes qui se présentent sur notre parcours. Un peu plus loin, ce sont d’autres grains bien plus rouges que l’on croque, ceux d’un étonnant pied de tomates cerise que l’on trouve au bord du sentier. Ici, nous sommes tout en bas d’une cuvette ou d’un cirque formé par des petites collines arrondies qui ceinturent le paysage vers le nord, l’ouest et le sud. Ici, ces  collines, on les appelle des « sarrats ». En filant vers Tarérach, c'est-à-dire vers le sud-ouest, je comprends qu’il nous faudra inévitablement franchir une de ces crêtes mais quand on arrive au village, il est midi et donc l’heure du déjeuner. Cela tombe d’autant mieux que si nous avons marché par moment sous une légère bruine qui ne mouillait même pas nos vêtements, cette fois quelques gouttes de pluie sont de la partie à l’instant même où la place du vieux village nous accueille. Heureusement, un salutaire préau est là et il va de manière très opportune nous permettre de déjeuner au sec et de nous reposer un peu. Sans être vraiment éprouvante, cette demi étape avec le « bon » dénivelé du Col Saint-Jean et les 11 kilomètres déjà accomplis, a bougrement ouvert nos estomacs. De ce fait, nos salades, nos escalopes panées et nos gâteaux de riz sont engloutis d’un bel appétit. Avec beaucoup de chance, la pluie cesse rapidement aussi préférons-nous ne pas nous éterniser sous ce préau et une demi-heure plus tard, nous repartons direction Marcevol puis Arboussols comme l’indiquent clairement quelques panonceaux à la sortie de village. Là, sur ce chemin dans la continuité de la rue des Lauriers, je complète mon dessert en chipant quelques belles figues bien noires et bien mûres qui s’échappent d’un jardin potager. Comme prévu, la déclivité se fait soudain plus rude et comme j’ai profité de notre arrêt pour analyser un peu la carte IGN, je sais que le dénivelé est de 125 mètres environ sur une distance d’un kilomètre et demi pour rejoindre un collet entouré de deux rocs aux noms étranges : sur la droite, le Roc del Cucut (808 m) et sur la gauche, nettement plus visible, le Roc del Moro (775 m). Si je sais traduire immédiatement ce dernier roc en « Rocher du Maure », ce n’est qu’en écrivant ce récit que j’apprendrais la signification de mot « cucut » qui veut dire « coucou » en catalan. Alors autant le reconnaître, avec mon sac à dos bien trop lourd à mon goût, et si je veux faire référence au cinéma, cette ascension ne fut pas pour moi un simple « vol au dessus d’un nid de coucou » mais plutôt « le boulet » tant la pente fut raide à escalader après le déjeuner. Jérôme, lui, arrive bien avant moi en haut du petit col et comme souvent il m’attend avant d’amorcer la douce et agréable descente vers Marcevol. En arrivant à mon tour, je suis agréablement surpris de constater que les panoramas sont moins bouchés qu’ils ne l’ont été au col Saint-Jean. Vers le nord, les sarrats que l’on avait gravis ce matin semblent désormais très dégagés. Vers l’est, on distingue au loin sinon la mer au moins l’étang de Salses et vers le sud, la vallée de la Têt apparaît très verdoyante. En amorçant la descente, on distingue sur la droite, les toitures rouges d’Arboussols, village vers lequel on doit se diriger. Tous ces décors dégagés sont pleins de promesses mais on ne s’emballe pas pour autant car le Massif du Canigou fait tout de même « grise mine », amputé aux trois-quarts qu’il est par un ciel de pluie gris-blanc très menaçant. Au bout d’une agréable descente débouchant sur un chemin creux bordé de pierres sèches, le joli village de Marcevol arrive bien plus vite que je ne l’aurais imaginé. Ici, le mot « Fenouillèdes » n’est pas usurpé tant il y a un peu partout du fenouil fleuri. Certains champs bordant le chemin en sont carrément envahis et les hautes branches aux belles ombelles jaunes ont tendance à se coucher sous l’effet d’une petite brise humide. Dans le village, un chat très malingre m’arrête dans ma lancée et je lui offre un morceau d’escalope panée qui, enroulé dans un papier d’alu, dort au fond de ma poche. Le chemin creux continue vers le superbe prieuré que personnellement j’ai déjà visité. On s’arrête quelques instants devant la magnifique façade du prieuré avec sa fenêtre romane longue et étroite et son porche entouré de marbre rose. Je m’attends à ce que Jérôme veuille découvrir l’intérieur de l’église mais il ne semble pas disposé à y entrer. Sans doute, estime-t-il que la journée s’étire et surtout que le ciel se faisant de plus en plus sombre et menaçant, ce n’est pas le moment de flâner. Nous prenons plusieurs photos de l’édifice puis nous cherchons quelques instants la suite du parcours car nous ne pensons pas que l’itinéraire puisse emprunter le bitume de la petite route qui arrive au hameau. Après cette courte hésitation et quelques mètres sur l’asphalte de la petite D.35c, nous descendons très rapidement dans un étroit ravin avant de remonter aussi sèchement sur un bon dénivelé qui grimpe vers Arboussols. Le village, que je connais aussi, est vite traversé. La lassitude commençant à se faire sentir, je traîne de plus en plus souvent à l’arrière et ce d’autant, que Jérôme semble vouloir accélérer le pas. Craint-il la pluie ? Sans doute et à juste raison, car le ciel se fait de plus en plus obscur et parfois quelques gouttes de pluie viennent rafraîchir mon crâne dégarni. Une fois encore et par chance, il faut bien le dire, nous enfilons nos ponchos bien inutilement car la pluie qui s’arrête aussi vite qu’elle est venue, semble avoir pitié de nous jusqu’au bout. Sur ce sentier muletier argileux et caillouteux et parfois même dallé de gros galets à l’approche d’Eus, nous avançons très péniblement. Le sentier mouillé est glissant à l’extrême et nous redoutons par dessus tout la chute qui pourrait mettre un terme définitif à cette balade prévue sur 5  jours. Ce serait quand même un comble de tomber à cause de la pluie dans le village considéré comme le plus ensoleillé de France ! De cette marche hésitante et prudente, il va en être ainsi jusqu’aux abords du plus beau village de France mais par bonheur nous y arrivons sans incident. Là, à, l’entrée d’Eus, nous cherchons un emplacement le plus confortable qu’il soit pour bivouaquer et passer une nuit la plus paisible possible. Ce n’est pas chose aisée tant la végétation est dense et le terrain très rocheux dans ce secteur. Nous finissons par trouver un emplacement presque idéal sous des chênes verts, au bord même du sentier mais suffisamment caché pour ne pas attirer les regards car le camping sauvage n’est peut être pas autorisé. Ici, en surplomb du petit Correc de Ribelles, il y a eu, de toute évidence et en des temps plus anciens, des cultures sur des terrasses bien planes et malgré une épaisse végétation, ça se voit encore. Nous sortons nos tentes que nous nous empressons de monter avant que la pluie n’entre dans la partie. Heureusement, une fois encore il n’en est rien et nous pouvons même nous reposer et manger très paisiblement sous un ciel qui commence d’ailleurs à s’éclaircir, aidé il est vrai par une « aimable » tramontane. Cette tramontane est pour moi synonyme de beau temps et comme j’ai commencé la journée en maugréant contre Météo France, je suis heureux de la terminer plus sereinement. Il faut dire qu’avec plus de 25 kilomètres dans les jambes, mes ardeurs sont moindres qu’au départ ce matin. Seuls deux espagnols plutôt criards et bizarres viennent troubler la quiétude de cette douce soirée. Criards car on les entends arriver du « diable Vauvert » et bizarres car un des deux hommes porte un matelas de 160 en guise de sac à dos. Sans doute, deux varappeurs car ce type de matelas sert en général à cette activité et à amortir le choc dans le cas d’une éventuelle chute. Mon MP3 sur les oreilles m’accompagne tard dans la soirée puis Morphée m’entraîne dans un sommeil profond et réparateur, indispensable à l’accomplissement d’une deuxième étape qui s’annonce bien plus rude et presque aussi longue que celle d’aujourd’hui. Les dernières pensées de cette journée me font simplement espérer un lendemain bien meilleur sur le plan météorologique car il faut bien l’avouer, marcher dans la grisaille ça n’a jamais été ma « tasse de thé » et cette première étape m’a vraiment laissé sur ma faim. Pour les panoramas et les découvertes, il sera nécessaire que je revienne. Alors en « vadrouille dans le fenouil » oui, mais en « vadrouille dans la grisouille » non ! 

 

Nota : Veuillez noter qu'à Eus, il existe désormais une possibilité d'hébergement pour les randonneurs. Il s'agit de la Casa Ilicia qui dispose de 4 chambres d'hôtes et de charme à des prix convenables (69 à 79 euros/la nuit) mais également avec des tarifs pour de petits groupes de 3 à 4 personnes (99 à 119 euros). Le lieu est assez magique et vous prendrez le petit déjeuner sur une superbe terrasse face au Canigou. Le rêve ! Pour accéder directement à leur site, cliquez ici.

Lien vers préambule 

Lien vers étape 2 

 

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Etape 2 - Eus - Sournia - 21 km

Publié le par gibirando

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2eme étape : Eus – Sournia

21 km - Dénivelé 732 m – Montées cumulées 1.310 m 

Point culminant 1.111 m après le col del Tribes.

 

-Une vadrouille mi-figue mi-citrouille.

 

Bien emmailloté dans mon sac de couchage, la nuit a été plutôt sereine. Seule une envie pressante m’a fait sortir de force de mon tiède cocon. Notre campement était faiblement éclairé par les lumières du village et du château tout proches qui parvenaient jusqu’à nous. La nuit était suffisamment claire et ma lampe torche inutile. J’ai donc pissé en levant les yeux au ciel pour constater qu’il était parfois très pur et le plus souvent très étoilé. Bizarrement, la tramontane que nous ne sentions nullement dans ce sous-bois poussait violemment de nombreux cumulus épars. Juste au dessus de ma tente et dans un minuscule coin de firmament formé par un petit puits de lumière qu’esquissaient les branches de quelques hauts chênes verts, j’apercevais les nuages qui glissaient vers le sud et disparaissaient aussi vite qu’ils apparaissaient. Il faisait frais mais pas froid et je me suis assis quelques instants à l’entrée de mon tube de toile à regarder ce petit bout de ciel mais le sommeil me gagna à nouveau très rapidement. Emprisonné dans mon duvet bien chaud, aucune berceuse ne fût nécessaire pour me rendormir et quand j’ai ouvert les yeux une nouvelle fois, j’avais l’impression que le jour était entrain de poindre. Il faisait beaucoup plus froid qu’au milieu de la nuit. Machinalement, je suis sorti de la tente en enfilant ma polaire et en prenant mon appareil photo. Mais il faisait encore très sombre et au milieu de cette ténébreuse végétation, je ne voyais aucun intérêt à prendre des photos. Alors, j’ai grimpé sur un haut rocher pensant que la vue serait sans doute un peu plus lointaine. Effectivement, dans un ciel bleu acier, je voyais au loin quelques collines sombres dont la faible lueur du jour commençant tout juste à poindre éclairait la longue ligne de crêtes.  Autour de moi, tout était noir, tel un abîme insondable et même en habituant mes yeux à l’obscurité, je ne pouvais qu’avec peine distinguer les élévations environnantes et les sinuosités du ruisseau de Ribelles. Cette nébulosité ambiante plutôt angoissante m’a incité à revenir vers le campement où, à ma grande surprise, j’ai constaté que Jérôme était déjà debout. Bien debout et parfaitement réveillé car en me voyant, il me demanda de me dépêcher un peu car il était déjà plus de 7 heures 30 passées et le rendez-vous fixé avec Dany pour la récupération des tentes et autres matériels inutiles était prévu dans une heure sur le parking à l’entrée d’Eus. De ce fait et à mon grand regret, le p’tit déj a été vite expédié. Nous avons plié le matériel et avons levé le camp en dix fois moins de temps qu’ils nous avaient fallu pour le monter. Bien que les nuages étaient encore très nombreux, ils filaient rapidement vers le sud et l’entrée dans le village s’effectua sous un ciel bleu très encourageant. A notre grande surprise, le pic du Canigou et quelques autres sommets alentours avaient connu dans la nuit leurs première chutes de neige, raison pour laquelle sans doute, le fond de l’air était plutôt très frais ce matin. Dany étant exacte à l’heure du rendez-vous, la priorité fut de nous débarrasser de nos tentes et du matériel devenu inutile. Ainsi délesté, je pensais que mon sac à dos s’allégerait un peu mais il n’en fut vraiment rien car la tente et le matériel de couchage furent remplacés par de nouvelles bouteilles d’eau et par de gros sachets contenant notre pique-nique pour aujourd’hui et quelques autres produits alimentaires pour les deux à trois jours à venir. De ce fait, au moment de quitter Dany et de redémarrer, je ne voyais à mon grand regret quasiment aucune différence dans le poids de mon chargement. Il était toujours aussi lourd mais la seule différence c’est que j’avais la certitude de ne pas mourir de faim ni de soif et surtout, je savais que mon sac à dos allait désormais s’alléger au fil de parcours selon mes exigences alimentaires. Vers 9h10, après avoir embrassé et remercié Dany, nous sommes repartis dans la direction où nous avions passé la nuit mais peu après le château, nous avons emprunté un étroit sentier qui, cette fois-ci, partait vers la gauche. A cette intersection, un panneau de bois indiquait Comes à 1h15. Pour y être venu avec Dany en mai 2009, je connaissais parfaitement ce sentier qui montait vers le hameau perdu de Comes et j’avais d’ailleurs inscrit cette jolie balade dans mon blog « Mes Belles Randonnées expliquées ». Jérôme me quitta quelques instants pour aller prendre de belles photos depuis un gros éperon rocheux qui s’avance en dominant magnifiquement le château et la cité ensoleillée. Je me suis mis en route car je savais qu’il n’aurait aucune peine à me rattraper.  Je pris ainsi un peu d’avance ce qui ne m’empêcha nullement de prendre moi aussi quelques jolies photos du Canigou enneigé et de la verdoyante Vallée de la Têt. Personnellement, tout en montant ce sentier qui domine un court instant le Correc de Ribelles, j’étais plus enclin à tenter de retrouver l’emplacement où nous avions passé la nuit mais je n’arrivais pas à retrouver l’endroit exact et je ne voyais qu’une végétation foisonnante et quelques blocs granitiques qui en émergeaient tels de gros champignons aux formes biscornues. Ici, après quelques cabanons planqués sous les pins et les mimosas, l’ancien chemin muletier très dallé par endroits s‘est transformé d’abord en une piste sableuse puis lorsque s’est présenté un premier raccourci, l’itinéraire est devenu carrément très caillouteux. On a longé des murets en pierres sèches encadrant d’anciens champs aujourd’hui entièrement supplantés par la végétation. On a croisé quelques petites zones boisées puis un étrange chêne en forme de chandelier a freiné nos ardeurs et a retenu l’attention de notre appareil photo. On n’a retrouvé les pavés du sentier muletier qu’à l’approche de Comes. Jusqu’à présent, ce temps très mitigé suffisait amplement à mon bonheur car il permettait d’embrasser quelques jolis panoramas. Mais le ciel semblait vouloir changer très vite au rythme d’une grosse brise soufflant de plus en plus en rafales. De gros nuages blancs arrivaient du nord-ouest et semblaient vouloir s’amonceler peu à peu au dessus de nos têtes. Alors ma crainte restait entière quand à une nouvelle mauvaise journée sur le plan météorologique. Je voyais le ciel s’assombrir du côté des massifs du Madres et du Coronat et je redoutais par-dessus tout ce mauvais temps qui semblait venir droit sur nous. En arrivant au hameau de Comes, je fulminais une nouvelle fois contre ces prévisions météo vraiment désastreuses et si erronées. Ces prévisions m’avaient annoncé un temps très ensoleillé et voilà qu’une nouvelle fois le temps semblait devenir carrément pourri. Il bruinait et Jérôme me proposa que l’on s’arrête un peu pour faire un break et manger quelque chose. En regardant ma montre, j’ai constaté que nous avions mis exactement 1h15 comme l’avait indiqué le panneau de bois au départ d’Eus. En raison du poids de mon sac et du dénivelé accompli, j’étais très satisfait et sans vraiment l’avouer à Jérôme, j’avais tendance à considérer ce délai comme une réelle performance personnelle. Mais pour être honnête aussi, mes pensées étaient réalistes et je savais que nous n’avions accompli qu’un court tronçon de cette longue étape. Non loin de l’entrée du hameau et à côté d’un oratoire, nous avons pris soin de nous adosser à un muret de pierres sèches bien à l’abri de cette brise qui arrivait du nord-nord ouest. Cette brise poussait parfois une brume humide et très basse qui passait au dessus de nous et descendait vers la vallée de la Têt. On est resté ainsi une bonne vingtaine de minutes à manger et à se reposer avant de repartir. Depuis 2009, je connaissais bien le village en ruines. L’église avait été restaurée et je savais que quelques maisons étaient également en cours de restauration mais j’avais cru comprendre que la plupart du temps, le hameau n’était habité que par un berger et son troupeau. Une fois encore, Jérôme fila sans trop s’attarder pendant qu’à l’arrière, je flânais prenant en photos le hameau qu’un arc-en-ciel couronnait magnifiquement. Malheureusement cet arc-en-ciel disparut aussi vite qu’il était apparu. Puis, sans doute désenchanté par cette grisaille, je me suis mis en quête de photographier tout ce qui était coloré mais il faut l’avouer il n’y avait pas grand-chose or mis quelques rares plantes encore fleuries en cette saison. Il y avait dans les prés quelques fleurs bleues des Chicorées amères (Cichorium intybus) et des Mauves musquées (Malva moschata) mais pour le reste ce n’était surtout que des plantes épineuses auxquelles il valait mieux éviter de se frotter du style chardons, panicauts, scolymes ou carlines. Il y avait aussi quelques voitures, elles aussi colorées, éparpillées deci delà dans la garrigue, mais elles n’attiraient pas spécialement le capteur de mon numérique car à vrai dire, je trouvais assez dommage tous ces tas de ferrailles dans ce secteur où les collines étaient plutôt d’un aspect sauvage. Comme je l’avais moi-même observé lors de mon précèdent passage, Jérôme me fit remarquer que la hameau ressemblait à un petit cass’auto tant il y avait de véhicules abandonnés de tous côtés. Nous avons laissé le hameau « sacrifié » en empruntant la piste terreuse et caillouteuse qui continuait de monter non sans avoir au préalable photographié la jolie église dédiée à Saint-Etienne. Elle se dressait si fièrement sur son petit dôme herbeux avec vue imprenable sur le Canigou que l’oublier nous aurait semblé être un sacrilège. La piste, elle, se poursuivait en longeant sur sa droite le profond ravin du Correc de la Font de l’Orri. Au dessus, le modeste pic de Bau (1.025 m) dominait le paysage, surmonté de son pylône émetteur TV. Après la piste puis un sévère raccourci très caillouteux et plein d’ornières car largement emprunté par les troupeaux, nous avons débouché sur l’asphalte de la D.619. J’avoue que j’étais assez content d’atteindre ce plateau et j’ai profité de cette aubaine pour reprendre mon souffle et quelques nouvelles photos. Mais cette satisfaction a été de courte durée car après avoir traversé la route et emprunté le bitume sur quelques mètres, le sentier est remonté presque aussitôt dans la continuité de la colline. D’abord à l’oblique et en balcon sur un très modeste glacis puis plus brutalement dès lors que l’on a atteint un nouveau petit ravin. Sans contexte, c’était là, la plus rude et la plus mauvaise sente que nous avions empruntée depuis le départ et Jérôme n’avait aucune peine à me distancer tant la déclivité était raide. De temps en temps, il m’attendait mais quand j’arrivais à sa hauteur, il repartait avant même que j’ai pu retrouver une respiration normale. Je ne disais rien car je savais qu’en randonnée, c’est une attitude assez machinale chez les gens qui marchent plus vite que d’autres et si cette fois j’étais derrière, Dany me reprochait assez souvent de faire de même quand je marchais avec elle. A un moment où nous avons fait une telle jonction, sans vraiment les avoir vu ou entendu arriver, nous avons été entourés d’innombrables chèvres et moutons. Ils en sortaient de tous côtés et au fur et à mesure que l’on grimpait, nous avions l’impression d’en faire déguerpir de nouveaux de chaque buisson. Ils ne semblaient pas effrayés le moins du monde et ils nous frôlaient à droite et à gauche. Comme cette vision toute proche d’animaux en liberté était plutôt agréable, on s’est mis à mitrailler chèvres et moutons avec vues sur l’immensité du vallon. Pour moi, c’était aussi une plaisante façon de faire un break dans cette difficile ascension. Mais trois gros patous nous avaient repérés au beau milieu de leur troupeau et ils se sont mis à aboyer hargneusement et autant le dire, nous n’en menions par large et nous n’étions pas vraiment rassurés quand à la conduite à adopter. Heureusement le berger n’était pas bien loin et veillait à la fois sur son troupeau mais aussi sur le comportement de ses chiens qui s’étaient positionnés en travers du sentier. Jérôme est passé près d’eux sans problème mais de mon côté, il me semblait préférable de m’arrêter pour raccourcir mon bâton télescopique avant de m’engager plus avant. Les chiens ont continuer à aboyer très méchamment sous le regard attentif du berger qui était à une bonne vingtaine de mètres. Je me demandais s’il serait à même d’intervenir au cas où un chien aurait eu la mauvaise idée de m’agresser ou plus simplement de me saisir un mollet. Le sentier était étroit et en croisant les trois molosses, j’ai senti leur souffle sur mes jambes mais tout s’est passé pour le mieux. Après cet épisode peu rassurant, la sente a continué à monter dans une garrigue typiquement méditerranéenne mais dans un décor de plus en plus rocheux. Ici, il y avait un itinéraire principal et de nombreuses caminoles tracées par les caprinés mais en raison même des nombreux rochers et de la végétation composée essentiellement de petits épineux et de d’arbustes ligneux, il était exclu de sortir du sentier principal pour prendre un éventuel raccourci. Tout en montant, nous avons constaté qu’une ou deux chèvres s’étaient carrément égarées dans cette garrigue très dense. Désormais, elles étaient loin du troupeau et leurs bêlements répétés et lancinants rompant le silence environnant avaient quelque chose de sinistre. A midi, nous n’étions pas au bout de nos peines, le col de Tribes n’était pas encore atteint mais l’appétit lui était déjà bien là. Alors, nous nous sommes arrêtés pour déjeuner au lieu-dit Roca Alta. Roca Alta est un amoncellement assez impressionnant de roches granitiques fissurées et parfois même clairement fracturées. Bien que le temps restait indécis et le plafond nuageux plutôt bas, nous avions de très jolies vues sur la vallée de la Têt, le Massif du Canigou et bien plus loin encore vers les premiers hauts sommets pyrénéens enneigés. Poussés par une bonne tramontane, de gros nuages gris et blancs passaient très vite et laissaient pendant quelques instants un ciel incroyablement bleu au dessus de nos têtes, puis soudain, les rayons du soleil déclinaient, ce bleu superbe disparaissait et nous étions entourés d’un épais et humide brouillard très opaque. Cette brume assombrissait le ravin, calfeutrait tous les paysages puis descendait rapidement en direction de la vallée. Pendant ces laps de temps, nous étions comme enveloppés dans un halo d’une vapeur humide et fraîche. Heureusement, ces brumes n’étaient que passagères et ne duraient jamais très longtemps. Quand nous avons quitté Roca Alta, le ciel s’était éclairci de nouveau. Le sentier montait en filant très légèrement vers l’ouest laissant entrevoir de très belles vues sur Prades et sur l’aride Pla de Balençou dont j’apercevais la piste que j’avais empruntée à quelques occasions et notamment lors de mon Tour du Coronat de 2007 pour une étape m’ayant mené du Refuge de Caillau à Llugols. Je tentais d’expliquer à Jérôme que nous avions également emprunté cette piste en commun lors d’une balade en VTT du col de Jau à Prades mais bien évidemment et de si loin, il éprouvait des difficultés à reconnaître les lieux.  Ici, tout autour du sentier, la végétation se faisait plus verdoyante avec de nombreuses fougères, des genêts à balais et des Séneçons du Cap encore bien fleuris. Les magmas rocheux semblaient de plus en plus nombreux et derrière l’un d’entre eux, nous avons eu la désagréable surprise de déloger deux petits cabris blancs qui semblaient perdus dans ce dédale de gros rochers et de garrigues touffues. Leurs bêlements ressemblaient à des plaintes d’enfants. De plus, ils avaient franchi une clôture de fils barbelés et semblaient dans l’impossibilité de revenir du bon côté. Voilà presque une heure que nous avions croisé le berger et son troupeau et Jérôme et moi, nous nous demandions si ces deux cabris arriveraient à les rejoindre et si non, quel serait leur destin. Pendant de longues minutes, j’ai bien cherché si une ouverture était praticable dans la clôture mais sauf à la casser et à faire acte de vandalisme, ce fut en vain. Nous avons été contraints de laisser les deux jolis cabris à leurs gémissements et à leur triste solitude et avons poursuivi le chemin en longeant cette clôture. Nous avons fini par atteindre le col de Tribes à 13 heures tapantes. Nous avons basculé de l’autre côté du col et avons débouché à proximité d’une piste avec désormais de belles vues sur le véritable pays des Fenouillèdes, les Corbières, la Vallée de la Désix et la forêt domaniale de Boucheville. Cette large piste venant de l’est était devant nous et il y en avait même quelques  autres qui descendaient droit devant dans le versant d’un petit ravin. Nous étions sur le point de rejoindre la piste la plus proche mais nous avons constaté que le balisage jaune et rouge du Tour du Fenouillèdes nous indiquait de poursuivre la clôture. Ce balisage nous a entraîné vers l’ouest dans un décor de plus en plus minéral. Ici, sur cette longue crête de collines que l’on appelle la Serre de Sournia, ce n’était que roches de tous côtés qui surgissaient d’une rase végétation soit sous forme de gros rochers épars et isolés soit sous forme d’empilements impressionnants. Au bout d’un moment, j’ai clairement reconnu un chaos granitique très particulier et bien plus imposant que les autres et je me souvenais très bien l’avoir déjà vu en photo sur Internet alors que je cherchais des renseignements et des photos sur le parcours du Tour de Fenouillèdes. Cet amas rocheux c’était la magnifique « cathédrale dite de Baptistin ». J’ignorais pourquoi on l’avait appelé ainsi mais au regard de ces rochers dressés tels des météores grecs ressemblant à des tours, la dénomination de cathédrale me paraissait assez bien appropriée. Peu après, nous avons rattrapé la piste aperçue au Col de Tribes. Croisant notre premier cortal en ruines, elle continuait toujours vers l’ouest alors que très clairement et tout au loin nous apercevions Sournia et ses carrières qui semblaient partir dans le sens opposé. Malgré le balisage et le parfait tracé inscrit dans nos GPS, cette incohérence nous a obligé à sortir une fois encore notre morceau de carte. Non, tout était bon et peu après, au lieu-dit « Rouyre de Salancas », l’itinéraire a clairement bifurqué vers le nord. Attiré par un cortal abandonné, j’ai vu une étrange gravure sculptée derrière un rocher. Cela ressemblait à ces visages stylisés que l’on rencontre parfois sur certains totems africains mais j’avais le sentiment que cette sculpture était plutôt récente car il n’y avait pas de lichens dans ses entailles. Plus tard en regardant la photo, j’y ai vu une tête de singe ou de lion selon la taille que je donnais à mon image. Pendant que j’observais cette gravure, Jérôme avait pris de l’avance, puis il avait tourné à droite à une intersection et avais poursuivi la piste qui maintenant descendait. Quand je suis revenu de mes découvertes, je le voyais au loin, en bas et sur ma droite. De ce fait, j’ai pris un raccourci qui m’a amené au bord d’une petite mare verdâtre qui semblait faire office d’heureuse source dans ce secteur de la montagne plutôt aride. L’eau était bien trop stagnante pour que je la goûte mais j’ai supposé que la toponymie « Salancas » que j’avais lu sur la carte avait un rapport avec cette mare probablement salée. Quand enfin, j’ai fini par rejoindre Jérôme, ce dernier avait déjà atteint une haute et monumentale ruine envahie par la végétation. Peu après, le sentier est entré dans une belle et vaste chênaie pour en ressortir au lieu-dit le Cortal Pélissier. Ici, le patronyme « Rouyre » signifiant « lieu planté de chênes » prenait une réelle justification. Au Cortal Pélissier, il y avait encore quelques grandes ruines deci delà et alors que tout semblait désert, nous avons constaté que la vie pastorale semblait encore présente car il y avait quelques vaches enfermées dans un enclos. Depuis ce matin et notre épisode avec le troupeau d’ovins et de caprins, c’était les premiers êtres vivants que nous côtoyons à nouveau. Mais ce n’était pas les derniers car peu après, nous avons pris un raccourci évitant quelques virages de la piste et nous sommes tombés nez à nez, d’abord avec une éphippigère des vignes puis avec une vipère aspic. L’éphippigère des vignes encore appelée « boudrague » ou « éphippigère porte-selle » est une étrange et grosse sauterelle munie d’un redoutable dard abdominal en forme d’épée et d’une carapace frontale si particulière ressemblant à une selle de cheval dont elle tire son nom provenant du latin « ephippium » ou du grec « ephippios  ». En ce qui concerne la vipère, celle-ci dormait au beau milieu du chemin au pied du Sarrat d’en Grau. Elle dormait si bien que sur le moment nous avons pensé qu’une voiture l’avait écrasée mais quand je me mis à la titiller du bout de mon bâton, elle s’est redressée d’un coup, ouvrant une gueule menaçante avec sa langue fourchue vibrant comme une corde de guitare. La surprise passée, elle a quitté le milieu de la piste pour se réfugier d’abord dans de hautes herbes puis sous des pierres où elle pensait être en sécurité. Mais comme nous voulions la prendre en photo et la poursuivions avec insistance, elle continuait à ouvrir une gueule impressionnante, menaçant de nous piquer et surtout de nous mordre de ses crochets venimeux. Mais nous avions atteint notre but, à savoir qu’elle ne reste pas au milieu de la piste au risque de se faire écraser par un véhicule, et nous l’avons laissé tranquille et avons poursuivi notre chemin. Au virage suivant, nous avons été instantanément arrêtés par la beauté du paysage, d’abord par un champ de fougères vertes et rousses qui descendait dans un petit vallon verdoyant puis un peu plus loin par un superbe arc-en-ciel qui se dessinait au dessus de Sournia. Je ne sais pas pourquoi mais ce magnifique arc-en-ciel me rappelait ces arches, désormais très souvent gonflables, que l’on aperçoit parfois lors d’arrivées de courses sportives et je me disais « tiens, le ciel a décidé de saluer notre arrivée à Sournia ! » et c’est sûr que l’on ne pouvait rêver plus bel « arc de triomphe ». Mais bousculé par une petite tramontane et une brume fugitive, cet arc-en-ciel avait un mal fou à se stabiliser. Il se dessinait puis disparaissait pour réapparaître quelques minutes plus tard et cet étrange manège a duré très longtemps et pratiquement jusqu’à notre arrivée à Sournia où le soleil a fait une apparition quasi définitive. Auparavant, sous un ciel très gris et menaçant, nous avons trouvé très fastidieuse cette longue piste. Heureusement, une fois encore, nous avons eu beaucoup de chance et très peu de pluie et par bonheur, au lieu-dit Garrabet, un agréable sentier a pris le relais de la piste terreuse et ennuyeuse. Cette sente a traversé de petits bois de feuillus et de jolis prés verdoyants plantés d’incroyables arbrisseaux de houx débordant de drupes rouges. Un joli mas était planté là au beau milieu de ce petit paradis perdu dans la montagne et nous avons quitté cet endroit presque à regrets pour retrouver une piste désormais sableuse. Au détour des virages, Sournia est apparu cerclé de son arc-en-ciel désormais plus net et plus magnifique que jamais. Bien que l’étape commençait à tirer en longueur dans nos mollets, la fin a été moins monotone que nous l’avions imaginé. D’abord parce que nous en avions terminé avec la partie la plus aride et la plus désertique de la « Serre de Sournia » et que nous marchions désormais dans des décors beaucoup plus variés et boisés et secundo car la piste filait très souvent en balcon avec de jolies panoramas sur des ravins et notamment sur celui verdoyant de la Désix. Le bourg de Sournia d’un côté et les habitations d’Arsa, de Courbous et de la Fargasse de l’autre signifiaient que l’itinéraire arrivait presque à son terme. Nous avons fini par atteindre l’ubac de cette belle forêt domaniale du Fenouillèdes dont la piste encadrée de beaux conifères filait elle aussi en balcon sur le vallon de la Désix. La vieille petite chapelle Saint-Michel est apparu un instant, enfouie dans la pinède et désormais Sournia se rapprochait très vite. Nous avons atteint le village au plus beau des endroits en bordure même d’un petit lac formé par les eaux cristallines de la Désix. Nous avons fait le tour de cette petite retenue, avons traversé le joli centre de vacances Le Moulin et avons monté de charmantes ruelles colorées et fleuries. Depuis l’ascension du col de Tribes, nous n’avions emprunté que des secteurs plats ou en descente et ces dernières petites montées tiraient bougrement dans nos jambes mais nous n’avions pas le choix car le but de cette dernière mais modeste grimpette était d’atteindre le Camping de la Source qui se trouvait dans le haut du village où j’avais réservé une nuitée. Au téléphone, la patronne m’avait fixé un prix m’indiquant simplement qu’il s’agirait soit d’un mobil-home soit d’un bungalow. Nous arrivâmes au camping à 17 heures. La gérante nous attendait et ce fut un bungalow au demeurant très spacieux et très confortable. Je l’avoue au tarif de 35 euros pour deux personnes, nous ne pouvions qu’être entièrement satisfaits car il y avait deux chambres avec des grands lits très confortables et il ne manquait rien à notre bien-être. Ce confort nous permettait de nous reposer un peu avant d’aller souper à l’excellente Auberge de Sournia où j’avais également réservé deux menus. Cette fin de journée et cette soirée ont été en tous points magiques et reposantes, elles contrastaient étonnamment avec le bivouac de hier soir où le temps incertain nous avaient contraint d’intégrer trop rapidement nos bulles de toile. Pour un prix somme toute correct de 19,50 euros par personne, le repas dans ce petit restaurant faisant partie du réseau des Toques Blanches du Roussillon a été raffiné et excellent. Nous nous sommes régalés avec un savoureux menu du terroir composé d’une excellente charcuterie de la Boulzane, d’une tendre et merveilleuse bavette des Fenouillèdes et de succulentes profiteroles spécialement conçues par le chef.  Je me retrouvais en tête à tête avec mon fils pour la première fois depuis très longtemps et cela m’emplissait de bonheur et j’osais déjà espérer que ce bonheur ne serait pas le seul au cours de ce périple. Et comme le dit si bien le proverbe, un bonheur n’arrivant jamais seul, la météo elle aussi s’annonçait plus favorable dès demain. Alors que demander de plus après cette journée où nous avions une fois encore évité la pluie mais qui, sur le plan météorologique, avait été tout de même une « vadrouille mi-figue mi-citrouille ». 

 

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